Lecture commune : Charbon bleu d’Anne Loyer

Chaque année vos arbonautes préférées s’engagent avec beaucoup de joie et d’empressement à lire les romans en lice pour le Prix Vendredi. Lucie et Liraloin ont profité de cette sélection 2024 pour lire Charbon bleu et en faire une lecture commune pour votre plus grand plaisir. Un roman justement récompensé par un jury de sept jeunes adultes âgés de 15 à 19 ans pour le Prix Vendredi.

Charbon bleu, Anne Loyer, illustrations de Gérard DuBois, éditions D’Eux, 2023.

Liraloin : Est-ce que tu connaissais Anne Loyer avant de te lancer dans cette lecture ? 

Lucie : En regardant sa bibliographie je me rends compte qu’elle a écrit 105 livres ! J’ai lu Bamba, et certaines des aventures de Kimamila parce que c’est la méthode de lecture que j’utilise avec mes CP. Donc j’ai beaucoup aimé Charbon bleu mais on ne peut pas dire que ce soit une auteure dont je suis le travail. Je vais être nettement plus attentive dorénavant !

Liraloin : De mon côté, je connais bien cette autrice notamment à travers des albums publiés chez A pas de loup : Christine de Pizan, Calamity Jane. J’ai également lu son roman adulte La petite coriace que j’ai bien apprécié. Anne Loyer est très prolifique et autant à l’aise dans l’écriture des romans que des albums.

Liraloin : Même question pour l’illustrateur Gérard DuBois ? Nous reviendrons plus tard sur la pertinence de ses dessins.

Lucie : J’ai un peu honte de l’avouer : non, je ne connaissais pas du tout de Gérard DuBois mais j’aime beaucoup. Je me suis un peu renseignée sur ce qu’il a fait depuis, et je trouve notamment son travail sur Moby Dick magnifique ! 

Liraloin : C’est au SLPJ que j’ai découvert cet illustrateur, il y avait une exposition de ses illustrations et je trouve son procédé très intéressant. Je l’ai découvert tardivement et c’est seulement l’année dernière que j’ai réalisé que je le connaissais à travers une illustration tirée de son livre Enfantillages. Et puis, j’ai lu la chronique de Linda sur l’album On aurait dit qui m’a donné envie de le découvrir.

Liraloin : Parlons de la couverture : qu’en as-tu pensé ? Est-ce que cette illustration te touche ? 

Lucie : Oui, je dois avouer que c’est ce qui m’a attirée vers ce roman. Ce noir et blanc un peu brut, et le regard de cette jeune fille qui se détache d’une foule. C’est très puissant je dois dire, et tout à fait en accord avec le texte. Uniquement sur la base de la couverture, c’est vers ce titre de la sélection du Prix Vendredi que je serais allée le plus spontanément.

Liraloin : Contrairement à toi je n’ai pas été attirée de suite par cette couverture surtout que nous sommes plutôt – et depuis un moment – sur des couvertures de romans pour ados un peu “clinquantes”. Le sujet m’a intéressé sans doute car j’ai vécu à Lille… et comme j’aime Anne Loyer, hop je l’ai emprunté. L’illustration est très forte et il y a quelque chose de magnétique dans ce visage féminin. On est obligé de s’attarder sur ce regard je trouve.

Liraloin : Entrons dans le vif du sujet. Le livre commence avec ce texte en préambule, écrit en italique : « Elle ferme les yeux, c’est l’appel du néant. Son corps, pris en tenaille par des milliers de mains – celles de ceux qui l’ont précédée, celles de ceux qui lui succéderont – s’enfonce sans fin, aspiré par les entrailles avides de la terre. Il est englouti par une force supérieure qui ne lui laisse aucune chance. Une chute invincible qui l’entraîne, poids mort avant l’heure, direction l’abîme. »
Que t’évoque ce texte ? 

Lucie : Ce préambule donne immédiatement le ton. Il est question de déterminisme, de tradition pesante, de quelque chose de très organique aussi il me semble et de dramatique. On sent tout de suite que le texte ne va pas enjoliver la réalité du destin de ces mineurs, et c’est précisément ce pourquoi j’ai eu envie de le lire. Mais je me dis en le relisant que c’est “gonflé” de la part de l’auteure car cela peut aussi rebuter certains jeunes lecteurs.
Qu’en as-tu pensé, toi ?

