Ces livres qui parlent de livres : pour les enfants

Passionnées de lectures, nous aimons lire et apprendre sur le sujet. Et en bonnes amatrices de littérature de jeunesse que nous sommes, nous avons chacune nos astuces pour nous tenir informées des nouveautés, mais aussi des titres incontournables du genre. Nous vous proposons dans cet article de (re)découvrir les livres qui parlent de livres pour jeunes (et moins jeunes) lecteurs !

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L’art est au cœur de l’œuvre de Jean Claverie et Michelle Nikly. L’Art du pot, L’Art des bises… et naturellement L’Art de lire. Avec des mots simples et à hauteur d’enfant, ils retracent le parcours d’un lecteur du sourire de sa maman à ses premiers romans. Une page de texte vis-à-vis de son illustration, avec la douceur qui caractérise le trait de l’auteur-illustrateur. On ne peut qu’adhérer à cette ode à la lecture et à la rencontre (des personnages, des auteurs…) qui se garde bien de la réduire à son utilitarisme ou de diaboliser les écrans sur lesquels on lit aussi !

L’Art de lire, Jean Claverie et Michelle Nikly, Alain Michel Jeunesse, 2001.

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L’enfant des livres est une invitation à l’imagination par le biais de la lecture. Le résultat de la collaboration entre l’auteur-illustrateur Oliver Jeffers et Sam Winston (artiste connu pour ses collages) est étonnant. Les personnages de Jeffers vivent littéralement dans un monde formé de mots, mots issus d’œuvres du patrimoine mondial. L’effet est très réussi : s’en dégage une poésie rare. En quelques phrases, le lecteur adulte est plongé dans les classiques. De son côté, le jeune lecteur peut être un peu inquiet face à ces « aplats » de mots, mais il est guidé par une fillette bienveillante. La transmission du goût de la lecture sous la forme d’une clé que l’on souhaiterait remettre à chaque enfant !

L’enfant des livres, Oliver Jeffers et Sam Winston, Kaléidoscope, 2016.

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Continuons avec un autre titre d’Oliver Jeffers et pas n’importe lequel : L’extraordinaire garçon qui dévorait des livres !

« Avertissement : Prière de ne pas grignoter ce livre à la maison – à manipuler avec gourmandise ! – Un livre qui fait saliver ! » telles sont les précautions à prendre avant d’ouvrir ce livre qui ne manque pas d’originalité. Mais d’abord suivons de très près la vie un peu particulière d’Henry. Ce dernier aime tellement les livres qu’il les dévore en un clin d’œil et avec beaucoup d’appétit. Sa gourmandise le rend intelligent et il apprécie de devenir un puit de connaissance ce qui n’est pas une chose déplaisante. Quelle décision prendra Henri ? Celle de continuer avec acharnement de se nourrir de livres ou bien simplement se contenter de les lire ?

Cette version animée nous offre des volets à découvrir, des tirettes à actionner et c’est plutôt amusant ! Découvrir une pile de livres jaillir devant des yeux ébahis de bibliothécaire c’est juste un délice !

L’extraordinaire garçon qui dévorait des livres d’Oliver Jeffers, Kaléidoscope : version animée, 2009.

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« Même si je ne sais pas encore lire, j’ai le droit d’aimer des livres ! Eh oui ! Parce que depuis que je suis tout petit, toute petite, je sais lire… LES IMAGES ! ». Quel beau message que cette citation d’Alain Serres. Dans ce texte l’enfant aime qu’on lui raconte des histoires mais il aime aussi en raconter. Lire partout, dans des endroits insolites et partager ses livres préférés. Attiser sa curiosité pour enfin connaître les secrets de la fabrication d’un livre.

« Et si des enfants vivent trop loin, DES BIBLIOTHECAIRES EXTRAORDINAIRES ont le droit d’apporter des livres jusque dans leurs mains ! ». Des lieux essentiels de transmissions pour que tous les enfants puissent un jour lire pour mieux grandir.

Cet album est riche en mots et en couleurs, le chocolat n’est qu’un prétexte pour apporter encore plus de gourmandise à la délectation d’un texte, d’une histoire.

J’ai le droit d’aimer les livres (et le chocolat !) d’Alain Serres, illustré par Aurélia Fronty – Rue du Monde, 2023

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David Nel-Lo prend pour héros de son roman un enfant qui n’aime pas lire, choix toujours intéressant dans un ouvrage de littérature jeunesse, d’autant qu’il se garde bien de stigmatiser les non-lecteurs. Au contraire, son héros joue, imagine, a des tas d’amis… Mais son problème de lecture lui pèse, et pas seulement lors du passage hebdomadaire à la bibliothèque.

La difficulté à déchiffrer très bien rendue, d’autant qu’elle freine aussi Guillem dans sa compréhension des consignes, des problèmes mathématiques, etc. Parallèlement, ce roman montre la richesse de la littérature et les aventures dans lesquelles elle sait entraîner ses lecteurs. Le côté « meta » du livre est qui parle directement à l’enfant (un peu comme dans L’histoire sans fin) est particulièrement intéressant, et la métaphore du livre qui parle à résonne différemment pour chacun de ses lecteurs pertinente.

La tribu des Zippoli, David Nel-Lo, Actes Sud Jeunesse, 2021.

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Poussin pourrait-il s’appeler T’choupi, Petit Ours Brun ou Adèle ? C’est une question que l’on peut se poser après avoir lu cette ode aux livres jeunesse, et à leurs auteur.ices, même dans ce qu’ils ont de plus décrié, les séries à succès. A tort ou à raison ? Chacun pourra se faire une idée à la lecture de cet album, à la fois instructif, puisque le jeune lectorat y découvre le parcours d’un.e auteur.ice pour pouvoir être édité.e, qui relève le plus souvent du parcours du combattant, entre refus poli et mépris, voire humiliation, que de la promenade de santé, mais aussi drôle, sensible et plus profond qu’il n’y paraît. C’est un plaidoyer pour la littérature jeunesse, en même temps qu’une critique sur le regard parfois acerbe que l’on porte sur certaines catégories de livres destinés aux enfants. Les auteur.ices, s’il en est besoin, y apprendront une leçon d’humilité, le/la lect.eur.rice adulte, appréciera le clin d’œil de l’illustrateur au visuel des collections blanches de l’éditeur Gallimard, l’enfant, lui ou elle, adorera cette belle histoire, son personnage attachant, cet écrivain en quête de succès, et même…le petit héros qu’il a créé : Poussin.

