Nos coups de coeur de septembre !

Ah, septembre ! Sa frénésie post-vacances, sa soif de renouveau, ses belles journées d’été indien et sa rentrée littéraire ! Certain.e.s trouvent du mal à lire en ce mois où il faut retrouver un rythme, d’autres voient leur motivation décuplée ou trouvent dans la lecture une bulle où se ressourcer. C’est donc, plus que jamais, le moment de partager avec vous nos trouvailles mensuelles !

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Isabelle et ses moussaillons ont eu un coup de cœur pour nouvel album du duo Rascal-Louis Joos. Des pages qui nous entraînent aux États-Unis, en 1884. Les bisons sont en voie d’extinction. Un grand musée d’histoire naturelle dépêche un jeune taxidermiste pour ramener des cornes, des sabots et des peaux avant que l’espèce ne disparaisse. Ce dernier ne se doute pas qu’il va vivre un moment de grâce, l’une de ces expériences qui marquent à jamais et donnent un sens à notre existence… Le texte lyrique et les illustrations à l’encre et à l’aquarelle subliment la beauté des grandes plaines, du soleil couchant et de la nuit qui s’empare de la forêt, où les humains et leurs machines industrielles semblent des intrus. Et pourtant, on assiste dans cet album à une communion bouleversante entre l’homme et la nature. On retrouve les saveurs du voyage et de la liberté qui sublimaient déjà Le voyage d’Oregon. Un immense bol d’air, cet album !

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Et en roman, le coup de cœur de L’île aux trésors va au deuxième volet du diptyque Les Nuées, de Nathalie Bernard. On renoue ici avec tout ce qui nous avait déjà emportés dans le premier tome : une expérience de pensée stimulante (que se passerait-il si une catastrophe faisait voler en éclat nos repères spatiaux et temporels ?), des personnages inoubliables et un univers immersif. Néro est à la fois une suite, puisque l’on suit la protagoniste, Lisbeth, dans la suite de son périple, et un roman-miroir. Car nous allons également revivre le cataclysme du tome 1, d’une perspective différente. Nous avions vécu cette séquence du haut de la station spatiale internationale, nous sommes cette fois au fond des mers, à bord d’un sous-marin, et allons, de nouveau, au-devant d’épreuves inimaginables. Le passé continue de résonner de manière fascinante avec le présent, révélant les rouages de la naissance des mythes et de la construction des sociétés. Une série qui fait forte impression, entre récit post-apocalyptique haletant, épopée, réflexion philosophie et ode poétique à la beauté de notre monde.

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Pour Liraloin qui adore faire des trouvailles dans les albums destinés aux plus petits c’est un jeu de cache-cache qui a retenu toute son attention. Voici qu’un visage d’enfant apparaît à travers un buisson de paille haute, petite scène qui va être le témoin d’une succession d’animaux sauvages s’approchant parfois jusqu’à frôler la cachette. Le soleil laisse place à la lune ronde qui éclaire la savane et les animaux venus se repaître d’une douce tranquillité nocturne. Soudain un chien débarque et de son puissant flair semble avoir trouvé cette enfant si bien cachée. S’engage alors une course poursuite qui nous amènera jusqu’à la civilisation.

Cet album sans texte de Jean-Claude Alphen publié aux éditions D’Eux en 2022 fait preuve d’une belle inventivité et cultive le sens du détail. Les illustrations crayonnées émergeant des pages épurées de blanc ou de noir, selon le moment de la journée, sont magnifiques. Le jeu des lumières est complétement réussi. Le mouvement donné à la course-poursuite à travers les habitations est accentué par le geste de tourner les pages le plus vite possible. Mention spéciale pour le crocodile qui donne vraiment les chocottes !

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Pour Linda, il y a eu trop peu de lectures en septembre, mais un album se démarque par la beauté de ses textes et de ses illustrations : Définitivement – Tu peux déjà ; deux textes écrits par Grand Corps Malade pour célébrer la paternité, ou tout simplement la parentalité, sublimés par Thomas Baas, un illustrateur talentueux qui a su « photographier » autant de petits instants qui font la richesse du quotidien de parents et la beauté de ce lien si particulier qui les unit à leur(s) enfant(s).

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Après l’immense succès de Wonder, Lucie était curieuse de lire ce que R. J. Palacio pouvait proposer dans un univers différent. 
Avec ce nouveau roman, l’auteure s’essaie à un nouveau genre : le western. Et c’est une vraie réussite ! L’ambiance, sauvage et inquiétante, mais surtout les personnages, très incarnés. Le jeune Silas entraîne le lecteur à la recherche de son père, enlevé sous ses yeux par des bandits aux raisons troubles. Aventure, rencontres et émotion parsèmeront un périple, duquel il sortira forcément grandi.
Il est aussi question de photographie, thème qui illustre finement la difficulté de connaître toutes les facettes des personnes qui nous entourent. Assurément un coup de cœur !

Pony, R. J. Palacio, Gallimard Jeunesse, 2023.

Son avis complet ICI.

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Parce que ces deux romans sont tellement différents qu’il était impossible de choisir, et qu’un nouveau livre d’Annelise Heurtier est forcément un évènement chez Lucie, #Toutlemondedestestelouise doit figurer dans cet article.
L’auteure y aborde le thème du cyberharcèlement au collège, qui nous intéresse particulièrement, et fait le choix de nous immerger totalement aux côtés de Louise, seule narratrice de ce roman.
Avec elle, on assiste à l’incompréhensible déferlement de ragots et de violence suite à une scène mal interprétée. Louise a beau être équilibrée et entourée, les étapes et les conséquences s’enchaînent avec une précision chirurgicale. Ce roman se lit d’une traite, et laisse le lecteur bouleversé. Essentiel pour comprendre et combattre le mécanisme du harcèlement. 

#ToutlemondedestesteLouise, Annelise Heurtier, Casterman, 2023.

Son avis complet ICI.

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Pour Colette, retour devant le tableau blanc avec des textes pour bousculer ses élèves autour du thème toujours sensible de notre relation aux écrans. Et pour cela, elle a choisi un texte court d’Alain Damasio au rythme haletant, trépidant et particulièrement stressant dont les personnages principaux sont un sportif en mal d’affection et une IA à la voix sirupeuse. Bienvenue dans le monde de presque-demain de Scarlett et Novak ! En quelques pages, l’auteur nous dresse le portrait d’un homme dont le quotidien est entièrement rythmé par son brightphone, présence familière, docile et d’une fidélité à toute épreuve jusqu’au jour où… d’elle le voilà déconnecté.

Scarlett et Novak, Alain Damasio, Rageot, 2021

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Et pour poursuivre la réflexion, rien de mieux que les jolis textes emprunts de poésie de Thomas Scotto et Madeleine Pereira recueillis Dans un brouillard de poche. A travers une vingtaine de « portraits au filtre des écrans » c’est toute l’histoire de notre société contemporaine qu’on se prend en pleine figure, avec délicatesse et force à la fois. Peuple de têtes penchées, d’épaules rentrées, de pouces qui pianotent, de regards perdus. « Nous qui sommes déjà de l’autre côté du miroir… »

Dans un brouillard de poche, portraits au filtre des écrans, Thomas Scotto, Madelaine Pereira, éditions du POurquoi pas ? 2020

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Pour Blandine, deux coups de cœur très différents, qui font la part belle aux mots et aux livres.

