Lecture commune : Charbon bleu d’Anne Loyer

Chaque année vos arbonautes préférées s’engagent avec beaucoup de joie et d’empressement à lire les romans en lice pour le Prix Vendredi. Lucie et Liraloin ont profité de cette sélection 2024 pour lire Charbon bleu et en faire une lecture commune pour votre plus grand plaisir. Un roman justement récompensé par un jury de sept jeunes adultes âgés de 15 à 19 ans pour le Prix Vendredi.

Charbon bleu, Anne Loyer, illustrations de Gérard DuBois, éditions D’Eux, 2023.

Liraloin : Est-ce que tu connaissais Anne Loyer avant de te lancer dans cette lecture ? 

Lucie : En regardant sa bibliographie je me rends compte qu’elle a écrit 105 livres ! J’ai lu Bamba, et certaines des aventures de Kimamila parce que c’est la méthode de lecture que j’utilise avec mes CP. Donc j’ai beaucoup aimé Charbon bleu mais on ne peut pas dire que ce soit une auteure dont je suis le travail. Je vais être nettement plus attentive dorénavant !

Liraloin : De mon côté, je connais bien cette autrice notamment à travers des albums publiés chez A pas de loup : Christine de Pizan, Calamity Jane. J’ai également lu son roman adulte La petite coriace que j’ai bien apprécié. Anne Loyer est très prolifique et autant à l’aise dans l’écriture des romans que des albums.

Liraloin : Même question pour l’illustrateur Gérard DuBois ? Nous reviendrons plus tard sur la pertinence de ses dessins.

Lucie : J’ai un peu honte de l’avouer : non, je ne connaissais pas du tout de Gérard DuBois mais j’aime beaucoup. Je me suis un peu renseignée sur ce qu’il a fait depuis, et je trouve notamment son travail sur Moby Dick magnifique ! 

Liraloin : C’est au SLPJ que j’ai découvert cet illustrateur, il y avait une exposition de ses illustrations et je trouve son procédé très intéressant. Je l’ai découvert tardivement et c’est seulement l’année dernière que j’ai réalisé que je le connaissais à travers une illustration tirée de son livre Enfantillages. Et puis, j’ai lu la chronique de Linda sur l’album On aurait dit qui m’a donné envie de le découvrir.

Liraloin : Parlons de la couverture : qu’en as-tu pensé ? Est-ce que cette illustration te touche ? 

Lucie : Oui, je dois avouer que c’est ce qui m’a attirée vers ce roman. Ce noir et blanc un peu brut, et le regard de cette jeune fille qui se détache d’une foule. C’est très puissant je dois dire, et tout à fait en accord avec le texte. Uniquement sur la base de la couverture, c’est vers ce titre de la sélection du Prix Vendredi que je serais allée le plus spontanément.

Liraloin : Contrairement à toi je n’ai pas été attirée de suite par cette couverture surtout que nous sommes plutôt – et depuis un moment – sur des couvertures de romans pour ados un peu “clinquantes”. Le sujet m’a intéressé sans doute car j’ai vécu à Lille… et comme j’aime Anne Loyer, hop je l’ai emprunté. L’illustration est très forte et il y a quelque chose de magnétique dans ce visage féminin. On est obligé de s’attarder sur ce regard je trouve.

Liraloin : Entrons dans le vif du sujet. Le livre commence avec ce texte en préambule, écrit en italique : « Elle ferme les yeux, c’est l’appel du néant. Son corps, pris en tenaille par des milliers de mains – celles de ceux qui l’ont précédée, celles de ceux qui lui succéderont – s’enfonce sans fin, aspiré par les entrailles avides de la terre. Il est englouti par une force supérieure qui ne lui laisse aucune chance. Une chute invincible qui l’entraîne, poids mort avant l’heure, direction l’abîme. »
Que t’évoque ce texte ? 

Lucie : Ce préambule donne immédiatement le ton. Il est question de déterminisme, de tradition pesante, de quelque chose de très organique aussi il me semble et de dramatique. On sent tout de suite que le texte ne va pas enjoliver la réalité du destin de ces mineurs, et c’est précisément ce pourquoi j’ai eu envie de le lire. Mais je me dis en le relisant que c’est “gonflé” de la part de l’auteure car cela peut aussi rebuter certains jeunes lecteurs.
Qu’en as-tu pensé, toi ?

Liraloin : En relisant ce préambule je trouve qu’il est complètement raccord avec l’illustration de première de couverture. On sent ce moment compliqué de se rendre dans cet ascenseur qui “aspire vers les entrailles avides de la terre”. Comme toi, et ton terme est bien trouvé, il y a quelque chose d’organique, cette terre broie les mineurs, les rend malades et les tue. Après j’ai été très étonnée que ce roman remporte le Prix Vendredi des jeunes lecteurs, je m’y attendais pas du tout car tout comme toi je ne pensais pas que ce sujet plairait autant aux jeunes. Comme quoi….

Lucie : C’est une très bonne surprise cependant, et c’est très positif que des jeunes lecteurs acceptent de découvrir un milieu et une époque qui est éloignée d’eux. Qu’ils adhèrent à un texte qui fait la part belle à la poésie et à un certain lyrisme.

Liraloin : Oui effectivement il y a une poésie que l’on retrouve dans cette écriture. D’ailleurs on en parlait avec une collègue, et finalement on en a conclu que ce sont les auteurs-autrices qui écrivent sur des sujets sociétaux très actuels qui emportent pas mal de prix et des mises en avant… D’ailleurs, petite parenthèse, La Chasse a reçu le Prix Cendres en plus du Prix Vendredi.

La Chasse, Maureen Desmailles, Thierry Magnier, 2023.

Liraloin : L’histoire débute avec la perte du père de cette famille. Outre le chagrin de Gervaise, sa femme enceinte, cette mort impose à Ermine une analyse de la situation très lucide. Est-ce que tu te rappelles de la dureté de cette ouverture ?

Lucie : Je me souviens en effet avoir été saisie par le désespoir d’Ermine. Elle a cru pouvoir échapper à son destin de mineur car son instituteur, convaincu par ses capacités, avait insisté auprès de ses parents pour qu’elle poursuive ses études. Mais voilà qu’un double drame la cueille : le décès de son père signifie aussi qu’elle va devoir travailler pour aider sa mère car il n’y a plus que le salaire de son frère pour nourrir la famille. Au passage : que la maman s’appelle Gervaise est un joli clin d’œil à Zola !

Germinal, Emile Zola, Pocket, 2018 pour cette édition.