Liraloin : En relisant ce préambule je trouve qu’il est complètement raccord avec l’illustration de première de couverture. On sent ce moment compliqué de se rendre dans cet ascenseur qui “aspire vers les entrailles avides de la terre”. Comme toi, et ton terme est bien trouvé, il y a quelque chose d’organique, cette terre broie les mineurs, les rend malades et les tue. Après j’ai été très étonnée que ce roman remporte le Prix Vendredi des jeunes lecteurs, je m’y attendais pas du tout car tout comme toi je ne pensais pas que ce sujet plairait autant aux jeunes. Comme quoi….

Lucie : C’est une très bonne surprise cependant, et c’est très positif que des jeunes lecteurs acceptent de découvrir un milieu et une époque qui est éloignée d’eux. Qu’ils adhèrent à un texte qui fait la part belle à la poésie et à un certain lyrisme.

Liraloin : Oui effectivement il y a une poésie que l’on retrouve dans cette écriture. D’ailleurs on en parlait avec une collègue, et finalement on en a conclu que ce sont les auteurs-autrices qui écrivent sur des sujets sociétaux très actuels qui emportent pas mal de prix et des mises en avant… D’ailleurs, petite parenthèse, La Chasse a reçu le Prix Cendres en plus du Prix Vendredi.

La Chasse, Maureen Desmailles, Thierry Magnier, 2023.

Liraloin : L’histoire débute avec la perte du père de cette famille. Outre le chagrin de Gervaise, sa femme enceinte, cette mort impose à Ermine une analyse de la situation très lucide. Est-ce que tu te rappelles de la dureté de cette ouverture ?

Lucie : Je me souviens en effet avoir été saisie par le désespoir d’Ermine. Elle a cru pouvoir échapper à son destin de mineur car son instituteur, convaincu par ses capacités, avait insisté auprès de ses parents pour qu’elle poursuive ses études. Mais voilà qu’un double drame la cueille : le décès de son père signifie aussi qu’elle va devoir travailler pour aider sa mère car il n’y a plus que le salaire de son frère pour nourrir la famille. Au passage : que la maman s’appelle Gervaise est un joli clin d’œil à Zola !

Germinal, Emile Zola, Pocket, 2018 pour cette édition.

Liraloin : Oui, merci Anne Loyer pour ce joli clin d’œil à Germinal. Ce passage est vraiment terrible et très noir. Le chagrin accable toute cette famille et on sait que peu d’espoir est envisageable. Je trouve que ce n’est pas évident en tant que lectrice de se dire qu’à un moment la “lumière” viendra !
Il y a ce paragraphe qui m’a marqué. Ermine doit aller travailler pour la survie du foyer et voici le regard de Gervaise sur sa fille :

« Gervaise lève péniblement les yeux vers sa fille. Elle voudrait lui dire un mot gentil, un encouragement quelconque. Mais rien ne sort. Elle a honte. Honte de lui avoir promis la lune, honte de lui avoir fait entrevoir l’impossible, honte de lui avoir fait miroiter un autre destin. Ernest et elle l’ont trompée. L’ont même trahie. Ils ne cherchaient qu’à la protéger et ils n’ont rien fait que retarder l’échéance. Juste au moment où elle allait décrocher le certificat d’étude, ce sésame pour un autre futur, tout se brise… »

Comment analyses-tu ce paragraphe ? 

Lucie : En tant que lecteur, on se met très facilement à la place de Gervaise. Ou peut-être est-ce parce qu’on est mamans aussi ? Cette honte, même si elle n’y est pour rien, est parfaitement compréhensible. C’est un peu comme si elle avait trahi sa fille en lui laissant apercevoir un avenir différent de la mine. Avenir dont elle va finalement être privée à cause de la disparition de son père. Est-ce que la situation aurait été “moins pire” si Ermine était allée à la mine dès le début ? C’est vraiment une ouverture de roman très dure et très noire, tu le disais. Et c’est d’autant plus courageux de la part d’Anne Loyer d’oser y aller franchement et de proposer un texte sans concession à ses jeunes lecteurs.

Liraloin : Oui et d’ailleurs ta question rejoint celle-ci. J’ai trouvé que le destin d’Ermine était fragile dès le départ, pas franchement net concernant ses projets d’études comme si l’autrice voulait nous préparer à cette chute. Ta vision est juste car nous sommes bouleversées par la honte qui saisit Gervaise, cette culpabilité envahissante. C’est d’autant plus difficile à “digérer” car pour une fois, un membre de cette famille aurait connu autre chose que la mine. Pour moi il y a cette prise de conscience de cette mère complètement atterrée par la perte de son mari et ce destin qu’elle brise malgré elle. Le champ lexical de la lumière est pourtant présent et sera le fil conducteur tout le long du récit. Pour le moment la lumière est juste atténuée et forcément pas franche (lune, miroir…).