Le samedi au paradis. Angela BURKE KUNKEL et Paola ESCOBAR. Kimane Editions, 2021

La couverture de cet album né d’une histoire vraie, est vraiment très réussie. Son sous-titre dit beaucoup de son contenu, mais sans le lire, nous savons déjà que son récit va nous emporter auprès des livres et des mots, qui font rêver et qui nous relient.
Cet album nous permet de rencontrer deux José, l’un est un enfant, l’autre est adulte. Ils se connaissent grâce à une bibliothèque, née par hasard et entretenue par un rêve un peu « fou » dans ce quartier défavorisé de Bogota en Colombie. C’est l’histoire de José Alberto Gutierrez, éboueur, qui nous est racontée. Et avec ses garçons, Blandine aime découvrir des parcours de vie. Cet album ne pouvait que leur plaire!

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Les larmes de l’assassin. Anne-Laure BONDOUX. Bayard Jeunesse, 2003

C’est pour accompagner son fils dans sa lecture que Blandine a (enfin) lu ce roman qui nous emmène au Chili, dans un bout de terre aride auprès de l’enfant Paolo, d’Angel qui a tué ses parents (et d’autres avant eux) et qui sont bientôt rejoints par Luis, aventurier raté. Au contact les uns des autres, chacun s’ouvre, développe des nuances d’humanité, Angel en particulier.
L’histoire est belle, rude, triste. Au-delà de la violence qu’induit le mot « assassin » du titre, elle nous engage à voir l’humanité de cet et de ces hommes, la manière dont elle s’est révélée et dont elle se manifeste. Ce roman c’est un plaidoyer pour la rédemption, pour découvrir toutes les facettes de l’Homme qui peut se monter tour à tour généreux, horrible, violent, amoureux, paternel, terrifiant, lâche, responsable, et jusqu’où il peut aller. Et en réponse, ce que la société pense de Lui, accepte ou non, et Lui renvoie. L’écriture d’Anne-Laure Bondoux est faite de métaphores, de douceur, et d’empathie, et instille une belle réflexion.

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Et vous, quelle a été votre lecture préférée de septembre ?

De la Page à l’écran : La troisième vengeance de Robert Poutifard

Adaptation du roman de Jean-Claude Mourlevat, Les vengeances de Maître Poutifard par Pierre-François Martin-Laval est un film familial que Colette et Linda ont vu avec leur enfant. Théodore et Juliette ont accepté de répondre à quelques questions autour de cette adaptation d’un roman qu’ils aiment beaucoup.

La troisième vengeance de Robert Poutifard, de Jean-Claude Mourlevat, folio junior, 2009 (pour la présente édition)
  1. Pourriez-vous nous présenter ce fameux Robert Poutifard inventé par Jean-Claude Mourlevat ? 

Juliette : Robert Poutifard est un enseignant retraité qui n’a jamais aimé les enfants. Il vit encore chez sa mère d’où il élabore son plan de vengeance.

Théodore : C’est un professeur des écoles à la retraite qui n’a pas vécu sa carrière dans les meilleures conditions notamment lorsqu’une année un groupe de 4 élèves lui a mené la vie dure et au moment de sa retraite il cherche à se venger de ceux-ci. 

  1. Qu’avez-vous pensé de l’interprétation qu’en a fait Christian Clavier dans le film de Pierre-François Martin-Laval ? Correspondait-elle à ce que vous aviez imaginé ? 

Théodore : j’ai trouvé que c’était une très bonne interprétation, un personnage peu dynamique, dont toute la vie tourne autour de l’enseignement alors qu’il n’aime pas les enfants. 

  1. Outre les enfants dont nous parlerons plus tard, un autre personnage est primordial dans cette fiction, c’est la mère de Robert Poutifard : comme pour son fils, pourriez-vous nous la présenter et nous dire si le personnage interprété par Isabelle Nanty correspondait à ce que vous vous étiez imaginé ? 

Juliette : Je pense que le personnage de la mère a été assez bien interprété, cela correspond assez à ce que j’imaginais.

Théodore : la mère de Robert Poutifard est une vielle femme qui est proche de son fils qui n’a jamais quitté la maison. Elle parle souvent de son mari dont Robert semble être le portrait craché – père qui par contre dans le film n’est pas évoqué.  Dans le roman, la mère est beaucoup plus gentille que dans le film où elle apparaît au début très sarcastique avec son enfant. La comédienne a été bien vieillie – vive le maquillage – et elle m’est apparue crédible pour incarner la mère de Robert. 

  1. Comment comprenez-vous les modifications apportées au titre du roman dans le titre du film ? 

Théodore : le titre du roman met l’accent sur la dernière vengeance de Poutifard lors de laquelle il comprend que personne n’a la vie facile et que ses élèves regrettent les farces dont leur maître a été victime. 

  1. Quoiqu’il arrive, il est ici question de vengeance : mais de quoi se venge ce pauvre Robert ? Qu’avez-vous ressenti en découvrant ses stratagèmes ? Les avez-vous approuvés ? 

Juliette : Il se venge de quatre de ses anciens élèves, les plus pénibles. Les stratagèmes sont plus fous les uns que les autres, toujours autant d’excitation. Je les approuve toutes même si la deuxième vengeance n’est pas exactement la même dans le film.

Théodore : On ne peut jamais approuver une vengeance mais il y a une forme de satisfaction à voir ces petits monstres punis. Et même si Valentin et les jumelles ne sauront jamais qui leur a fait vivre ces mauvais moments, Poutifard semble comme délivré. Pour Audrey, c’est une autre histoire. 

  1. Quelle a été votre vengeance préférée ? 

Juliette : La première avec le chien dans le restaurant. Le chien ne tenait pas en place !

Théodore : comme Juliette, c’est la vengeance du chien dans le restaurant que j’ai préférée car c’est la plus drôle et la plus ridicule car un grand chef qui tenait un restaurant étoilé se retrouve à tenir un simple food truck à cause d’un animal joueur ! 

  1. Personnellement, la fin du film m’a laissé perplexe : qu’en avez-vous pensé ? 

Théodore : non, pour moi c’est comme dans le roman. 

Affiche du film de Pierre-François Martin-Laval
  1. Au final, avez-vous trouvé que le film de Pierre-François Martin-Laval était une “bonne” adaptation ? 

Juliette : Oui, c’est vraiment une bonne adaptation. Même si quelques détails changent, ce n’est pas grave, on y retrouve le plus important.

Théodore : Oui, c’est une très bonne adaptation même s’il y a des petits trucs un peu différents : la vengeance d’Anthony dure longtemps aux dépens des autres vengeances, c’est la vengeance la plus préparée et la mieux détaillées dans le film. Dans le film, la vengeance contre les jumelles est un peu expédiée. 

  1. Et qu’avez-vous pensé de la brève apparition de Jean-Claude Mourlevat dans le film ? 

Théodore : Comme nous avons la chance de rencontrer Jean-Claude Mourlevat à 4 occasions, nous l’avons tout de suite identifié et nous avons apprécié cet hommage à l’auteur jeunesse à l’origine de l’histoire qui a servi de scénario au film.

Juliette : Tu as de la chance de l’avoir rencontré ! Comme je ne savais pas à quoi il ressemblait, j’aurais été bien incapable de le reconnaître. Ha ! Ha ! Mais je trouve ça sympa de l’avoir mis dans le film.

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Avez-vous vu Les Vengeances de Maître Poutifard ? Qu’avez-vous pensé de cette adaptation ?

Lecture commune : Pallas, tome 1 : Dans le ventre de Troie, de Marine Carteron

Certains romans font frémir toutes les branches du grand arbre à l’unisson. Ainsi en va-t-il du premier tome de Pallas, nouvelle trilogie de Marine Carteron qui revisite la mythologie grecque, que nous avons toutes lu pendant l’été. Il ne s’agit ni plus ni moins que de proposer une lecture alternative des enchaînements qui ont mené à la guerre de Troie, sur la base même des sources qui fondent la mythologie grecque. L’ambition du projet, l’originalité de l’écriture et la force de la proposition ne pouvaient pas nous laisser insensibles : lecture commune !