Liraloin : Oui, merci Anne Loyer pour ce joli clin d’œil à Germinal. Ce passage est vraiment terrible et très noir. Le chagrin accable toute cette famille et on sait que peu d’espoir est envisageable. Je trouve que ce n’est pas évident en tant que lectrice de se dire qu’à un moment la “lumière” viendra !
Il y a ce paragraphe qui m’a marqué. Ermine doit aller travailler pour la survie du foyer et voici le regard de Gervaise sur sa fille :

« Gervaise lève péniblement les yeux vers sa fille. Elle voudrait lui dire un mot gentil, un encouragement quelconque. Mais rien ne sort. Elle a honte. Honte de lui avoir promis la lune, honte de lui avoir fait entrevoir l’impossible, honte de lui avoir fait miroiter un autre destin. Ernest et elle l’ont trompée. L’ont même trahie. Ils ne cherchaient qu’à la protéger et ils n’ont rien fait que retarder l’échéance. Juste au moment où elle allait décrocher le certificat d’étude, ce sésame pour un autre futur, tout se brise… »

Comment analyses-tu ce paragraphe ? 

Lucie : En tant que lecteur, on se met très facilement à la place de Gervaise. Ou peut-être est-ce parce qu’on est mamans aussi ? Cette honte, même si elle n’y est pour rien, est parfaitement compréhensible. C’est un peu comme si elle avait trahi sa fille en lui laissant apercevoir un avenir différent de la mine. Avenir dont elle va finalement être privée à cause de la disparition de son père. Est-ce que la situation aurait été “moins pire” si Ermine était allée à la mine dès le début ? C’est vraiment une ouverture de roman très dure et très noire, tu le disais. Et c’est d’autant plus courageux de la part d’Anne Loyer d’oser y aller franchement et de proposer un texte sans concession à ses jeunes lecteurs.

Liraloin : Oui et d’ailleurs ta question rejoint celle-ci. J’ai trouvé que le destin d’Ermine était fragile dès le départ, pas franchement net concernant ses projets d’études comme si l’autrice voulait nous préparer à cette chute. Ta vision est juste car nous sommes bouleversées par la honte qui saisit Gervaise, cette culpabilité envahissante. C’est d’autant plus difficile à “digérer” car pour une fois, un membre de cette famille aurait connu autre chose que la mine. Pour moi il y a cette prise de conscience de cette mère complètement atterrée par la perte de son mari et ce destin qu’elle brise malgré elle. Le champ lexical de la lumière est pourtant présent et sera le fil conducteur tout le long du récit. Pour le moment la lumière est juste atténuée et forcément pas franche (lune, miroir…).

Lucie : Je me demandais justement : trouves-tu que le supplément d’instruction qu’a reçu Ermine apporte quelque chose au roman ? 

Liraloin : Oui énormément, cette instruction lui permet de supporter sa nouvelle vie à la mine en s’échappant dans ses rêveries. Elle est complètement à part et les autres lui font bien sentir sauf un personnage…
C’est justement là qu’apparaît Firmin. Est-ce que ce personnage t’as plu ? 

Lucie : Je ne vois pas comment on peut ne pas aimer Firmin. Il apporte tellement de lumière (on y revient, je n’avais pas conscience du champ lexical de la lumière mais maintenant que tu le dis ça me saute aux yeux) et de douceur dans ce monde noir, étouffant, sans espoir… Un phare dans la nuit ! J’adore son surnom de Firmament d’ailleurs, quelle trouvaille ! Je suis curieuse de savoir ce que tu as ressenti lors de la première rencontre entre le jeune homme et Ermine ?

Liraloin : Il est le rayon d’une lumière qui n’existe plus, son intelligence se caractérise par sa poésie, cela touche également Ermine qui est transporté ailleurs d’où l’illustration (p.53). J’aime beaucoup ce personnage, d’une grande sensibilité. Ermine le surnomme Firmament rien que pour elle et comme toi j’ai trouvé que ce surnom était une belle trouvaille. Il y a une alchimie qui se fait très vite et naturellement. 

Lucie : Je me disais que c’était peut être grâce à son « instruction » qu’Ermine était si rapidement touchée par cette rencontre. Car Firmin n’est pas vraiment le mineur typique. Leur lien se crée au niveau intellectuel : ils aiment les mots, les sonorités, cela les anime et les aide à supporter leur quotidien. Qu’en penses-tu ?

Liraloin : Tout à fait ! je suis d’accord avec toi en ajoutant que le lien que le jeune homme établit avec les animaux ajoute à son empathie. 
Mais le rêve n’est pas la vie. Même si Ermine parle de Firmin et de son caractère à sa mère, cela fait rêver également sa petite sœur de 4 ans, Martine. Que penses-tu de l’autre membre de cette fratrie, le frère aîné d’Ermine ? 

Lucie : Guy… Lui pour le coup c’est la caricature du mineur. Brutal, rugueux, il n’est pas très aimable. Heureusement qu’Anne Loyer prend le temps de nous expliquer le ressentiment qu’il a pour Ermine, et ainsi de le rendre plus humain. Parce qu’il aurait le profil idéal pour être le “méchant” de l’histoire. On comprend tout de même qu’il a été forcé de grandir très vite, d’assumer des responsabilités très jeune et qu’il s’est forgé une “carapace” pour s’en sortir. Mais il reste extrêmement désagréable.

Liraloin : Tout à fait, et ce n’est pas un exercice facile pour une autrice d’échapper à la caricature car Guy en a tous les aspects. Cette profonde tristesse qu’il a en lui se transforme en brutalité, il ne sait réagir autrement. Oui, tu as raison, il est imbuvable. 

Lucie : A propos de la famille d’Ermine,que penses-tu de son rôle dans l’évolution de ce personnage ? 

Liraloin : Dans cette famille, Martine la petite sœur apporte du bonheur et permet à Gervaise de garder le sourire, l’innocence de la petite est palpable. Cette joie enfantine permet à Ermine de sortir un peu la tête de son quotidien harassant. Elle aime le rire grelot de sa petite sœur. Pourtant c’est tout de même Guy qui est pour moi comme une ombre qui s’étend de plus en plus sur ces femmes, le patriarcat est présent et il n’est pas atténué. Le foyer et donc la famille n’est plus un refuge pour Ermine, les obligations ont noyé le reste. 

Lucie : Tu as raison, ce patriarcat est très net et correspond évidemment à l’époque puisque ce roman se passe au 19ème siècle. Quand le père meurt, Guy prend le pouvoir sur la famille. Pouvoir dont il se passerait bien à mon avis mais qu’il assume avec la dureté qui le caractérise.

Liraloin : Oui merci de le préciser. L’époque est importante. Il en veut à cette famille, la mort de son père retarde aussi sa vie et son avenir.

