Entretien avec Torben Kuhlmann

Sous le Grand Arbre, nous sommes fans des albums de Torben Kuhlmann. Vous savez, ces récits incroyablement illustrés qui reviennent sur de prodigieuses avancées scientifiques en imaginant qu’elles ont été le fait de petites souris ! Nous leur avions consacrés une lecture commune. Si vous ne connaissez pas, vous devriez filer vers votre librairie ou votre médiathèque préférée sans tarder et découvrir ces livres hors-normes. Nous avons eu de vrais coups de cœur pour leurs pages pleines d’aventure et de mignonnerie, de voyage et de découvertes. Le 26 octobre paraît son nouvel album, La ville grise, pas de côté par rapport à la série des souris. L’occasion pour nous de mettre en avant cet auteur incontournable dans l’espace germanophone qui  n’est pas (encore !) aussi célèbre en France, et de lui poser toutes les questions que nous nous sommes toujours posés sur son travail. Interview !

Torben Kuhlmann. Source: son site Internet

Depuis quand écrivez-vous et dessinez-vous ?

Il n’est pas facile de répondre à cette question. La peinture et le dessin ont toujours été mes passe-temps favoris. Dès l’âge de deux ou trois ans, c’est avec des crayons et du papier que je pouvais le mieux m’occuper. Tout ce qui m’intéressait dans le monde était dessiné et étudié par la même occasion. Il a toujours été important pour moi de raconter des histoires avec mes dessins. L’écriture est venue en plus à l’adolescence. Je ne suis toutefois devenu auteur aux yeux du public qu’avec mon premier ouvrage, Lindbergh.

Lindbergh. La fabuleuse aventure d’une souris volante, Torben Kuhlmann. NordSud, 2014

Dans votre livre Einstein, vous citez le physicien qui a affirmé que  « l’imagination est plus importante que le savoir, car le savoir est limité ». Vos albums ne suggèrent-ils pas qu’on aurait bien tort d’opposer les deux ?

Effectivement ! Je ne crois pas non plus qu’Albert Einstein nous impose ici de choisir : la connaissance ou l’imagination. Mais les connaissances sont souvent une source, une inspiration fantastique pour nourrir son imagination. Et Einstein lui-même a utilisé son imagination pour se représenter les problèmes les plus complexes sous la forme de scénarios intelligibles. Il s’agit de ses célèbres expériences de pensées. Il aspirait, en pensée, à devenir des gens qui tombaient de toits ou des scientifiques propulsés dans l’espace dans un ascenseur. C’est ce qui l’a mis sur la piste des secrets de la pesanteur. La question : « Et si… ? » se trouve au fondement de mes histoires de souris. La curiosité scientifique est toujours l’élément déclencheur de l’aventure à venir.

Comment en êtes-vous venu à raconter des épopées scientifiques et pourquoi le choix étonnant de les raconter de la perspective de petites souris ?

Le choix d’une souris comme protagoniste s’est fait tout naturellement. Mon premier livre a découlé d’une petite idée : une souris découvre l’existence des chauve-souris et développe l’envie d’apprendre à voler. Le choix d’une souris s’imposait donc. Ce point de départ m’a aussi permis d’intégrer mon propre intérêt pour le thème de l’aviation. La souris parcourt l’histoire de l’aviation en mode accéléré – du deltaplane à l’avion à moteur. Pour le deuxième tome, il fallait à nouveau une souris comme personnage principal : ici, les souris prennent la lune pour un fromage et une souris pleine d’ambition scientifique souhaite réfuter cette idée. En outre, j’aime raconter mes histoires d’une perspective inhabituelle et leur donner une touche de crédibilité. Ainsi, mes livres font fréquemment référence à des événements réels et les événements et inventions fantastiques doivent sembler au moins un peu crédibles.

Les références au monde de la science qui fourmillent dans vos pages – titres de journaux et de livres, photographies, plans de prototypes etc. – donnent l’impression que vous vous documentez beaucoup. Comment procédez-vous ? Et comment avez-vous choisi quelles découvertes scientifiques raconter ?

Chaque projet commence par des recherches. Le travail autour d’une aventure de souris débute par l’exploration de livres et de collections de photos. Cela me permet de développer un sens de l’esthétique de l’époque dans laquelle se déroule l’histoire. Et en même temps, je deviens un expert du thème en question. Le choix des scientifiques qui donnent leur nom aux histoires – de Lindbergh à Einstein – s’est fait tout naturellement. En général, les personnalités historiques potentielles se décantent rapidement lorsque l’intrigue prend forme. L’histoire de Lindbergh a par exemple commencé comme le simple récit d’une souris qui apprend à voler. Au fil de l’histoire, la traversée de l’Atlantique a pris de plus en plus d’importance. Lorsqu’à la fin, l’apparition du jeune Charles Lindbergh s’est également imposée, le livre avait trouvé son titre définitif.

Armstrong, l’extraordinaire voyage d’une souris sur la Lune, Toben Kuhlmann, NordSud, 2016.

Vos albums racontent très bien la démarche scientifique – questionnements, élaboration d’hypothèses et d’un protocole, erreurs et tâtonnements… Cela donnerait presque envie de se lancer dans ses propres expérimentations ! Diriez-vous qu’on peut faire un parallèle avec la création littéraire ?

Cette démarche scientifique est jubilatoire. Se donner un objectif et tout mettre en œuvre pour l’atteindre. Il ne faut pas se laisser décourager par des revers occasionnels. Au début d’une histoire, mes souris sont souvent confrontées à des obstacles qui semblent insurmontables et la taille de ces obstacles rend leur réussite d’autant plus gratifiante. J’espère que c’est un message que mes jeunes lectrices et lecteurs retiendront de mes livres. C’est aussi un message que je dois parfois me rappeler moi-même lorsque je crée des livres. Chaque nouveau livre est d’abord un énorme défi. Il faut imaginer toute une histoire et l’illustrer, souvent sur plus de cent pages. Au début, le doute s’immisce souvent: vais-je y parvenir ? Mais j’essaie de me motiver en pensant aux aventures précédentes des souris. Et oui, on ne peut pas nier qu’il y a un certain parallèle avec le principe scientifique. Au départ il y a un objectif, le livre terminé, et le chemin pour y parvenir est jalonné d’expériences variées – qu’il s’agisse du texte ou des images. Parfois, l’une de ces expériences ne fonctionne pas et il faut trouver une approche complètement différente. Dans cette situation, j’applique la règle : ne surtout pas abandonner et s’efforcer de ne pas perdre de vue l’objectif.

Comment s’est construit votre univers graphique vintage et décalé ? Avez-vous eu des influences particulières ?

La liste des influences est longue. Il y a toute une série d’artistes qui m’ont marqué au fil des ans : Claude Monet, Casper David Friedrich, William Turner ou John Singer Sargent. Et ce n’est là qu’une petite sélection de noms de l’histoire de l’art. S’y ajoutent tout un ensemble de cinéastes. Le cinéma a en effet toujours été une grande source d’inspiration pour moi.