Pallas, tome 1 : Dans le vendre de Troie, de Marine Carteron. Le Rouergue, 2023.

Isabelle : Aviez-vous déjà lu Marine Carteron ? Vous attendiez-vous à la trouver sur le terrain de la mythologie grecque ?

Colette : Ma réponse va être très rapide : je ne connaissais pas du tout cette autrice ! Comme souvent, c’est grâce à mes chères copinautes que j’ai découvert ce nouvel univers ! 

Liraloin : Je connaissais cette autrice grâce à sa série des Autodafeurs, véritable phénomène chez les bibliothécaires, nous l’avons conseillé souvent aux ados et ils ont adoré à leur tour. Puis j’ai lu Génération K que j’ai trouvé plus noir mais avec un côté fantastique très bien abordé. Dix était bien mais je suis un peu restée sur ma faim/fin. À vrai dire je pense que Marine Carteron fait partie de cette génération d’auteurs-autrices français à l’écriture rare et qu’elle est capable d’aborder n’importe quel sujet. 

Linda : Je la connaissais car ma fille a lu Dix, réécriture du roman d’Agatha Christie, qu’elle m’avait chaudement recommandée mais que je n’ai jamais pris le temps de lire. Mais maintenant que j’ai découvert son style, je sais que je vais pouvoir me lancer sans problème car j’aime beaucoup sa plume. Quant à la question sur la mythologie, c’est un thème comme un autre et on sait que ça fonctionne bien auprès des ados… et des adultes. Il y a d’ailleurs de nombreuses réécritures féministes en ce moment telles que la BD Lore Olympus, ou les romans de Madeline Miller qui semblent rencontrer un vif succès.

Isabelle : Voilà, on connaissait Marine Carteron sur plusieurs registres, de la fantasy à la science-fiction et au thriller/policier avec les titres que vous avez cités, en passant par un registre plus réaliste avec La (presque) grande évasion par exemple. Cela fait trois ou quatre romans que je lis d’elle et c’est bien simple, impossible de savoir à quoi s’attendre, le genre change à chaque fois ! Ce qui reste, c’est sa plume incisive, nerveuse et (je trouve) très contemporaine, que je n’aurais pas associée spontanément à la mythologie grecque (j’avais tort !).

Blandine: Je n’avais encore rien lu de cette autrice même si plusieurs de ses livres m’avaient donné envie. C’est parce qu’Isabelle a parlé de ce livre-ci  que j’ai eu envie, enfin, de découvrir son écriture. Je ne suis pas spécialement férue de mythologie grecque, mais après le formidable Ariadnê de Flora Boukri, j’avais bien envie de m’y plonger à nouveau.

Isabelle : Blandine, tu évoques Flora Boukri, Linda, tu parlais aussi des réécritures multiples des mythes grecs en ce moment en littérature jeunesse. Aventures de Percy Jackson, enquêtes d’Hermès, feuilletons de Murielle Szac, romans de Sylvie Beaussier sur Méduse, Cerbère et Polyphème, réécriture du mythe de Pénélope par Isabelle Pandazopoulos… Comme nous l’avions évoqué dans notre sélection consacrée à la mythologie gréco-romaine, les auteurs de littérature jeunesse ne semblent pas se lasser de ce matériau ! En s’emparant à son tour de ces mythes, Marine Carteron ne risquait-elle pas de fouler des sentiers battus ?

Linda : Pas forcément ! La mythologie grecque a de ça d’extraordinaire qu’elle est une source quasi inépuisable d’histoires incroyables qui peuvent être réinterprétées ou tout simplement servir de base à écrire autre chose. 

Liraloin : Je ne crois pas non plus car la mythologie a toujours fasciné les auteurs, qu’ils soient sur le registre du conte, du roman fantastique… Il y a tellement d’aspects à exploiter, c’est hyper riche ! Malheureusement je ne lis pas assez de textes mythologiques pour oser la comparaison. Vous êtes beaucoup plus littéraires que moi.

Blandine : La mythologie fascine parce qu’elle aborde des sujets aussi universels que toujours actuels. Cependant, je crois, d’une part, que pour que l’intérêt soit et perdure, il faut la rendre attractive, accessible. Et d’autre part, je crois qu’on la réécrit et la lit à l’aune des questionnements de notre époque/génération/société. Ainsi, on peut actuellement assister à des (ré)écritures très féministes, ou en tout cas, qui déplacent la perspective du point de vue féminin.

Colette : Il me semble aussi que le registre dans lequel s’inscrit la réécriture de Marine Carteron est tout à fait particulier, il y a quelque chose de très exigeant, une volonté de coller au rythme des textes antiques notamment.

Linda : Ici, effectivement, Marine Carteron tente de coller le plus possible aux écrits originaux et d’en proposer un regard plus moderne.

Isabelle : Je suis d’accord avec vous, j’ai trouvé que la démarche dans ce roman se démarquait. Outre l’écriture sur laquelle j’aimerais revenir toute à l’heure, j’ai trouvé très originale la démarche qui consiste à s’appuyer (de façon très minutieuse) sur les sources mêmes des textes mythologiques pour raconter une histoire singulière en sélectionnant certaines séquences et en mettant en lumière certaines perspectives. C’est tout à fait différent de la démarche qui consiste à imaginer une nouvelle intrigue ancrée dans l’univers grec-antique.

Colette : Comme vous, je soulignerai notamment son souci de la référence, de la source, presque universitaire. On sent qu’elle ne veut pas faire dire n’importe quoi à ces personnages de la mythologie, qu’elle leur voue un profond respect.

Isabelle : Ça m’a fait penser à Pierre Bayard, vous connaissez ? Il reprend les éléments des enquêtes d’Hercule Poirot, en pointe les incohérences et parvient à nous convaincre de sa solution alternative. Et bien là, c’est un peu pareil, Marine Carteron travaille à partir du matériau même des différentes versions livrées et nous convainc d’un scénario alternatif.

Liraloin : Je ne connais pas.

Linda : Je ne connais pas non plus cet auteur mais je te rejoins sur le travail de Marine Carteron. J’ai d’ailleurs trouvé assez fascinant de lire ses annexes qui montrent combien le travail de recherche préalable à l’écriture a été conséquent !

Isabelle : Quelles ont été vos premières impressions en ouvrant ce roman ? Y êtes-vous entrées facilement ?

Liraloin : Je n’aime pas particulièrement la mythologie. C’est parce que j’apprécie cette autrice que je me suis empressée de lire ce roman. Je ne suis pas entrée facilement dedans mais très vite l’intrigue se met en place et les personnages ont tellement de consistance que je me suis laissé happer ! Mais j’ai essayé de faire lire le roman à mon fils de 15 ans et il s’est découragé tout de suite…

Blandine: Comme je l’ai écrit plus haut, la mythologie ne m’attire pas plus que ça mais là, l’enthousiasme d’Isabelle a été communicatif. L’entrée dans le roman n’a pas été aisée car il y a beaucoup de noms, de lieux, et d’événements. Et puis les Dieux font rarement dans le simple avec leur capacité à changer d’apparence et de noms, à s’unir comme bon leur semble, à tout bousculer au gré de leurs humeurs, à jouer avec les Humains dont ils ne se soucient finalement que peu… Il m’a fallu m’y retrouver dans les différents personnages, leur nature et leur rôle.

