Lecture commune : dans l’univers fantastique de la Belle et la Bête

Il existe une multitude de versions de ce conte célébrissime. Depuis Madame de Villeneuve et Madame Leprince de Beaumont, il a été remanié, réécrit, adapté… C’est d’ailleurs la seconde fois que Cécile Roumiguière se prête à l’exercice : elle avait déjà travaillé sur la version de Madame de Villeneuve avec la complicité d’Aurélia Fronty en 2013. De son côté, Benjamin Lacombe avait envie de retrouver l’émotion causée par la découverte du film d’animation de Disney, et les textes originaux ne lui convenaient pas. C’est donc une toute nouvelle version, modernisée que vous proposent les éditions Albin Michel. Et Liraloin et Lucie n’ont pas pu s’empêcher d’en discuter.

La Belle et la Bête de Cécile Roumiguière, illustrations de Benjamin Lacombe, Albin Michel jeunesse, 2025.

Liraloin : Est-ce que la couverture t’a attirées ?

Lucie : En fait n’importe quel livre qui porte le titre La Belle et la Bête m’attire par principe. Je ne sais pas vraiment expliquer pourquoi mais j’ai un attachement particulier à ce conte. Sur cette couverture, l’utilisation de la lumière qui attire l’œil dans le creux du cou de la Belle et l’attitude un peu résignée de la Bête m’ont intriguée. Et toi ?

Liraloin : Mon attachement est purement enfantin car je connais mal ce conte, du moins son caractère originel. C’est le dessin animé que j’ai vu au cinéma à sa sortie qui m’a transporté : une femme, brune : ça change qui lit des livres et qui peut porter de superbes robes. Une héroïne qui lit !!! Cette couverture est très attirante, glauque à souhait ce qui tranche avec notre cerveau trop habitué à la version Disney. Il y a ce mélange gothique et tellement de tendresse dans ce couple. Oui, tu as raison nous avons là une Bête résignée.

Lucie : Mais oui moi aussi, enfin une héroïne roturière qui rejette le bellâtre de service et surtout qui lit. Joie absolue, l’adaptation de Disney ! D’ailleurs, on en parlera mais ce film fait partie des références de Benjamin Lacombe. Et alors, passée cette couverture, coup de cœur ou pas ? Je sais que tu avais quelques réserves avant de le lire et je suis aussi très curieuse de connaître ton ressenti !

Liraloin : J’aime beaucoup l’écriture de Cécile Roumiguière. J’avais eu un énorme coup de cœur pour son roman Les Fragiles. Au salon du livre SLPJ de l’année dernière elle était présente lors de la superbe dédicace pour l’album Les 9 vies extraordinaires de la Princesse Gaya. Elle est discrète, douce. Par contre voilà, je l’avoue je ne suis pas fan du travail de Benjamin Lacombe. Il y a dans ses illustrations une espèce de froideur qui me fige, je n’arrive pas à dépasser cette sensation. Après les albums proposés dans cette collection sont extraordinaires.

Liraloin : Est-ce que tu connaissais Cécile Roumiguière ? Aimes-tu le travail de Benjamin Lacombe ?

Filles de la Walïlü, Cécile Roumiguière, L’école des loisirs, 2020.

Lucie : De Cécile Roumiguière je n’ai lu que Les filles de la Walïlü qui avait été proposé une année pour le prix ALODGA. Je n’avais pas accroché, mais sans détester non plus. Quant au travail de Benjamin Lacombe, son trait est très particulier, je pense que je me souviendrai si j’avais lu quelque chose de lui. J’aime beaucoup ses décors et l’attention qu’il porte à l’éclairage de ses scènes. En revanche, j’ai un vrai problème avec les yeux de ses personnages qui me font penser aux “Big Eyes” de Margaret Keane. Cela donne un côté inquiétant qui n’est pas forcément justifié ici (alors que c’est tout à fait pertinent dans son travail sur Mercredi par exemple). C’est son style, on aime ou pas, mais je pense qu’il ne laisse pas indifférent.

Mercredi par Benjamin Lacombe sur le site 2dgalleries.com

Liraloin : Oui tout à fait je ne comprend pas ici que la Belle soit illustrée ainsi pourtant je suis capable de me détacher de toute image imprégnée par Disney ou autre…

Lucie : Puisqu’on y revient, étant toutes les deux fans du dessin animé de Disney, nous n’avons pas pu manquer les clin d’œil de Benjamin Lacombe à ce film. As-tu apprécié et si oui lequel as-tu préféré ?

