Nos coups de coeur de juin

Avant de nous lancer dans des sagas ou autres lectures propices à l’été, voici nos coups de cœur du joli mois de juin. Promis, vos arbonautes seront là en juillet et août pour vous faire voyager dans des pays lointains et toujours en famille ! En attendant, bonne lecture !

Pour Liraloin, la poésie est un véritable cataplasme pour les blessures de l’âme. Admirative du travail de la maison d’édition Le Port à Jauni, voici deux recueils qui l’ont fait voyager très loin…

Poèmes par-dessus les toits de Pierre Soletti et illustré par Gabriella Corcione, Le Port a jauni, collection :  Poèmes, 2021

Par-dessus les toits, on crie des poèmes, on murmure des poésies. On attrape des mots au vol qui tournent dans la bouche et le cœur. Attendre parfois, relire souvent. La poésie est une invitation à la lenteur. Ce n’est pas au hasard que Gabriella Corcione a choisi la samare comme illustration d’intérieure de couverture. Des petites ailes jetées, tourbillonnant par-dessus les toits. Pierre Soletti dans sa nostalgie invite son lectorat à voyager en lui pour mieux s’interroger sur autrui.

« De mon toit d’ardoises

je t’écris

des cartes postales

à la craie »

L’homme sans paysage, battre la campagne de Mo Abbas, illustré par Jeanne Macaigne – Le port à jauni, collection : Poèmes, 2024

Est-ce un voyageur solitaire, fragiles ailes de papillon qui ne peuvent se déployer ? Chercher un monde meilleur pour s’envoler ? Parcourir les paysages pour connaître le sien et observer cette Nature offerte à toutes et à tous. Ecouter danser les mots dans cette marche salvatrice pour s’aventurer encore plus loin dans un monde sans frontière. Pourquoi vouloir répondre à certaines questions lorsque l’homme est en capacité de ressentir la Nature ? Accepter de marcher, oublier et se reconnecter « …A la limite du mot, habiter la Terre, rendre immuable l’éphémère, comme s’il existait un théorème parfait pour décrire la réalité ».

Sur des textes où les mots jouent entre eux, Mo Abbas écrit cette poésie qui se déroule comme un chemin que nous devons explorer. Est-ce que la sensibilité de Jeanne Macaigne nous permet d’apaiser toutes ses interrogations : « … tu parles aux épouvantails, à la volaille, au bétail, tu deviens ce chien fou, allez cherche ! cherche ! qui fouille les buissons pour lever le gibier. Tu as perdu le nord, et alors ? Sans carte, ni boussole, tu vas de bâbord à tribord ? D’accord. Et qui ça gêne, d’abord ?.. »

Merci à Mathilde Chèvre de nous laisser écouter la version audio sur le site en langue française et arabe comme dans le cahier. La musique en bonus pour un moment heureux.

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C’est la lecture de Plein gris qui a marqué le mois de juin pour Ileautresor.

« Ce qui se passe en mer reste en mer. » Mais que s’est-il passé, justement ? Un corps remonte à la surface de l’eau. Celui de leur ami Clarence. Ce dernier était comme un soleil : surtout aux yeux d’Emma. Il brillait comme un soleil. Avant de se brûler les ailes…

Prendre la mer, c’était leur rêve. Etre seuls maîtres à bord… Partir naviguer ensemble. C’était grisant. Une aventure d’une semaine. A bord d’un voilier. Ils en avaient tant rêvé… de partir en mer. Ensemble. Jusqu’en Irlande… Juste eux quatre : Clarence, Sam, Elise, Emma. Au dernier moment, sur le port, Victor s’est joint à la petite bande- et le voilà à bord.

Le vent s’est levé. Un avis de tempête a été lancé. Aucun d’entre eux n’aurait pu prévoir, ce soir-là, ce qui s’est passé. Que faire à présent ?

« A l’horizon, une barre sépare mer et océan. C’est gris suie, épais comme un incendie de pétrole, et ça se rapproche. Les voiles se gonflent dans le plus grand désordre, giflant le mât avec de grands cliquetis de poulies et de manilles. le corps de Clarence n’a pas bougé. » Que faire ? Faire demi-tour ? Appeler les secours ? Les chapitres alternent entre le présent et les rappels du passé. D’une part, il faut combattre la tempête qui vient sur eux – c’est le présent – D’autre part, Emma – la narratrice – se souvient : la rencontre avec Clarence… puis celle avec Victor. Rétrospectivement, Elle évoque les moments avec Clarence. Elle pense à l’équipe qu’elle formait avec lui. Elle, à l’arrière du dériveur, lui, sur le pont, le visage dans les embruns. Rien qu’elle et lui. Le résultat, c’est un roman passionnant. Il l’a captivée… et elle n’a pu s’en détacher. Ileautresor l’a lu d’une traite… Il est rythmé… comme elle aime. C’est un grand roman, à n’en pas douter. Et elle est ravie d’avoir découvert une grande auteure de romans !

Plein gris, Marion Brunet, Pocket Jeunesse, 2021.

Son avis complet ICI et celui de Lucie.

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Lucie a eu la chance de se voir proposer La petite fille au fusil par les toujours pertinentes éditions du Ricochet. Ce roman graphique de 224 pages propose une vision de la seconde Guerre Mondiale par une toute jeune fille lituanienne.

Elle a aimé découvrir cet événement dramatique d’un autre point de vue, le front russe, et les invasions successives subies par la Lituanie. Mais plus que tout, elle a aimé la personnalité vive et résiliente de Madga qui parvient à garder une âme d’enfant dans un contexte atroce et fait preuve d’une étonnante débrouillardise.

Les illustrations dans les tons ocre et pleines de vivacité servent parfaitement ce récit qui tient jusqu’au bout l’équilibre entre rires et larmes.

La petite fille au fusil – histoire d’une jeune résistante, Marius Marcinkevičius, illustrations de Lina Itagaki, Éditions du Ricochet, 2025.

Son avis complet ICI.

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Ce sont deux albums d’amour et d’amitié qui ont touché le cœur de Blandine.

Magic Iznic. Gabrielle LAESAGE et Antoine DOSSUN. Editions Chapitre #, février 2025

Magic Iznic nous emmène auprès d’une tulipe, Laylé, qui a perdu son ami l’Oeillet, suite à la brisure de leur décor. Au fil de son voyage, elle fait différentes rencontres qui lui permettent de de voir moult motifs qui ornent les céramiques ottomanes, en particulier celles d’Iznic, dont elle est elle-même originaire.

Un album d’art et d’Histoire, délicatement illustré, pour découvrir d’autres cultures.

Petit Renard Flou. Marine REGIS-GIANAS et Cécile BIDAULT. L’Ecole des Loisirs, octobre 2024

Petit Renard est flou car il fait tout pour ne jamais être vu, aperçu, décelé. Il fait tout pour se fondre dans le décor de la nature et y parvient très bien, jusqu’à ce qu’il entende d’autres animaux. Au gré des saisons et des températures, il découvre d’autres émotions, d’autres sentiments que ceux de la peur, de la fuite, de la dissimulation. Et ainsi naît en lui, une certaine tristesse, une certaine envie aussi. C’est dans ce maëlstrom des sens qu’il accepte un jour de se départir de son flou.

Cet album tout en délicatesse nous parle des peurs et des apparences, de la vie et de nos désirs, comme de l’acceptation. Les illustrations combinent différents traits et techniques pour une atmosphère des plus chaleureuses et enveloppantes. Un album qui réchauffe le cœur !