« Poussin plaît depuis des décennies à la critique et au public. Mais surtout, il plaît aux enfants. Plusieurs générations ont grandi avec lui. Les parents qui l’ont lu quand ils étaient petits l’achètent à leur propres enfants »

Quelle belle idée ont eue à l’époque (2005) les Editions Rue du monde, que de coupler, ou presque, la sortie de Sous le grand banian, de Jean-Claude Mourlevat et Nathalie Novi, avec le documentaire passionnant Comment un livre vient au monde ? qui retrace, de l’idée de départ à sa première acquisition, en passant par son illustration, son impression, sa distribution, etc. le chemin de cet album jusqu’aux mains, yeux, et émotions de son/sa premier.e lecteur.ice. Très documenté, illustré avec brio par Zaü, écrit par l’éditeur Alain Serres lui-même, c’est une mine d’informations que parents comme professeur.es des écoles peuvent exploiter à l’envi, et c’est aussi la transmission d’un message important : un livre, c’est une belle aventure collective !

Comment un livre vient au monde, d’Alain Serres, illustré par Zaü, Rue du monde, septembre 2005
Sous le grand banian, de Jean-Claude Mourlevat , illustré par Nathalie Novi, Rue du monde, octobre 2005

Un adorable petit album, idéal pour vanter les mérites des livres et les bienfaits de la lecture aux tout-petits. Un livre permet tout, un livre promet tout : l’aventure, l’émotion, le partage, l’amitié, l’apprentissage, la découverte, le rire…Pour transmettre ce message, Un livre, c’est magique, a tout pour plaire aux petit.es. Il est joliment coloré, avec du peps, ludique (à chaque page, des découpes ou des volets à soulever), avec un vocabulaire très accessible, mais le style et les illustrations n’oublient ni d’être drôles, ni d’être sensibles. Situations du quotidien et imaginaire s’y côtoient pour notre plus grand plaisir ! Livre à mettre, donc, sans hésiter, entre toutes les petites mains car celui-ci, oui, il est vraiment magique.

Un livre, c’est magique ! d’Arnaud Alméras, illustré par Robin, Gallimard jeunesse, août 2021

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 Ancien professeur des écoles, Orazio partage désormais son amour des livres avec les habitants des collines en jouant au bibliothécaire ambulant. Installée dans une Piaggio Ape, véhicule à trois roues italien, sa bibliothèque déborde de livres en tout genre, récupérés ça et là auprès de ceux qui n’en veulent plus. La venue d’Orazio est très attendu et chacun se précipite dès que le bourdonnement du moteur se fait entendre sur les routes montagneuses.

Avec La biblio d’Orazio c’est un monde empli de partage et de générosité qui s’offre au lecteur, un monde dans lequel les livres ont une place d’honneur et deviennent vecteur de liens et de solidarité. Mobile, la bibliothèque permet à tous d’accéder à la lecture et remplit le rôle essentiel de lieu de vie culturel et social dans ces villages coupés les uns des autres par les collines.

La biblio d’Orazio de Davide Cali, illustré par Sébastien Pelon, ABC Melody, 2022.

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Rature est un jeune rat passionné de lectures qui vit à Ankara, en Turquie, et s’apprête à vivre une aventure mouvementée. En effet, afin de retrouver l’unique exemplaire du livre écrit par son grand-père, il doit se rendre à Paris dans les locaux de la Bibliothèque nationale de France.

Marine Cotte et Stéphane Fitoussi nous offrent une visite de la BnF de l’esplanade délimitée par ces quatre tours en forme de livres ouverts à la section des livres rares, en passant par le couloir des salles de lecture, le magasin ou même l’atelier de restauration. L’occasion de découvrir le site François-Mitterrand qui abrite une bibliothèque public et une bibliothèque de recherche.

La visite se poursuit par ailleurs dans le dossier documentaire situé en fin d’ouvrage au travers de l’explication du fonctionnement d’une bibliothèque, les particularités de la BnF et une sélection de documents divers qui font partis des collections.

Raconte ! La véritable histoire du premier rat de bibliothèque de Marine Cotte & Stéphane Fitoussi, illustré par Yomgi Dumont, Syros, 2024.

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En voici un petit livre qui se glisse dans une poche ce qui est bien pratique lorsqu’on souhaite partager ce qu’est un livre ! Les textes des rabats donnent le ton : « Ceci est un objet tout à fait unique : un livre merveilleux, pour les petits et les grands, sur les livres. Comment sont-ils faits ? Que racontent-ils ? Que font donc les gens avec ? … »

« Publié en 1962, Livres ! a reçu le prix annuel du meilleur livre pour enfants décerné par le New-York Times. » Ici on reconnait bien le graphisme made in USA des années 60, bien punchy et graphique. D’ailleurs le texte s’amuse allègrement sur les pages avec un ton à la fois amusant et enrichissant.

Livres ! de Murray McCain & illustrations de John Alcorn, Autrement jeunesse, 2013

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Charlotte in Love est un magnifique hommage aux sœurs Brontë et à leur œuvre, mais il ne faut pas perdre du vue que c’est l’histoire d’une rencontre improbable, d’un premier amour portée par deux adolescents que tout oppose… Comme il se doit dans les plus belles histoires d’amour de la littérature !

Ainsi, au fil des pages se dessine le portrait de cette adolescente qui semble s’être volontairement coupée du monde dans lequel elle vit pour s’enfermer dans l’illusion naïve de cette vie romanesque qu’elle perçoit dans le récit de Jane Eyre. Pourtant ses recherches vont peu à peu la confronter à la réalité plus sombre et au destin plus dramatique des enfants Brontë. Et c’est aussi en opposant ses idées à celles d’Alex et, en apprenant à le connaître que Jeanne va peu à peu réapprendre à vivre dans cette réalité qui est la sienne.

Charlotte in love d’Éléonore Desclée, Alice jeunesse, 2024.

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Susie la souris s’ennuie dans sa petite maison. Elle s’est aménagé un petit nid douillet, mais elle est désespérément seule. Elle rêve d’avoir des ami.es. Alors quand la famille chez qui elle vit part vacances, elle en profite pour explorer la maison. Elle y trouve quelques miettes à grignoter, et surtout … des livres. Sa vie en est chamboulée. De lecture en lecture, elle découvre de nouveaux univers, s’instruit, apprend du vocabulaire…

Le message de cet album est plus que clair : vive la lecture ! L’autrice, Susie Morgenstern, nous vante tous les bienfaits de la lecture : s’ouvrir au monde et aux autres, découvrir de nouveaux univers, de nouveaux mots, ressentir de nombreuses émotions … et même se faire des amis ! Un ouvrage qui ne manquera pas de plaire aux amoureux des livres !