Lucie : Je me demandais justement : trouves-tu que le supplément d’instruction qu’a reçu Ermine apporte quelque chose au roman ? 

Liraloin : Oui énormément, cette instruction lui permet de supporter sa nouvelle vie à la mine en s’échappant dans ses rêveries. Elle est complètement à part et les autres lui font bien sentir sauf un personnage…
C’est justement là qu’apparaît Firmin. Est-ce que ce personnage t’as plu ? 

Lucie : Je ne vois pas comment on peut ne pas aimer Firmin. Il apporte tellement de lumière (on y revient, je n’avais pas conscience du champ lexical de la lumière mais maintenant que tu le dis ça me saute aux yeux) et de douceur dans ce monde noir, étouffant, sans espoir… Un phare dans la nuit ! J’adore son surnom de Firmament d’ailleurs, quelle trouvaille ! Je suis curieuse de savoir ce que tu as ressenti lors de la première rencontre entre le jeune homme et Ermine ?

Liraloin : Il est le rayon d’une lumière qui n’existe plus, son intelligence se caractérise par sa poésie, cela touche également Ermine qui est transporté ailleurs d’où l’illustration (p.53). J’aime beaucoup ce personnage, d’une grande sensibilité. Ermine le surnomme Firmament rien que pour elle et comme toi j’ai trouvé que ce surnom était une belle trouvaille. Il y a une alchimie qui se fait très vite et naturellement. 

Lucie : Je me disais que c’était peut être grâce à son « instruction » qu’Ermine était si rapidement touchée par cette rencontre. Car Firmin n’est pas vraiment le mineur typique. Leur lien se crée au niveau intellectuel : ils aiment les mots, les sonorités, cela les anime et les aide à supporter leur quotidien. Qu’en penses-tu ?

Liraloin : Tout à fait ! je suis d’accord avec toi en ajoutant que le lien que le jeune homme établit avec les animaux ajoute à son empathie. 
Mais le rêve n’est pas la vie. Même si Ermine parle de Firmin et de son caractère à sa mère, cela fait rêver également sa petite sœur de 4 ans, Martine. Que penses-tu de l’autre membre de cette fratrie, le frère aîné d’Ermine ? 

Lucie : Guy… Lui pour le coup c’est la caricature du mineur. Brutal, rugueux, il n’est pas très aimable. Heureusement qu’Anne Loyer prend le temps de nous expliquer le ressentiment qu’il a pour Ermine, et ainsi de le rendre plus humain. Parce qu’il aurait le profil idéal pour être le “méchant” de l’histoire. On comprend tout de même qu’il a été forcé de grandir très vite, d’assumer des responsabilités très jeune et qu’il s’est forgé une “carapace” pour s’en sortir. Mais il reste extrêmement désagréable.

Liraloin : Tout à fait, et ce n’est pas un exercice facile pour une autrice d’échapper à la caricature car Guy en a tous les aspects. Cette profonde tristesse qu’il a en lui se transforme en brutalité, il ne sait réagir autrement. Oui, tu as raison, il est imbuvable. 

Lucie : A propos de la famille d’Ermine,que penses-tu de son rôle dans l’évolution de ce personnage ? 

Liraloin : Dans cette famille, Martine la petite sœur apporte du bonheur et permet à Gervaise de garder le sourire, l’innocence de la petite est palpable. Cette joie enfantine permet à Ermine de sortir un peu la tête de son quotidien harassant. Elle aime le rire grelot de sa petite sœur. Pourtant c’est tout de même Guy qui est pour moi comme une ombre qui s’étend de plus en plus sur ces femmes, le patriarcat est présent et il n’est pas atténué. Le foyer et donc la famille n’est plus un refuge pour Ermine, les obligations ont noyé le reste. 

Lucie : Tu as raison, ce patriarcat est très net et correspond évidemment à l’époque puisque ce roman se passe au 19ème siècle. Quand le père meurt, Guy prend le pouvoir sur la famille. Pouvoir dont il se passerait bien à mon avis mais qu’il assume avec la dureté qui le caractérise.

Liraloin : Oui merci de le préciser. L’époque est importante. Il en veut à cette famille, la mort de son père retarde aussi sa vie et son avenir.

Lucie : Nous avons une fois de plus utilisé le champ lexical de la lumière avec cette ombre que Guy étend sur la famille. C’est le moment de parler des illustrations qui répondent parfaitement au contraste entre ombres et lumières qui irrigue le texte, non ?