Mon style a fini par se développer presque automatiquement dans cette direction, au fil des années. Très tôt, j’ai pris un grand plaisir à travailler avec des couleurs aquarelles. D’un autre côté, j’ai toujours aimé dessiner avec différents crayons. À un moment donné, j’ai combiné dessin et aquarelle. Cette combinaison a quelque chose de très classique qui rappelle les illustrations à l’ancienne. Ma préférence pour les palettes de couleurs réduites et le fait que j’aime donner à mes images une légère teinte sépia renforce encore ce côté vintage.

Edison, La fascinante plongée d’une souris au fond de l’océan, Torben Kuhlmann,
NordSud, 2019.

Qu’est-ce qui fait un bon album selon vous ?

Un bon album doit, selon moi, répondre à trois critères : un style accrocheur, une mise en scène parfaitement maîtrisée et un soupçon de noirceur. Pour mes propres livres, je trouve aussi très important de toujours prendre mes lecteurs-cibles au sérieux et de les respecter. Rien ne doit être trop complaisant ou superficiel. Moi-même, je suis toujours étonné de voir tout ce que les enfants découvrent dans mes livres – aussi bien dans les illustrations que dans les histoires – et combien ils enrichissent mes histoires par leur propre imagination.

Presque tous vos livres se situent à la charnière entre album et roman, avec un texte relativement long indissociable des illustrations qui prolongent l’écrit et prennent même parfois le pas. Merveilleux pour les enfants qui aiment se plonger dans des textes longs sans pour autant avoir perdu le goût des albums illustrés, mais plutôt rare ! Comment en êtes-vous venu à cette forme ? Comment ont réagi les éditeurs ?

J’ai développé cette approche de la narration pendant mes études. Pour mon mémoire, je voulais étudier les différentes formes d’un récit et j’ai mis l’accent sur l’interaction entre le texte et l’image. C’est ainsi que la première version de mon album Lindbergh a vu le jour, dans le cadre de ce travail de fin d’études. L’objectif était d’explorer les différentes possibilités dramaturgiques d’un livre. Certaines choses devaient être racontées seulement au niveau de l’image, d’autres ne devaient être mentionnées qu’au niveau du texte. J’ai même conçu le moment de tourner la page comme un moment dramaturgique. Le texte et l’image peuvent créer ensemble une tension et une attente. L’idéal est que l’on brûle de tourner la page pour savoir comment ça continue.  

Les premiers éditeurs avec lesquels j’ai parlé, peu après mes études, se sont montrés un peu sceptiques à l’égard de mon histoire. Forcément, Lindbergh faisait un peu voler en éclats les conventions d’un livre pour enfants. L’histoire avait entre-temps atteint les 96 pages et sa palette de couleurs et son esthétique étaient complètement atypiques pour un album. La maison d’édition Nord-Sud et son éditeur Herwig Bitsche ne partagèrent toutefois pas ces réticences et furent tout de suite d’accord avec mes réflexions. Heureusement que nos chemins se sont croisés.

La ville grise, de Torben Kuhlamnn. NordSud, 2023.

Comment présenteriez-vous votre nouvel album, La ville grise, qui semble assez différent des précédents ?

La différence la plus frappante est certainement que cette fois-ci, je ne raconte pas l’histoire d’une souris. En effet, les animaux ne jouent qu’un rôle très secondaire. Je raconte l’histoire d’une petite fille qui se retrouve dans un monde gris oppressant et un peu étrange. L’histoire peut, cette fois, être racontée avec plus de mots. Dès le début, j’avais en tête une histoire courte ou une nouvelle qui serait enrichie de nombreuses illustrations. Le texte et l’image interagissent un peu différemment. Les illustrations ont plus la fonction de créer une atmosphère et le texte raconte l’histoire de manière tout à fait classique. Mais il y a une similitude avec mes aventures de souris : la détermination de la protagoniste à ne pas se résigner et à remettre en question le monde gris. Et la solution finira, ici encore, par venir des sciences.

Qu’est-ce que cela représente pour vous d’être traduit dans de nombreuses langues ? Êtes-vous impliqué dans ce processus, partez-vous à la rencontre de vos lecteurs non-germanophones ?

Cela fait incroyablement plaisir de voir que mes livres soient si bien accueillis non seulement en Allemagne, mais aussi pratiquement partout dans le monde. Je n’aurais jamais imaginé que cela soit possible. Au départ, je n’étais même pas sûr qu’il se trouverait un éditeur dans mon pays pour mes aventures de souris. Quelques années plus tard, Lingbergh est soudain disponible dans plus de 30 langues. Cela m’a donné l’occasion merveilleuse de rencontrer des lectrices et des lecteurs du monde entier. J’en suis incroyablement reconnaissant.

Je ne suis impliqué que sporadiquement dans les processus de localisation et de traduction. Dans mes livres, j’ai cependant souvent des textes intégrés dans les illustrations. Certains éditeurs de licences les retouchent eux-mêmes, parfois j’interviens moi-même ou je fournis au moins un modèle. Pour La ville grise, j’ai par exemple créé un alphabet avec des lettres dessinées. Celui-ci permet d’adapter plus facilement les illustrations représentant des textes.

J’espère que mes livres continueront de m’offrir l’occasion de visiter d’autres pays et de rencontrer les lectrices et lecteurs de là-bas.

(traduction de l‘allemand : Isabelle)

Photo de l’album Edison, Torben Kuhlmann, NordSud, 2019.

Un grand merci à Torben Kuhlmann d’avoir accepté de répondre avec autant de générosité à nos questions et à son éditeur suisse de nous avoir mis en contact ! Nous espérons vous avoir donné envie de découvrir les histoires de souris et La ville grise qui paraît donc le 26 octobre chez Nord-Sud. Il se pourrait même qu’on en parle bientôt par ici…

Entretien avec Annelise Heurtier

Sous le Grand Arbre, nous apprécions beaucoup les romans d’Annelise Heurtier. Ils figurent d’ailleurs régulièrement dans nos coups de cœur ou nos sélections thématiques. Qu’elle nous fasse voyager dans le temps ou dans l’espace, les thématiques qu’elle aborde nous touchent. Et vous aussi, puisqu’elle a reçu le prix ALODGA 2019 catégorie « Belles branches » pour La fille d’Avril !
Aussi, c’est avec un immense plaisir que nous la voyons aujourd’hui répondre à nos questions.

Annelise Heurtier au salon du livre de Tahiti.

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Pensez-vous qu’il y a des impératifs particuliers ou des écueils à éviter lorsque l’on écrit pour la jeunesse ?

Je crois qu’il faut déjà distinguer deux types de littérature « jeunesse », celle qui s’adresse aux enfants et celle qui est destinée aux ados.
Dans le premier cas, mon processus d’écriture est moins spontané, moins fluide, car je dois m’adapter à mon lecteur. On n’écrit évidemment pas pour un enfant de 8 ans comme pour un ado de 15. Et je trouve d’ailleurs qu’il est bien plus délicat de s’adresser aux enfants (on pense à la fameuse phrase de Janusz Korczak). Il faut maintenir le niveau d’attention, utiliser un vocabulaire adapté – ce qui ne veut pas dire « simplifier », pour moi la lecture est un media essentiel pour enrichir le vocabulaire et la syntaxe – , rester dans l’action. Je crois qu’il est aussi essentiel de ne pas être trop abstrait tant que l’enfant n’a pas acquis la faculté correspondante (autour de 7 ans), sinon il passera complètement à côté.
Sur le fond, je ne pense pas qu’il existe de sujets vraiment interdits. Par contre, le traitement va être adapté. Mais tout est une question de bon sens.