Susie la souris qui lit, Susie Morgenstern, illustré par Séverine Cordier. Gründ, Avril 2023

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Un singe est plongé dans un livre. Malheureusement pour lui, un âne curieux débarque avec son ordinateur et lui pose de drôles de questions : « Comment on fait défiler le texte ? », « Il y a beaucoup de lettres ? », « Ça se recharge ? » À chaque fois, notre singe répond simplement : « C’est un livre. » Jusqu’à ce, qu’excédé, il lui tende son livre…

Avec beaucoup d’humour, Lane Smith nous montre qu’un livre, un simple objet, peut nous passionner et nous emporter loin, sans avoir besoin de batterie, de carte mémoire ou de réseau. Ce sont le pouvoir des mots, ainsi que leur force évocatrice, leur manière de nous happer qui sont célébrés ici. Vive la lecture et ses bienfaits !

C’est un livre, Lane Smith, Gallimard Jeunesse, Mars 2011

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Je suis un livre, c’est un livre qui prend la parole et nous raconte à quel point il est merveilleux, beau, drôle, bref indispensable. Et comment ne pas le croire ? Saviez-vous que ce livre était doté de super-pouvoirs ? Qu’il vous permettait de développer votre imaginaire ? D’apprendre du vocabulaire ? Qu’il était facile à transporter ? Attention à ne pas le mouiller par contre… il n’apprécie guère, et il y a des règles à respecter – mais vous pouvez le serrer contre vous, il adore les câlins !

Un livre qui parle des livres avec humour, bonne humeur et bienveillance, comment résister ? Ne vous fiez pas à sa couverture toute simple, cet ouvrage est un trésor. Drôle, interactif, il mêle avec justesse définitions, réflexions sur le livre, humour et émotions. le tout saupoudré d’illustrations très colorées, joyeuses et fun. Cet album nous montre à quel point les livres sont des compagnons de vie importants, que ce sont des objets magiques qui nous transportent parfois loin, nous émerveillent, nous émeuvent, nous font rire.

Ludique, dynamique, bref, voici une très belle ode aux livres à découvrir, pour tous les amoureux de la lecture, mais pas seulement !

Je suis un livre, Anne Renaud, illustré par Caroline Soucy, Kennes, Février 2023

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Mia est une enfant qui s’ennuie : ses parents n’ont pas le temps de s’occuper d’elle, et elle se sent bien seule. Tout change lorsque quelqu’un dépose un livre sur le pas de sa porte… En le lisant, son monde se colore et prend une toute autre dimension… lui ouvrant des portes, construisant pour elle des ponts vers les autres.

Un ouvrage plein de douceur qui met en avant la lecture comme outil de partage et d’ouverture au monde et aux autres. Les livres forment des ponts qui nous relient les uns aux autres, qui nous permettent de découvrir d’autres cultures, d’autres façons de penser, d’autres univers. C’est l’un des points forts de la lecture : voyager, s’évader en quelques pages.

Les ponts qui nous lient, Tom Percival, Kimane, Août 2024.

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Yseult adore lire. Elle se plonge dans l’histoire de Tristan, qui se languit de Luan, sa bien-aimée. Luan qui croise Marc, qui lui parle de Victor… Et nous voilà transportés d’histoire en histoire…

Cet album enchanteur est un voyage, voyage entre les mots, entre les pages, entre les histoires. Un subtil mélange de texte, d’art, de créativité. De couleurs et de personnes. De rêves et d’amour.

Poétique, onirique, il nous embarque de personnage en personnage, de rêve en passion. Comme un puzzle, les pièces s’assemblent au fil de la lecture. Un exercice brillant de mise en abyme, magnifiquement mis en valeur par des illustrations d’une grande délicatesse. Couleurs chatoyantes, petits détails, jeu de lumières… c’est sublime !

Quand tout s’entrelace et se répond… Il suffit d’y croire, pour que les histoires prennent vie. Une très belle ode à l’imagination, à l’imaginaire, au pouvoir des mots évocateurs !

Il suffit d’y croire, Fabrice Colin, illustré par Gérald Guerlais. Gautier-Languereau. Novembre 2022

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Olivia est une enfant passionnée par les livres et la lecture. Un jour, elle laisse accidentellement tomber un de ses livres à l’eau. Un pieuvre découvre l’objet, et s’interroge : à quoi peut-il bien servir ? Pour le savoir, elle suit Olivia jusque chez elle. Fascinée, elle commence à dérober tous les livres qu’elle voit, cherchant à comprendre à quoi ils peuvent bien servir. Quand il ne reste plus aucun livre, Olivia décide d’agir, telle l’héroïne de ses histoires préférées…

Un très bel album qui célèbre le livre et la lecture. Ici le livre est l’objet de convoitise de la part de la pieuvre, et à travers cette histoire on voit toute la richesse de la littérature, qui permet de voyager et de vivre de grandes aventures. On voit bien ici que la lecture est un merveilleux vecteur, qu’elle permet de rapprocher les gens.

Le voleur d’histoires, Graham Carter, Kimane. Février 2021.

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Une petite princesse qui passe ses journées à lire dans sa tour, voilà qui inquiète ses parents le roi et la reine. Que va-t-elle devenir ? Aucun prince charmant n’a d’intérêt à ses yeux, et l’aventure l’attire bien plus que l’amour. Mais quand un dangereux monstre à six yeux pointe son nez… la petite lectrice pourrait bien surprendre tout le monde !

Un univers riche en clins d’œil, plein de fantaisie et de magie. Une superbe thématique, les références aux contes, et cette héroïne ! Une princesse qui préfère les livres aux princes charmants, qui dompte monstres, ogres et autres méchants avec un bon livre, c’est une idée géniale. Elle a une belle force de caractère, beaucoup d’imagination. Et que dire de l’idée que chaque personne a un livre qui lui convient, même les « méchants » de l’histoire ?