Isabelle : C’est drôle, moi je suis entrée dans ce roman comme dans du beurre. Il y a cette scène d’ouverture très visuelle, à la fois brutale et intrigante qui place le récit sous tension. Puis une scène avec des dieux qui m’a prise de court avec ses punchlines. Et ensuite les rebondissements se succèdent, les registres changent, bref je ne me suis pas ennuyée un seul instant !

Colette : Pour être très sincère, j’ai eu beaucoup de mal à entrer dans ce roman à cause de sa grande violence. Je sais pourtant bien à quel point la mythologie grecque est d’une cruauté inouïe et pourtant sous cette forme là, romancée, je ne m’y attendais pas et me suis sentie très mal à l’aise…

Linda : J’avoue que moi aussi, j’ai trouvé le premier chant assez éprouvant à lire. Il y avait déjà moult personnages et éléments informatifs, c’était presque indigeste. Je me suis d’abord demandée où l’auteure voulait nous emmener, avant de me laisser séduire par l’écriture qui, bien qu’éloignée du style habituel des romans ados, est agréable à lire. C’est assez lyrique en fait, poétique, ce qui correspond bien à la forme du récit.

Isabelle : Je voulais justement revenir sur les émotions qui vous ont traversées à la lecture. Qu’avez-vous ressenti en parcourant ces pages ? 

Liraloin : Pour ma part, je me suis sentie le témoin d’une formidable épopée qui se déroulait sous mes yeux comme au cinéma ! L’écriture est visuelle et apporte ce plus recherché en littérature ado. J’espère que les jeunes attirés par Hadès et Perséphone liront tout d’abord Pallas. Je me suis vraiment prise d’amitié pour Hésione. La violence ne m’a pas gênée car je connaissais l’infamie de Zeus et de ses pairs.

Colette : Que ce soit le récit qui ouvre le roman ou celui du chant I mettant en scène le piège tendu à Zeus par Héra, Athéna et Poséidon, cette violence que je soulignais précédemment m’a vraiment incommodée… Comme toujours les violences faîtes aux femmes – ou aux déesses – me donnent envie de vomir ! Je crois que je suis particulièrement sensible quand il s’agit d’aborder ce sujet même à travers la fiction.

Isabelle : En tout cas, je vous rejoins sur la violence qui traverse ce texte. C’est quelque chose qui m’a interrogée et pourtant, tout n’est-il pas déjà dans les mythes ? Les crimes, les viols, les complots et les vengeances ? Je pense que la réécriture du texte du point de vue des femmes révèle cette violence. On ne la voit presque plus car, comme dans les contes, on y est habitué. Les viols à répétition commis par Zeus qui ne recule devant aucun moyen prêtent presque à sourire, on ne réalise pas ce qui se joue. Ici, c’est très concret. Et en même temps, cette violence ne m’a pas braquée car elle est mise à distance en quelque sorte par le ton souvent ironique.

Linda : Compassion, pitié, empathie, dégoût… Je pense avoir ressenti une belle palette d’émotions. Comme le disait Colette, la mythologie est violente et ce n’est pas forcément facile à lire sans ressentir un certain malaise. Zeus est particulièrement répugnant et en plaçant le récit du point de vue des femmes, il est évident que les lectrices vont ressentir plus fort encore l’horreur de ses actes. Cela dit, mon fils aîné a eu du mal avec la violence aussi donc c’est quelque chose qui ne s’arrête pas au genre.

Colette : Justement, nous connaissons cette violence grâce à notre expérience de lectrice et elle nous marque, même adulte. Je me demande comment celle-ci peut être perçue par des adolescent.e.s qui découvriraient à travers ce livre l’horrible pouvoir des dieux et des hommes…

Linda : C’est une question intéressante. Je le fais lire à mes ados mais elles ont déjà de bonnes bases en mythologie et s’attendent donc à y trouver de la violence.

Isabelle : À vrai dire, j’ai lu à mes enfants les feuilletons de la mythologie grecque de Murielle Szac, qui colle de près aux textes de Homère, et ça n’était pas moins trash. Je me souviens notamment du bain de sang au retour à la maison d’Agamemnon…

Blandine: Tu as tout très bien formulé Isabelle. La mythologie est violente, et ce, de multiples façons. Et elle est le reflet de nos sociétés passées et encore actuelles. Effectivement, une réécriture du point de vue féminin l’expose davantage, habitués que nous sommes à la voir, la lire, voire la subir. En inversant le point de vue, s’opère une dénonciation de cet état de fait et un refus qu’elle continue à s’exercer.

Colette : Le fait que, là, les violences sont racontées du point de vue des femmes, change en effet sûrement complètement mon ressenti. Il n’y a plus de mise à distance, je suis dans leur corps et ce qu’elles subissent me bouleverse alors que “d’habitude” en effet il y a une sorte de légèreté dans la manière dont les crimes, les viols, les tortures sont énumérés sans être véritablement racontés… C’est assez fort quand on y pense… 

Isabelle : Je pense qu’on ne réalise pas à quel point tout notre patrimoine d’histoires (mythologie mais contes aussi) est traversé de choses très violentes que nous ne voyons plus car nous y sommes habitués et parce que ça s’insère dans un univers un peu déconnecté de la réalité. Mais tout de même ça infuse nos imaginaires… donc quelque part je trouve bienvenu de nous faire prendre conscience de ça.

Colette : Et de ne plus relativiser… 

Isabelle : Je pense que nous sommes heurtées par la même chose mais que la différence, c’est que, pour ma part, je suis convaincue que c’est quelque chose qui était déjà dans les textes sans qu’on en ait conscience.

Colette : Oui j’en suis convaincue, combien de fois j’ai hésité à raconter à mes élèves tel ou tel épisode parce que je les trouvais d’une violence folle et qu’à des élèves de 11 ans je n’avais pas du tout envie d’expliquer ce qu’était un viol par exemple parce que Zeus ne se reproduisait que comme ça !

« – Poséidon n’est pas encore arrivé ? se contente-t-elle de lui répondre.
– Non… tu l’aurais repéré à l’odeur… et puis, tu le connais, mon frère aime soigner ses entrées. Il arrivera à la dernière seconde, nimbé de lumière et tout le tralala. On aura déjà de la chance s’il ne se fait pas précéder de ses tritons soufflant dans leurs conques…
– Des tritons ? En pleine forêt ? sourit Athéna.
– Oui, certes, reconnaît Héra, pas les tritons, mais pour le reste, tu vas voir…
Comme pour donner raison à sa sœur, Poséidon franchit le cercle de verdure au moment précis où la lumière perce entre les branchages. Les rayons de l’aube tombent autour de lui comme mille lances et les oiseaux tous ensembles se mettent à pépier. »

Isabelle : Malgré tout, j’avoue que j’ai souvent ri, je me demande en vous écoutant si je suis la seule ?

Liraloin : J’ai souris en coin plus d’une fois surtout lors de certaines scènes où Marine Carteron profite bien de la situation pour faire passer certains hommes pour des crétins.

Linda : Après avoir lu ta critique sur le roman je m’attendais vraiment à quelque chose de plus drôle et léger mais en dehors d’un ou deux passages qui m’ont fait sourire, je n’ai pas vraiment trouvé matière à rire.

Colette : Comme Linda, je n’ai pas beaucoup ri. J’ai trouvé ce roman sans espoir aucun… Alors que dans la mythologie, ce que l’on apprécie en général c’est l’incroyable magie qui caractérise les dieux et les déesses – et qui sans doute nous fait oublier leur ignominie. Ici ne reste plus que l’ignominie. 

Linda : C’est vrai que pour le moment, il y a bien peu d’espoir !