Lucie : Nous avons une fois de plus utilisé le champ lexical de la lumière avec cette ombre que Guy étend sur la famille. C’est le moment de parler des illustrations qui répondent parfaitement au contraste entre ombres et lumières qui irrigue le texte, non ?

Liraloin : Ce contraste est très puissant et les 12 illustrations sont bien choisies. Elles alternent entre le rêve et la réalité. Il y a des planches qui apportent cette note d’espoir et en même temps quelques pages après on redescend du terre avec un dessin qui accentue la dureté de la vie. C’est une belle idée que d’avoir choisi d’illustrer ce roman. 

Lucie : La technique utilisée est particulièrement pertinente je trouve. Ces aplats noir qui laissent filtrer le blanc… cela correspond tellement bien à l’histoire d’Ermine et Firmin !

Liraloin : Puis tout s’accélère lorsqu’on approche de la fin. D’après toi, pourquoi Anne Loyer a choisi de précipiter (dans le bon sens du terme), son histoire ? D’ailleurs qu’en as-tu pensé de cette chute ? 

Lucie : Cette fin. On la voit venir, elle est annoncée et pourtant qu’il est difficile de s’y résoudre ! Une nouvelle fois, je trouve Anne Loyer courageuse d’avoir assumé jusqu’au bout sa résolution de véracité. Au risque de décevoir les lecteurs fleur bleue, la réalité de la mine était difficile, exigeante, et nous l’avons bien dit l’auteure ne cache rien des douleurs physiques, ni de la fatigue ou de la peur de ses personnages lorsqu’ils sont sous terre. La fin est donc triste, mais logique. 

Liraloin : Je suis complétement raccord avec toi et je trouve également qu’Anne Loyer y ajoute de la poésie malgré tout. C’est cela que je trouve très fort chez elle, la dernière illustration y est pour beaucoup. Est-ce que la liberté n’est pas justement dans cette fin et cette tragédie? 

Lucie : Oui, tu as raison. Ce roman ne fait pas dans l’optimisme forcené mais Anne Loyer parvient malgré tout à insuffler de l’espoir quelque soit la situation – aidée par Gérard DuBois et notamment comme tu le disais de sa magnifique dernière illustration. C’est très fort. Et c’est peut-être aussi ce qui a plu aux jeunes lecteurs ? Cet espoir dans une situation qui semble désespérée cela peut faire écho à ce qu’ils ressentent face à l’actualité ?

Liraloin : Oui car après tout cette histoire parle de cette liberté d’aimer.
Pour terminer, à qui conseillerais-tu ce roman ?

Lucie : Et bien sans surprise, parce que c’est toujours le cas des bons romans, à plein de lecteurs très différents. Je suis persuadée qu’il plairait à mon fils de 13 ans, mais aussi à des copines et je suis presque certaine que ma mère va me demander de le lui prêter. Le panel de lecteurs est donc étendu : ceux qui aiment l’histoire, qui veulent en apprendre plus sur l’univers minier, qui ont envie de découvrir un texte poétique et nuancé, avec une jolie histoire d’amour entre deux âmes blessées… J’ai oublié quelqu’un ? 

Liraloin : Ahahaha non, tu n’as oublié personne. Tout comme toi je pense que ce roman peut attirer un large lectorat. Je le conseillerais autant aux adultes qu’aux ados !

Lucie : Pour les plus curieux de nos lecteurs, je trouve que Charbon Bleu fait fortement écho à un autre titre de la sélection du Prix Vendredi : Vindicte met aussi en scène une femme dans une situation désespérée (c’est l’une des “tondues” de la Libération) confrontée au regard et au jugement des autres et particulièrement des hommes. Je les ai lus à la suite et j’ai trouvé ce parallèle stimulant.

Vindicte, Gildas Guyot, In8, 2024.

Liraloin : Je n’ai pas encore lu ce roman. Justement je trouve que c’est essentiel que des autrices et auteurs s’emparent de faits historiques pour ce devoir de mémoire que nous devons transmettre de génération en génération… Et le fait qu’ils plaisent comme nous avons pu le voir avec l’attribution du prix Vendredi des jeunes est très chouette !

******

Pour conclure, la réaction à notre discussion de deux copinautes originaires de régions minières.

Linda : En bonne nordiste que je suis, j’avais envie de dire que la mine fait partie intégrante de notre patrimoine et les enfants grandissent avec des histoires de la mine. Les mineurs n’existent plus et il n’en reste guère de survivants aujourd’hui mais la mémoire collective est entretenue par les associations et les récits des enfants et petits-enfants de mineurs. Tous les enfants d’ici visitent au moins une fois dans leur vie le musée de la mine de Lewarde qui marque les esprits et donne vraiment à réfléchir sur cette vie, cette époque. Je ne connais pas un enfant ou ado qui soit ressorti déçu de cette visite et cela ne m’a donc pas étonné que les jeunes aient choisi ce titre…

Séverine : Je pourrais très exactement reprendre le propos de Linda en remplaçant Lewarde par « Puits Couriot » à Saint -Etienne ! Ici, c’est exactement cela aussi. En ce qui me concerne, j’essaie de transmettre à ma fille un bout de l’histoire locale, grâce notamment aux livres, mais c’est vrai qu’il me semble que la littérature jeunesse pèche un peu en la matière, en particulier pour les plus jeunes. Dernièrement, un album pour petit.e.s s’est démarqué : Mille mineurs, écrit et illustré magnifiquement par Evelyne Mary.

Nous espérons vous avoir donné envie de découvrir l’histoire d’Ermine, d’autres romans d’Anne Loyer et, pourquoi pas, de visiter ces lieux d’histoire !

Billet de l’été : À l’assaut de la montagne !

Après Lucie et son billet consacré aux sportifs engagés, Liraloin, fan de randonnées et de paysages montagneux vous a concocté une petite sélection rocailleuse car n’oublions pas qu’en 2021, l’escalade sportive a fait son apparition aux J.O de Tokyo.

La montagne, cette roche immense qui se dresse droit devant, lorsque nous sommes en son creux nous ne pouvons que nous sentir minuscule, si fragile face à cette paroi faite de cailloux, accueillant végétaux et microcosmes vivants. Que nous soyons alpiniste chevronné ou randonneur occasionnel, l’ascension d’une montagne demande des efforts et un grand respect pour la Nature. Alors entre rencontres inoubliables, levés de soleil dans la brume matinale, la montagne ne se dévoilera que petit à petit à celles et ceux qui le méritent vraiment.