Liraloin : Alors malgré mes deux lectures de ce texte et aussi à regarder attentivement à nouveau les illustrations, je n’ai pas compris pourquoi tout d’un coup, dans cet univers Freaks et gothique nous avons Madame Samovar qui apparaît !

Lucie : Je vois ce que tu veux dire. Les souvenirs du film Disney que nous avons ne correspondent pas trop au gothique sombre des illustrations. Encore que dans le dessin animé le château était pas mal inquiétant aussi. C’est ton dernier mot, Madame Samovar ?

Liraloin : Le côté inquiétant est poussé à son extrême aussi ici et du coup ça en fait un détail qui tombe un peu comme un cheveu sur la soupe si je peux dire. De ton côté, comment as-tu perçu ces détails et clins d’œil ?

Lucie : J’ai apprécié retrouver les costumes dont Lacombe a gardé les couleurs. Les autres, type les personnages Madame Samovar, Zip, Lumière, etc. ça tient plus de la blague d’initié. Pas indispensable mais pas gênante non plus pour moi.

Liraloin : Tout comme toi, j’ai apprécié retrouver les costumes mais j’ai aussi été déçue (c’est assez ambivalent comme sentiment) : si nous assistons à une réécriture du conte alors autant y aller franco et imaginer d’autres visages, vêtements…

Lucie : Comme l’a magnifiquement fait David Sala, que nous aimons beaucoup toutes les deux, dans ses illustrations de la version de Madame Leprince de Beaumont, par exemple.

La Belle et la Bête, Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, illustrations David Sala, Casterman, 2014.

Lucie : De mon côté, j’étais un peu inquiète de l’annonce de la réécriture “moderne” du conte. Qu’en as-tu pensé ?

Liraloin : J’ai été très surprise et agréablement, j’ai vraiment apprécié ce travail de recherche, et que Cécile Roumiguière choisisse de s’inspirer de Madame de Villeneuve que de Madame Leprince de Beaumont. De plus, elle y ajoute l’histoire des Gonsalvus dont tu parles dans ta critique sur Babelio. Cette histoire sert de base à cette réécriture car le sort est inversé, comme c’est bien vu ! La Bête est née Bête (pilosité-maladie génétique) et c’est la mère de ce dernier qui convoque un mage pour que son fils soit “normal”.

Lucie : Oui, en fait de “modernisation”, c’est un retour aux sources pour aborder la notion de différence, celle du consentement aussi qui prend plus de place que dans d’autres versions… C’est très intelligemment fait.

Liraloin : D’ailleurs c’est intéressant ce que tu dis là car dans la version illustrée par Aurélia Fronty, Cécile Roumiguière ne se détachait pas du texte de Madame de Villeneuve. Je parle du moment où tous les soirs après le repas la Bête demande systématiquement à Belle si cette dernière accepte qu’il couche avec elle. Ici on est sur une version plus adaptée aux enfants et vue également dans le film de Cocteau.

La Belle et la Bête, Cécile Roumiguière, illustrations d’Aurélia Fronty, Belin éducation, 2013.

Lucie : Oui, ici la Bête pose une question rituelle tous les soirs mais c’est “Voulez-vous m’épouser ?” qui est quand même un peu moins direct !

Liraloin : Autre changement : de l’Europe du Nord, le conte est transposé à Venise. Ce choix t’a-t’il convaincue ?

Lucie : Honnêtement, dans la mesure où les personnages quittent à peine le château (et encore, pour aller chez la Belle), je n’ai pas bien vu l’intérêt. Mais il permet la magnifique illustration brumeuse des pages 48-49 alors… Et puis c’est la ville des amoureux, le père est un armateur, cela peut se justifier. Cécile Roumiguière avait d’ailleurs déjà fait ce choix pour sa version précédente sous titrée Rendez-vous à Venise.

Liraloin : Contrairement à toi, j’ai vraiment apprécié que l’intrigue se passe à Venise, je pense que c’est son côté vaporeux, brumeux et dédales de rues comme les pièces cachées d’un château qui m’a plu. De plus, l’eau noire sur laquelle évolue ce personnage mystère m’a interpellé, apportant un aspect magique en phase avec cette réécriture.