Dans le cas de la littérature ado, je ne vois pas une grande différence avec la littérature générale, en tous cas au niveau de la forme. Après – mais là encore il s’agit d’une opinion personnelle – le seul impératif que je me fixe concerne le fond. Dans un roman pour ado, je crois qu’il faut toujours une dose d’espoir, quel que soit le sujet abordé. Par exemple, si j’avais écrit Refuges en littérature générale, peut-être qu’aucun de mes personnages n’aurait survécu à la traversée. En l’occurrence, dans le dernier chapitre, c’est un enfant à naitre dont on entend la voix, dans le ventre de sa mère.
Nous sommes nombreux, en tant qu’adultes, à être un peu désabusés par le monde dans lequel on vit, et/ou par nous-mêmes. Les ados auront bien le temps de s’en rendre compte, ne les pressons pas sur cette pente-là.

Refuges, Annelise Heurtier, Casterman, 2015.

Vos romans intègrent souvent des éléments historiques ou géographiques très précis. Ces éléments découlent-ils de l’histoire, ou l’intrigue peut-elle survenir de l’envie d’aborder un fait historique ou une région du monde ?

Plutôt la deuxième option ! En général, l’idée débute avec un fait (c’est le cas pour Des sauvages et des hommes, Le carnet rouge, Chère Fubuki Katana, La fille d’avril) ou une région du monde / une période en particulier (Là où naissent les nuages, Sweet Sixteen) qui m’interpellent en tant que personne. C’est toujours de cette façon que cela commence pour moi : une émotion.

Une fois l’émotion transformée en projet d’écriture, comment travaillez-vous sur de tels faits ? Laissez-vous libre cours à votre imagination ou vous appuyez-vous sur des recherches ?

Proposer ce genre de romans implique nécessairement un lourd travail de documentation, qu’il s’agisse de témoigner d’une histoire ayant vraiment eu lieu (Sweet Sixteen, Des sauvages et des hommes) ou de simplement de s’inspirer d’un endroit, d’un fait existant (par exemple les agences de location et les Burakumin du Japon pour Chère Fubuki Katana ou l’interdiction de faire de la course à pied pour les femmes des années 60 pour La fille d’avril).
Le deuxième cas est plus confortable que le premier, car il n’y a pas la crainte de trahir involontairement la réalité. Ce devoir d’honnêteté envers le lecteur est primordial pour moi, il faut que je puisse lui apporter l’assurance que les écarts romanesques que je prends ne sont finalement « qu’anecdotiques ». Ce que je veux pouvoir garantir, c’est que l’histoire aurait pu se dérouler de cette façon, car le contexte, les modes de pensées sont fidèles à la réalité. Au-delà de destinées particulières, je dépeins des époques, des modes de vie, des systèmes de pensée parfois très éloignés des nôtres, et ce sont précisément ces confrontations que je trouve intéressantes.
Cette phase de recherches peut durer jusqu’à plusieurs années et se base sur l’exploitation de ressources multiples : romans, essais, films, documentaires, carnet de voyage. Quand cela est possible je réalise des interviews. Cela s’apparente un peu à un travail de journaliste, finalement. Et cela me passionne !

Vos romans sur les « Little Rock Nine » ou les néocalédoniens exposés dans des zoos humains en France au XXe siècle adoptent la perspective de minorités auxquelles vous n’appartenez pas. Que pensez-vous des débats autour de l’idée d’appropriation culturelle ?

J’aime à penser que tous les avis sont légitimes tant qu’ils sont exprimés dans le respect, la bienveillance et la bonne foi, or j’ai l’impression que ce n’est pas toujours le cas. Cela m’attriste d’autant que je comprends et je respecte cette envie d’aller vers davantage de représentativité.
En ce qui concerne les deux romans que vous citez, j’ai pu lire quelques chroniques qui sont plus dans l’agression que dans la discussion et la progression. Et puis je relève parfois ce que je considère comme des non-sens.
On me reproche par exemple le « white-saviorism » dont feraient montre ces romans.
J’ai expliqué plus haut que je me fixe pour objectif de dépeindre une époque et un contexte avec le plus de fidélité possible. Or justement, pour ces deux romans, malheureusement, l’oppression et le système étaient tels que cela pouvait difficilement se passer autrement que comme je le décris. Les kanaks de Des sauvages et des hommes auraient difficilement pu s’en tirer seuls. Ils n’avaient aucune latitude d’action. On les a manipulés, on leur a fait peur, en leur rappelant qu’ils n’étaient pas citoyens et qu’ils n’avaient aucun droit. Et que s’ils protestaient de quelque façon que ce soit, ils couraient le risque d’être emprisonnés et de ne jamais revoir leur ile…Sans compter le fait que c’était la première fois qu’ils quittaient la Calédonie et qu’ils se retrouvaient propulsés dans cette immense capitale où tout leur était absolument étranger.  
Au final, je trouve que reprocher ce « white- saviorism » serait comme reprocher à un roman qui se déroule dans les années 50 d’être patriarcal…C’est à l’époque, à l’Histoire qu’on peut reprocher quelque chose. Pas aux romans qui le dénoncent.
 On m’accuse également d’ « empêcher les personnes concernées de parler ». Je n’empêche personne de s’exprimer sur quelque sujet que ce soit. Même si je le souhaitais, comment le pourrais-je ? Il y a de la place pour tout le monde. Tout le monde peut écrire et envoyer son manuscrit, d’autant qu’il existe aujourd’hui une réelle volonté de la part des éditeurs de donner la parole à des minorités sous-représentées.  
Par ailleurs, que signifie ce mot, « concerné » ?
Pour Sweet Sixteen, les seules personnes réellement concernées sont les Neuf de Little Rock, et certains ont écrit leur biographie. Il existe par ailleurs un très grand nombre de livres ou d’essais (en langue anglaise) sur le sujet. Je n’ai donc rien empêché du tout, et je ne crois pas que ce soit une mauvaise chose que d’avoir voulu faire connaître cette histoire de ce coté de l’Atlantique. On a toujours à apprendre du passé, ne serait-ce que pour analyser le présent à la lumière de ce qui s’est produit avant.
Par ailleurs, cette notion d’être « concerné » ou pas me semble dangereuse. En compartimentant, en séparant, elle me semble recréer ce contre quoi elle veut lutter.
Tout cela me peine, car personnellement c’est en tant qu’être humain que je me sens concernée.
Je me sens concernée par ce qui ne tourne pas rond dans ce monde et je ne crois pas que quelque caractéristique que ce soit m’empêche d’être en empathie avec ceux qui souffrent. Je ne prétendrai jamais ressentir toutes ces souffrances car je ne les vis pas, mais j’ai le droit de dire qu’elles me font mal. Je suis consciente d’être privilégiée alors que je n’ai rien fait pour cela (connaissez vous la sublime chanson de Clarika, Tu l’as bien mérité ?) et ma manière à moi de lutter contre cette culpabilité est sûrement de faire ce que je peux, avec mes moyens à moi.
Je crois que si on veut défendre les minorités oppressées, il serait plus judicieux de s’attaquer aux oppresseurs… et pas à ceux qui essayent, imparfaitement ou maladroitement peut-être, de les défendre. A fortiori quand ces minorités n’ont même pas la possibilité de s’exprimer ! En attendant qu’elles le puissent, ou pour qu’elles le puissent un jour, il est sûrement heureux que d’autres les aident en faisant connaître ce qu’elles subissent.