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Deux coups de cœur pour Séverine en ce mois de juin, chez la même maison d’édition, dont elle a acheté ces 2 albums le même jour. Il s’agit de la toute jeune maison indépendante Athizes, qui commence à se faire un nom parmi celles qui proposent à la jeunesse des livres forts, engagés, généreux, inclusifs, dont les messages citoyens et humanistes sont à chaque parution portés par de très beaux textes et des illustrations magnifiques. Athizes, c’est la beauté au service de l’humanité. Les précédents albums que possède Séverine l’avaient déjà convaincue que la littérature peut être porteuse d’un espoir qui n’a pas de prix, surtout lorsqu’elle s’adresse aux enfants en leur donnant les moyens de « faire entendre leur voix, de les inspirer, de les faire voyager, pour que leurs rêves deviennent […] des victoires ! » : « L’enfant comme l’étincelle : petit par sa taille, grand par son pouvoir !« .

Le premier coup de cœur, Les sources mêlées, dernier titre de la collection « Rêver », est un très beau conte écologique autour du bien le plus précieux qui soit : l’eau, et la vie qu’elle apporte. Poétique et émouvante par son texte, merveilleusement illustré dans des tons dominants de bleu et de jaune très lumineux, cette histoire est mêle les valeurs de respect de l’environnement, de courage, de solidarité, en délivrant un message universel : tous.es ensemble, en rassemblant nos forces, on peut agir et préserver nos ressources essentielles, qu’elles soient naturelles ou humaines. Il n’est pas sans rappeler la légende amérindienne du colibri et son célèbre Je fais ma part, pour, d’une même voix, dire aux enfants, que chacun.e d’entre elle.ux est important.e, aussi petit.e soit-il/elle. L’allégorie de la goutte d’eau, simple et forte à la fois, est inoubliable.

« Depuis ce jour, les habitants appellent cet endroit les sources mêlées. Ainsi, ils se souviennent que c’est grâce aux gouttes de chacun d’eux que la vie est revenue. Ils se souviennent de la puissance de leur union ».

Le deuxième album, Memory, est inspiré d’une histoire vraie, comme toutes celles de la collection « S’inspirer » est un véritable manifeste pour les droits des filles. Au Malawi, pays d’origine de Memory Banda dont l’album retrace superbement le combat, mais aussi partout en Afrique, et, par extension, dans le monde entier. D’après l’Unicef, 1 fille sur 5 est mariée avant ses 18 ans. C’est la cas de Mercy, la petite sœur de Memory, qui devient ainsi mère de 3 enfants à seulement 16 ans ! C’est pour elle, mais aussi pour toutes les petites filles que les traditions ancestrales privent de scolarité, de liberté et tout simplement d’enfance, que Memory parviendra à force de courage, de conviction, de détermination, à faire bouger les lignes, en faisant inscrire dans la loi -et dans les esprits- que « chaque enfant, garçon ou fille a le droit de rêver. Et aussi de décider de quoi son avenir sera fait ». Le texte de la grande Sophie Andriansen dont l’œuvre toujours engagée résonne encore une fois, est brillamment construit autour de la symbolique et des couleurs du drapeau du Malawi, tandis que les illustrations fines et riches en couleurs de Flore Godlewski sont d’une grande force évocatrice. Pour que les enfants d’ici ou d’ailleurs n’oublient jamais qu’ils/elles ont des droits fondamentaux et surtout, le droit de les défendre.

Memory, de Sophie Andriansen, illustré par Flore Godlewski, Athizes, 2025

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Lecture commune : Lonely Club

Il y avait un moment que les membres du blog ne s’étaient pas connectées pour parler bande dessinée. Lucie, Blandine et Liraloin se sont bien amusées à lire cette BD qui véhicule de nombreux messages sur le milieu du livre… vous allez vite comprendre en lisant cette lecture commune !

Lonely Club de Pelle Forshed, L’Agrume, 2025

Lucie : Connaissiez-vous le travail de Pelle Forshed ?

Liraloin : Pas du tout, je ne connaissais pas cet auteur alors que je participe tous les mois à un comité BD ! Je n’ai pas pris le temps de me renseigner sur ses autres publications par contre… Et vous ? 

Blandine : Non, je ne connaissais absolument pas. J’ai entendu parler de l’album grâce à une publication du rendez-vous BD auquel je participe en ligne quasi tous les mercredis. Et lorsque j’ai vu que vous souhaitiez lire cette BD, forcément, ça m’a donné envie de vous rejoindre. Et j’aime bien le titre en oxymore !

Lucie : Moi non plus. Mais je me suis aperçue depuis que Pendant ce temps était à la bibliothèque, je l’emprunterai certainement.
La couverture a un côté « super héros » avec ce titre qui fait penser à la typo de Superman, la posture typique de Batman du personnage sur le côté… si je n’avais pas lu la présentation, je me serais attendue à un comic. Et vous, quelles étaient vos attentes ? à quoi vous a fait penser cette couverture ?

Blandine : Alors je ne m’attendais à rien du tout. J’avais même plutôt pensé à une femme voilée dans un pays du Moyen-Orient, plus qu’à autre chose, ou à un déguisement.  Je pensais, avec ce titre, à un club littéraire clandestin, de résistance. Impression d’autant plus renforcée que je ne lis que très rarement les 4ème de couverture ! J’aime être surprise, et là, ce fut clairement le cas !

Lucie : C’est amusant les écarts d’interprétation, je n’aurais pas du tout pensé à la résistance Blandine, mais c’est très pertinent !

Liraloin : Moi non plus ! mais je comprends pourquoi tu as eu cette impression. 

Liraloin : La couverture est très bien choisie, attirante et vraiment typique du roman graphique. Comme tu le dis Lucie, c’est trompeur avec ce personnage sur le toit mais le côté comics aurait été le personnage accompagnée de la faux de la Mort. La typo du titre fait un rappel au cinéma. On verra par la suite que finalement le titre est une référence à la musique. Je n’avais pas d’attente particulière mais en lisant la 4ème de couverture je me suis dit : j’espère que c’est un peu barré et absurde. 

Blandine : Effectivement, c’est barré, un peu absurde concernant le milieu littéraire, ses surprises, ses éclats, ses rendez-vous aussi ! Et les interconnexions qui peuvent exister au sein de ce milieu, mais aussi avec d’autres, et ici, la publicité, et la cartomancie. Toute la couverture est en oxymore, dès le titre. Avec une typo très vintage, très cinématographique comme l’a bien remarqué Liraloin, très occidentale. Si je reste sur mon impression première de résistance, ça prend sens aussi. 

Lucie : Niveau absurde, c’est vrai que nous avons été servies ! Justement, L’Agrume publie des albums jeunesse mais celui-ci n’est pas particulièrement dédié aux jeunes lecteurs. Il aborde des thèmes difficiles comme la dépression, l’alcoolisme, la tentation du suicide… En quoi ce roman graphique peut être intéressant pour eux, selon vous ?

Liraloin : Bizarrement tous les sujets que tu évoques sont indéniablement présents mais ils sont traités de telle façon que cela passe car, que ce soit l’alocoolisme, la dépression ou la tentative de suicide, et bien il y a une certaine légèreté dans les propos de manière à ce que le lecteur ne soit pas forcement “atteint” à la première lecture. Pour moi, il peut trouver son public auprès des ados sans problème mais je crains malheureusement que ces derniers n’y soient pas ou peu sensibles.

Blandine : De mon côté, et peut-être parce qu’en tant que libraire j’appartiens à ce “milieu littéraire”, ce qui m’a immédiatement percutée, c’est justement ce milieu-là. L’attente pour un auteur de voir son “bébé de papier” publié, puis lu, puis encensé, ou tout du moins apprécié par les “professionnels”, ici un libraire, mais surtout LE critique BD DU journal. Cela devient risible car l’auteur, évidemment subjectif, ne mise que sur cette reconnaissance. Et dans ce milieu hyper concurrentiel, une critique, même négative, est attendue car synonyme d’intérêt du lectorat qui, sans cela, ne pourrait, ou ne saurait, s’y retrouver dans ce flot de publications continuel.