Lucie : Pour moi, l’élément le plus marquant de cet album, ce sont les lettres que se sont écrites la Belle et la Bête pendant leur séparation. Ils ne les ont pas envoyées mais elles sont reproduites à la fin de l’ouvrage. As-tu aimé cette idée ?

Liraloin : J’ai trouvé cette idée très originale dans le sens où notre empathie est directement mise à l’épreuve. On s’éloigne du caractère un peu froid du conte pour tomber et joliment tomber dans un échange épistolaire émouvant. Tu as ressenti la même chose ?

Lucie : Je suis d’accord avec toi, j’ai trouvé que c’était une excellente idée. Belle a déjà commencé à s’attacher à la Bête au moment où elle retourne dans sa famille, mais c’est à travers ces lettres que l’on ressent vraiment l’évolution de ses sentiments. Cela rend son amour plus crédible, d’une certaine façon. Et les lettres de la Bête montrent bien l’humanité sous l’aspect bestial.

A la suite des ces lettres, les lecteurs ont la surprise de découvrir un dossier documentaire illustré sur la famille Gonsalvus à l’origine de ce conte. Cécile Roumiguière explique qu’il s’agit d’une famille dont le père, atteint d’hypertrichose, a été considéré comme un animal de compagnie dans différentes cours d’Europe au 16ème siècle. Cela lui permet de mieux comprendre l’histoire à laquelle la Belle fait allusion dans ses lettres à la Bête (d’ailleurs c’est lui-même, qui lui donne un livre parlant de cette petite fille-animale de compagnie).

Et pour conclure, Benjamin Lacombe présente cette collection qu’il dirige et explique ses influences.

Lucie : Pour conclure, à qui conseillerais-tu cet album ?

Liraloin : Pour cet album, je pourrais le conseiller à des enfants à partir de 11 ans (bons lecteurs tout de même ou ultra fans de ce conte). Le côté angoissant n’est pas gênant car le fantastique reste une ambiance pour ma part.

*

Nous espérons vous avoir donné envie de découvrir cet album, voire de relire ce conte dans différentes versions !

Prix À l’Ombre Du Grand Arbre 2025 : les lauréats !

C’est aujourd’hui le grand jour de l’annonce des lauréats de notre Prix ALODGA. Vos arbronautes préférées ont individuellement sélectionné des livres parus en 2024 et les ont proposés à leurs collègues, qui, selon leurs possibilités, leurs envies ou leurs thèmes de prédilection, les ont lus à leur tour. À l’issue d’un système de notation rigoureux, un classement a été effectué afin de déterminer les 3 finalistes de chaque catégorie, regroupant des genres balayant de la toute petite enfance aux ados. Nous vous avons proposé de voter ces dernières semaines et tenons à vous remercier pour votre participation exceptionnelle, puisque nous avons décompté pas moins de 661 votes ! Un record !… Sous vos applaudissements

Catégorie Petites feuilles (albums pour les grand.e.s)

Cet adorable album de la maison d’édition indépendante Cot Cot Cot a surnagé ! Vous l’avez largement élu album de l’année, pour sa plongée… en beauté au cœur d’une histoire tendre, touchante mais aussi pleine d’humour !

A l’eau ! Heejin Park, trad. Charlotte Grison, éditions Cot Cot Cot, 2024

*

Catégorie Brindilles (albums pour les petits.e.s)

Comme nous, vous appréciez de sortir des sentiers battus et vous l’avez prouvé ! Les urnes (virtuelles ;-)) ont parlé et c’est cet album original, qui invite en douceur à une réflexion sur ce qu’on ne dit pas, faisant la part belle aux images, qui a emporté vos voix.

Quand je garde le silence de Zornitsa Hristova & illustré par Kiril Zlatkov, traduit par Marie Vrinat-Nikolov – Six citrons acides, collection : Around the langue, 2024 – publié pour la première fois en 2014 en Bulgarie, 2024

*

Catégorie Racines (documentaires)

Un ex-aequo inédit pour la catégorie documentaires ! Et deux merveilles, effectivement ! Nous avions sélectionné trois titres qui invitent au dialogue et à la découverte de l’Autre, pour montrer que les barrières et les conflits perdent tout leur sens dès que l’on admet cette simple vérité : nous sommes tous.te.s des humains, notre pays, c’est la Terre.