Je finirai en évoquant deux beaux souvenirs.   
D’abord avec Des sauvages et des hommes. Lors d’un récent voyage en Polynésie, une jeune fille kanak est venue me voir pour me remercier de l’avoir écrit. Elle était touchée que quelqu’un s’intéresse à l’histoire de son peuple et dénonce ce que l’état colonial y a fait. Elle était également heureuse que l’on parle de son île de cette façon-là, en en montrant la richesse et la complexité de la culture.
Pour Sweet Sixteen ensuite. Il y a quelques années, une jeune fille a expliqué à la fin d’une rencontre scolaire que ce livre avait changé sa vie. Parce qu’elle avait grandi dans un milieu raciste et qu’elle, « naturellement », avait embrassé les idées de sa famille. Mais que ce roman avait fait voler en éclats ces certitudes. Et qu’elle savait que désormais, elle ne serait plus jamais raciste de toute sa vie.
N’est ce pas incroyable ? Si ce livre a pu changer le parcours d’une seule personne, je suis heureuse de l’avoir écrit.
Mais il est clair que ces accusations me peinent. Si je veux voir le côté positif, elles me permettent également d’apprendre en me faisant me poser des questions.

Vous avez également pris l’initiative d’adapter sous forme d’albums illustrés des textes classiques de Guy de Maupassant (La Parure) ou de Léon Tolstoï (Combien de terre faut-il à un homme ?) Quelle idée originale ! Comment vous est-elle venue ?

J’adore ce genre de littérature, surtout les romans et nouvelles réalistes du 19e. Je crois qu’aujourd’hui encore c’est la littérature que je préfère, et c’est peut-être la raison pour laquelle mes romans sont de facture assez classique.
Il y a quelques années, quand j’ai découvert Combien de terre faut-il à un homme, je me suis dit qu’il était trop dommage que l’objet- livre soit si austère (police minuscule, papier très fin, recueil comprenant beaucoup de nouvelles). J’ai donc pensé à l’adapter en album.
Deux ans plus tard, la même nouvelle est sortie en version BD, rayon littérature générale. Le succès a été fulgurant. Je me rappelle avoir été navrée du fait que dans les médias, les journalistes s’accordent tous à saluer l’auteur pour avoir eu l’idée géniale de sortir cette nouvelle de son triste habit… alors que nous l’avions fait 2 ou 3 ans auparavant. Mais c’est souvent ainsi, la littérature dite de jeunesse est encore trop méprisée, et peut-être encore davantage dans le milieu littéraire lui-même (mais cela change un peu !).

A propos de la littérature justement, nous serions très curieuses d’en savoir plus sur la manière dont vous travaillez concrètement. Avez-vous des rituels d’écriture ? Des horaires définis ? Travaillez-vous généralement sur un seul projet ou vous arrive-t-il d’en développer plusieurs en même temps ?

Je n’ai pas vraiment de rituel et je passe souvent de longs mois sans rien écrire. Je mène un seul projet de roman à la fois, entre les recherches documentaires et l’impact psychologique qu’ont les personnages sur moi, je ne peux pas faire autrement. Par contre, si les projets sont moins engageants (albums ou romans première lecture), je peux en mener plusieurs de front.
J’ai souvent l’impression que je suis moins productive que d’autres mais je ne me sens pas capable d’écrire davantage. Et j’ai besoin de faire d’autres activités, ce qui n’arrange pas ce syndrome de l’imposteur : du yoga, de la cuisine, de la course à pied…

Travaillez-vous avec un plan de votre roman ?

Je ne commence jamais à me lancer dans l’écriture si je n’ai pas l’architecture de mon texte. Ce n’est pas un plan détaillé, d’ailleurs souvent il n’est même pas rédigé, mais il faut qu’il existe dans ma tête. Je sais d’où je pars, je sais où je dois arriver, ce que je veux « résoudre », ce dont je veux parler. Je connais aussi la personnalité des protagonistes avant de commencer. Pour moi c’est indispensable, car à chaque fois que je dois commencer un nouveau roman, je suis très inquiète à l’idée de ne pas y parvenir. Avoir un fil conducteur est primordial, c’est une sorte de fil d’Ariane.

Peut-être est-ce grâce à ce fil d’Ariane, mais nous trouvons que vous avez toujours le ton juste entre le sujet abordé et la manière dont vous le traitez. Comment arrivez-vous à cet équilibre ?

Merci beaucoup ! Mais je n’en sais rien du tout 😊

Vous collaborez avec différents éditeurs. Savez-vous dès l’écriture que votre roman conviendra plus à l’un ou à l’autre ? Vous arrive-t-il de répondre à des commandes de leur part ?

C’est plutôt une question de genre, finalement. Par exemple, pour l’instant en tous cas, je ne vais pas publier des romans ado chez deux éditeurs différents. Au niveau des albums mes éditeurs sont en effet plus variés, même si j’essaie de limiter l’éparpillement. Par contre il est clair que certaines maisons ont des lignes éditoriales bien spécifiques, et que tous les textes ne conviennent pas à toutes. Je ne réponds pas souvent aux commandes, à part pour la presse. J’ai besoin d’être passionnée par un sujet pour m’en  emparer, d’avoir été émue ou puissamment interpellée. S’il ne vient pas de moi, c’est compliqué.

Lisez-vous les critiques de vos romans ? Êtes-vous plus attentive aux retours de la presse ou à ceux des lecteurs ?

Oui, je les lis, cela m’intéresse d’avoir les retours des lecteurs. Pour moi tous les avis sont légitimes, car on a tous des vécus, des personnalités, des goûts différents qui font que l’on va aimer un texte ou non. Et je trouve ce façonnage très intéressant.
Je ne prends jamais ombrage des avis négatifs, tant qu’ils ne sont pas de mauvaise foi et qu’ils se basent sur une lecture effective (il y a parfois des personnes qui commentent sans avoir lu le livre). A l’inverse, ils me font avancer sur mon propre chemin et ma connaissance de l’autre.

Avez-vous un droit de regard sur vos couvertures ?

Cela dépend des éditeurs. Certains vous y associent vraiment, d’autres moins ou même pas du tout. Je me souviens en particulier d’une couverture que je n’avais pas aimée, mais que je n’ai pas pu faire changer. C’est difficile à accepter, car la couverture est primordiale, c’est ce que l’on voit en premier de l’objet-livre… et quand elle ne vous semble pas adaptée à ce qu’il y a à l’intérieur, c’est un peu rageant et frustrant.
Il y a aussi les quatrièmes de couverture qui à elles seules peuvent faire plonger un roman ! Pour moi, ces aspects marketing ne sont pas vulgaires et j’aime en discuter avec les élèves que je rencontre. Ils sont toujours très intéressés quand je leur montre les couvertures de mes romans traduits. Elles nous permettent de nous interroger sur les différents choix éditoriaux qu’il est possible de faire et ce qu’ils révèlent d’une culture, par exemple.