Lucie : C’est justement une question que je voulais vous poser : pensez-vous, comme semble le dénoncer l’auteur, que le monde de l’édition est profondément arbitraire ?L’anecdote du critique sur la pile de C.V. dont le patron jetterait la moitié à la poubelle en se disant « ça c’est ceux qui n’ont pas de bol, je n’en veux pas dans mon entreprise » est assez parlante à ce niveau-là !

Liraloin : Mais complètement ! Il y a énormément de publications et sortir du lot de la P.A.L devient un enjeu de taille d’où le comportement de Benedikt. Tout est bon pour se faire reconnaître dans ce flot de BD publiées chaque année ! Dernièrement nous avons eu un débat avec un membre de mon comité de BD qui expliquait qu’il ne comprenait pas pourquoi A l’intérieur de M. Sapin était dans notre PAL de ce mois-ci (ouvrage de commande – hyper politisé…)

Blandine : En effet, le monde de l’édition croule sous les publications (même s’il tend à en réduire le nombre – en tout cas en France). Cette BD ne vise pas seulement ce monde-ci mais aussi, avec beaucoup de dérision, voire de sarcasme, les critiques littéraires comme les auteurs eux-mêmes. Arbitraire, je ne saurais dire, mais dans la maison d’édition de Benedikt, Grunk, la ligne éditoriale semble très floue lorsqu’on compare le livre de Benedikt et celui de Boel Flood.

Liraloin : En effet Blandine, le critique littéraire est aussi très mal en point dans cette BD. Visiblement toute la chaîne du livre souffre.

Lucie : Je rebondis sur le terme “sarcasme” utilisé par Blandine, tellement adapté au ton de ce roman graphique ! L’auteur pousse le curseur assez loin, l’humour (noir) est très présent. Vous a-t-il séduit ?

Blandine : J’ai été totalement séduite par cet humour noir. Il me semble aussi juste qu’attractif.

Liraloin : J’adore ! Je suis fan surtout quand l’auteur se compare à Paul Auster ! Il est à fond et il a raison de croire en sa BD, il se fait son cinéma seul, c’est très drôle. Je trouve que le scénario est fin (un gros travail de traduction). 

Lucie : Cela ne m’étonne pas que ça t’ai fait rire. De mon côté, je l’ai pris comme une farce, un moyen d’exorciser la peur de l’échec que ressent tout auteur, impression renforcée par la ressemblance physique entre le personnage et l’auteur, d’autant que la mise en abîme est jouée jusque dans le titre de l’œuvre. Mais Benedikt peut aussi sembler assez égocentrique et prétentieux : comme tu l’évoquais il se compare successivement à Paul Auster, Baudelaire…(!) Qu’avez-vous pensé de lui ?

Liraloin : Il ne supporte pas le succès de Boel Flood au point d’en faire des rêves complètement barrés ! (les seules planches couleurs d’ailleurs). Il n’est plus du tout connecté à sa famille tellement il est mégalo.

Blandine : Benedikt ne m’a pas paru spécialement sympathique. Il est tellement obnubilé par sa BD qu’il estime géniale et incontournable, comparant – comme vous le disiez – sa “flânerie” à Paul Auster (un auteur que j’aime énormément) et à Baudelaire, qu’il m’a paru très égocentrique, évidemment pas objectif, et absolument pas ouvert d’esprit. Sa femme, Frida, ne semble même pas (ou plus) s’en émouvoir. Est-ce parce qu’elle a l’habitude de ce genre de comportement chez son mari ou par simple désintérêt ? Elle semble quand même beaucoup porter la stabilité de la famille (j’imagine financièrement si les livres de Benedikt sont des flops – d’autant qu’il a mis 5 ans à écrire et faire publier celui-ci ; parentalement avec leur fils, dans leurs loisirs de couple…) Benedikt semble être un homme très passif dont l’humeur est invariablement liée à l’opinion qu’ont les autres de lui, donc de son œuvre. Il n’a rien d’indépendant, alors que son métier l’y obligerait..
Quant à Magnus Kjellander, l’éditeur, il semble n’en avoir rien à faire du raté de Benedikt et être totalement assujetti à Boel Flood (financièrement, le succès de l’une peut peut-être compenser le flop du premier). 

Liraloin : Ce qui est assez extra c’est que Mathias Ortiz le critique littéraire est également égocentrique et complètement dépressif alors que Benedikt le porte “aux nues” ! c’est très bien vu. 

Blandine : Tout à fait Liraloin ! L’imagination, les fantasmes, les craintes sont portés à leur paroxysme concernant les autres. Chacun estime les autres, les imagine tellement mieux et plus qu’ils ne sont en réalité. Et chacun se trompe sur la réalité de ce que chacun est et surtout ressent. Serait-ce une invitation à davantage et mieux communiquer?

Liraloin : C’est pas faux ce que tu évoques Blandine, oui mieux communiquer pour mieux saisir les intentions de l’autre. Ici les intentions d’un auteur.

Lucie : Oui, tout à fait : le Club Lonely ce sont tous ces personnages seuls même si entourés (d’une famille, de sollicitations, de collègues…), essentiellement par manque de communication, d’écoute, de temps partagé (vraiment partagé, la séance d’escalade en amoureux vaut son pesant de cacahuètes !). En tout cas, c’est ainsi que je l’ai compris.

Blandine : Pelle Forshed joue avec ses personnages en nous dévoilant, à nous lecteurs, leurs pensées, nombreuses et très diverses, quand leurs dialogues se résument souvent à des phrases laissées en suspens.

Liraloin : Oui je l’ai vu comme toi Lucie. Il ne reste plus qu’à Benedikt d’incarner la Mort et ainsi faire “peur” à son pire ennemi LE critique littéraire. Il pousse le bouchon un peu loin Maurice.

Blandine: Je vous rejoins totalement. Ce que tu dis Liraloin est très juste : on vit dans une crainte permanente, qui est devenue l’unique moyen de dialogue et de communication.

Lucie : Les personnages ne sont pas très attachants, on l’a compris, et c’est ce qui me rend curieuse : quel personnage avez-vous préféré ?

Liraloin : Mon personnage préféré c’est Oddie j’adore cette planche très borderline. Blague à part, je dirais que je n’ai pas de personnage préféré. Tous les protagonistes se ressemblent un peu. La voisine de Mathias Ortiz est aussi gratinée que les autres. Sans doute Frida me semble garder les pieds sur terre en prenant un grand recul, Blandine en a bien parlé plus haut.

Blandine : Je ne crois pas avoir de personnage préféré. Peut-être Frida, mais elle me semble assez froide tout de même.

Lucie : De mon côté, la figure du critique Mathias Ortiz que tu évoquais Liraloin m’a beaucoup plue : il est complexe à souhait. Pédant mais terriblement seul et triste, conscient de son pouvoir sur la carrière des auteurs mais lassé d’une production homogène… Il est aussi perclus de doutes que les autres mais veut le cacher à tout prix, je trouve ce type de personnage très intéressant.

Blandine : Ton analyse de Mathias Ortiz est très pertinente ! Effectivement, son “pouvoir” lui pèse terriblement. Tandis que l’éditeur n’endosse absolument pas son rôle, il a fait parvenir le livre au critique mais ne s’assure pas de sa lecture, ne s’occupe pas de son auteur oublié, ne s’offusque qu’en privé du faux-bond de sa star d’autrice à une dédicace…

Liraloin : L’éditeur joue les faux-jetons, il n’est pas crédible pour un sou ! Ton analyse est juste Blandine.