******

Se préparer 

Pour être un as de l’escalade il faut en connaitre toutes les subtilités. Dans ce documentaire accessible et surtout très complet, la montagne n’aura plus aucun secret, du moins son ascension va vous paraître plus facile ! La lectrice-le lecteur va suivre les aventures de « la Tribu » : une fille et quatre garçons, tous passionnés d’escalade. Ce groupe va être le fil conducteur pour en savoir plus sur le corps et sa préparation ou bien sur la visualisation : « c’est tout simplement savoir observer, anticiper, comprendre… gagner du temps de réaction et de la précision dans tes gestes pour aller d’une prise à l’autre ». 

Les interviews et reportages sur les différents grimpeurs qui ont marqué l’histoire de l’escalade rythment également le contenu. Entrainement, efforts et courage détermineront si la montagne sera clémente ou le contraire !

So cool la grimpe de Romain Desgranges, illustré par Flore Beaudelin, Paulsen jeunesse, 2023

******

A la recherche de sensations fortes !

L’Everest, mythique ascension. Dangereux sommet et le rêve de plus d’un alpiniste chevronné. Mallory a 15 ans et quelques sommets à son actif. Formant un duo inséparable avec son père Mathieu, la jeune fille est bien décidée à affronter ce glacier inébranlable.

Accepter la préparation, avoir le mental et l’énergie pour y faire face. Chercher du réconfort, un sens à ce qui va être entrepris. Se mettre dans sa bulle sans oublier l’autre. Ce roman va au-delà de l’aventure sensationnelle d’une ascension, c’est avant tout une formidable aventure humaine. Une étape importante et bouleversante dans la vie d’une adolescence déterminée et timide.

8848 mètres de Silène Edgar – Casterman, collection : Ici maintenant des romans qui regardent le monde en face, 2020

L’avis de Lucie est ici.

*

Dans ce roman suivre le rythme de Pic peut s’avérer dangereux. Après avoir escaladé de façon illégale un gratte-ciel New-Yorkais et pour échapper à une justice un peu trop sévère Pic s’envole au Tibet. Avant de retrouver son père qui l’emmène à l’aéroport avec un but très précis : « Je vais escalader l’Everest ? ai-je demandé, sonné comme je ne l’avais jamais été de ma vie. Je ne sais pas si tu atteindras le sommet, mais si on t’y emmène avant ton quinzième anniversaire, tu seras la plus jeune personne du monde à poser le pied à plus de 8 800 mètres. » A travers l’ascension de Pic, la lectrice/le lecteur va assister à toute la préparation physique/psychologique et matériel qui incombe à un tel exploit humain. La dureté de l’ascension, les abandons et parfois la mort…

Solidaire et entêté, Pic, du haut de ses 14 ans, devra faire preuve d’une grande force mentale pour peut-être atteindre le toit du monde.

Pic de Roland Smith  – Seuil, 2007

******

Se réparer grâce à la passion de la montagne…

Tessa est plongée dans le coma, un coma artificiel depuis son accident de montagne. Peu à peu la vie se réorganise pour permettre à sa famille, ses amis les plus proches ainsi que son petit ami Edgar d’être constamment à son chevet : « Qui sont ces gens ? Mais où je suis ? Oui, je vous entends. Je serre fort, là, vous sentez pas ? » A son réveil, l’équipe médicale décide d’y aller doucement car Tessa ne comprend pas qu’autour d’elle tout le monde semble avoir vécu une année de plus que son dernier souvenir.

Il y a beaucoup de pudeur dans l’écriture de Jessie Magana comme par crainte d’être trop intrusive dans ce qui est construit entre Tessa et Edgar. Une douce sensibilité émane de l’écriture d’Edgar, ses confidences sur papier sont magnifiques, lui qui a perdu l’amour de Tessa depuis cet accident : « Je t’écrirais des lettres, manuscrites. Des lettres d’amour. Des poèmes. Comme dans les romans. Et tant pis si tu trouvais ça ridicule. A demain. Edgar. »

A contrario Tessa ne comprend pas ses pertes de souvenirs et une rage mêlée à de la colère sont consignées dans son journal. Tessa veut vivre, peu importe les répercutions qu’il y aura sur son cœur et son corps. Compétiteurs dans l’âme, les deux jeunes gens mettront tout en œuvre pour que chacun, de son côté, puisse se « réparer ».

Free ride de Jessie Magana – Thierry Magnier, 2023

******

Randonner 

Lorsque le montage s’offre à vous, il n’y a aucun moyen de s’y refuser mais plutôt de s’y refugier. Une belle aventure attend nos deux jeunes sœurs qui n’ont qu’une envie : « faire le tour de la montagne en une semaine » comme leur Tante Jeannette. Alors carte IGN en main et équipement sur le dos, les deux apprenties marcheuses vont suivre des chemins de randonnées sous un temps parfois menaçant car la montagne surprend par son changement soudain : « un son feutré de vent froid et de pluie continue nous enveloppe. »

Lorsque les éléments se déchaînent, le moral et le matériel peuvent sacrément en prendre un coup. Géraldine Alibeu nous offre une belle traversée dans l’immensité des Alpes. Son regard nous livre des peintures immersives aux couleurs changeantes. 

L’autre côté de la montagne de Géraldine Alibeu, Cambourakis, 2022

*

Dans son livre Jana peut y voir des montagnes. Accompagnée de sa fidèle Billie, la petite fille rêve de bientôt les voir en vraies ! Mais quelle terrible déception envahit Jana lorsque le brouillard a décidé de cacher le géant rocher. C’est un véritable petit film d’animation qui se joue sous nos yeux. Nous sommes à 100% avec Jana : son attente si fortement exprimée et enfin cette rencontre tant espérée ! Les illustrations pleine page y sont pour beaucoup, elles nous immergent encore plus dans ce rêve de montagne gage de belles promenades et randonnées en famille.

Montre-toi, Montagne ! de Davide Wautier, Diplodocus, 2022

L’avis de Linda est ici.

******

Le p’tit plus

Bon d’accord, pas de sport à proprement parlé dans ce roman mais des rencontres avec des p’tits animaux de la montagne pas si inoffensifs que ça : les marmottes au poil clairsemé !

« Une histoire de famille, de musique, d’amour et de zombie (pas n’importe lesquels). »

Ah quel bonheur que d’être là, à cet instant précis, profitant d’une randonnée… pourtant Jean-Pierre et Marie-Pierre étaient loin de se douter que la douce marmotte observée au loin deviendrait si agressive…

Pendant ce temps, Maximus est en route pour des vacances de « rêves », direction Habère-Poche en compagnie de (Notre) Dame « sa » mère, ses jumeaux de frères qui ne s’arrêtent jamais et le petit dernier le Nain, le chouchou, le « Chouch’ » à sa môman ! Oh joie ultime que de se rendre compte que le Hellfestnoz lui passe sous le nez au profit du Broch’n’poche, un semblant de festival pour les métalleux et punk à chiens du coin.