Isabelle : J’ai ri justement de l’outrance des répliques divines qui tournent en dérision les atours des autres dieux et semblent considérer ce qui se passe sur terre comme un théâtre accessoire. Et je n’ai pas trouvé qu’il y avait peu d’espoir, il y a de l’amour, non ?

Colette : justement je pensais que les divinités avaient un peu plus de considération pour les humains. Ici en effet que nenni ! Les hommes et les femmes sont de vulgaires jouets ! Ils sont l’objet de mesquineries divines contre lesquelles ils ne peuvent absolument rien.  

Liraloin : Oui tout à fait, l’amour y est bien présent qu’il soit d’ordre filial ou amoureux. Je pense au lien que Pallas entretient avec Athéna par exemple, c’est puissant !

Linda : Oui il y a de l’amour ! Mais à quel prix ? Les sacrifices sont énormes pour que Hésione puisse vivre de son amour…

Colette : Et va-t-elle vivre son amour finalement ? Je n’y crois pas une minute ! La fin est très ambigüe non ?

Linda : Oui absolument. 

Isabelle : Les humains ont peu de latitude parce qu’ils sont soumis aux desseins des dieux, on voit que se joue quelque chose de plus grand et Hésione le voit aussi. Les déesses n’ont pas tant de marges que ça non plus. Mais humaines et déesses se démènent pour essayer d’orienter le cours des choses, c’est précisément cela qui met le récit sous tension et qui me donne envie de lire la suite.

Linda : Probablement… Je lirai la suite également, j’ai hâte de voir ce que l’auteure a encore à dire. Mais c’est plus l’aspect politique qui m’intéresse avec les enjeux que cela soulève.

Isabelle : Qu’est-ce que tu entends par l’aspect politique, par curiosité ?

Linda : Je pense que ça rejoint ce que tu disais plus haut, à savoir que les humains sont les marionnettes des dieux qui dirigent plus ou moins leurs actions. C’est cet aspect de l’histoire qui m’intéresse, voir comment l’auteure va choisir de diriger les querelles entre les dieux pour dessiner l’avenir des humains et de Troie. Alors bien sûr on connaît l’histoire d’Hélène et du Cheval de Troie mais ce sont les tenants et aboutissants de l’histoire qui m’intéressent vraiment. Comment Marine Carteron va-t-elle conduire son récit ?

Isabelle : Justement, comment caractériseriez-vous l’écriture ?

Liraloin : Une écriture forte et ancrée ! 

Linda : Comme je l’ai dit plus haut, Je trouve que l’écriture donne une forme lyrique au récit, presque poétique, chantante.

« Éclairée par la lune, la grande plaine d’Ilion semble couverte d’argent. Dans la lumière laiteuse, les profonds fossés creusés par les hommes autour de la ville sont emplis de ténèbres d’où des piques acérées émergent comme des canines.
Au-dessus de ces bouches sombres prêtes à dévorer les pattes des chevaux, les murailles se dressent ; surhumaines, étincelantes. »

Colette : J’ai apprécié le mélange des points de vue, des registres voire des genres. On oscille régulièrement entre poésie et narration, entre épopée et journal intime. C’est dans l’écriture que pour moi réside toute l’originalité de ce texte, dans ses jeux stylistiques, dans ces va-et-vient maîtrisés entre l’ancien et le moderne, là on touche à un texte qui montre sa littérarité.

​​Isabelle : J’ai été suprise par le style très vif et contemporain avec l’usage du présent et répliques qui claquent dans les premières pages. Mais cela donne un rythme et puis c’est le style de Marine Carteron. Mais vous avez raison, il y a un registre plus lyrique qui donne des respirations, de jolies descriptions aussi. Cela m’a agréablement prise de court.

Blandine: Il y a beaucoup de rythme dans l’écriture, elle est très vive et visuelle, avec des pointes sarcastiques.

Colette : Nous n’avons pas parlé précisément des personnages et notamment de celui d’Hésione qui semble être le personnage principal. Il me semble que c’est un choix intéressant, qui interroge : pourquoi elle ? C’est un personnage de la mythologie que je ne connaissais absolument pas (et dont je ne vois pas le lien avec la guerre de Troie pour l’instant ! Eclairez-moi !)

Liraloin : Houla, le lien Hésione – Guerre de Troie, ça devient trop compliqué pour moi ! Hésione est une future prêtresse, lien entre les dieux et les hommes. Pour moi, elle a cette puissance, cette légitimité que les autres femmes n’ont pas, elle doit être héroïne !

Colette : Je ne parle pas forcément de référence culturelle mais juste de choix narratifs : pourquoi cette princesse là comme héroïne, au delà du fait qu’elle est désignée comme la gardienne de Pallas qui donne quand même son titre au roman ?

Isabelle : Très bonne question ! Hésione, fille de la prêtresse d’Athéna dans ce qui deviendra la ville de Troie, donne une perspective humaine au récit. Ce qui est intéressant, c’est qu’elle ne se résigne pas face aux manigances divines. Elle a un destin tout tracé pour elle qui ne lui convient pas, ses marges sont évidemment minimes mais j’ai dans l’idée qu’elle ne va pas se laisser faire. J’ai vérifié, c’est un personnage qui existait bien dans les textes grecs. On ne voit pas tout de suite les liens avec la guerre de Troie, c’est l’un des points intrigants ! Je dirais (ne pas lire si vous n’avez pas terminé le roman) qu’il se profile que la guerre de Troie est en fait au cœur d’un conflit entre Athéna et Zeus. Hésione se retrouve impliquée car c’est elle qui prend la suite de sa mère pour veiller sur Pallas en attendant qu’Athéna trouve un moyen de faire sortir cette dernière de Troie. Par ailleurs, elle est au cœur d’un épisode mythologique qui oppose Céto et Hercule et qui a à voir avec le conflit divin dont je parlais (là encore, c’est dans les textes). On voit le lien avec la guerre de Troie chez Homère à la fin, lorsque le frère d’Hésione, Podarcés, prend une nouvelle fonction et un nouveau nom !

Colette : Merci pour ces précisions Isabelle ! Elle a donc du potentiel notre Hésione ! Elle est au cœur de plusieurs trajectoires majeures qui dessinent l’épaisseur de cet épisode mythologique. 

Isabelle : J’avoue que je suis assez bluffée que l’autrice soit allée débusquer des épisodes aussi peu connus pour nourrir son intrigue.

Colette : C’est aussi ce qui m’a le plus impressionnée ! J’ai lu attentivement les annexes ! Ce qui est rare dans mes lectures plaisir !

Linda : Isabelle a tout dit. J’allais évoquer le lien d’Hésione avec Héraclès et celui avec  Podarcés donc je n’ai rien à ajouter de plus. Je suis aussi très impressionnée par la mise en avant d’un épisode moins connu porté par un personnage qui ne l’est pas beaucoup plus pour construire et nourrir un récit qui ne perd rien en tragédie et en suspens. Comme Colette, la lecture des annexes a retenu mon attention bien plus que d’habitude, j’ai trouvé vraiment intéressant que l’auteure explique les choix qu’elle a fait.

Isabelle : Pensez-vous qu’il soit nécessaire de connaître la mythologie grecque pour apprécier ce roman ?

Blandine: Nécessaire non, mais c’est un plus incontestable. Pour apprécier les clins d’œil et références, mais aussi les inversions de perspectives.