Blandine : Selon vous, qu’est-ce qui fait le succès d’un livre? 

Liraloin : Je dirais que certaines critiques littéraires sont pour beaucoup dans le succès d’un livre ou plutôt dans la recommandation. La meilleure et plus belle façon d’obtenir du succès est le bouche à oreille, enfin je pense…

Lucie : Je dirais la chance de sortir au bon moment, l’écho dans les médias, certainement (et donc en partie l’investissement financier de l’éditeur dans la communication), et le rôle des libraires qui vont (ou non) le mettre en avant sur leurs présentoirs. J’aimerais pouvoir répondre « simplement le talent de l’auteur » mais j’avoue que je n’y crois pas.

Blandine : Nombreux sont les auteurs à s’être vus refuser la publication de leur manuscrit ici ou là, et tout d’un coup, voir le succès leur sourire. Les prescripteurs sont nombreux, et  chaque tranche d’âge a le sien. Et comme toi Lucie, je pense que chaque maillon est important. C’est une coordination, une collaboration même. En tout cas, cela devrait.

Liraloin : J’aimerais avoir votre ressenti sur le personnage de Maria ?

Blandine : Mère célibataire qui habite un appartement grâce à son père dans un quartier cossu (en tout cas couru), absolument pas à l’aise dans son métier de publicitaire (voire même carrément à côté de la plaque), et qui trouve son épanouissement dans la cartomancie, dont elle délivre les significations et pouvoirs dans des vidéos en ligne, pour lesquelles elle se grime.
Elle ne semble pas du tout à l’aise dans sa peau, ni dans ses goûts, n’ose pas dévoiler son amour (ou son attirance) pour Mathias, n’ose pas affronter son père. Elle semble très fade en comparaison des autres qui, par leur mal-être et égocentrisme, sont des personnages marquants. Et puis la cartomancie passe pour une activité au mieux ludique, en tout cas pas sérieuse. Je ne suis pas d’accord puisque je la pratique. Mais au fond, n’est-elle pas celle qui cherche le plus à s’en sortir, en tout cas, à chercher des solutions ?

Liraloin : J’avoue que ce personnage ne m’a pas paru essentiel sauf pour une chose, rendre Mathias Ortiz doté de sentiments.

Lucie : En tout cas, dans une BD où les situations gênantes ne manquent pas, c’est elle qui a la palme avec la scène de la salle de bain. Pour moi elle est spectatrice de sa vie (c’est peut être pour cela qu’elle s’intéresse à la cartomancie, pour ne pas se sentir responsable de ses choix) et le peu d’initiatives qu’elle prend tournent systématiquement à l’échec. On peut comprendre qu’elle peine à s’y résoudre. Même si elle essaye, parfois…

Blandine : Ton analyse de l’usage de la cartomancie par Maria est totalement contraire à la mienne, c’est intéressant ! Et la salle de bains, oui mais par gêne, ou pudeur, ou culpabilité, elle n’est pas totalement passive, elle s’en va, tandis que Mathias se lamente (sur son propre sort).

Blandine : Qu’avez-vous pensé du style graphique de Pelle Forshed ? Personnellement, je l’ai trouvé à la fois épuré et sobre, mais aussi très particulier. Il m’est difficile de le qualifier de “beau” mais il sert très bien le propos, car il n’y a pas de fioritures, de décors ou de détails. D’autant que le découpage des cases et les cadrages sont quasi uniformes tout du long. Son usage de la couleur, tout en bichromie peut sembler monotone mais sert la détresse psychologique de ses personnages. Les couleurs, plus vives, sont utilisées pour le spectaculaire ou le rêve. Il y en a donc peu.

Lucie : Pelle Forshed va à l’économie et l’efficacité. Son trait semble simple, même s’il ne l’est évidemment pas, et va à l’essentiel. Comme vous l’évoquez, il utilise très peu de couleurs pour un rendu aussi gris que le moral de ses personnages principaux. Le lecteur est plongé dans le doute et la tristesse des personnages mais, rappelons-le, avec beaucoup de recul et d’humour !

Liraloin : Son style est assez classique. Le découpage est linéaire sans inventivité. Oui parfaitement cet usage de la couleur bichromie est le reflet de cette détresse psychologique. 

Lucie : Aucun extrait de la fameuse œuvre « maudite » n’est dévoilée au lecteur, au contraire de celle de sa concurrente. Elle est en revanche souvent qualifiée par l’auteur lui-même et parfois de manière très différente. Je trouve ce parti-pris très pertinent, cela laisse le lecteur s’imaginer un chef d’œuvre – ou non – mais au moins pas de déception à ce niveau-là, contrairement à La vérité sur l’affaire Harry Quebert par exemple dans lequel les extraits de la « Grande Œuvre » m’ont tellement déçue que j’ai décroché. Et vous, qu’avez-vous pensé de ce choix ?

Blandine : Tu as tout à fait raison. Sur ce “chef d’œuvre”, nous n’avons que le point de vue de son auteur et le silence, l’absence, criants, des critiques (de tout le monde autour de Benedikt). Et j’aime ce parti-pris. On ne peut en effet qu’imaginer. Et je reconnais que sa comparaison avec Paul Auster m’a rendue plus que circonspecte. A relativiser tout de même, car lorsqu’on lit les planches de Boel Flood, on peut se questionner sur la qualité et la qualification d’un “chef d’œuvre”. Et c’est justement ce à quoi veut nous mener Pelle Forshed, je pense : nous forger nous-mêmes, en tant que lecteur.ice.s, nos propres avis, indépendamment de tous les acteurs du monde du livre. Sans influences, sans parti-pris, en toute honnêteté et conscience. Est-ce seulement possible ?

Liraloin : Je comprends tout à fait le point de vu de Blandine sur les intentions de Pelle Forshed. Il y a tout de même un passage très intrigant qui nous en dit un peu plus sur Benedikt. Ce que j’aime c’est que dans son inconscient il puisse donner le titre de sa BD qui était le nom d’un DJ Crew d’un ancien camarade de classe (p.105). Personnellement, je pense que sa BD n’est pas terrible enfin c’est cela à quoi je m’attendrais pour finir sur une note très absurde bien évidemment ! 

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Nous espérons vous avoir donné envie de découvrir cette BD et que vous prendrez autant de plaisir que nous à découvrir cette histoire. Merci à l’Agrume de nous avoir envoyé ce titre auquel nous souhaitons plus de succès que son double de papier !

Les métiers du livre : être libraire jeunesse

Après l’interview de Liraloin, bibliothécaire, ainsi qu’Aurélien et Héloïse, professeur(e)s – documentalistes, nous avons eu le plaisir d’interviewer Alexiane une jeune libraire dynamique pour vous partager son métier et sa passion !

Alexiane (à droite) et son employée Clara devant la superbe vitrine de la librairie les Trois Brigands

Pourquoi avoir choisi le nom des « Trois Brigands » ?
Le nom de la librairie est inspiré du titre d’un album de mon enfance, Les Trois Brigands de Tomi Ungerer. C’est un livre paru dans les années 60, qui est assez précurseur dans la littérature jeunesse. Là où aujourd’hui les propositions sont très riches, avec de nombreux illustrateurs et auteurs, c’était bien moins le cas à l’époque. C’est un album qui parle à beaucoup de gens et qui, à mon avis, est intergénérationnel. Posez la question autour de vous, je suis sûre que des personnes de votre entourage connaissent ce titre. J’avais envie de partager cela avec ma clientèle et de faire en sorte que le nom de ma boutique évoque notre enfance. Après tout, je suis spécialisée dans la littérature jeunesse.
J’ai réfléchi pendant plusieurs mois avant de choisir le nom de ma boutique. Ce n’est pas une tâche simple : tout notre entourage a ses propositions et des avis divergents. Après plus d’une centaine d’idées et de suggestions, je me suis finalement arrêtée sur celle-ci.