A peine arrivés aux portes du village que Maximus aperçoit une marmotte un chouilla mal en point : « Elle lève une griffe bien haut, celle du milieu. Le temps que je comprenne qu’une marmotte pourrie vient de me faire un doigt, elle a disparu. »

Quelques temps plus tard, après que toute la petite famille se soit installée chez Maminette et l’oncle Jean-Sassois, Maximus repère d’autres rongeurs mal en point. Que se passe-t-il à Habère-Poche ? Les marmottes ont-elles chopé la rage ou un virus bizarroïde ?

Sur fond de musique métal et ambiance festive, cher(e) lectrice et lecteur attends-toi à pogoter sévère au rythme de cette histoire sanglante ! Loin de l’image douillette que peut dégager la vue d’une marmotte, ici on est bien loin du compte et ce n’est surement pas dans ce roman que tu rencontreras les personnages de la « Petite maison dans la prairie ». Le récit est empreint d’un humour digne des comédies déjantées anglaises. L’alternance des témoignages (parfois un poil exagéré) des différents personnages permet d’apporter un enchaînement des évènements qui n’en finit pas !

Bref, la lecture s’achève avec l’impression d’avoir un peu mal partout d’avoir tant explosé ces satanés rongeurs à coups de pelle bien tranchante.

Des zombies dans la prairie : la comédie horrifique qui vous fera voir les marmottes d’un autre œil !  de Chrysostome Gourio – Casterman, 2023 

******

Et vous ? Quelles lectures autour de la montagne aimeriez-vous nous faire partager ?

Nos coups de cœur de juin

Il suffit de se dire que l’été approche pour vite courir dans nos médiathèques et librairies préférées afin de ne pas « tomber » en panne de lectures. Quelle belle perspective d’enfin construire, bâtir, empiler tous ces romans prometteurs et ces documentaires si riche en une magnifique tour géante…

Que vos vacances soient belles avec nos coups de cœur !

******

Pour Liraloin le coup de cœur a été immédiat, je crois qu’on appelle cette sensation un coup de foudre littéraire. Il est des albums qui empoignent le cœur si fortement que le souffle devient trop faible pour continuer sa lecture. Thomas Scotto possède cette qualité rare d’écrire si généreusement (dans sa poésie) qu’on ne peut que lire et ressentir également cette puissance de l’écrit entre les lignes. Dans cette histoire à l’étrange allure de conte fantastique, un enfant ressent le monde extérieur. Un monde en attente d’une rencontre unique, si bouleversante pour les parents. Quant à Claire Gaudriot, elle réussit à transmettre tous les désirs de cette attente en offrant un dessin méticuleux et subtil. Bravo à ce fabuleux duo d’auteur-illustratrice ainsi qu’à Laurence Nobécourt de nous livrer cet album si fin et émouvant.

Demain dans une demi-heure de Thomas Scotto et Claire Gaudriot, A pas de loup, 2023

L’avais de Séverine.

****

Deux coups de cœur très différents pour Lucie ce mois-ci ! Tout d’abord Le génie sous la table, d’Eugène Yelchin. Attirée par cette couverture aux couleurs vives, intriguée par le résumé et par le coup de cœur de sa libraire, elle a craqué. Et bien lui en a pris car ce roman a été l’occasion d’une très chouette lecture commune avec son fils. L’histoire de Evgueni, enfant né à Stalingrad, qui raconte son quotidien, les privations et l’espionnage constant de la vie en URSS. Seul moyen d’accéder à un peu de liberté (appartement individuel, voyages…) : développer un talent. Mais voilà, Evgueni n’a pas de talent. Enfin c’est ce qu’il croit ! Autobiographie romancée de l’auteur, Un génie sous la table séduit par sa fraîcheur, son humour et par le témoignage qu’il apporte sur cette période peu utilisée en littérature jeunesse.

Le génie sous la table d’Eugène Yelchin, l’école des loisirs, 2024.

Son avis complet ICI.

*

Sans dormir, c’est un très joli album qui revisite le cliché du comptage des moutons pour trouver le sommeil. Avec ses couleurs vives, ses moutons ronds qui semblent si doux, son jeu sur la typographie et surtout son invitation à sortir des sentiers battus avec une certaine poésie, le duo formé par Gracia Iglesias et Ximo Abadía nous offre un livre charmant. À lire pour aider les enfants à trouver le sommeil, ou juste pour le plaisir d’admirer les illustrations !

Sans dormir, Gracia Iglesias, illustrations de Ximo Abadía, traduction de Alice Kermer, éditions du Père Fouettard, 2024.

Son avis complet ICI.

******

Pour Linda, un coup de cœur marqué par la découverte d’un auteur dont l’écriture incisive et percutante l’a emporté et bouleversé ! Le récit parle de fuite et de survie au travers de deux êtres : un adolescent qui a perdu ses repères après le suicide de son père et une biche pourchassée par des chasseurs et leurs chiens. Leur fuite effrénée et leur rencontre inéluctable portent un puissant message de vie et de liberté.

S’arracher de Marc Daniau, Rouergue, 2024.

Les avis de Linda et Séverine.

******

Séverine a craqué pour L’homme qui écoutait chanter l’oiseau, écrit par Christian Merveille, illustré par Valéria Docampo. Après la lecture de cet album, conte philosophique à hauteur d’enfant, sur les notions de dictature, de liberté d’opinion, de résistance, de courage face à la torture, elle a rêvé d’une humanité qui brise les murs et les barreaux pour s’envoler loin du marasme, qui profite de ses sens pour s’imprégner de la beauté, qui joue la mélodie de l’amour et du respect de l’autre, qui dit, parfois non avec la tête et oui avec le cœur, qui reste debout, si possible avec le sourire, qui jouit de la liberté d’être et de penser, qui espère pour ses enfants et les enfants de ses enfants et pour toujours, les yeux et les bras ouverts, et pourquoi pas le ciel. Soutenu par Amnesty International (qui propose sur son site internet belge une fiche pédagogique), édité par une maison d’édition à la ligne éditoriale ouvertement humaniste et engagée, avec un texte poétique et puissant mis en valeur par des illustrations magnifiques, il ne lui en fallait pas plus (mais c’est déjà beaucoup !) pour que cet album soit désormais un essentiel de sa bibliothèque jeunesse.

L’homme qui écoutait chanter l’oiseau, de Christian Merveille
et Valéria Docampo, Alice Jeunesse,2024

Son avis complet ICI.