*

Catégorie Branches dessinées (BD et romans graphiques)

Chez les BD et les romans graphiques, résultat sans mystère, c’est finalement un album un peu inclassable, d’une extraordinaire inventivité visuelle, à la fois enchanteur et ludique (il faut des lunettes 3D pour en profiter), ne ressemblant à aucun autre, qui a remporté les suffrages.

Jeanjambe et le mystère des profondeurs, de Matthias Picard. Ed. 4048, octobre 2024.

*

Catégorie Belles branches (romans ados)

Krok a dévoré ses concurrents ! 232/416 : le record du nombre de votes a été battu, félicitations !… Qui a dit que les adolescent.e.s ne lisaient plus ? Ce roman traitant de problématiques sociétales, jonglant entre humour et mordant, mais qui sait aussi rentrer les griffes pour se faire poésie, douceur et pattes de velours, est la preuve que la littérature ado a encore de beaux jours devant elle.

Krok, d’Hervé Giraud, Thierry Magnier, 2024

*

Catégorie Grandes feuilles (romans jeunesse)

On peut parler de tout aux enfants, à condition que ce soit bien fait. Comme vos abronautes, vous avez plébiscité cette belle histoire, dans laquelle le sujet sensible de la dépression d’un parent est traité avec grand talent. Ou quand l’amitié, l’amour des siens, toutes les couleurs de la vie, l’emportent sur la noirceur. Mention spéciale pour l’objet-livre magnifique, qui a tout d’un grand.

A la poursuite des animaux arc-en-ciel, de Sarah-Ann Juckes, illustré par Sharon King-Chai, Little Urban, 2024

Encore un beau succès du Prix ALODGA, pour lequel nous avons mobilisé en équipe, toute notre conviction, toute notre passion. Félicitations aux lauréats, à leurs auteur.e.s et à leurs maisons d’édition (à noter que l’édition indépendante s’est particulièrement illustrée cette année.) Mais plus qu’une compétition, ce Prix a surtout pour objectif de mettre en valeur la richesse quasi sans limites d’un pan de la littérature à part entière. Que nous soyons enfants, adolescent.e.s, parents, enseignant.e.s, la belle littérature jeunesse a quelque chose à nous dire, entre capacité à s’émerveiller et consciences à éveiller. Écoutons-la. Mieux : lisons-la.

Nos coups de cœur de mai

En attendant de connaître enfin les lauréats de notre Prix ALODGA la semaine prochaine, voici les coups de cœur de notre mois de lecture écoulé.

Rappel : vous avez jusqu’au 6 juin 20h30 pour nous indiquer vos titres préférés, n’oubliez pas de voter !

 Belles branches (romans ado), Grandes feuilles (romans jeunesse)Racines (documentaires) et Branches dessinées (BD).  Petites feuilles (albums pour les grands) et Brindilles (albums pour les petits).

**

Pour Liraloin, il y a des albums qui laissent une certaine nostalgie planner lorsque la lecture se termine. C’est le cas du dernier album d’Anne Cortey, magnifiquement illustré par Hualing Xu. En effet, les illustrations nous plongent dans une atmosphère qui oscille entre rêve et réalité. Les couleurs évoluent selon les heures de la soirée et apportent ainsi une inquiétude mêlée d’aventure. A la fois complices et rassurants, Papi Toni, Marthe, Louis et Dorémus observent cette Nature et ses animaux livrer un fabuleux spectacle au crépuscule. Quel bonheur de lire une histoire de « doudou » si inventive et poétique, elle qui apprécie tant l’écriture d’Anne Cortey.

L’heure des lapins d’Anne Cortey & Illustré par Hualing Xu, Thierry Magnier, 2025

Retrouvez son avis complet ICI ainsi que celui de Séverine.

******

Lucie doit son roman coup de cœur du mois à sa bibliothécaire. En effet, elle n’aurait probablement jamais emprunté L’année perdue sur son titre ou sa couverture tristounette. Et cela aurait été vraiment dommage de passer à côté ! Alors que Matthew, 13 ans est confiné avec sa mère et son arrière-grand-mère, il se voit contraint d’aider cette dernière à trier ses cartons de souvenirs. Une photo va attirer son attention et révéler un secret de famille caché depuis près d’un siècle. Entre les États-Unis d’aujourd’hui et l’Ukraine des années 1930, Katherine Marsh tisse des liens entre les personnages inspirés de sa famille en prenant comme contexte l’épisode dramatique mais méconnu de l’holodomor. Les chapitres sont courts, la reconstitution historique implacable et l’émotion au rendez-vous.