Le métier de libraire sonne comme la réalisation d’un rêve d’enfant, est-ce effectivement le cas pour vous ?
J’ai toujours adoré m’évader dans des mondes imaginaires, mais c’est véritablement au collège que ma passion pour la lecture s’est développée. C’est une amie qui m’a encouragée à rejoindre un club, un peu comme le vôtre. Aujourd’hui, elle aime dire que j’ai trouvé ma voie grâce à elle (et elle n’a pas tout à fait tort).
Pour la petite anecdote, je n’aimais pas particulièrement lire auparavant. Mais, comme tous les lecteurs, il y a un « livre déclic », celui qui nous fait découvrir le plaisir de la lecture. Pour moi, c’était L’Ordinatueur de Christian Grenier, un grand merci à ma professeure de français.


Bref, ma passion s’est véritablement affirmée au collège puis au lycée, et j’ai rapidement compris que je voulais que cette passion devienne bien plus qu’un simple loisir : je voulais en faire mon métier. À mon avis, pour être libraire, il faut être passionné. Sans cette passion, ce métier n’a pas de sens.

Quel a été votre parcours pour parvenir à transformer cette passion en métier ?
J’ai suivi une licence Métiers du livre, spécialisée en librairie, à Clermont-Ferrand pendant deux ans après avoir obtenu un BAC ES. Durant ces deux années, j’ai réalisé plusieurs mois de stage dans différentes librairies, ainsi que du bénévolat dans des salons du livre, comme celui dédié au carnet de voyage, qui fut une belle découverte. Cependant, après ces deux ans, je souhaitais une formation plus axée sur la pratique.
J’ai donc intégré l’université d’Aix-Marseille pour une licence professionnelle Librairie en alternance. Cette dernière s’est déroulée au café-librairie « Les Parleuses » à Nice. Ce fut une année que j’ai énormément appréciée, car je pouvais mettre en pratique la théorie apprise. On a beau posséder de nombreuses connaissances, être face à un client est bien plus formateur. À la suite de cette alternance, j’ai été embauchée en CDD pour une durée de six mois.
Malheureusement, avec la pandémie de Covid-19, les contraintes financières n’ont pas permis de prolonger mon contrat. Durant ces années d’expérience, j’ai particulièrement aimé travailler dans le rayon jeunesse, et je tenais à me spécialiser dans ce domaine.
J’ai donc recherché un poste de libraire jeunesse dans toute la France afin de trouver un emploi qui me correspondait réellement. Même si la France compte un peu plus de 3 000 librairies indépendantes, il n’est pas simple de trouver un poste vacant. Je ne pouvais donc pas me limiter géographiquement si je voulais décrocher un poste précis.
J’ai finalement été embauchée à La Maison du Livre à Rodez, dans l’Aveyron, une grande
librairie indépendante de plus de 800 m². Là-bas, je gérais le rayon jeunesse, avec plus de 16 000 références, les animations, les stocks, les rencontres et la communication, le tout avec l’aide de deux collègues.

Ce fut une expérience extrêmement enrichissante, ponctuée de magnifiques rencontres.
Cependant, après plus de trois ans passés dans cette librairie, j’ai ressenti l’envie de me lancer et de créer ma propre librairie, à mon image.

Quelle est la tâche que vous préférez dans votre métier ?
Sans hésiter, le conseil client ! J’adore raconter des histoires, partager mes lectures et donner envie de lire. J’aime particulièrement lorsque qu’un client revient me dire qu’il a adoré l’histoire, qu’on a trouvé LE livre parfait pour lui.

Celle que vous aimez le moins ?
En tant que gérante de la librairie, il y a beaucoup de paperasse à gérer et de comptabilité, qui ont toujours tendance à s’accumuler si l’on traîne. C’est indispensable, donc je le fais vite pour m’en débarrasser, mais ce n’est clairement pas une partie de plaisir.
Si je devais mentionner autre chose qui ne concerne pas directement le poste de gérante, je dirais la manutention. C’est une tâche peu visible, car elle fait partie des aspects un peu cachés du métier. Pourtant, je reçois plusieurs cartons de livres par jour, parfois même jusqu’à une tonne de livres pendant les périodes de forte activité. Je transporte donc constamment des charges lourdes sans forcément prêter attention à mes mouvements, ce qui m’a déjà valu plusieurs blessures. C’est malheureusement monnaie courante dans ce métier : aucun libraire n’y échappe !

Lorsque certains clients n’ont aucune idée, quels sont « vos secrets » pour conseiller LE livre qui plaira ?
Un client a toujours une petite idée, même s’il n’en a pas forcément conscience. Mon « secret », si je reprends votre terme, est de poser des questions pour comprendre ce qui pourrait lui convenir. Par exemple : Pour qui recherchez-vous un livre ? Est-ce pour vous ou pour quelqu’un d’autre ? Quels sont les goûts de cette personne ? Quel est le dernier livre qu’elle a apprécié ?
Préférez-vous partir sur un roman, une bande dessinée ou un album ?
En fonction des réponses, je me dirige vers un rayon adapté aux attentes du client pour lui présenter des ouvrages susceptibles de lui plaire. En général, on repère rapidement, à l’expression du client, si cela lui convient ou s’il faut explorer d’autres options.
Si cette méthode ne fonctionne pas, parce que le client a du mal à répondre aux questions, je lui montre une sélection de livres très variés et lui demande ce qui lui plairait le plus. Cela me permet ensuite de lui proposer d’autres ouvrages dans le même esprit.
Chaque client est unique : il n’y a jamais deux fois la même demande, et il faut savoir s’adapter à chacun. Mais c’est aussi ce qui rend le métier passionnant, car aucune journée ne se ressemble.

Quel est le livre que vous lisez actuellement ? Et votre dernier coup de cœur ? Puisqu’il est impossible de tout lire, comment choisissez-vous les titres auxquels vous accordez votre attention ?
Je reçois énormément de services de presse de la part des éditeurs : des livres qu’ils nous envoient gratuitement pour que nous puissions les lire et mieux les vendre. Pour vous donner une idée, je reçois environ 40 romans par mois (et je ne parle ici que des romans).
Heureusement, je ne reçois pas tous les livres qui paraissent, sinon je ne m’en sortirais pas.
Vous vous en doutez, il est impossible pour moi de lire 40 romans par mois, à moins de ne faire que ça de mes journées. Alors, ma règle est de lire les 50 premières pages de tous les romans que les éditeurs m’envoient. Je considère qu’ils ont fait l’effort de m’envoyer un livre
gratuitement, donc je me dois de jouer le jeu de mon côté. Je ne termine que les livres qui me plaisent vraiment et que j’ai envie de finir. Je pense que se forcer à lire tue l’envie et le plaisir de la lecture.
Je choisis donc les livres que j’ai envie de lire. Par exemple, j’adore les romans fantastiques, alors j’ai tendance à en lire davantage, contrairement aux romances, qui me plaisent moins, sauf lorsqu’elles sont tragiques. Comme tout le monde, j’ai mes propres goûts littéraires.
Ainsi, j’ai toujours plusieurs lectures en cours (environ une dizaine). Si je devais en choisir un parmi ceux que je compte terminer, je dirais Les Adelphides d’Alice Dozier. Je l’ai commencé hier [Alexiane a répondu à cet entretien en mars], et il m’a bien captivé. Enfin, même si je lis beaucoup et que j’ai aimé plusieurs livres, pour moi, un coup de cœur doit surpasser les autres. Je citerais un livre lu pendant la période de Noël : Songlight de Moira Buffini.
C’est un excellent roman de science-fiction dystopique (j’adore les dystopies) qui explore la valeur de l’authenticité et la liberté d’être soi-même.