La petite lectrice, Elodie Chambaud, illustré par Tristan Gion. Gautier-Languereau. Septembre 2020

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Un album qui nous retrace l’enfance de la famille Brontë : Anne, Emily, Charlotte et Branwell. Trois filles et un garçon, unis par la même passion : celle des livres. Dès leur plus petite enfance, ils aiment conter des histoires, en inventer. Ils vont même jusqu’à créer de petits livres…

Sans surprise avec un tel titre, c’est un album qui met en avant l’amour de la littérature et le pouvoir de l’imagination. Un texte qui fait l’éloge de la créativité, pour repousser les moments difficiles, s’inventer de nouvelles aventures. Les livres ont cette capacité à nous sortir du réel pour rêver et voyager dans de nouveaux univers, explorer de nouvelles contrées…

Au pays des histoires, l’enfance de Charlotte, Branwell, Emily et Anne, Sara O’Leary, illustré par Briony May Smith. Gallimard Jeunesse. Février 2024

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Depuis sa plus tendre enfance, Lucas n’a qu’un seul rêve : voler. Malheureusement pour lui, le père Noël n’a jamais exaucé ce souhait. Alors, pour ses 7 ans, sa mère lui offre un livre en lui annonçant qu’il y a d’autres moyens de s’envoler… Et Lucas, d’abord réticent, se plonge dans ce livre, puis dans un autre, et encore un autre. Petit à petit, il se retrouve juché sur une montagne de livres…

Un merveilleux album, qui nous a enchanté, sur la lecture, et tout ce qu’elle apporte : les voyages, l’exploration du monde, d’autres univers. Avec cet ouvrage, Rocio Bonilla met en avant le pouvoir de l’imagination, la découverte, l’aventure… On observe un petit garçon qui s’immerge totalement dans ses lectures, qui finit par « voler de ses propres ailes », avec en prime l’idée de partage, avec toutes ces personnes qui prêtent des livres au petit garçon.

La montagne de livres de Rocio Bonilla. Ed. du Père Fouettard. Septembre 2017

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Tous les soirs, Élan raconte une histoire à sa famille, un moment privilégié que tous apprécient. Mais un jour, il est à court d’idées. Suivant les conseils de la femme, il se rend chez ses voisins pour emprunter un livre. Las, personne n’en a ! Qu’à cela ne tienne, il se rend en ville, et emprunte plusieurs ouvrages à la bibliothèque. Les voisins Ours, curieux, viennent écouter l’histoire. Puis d’autres les rejoignent… jusqu’à ce que le salon d’Élan ne puisse plus accueillir tout le monde ! Heureusement, Élan a une idée.

Un superbe album qui parle de lecture et de partage. A travers les histoires que raconte et lit Élan, c’est toute sa famille, puis ses voisins et amis qui rêvent, imaginent, voyagent. Ce sont des moments propices aux échanges, à la convivialité. Grâce aux histoires d’Elan, et à son bibliobus, chacun redécouvre le pouvoir des mots et se met à vouloir lire. Et ce qui est beau, c’est que dans l’apprentissage de la lecture, chacun aide son prochain, cela démontre une belle solidarité au sein des habitants de la forêt.

Le bibliobus d’Inga Moore, Pastel, Septembre 2021.

Monsieur Laliberté travaille de nuit : il est gardien de la bibliothèque. Un soir, en se rendant la_bas, il découvre un petit chiot abandonné. Il lui promet de l’emmener chez lui dès qu’il aura fini son travail, mais ce dernier ne peut s’empêcher de le suivre. Apitoyé, Monsieur Laliberté le fait entrer discrètement dans la bibliothèque, même si les animaux y sont interdits. C’est le début d’une grande complicité entre l’homme et l’animal, renommé Petit Museau. Entre travail et vie quotidienne, ils partagent tout, pour leur plus grand plaisir. Un jour, Petit Museau découvre une paire de lunettes… et se rend compte qu’il peut voir les livres …

Petit Museau parmi les mots est une histoire d’une grande douceur. La belle amitié qui lie un chien à un homme solitaire. Leur joie d’être ensemble. Les petits bonheurs simples de la vie. Et puis, derrière, une réflexion plus profonde sur ‘importance des mots, des livres, de la lecture et de son accessibilité. Sur ces personnes qui sont des déclencheurs, qui nous donnent envie de progresser, d’être meilleurs.

Petit museau parmi les mots de Gilles Tibo, illustré par Soufie, D’eux. Octobre 2023.

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Et vous, quels sont les livres qui parlent de la lecture que vous préférez ?

Les métiers du livre : dialogue entre Héloïse et Aurélien, professeurs-documentalistes

Après l’interview de Liraloin, bibliothécaire, nous avons eu envie de nous intéresser aux professeurs régnant sur les CDI (Centres de Documentation et d’Informations) pour les interroger sur leur métier. Héloïse, qui enseigne en collège, et Aurélien, professeur-documentaliste en lycée, ont accepté de nous répondre et de confronter leur vision de leur travail.

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Comment êtes-vous devenus professeurs-documentalistes, est-ce un rêve d’enfant ?

Héloïse : Non pas du tout ! Enfant, je voulais être archéologue ! C’est un peu un concours de circonstances qui m’a amenée à faire ce métier, alors que j’étais en deuxième année de master. Je travaillais en bibliothèque universitaire pour financer mes études, et je me disais que ce serait sympa de faire un métier en rapport avec les livres, vu qu’ils ont toujours été une passion. J’hésitais à passer le concours de bibliothécaire quand on m’a parlé du métier de professeur-documentaliste. L’année de préparation au CAPES a été une révélation !

Aurélien : Moi non plus, ce n’était pas un rêve, même si enfant, j’aimais beaucoup aller à la bibliothèque. Ce sont plutôt les circonstances qui m’ont amené à l’être : j’étais enseignant dans une autre discipline, et j’ai appris qu’il y avait des stages en reconversion pour être documentaliste. J’avoue que les corrections de copies et la répétition inhérente au métier de prof (« enseigner, c’est répéter », entend-on souvent à raison) me pesaient quelque peu, et j’ai profité de cette opportunité pour changer de voie. 

Quel est le parcours type pour exercer ce métier ?

Aurélien : Je ne sais pas s’il y a un parcours type. La brochure ONISEP me dira peut-être le contraire… Je pense surtout qu’il faut être prêt à intégrer un « système » tout en étant conscient que nous évoluerons un peu comme des électrons libres. Ce qui nous accorde une forme de liberté…

Héloïse : Je ne sais pas non plus mais j’ajouterai qu’il vaut mieux avoir des connaissances en sciences de l’information et en documentation, mais je ne suis pas un bon exemple, je me suis formée sur le tas !

Comment choisissez-vous les ouvrages (revues, romans, documentaires…) que vous proposez aux élèves ?

Héloïse : J’ai un budget ridicule, donc c’est quelque chose qui me demande du temps, il ne faut pas que je me trompe ! Je me base sur les programmes, les demandes des élèves, les sorties que je repère… Le plus difficile, c’est de faire des choix, puisque je ne peux pas acheter tout ce que je souhaiterais proposer à mes élèves !