L’année perdue de Katherine Marsh, Gallimard jeunesse, 2023.

Son avis complet ICI.

*

L’autre coup de cœur de Lucie n’est pas une surprise. En lien avec la lecture commune qu’elle a partagée avec Liraloin de La Belle et la Bête revisité par Cécile Roumiguière et Benjamin Lacombe (qu’elles publieront sous peu), elle a lu d’autres versions de ce conte qu’elle adore. Et notamment celle illustrée par David Sala mentionné par Liraloin au détour d’une conversation. Si le texte de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont n’est pas son favori à cause de son côté un brin moralisateur, les illustrations de David Sala ont été à la hauteur de ses attentes. Quelle splendeur dans les arabesques, les motifs floraux et les détails signifiants ! Cet album a pris une place de choix dans sa collection. Merci Liraloin pour cette magnifique découverte !

La Belle et la Bête, Madame Leprince de Beaumont, illustrations de David Sala, Casterman, 2014.

Son avis complet ICI.

******

Pour ce joli mois de mai, Helolitla a été merveilleusement émue par les mots de Marie Pavlenko, avec Un si petit oiseau. Dans ce roman pour adolescents, Abi, une jeune femme de vingt ans, amputée à la suite d’un accident de voiture. Une jeune femme qui voit sa vie et ses rêves brisés en en instant.

Une tante un peu fofolle, un chat-dorable, des recueils de Blaise Cendrars, et des oiseaux, beaucoup d’oiseaux. Entre humour décapant et drame, Marie Pavlenko a une fois de plus touché Héloïse avec cette histoire de reconstruction, bouleversante, abrupte, parfois, poétique, aussi. Elle a été émue par cette héroïne en colère, qui souffre le martyre, dans sa chair comme dans son cœur. Elle a été émue par cette famille haute en couleur, cette amitié avec Aurèle, passionné d’ornithologie.

Un si petit oiseau, de Marie Pavlenko. Ed. Flammarion, mars 2022

Son avis ICI.

*

Helolitla a également craqué pour un autre roman ado, Julien de la révolte, d’Elise Fontenaille. Dans un style plus court mais tout aussi poétique et engagé, l’autrice raconte la rencontre entre une jeune fille perdue et un fermier amoureux de la littérature. Elen et Julien. Deux âmes qui apprennent à s’apprécier au cœur de la nature, au milieu des vaches et des livres.

Ce roman, bref, intense, a beaucoup plu à Héloïse, pour ses belles réflexions sur le vivant, sur cette vie en harmonie avec la nature. Un roman poétique, mais aussi terriblement dramatique, qui pointe du doigt les conditions de travail, la lourdeur de l’administratif pour les agriculteurs, et les absurdités du système.

Julien de la révolte, d’Elise Fontenaille. Ed. Du Rouergue jeunesse. Janvier 2025

Sa chronique ICI, celle de Linda.

*****

Pour Séverine, le coup de cœur du mois de mai est une superbe réédition de l’album Julie capable de Thierry Lenain, illustrée par Laurent Pinabel, dont elle découvre le travail très graphique, poétique et percutant, entre profondeur, trouble, douceur et éclat. Son rouge au cœur du noir en est l’incarnation. Il s’agit en fait de la troisième version de son album préféré de cet auteur qu’elle vénère, qui raconte Julie qui casse tout, qui rate, qui perd, qui subit, Julie capable de rien, sauf, pense-t-elle, d’avoir échoué à sauver sa maman de son histoire-poison… »Si je l’avais aimée plus fort, elle ne serait morte« , pense-t-elle. Bouleversant. Mais l’histoire bouleverse tout autant quand la lumière rejaillit, quand Julie capable de rien devient Julie capable de tout, après une nuit passée auprès des chats du cimetière, qui vont lui apprendre à comprendre et accepter le passé, pour, enfin, vivre une vie d’enfant apaisée. Lumineux.

Sa chronique complète : ICI.