Liraloin : Oui, c’est peut-être un plus et encore… moi qui ne suis pas une spécialiste, cela ne m’a pas gênée. En effet, ici nous sommes sur de la fiction pure et dure et l’autrice a le droit de prendre des « libertés » même si elle se base sur des chants. Au contraire, je me suis échappée de ces connaissances que je ne possède afin de m’imprégner des relations entre les personnages, de leurs complots machiavéliques…

Linda : Ce n’est pas nécessaire de connaître mais ça peut aider. J’avoue avoir souvent mené des recherches en parallèle de ma lecture pour me rafraîchir la mémoire sur un personnage ou un événement…

Colette : Quelques références aident sans aucun doute à ne pas se sentir perdu dans le dédale des personnages qui peuplent ce récit ! Par exemple pour comprendre la partie du récit dédié à la création du monde –  la partie qui est imprimée en blanc sur fond noir –  avoir quelques connaissances permet quand même d’expliciter ce passage particulièrement poétique et donc elliptique.

Isabelle : C’est un autre aspect que j’ai trouvé réussi. Il me semble que les incollables de la mythologie pourront prendre plaisir à décrypter les multiples clins d’œil et découvriront peut-être même des séquences moins célèbres et auront envie de faire des recherches comme Linda (à la maison, nous connaissons assez bien les mythes mais j’ignorais qui était Pallas par exemple et je ne voyais plus que vaguement ce qu’était devenue Céto). Mais il me semble qu’on peut lire sans problème le roman sans connaissance préalable (l’arbre généalogique au début est bien utile pour s’y retrouver !). 

Au début de cet échange, Blandine disait qu’on a tendance à lire la mythologie grecque au prisme des questionnements contemporains. Avez-vous perçu une résonance actuelle ?

Liraloin :  Tout à fait ! le côté féministe y est très présent. D’ailleurs que Madame Carteron en soit remerciée car il ne doit pas être évident de se détacher de cette violence masculine qui caractérise ces textes antiques.

Colette : Clairement, le choix de raconter l’avènement de la guerre de Troie à travers le regard exclusif de femmes et de déesses est caractéristique de questionnements contemporains ! Ici tout est montré à travers un “female gaze” pour reprendre un concept cinématographique propre à notre époque. 

Blandine: Cette (re)lecture ne s’effectue pas seulement avec la mythologie, c’est un mouvement de fond que l’on peut observer dans différents genres littéraires, mais principalement historiques, en mettant en avant des parcours de femmes inspirantes, créant des modèles, et parfois en leur prêtant des envies, émotions, possibles, préoccupations qui n’étaient pas les leurs (encore).

Linda : Je rejoins ce que les filles ont dit. L’écriture qui s’axe sur le regard des femmes plutôt que sur celui des hommes est clairement un mouvement contemporain. C’est d’ailleurs parfois trop évident et gênant car pas toujours réussi. Ici c’est parfaitement maîtrisé et donne un nouveau regard sur des évènements connus en mettant en avant des thèmes forts qui sont au cœur de notre société en mouvement sur la place accordée aux femmes.

Isabelle : À qui auriez-vous envie (ou pas !) de faire lire ce roman ?

Liraloin : Je pense que ce roman parle aux jeunes adolescent(e)s en recherche de sensations fortes (ça les changerait de Captive et compagnie où l’écriture laisse à désirer !!). Il n’est pas évident à proposer mais si on insiste sur le côté féministe je crois qu’il peut trouver son public.

Colette : D’habitude les fans de mythologie que je côtoie sont des enfants ou des pré-ados. A eux, à elles je ne conseillerai pas Pallas mais à des ados lecteurs et lectrices averti.e.s là oui !

Linda : Je l’ai déjà fait lire à mon fils ainé et je l’ai recommandé à mes filles. Je pense que certaines de mes amies lectrices devraient également apprécier.

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Et vous ? Avez-vous lu et aimé Pallas ?

Sélection : Des enfants et des animaux, l’amitié au bout du chemin

C’est bien connu, les enfants adorent les animaux. S’ils marquent une nette préférence pour les mammifères, les oiseaux et reptiles ont eux aussi une belle cote de popularité – sans compter des bestioles plus inattendues comme les homards (si si, on vous jure ça existe) ! Le tout étant de se montrer attentif avec son compagnon. La littérature jeunesse fait donc la part belle aux duo-animal. Les textes qui parviennent à évoquer ces liens sans mièvrerie sont souvent très forts, tour à tour drôle et bouleversants. Voici donc notre sélection d’albums et de romans mettant en scène une relation privilégiée entre un enfant et un animal. Lus, approuvés et garantis sans risque d’allergie !

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Albums

Oh non, George ! de Chris Haughton, Thierry Magnier, 2011

Harris, petit personnage bleu, a confiance en George son adoooooooorable chien à la trombine tout à fait espiègle ! Il y a dans cette histoire en randonnée destiné au tout-petit un humour enfantin qui ravira le parent lecteur. La complicité entre le petit garçon mais on pourrait aussi y voir un homme et son chien est à l’image de la couverture de cet album : drôle et joyeux ! … et vive les bêtises !

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Je veux un chien et peu importe lequel, de Kitty Crowther, Pastel, 2021.

Millie rêve d’un chien, une bestiole qui serait (presque) aussi drôle qu’elle… « Oh non, surtout pas », répond sa Maman en buvant son café. Comment résister à un album avec un titre et une couverture pareils ? Son prénom aurait pu prédestiner Kitty Crowther à dessiner des chatons. Mais nom d’un chien, l’artiste jubile à crayonner ces cabots de tous poils, barbus, chevelus ou tout nus, en forme de grosse peluche, de saucisse ou de pudding (enfin l’interprétation des moussaillons d’Isabelle). Et en même temps, ces toutous au regard triste vous poignent le cœur. On croirait, le temps d’un livre, avoir l’âge de Millie, rêvant avec elle d’un ami canin unique qui allume une étincelle de magie dans notre vie. Et d’un monde où personne ne songerait à abandonner son animal. La conclusion s’impose : voilà un album qui a du chien !

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J’en rêvais depuis longtemps, Olivier Tallec, Actes Sud Junior, 2018.

Dans J’en rêvais depuis longtemps, Oliver Tallec met en scène avec l’humour qui le caractérise la relation pleine de tendresse entre un enfant et son chien. Ou serait-ce entre un chien et son enfant ? Difficile de résumer cet album qui joue sur la narration sans trop en dévoiler, mais ce grand format mérite sans conteste votre attention !

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Féroce, Jean-François Chabas et David Sala, Casterman, 2012.

Les jeunes filles d’ailleurs sont souvent à l’origine d’importantes révolutions dans les albums que nous aimons tout particulièrement : si vous avez déjà rencontré Fenris le Féroce, vous savez que derrière ses pupilles écarlates comme injectées de sang ne se cache pas le monstre que tout le monde voudrait y voir mais plutôt l’ami fidèle et serein de la jeune fille à la robe rouge. Une amitié tissée d’humour et de confiance qui se joue des apparences et des qu’en-dira-t-on.

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Le Renard Tokela, Pog, Marianne Alexandre, Des ronds dans l’O jeunesse, 2016.

Chaque année dans la tribu du peuple des sept Feux, un rituel célèbre le départ des caribous. « C’est pour les jeunes l’occasion d’honorer le Grand Manitou. Quand la poussière soulevée par le troupeau est retombée, il faut choisir un animal totem et le tuer ». Mais voilà pour Winona qui déteste la chasse, cette tradition est un vrai supplice. D’ailleurs quand elle part en forêt à la recherche de son animal totem et qu’elle se retrouve nez à nez avec le renard Tokela, elle se perd dans son regard et ne peut le tuer. L’animal et l’enfant élaborent alors ensemble un stratagème qui pourrait bien donner un grand coup de pied dans les traditions du peuple des sept Feux…

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Romans jeunesse

Belle et Sébastien, tome 1. Le refuge du grand Baou de Cécile Aubry, Hachette, 2013.