Aurélien : En ce qui concerne les revues, il y a des incontournables notamment dans le domaine des sciences ou de l’actualité. Ensuite, il faut procéder à une sorte d’évaluation, en fin d’année, par exemple, en fonction des prêts, des consultations et du prix aussi ! Pour les livres, j’effectue un gros travail de veille documentaire. Comme Héloïse je me base sur pas mal de « sources » : les programmes, les demandes d’enseignants ou des élèves, une revue professionnelle (Inter CDI) ou plus généraliste (Lire magazine), mes lectures personnelles. Je consulte régulièrement la rubrique culture des hebdomadaires. Et il m’arrive aussi d’aller sur le site d’À l’ombre du grand arbre 

Quels sont vos rapports avec les autres professeurs ?

Héloïse : Ils sont très cordiaux dans mon établissement. Il faut dire que j’y travaille depuis un petit moment maintenant ! Globalement, ils sont partants quand je leur propose un projet, ce qui fait plaisir, mais je sais que ce n’est pas le cas partout. Après, je travaille tout de même souvent avec les mêmes enseignant.es… de lettres notamment !

Aurélien : À partir du moment où ils connaissent un peu mon métier, les rapports sont satisfaisants. Bien sûr, certains professeurs ne mettront jamais le pied au CDI avec leur classe ! Il faut faire avec, ne pas trop provoquer les choses au risque de mettre en place des séances superficielles. J’aimerais travailler davantage en amont avec les « réguliers », ce qui n’est pas toujours le cas… Mais quand cela se fait, en général avec des profs de lettres ou d’histoire, le résultat est toujours positif, pour nous, comme pour les élèves.

Parmi les projets ou les interventions que vous avez menés, duquel êtes-vous les plus fiers ? Pourquoi ?

Aurélien : C’est un métier où il faut apprendre, à mon avis, à être modeste et humble. Ce qui n’exclue pas la rigueur et la visée d’objectifs raisonnables. Je ne sais pas si j’ai à être fier de quoi que ce soit, mais je suis très heureux d’avoir pu créer des rencontres entres élèves et écrivains. Celles avec le regretté Charles Juliet, par exemple, ont été particulièrement riches…

Héloïse : Question difficile… Chaque projet est unique, je ne sais pas s’il y en a un que je préfère. Je suis toujours contente quand je vois les yeux des élèves qui s’éclairent, ou si cela leur permet de se révéler d’une manière ou d’une autre.

Vous avez un rôle différent des professeurs de matière, de quelle manière gérez-vous cette différence vis à vis de vos collègues et des élèves ?

Héloïse : C’est l’un des écueils du métier : les élèves ne nous considèrent pas forcément comme des enseignants, du fait de notre particularité. Ils n’ont pas « CDI » dans leur emploi du temps. J’en ai pris mon parti… Quant à mes collègues, ils ont compris que je pouvais apporter autre chose aux élèves, d’une autre manière, que c’était un autre moyen de travailler…

Aurélien : Je trouve que le métier de documentaliste (je ne me suis jamais senti obligé d’ajouter le mot « professeur ») permet un rapport différent avec les élèves et les enseignants. Il faut aussi apprendre à privilégier certaines misions par rapport à d’autres. Selon sa sensibilité ou personnalité, chacun fait sa propre hiérarchie. Faire un bilan devant les professeurs (en début ou en fin d’année) permet aussi d’apporter un éclairage sur notre travail, de leur faire comprendre que nous ne sommes pas là uniquement pour « ranger des livres », que nous devons participer à l’acquisition d’une culture de l’information pour les élèves, à favoriser l’ouverture culturelle de l’établissement, et que le CDI n’est pas une salle d’étude bis ! Bref, on fait de la pédagogie avec les profs aussi !

Quelle est la tâche que vous préfèrez ? Celle à laquelle vous ne vous attendiez pas en entrant dans ce métier ? Celle que vous aimez le moins ?

Aurélien : Faire les commandes de livres (romans, documentaires) m’intéresse, parce qu’elles ouvrent un champ de possibles. J’aime aussi partager des avis de lecture avec les élèves. Ou sur les films aussi, car le CDI doit être ouvert à la culture audiovisuelle. J’apprécie aussi d’aider les élèves à trouver des documents pertinents pour leur travail de recherche. En revanche, les tâches administratives (type réabonnements, etc.) sont assez lourdes. Et les relations téléphoniques avec les revues se sont dégradées depuis la fin du Covid… Nous devons collaborer avec des centres d’appel qui transforment les gens en robots ! Le pire selon moi, ce sont les éditeurs de manuels scolaires qui, au mois de mai, lors de la réception des spécimens pour les enseignants, nous prennent pour des valets à leur service ! Enfin, il est toujours délicat d’expliquer à des profs qui « s’invitent » au dernier moment au CDI que j’ai, moi aussi, un ordre du jour…

Héloïse : De mon côté, je ne m’attendais pas à devoir recouvrir des livres ! Et d’ailleurs, je n’ai jamais été très douée pour ça. Mais je te rejoins : ce que j’aime le moins, c’est tout ce qui est administratif. Les demandes à remplir pour espérer avoir un budget, les bilans et montages de projets qui demandent toujours énormément de temps. Par contre, j’aime conseiller des livres, j’aime expliquer des concepts aux élèves. J’aime partager mes connaissances, leur montrer qu’ils savent des choses. J’aime le contact et le partage en fait.

Justement, est-ce que vous estimez avoir un rôle particulier dans la transmission du « plaisir de lire » aux enfants ? Quelles actions avez-vous menées qui ont permis à des élèves de goûter aux joies de la lecture ?

Héloïse : Je pense qu’on a tous un rôle à jouer dans ce domaine… parents, famille, éducateurs, bibliothécaires, enseignants. Il est vrai que je peux plus facilement échanger avec eux, étant en première ligne !