Julie capable, de Thierry Lenain, illustré par Laurent Pinabel, Editions Les 400 coups, 2025

Séverine a également eu deux autres coups de cœur pour deux albums, en écho, car ils sont chacun une libre déclinaison de la célèbre citation de Martin Niemöller : « Quand ils sont venus chercher les socialistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas socialiste. Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste. Quand ils sont venus chercher les Juifs, je n’ai rien dit, je n’étais pas juif. Puis, ils sont venus me chercher. Et il ne restait personne pour protester. »

Quand l’un, « Quand ils sont venus »(Editions de l’Isatis, 2024), traite très directement des totalitarismes et de la lutte nécessaire contre les intolérances en tous genre, l’autre « Jusqu’au dernier » (Balivernes, 2025), a pour thème le respect des espèces animales menacées et leur préservation.

Le premier est rude dans son propos, mais son traitement sous forme de conte animalier et des illustrations douces au crayon de couleur, ainsi qu’un dossier pédagogique en fin d’ouvrage, en font néanmoins un livre bien adapté au jeune public. Le second, quant à lui, d’un duo dont c’est la première collaboration, est enchanteur de par son texte tout en rimes, simple et rythmé, du grand Michael Escoffier, associé aux merveilleuses illustrations de Romain Lubière.

Et vous, quels jolis titres avez-vous découverts en ce mois de mai ?

Prix ALODGA – catégories Petites feuilles et Brindilles

Vous connaissez les sélections des catégories Belles branches (romans ado), Grandes feuilles (romans jeunesse), Racines (documentaires) et Branches dessinées (BD). Voici les deux dernières : Petites feuilles (albums pour les grands) et Brindilles (albums pour les petits). Rappel : vous avez jusqu’au 6 juin 20h30 pour nous indiquer vos titres préférés !

*

Catégorie Petites feuilles

En lisant Notre histoire – comment nous en sommes arrivés là et où nous pourrions aller, on se surprend à rêver, réfléchir, interroger, et imaginer de nouveaux horizons. Ce n’est vraiment pas un album comme les autres, c’est à la fois un voyage dans le temps et une conversation existentielle entre adultes et enfants soucieux des futurs qui se profilent à l’horizon. Cet album nous a particulièrement interpellées à l’ombre du grand arbre, nous en avions d’ailleurs livré une lecture commune par ici.

Notre histoire – Comment nous en sommes arrivés là, et où nous pourrions aller, Oliver Jeffers, L’école des loisirs/Kaléidoscope, 2024

Quelle idée extravagante que de transformer une croûte en personnage de fiction ! D’une extravagance dont seule Béatrice Alemagna a le secret ! On admirera notamment avec quelle poésie – improbable, mais n’est-ce pas toute la beauté de la poésie ? – l’héroïne de l’album se lie d’amitié avec ce bout d’elle-même un peu dérangeant qui lui est poussé sur le genou. Se lier d’amitié au point de se détester, puis de s’adorer puis de se séparer. Et vivre ainsi jusque dans sa chair l’histoire éternelle du deuil et de la disparition.

Bertha et moi, Béatrice Alemagna, L’école des loisirs, 2024.

En voilà un album savoureux, joyeux, jubilatoire ! Que ce soit le texte ou les illustrations, tout y est vibrant, vivant, pétillant ! On y suit une enfant qui insiste pour que sa grand-mère l’accompagne à la piscine municipale. Et au fil des pages, ce n’est plus l’enfant qui est au coeur de la narration, mais bien la vieille femme qui traîne des pieds comme cela peut nous arriver si souvent quand il s’agit de se mettre en maillot de bain, d’enfiler son bonnet en plastique et de se glisser sous les douches collectives ! Mais une fois dans l’eau, voilà notre grand-mère mé-ta-mor-pho-sée ! Que de sensations agréables ! Légèreté, souplesse, énergie, élégance retrouvée ! Qu’il est bon d’être dans l’eau ! Si bien que…

A l’eau, Heejin Park, trad. Charlotte Grison, éditions Cot Cot Cot, 2024

*

À vous de voter pour départager ces titres !

Quel titre de la sélection "Petites feuilles" préférez-vous ?

  • À l'eau (56%, 20 Votes)
  • Bertha et moi (28%, 10 Votes)
  • Notre Histoire (17%, 6 Votes)

Total Voters: 36

Chargement ... Chargement ...

******

Catégorie Brindilles

Dans ce recueil la poésie s’écrit, se picore sans attente de la rime parfaite. Le rythme, la musicalité sont présents et invitent le jeune enfant à l’écoute de cette langue qui l’emmène à partager un moment délicieux. Alors quoi de mieux que d’apprécier des poèmes du quotidien, des poèmes de l’ordinaire, ponctué aussi d’extraordinaire, des poèmes débordants de sentiments et d’émotions pour pouvoir les exprimer, des encouragements et des explications, simplement.