Liraloin : Ce contraste est très puissant et les 12 illustrations sont bien choisies. Elles alternent entre le rêve et la réalité. Il y a des planches qui apportent cette note d’espoir et en même temps quelques pages après on redescend du terre avec un dessin qui accentue la dureté de la vie. C’est une belle idée que d’avoir choisi d’illustrer ce roman. 

Lucie : La technique utilisée est particulièrement pertinente je trouve. Ces aplats noir qui laissent filtrer le blanc… cela correspond tellement bien à l’histoire d’Ermine et Firmin !

Liraloin : Puis tout s’accélère lorsqu’on approche de la fin. D’après toi, pourquoi Anne Loyer a choisi de précipiter (dans le bon sens du terme), son histoire ? D’ailleurs qu’en as-tu pensé de cette chute ? 

Lucie : Cette fin. On la voit venir, elle est annoncée et pourtant qu’il est difficile de s’y résoudre ! Une nouvelle fois, je trouve Anne Loyer courageuse d’avoir assumé jusqu’au bout sa résolution de véracité. Au risque de décevoir les lecteurs fleur bleue, la réalité de la mine était difficile, exigeante, et nous l’avons bien dit l’auteure ne cache rien des douleurs physiques, ni de la fatigue ou de la peur de ses personnages lorsqu’ils sont sous terre. La fin est donc triste, mais logique. 

Liraloin : Je suis complétement raccord avec toi et je trouve également qu’Anne Loyer y ajoute de la poésie malgré tout. C’est cela que je trouve très fort chez elle, la dernière illustration y est pour beaucoup. Est-ce que la liberté n’est pas justement dans cette fin et cette tragédie? 

Lucie : Oui, tu as raison. Ce roman ne fait pas dans l’optimisme forcené mais Anne Loyer parvient malgré tout à insuffler de l’espoir quelque soit la situation – aidée par Gérard DuBois et notamment comme tu le disais de sa magnifique dernière illustration. C’est très fort. Et c’est peut-être aussi ce qui a plu aux jeunes lecteurs ? Cet espoir dans une situation qui semble désespérée cela peut faire écho à ce qu’ils ressentent face à l’actualité ?

Liraloin : Oui car après tout cette histoire parle de cette liberté d’aimer.
Pour terminer, à qui conseillerais-tu ce roman ?

Lucie : Et bien sans surprise, parce que c’est toujours le cas des bons romans, à plein de lecteurs très différents. Je suis persuadée qu’il plairait à mon fils de 13 ans, mais aussi à des copines et je suis presque certaine que ma mère va me demander de le lui prêter. Le panel de lecteurs est donc étendu : ceux qui aiment l’histoire, qui veulent en apprendre plus sur l’univers minier, qui ont envie de découvrir un texte poétique et nuancé, avec une jolie histoire d’amour entre deux âmes blessées… J’ai oublié quelqu’un ? 

Liraloin : Ahahaha non, tu n’as oublié personne. Tout comme toi je pense que ce roman peut attirer un large lectorat. Je le conseillerais autant aux adultes qu’aux ados !

Lucie : Pour les plus curieux de nos lecteurs, je trouve que Charbon Bleu fait fortement écho à un autre titre de la sélection du Prix Vendredi : Vindicte met aussi en scène une femme dans une situation désespérée (c’est l’une des “tondues” de la Libération) confrontée au regard et au jugement des autres et particulièrement des hommes. Je les ai lus à la suite et j’ai trouvé ce parallèle stimulant.

Vindicte, Gildas Guyot, In8, 2024.

Liraloin : Je n’ai pas encore lu ce roman. Justement je trouve que c’est essentiel que des autrices et auteurs s’emparent de faits historiques pour ce devoir de mémoire que nous devons transmettre de génération en génération… Et le fait qu’ils plaisent comme nous avons pu le voir avec l’attribution du prix Vendredi des jeunes est très chouette !

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Pour conclure, la réaction à notre discussion de deux copinautes originaires de régions minières.

Linda : En bonne nordiste que je suis, j’avais envie de dire que la mine fait partie intégrante de notre patrimoine et les enfants grandissent avec des histoires de la mine. Les mineurs n’existent plus et il n’en reste guère de survivants aujourd’hui mais la mémoire collective est entretenue par les associations et les récits des enfants et petits-enfants de mineurs. Tous les enfants d’ici visitent au moins une fois dans leur vie le musée de la mine de Lewarde qui marque les esprits et donne vraiment à réfléchir sur cette vie, cette époque. Je ne connais pas un enfant ou ado qui soit ressorti déçu de cette visite et cela ne m’a donc pas étonné que les jeunes aient choisi ce titre…

Séverine : Je pourrais très exactement reprendre le propos de Linda en remplaçant Lewarde par « Puits Couriot » à Saint -Etienne ! Ici, c’est exactement cela aussi. En ce qui me concerne, j’essaie de transmettre à ma fille un bout de l’histoire locale, grâce notamment aux livres, mais c’est vrai qu’il me semble que la littérature jeunesse pèche un peu en la matière, en particulier pour les plus jeunes. Dernièrement, un album pour petit.e.s s’est démarqué : Mille mineurs, écrit et illustré magnifiquement par Evelyne Mary.