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Un grand merci à Annelise Heurtier pour sa gentillesse et sa disponibilité ! Nous espérons vous avoir donné envie de (re)découvrir ses romans.
En attendant, vous pouvez retrouver son blog ICI et les différents articles où nous avons évoqué son travail LA.

Entretien avec Gaël Aymon

Auteur jeunesse prolifique (38 romans et albums parus depuis qu’il s’est lancé dans l’écriture en 2010 !), et passionné par les contes, Gaël Aymon s’attache à malmener les stéréotypes et à garder une porte ouverte sur l’inconscient.

Il a gentiment accepté de répondre à nos questions. Voici ses réponses !

Gaël Aymon, photo d’Emilie Hautier. Source : gaelaymon.com

Félicitations pour votre nomination au prix Astrid Lindgren ! Quel effet cela fait-il de se retrouver en lice pour ce prix, considéré comme le « Nobel de la littérature jeunesse » ?

J’en suis autant surpris que flatté. Même si les prix ne sont pas forcément synonymes de valeur, et bien que je n’ai pas l’esprit de compétition, cette sélection me touche.

Vous avez exercé d’autres métiers artistiques avant d’écrire pour la jeunesse : ont-ils eu une influence sur votre écriture, les thèmes que vous abordez ?

Sans doute mais ces vies antérieures sont de plus en plus anciennes ! On me parle souvent d’une écriture qui serait cinématographique, elle vient peut-être de mon expérience dans l’audiovisuel. De la même façon, l’immersion dans la psychologie, les pensées de mes personnages, tient peut-être à mon passé d’acteur. Mais ça pourrait être aussi l’inverse : tout cela était déjà là avant, et s’exprime simplement par des vecteurs différents.

Vous êtes un « auteur Babelio », quelle utilité a ce site pour vous ? Trouvez-vous important de lire des avis de lecteurs ?

Je ne savais pas que j’étais cela ! Être seul face à son manuscrit sans retours est assez angoissant. Ces avis sont précieux. Mais je sais aussi qu’ils en disent souvent plus sur les lecteur·rice·s que sur ce que j’ai voulu écrire. Les critiques positives, celles qui donnent le sentiment d’avoir été « entendu », d’avoir touché une sorte de famille, de communauté d’esprits, font toujours du bien et rassurent.

Vous rencontrez souvent vos jeunes lectrices et vos jeunes lecteurs : pourriez-vous nous raconter une de vos belles rencontres ?

J’en ai fait tellement que ça devient difficile d’en citer une ! Il y a tant de moments suspendus. Des rencontres de classes incroyablement éveillées, pas forcément au sens scolaire, avec de vraies réflexions, des débats, des échanges. Ou des élèves qu’on vous dit « très difficiles », et qui se transforment devant leur professeurs pour vous dire combien votre livre leur a plu, que c’est le premier livre qu’ils lisent vraiment. Une rencontre en prison avec des garçons de 15 ans bienveillants et touchants, ou des lycées professionnels, des Ulis qui vous sont reconnaissants de venir juste pour eux, des enseignant·e·s incroyables de foi et d’investissement… Bref, toutes les rencontres qui donnent leur sens à notre présence et qui nous confirment qu’on n’écrit vraiment pas pour la jeunesse par hasard ni pour rien.

Beaucoup de vos livres sont illustrés : comment travaillez-vous avec les artistes qui illustrent vos textes ?

Assez peu. Je valide le choix de l’équipe éditoriale, mon texte déjà finalisé. Je suis l’avancée par étapes et donne peu mon opinion. Je vois cela davantage comme le travail sur un film, où chaque corps de métier, réalisation, montage, montage son… apporte sa part pour créer l’œuvre finale, chorale. Et j’aime aussi la surprise de découvrir de quelle façon des artistes se sont emparés de mon texte. C’est presque une joie d’enfant.

Quels sont vos projets à paraître ?

Je publie de moins en moins, car je m’attaque à des romans de plus en plus conséquents et demandant de plus en plus de travail de recherches en amont. Mi-2023, ce sera un nouveau thriller ados-jeunes adultes contemporain, assez sombre, psychologique, chez Nathan. Un projet que j’ai porté près de 20 ans ! L’année suivante, ce sera un roman plus long, qui me demande un travail historique énorme mais dont je ne dirai rien de plus pour le moment.

Les contes tiennent une place importante dans votre œuvre. Est-ce pour le caractère merveilleux ? Les références qui parlent immédiatement aux lecteurs ? Quel est votre rapport à ces récits fondateurs ? Quel est votre conte préféré ?

C’est parce que je les ai toujours aimés, qu’ils constituent un des socles de mon imaginaire et de ma psyché. Ils sont communs à l’humanité entière et échappent en même temps à toute analyse excessive, à toute explication réductrice. Leur force et leur longévité résident dans ce mystère qui ne parle qu’à l’inconscient. J’en ai lu tant, dans tant de versions différentes que je n’ai plus de conte préféré.

Vous semblez aimer jouer avec les stéréotypes. Comment trouvez-vous l’équilibre entre une histoire qui permet au lecteur de réfléchir et une dénonciation pure et simple ?

Mon équilibre à moi repose sur ma sincérité et l’absence de projet politique ou prosélyte, tout comme sur un détachement par rapport aux dogmes et aux vérités absolues. Les stéréotypes, c’est surtout le public adulte ou l’éditrice qui les voit (ou pas). Moi, je pars de mon imaginaire sans tricher ni forcer les choses. J’ai simplement envie de raconter des histoires qui posent des questions, font surgir des interrogations, en fournissant suffisamment de matière aux lecteur·rice·s pour qu’ils puissent en tirer leurs propres opinions. Quand bien même elles diffèreraient beaucoup des miennes.

Vos sujets allant du très contemporain à des inspirations classiques (Perrault dans L’Apprenti conteur, Balzac dans Et ta vie m’appartiendra), qu’est ce qui détermine le choix d’une intrigue ?

Mon bon vouloir, mon ennui ? Je ne sais pas répondre.

Nous aimons beaucoup la collection « Court Toujours » à laquelle vous avez collaboré. Est-ce que l’on aborde différemment l’écriture d’un texte court et un long ?

Oui. Ce n’est pas la seul différence mais un texte long demande une endurance de coureur de fond, de surmonter bien plus de périodes de doute, de démotivation, et il exige souvent une structure plus complexe.

Vous écrivez aussi bien pour les très jeunes enfants que pour les ados. À quel moment définissez-vous l’âge auquel s’adresse votre histoire ? Des contraintes s’imposent-elles selon le type de lecteur visé ? (Sujet, vocabulaire, longueur du texte…)

Je ne répondrais jamais, comme certains confrères et consœurs, que j’écris avant tout pour moi, sans me soucier de l’âge du public. Au contraire, j’écris pour m’adresser à eux, même si c’est un « eux » flou et imaginaire. Je sais avant même d’écrire à quelle tranche d’âge sera destiné le récit. Le sujet n’en est pas modifié, mais je garde en tête les références qu’un enfant ou un ado ne peut avoir. En littérature pour grands ados et jeunes adultes, il n’y a selon moi quasiment pas de différences avec l’écriture pour des adultes. Sauf que n’écrire que pour eux ne m’intéresserait pas.