Grand classique de la littérature jeunesse française, Belle et Sébastien est né de l’imagination de Cécile Aubry pour une série télévisée. Le succès de celle-ci est immédiat, le premier volume du roman sera publié l’année suivante. L’histoire prend place dans les Alpes où Sébastien grandit auprès d’une famille d’adoption, sa mère tsigane étant morte en lui donnant la vie. Sa rencontre avec un chien des Pyrénées sauvage vient bouleverser sa vie. Baptisée Belle, le chienne ne quitte bientôt plus le petit garçon, liée à lui par un fort sentiment d’amitié, de tolérance et d’entraide.

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L’enfant qui parlait aux animaux, Roald Dahl, illustrations de Quentin Blake, Folio Junior, 2008 pour la présente édition.

On connaît l’amour de Roald Dahl pour les animaux ! Les chasseurs en font d’ailleurs souvent les frais dans ses romans. L’enfant qui parlait aux animaux est une nouvelle se déroule en Jamaïque alors qu’un pêcheur rapporte une torture géante sur la plage. Un enfant, touché par la détresse de l’animal, va tenter de le sauver. Une fable écologique assez éloignée du ton humoristique de ses romans les plus connus.

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Sajo et ses castors de Grey Owl, Editions Souffles, 2013.

Sajo et ses castors est un magnifique hymne à la vie qui véhicule un message écologique de bienveillance et de respect de la nature. Fort de son expérience avec les castors, Grey Owl signe un roman jeunesse riche en information sur ce « petit peuple » dont la vie faite de labeur est si unique et pourtant pas si éloignée de la notre. On découvre ainsi que la castor est un animal nocturne et monogame, qu’il a une mémoire infaillible et ne supporte pas la solitude. Véritable bouffée d’oxygène, le roman donne une vision extrêmement optimiste de la nature humaine, dans laquelle le pouvoir de l’argent perd toute valeur face à la liberté.

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L’incroyable histoire du homard qui sauva sa carapace, de Thomas Gerbeaux et Pauline Kerleroux, La Joie de Lire, 2020.

Une petite fille fait la rencontre d’un homard en cavale. Figurez-vous que le fugitif vient de s’échapper d’un restaurant où il était promis à la casserole ! Et que l’épatant crustacé s’est promis de ne pas se faire la malle avant d’avoir libéré jusqu’à la dernière étrille ses compères restés dans le vivier… Ce petit livre se lit comme un roman d’aventure, une perche tendue à nos consciences, un hymne à la liberté, à la joie de la rencontre et à la solidarité. Une pépite haute en couleurs qui divertit et donne de l’espoir ! Car « qui sauve un homard, sauve l’océan ». Et si vous aimez les bestioles de tous poils (et plumes), n’hésitez pas à lire également les incroyables histoires signées par le même duo consacrées à un protagoniste mouton et un héros coq. Un régal !

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Pax et le petit soldat, de Sara Pennypacker. Gallimard Jeunesse, 2015.

Un garçon, un renard apprivoisé – inséparables, mais pourtant brutalement arrachés l’un à l’autre par une guerre… Parviendront-ils à se retrouver sains et saufs ? La route est parsemée de dangers, mais aussi de rencontres inattendues ! Tels sont les ingrédients principaux de ce très joli roman, raconté à deux voix par les deux protagonistes et tendrement illustré par Jon Klassen. Ces deux personnages sont incroyablement attachants, impossible de leur résister ! L’intrigue est passionnante, l’écriture sublime et bouleversante. Pax et Peter traversent de multiples épreuves – perte d’un proche, culpabilité, doute, solitude, recherche de sa voie, retour à la vie sauvage. À leur hauteur, ils vivent la guerre de plein fouet. Pourtant, leur amitié à toute épreuve, la façon dont ils apprivoisent la nouvelle situation, leur détermination et la bienveillance qu’ils suscitent, font souffler sur ces pages un vent d’optimisme et tendresse.

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Cœur de loup, de Katherine Rundell, Gallimard Jeunesse (Folio), 2015.

Féodora se sent plus à l’aise avec les loups qu’avec les humains. Elle grandit dans une contrée sauvage de la Russie, avec sa mère qui l’initie au métier de « maître-loup ». Leur bonheur est menacé par l’armée du tsar qui sème la terreur et leur attribue la responsabilité de méfaits causés par les loups. Mais Féo n’est pas du genre à se laisser dompter. Pour défendre sa liberté et celle de sa mère, elle n’hésite pas à braver la folie furieuse du général Rakov et le froid sibérien – n’imaginant pas une seule seconde les répercussions que cette incroyable aventure pourrait avoir ! Katherine Rundell signe un très joli roman d’aventure aux allures de conte russe. La capacité de son héroïne à vivre avec les loups, à décoder leurs comportements et à respecter leur nature sauvage a de quoi faire rêver les enfants.

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Rascal de Sterling North, L’école des loisirs, 2020.

Récit autobiographique, Rascal nous raconte l’amitié improbable qui se tisse entre Sterling, et un petit raton laveur. Plein de tendresse, ce roman est aussi une plongée dans les états du nord des Etats-Unis dont l’auteur nous dépeint les paysages, la faune, la flore et la culture, le tout raconté sur fond de Première Guerre Mondiale. Mais le cœur de l’histoire tient uniquement dans l’amitié qui unit l’enfant et l’animal, l’auteur se remémore avec affection et nostalgie la puissance de ce lien si particulier qui les unissait.

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Romans pour plus grands

Le poney rouge, John Steinbeck, Folio Junior, 2007 pour la présente édition.

Californie dans les années 30, le rêve de Jody est d’avoir son propre cheval. Un jour, enfin, son père lui rapporte un poney rouge. Jody va prendre soin de lui, tisser un lien fort et le dresser pour pouvoir le monter. Mais un jour le poney tombe malade. Recueil de trois nouvelles dont les personnages sont récurrents, Le poney rouge est la porte d’entrée idéale dans l’œuvre de l’immense John Steinbeck.

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La vérité vraie, Dan Gemeinhart, Robert Laffont, 2016.

Premier roman de Dan Gemeinhart, La vérité vraie témoigne de l’amour inconditionnel qui lie un enfant et son chien. Gravement malade, Mark 11 ans, décide de partir faire l’ascension du Mont Rainier seul avec Beau. Les obstacles sont nombreux et l’issue incertaine, mais il peut compter sur la présence réconfortante de son petit compagnon. Un récit particulièrement émouvant.

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BD

Calvin et Hobbes, Bill Watterson, Hors Collection, 1991.

Cette série de BD (24 tomes), Calvin et Hobbes est un must-have chez Lucie où elle est relue au moins une fois par an. Le meilleur ami de Calvin, petit garçon de six ans à l’imagination débordante, est un animal. Et pas n’importe lequel : un tigre, s’il vous plaît ! Seul problème : dès qu’un tiers entre dans la case, Hobbes devient une peluche. Nous vous laissons décider s’il est vivant ou non, mais leur relation est si drôle et attachante qu’elle devait absolument figurer dans cette sélection !

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Et vous, quelle histoire mettant en scène un enfant et un animal vous a le plus ému(e) ?

Notre autrice essentielle : Annelise Heurtier

En cette rentrée, nous vous proposons une nouvelle rubrique : nos auteur.e.s essentiel.le.s !
L’idée est de vous y présenter sous des formes variées les œuvres d’un.e auteur.e à l’univers fort, dont nous aimons toutes les œuvres.