Aurélien : Il est vrai que notre rôle est important. Mais nous devons faire face à un facteur qui nous complique le travail : face à la prolifération des écrans, de l’importance du téléphone portable, la lecture n’est plus la priorité des jeunes… De plus, dans mon lycée, il n’y a pas de quart d’heure lecteur (les enseignants n’y étaient pas favorables…)  L’idéal serait qu’il n’y ait plus de frontière entre « lecture plaisir » et « lecture obligatoire » en classe ! Est-ce que nos programmes scolaires permettent cela ? Je me pose la question… Par ailleurs, en ce qui concerne le CDI, il faut autant penser aux « petits » lecteurs (même si je n’aime pas cette expression) qu’à ceux qui dévorent les livres. Mais il faut préciser que le nombre de ces derniers se réduit comme une peau de chagrin à mesure que le bac approche ! C’est pourquoi je suis heureux quand nous pouvons mettre en place des rallyes lectures avec des classes. Mais, comme tu le disais dans ta réponse à la question précédente, je crois plus que jamais que le documentaliste peut devenir « passeur » en dialoguant le plus possible avec les élèves… 

Héloïse : Je mène des actions variées : des sélections thématiques, des présentations à des classes, des lectures offertes, des « emprunts mystère » (des livres emballés avec juste quelques mots-clés pour les présenter), des rencontres avec des autrices… Je présente toutes les semaines un « livre de la semaine », en essayant de varier les natures et les genres. Ce qui fonctionne bien aussi, c’est le « si tu as aimé tel livre, je te conseille celui-ci »…

Proposez-vous des sélections thématiques à certains moments de l’année ? Quelle est votre préférée ?

Aurélien : Oui, les « journées internationales » le permettent. Elles sont variées, souvent nécessaires. En plus, elles font vivre le fonds documentaire ! L’une des plus importantes, à mon avis, concerne la semaine contre le harcèlement scolaire…

Héloïse : Je le fais aussi, c’est un moyen très « classique » de mettre en avant des ouvrages. Je propose des sélection de rentrée, puis d’Halloween (qui fonctionnent toujours très bien), sur la première guerre mondiale, les droits des femmes, la science, l’écologie… J’aime bien aussi faire des sélections par « couleur », elles attirent le regard des élèves, les interpellent. Et puis je mets régulièrement en avant des lectures « faciles », pour les élèves qui n’osent pas trop lire.

Est-ce qu’il y a des échanges de lectures entre collègues là où tu travailles ?

Héloïse : Oui, mais c’est plutôt informel, sur nos pauses. Nous n’avons pas de club lecture – mais ce serait chouette !

 Aurélien : J’ai mis en place une « boîte à livres » en salle des professeurs, permettant à quelques titres retirés du fonds d’avoir une seconde vie. Des collègues me prêtent aussi des ouvrages qui pourraient avoir leur place au CDI. Comme avec Héloïse, les échanges se font surtout sur leurs temps de pause…

Avez-vous un rayon « pédagogies » ? Quel est votre titre préféré dans ce rayon ? Pourquoi ?

Héloïse : Non…

Aurélien : Nous n’en avons pas non plus, mais nous avons un rayon incluant des ouvrages aidant les élèves à mieux s’organiser par exemple. Mais pas de rayons « pédagogie » pour les profs. Je pense que, la plupart du temps, les enseignants sont contraints d’écrire leur livre eux-mêmes, en s’ajustant continuellement aux élèves, à leurs codes, sans toutefois tomber dans la complaisance ! Il faut rappeler combien ce métier formidable devient de plus en plus complexe, dans une société plus complexe elle-aussi…

Pour finir, avez-vous des partenaires avec qui tu travailles régulièrement ? Librairies ? Partenaires culturels (théâtre, centre de loisirs, cinéma…) ?

Aurélien : Non, pas vraiment. Beaucoup d’enseignants le font de leur côté, pour des projets ponctuels. Et peuvent le cas échéant, demander aux documentalistes de venir les accompagner… Je pense toutefois qu’il peut être « glissant » de solliciter systématiquement le documentaliste pour des partenariats extérieurs. Le risque est grand, je l’ai constaté, que le CDI devienne une agence de voyages. Pour moi, le plus intéressant dans ce métier, c’est l’échange avec les élèves…

Héloïse : Oui, on fonctionne beaucoup en réseau, avec les structures locales, et on travaille aussi avec quelques compagnies de théâtre. Comme nous avons peu de budget, cela permet tout de même d’ouvrir nos élèves aux offres culturelles locales, même si le pass culture nous permet aussi désormais de faire intervenir des structures qui viennent de plus loin. Nous profitons aussi du CLEA (Contrat local d’éducation Artistique) de l’agglomération, qui nous permet de monter des projets avec des artistes, auteurs et journalistes en résidence pour quelques mois.

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Merci à Héloïse et Aurélien d’avoir pris le temps de répondre à nos questions et de nous éclairer sur leur métier finalement peu connu !

Passeuse d’histoire : Liraloin, bibliothécaire à ses nombreuses heures perdues

A l’Ombre du Grand Arbre, nous aimons créer de nouvelles rubriques. Avec les « passeurs d’histoires », les arbronautes vous proposent de découvrir les différents métiers du livre. Ce lundi nous commençons avec Liraloin qui le jour est une bibliothécaire-infiltrée dans un réseau.

Votre bibliothécaire croquée par une jeune lectrice lors d’une séance de lecture pour une classe et autre dessin réalisé par un ex-collègue !

Comment es-tu devenue bibliothécaire ? Est-ce une vocation précoce ou le résultat d’un cheminement, et lequel ?

Je n’étais pas très douée pour les études. J’adorais lire et rêver, beaucoup trop même. Je me dirigeais plus vers le métier de professeur car j’aimais l’histoire et surtout le français. Parallèlement je répétais souvent « j’aimerais travailler dans les livres… » mais en ne sachant pas quoi faire exactement. C’est ma p’tite maman qui s’est dit que d’aller rencontrer la bibliothécaire de la médiathèque de notre ville serait une bonne idée (cette médiathèque venait d’être créée). Et là, révélation : le cursus et le contenu m’ont parlé de suite. Je peux dire qu’à l’âge de 18 ans je savais que je voudrais être bibliothécaire.

Quelles sont les principales qualités à avoir pour envisager ce métier selon toi ?

Il y a différents niveaux de compétences pour exercer ce métier. Si l’on veut occuper un poste comme le mien (responsable d’une section jeunesse), il est impératif d’avoir plusieurs cordes à son arc. Après, la charge de travail correspond à l’équipe que l’on encadre (autonomie, prise d’initiative, suivi des collections et des actions culturelles….). La principale qualité c’est d’avoir un grand sens du service public, nous sommes là pour les usagers. Tout va découler naturellement de cette notion.