******

Pour Héloïse, la belle surprise de ce mois de juin, c’est l’album Pouet ! de Claire Garralon, qui derrière une histoire faussement naïve, nous parle d’écologie. Un alum qui nous narre les mésaventures de Michel, la mouette, qui a un gros problème. Quand il veut parler, seul un « pouet » sors de son bec. Que faire ? Ses ami.es s’inquiètent…

Avec beaucoup d’humour, en quelques mots, et à travers de jolis illustrations colorées, Claire Garralon alerte son jeune lectorat sur la pollution des mers. Le comique de répétition et les onomatopées font effet : on rit, mais on rit jaune quand on comprend où l’autrice nous mène. Un texte percutant et efficace, à découvrir dès 3 ans.

Pouet, de Claire Garralon, editions MeMo, Janvier 2022

Son avis ICI.

******

Dans un tout autre style, Héloïse a été bouleversée par sa lecture de Gris comme le cœur des indifférents de Pascaline Nolot, dont les mots – percutants, incisifs, glaçants – font une fois de plus mouche.

Gris comme le cœur des indifférents, c’est un récit court, intense, le quotidien horrible et éprouvant de Lyra, qui voit sa mère s’étioler sous les coups de son père. Qui tremble chaque jour et tente de protéger ses petits frères. Qui hurle à l’intérieur mais ne peut rien dire. Un récit qui fracasse, sur un thème malheureusement toujours actuel : la violence conjugale. Un récit poignant qui pointe l’indifférence. Essentiel.

Gris comme le cœur des indifférents, de Pascaline Nolot, éditions Scrineo, Mars 2023

Son avis ICI.

******

Pour Blandine, c’est une courte série manga, aux Editions Akata, qui lui a fait chavirer le cœur. Quatre tomes qui nous permettent de rencontrer Mizuki Shikimachi, un jeune violoniste japonais atteint d’une paralysie cérébrale et qui a dû faire preuve de courage, d’abnégation et de volonté pour pouvoir jouer, être accepté et lutter contre la maladie.

Il est un modèle de persévérance qui prouve combien l’Art (ici la musique) relie les êtres et permet d’aller au-delà de soi.

Son avis complet ICI.

******

Et vous, quels livres vous ont fait vibrer en ce mois de juin ?

Prix À l’Ombre du Grand Arbre 2024 : les lauréats !

À l’ombre du grand arbre célèbre la littérature jeunesse avec un prix qui distingue les titres pour lesquels vous avez votés, parmi ceux que nous avons sélectionnés dans nos toutes nos lectures parues l’année précédente. Ce prix, c’est…

… six catégories regroupant des genres s’adressant de la toute petite enfance aux ados

… trois titres sélectionnés dans chaque catégorie (cliquez sur le nom des catégories pour les retrouver)

… 265 votes donnés, merci à vous !

Et maintenant, roulement de tambour, le grand arbre tremble de fierté des racines à la cime au moment d’annoncer LES LAURÉATS !

Catégorie Brindille : album petite enfance

Un album pour avoir peur et frissonner avec nos « plus petits » comme il se doit !

Il y a des monstres dans ma chambre ! de Fanny Pageaud, A pas de loup, 2023

Catégorie Petites feuilles : album pour « grands »

Un album poétique et d’une belle finesse pour donner confiance à nos « plus grands »…

Je suis ton manteau d’Angélique Villeneuve et Julien Martinière, Etagère du bas, 2023

Catégorie Grandes feuilles : romans jeunesse

Une lecture de haut vol pour ce roman où un jeune homme est repéré, et invité à rejoindre Crookhaven, une mystérieuse école… qui lui permettrait de développer ses talents de voleurs bien évidemment !

CrookHaven-l’école des voleurs de J.J. Arcanjo, Pocket Jeunesse, 2023

Catégorie Belles Branches : roman ado

Guerrière, c’est un roman que nous avons lu en apnée, qui nous a chamboulées, un texte qui bouscule, puissant, émouvant.

Guerrière de Cécile Alix, Slalom, 2023

Catégorie Branches dessinées : BD jeunesse

Une lecture libératrice et savoureuse (nous pesons nos mots) qui vous donne envie d’enfourcher votre vélo et de laisser opérer la magie !

Les petites reines de Magali Le Huche d’après le roman de Clémentine Beauvais, Sarbacane, 2023

Catégorie Racines : Documentaire

Riche en informations, ce documentaire délivre avec humour et un aspect ludique toute la passion de ses auteurs pour le fromage… et les bons mots !

Balade en fromagie de Bernard Friot et Aurore Paillusson, illustré par Thomas Baas et Charlotte Fréreau, Milan, 2023

******

Un grand bravo aux lauréats ! Et merci de concentrer tout ce qu’on aime à l’ombre du grand arbre : des couleurs et du rythme, une fenêtre ouverte sur le monde, un souffle de liberté, des perches tendues qui invitent à la réflexion et des plumes vraiment singulières.

Nos coups de cœur d’avril

En avril, le temps maussade nous a convié à rester sous notre plaid bien douillet. Quoi de mieux que de belles lectures réconfortantes pour accompagner un petit thé fruité et fumant ?! En attendant de retrouver le soleil, voici nos nombreux coups de cœur !

******

Pour Liraloin c’est une déconnexion totale qui s’est opérée après la lecture du magnifique album le Voyage de Shuna de l’immense Hayao Miyazaki.

« Ces évènements ont pu se dérouler il y a fort longtemps, ou bien allaient-ils se produire dans un lointain futur ? Plus personne ne le sait vraiment. » Sur une terre aride la force humaine est mise à rude épreuve, les récoltes ne sont que désolation. Ici vit Shuna, jeune prince héritier de la couronne qui, au détour d’un chemin, recueille un étranger : un vieillard à l’article de la mort. Usant ses dernières forces, ce dernier lui narre son épuisant périple à la recherche d’un trésor inestimable. Une richesse qui pourrait sauver les habitants de toutes les contrées. Intrigué et téméraire, Shuna décide de partir à la poursuite de ce trésor…
Véritable quête initiatique, Shuna se retrouvera plus d’une fois à prendre des décisions qui bouleverseront ses convictions en son for intérieur. Je n’ai pas pu m’empêcher d’y trouver une résonnance avec le fabuleux roman de Damasio : La Horde du Contrevent. Les éléments de la nature, le vent, le sable ne sont que douleurs pour les personnages, les poussant au bout de leurs forces physiques et psychologiques.  Le chemin est infini…

Le Voyage de Shuna de Hayao Miyazaki, Sarbacane, 2023

******

De son côté, Lucie avait noté La Parure suite à un billet d’Isabelle et elle n’a pas été déçue ! Cette réécriture du classique de Guy de Maupassant par Annelise Heurtier est extra. Elle répond de manière étonnante à une autre réécriture de l’auteure, Combien de terres faut-il à un homme ?, sur le thème de la pléonexie. Les héros de ces deux albums ne se satisfont pas de leur quotidien et vont le risquer en tenant de s’élever (socialement, financièrement). Ce « plus » était-il indispensable à leur bonheur ? Eux le pensent, le lecteur est invité à y réfléchir. Tout d’abord déstabilisée par les illustrations de Delphine Jacquot qui a fait le choix de l’anthropomorphisme, Lucie a finalement trouvé qu’il permettait d’installer une certaine distance qui aidera sans aucun doute les enfants à entrer dans le récit et à se questionner.