***

Merci Gaël Aymon d’avoir accepté de répondre à nos questions et bonne route à vos nouveaux projets !

Pour découvrir le travail de Gaël Aymon, rendez-vous sur son site internet.

Entretien avec Emilie Chazerand

Vous avez découvert Emilie Chazerand lors de notre lecture commune consacré à son dernier roman ado Annie au milieu et bien voici son IMMENSE interview rien que pour vous !

– Comment passe-t-on d’infirmière à auteur jeunesse ? Exercez-vous encore votre premier métier ? Si oui, est-ce que ces deux activités se nourrissent l’une l’autre ?

On passe du métier d’infirmière à celui d’autrice parce qu’on finit toujours par trouver sa place, je pense.

Je ne peux pas dire que je suis devenue infirmière par accident parce que, tout de même, il s’agit de trois années et demi d’études nourris de plusieurs stages où on est humilié et exploité, de connaissances théoriques monstrueuses à ingurgiter, d’épreuves pratiques ultra stressantes et exigeantes, d’un mémoire à rédiger et tout le tintouin.
Donc j’ai vraiment serré les dents pour obtenir ce diplôme d’état et avoir le droit d’exercer un des métiers les plus méprisés et douloureux, avec des taux de suicide professionnel, de burn out, de harcèlement moral et sexuel, effrayants. Parenthèse fermée.

Je n’exerce plus ce métier depuis presque dix ans.

Parfois, je suis vraiment tentée de repasser d’autrice à infirmière, parce que les patient.e.s, les gestes du soin, me manquent, le sentiment d’utilité immédiate, l’adrénaline, aussi. (Et poser des voies veineuses. Bon sang, ce que j’aimais poser des voies veineuses…)

Mes souvenirs les plus intenses, mes plus grandes douleurs, mes pires traumas, les rencontres les plus déterminantes de mon parcours ont eu lieu à l’hôpital. Tout, en dehors de cette essoreuse à humains, est rose, doux, frivole. De la flûte.

J’ai peu de véritables ami.e.s chez les auteurs et autrices. Iels se comptent sur les doigts d’une main. J’en ai plus du côté des soignant.e.s.
Ça disserte moins, ça n’a pas de prétention mal placée, « ça ne farcit pas les petits pois », comme disait ma grand-mère, mais ça rit et ça vibre incroyablement fort.
C’est dans le concret, dans le réel. Pas de népotisme ni de réel piston : tout le monde en chie, pardonnez-moi l’expression. J’aime, j’admire et j’ai besoin de ça.
Et puis, comme mon conjoint est médecin, j’ai la sensation d’avoir un pied dans le monde soignant, à vie.

Et évidemment, c’est un univers qui regorge d’histoires de vie et de sujets potentiels de romans. J’adorerais parvenir à écrire sur mes années d’études, le groupe d’ami.e.s que j’avais alors, si hétérogène et en constante évolution, nos aventures et mésaventures, nos pertes et nos fracas… On était des toutes jeunes personnes qui jouaient aux grandes personnes qui doivent secourir d’autres personnes. C’était fou.
Un jour, peut-être.

– La famille se trouve toujours au cœur de vos écrits. Est-ce que la vôtre vous inspire ?

Pas tant que ça, non. Parfois, mes enfants disent ou font un petit truc qui allume une étincelle d’idée mais je ne raconte pas mes proches, globalement. Et puis, j’ai une vision de la famille un peu foutraque, un peu éclatée. La mienne ne se résume pas par la biologie.

– Dans vos romans, les héroïnes ou les héros évoluent dans des familles dysfonctionnelles. Pourquoi est-ce si important pour vous ?

Parce que la plupart des familles sont dysfonctionnelles et que les lecteurs et lectrices ont le droit de retrouver des histoires qui leur ressemblent. Et puis, c’est beau, c’est intense et même sain, de dysfonctionner dans un monde totalement dysfonctionnel, lui aussi, pour le coup.

La dysfonction, c’est le grain de sable dans un rouage bien huilé qui va permettre de faire apparaitre les failles mécaniques. La panne. L’accident. Et là, il se passe quelque chose. On peut commencer à raconter des trucs et à réparer. J’aime bien réparer.
Les familles parfaites, ça n’existe pas. Et si ça existait, je pense qu’elles seraient vraiment très chiantes. En tout cas, moi, ça ne m’intéresse pas.

Et puis, tout est une question de point de vue, je suppose : ce qui est dysfonctionnel pour moi vous paraitra peut-être équilibré et cohérent, et vice et versa.

Et surtout, au fond, est-ce qu’une famille a vocation à être fonctionnelle ? C’est un groupe d’individus qu’on place ensemble et qui doivent apprendre à exister et coexister. C’est tout.

– Vos romans ainsi que vos albums se caractérisent par des punchs line en cascade ainsi que des situations loufoques parfois invraisemblables. Comment vous viennent toutes ces idées, que ce soit dans les jeux de mots ou autres ?

Là, je vais faire très court : je n’en sais rien. Je n’ai aucun conseil à filer, aucun tuyau, astuce, méthode, recette. Mais mes meilleures punchlines ne pourraient jamais être publiées, ça, c’est une certitude…

– Outre les phrases qui font mouche et la répartie de vos personnages, l’humour est très présent dans vos romans. Il permet notamment d’alléger certaines situations qui, sans cela, pourraient être dramatiques. Vos personnages sont très lucides et se moquent d’eux même avec beaucoup d’humour. Avec vous, nous avons presque l’impression que l’on peut rire de tout (le nanisme, les odeurs corporelles, le handicap et même de djihad), est-ce une « recette » que vous utilisez consciemment ou cet humour vient-il naturellement ?

Je ne fais pas grand-chose consciemment, j’ai l’impression. J’écris comme je suis. Si vous trouvez mes livres relous, vulgaires et insupportables, ne venez pas manger à la maison : vous n’allez pas passer un bon moment…

Rire de soi est un pont qu’on jette vers l’autre. C’est un reliquat de l’enfance. La version adulte du « tu veux jouer avec moi ? ». On doit pouvoir continuer à jouer les uns avec les autres, peu importe nos âges.

Je ne vais pas me lancer dans le débat « peut-on rire de tout ? » parce que ça ne m’amuse pas, justement.
Mais je peux tout trouver drôle, c’est un fait.

Par exemple, perdre mon père a été un des moments les atroces de ma vie, très sincèrement. Mais quand ma mère lui caressait le visage sur son lit de mort et que ça devenait un peu embarrassant, ma nièce lui a dit « hep, c’est comme dans les magasins : on touche avec les yeux ! ». Forcément, j’ai ri. Pareil quand ma sœur a grognonné, très sérieusement « putain, quelle semaine, je te jure : hier j’ai pété mon Iphone et maintenant, papa est mort… ».
C’était à la fois nul, indigne et marrant. J’ai eu envie de la goumer et de la serrer fort, en même temps. J’adore être habitée de ces deux pulsions contradictoires. Et j’adore l’idée de susciter ce mélange-ci chez les gens.

Toute petite, j’ai compris que l’humour est un pouvoir immense. 
Parce qu’il est la combinaison de l’intelligence, de l’empathie, de la culture et de la bienveillance.