On imagine le métier de bibliothécaire en se disant qu’il permet de lire énormément et en voyant surtout ce que l’on expérimente en tant qu’usager : quelqu’un qui nous aide à trouver LE livre qui correspond à ce que l’on est venu chercher…

En fait, c’est une idée complétement biaisée du métier. En médiathèque on ne lit pas, on lit chez soi comme les usagers. Je lis les albums pour vraiment être certaine de ne pas me tromper dans les âges, « les 0-4 ans » et les « 5-8 ans ». Après, tout dépend de l’investissement de la personne. C’est un métier en perpétuelle mutation donc j’essaye, par le biais des formations ou de ma curiosité naturelle, d’en savoir toujours plus. Je me rends compte que je n’arrête jamais, il est tellement important de savoir mesurer l’impact du numérique tout comme comprendre le succès de tel ou tel courant littéraire…

Comment choisis-tu les livres que tu commandes ? Peux-tu nous raconter le parcours d’un livre entre le moment où il arrive et celui de sa mise en rayon ?
Dans ma carrière, j’ai occupé plusieurs postes dans différentes villes. On ne fait pas les mêmes acquisitions, il faut mesurer les attentes du public et aussi savoir « bouleverser » les attendus. Exemple : une fois par mois je propose aux jeunes parents une matinée sur la sensibilisation à la littérature de jeunesse. Les parents qui y viennent n’ont pas les mêmes attentes. Pour un couple qui lit régulièrement à son bébé, je vais sortir des sentiers battus en leur montrant des livres atypiques vers lesquels ils ne seraient peut-être pas allés. A contrario de parents qui n’ont pas la moindre idée de ce qu’on peut lire à un bébé, là je vais aller vers des livres plus faciles d’accès en leur montrant comment lire… sans évidemment donner de leçons. La seule chose que je dis (pour tous) : « prenez plaisir à lire l’album ou chanter, l’enfant le sentira tout de suite ». (bon j’ai divagué sur l’action culturelle mais tout est très imbriqué !)
Pour les acquisitions, nous avons des statistiques : taux de rotation d’un livre durant un an (le nombre d’emprunts d’un livre), c’est en partie cela qui va déterminer l’orientation des collections. Est-ce que je développe plus d’albums pour les 0-3 ans ? Comment achalander une collection de documentaires ? Est-ce que je ne vais pas extraire les albums jeux des albums pour attirer des enfants qui lisent moins car j’ai une section jeux vidéo et que cela peut être cohérent ?
Comme j’ai une certaine expertise en éditions jeunesse, je fais la différence dans le travail de certaines maisons d’éditions. Attention également à bien équilibrer les collections et ne pas acheter que des livres élitistes… sachant que certains ouvrages sont peu empruntés (comme la poésie et le théâtre), c’est à nous de mettre les collections en avant et d’en faire la médiation (c’est un autre pan du métier).
Le livre est commandé chez un libraire (les médiathèques travaillent avec des prestataires qui répondent aux critères d’un marché établi par des collègues travaillant en politique documentaire – j’y ai travaillé également). Le livre peut arriver équipé ou nu selon les degrés de prestation. Pour un livre nu, il faut l’équiper : code-barre, estampillage (tampon de la médiathèque), pose de charnière et de filmolux (couverture avec un film plastique spécial), de la puce RFID (antivol) et de la cote du livre (son adresse : pour le retrouver en rayon). Ensuite il est catalogué (référencé dans le SIGB – le logiciel de la médiathèque). Chaque médiathèque a son SIGB et donc le développe selon les demandes hiérarchiques (tranches d’âges, genre des romans ou des films, section jeunesse ou ado, fonds spécifiques : parentalité ou FAL (Facile à Lire). Puis mise en rayon, en facing pour les mettre en valeur ou sur les tables de nouveautés ….

Quel aspect de ton métier préfères-tu ?

J’aime beaucoup ce que je fais au quotidien. Ce que je préfère c’est de monter des projets et des actions culturelles en direction des usagers et choisir les documents qui correspondent au public en attente. Pour moi, le seul fait qu’une maman me dise « je trouve vraiment tout ce que je veux dans cette médiathèque » me prouve que j’ai réussi à faire des acquisitions pertinentes. La communication est très importante, il ne faut rien laisser au hasard, elle passe autant par la médiation des collections (tables thématiques, mise en avant d’un auteur…), que par la médiation des actions (savoir reconnaître un usager qui serait intéressé par tel ou tel atelier…). C’est pour tout ce qui se passe dans les murs de la médiathèque car le travail hors les murs est aussi important, notamment les projets que l’on monte avec nos partenaires associatifs ou éducatifs.

Et, a contrario, y a-t-il des tâches un peu moins sympas dont les usagers n’ont pas conscience ?

Je dirais que c’est la difficulté de se faire entendre par la collectivité parfois. Il n’y a pas de tâches moins sympas, enfin pas à mon niveau. Par contre, je n’occuperai jamais un poste en direction : faire des plannings, gérer le bâtiment… ce n’est pas ce que je préfère.

Dans les inconvénients (mais c’est peut-être une vision biaisée du métier), une sous-question sur le poids de l’administratif ou des budgets à gérer peut-être ?

Cela dépend vraiment de la collectivité. J’ai connu des budgets très serrés comme le contraire. J’ai quitté un poste en politique documentaire principalement pour cet aspect. Gérer des commandes, passer des commandes…. Ce n’est pas très stimulant. Heureusement il y a d’autres tâches très bien en politique documentaire mais on est moins dans l’action auprès du public.

Comment conseilles-tu tes lecteurs et lectrices ? As-tu des valeurs sûres, ou essaies-tu de cerner leurs envies de manière très personnalisée ?

C’est très aléatoire je dirais. Le fait de créer une table thématique peut mener la lectrice-le lecteur à prêter attention à des livres vers lesquels il/elle ne serait pas allé/e. Ce que je préfère c’est surprendre l’usager !

Après il y a aussi le conseil individuel. C’est toujours agréable lorsqu’on range les étagères, souvent les lecteurs nous interpellent. Il m’arrive aussi de m’immiscer en toute discrétion pour un conseil comme ça : surtout quand une maman explique à son fils qu’elle en a marre car il ne lit que des mangas et qu’elle aimerait qu’il lise un roman, c’est classique et là bim… je m’adresse à l’enfant directement, le parent n’existe plus et je lui demande ce qu’il préfère : l’aventure, le suspens, avoir peur…. Généralement il ou elle repart avec LE roman. Comme toute bibliothécaire, j’ai des valeurs sûres.

Les bibliothèques peuvent jouer un rôle super important pour devenir ‘lecteur’, découvrir la littérature. As-tu une anecdote que tu voudrais nous raconter ?