La Parure, Annelise Heurtier d’après Guy de Maupassant, illustrations de Delphine Jacquot, Thierry Magnier, 2022.

Les avis complets d’Isabelle, Linda, Blandine et Lucie.

******

Si le premier tome était déjà impressionnant (voir la lecture commune qu’en avaient fait les copinautes ICI), le second tome de la saga Pallas, Sur les flancs de l’Ida est encore un cran au-dessus d’après Lucie. Peut-être parce que les personnages sont plus familiers et que l’échéance de la guerre de Troie approche. Au cœur des intrigues, comme l’a si bien dit Isabelle dans sa critique du premier tome : amours, trahisons, vengeances, c’est « Dallas » dans la Grèce antique. Et les femmes sont bien entendu les premières victimes des hommes comme des dieux. Pas une n’est épargnée par la violence, que celle-ci la touche directement ou soit dirigée vers ses enfants. Cette série est clairement à réserver aux plus grands tant la brutalité irrigue toutes les relations entre les personnages. Ceci posé, Lucie est admirative de la manière dont l’auteure a su créer des liens et des intrigues entre ses célèbres protagonistes. Tout est clair, implacable et brillant. La guerre de Troie approche, elle est inéluctable et nous sommes impatientes de lire de quelle manière Marine Carteron l’utilisera dans le troisième (et dernier) tome de cette série.

Pallas, Sur les flancs de l’Ida, Marine Carteron, Le Rouergue, 2024.

Les avis de Lucie et Frédérique.

******

Héloïse (ileautresor) a eu envie de partager son coup de cœur pour Médiévalmania. Cet album grand format avec rabats permet de faire connaissance avec le Moyen-âge. Le château fort apparaît à travers un jeu de volets : le pont-levis se déplie et permet d’accéder au château. Ce livre permet d’aborder la vie des personnes à l’époque médiévale. Au Moyen-âge, se construisent aussi les villes toute en verticalité avec leurs tours et leurs clochers. Elles réunissent de multiples fonctions (politique, économique, militaire, festive, religieuse et créative) et sont bâties en aspirant à la beauté. A la fin, l’album évoque de nombreuses inventions (imprimerie, boussole, poudre à canon, horloge, lunettes, caravelle). Il est aussi question de figures comme Jeanne d’Arc ou le roi Arthur. En bref, Médiévalmania est un album pour mieux comprendre la période médiévale et la saisir dans toute sa finesse à travers toute la beauté de pages animées.

Médiévalmania, Emma Giuliani et Carole Saturno, Éditions Les Grandes Personnes, 2023.

Son avis complet ICI.

******

Pour Séverine, le coup de cœur d’avril, c’est pour un roman ados d’un auteur trop peu (re)connu, à savoir Hervé Giraud. Publié chez Thierry Magnier quand il s’adresse aux adolescents, et plus récemment chez Seuil Jeunesse pour la collection « Le grand bain » destinées aux enfants de 8-10 ans, il compte à son actif une dizaine de romans, où se mêlent toujours profondeur et fantaisie, le tout agrémenté d’un humour fin et subtil, y compris dans ses œuvres les plus sombres.

Celui-ci ne fait pas exception, on valse sans cesse entre sourires et émotion. Il est d’autant plus intéressant qu’il traite de sujets peu vus en littérature jeunesse : la vie au sein d’un cirque familial itinérant, la condition animale dans les parcs animaliers, le trafic d’animaux sauvages et plusieurs autres thématiques contemporaines, telle la solitude, la solidarité, le respect… Le roman est plein de rebondissements et de suspense, il est peuplé de personnages hauts en couleur, puisqu’on y rencontre entre autres un yogi philosophe fan de Johnny, une chienne obéissante et une grand-mère qui n’a pas froid aux yeux…Mais surtout, on s’attache énormément à son jeune héros, Angelino, dont le meilleur ami est n’est autre que le  tigre du Bengale avec lequel il a grandi et qui lui est enlevé, parce que les lois ont changé et que les animaux sauvages sont désormais interdits dans les cirques. Révolté par cette situation au début du roman, il fera tout pour pouvoir récupérer KroK, en prenant des risques, en surmontant ses peurs, prise de conscience au passage, et il aura une autre vision sur les animaux privés de liberté à la fin de l’histoire. Il sortira grandi de son aventure, et peut-être même un peu amoureux…

Séverine a retrouvé dans ce roman toute la saveur de la sauce Giraud ! Elle pique un peu, avec une pointe de causticité, juste ce qu’il faut pour donner un goût de reviens-y. Mais son ingrédient secret est cette tendresse omniprésente pour les jeunes gens bousculés par les décisions des adultes, les coups du sort, la solitude parmi leurs pairs, pour des raisons qui tiennent au hors normes, ou la sauvagerie du monde. Bref, elle se délecte à chaque fois de sa plume aiguisée, pointue, mais qui, toujours, sait aussi rentrer les griffes pour se faire poésie, douceur et pattes de velours.

KroK, Hervé Giraud, Editions Thierry Magnier, 2024

L’avis complet de Sev se livre.

******

De son côté Linda a fait de bien belles découvertes dont un très joli roman d’apprentissage découvert au hasard de ses pérégrinations libraires. Ainsi, Madou en 5 actes lui a littéralement tendu les bras après que sa couverture lui ait fait pétiller la rétine.
Dans ce roman en cinq actes, Guillaume Nail dresse le portrait d’une adolescente qui porte en elle les doutes et questionnements de se génération, en proie à une inquiétude permanente de trouver sa place dans un monde en plein changement, et à l’intérêt de faire des études qui ne la conduiront nulle part.
Récit initiatique, Madou en 5 actes est un roman qui se révèle exaltant dans les passions de son héroïne et dans l’écriture moderne de son auteur, dont les descriptions de paysages sont une invitation au voyage, et dont la poésie se fait la fenêtre d’une âme luttant avec un puissant désir de liberté.

Madou en 5 actes de Guillaume Nail, Milan, 2024.