Avez-vous un livre de chevet et si oui lequel ?
Oui, mon livre préféré est Azul d’Antonio Da Silva. J’adore la façon d’écrire de cet auteur : des chapitres courts, une lecture fluide et rapide, avec du suspense et des rebondissements à chaque page. Il nous embarque dans son univers, nous mène en bateau, et on en ressort toujours avec une multitude de questions. J’ai beau le relire, je me fais toujours happer de la même manière.
Pour vous en donner un aperçu : on suit Miguel, un jeune garçon vivant au Portugal, qui a un don un peu particulier : il peut traverser les tableaux. Son objectif est de corriger les plus petites erreurs des chefs-d’œuvre de la peinture. Mais tout ne se déroule pas comme prévu. Des événements étranges commencent à survenir dans sa vie quotidienne. Miguel en vient à se demander : si lui peut entrer dans les tableaux, est-il possible que quelque chose en sorte ?
Toute la question de ce roman est : qu’est-ce qui est réel ? C’est un récit qui mêle aventure, enquête policière, romance et suspense.
L’auteur vient de sortir un nouveau roman, Les Oublieux. Il est déjà sur ma pile à lire, et j’ai hâte de m’y plonger !

Est-ce que les chiffres de vente influencent vos commandes ?
Cela dépend si l’on parle des chiffres de vente réalisés dans ma librairie ou de ceux à plus grande échelle (mondiale, nationale, etc.). Par exemple, si un auteur que j’apprécie ou qui se vend bien dans ma librairie sort un nouveau livre, je vais plus facilement en commander
plusieurs exemplaires. En revanche, si je me base plutôt sur les chiffres de vente à l’international pour une traduction, je ne vais pas forcément en commander beaucoup. Certains livres se vendent très bien à l’étranger, car ce sont des lectures populaires là-bas, mais ce n’est pas forcément le cas chez nous. Cela dépend vraiment de l’ouvrage.
Lorsque je travaille sur un nouveau titre, j’essaie de tenir compte de ma clientèle et d’estimer le nombre de personnes qui pourraient être intéressées par le livre. Voici plusieurs critères que je prends en considération :

  • Si l’éditeur prévoit une importante campagne de presse,
  • S’il m’envoie un service de presse,
  • Si l’auteur est particulièrement populaire en ce moment,
  • Si c’est le nouveau tome d’une série qui fonctionne bien (par exemple, le prochain Hunger Games : Lever de soleil sur la moisson),
  • Si le livre est adapté au cinéma,
  • Si le sujet résonne avec une actualité récente,
  • Et également l’éditeur lui-même, car d’un éditeur à l’autre, la qualité des livres et les moyens financiers pour les promouvoir varient.

Cela peut paraître un peu complexe, mais c’est vraiment un travail de gestion que j’ai appris durant ma formation. Malgré tout, il reste difficile de tout anticiper. Parfois, un livre devient soudainement très populaire sur les réseaux sociaux, et cela peut être imprévisible. Dans ces cas-là, il arrive souvent que le livre tombe en rupture de stock, car même l’éditeur n’a pas pu l’anticiper. Ce fut le cas pour Mille Baisers pour un Garçon ou encore Et Ils Meurent Tous les Deux à la Fin.

Comment décidez-vous de vos vitrines ? A quelle fréquence les modifiez-vous ?
J’ai deux vitrines qui donnent sur deux rues. Je les change environ tous les mois, en fonction des thématiques actuelles, des grandes nouveautés, ou encore d’un thème que nous avons envie de mettre en avant. J’aime beaucoup faire cela, car cela nous permet de laisser parler notre créativité et nos envies.
Par exemple, en ce moment, il y a une vitrine « Team Chien ou Team Chat » et une vitrine sur les jeux. Mais j’ai déjà réalisé des vitrines sur : le chantier, la danse, les dinosaures, les cochons, l’histoire, la mer, les loups et bien d’autres encore.
Il arrive parfois qu’un éditeur lance un concours de vitrines avec des lots à gagner afin de mettre en avant ses publications.

Êtes-vous présentes sur les réseaux sociaux ? Avez-vous un site internet ? Pourquoi ?
Oui, nous sommes présents sur Instagram et Facebook. J’ai également lancé, il y a une semaine, un site internet :
www.lestroisbrigands.com
J’ai souhaité créer un site très complet. Il permet de consulter le stock de la librairie, de créer des listes d’envies, de commander les livres qui ne sont pas en magasin ou de réserver ceux qui s’y trouvent. Il est également possible de payer en ligne et de se faire expédier les ouvrages. Ce site me sert aussi de plateforme d’information et d’agenda pour ma clientèle.
J’essaie d’être très active sur les réseaux sociaux et sur le site internet, car aujourd’hui, le numérique a pris une place importante. Pour fidéliser les jeunes, il est essentiel d’être le plus visible possible sur les plateformes. C’est beaucoup de travail, car cela demande du temps : veille, tournage de vidéos, photos, montage, création d’affiches, etc. J’endosse de nombreuses casquettes, tout comme ma salariée Clara, afin d’assurer une visibilité indispensable de nos jours.

Et pour compléter cette visibilité numérique, organisez-vous des animations autour du livre et de la lecture dans et hors les murs ? Et si oui quelles sont les étapes de préparation ?
Les animations sont indispensables pour faire vivre un commerce, et encore plus dans une librairie pour enfants. En moyenne, j’organise une animation par semaine. Par exemple, nous proposons deux fois par mois des séances « bébé lecteur » pour les enfants de 6 mois à 3 ans (albums en anglais et en français). Depuis ce mois-ci, nous organisons également un atelier créatif par mois, en commençant avec un atelier de bracelets brésiliens. Il y a aussi des goûters-lecture pour les enfants de 4 à 7 ans.
Pour le reste des animations, comme les rencontres avec des auteurs et les dédicaces, cela dépend des opportunités. Soit nous démarchons un auteur, soit c’est lui qui nous contacte, et nous acceptons de le recevoir. Ces événements engendrent des frais supplémentaires à prendre en compte. Il faut donc trouver un équilibre : inviter suffisamment d’auteurs pour montrer à la clientèle que le lieu est vivant, mais pas trop pour éviter d’être à perte.
La préparation varie en fonction des animations. Pour les goûters-lecture, je sélectionne des ouvrages qui m’ont plu et m’entraîne à les lire à voix haute une fois, généralement la veille si j’ai le temps. C’est un exercice que je fais régulièrement, donc j’ai pris l’habitude et je peux improviser si besoin.
Pour les ateliers créatifs, étant plutôt manuelle, je maîtrise pas mal de techniques. Je combine généralement mes connaissances et les suggestions des éditeurs. Quant aux rencontres avec les auteurs, je m’assure de lire leurs livres au préalable. Si un échange de questions est prévu, je prépare mes questions au fur et à mesure de ma lecture pour ne rien oublier avant de faire le point.
Pour ce qui est des animations « hors les murs », j’ai participé à la Fête du Livre du Var en novembre, mais je ne considère pas cela comme une animation, plutôt comme un salon.

Travaillez-vous en partenariat avec le(s) école(s), le(s) collèges, lycée(s) de votre ville ?
Oui, je travaille avec plusieurs collectivités, le lycée Bonaparte, ainsi que les médiathèques de Sanary et de Bandol. Il est important de collaborer avec toute la chaîne du livre, car cela permet de toucher un plus grand nombre de lecteurs.
Pour certains partenariats, la librairie doit répondre à des marchés publics. Concrètement, la mairie publie une offre pour une bibliothèque donnée, et toutes les librairies peuvent y répondre afin d’obtenir ce marché. Nous devons alors proposer les meilleurs arguments pour remporter le marché. C’est encore un peu difficile pour moi de m’imposer face à un géant comme Charlemagne (librairie de taille importante sur la ville), mais je compte persévérer !