Récemment une éducatrice d’un centre social (celui du quartier de la médiathèque) m’a demandé d’accueillir à la médiathèque des familles qui ne fréquentent pas le lieu. C’était un chouette moment, j’avais préparé des lectures pour les 5-11 ans, des valeurs sûres ! Lors du temps fort sur la restitution des actions menées par ce centre social, l’éducatrice m’a expliqué que les enfants et les parents avaient tellement adoré les histoires qu’elle avait envie de faire venir un conteur plutôt qu’un magicien. Elle m’a expliqué aussi que pour elle c’était le moment qu’elle avait préféré car le groupe était agité et que j’avais su capter leur attention. Il ne m’en faut pas plus pour être heureuse.

Et peut-être ta plus belle rencontre / ton plus beau souvenir ?

Je ne sais pas si j’ai un plus beau souvenir. Ce que je cherche dans ce métier c’est la décharge de bonheur que le conseil ou une situation peut provoquer. Le fait de voir qu’un enfant revienne à la bibliothèque avec ses parents car il n’arrête pas de parler « de la dame qui a raconté des histoires » durant un accueil de classe. D’être émue lorsque je vois les collégiennes et collégiens sauter de joie lorsque je leur annonce qu’une autrice va venir les rencontrer. De voir qu’un bébé de 2 ans lit le petit album que je viens de lui lire, à sa manière, et qu’il le refait 1.2.3 fois de suite laissant son parent complètement bluffé.

Après un de mes plus beaux souvenirs c’est d’avoir modéré un auteur lors d’une rencontre avec le public. C’est beaucoup de travail mais si satisfaisant !

Les projets dont tu es le plus fière et/ou que tu adores mener ?

Le projet que j’adore c’est la création du comité de lecture avec le collège de mon secteur et cette relation de confiance qui s’installe avec la professeure-documentaliste. Cette année, les élèves sont très motivées et surprenantes. Le fait d’avoir associé également les élèves du conservatoire de théâtre est une belle initiative (les comédiens et comédiennes interprètent les extraits des romans choisis pour donner envie aux jeunes de lire). J’adore aussi « Nos doudous aiment les histoires » : sensibilisation à la littérature de jeunesse. Un titre que j’ai choisi car ce qu’aime le tout-petit c’est raconter à son doudou. A chaque fois, je me sens utile, passeuse d’histoires…

J’ai adoré lorsque ces mêmes élèves du conservatoire sont venus à la médiathèque répéter des textes que j’avais choisis sur la thématique de la liberté dans le cadre de « Partir en livre 2023 », c’était émouvant, si heureuse que les textes leur aient plu !

Après j’ai adoré monter un Apéro-comics pour faire découvrir les comics aux usagers emprunteurs de BD et mangas (c’était en 2016). Un autre projet dont je suis fière aussi c’était que des jeunes d’un centre aéré puissent lire des textes mis en musique par un percussionniste et une comédienne.

Il y a eu aussi ces jeunes d’un lycée pro qui avaient monté un club mangas (on s’y rendait une fois par mois, on avait même fait un speed-booking) et qui sont venus à la médiathèque sur un temps fort autour de la SF (alors que ce n’est pas du tout mon rayon). Après, sans prétention, je n’ai peur de rien, je suis si passionnée que tout est un plaisir !

Le public que tu préfères ?

Je n’ai pas de préférence mais je dirais tout de même le public jeunesse (c’est mon secteur). Tous les âges sont sympas. Je suis aussi à l’aise avec le public handicapé que les personnes âgées ou les tout-petits.

Tu as travaillé dans différentes structures, dans des bibliothèques de village peut-être avant de travailler dans de plus grosses structures (ou inversement ) : qu’as-tu préféré ? Pourquoi ?

C’est vrai, j’ai eu la chance de travailler pour différentes collectivités. J’ai débuté dans une médiathèque qui appartenait à un réseau de trois médiathèques en plus de faire partie d’une agglomération de 13 communes qui avaient aussi leur propre réseau interne, ou une seule médiathèque pour les petites communes. Nous avions le catalogue en commun et une méthodologie de catalogage commune ainsi qu’une navette (circulation des documents réservés-retours). Nous ne travaillions quasiment jamais ensemble. Par contre, les trois médiathèques travaillaient ensemble et les agents étaient mobiles selon leurs missions. Après, j’ai travaillé dans une médiathèque dans une commune de taille moyenne et le travail était différent. On est certes assigné à un poste mais on est plus multitâches. J’ai aimé travailler dans ces deux collectivités même si j’ai eu une petite préférence pour la médiathèque n’appartenant pas à un réseau, j’étais plus libre de créer des projets… bon cela tient aussi aux orientations de la direction. Actuellement je travaille sur un réseau de six médiathèques mais il y a beaucoup de retard par rapport à ce que j’ai connu et c’est parfois difficile.

Comment envisages-tu ta mission auprès des classes ? (que dirais-tu du partenariat entre bibliothèque et Education Nationale ?)

Je fais des accueils de classes depuis mes débuts (2005) et j’ai connu de belles actions. J’ai connu le travail sur un projet durant une année entière ou bien sur une création avec une temporalité plus courte. Cette année, c’est la première fois que je ne fais pas d’accueil de classe (maternelle-élémentaire), je me consacre aux autres accueils (petite enfance – collège – autres partenariats…). Peu d’agents ont de l’expérience dans ces accueils donc … ça m’embête mais je ne peux pas être partout. C’est la deuxième année que je reçois les 10 classes de 6ème du collège de mon secteur et cela commence à porter ses fruits. Les collégiens viennent s’inscrire ou fréquentent la médiathèque plus assidument. La fidélisation prend du temps.
Le partenariat entre les médiathèques et l’Education Nationale dépend vraiment de plusieurs facteurs. C’est un peu complexe à expliquer ici. Pour conclure je dirais qu’il n’y a pas la même implication selon les collectivités. C’est terrible car j’ai l’impression que l’on est en perpétuel recommencement. Rien n’est jamais acquis. Dans ce métier il est aussi important de se faire entendre et, là aussi, c’est compliqué…

Et pour finir : du vocabulaire surprenant… « mais quel est ce terme ? »

Désherbage : au Canada les professionnelles utilisent le terme « élagage », cela consiste à enlever des livres des collections.

Refouler : c’est redresser une étagère de livres

Bulletinage : opération de pointage des périodiques (revues)

Exemplariser : le fait de rattacher un exemplaire à sa notice

Estampillage : apposer le tampon de la médiathèque sur la page de titre.

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Quel beau métier que celui de bibliothécaire !

Merci Liraloin d’avoir répondu à nos questions pour ce premier article de notre nouvelle rubrique sur les acteurs du livre !