Petits poèmes pour toi et moi de Milja Praagman, Gallimard jeunesse, 2024

Peut-on toujours tout verbaliser lorsque les sentiments les plus grands envahissent un cœur ? Les mots ne sont pas suffisants et le silence exprime sans doute beaucoup de choses qui n’arrivent pas à sortir de soi. Dans une société où nous avons l’habitude de valoriser la parole, le vocabulaire, la discussion quel place donner au silence ? Dans ce bel album, le très jeune enfant exprime les « vides » du langage. Parce que si tout le monde parle, de moins en moins de personnes écoutent. Certaines choses sont indicibles et ne peuvent être perçues qu’en prenant le temps.

Quand je garde le silence de Zornitsa Hristova & illustré par Kiril Zlatkov, traduit par Marie Vrinat-Nikolov – Six citrons acides, collection : Around the langue, 2024 – publié pour la première fois en 2014 en Bulgarie, 2024

Cet album doté de ses pages rigides et rabats, se destine clairement aux petites mains. Mais cela ne l’empêche pas de plonger le tout-petit dans des questions philosophiques. Qu’est-ce qui fait que je suis moi ? Qu’est-ce qui me différencie des autres mais fait tout de même de moi un être humain ? Ici les questions que cet enfant peut se poser le défini à part entière et c’est une belle approche sur l’identité. Un livre qui invite à réfléchir sans donner de leçon.

Qui suis-je de Stéphane Servant et illustré par Aurore Petit, Didier jeunesse, 2024

*

À vous de voter pour départager ces titres !

Quel titre de la sélection "Brindille" préférez-vous ?

  • Quand je garde le silence (37%, 7 Votes)
  • Qui suis-je ? (32%, 6 Votes)
  • Petits poèmes pour toi et moi (32%, 6 Votes)

Total Voters: 19

Chargement ... Chargement ...

*

C’était notre dernière sélection, vous espérons que ces titres sauront vous séduire autant que nous, et nous avons hâte de découvrir les lauréats. Votez pour vos favoris jusqu’au vendredi 6 juin à 20h30, annonce des gagnants lundi 9 juin à 8h !

Prix ALODGA 2025 – catégories Racines et Branches dessinées

Après les romans la semaine dernière la semaine dernière, voici les trois titres des deux catégories suivantes : Racines (documentaires) et Branches dessinées (BD). Vous avez jusqu’au 6 juin pour nous indiquer vos titres préférés !

*

Catégorie Racines

Les documentaires ne sont pas les lectures vers lesquelles nous allons le plus spontanément sous le Grand Arbre. Aussi, quand un titre attire notre attention, nous l’aimons et le défendons bec et ongles. Cette année, sept titres étaient en lice, et la sélection que nous vous proposons reflète notre inquiétude face à la montée des extrêmes, la méconnaissance et la peur des « étrangers ». Trois titres qui invitent au dialogue et à la découverte de l’Autre pour montrer que les barrières et les conflits perdent tout leur sens dès que l’on prend un peu de recul. En route !

Quand on arrive en France est un livre d’histoire au sujet très spécifique. En effet, cet ouvrage retrace l’histoire de l’accueil des étrangers en France de 1830 (et le « Code noir ») à nos jours. En se plaçant dans cette perspective historique, ce documentaire apporte le recul nécessaire et propose une vision apaisée de ce phénomène mondial. Chiffres a l’appui, les auteurs démontent les idées reçues, détaillent les inégalités d’accueil et les recurences dans les discours racistes. L’ouvrage est dense mais sa forme variée (textes, photos, BD, encarts) le rend très clair. Nous avons aimé cet ouvrage essentiel pour la mise en lumière des rôles que les immigrés ont joué dans l’histoire de France.

Quand on arrive en France, histoire de l’immigration, Jean-Michel Billioud et Michaël Sterckeman, Casterman, 2024.