L’avis complet de Linda est ICI, et celui de Séverine .

******

Mais c’est aussi Une aventure au royaume de porcelaine qui a su la toucher par la puissance de ses illustrations élégantes, exécutées avec une précision incroyable qui donne vie à l’histoire dans une succession d’obstacles et d’étapes à franchir pour parvenir à la suivante.
Album sans texte, on y découvre le parcours de son héros à la poursuite de son chapeau emporté par le vent au-travers d’un service en porcelaine qui enchante par sa diversité et fait voyager par son style asiatique.
Katerina Illnerova a été récompensé du Prix du Silent Book Contest 2022 pour ce premier album, alors qu’elle était encore étudiante.

Une aventure au royaume de porcelaine de Katerina Illerova, Obriart, 2024.

Son avis complet est à lire ICI.

******

Pour Colette, le mois d’avril a le goût particulier du silence, un silence noir et blanc, rythmé comme une danse que l’on commence à deux sur un rythme endiablé pour la terminer à la cadence de son propre souffle, alenti par le temps qui creuse rides et cernes au visage comme au cœur. Duo mambo de Wei Middag et Aurèle Arima est un album de peu de mots, qui commence par une naissance et les pirouettes de deux bébés. Puis les bébés se lèvent, grandissent, se rencontrent, leurs mouvements se font glissements, battements, élans, frissons, leurs mouvements se font sensuels, étreintes, embrassades, leurs mouvements se font famille. Puis les corps se courbent, se raidissent, s’éloignent, se séparent. Et commence un voyage à travers le temps. Voilà un petit album qui laisse le souffle coupé. Un album épuré, d’une grande simplicité qui raconte quand il se tait. Un album de toute une vie comme Colette les aime tout particulièrement.

Duo mambo, Wei Middag, Aurèle Arima, La Joie de lire, 2023.

******

Pour Héloïse (helolitlà), Avril a été l’occasion d’une belle rencontre printanière, celle d’Auguste, le renard qui n’aime pas les surprises. Or, son amie Suzy, l’intrépide écureuille, lui en a promis une. Le voilà qui stresse, prévoyant le pire…

La grande angoissée qu’est Héloïse a énormément aimé cet album adorable, qui lui a beaucoup parlé. Elle a craqué devant ses couleurs vibrantes, ses illustrations printanières qui rendent hommage à la nature dans toute sa splendeur. C’est pour elle un ouvrage idéal pour dédramatiser ces peurs incontrôlées, pour apprendre à lâcher prise.

Et puis, une surprise… peut aussi se révéler être un joyeux moment de partage !

Je n’aime pas les surprises, Myriam Bos, Bayard Jeunesse. Mars 2024

Son avis complet ICI.

******

Côté romans, Héloïse a fait de beaucoup de très belles lectures, dont l’envoûtant De délicieux enfants, de Flore Vesco. Et la lecture-doudou, le roman qui revisite habilement la mythique école de sorciers version pickpocket, ce fut le premier tome de Crookhaven.

Gabriel est un voleur hors-pair. Orphelin, il grandit dans la pauvreté avec sa grand-mère. Repéré pour ses talents hors norme, il est invité à Crookhaven, une mystérieuse école…

Héloïse est retombée en enfance le temps de cette lecture passionnante. Dans cette école de voleurs au grand cœur, elle a retrouvé avec joie tous les ingrédients du genre : cours originaux, amis hauts en couleurs, bibliothèque, épreuves qui sortent de l’ordinaire, grands méchants… et surtout, elle a découvert un texte addicitif qui pose de belles interrogations sur la justice et la répartition des richesses.

Crookhaven, tome 1 : L’école des voleurs, de J.J. Arcanjo, Pocket Jeunesse. Mai 2023

Son avis complet ICI, celui d’Isabelle, de Linda et de Lucie.

******

Pour Blandine, ses coups de cœur sont autant affaires de visuels, de visions que d’originalités narratives.

Cet album carré au touché velouté nous permet de connaître les différents noms que l’on attribue aux groupes d’animaux. Entre sobriété et originalité, la découverte est de mise! Et le parti-pris illustratif est génial: Les animaux sont représentés minimalistes, en perles à repasser.

Un troupeau de moutons. Jean DA ROS. La Partie, mars 2024

******

Cet album nous permet de voir passer une vie

À travers les barreaux d’un lit, d’une fenêtre
À travers le prisme d’une loupe, d’un télescope
À travers l’écran d’une télévision, d’un ordinateur
À travers le verre d’une serre, de jumelles

À travers le temps qui passe et ses changements
Subtils, délicats, évidents, difficiles, lumineux
À travers les décisions prises, choisies, subies, révélées
À travers l’âge qui change les données
À travers la vie qui se poursuit sous ses différentes formes

La couverture toute en sobriété donne le ton grâce à sa découpe
Entre ses pages, nul autre texte qu’une date qui égrène les années une à une, et un lieu
Chaque double page nous offre deux visions: le personnage principal avec ce qui l’entoure, et ce que lui voit
Une palette de couleurs restreinte, et pourtant très évocatrice, qui permet de fines et ingénieuses mises en perspective, des détails en apparence anodins, une ombre qui veille, d’autres vies qui bruissent
De l’infiniment petit à l’infiniment grand

Un album d’une grande maîtrise, silencieux et pourtant puissamment évocateur.

A travers. Tom HAUGOMAT. Thierry Magnier, septembre 2018

L’avis complet de Blandine ICI

******

Ce mois-ci, Isabelle (ileauxtresors) s’est laissé désarmer par un splendide roman graphique venu du Québec. Le pèlerinage d’une jeune femme dans sa maison d’enfance ravive les souvenirs, ceux d’une vie de famille comptant un enfant différent. Son petit frère, surnommé Major Tom – le petit astronaute, c’est lui. Outre le poids du handicap qui entrave la communication et la mobilité du garçon, la société ne facilite pas les choses pour les enfants comme Tom. Ces pages évoquent un sujet douloureux avec beaucoup de poésie (en cela il rappelle le roman S’adapter, de Clara Dupont-Monod, paru la même année). Elles ouvrent notre horizon, serrent le cœur tout en sachant nous réconforter par la tendresse qui les imbibe. Jean-Paul Eid compose notamment un splendide personnage de grande sœur, solaire, dans sa vie de petite fille qui grandit, mais attentive et aimante. Impossible de ne pas être bouleversé en comprenant, au détour de la dernière page, que cette BD lui a été inspirée par sa propre expérience familiale.

Le petit astronaute, de Jean-Paul Eid, La Pastèque, 2021.

******

Et vous, qu’avez-vous lu en avril ? Quels ont été vos coups de cœur ?