C’est très difficile de faire rire. Bien plus que de faire pleurer. Pour ça, il suffit de la photo d’un enfant triste, d’un chien borgne ou d’un chat à trois pattes, avec une musique de fond remplie de violons tremblotants et d’un piano mélancolique. Et hop, ça chiale à n’en plus pouvoir.

Pour faire rire, il faut comprendre ce qui amuse l’autre. S’être intéressé.e à lui/elle. Le connaitre un petit peu. Trouver un terreau commun, des références universelles, comme un radeau auquel se raccrocher ensemble. Ça demande de l’investissement et la volonté de faire du bien.
C’est la meilleure façon d’aimer.

– Nous avons remarqué que vous prenez un malin plaisir à mettre des personnages dans des environnements qui les poussent à se sentir différents. Nous pensons notamment au personnage de Richard dans Falalalala ou encore celui d’Annie dans Annie au milieu. Cette question de la différence semble être centrale dans vos romans, est-ce parce que vous considérez que la différence ou être différent est une force ?

En réalité, on se sent toujours différent des autres, non ? Déjà parce que nous sommes les personnages principaux de nos existences tandis que les autres… ne sont que les autres, ma foi.

Asseyez deux chauves l’un à côté de l’autre et dites-leurs qu’ils sont pareils, vous verrez qu’ils feront la gueule.

Richard n’est pas malheureux parce qu’il est différent de sa famille. Il est frustré et mal dans sa peau parce qu’il ne parvient pas à être lui-même, à se faire accepter, aimer et respecter tel qu’il est. Tant que Richard refuse l’idée qu’être Richard c’est super, c’est merveilleux, c’est suffisant, il va mal. Richard a un problème avec Richard.

Annie, elle, adore être Annie. Et elle adore que les autres ne soient pas Annie. Quand elle souffre, ce n’est pas parce qu’elle est différente et qu’elle déteste ça, mais parce qu’on la rejette pour ce qu’elle est alors qu’elle, elle s’aime. Ce sont les autres le problème. Pas Annie.
Annie n’a aucun problème avec Annie.

Etre différent n’est pas une force.
Ce qui en est une, et une énorme, c’est être soi. D’être en paix, en accord et même en amour avec soi.
Et ça, c’est rudement complexe.

– Nous avons découvert avec beaucoup d’intérêt votre documentaire Chiens. Pourquoi les chiens particulièrement ? Comment s’est passé cette expérience et votre collaboration avec l’illustratrice ?

C’est Charlotte Duverne, l’éditrice de Marcel & Joachim, qui a proposé ce projet. Je n’ai jamais eu, de moi-même, l’envie spontanée d’écrire un atlas des animaux… 
Il me semble qu’elle avait repéré un post où je parlais avec humour d’un de mes chiens, photo à l’appui, et elle a dû se dire que j’étais la personne adéquate pour une telle entreprise…
Mais j’ai été si surprise que j’ai eu un petit rire nerveux, la première fois qu’elle en a parlé. J’ai dû répondre un « Euh… d’accooord… pourquoi pas… » assez titubant.

Honnêtement, je n’ai envisagé ce projet que parce que c’était avec Charlotte et Marcel & Joachim : tous leurs bouquins sont modernes, malins, pétillants.
Ailleurs, j’aurais eu trop peur que ça donne un catalogue pour mémés à caniche abricot, un peu old school et kitsch/bof, avec des photos bizarroïdes de toutous caracolant dans les prés, museaux au vent et queues en l’air.

Charlotte a tout de suite parlé de Naomi Wilkinson aux illustrations. Je suis allée jeter un œil à son travail et ça a suffi à me convaincre que ce serait bien.
Je n’ai pas eu d’échange particulier avec elle, si ce n’est un petit mail poli et chaleureux pour dire, en gros, « ravie de bosser sur ce livre avec toi ! ».

Cet atlas a exigé un énorme boulot de recherche et d’écriture. Si j’avais su ce que cela allait représenter en quantité de travail, je ne suis pas sûre que j’aurais accepté…
Cela dit, je ne regrette pas un millième de seconde : j’ai appris une tonne de trucs qui ont fait bouger des lignes, dans ma tête, et je suis très fière de ce bouquin !
De plus, j’ai trois chien.ne.s et il était grand temps que je fasse un livre pour iels. Iels le méritent : ce sont mes gars sûrs et ma belle gosse.

*

Questions sur Annie au milieu 

– Vous semblez avoir joué de plusieurs codes littéraires – l’écriture en vers, les listes, des niveaux de langues différents sur les personnages, etc – d’où est née cette envie ? Est-ce un jeu ou est-ce une réflexion sur le rapport étroit entre « signifié » et « signifiant » ? Quelles sont vos sources d’inspiration pour le travail du style ?

Chaque fois que je pensais au projet Annie au milieu, je me torturais sur la forme, le style à employer, etc. Je changeais d’avis, d’orientation, tous les jours.
Je ne savais pas comment attaquer le dossier, ni m’y coller sérieusement. Je piétinais un peu et puis, un soir, j’ai rédigé le premier chapitre de Velma en vers, presque par accident, en essayant de réfléchir le moins possible.

Je l’ai illico envoyé à Tibo Bérard, mon éditeur d’alors chez Sarbacane, dans un mail très court, genre « T’en penses quoi ?  Baisers ».
J’étais inquiète et fébrile. Pas sûre de moi, du tout du tout. J’avais besoin de sa validation pour avancer.
Il m’a répondu avec son enthousiasme légendaire et je me suis sentie autorisée à continuer. Ça peut sembler bête mais j’ai besoin d’un éditeur/d’une éditrice pour ça. C’est le hochement de tête approbateur, la petite tape sur l’épaule, qui me rassure et me fortifie. Chez Sarbacane, iels sont tou.te.s hyper fortiches pour rassurer. (Je pose ça là, faites-en ce que vous voulez.)
J’ai donc expliqué à Tibo que j’allais essayer de donner une voix à chaque personnage, en fonction de la manière dont je les entendais, « dans ma tête », et ça a donné ça. Je voulais qu’on distingue les styles d’écriture comme on distingue des timbres de voix, justement. Il m’a dit que ça allait être bien, donc on l’a fait de cette façon.

Je pense que ce n’était pas un jeu et que je ne me suis inspirée de rien de particulier.

En réalité, je ne sais pas comment ça se passe pour mes collègues auteurices mais, personnellement, quand je vivote avec un projet depuis un moment, les personnages existent, comme des fantômes ou des amis imaginaires. Je peux les entendre, les voir. Ils sont « là ».

En l’occurrence, je voulais qu’ils parlent tous les trois. Qu’ils se passent la parole, gentiment, respectueusement. Qu’ils aient des places et des importances égales, même si Annie a remporté le titre du livre. J’ai beaucoup aimé le temps passé avec les Desrochelles : iels ont déboulé à un moment compliqué de ma vie et j’ai repris mon souffle, grâce à elleux. Je penserai toujours à ce livre avec la tendresse qu’on accorde aux ami.e.s présent.e.s dans les coups durs.

– Quelle a été la place de la musique dans l’écriture d’Annie au milieu ?

J’ai beaucoup écouté de musique pendant mes pauses entre les chapitres.