Comme c’est en interviewant Annelise Heurtier en avril dernier qu’est née cette envie, il nous a paru logique de commencer par ses romans. Voici donc les œuvres qui nous ont le plus touchées, présentées sous forme de lettre à un personnage, d’abécédaire ou d’une interview.

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Le choix de Colette

Combien de terre faut-il à un homme ? Annelise Heurtier, Raphaël Urwiller, d’après Tolstoï, Editions Thierry Magnier, 2014.

2 août 2023

Cher Pacôme,

je vous écris depuis le XXIe siècle où votre histoire résonne encore et toujours. TRAGIQUEMENT. Combien de terre faut-il à un homme ? A l’heure où l’humanité a épuisé les ressources renouvelables en un an de la planète, nous pourrions même transformer la question en mettant une majuscule au mot Terre.

Cher Pacôme, vous chez qui j’ai senti l’amour de la terre, celle qui nourrit, qui fleurit, qui enveloppe, qui soutient, pourquoi n’avoir pas su vous réjouir de votre « petit champ balayé par les vents » , de l’odeur du bortsch qui flotte dans l’isba où se réunit toute votre famille à l’heure du déjeuner ? Je vous pose cette question, Pacôme, mais je ne vous blâme pas. Moi aussi, souvent je suis animée de l’irrépressible besoin de posséder. Il faut dire qu’encore plus qu’à votre époque, toute la société dans laquelle je vis m’y encourage. Mais j’ai une bonne nouvelle cependant, mon cher Pacôme, il me semble que des hommes et des femmes, ici ou là, chantent désormais un nouveau refrain, un refrain qui loue la sobriété, l’humilité et la gratitude. Un refrain sans doute semblable aux chants des Bachkirs dont je nous souhaite d’entendre les joyeuses leçons, celles que nous n’avez pas reconnues mais qui grâce à votre histoire parviennent à nos oreilles aujourd’hui. Je nous souhaite comme eux de nous retrouver au son des balalaïkas, des kalimbas et autres târs pour célébrer nos jardins, nos forêts, nos déserts et tous nos « petits champs balayés par les vents ». De là où vous êtes, mon cher Pacôme, j’espère que vous entendrez ce chant.

Colette, collectionneuse de papillons et de jolies histoires.

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Le choix de Lucie

La fille d’avril, Annelise Heurtier, Casterman, 2018.

Bonjour Izia ! Peux-tu nous expliquer ton rôle dans La fille d’avril ?
Je n’apparais que très peu ! Je suis un peu le catalyseur, l’excuse qui permet à ma grand-mère de raconter sa jeunesse.

Qu’as-tu découvert ?
Tout ! J’adore ma grand-mère, mais je n’avais jamais pris le temps de l’interroger sur sa vie. A travers son histoire j’ai beaucoup appris sur notre famille, son parcours, mais aussi sur la condition des femmes dans les années 60.

Quelles informations t’ont le plus marquée ?
Ce n’est peut-être pas l’essentiel, mais j’ai trouvé que les détails concrets étaient particulièrement signifiants. Le fait qu’il n’existait pas de baskets pour les femmes, l’harnachement nécessaire pour les règles, l’interdiction de porter des pantalons, et cette méconnaissance de la physiologie féminine ! Je savais que cela avait existé mais je n’imaginais pas que ma grand-mère l’avait vécu !

Pour finir, cette discussion a-t-elle changé ton regard sur ta grand-mère ?
A l’amour que je lui porte s’est ajouté une immense admiration pour sa force et sa ténacité. Qu’elle ait partagé son histoire et ses rêves nous a rendu encore plus complices qu’avant. J’adore ça !

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Le choix d’Isabelle

Sweet Sixteen, Annelise Heurtier, Casterman, 2013

Chère Molly,

Nous vivons dans des époques et des pays différents mais nous partageons les mêmes rêves : des rêves d’égalité, d’une éducation digne de ce nom.

Hier comme aujourd’hui, cela ne coule pas de source, même quand on a la loi de son côté. Tu en as fait l’amère expérience en 1957, suite à la décision de la cour suprême américaine de mettre fin à la ségrégation dans les écoles publiques américaines. Forte de tes espoirs et confiante en tes capacités, avec huit autres élèves noirs, tu t’es inscrite au lycée le plus prestigieux de Little Rock jusque-là réservé aux Blancs. Réalisais-tu le pas que cela représentait, le courage immense qu’il vous faudrait face à l’hostilité des 2500 autres élèves et à la violence des réactions qui embrasèrent toute la ville, obligeant le président Eisenhower à vous faire protéger par l’armée ? Nulle vexation, humiliation ou intimidation ne vous aura été épargnée. Je n’ose imaginer à quel point cette année, qui devait être celle de tes Sweet Sixteen, a été dure. Personne, et surtout aucun enfant, ne devrait avoir à traverser de telles épreuves. Je voudrais pouvoir les effacer mais je n’en ai pas le pouvoir.

Ce que je peux faire, c’est te dire que cela n’aura pas été en vain. Tu as écrit une page importante de l’histoire des droits civiques. En t’exposant en première ligne, tu es devenue une pionnière de la conquête de nouveaux droits au respect et à l’éducation. Tu as contribué à repousser l’horizon des possibles pour des milliers de personnes. J’ai été bouleversée par la volonté sans faille que toi et les autres avez opposée à la foule forcenée. Alors certes, les mentalités n’évoluent que lentement et difficilement. Mais les Little Rock Nine et toi avez prouvé que pas à pas, les luttes émancipatrices peuvent faire bouger les lignes.

Pour ton courage et ta contribution à une société plus égalitaire, merci !

Isabelle

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Le choix de Liraloin

Des sauvages et des hommes, Annelise Heurtier, Casterman, 2022

HOMME

H :  je t’ai vu, au début je n’ai pas osé te regarder, tu es un homme si différent. J’étais certainement impressionné par cet accoutrement tellement loin de ce que je connais car je vis ici et toi là-bas mais quelque chose en moi me pousse à vouloir te connaître.

O : c’est un peu comme cette cage, cet enfermement qui nous rapproche, il n’y a pas de début ni de fin, juste un trait qui se rejoint. Toi, ici, loin de chez toi, moi, ici, chez moi mais en aucune façon libre de choisir ma voie et mon destin.

: comme cette mer que tu as traversé pour venir dans ce lieu d’espoir, d’avenir pour ta famille restée au pays. Une famille qui attend beaucoup de toi, c’est un poids sur les épaules que je ressens également. Héritage infernal, vie toute tracée…

M : comme le mensonge, à toi l’espoir vite brisé par cette gigantesque mascarade. A moi cette honte qui m’envahit en pensant à ce que des hommes peuvent créer et imaginer pour s’enrichir, n’hésitant pas à anéantir ses propres semblables.

: Egalité :  voilà ce que j’écris depuis ce matin, car aujourd’hui ma décision est prise et j’irais là où personne ne m’attend, j’irais contre tous quitte à être chassé, banni et rejeté. Je suis prêt !

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Le choix de Blandine

Le carnet rouge. Annelise HEURTIER. Casterman romans, 2011

Lycénne de 16 ans, Marie
Emotions d’adolescence et d’identité

Chercher à connaître malgré les silences de sa mère
Alex, l’ami précieux
Révélations par les pages d’un carnet confié
Népal, pays des origines
Enfant-Déesse Kumari
Traditions hindouistes et bouddhistes

Relations mères-filles à apaiser
Ouvrir, communiquer, grandir, s’émanciper
Un roman aux thématiques entremêlées
Grande sensibilité d’écriture
Et avoir envie d’en découvrir davantage

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Et vous, quel roman d’Annelise Heurtier préférez-vous ? Que pensez-vous de cette nouvelle rubrique ?