*

Merci à Alexiane pour sa gentillesse et sa passion ! Nous souhaitons une longue route à sa belle librairie !

Lecture commune : dans l’univers fantastique de la Belle et la Bête

Il existe une multitude de versions de ce conte célébrissime. Depuis Madame de Villeneuve et Madame Leprince de Beaumont, il a été remanié, réécrit, adapté… C’est d’ailleurs la seconde fois que Cécile Roumiguière se prête à l’exercice : elle avait déjà travaillé sur la version de Madame de Villeneuve avec la complicité d’Aurélia Fronty en 2013. De son côté, Benjamin Lacombe avait envie de retrouver l’émotion causée par la découverte du film d’animation de Disney, et les textes originaux ne lui convenaient pas. C’est donc une toute nouvelle version, modernisée que vous proposent les éditions Albin Michel. Et Liraloin et Lucie n’ont pas pu s’empêcher d’en discuter.

La Belle et la Bête de Cécile Roumiguière, illustrations de Benjamin Lacombe, Albin Michel jeunesse, 2025.

Liraloin : Est-ce que la couverture t’a attirées ?

Lucie : En fait n’importe quel livre qui porte le titre La Belle et la Bête m’attire par principe. Je ne sais pas vraiment expliquer pourquoi mais j’ai un attachement particulier à ce conte. Sur cette couverture, l’utilisation de la lumière qui attire l’œil dans le creux du cou de la Belle et l’attitude un peu résignée de la Bête m’ont intriguée. Et toi ?

Liraloin : Mon attachement est purement enfantin car je connais mal ce conte, du moins son caractère originel. C’est le dessin animé que j’ai vu au cinéma à sa sortie qui m’a transporté : une femme, brune : ça change qui lit des livres et qui peut porter de superbes robes. Une héroïne qui lit !!! Cette couverture est très attirante, glauque à souhait ce qui tranche avec notre cerveau trop habitué à la version Disney. Il y a ce mélange gothique et tellement de tendresse dans ce couple. Oui, tu as raison nous avons là une Bête résignée.

Lucie : Mais oui moi aussi, enfin une héroïne roturière qui rejette le bellâtre de service et surtout qui lit. Joie absolue, l’adaptation de Disney ! D’ailleurs, on en parlera mais ce film fait partie des références de Benjamin Lacombe. Et alors, passée cette couverture, coup de cœur ou pas ? Je sais que tu avais quelques réserves avant de le lire et je suis aussi très curieuse de connaître ton ressenti !

Liraloin : J’aime beaucoup l’écriture de Cécile Roumiguière. J’avais eu un énorme coup de cœur pour son roman Les Fragiles. Au salon du livre SLPJ de l’année dernière elle était présente lors de la superbe dédicace pour l’album Les 9 vies extraordinaires de la Princesse Gaya. Elle est discrète, douce. Par contre voilà, je l’avoue je ne suis pas fan du travail de Benjamin Lacombe. Il y a dans ses illustrations une espèce de froideur qui me fige, je n’arrive pas à dépasser cette sensation. Après les albums proposés dans cette collection sont extraordinaires.

Liraloin : Est-ce que tu connaissais Cécile Roumiguière ? Aimes-tu le travail de Benjamin Lacombe ?

Filles de la Walïlü, Cécile Roumiguière, L’école des loisirs, 2020.

Lucie : De Cécile Roumiguière je n’ai lu que Les filles de la Walïlü qui avait été proposé une année pour le prix ALODGA. Je n’avais pas accroché, mais sans détester non plus. Quant au travail de Benjamin Lacombe, son trait est très particulier, je pense que je me souviendrai si j’avais lu quelque chose de lui. J’aime beaucoup ses décors et l’attention qu’il porte à l’éclairage de ses scènes. En revanche, j’ai un vrai problème avec les yeux de ses personnages qui me font penser aux “Big Eyes” de Margaret Keane. Cela donne un côté inquiétant qui n’est pas forcément justifié ici (alors que c’est tout à fait pertinent dans son travail sur Mercredi par exemple). C’est son style, on aime ou pas, mais je pense qu’il ne laisse pas indifférent.

Mercredi par Benjamin Lacombe sur le site 2dgalleries.com

Liraloin : Oui tout à fait je ne comprend pas ici que la Belle soit illustrée ainsi pourtant je suis capable de me détacher de toute image imprégnée par Disney ou autre…

Lucie : Puisqu’on y revient, étant toutes les deux fans du dessin animé de Disney, nous n’avons pas pu manquer les clin d’œil de Benjamin Lacombe à ce film. As-tu apprécié et si oui lequel as-tu préféré ?

Liraloin : Alors malgré mes deux lectures de ce texte et aussi à regarder attentivement à nouveau les illustrations, je n’ai pas compris pourquoi tout d’un coup, dans cet univers Freaks et gothique nous avons Madame Samovar qui apparaît !

Lucie : Je vois ce que tu veux dire. Les souvenirs du film Disney que nous avons ne correspondent pas trop au gothique sombre des illustrations. Encore que dans le dessin animé le château était pas mal inquiétant aussi. C’est ton dernier mot, Madame Samovar ?

Liraloin : Le côté inquiétant est poussé à son extrême aussi ici et du coup ça en fait un détail qui tombe un peu comme un cheveu sur la soupe si je peux dire. De ton côté, comment as-tu perçu ces détails et clins d’œil ?

Lucie : J’ai apprécié retrouver les costumes dont Lacombe a gardé les couleurs. Les autres, type les personnages Madame Samovar, Zip, Lumière, etc. ça tient plus de la blague d’initié. Pas indispensable mais pas gênante non plus pour moi.

Liraloin : Tout comme toi, j’ai apprécié retrouver les costumes mais j’ai aussi été déçue (c’est assez ambivalent comme sentiment) : si nous assistons à une réécriture du conte alors autant y aller franco et imaginer d’autres visages, vêtements…

Lucie : Comme l’a magnifiquement fait David Sala, que nous aimons beaucoup toutes les deux, dans ses illustrations de la version de Madame Leprince de Beaumont, par exemple.

La Belle et la Bête, Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, illustrations David Sala, Casterman, 2014.

Lucie : De mon côté, j’étais un peu inquiète de l’annonce de la réécriture “moderne” du conte. Qu’en as-tu pensé ?

Liraloin : J’ai été très surprise et agréablement, j’ai vraiment apprécié ce travail de recherche, et que Cécile Roumiguière choisisse de s’inspirer de Madame de Villeneuve que de Madame Leprince de Beaumont. De plus, elle y ajoute l’histoire des Gonsalvus dont tu parles dans ta critique sur Babelio. Cette histoire sert de base à cette réécriture car le sort est inversé, comme c’est bien vu ! La Bête est née Bête (pilosité-maladie génétique) et c’est la mère de ce dernier qui convoque un mage pour que son fils soit “normal”.

Lucie : Oui, en fait de “modernisation”, c’est un retour aux sources pour aborder la notion de différence, celle du consentement aussi qui prend plus de place que dans d’autres versions… C’est très intelligemment fait.

Liraloin : D’ailleurs c’est intéressant ce que tu dis là car dans la version illustrée par Aurélia Fronty, Cécile Roumiguière ne se détachait pas du texte de Madame de Villeneuve. Je parle du moment où tous les soirs après le repas la Bête demande systématiquement à Belle si cette dernière accepte qu’il couche avec elle. Ici on est sur une version plus adaptée aux enfants et vue également dans le film de Cocteau.