Pour Velma, j’écoutais des choses douces, tristes, profondes, pour me mettre dans son énergie si particulière, un peu opaque, pesante mais belle. Je mettais Pomme, Bon Iver, the Irrepressibles, Stina Nordenstam, Tove Lo, Alice Boman, Radiohead, Aimee Mann. Globalement, tout ce qui peut filer un seum monumental était bienvenu et profitable.

Pour Annie, c’était exactement l’énergie inverse. Il fallait que ce soit solaire, joyeux, pêchu, agité, rigolo. Comme Blink 182, Lio, Liquido, Philippe Katerine, les Rita Mitsouko, Oldelaf, certains titres de Björk et de Dalida et, bien sûûûr, Taylor Swift.

Pour Harold, c’était la musique que j’aime et écoute ordinairement. Ni des trucs tire-larmes, ni des machins de fête à Dédé. Entre ces deux ambiances-là. Pas trop lourde, pas trop pimpante.

Mais, globalement, dès que j’ai une idée de roman en tête, je bricole une playlist. C’est comme choisir un vêtement : on ne s’habille pas de la même façon pour aller à un enterrement, à un anniversaire, en randonnée, au boulot…
La musique distribue les bonnes émotions et les place aux bons endroits. En tout cas, pour moi.

– Est-ce qu’on pourrait avoir un petit scoop sur votre lien à Dalida qui est un personnage clé de ce roman ?

Je n’ai aucun lien particulier avec Dalida, si ce n’est qu’une de mes tantes l’adore et qu’elle m’a appris la chanson du petit bikini quand j’étais encore minuscule.

Je ne suis pas fascinée par la personne ni subjuguée par l’artiste mais elle m’intrigue et me touche. Dalida, c’est une femme qu’on a envie de consoler et de sauver d’elle-même, même maintenant qu’il est bien trop tard.
Et puis, elle a en elle ce mélange curieux de douceur et de gravité, de frivolité et de tristesse évidente, de beauté et de plaies apparentes, qui fait d’elle un personnage de confidente absolument parfait pour Annie. Non ?

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Merci Emilie d’avoir pris le temps de répondre à nos questions, et nous régaler toujours plus avec vos histoires !


Entretien avec Guillaume Chansarel

Guillaume Chansarel, dit Guiyome, est un artiste français qui peint de très grands paysages urbains sur des toiles recouvertes de pages de livres. Depuis longtemps, il portait en lui le personnage d’Ange Ségur. Ayant décidé de lui donner vie, dans un roman jeunesse, il nous a proposé de le découvrir.

Intriguées tant par sa démarche artistique que par son passage à l’écriture, nous avons décidé de lui poser quelques questions auxquelles il a gentiment accepté de répondre.

source : artistics.com

Vous souvenez-vous de ce qui vous a amené à peindre sur des pages de livres ?

J’ai toujours crobardé sur des petits carnets, notamment lors de mes voyages, et j’ai toujours recherché des papiers originaux. Des papiers qui aient une matière et une teinte.
J’aime ajouter moi-même le blanc et l’utiliser comme une couleur.
Un jour, n’ayant rien d’autre sous la main qu’un vieil ouvrage imprimé, j’ai commencé à dessiner directement sur le texte, comme s’il s’agissait d’un support vierge.
L’interaction avec l’encre de chine m’a immédiatement séduit. Je suis rapidement passé aux grands formats pour approfondir cette technique, qui ne cesse d’évoluer depuis.

Est-ce qu’en utilisant des pages de livres comme support vous considérez que vous leur offrez une seconde vie ?

Lors de ma première exposition, en 2001, il y avait pas mal de réflexions sur le fait que je détériorais les livres. Aujourd’hui 20 ans plus tard, tout le monde, instinctivement, y voit une démarche écologique de recyclage…

Récup, Guillaume Chansarel, 2012.

Comment choississez-vous les livres sur lesquels vous peignez ?

Je choisis mes livres non pas en fonction de leur thème, mais de leur papier ; la qualité de leur patine et de leurs caractères d’imprimerie. Je discerne, avec l’expérience, ceux qui me permettront d’appliquer au mieux ma technique.
Cependant certains livres me surprennent encore et me forcent à m’adapter. Les matières et les gris colorés changent d’une exposition à l’autre.

Récemment, afin de répondre à une commande grand format d’un architecte, j’ai recherché et travaillé sur un vieux dictionnaire qui traite de l’histoire de Paris.

Arches Landscape, Guillaume Chansarel, 2019.

Comment vivez-vous le fait que quelqu’un puisse peindre sur votre livre dans quelques années ?

Je n’ai pas réfléchi à l’idée que quelqu’un puisse peindre sur Ange Ségur… Il faudrait que je lui en parle ! 🙂

Est-ce qu’en avoir écrit un vous-même a changé votre rapport aux livres ?

C’est uniquement pendant la phase d’écriture que mon rapport aux livres a changé. Difficile de se laisser embarquer dans une histoire sans essayer de savoir comment c’est fichu. Sans chercher à tout décortiquer… Fort heureusement, après, c’est passé.
Mais je suis encore plus admiratif aujourd’hui lorsque je tombe sur une formule qui fait mouche !

Quand on vit déjà de son art, qu’est-ce qui pousse à se « mettre en danger » en s’essayant à un autre support d’expression ?

La mise en danger, c’est tout le paradoxe de la création. Vitale, mais potentiellement destructrice. « Créer, c’est vivre deux fois », disait Camus.
Je ne me sens jamais aussi vivant que lorsque je crée. Et rien à part cette « rencontre » avec Ange ne m’a porté aussi haut. C’est quelque chose d’inexplicable.
La vraie mise en danger serait de renoncer à cela.

L’écriture et le dessin sont les deux modes de communication graphique de l’être humain. De ce fait, je pense qu’il y a, au-delà de l’aspect pictural, quelque chose d’universel et de rassurant dans mes peintures. Peut-être un écho aux romans illustrés de notre enfance ? …

Un exemple des illustrations d’Ange Ségur

Comment est né le projet Ange Ségur ?

Je ne sais pas exactement… Je crois qu’il toquait à ma porte depuis longtemps, et qu’il fallait juste que je lui ouvre.

Ange Ségur, Guillaume Chansarel, Imprimerie solidaire, 2022.

De quel manière le partenariat avec le Secours Populaire est-il apparu ?

Comme une mise en abime, comme si Ange, par un lien direct avec son histoire, avait dégagé la voie et m’avait montré le chemin, j’ai décidé de reverser les bénéfices au Secours Populaire : un coup de fil, une rencontre, des sourires, une évidence, et voilà le logo du SPF apposé aux côtés d’Ange Ségur.
Chose incroyable, le logo du Secours Populaire, c’est une main tendue qui vole… avec des ailes d’ange !

Quels sont vos prochains projets ?

Je suis en train de travailler sur ma prochaine exposition, mais pour tout vous dire, je viens de recevoir un mail d’une certaine A.S., qui est visiblement quelque part à New-York…

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Merci à Guillaume Chansarel pour sa disponibilité et son enthousiasme !

Vous pouvez vous procurer ce roman sur le site dédié, retrouver Ange Ségur sur Instagram.

La lecture d’enfant de Théo est ICI, et le site du Secours Populaire LA.