Qu’est-ce qu’une frontière ? Voilà une question à laquelle il n’est pas facile de répondre. Certaines suivent des éléments naturels (fleuve, côte ou montagne), d’autres sont héritées de l’histoire des pays qu’elles encadrent. Certaines sont grandes ouvertes, d’autres fermées par des murs et des armées. Ce documentaire, écrit par une auteure coréenne, nous a plu car il n’est pas européocentré. Un peu de recul ne nuit pas, surtout sur ce type de questions ! Et si Gudol développe les tensions et les difficultés, elle explique aussi différentes curiosités, apporte de l’espoir et rappelle que les frontières évoluent mais ne peuvent limiter les éléments naturels (animaux, courants marins, mais aussi pollution). De quoi nourrir des discussions passionnantes et répondre plus sereinement aux questions d’actualité des enfants.

Qu’est-ce qu’une frontière ?, Gudol et Haerang, La Partie, 2024.

Dans Origine, Nat Cardozo signe une série de magnifiques portraits d’enfants vivant au sein de peuples autochtones. Le choix artistique des illustrations nous a séduites : les visages portent leur territoire dessiné sur leur peau, dans leurs cheveux. Nous avons aussi été sensibles à ce qui rapproche ces communautés : un fort sens du collectif, une place privilégiée accordée aux anciens et un lien à la nature exceptionnel. Malheureusement, l’ensemble de ces peuples sont confrontés à une fragilisation de leur habitat par la colonisation, la création des frontières, l’exploitation des ressources et le dérèglement climatique. Il est urgent de prendre conscience que ces peuples, qui ont su trouver des stratégies pour survivre dans des conditions souvent extrêmes, ont des traditions bien plus précieuses que les ressources pour lesquelles ils sont chassés de leurs territoires.

Origine, Nat Cardozo, Rue du Monde, 2024.

À vous de voter pour départager ces titres !

Quel titre de la sélection "Racine" préférez-vous ?

  • Qu'est-ce qu'une frontière ? (42%, 14 Votes)
  • Origine (42%, 14 Votes)
  • Quand on arrive en France (15%, 5 Votes)

Total Voters: 33

Chargement ... Chargement ...

******

Catégorie Branches dessinées

Du côté des graphiques, il a été difficile de choisir, vu la pléthore de très bons titres parus en 2024 ! Le premier, qui a remporté tous les suffrages, c’est l’adaptation du roman de Flore Vesco : D’or et d’oreillers. Sa réécriture moderne et féministe de plusieurs contes (notamment La princesse au petit pois) est sublimée par le graphisme original et soigné de Mayalen Goust, qui alterne entre explosions de couleurs et atmosphère sombre, intimiste, effrayante. Un ouvrage plein de sensualité, qui met en avant la découverte du corps et la liberté.

D’or et d’oreillers, d’après le roman éponyme de Flore Vesco, adapté par Mayalen Goust. Ed. Rue de Sèvres, Septembre 2024

Deuxième titre de la sélection Branches dessinées, Minuit passé nous emmène lui aussi dans un vieux manoir, en compagnie de Guerlain, un restaurateur d’art, et de son fils Nisse. Mais il s’y passe de drôles de choses, la nuit… Gaëlle Geniller propose un graphique très onirique, qui nous transporte entre rêve et réalité, entre passé et présent. Les illustrations, très détaillées, renforcent l’atmosphère de doute et de merveilleux de l’histoire. Les costumes et décors regorgent de petits détails tout en élégance, la colorisation est particulièrement réussie. Entre nostalgie, retour en enfance et tendre complicité père-fils, Minuit passé est une très belle bande dessinée au charmé rétro indéniable !

Minuit passé, de Gaëlle Geniller, Ed. Delcourt, octobre 2024.

Jean Jambe et le mystère des profondeurs a marqué les arbronautes par son originalité. Jeanjambe, c’est ce drôle de petit bonhomme aux longues jambes et aux oreilles de lapin, que l’on suit dans les profondeurs avec une paire de lunettes 3D. Pas de dialogues, pas de texte, une plongée sous terre au milieu des éléments naturels sublimés. Matthias Picard joue avec des éléments naturels, la profondeur de champ et des références multiples pour proposer une aventure unique, un voyage au centre de la Terre qui regorge de mystères et de merveilleux.

Jeanjambe et le mystère des profondeurs, de Matthias Picard. Ed. 2024, octobre 2024.

À vous de voter pour départager ces titres !

Quel titre de la sélection "Branches dessinées" préférez-vous ?

  • Jean Jambe et le mystère des profondeurs (67%, 37 Votes)
  • Minuit passé (22%, 12 Votes)
  • D'or et d'oreillers (11%, 6 Votes)

Total Voters: 55

Chargement ... Chargement ...