La Belle et la Bête, Cécile Roumiguière, illustrations d’Aurélia Fronty, Belin éducation, 2013.

Lucie : Oui, ici la Bête pose une question rituelle tous les soirs mais c’est “Voulez-vous m’épouser ?” qui est quand même un peu moins direct !

Liraloin : Autre changement : de l’Europe du Nord, le conte est transposé à Venise. Ce choix t’a-t’il convaincue ?

Lucie : Honnêtement, dans la mesure où les personnages quittent à peine le château (et encore, pour aller chez la Belle), je n’ai pas bien vu l’intérêt. Mais il permet la magnifique illustration brumeuse des pages 48-49 alors… Et puis c’est la ville des amoureux, le père est un armateur, cela peut se justifier. Cécile Roumiguière avait d’ailleurs déjà fait ce choix pour sa version précédente sous titrée Rendez-vous à Venise.

Liraloin : Contrairement à toi, j’ai vraiment apprécié que l’intrigue se passe à Venise, je pense que c’est son côté vaporeux, brumeux et dédales de rues comme les pièces cachées d’un château qui m’a plu. De plus, l’eau noire sur laquelle évolue ce personnage mystère m’a interpellé, apportant un aspect magique en phase avec cette réécriture.

Lucie : Pour moi, l’élément le plus marquant de cet album, ce sont les lettres que se sont écrites la Belle et la Bête pendant leur séparation. Ils ne les ont pas envoyées mais elles sont reproduites à la fin de l’ouvrage. As-tu aimé cette idée ?

Liraloin : J’ai trouvé cette idée très originale dans le sens où notre empathie est directement mise à l’épreuve. On s’éloigne du caractère un peu froid du conte pour tomber et joliment tomber dans un échange épistolaire émouvant. Tu as ressenti la même chose ?

Lucie : Je suis d’accord avec toi, j’ai trouvé que c’était une excellente idée. Belle a déjà commencé à s’attacher à la Bête au moment où elle retourne dans sa famille, mais c’est à travers ces lettres que l’on ressent vraiment l’évolution de ses sentiments. Cela rend son amour plus crédible, d’une certaine façon. Et les lettres de la Bête montrent bien l’humanité sous l’aspect bestial.

A la suite des ces lettres, les lecteurs ont la surprise de découvrir un dossier documentaire illustré sur la famille Gonsalvus à l’origine de ce conte. Cécile Roumiguière explique qu’il s’agit d’une famille dont le père, atteint d’hypertrichose, a été considéré comme un animal de compagnie dans différentes cours d’Europe au 16ème siècle. Cela lui permet de mieux comprendre l’histoire à laquelle la Belle fait allusion dans ses lettres à la Bête (d’ailleurs c’est lui-même, qui lui donne un livre parlant de cette petite fille-animale de compagnie).

Et pour conclure, Benjamin Lacombe présente cette collection qu’il dirige et explique ses influences.

Lucie : Pour conclure, à qui conseillerais-tu cet album ?

Liraloin : Pour cet album, je pourrais le conseiller à des enfants à partir de 11 ans (bons lecteurs tout de même ou ultra fans de ce conte). Le côté angoissant n’est pas gênant car le fantastique reste une ambiance pour ma part.

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Nous espérons vous avoir donné envie de découvrir cet album, voire de relire ce conte dans différentes versions !

Prix À l’Ombre Du Grand Arbre 2025 : les lauréats !

C’est aujourd’hui le grand jour de l’annonce des lauréats de notre Prix ALODGA. Vos arbronautes préférées ont individuellement sélectionné des livres parus en 2024 et les ont proposés à leurs collègues, qui, selon leurs possibilités, leurs envies ou leurs thèmes de prédilection, les ont lus à leur tour. À l’issue d’un système de notation rigoureux, un classement a été effectué afin de déterminer les 3 finalistes de chaque catégorie, regroupant des genres balayant de la toute petite enfance aux ados. Nous vous avons proposé de voter ces dernières semaines et tenons à vous remercier pour votre participation exceptionnelle, puisque nous avons décompté pas moins de 661 votes ! Un record !… Sous vos applaudissements

Catégorie Petites feuilles (albums pour les grand.e.s)

Cet adorable album de la maison d’édition indépendante Cot Cot Cot a surnagé ! Vous l’avez largement élu album de l’année, pour sa plongée… en beauté au cœur d’une histoire tendre, touchante mais aussi pleine d’humour !

A l’eau ! Heejin Park, trad. Charlotte Grison, éditions Cot Cot Cot, 2024

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Catégorie Brindilles (albums pour les petits.e.s)

Comme nous, vous appréciez de sortir des sentiers battus et vous l’avez prouvé ! Les urnes (virtuelles ;-)) ont parlé et c’est cet album original, qui invite en douceur à une réflexion sur ce qu’on ne dit pas, faisant la part belle aux images, qui a emporté vos voix.

Quand je garde le silence de Zornitsa Hristova & illustré par Kiril Zlatkov, traduit par Marie Vrinat-Nikolov – Six citrons acides, collection : Around the langue, 2024 – publié pour la première fois en 2014 en Bulgarie, 2024

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Catégorie Racines (documentaires)

Un ex-aequo inédit pour la catégorie documentaires ! Et deux merveilles, effectivement ! Nous avions sélectionné trois titres qui invitent au dialogue et à la découverte de l’Autre, pour montrer que les barrières et les conflits perdent tout leur sens dès que l’on admet cette simple vérité : nous sommes tous.te.s des humains, notre pays, c’est la Terre.

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Catégorie Branches dessinées (BD et romans graphiques)

Chez les BD et les romans graphiques, résultat sans mystère, c’est finalement un album un peu inclassable, d’une extraordinaire inventivité visuelle, à la fois enchanteur et ludique (il faut des lunettes 3D pour en profiter), ne ressemblant à aucun autre, qui a remporté les suffrages.

Jeanjambe et le mystère des profondeurs, de Matthias Picard. Ed. 4048, octobre 2024.

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Catégorie Belles branches (romans ados)

Krok a dévoré ses concurrents ! 232/416 : le record du nombre de votes a été battu, félicitations !… Qui a dit que les adolescent.e.s ne lisaient plus ? Ce roman traitant de problématiques sociétales, jonglant entre humour et mordant, mais qui sait aussi rentrer les griffes pour se faire poésie, douceur et pattes de velours, est la preuve que la littérature ado a encore de beaux jours devant elle.

Krok, d’Hervé Giraud, Thierry Magnier, 2024

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Catégorie Grandes feuilles (romans jeunesse)

On peut parler de tout aux enfants, à condition que ce soit bien fait. Comme vos abronautes, vous avez plébiscité cette belle histoire, dans laquelle le sujet sensible de la dépression d’un parent est traité avec grand talent. Ou quand l’amitié, l’amour des siens, toutes les couleurs de la vie, l’emportent sur la noirceur. Mention spéciale pour l’objet-livre magnifique, qui a tout d’un grand.

A la poursuite des animaux arc-en-ciel, de Sarah-Ann Juckes, illustré par Sharon King-Chai, Little Urban, 2024

Encore un beau succès du Prix ALODGA, pour lequel nous avons mobilisé en équipe, toute notre conviction, toute notre passion. Félicitations aux lauréats, à leurs auteur.e.s et à leurs maisons d’édition (à noter que l’édition indépendante s’est particulièrement illustrée cette année.) Mais plus qu’une compétition, ce Prix a surtout pour objectif de mettre en valeur la richesse quasi sans limites d’un pan de la littérature à part entière. Que nous soyons enfants, adolescent.e.s, parents, enseignant.e.s, la belle littérature jeunesse a quelque chose à nous dire, entre capacité à s’émerveiller et consciences à éveiller. Écoutons-la. Mieux : lisons-la.