Nous espérons vous avoir donné envie de découvrir l’histoire d’Ermine, d’autres romans d’Anne Loyer et, pourquoi pas, de visiter ces lieux d’histoire !

Prix ALODGA – catégories Branches dessinées et Racines

Voilà deux semaines que nous avons lancé la nouvelle édition du Prix ALOGDA ! Après les sélections des catégories Belles Branches (roman ado) et Grandes Feuilles (roman jeunesse), voici – ROULEMENT DE TAMBOUR – la deuxième sélection : celle des Branches dessinées (meilleure BD) et des Racines (meilleurs documentaires).

C’est maintenant à vous de jouer : vous avez jusqu’au 5 juin 2024 pour élire votre titre préféré dans chaque catégorie. Alors à vos lectures et à vos votes !

Et soyez prêt.e.s pour l’annonce des lauréats, le 10 juin à 8h !

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Catégorie Branches dessinées

Elles sont colorées, vitaminées et ont en commun de nous faire voyager, que ce soit à vélo, en barque sur un fleuve tumultueux ou en side-car : notre trio de BD se distingue autant par l’énergie qui s’en dégage que par la densité de réflexions qu’elles provoquent… Voyez plutôt !

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Élue chaque année « boudin d’Or » d’un infâme concours organisé par certains collégiens, Mireille se voit un jour détrônée (si l’on peut dire) par deux inconnues. Les trois lauréates se rencontrent et constate que par un extraordinaire concours de circonstances, leur destinée converge vers un point modal : la garden-party organisée à l’Élysée le 14 juillet. Qu’à cela ne tienne, elles y seront ! Quitte à s’y rendre à vélo et à vendre… du boudin pour financer le voyage. Encouragées par des milliers de followers mais attendues aux tournants par les « haters », nos trois acolytes devront faire preuve de débrouillardise et de témérité pour arriver au but !

Magali Le Huche a su restituer toute la fraicheur et l’humour féroce du roman de Clémentine Beauvais. Cela fait un bien fou de voir Mireille et ses acolytes tourner en dérision les stéréotypes de genre, les journalistes sans scrupules et les réseaux sociaux qui font le buzz avec tout ce qui est bon à prendre. Le ton exubérant ne change rien à la profondeur du propos sur le rapport au corps, la différence, la filiation, le féminisme et la valeur de l’amitié. Une lecture libératrice et savoureuse (nous pesons nos mots) qui vous donne envie d’enfourcher votre vélo et de laisser opérer la magie !

Les petites reines, de Magali Le Huche, d’après le roman de Clémentine Beauvais. Sarbacane, 2023.

L’avis complet de Liraloin

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Les aquarelles délicieuses de Johann G. Louis plantent un décor de marais et de lianes ondulant au rythme de notes jazzy. Pas de doute, nous sommes au cœur du bayou : bienvenue à la Nouvelle Orléans ! Un terrain de jeu que Otis et Red connaissent comme leur poche. Mais voilà que la bourgade bruisse d’excitation : une mystérieuse inconnue vient d’emménager avec sa fille et, partout, on raconte qu’un homme aurait disparu…

On se laisse prendre à faire les 400 coups avec les protagonistes et à s’aventurer chez les mocassins d’eau et les alligators. Ces pages célèbrent la manière dont les amitiés enfantines transcendent les clivages sociaux et raciaux. Mais le graphisme rond et les blagues potaches des protagonistes masquent un propos plus grave. L’innocence des enfants agit comme un révélateur de la violence des rapports de classe et de race sudistes. Magnifique et émouvant !

Swamp. Un été dans le bayou, de Johann G. Louis. Dargaud, 2023.

Les avis complets d’Isabelle et de Liraloin

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Quand un lapin mal en point se rend à l’infirmerie et y tombe sur un loup – il leur arrive aussi de se blesser – cela devient immédiatement électrique. Lorsqu’un chasseur s’invite à coups de fusil, une traque impitoyable s’ensuit qui force les deux patients à former une alliance improbable. Bien malgré lui, le loup écope du lapin et de sa perfusion à roulettes, assortie d’une liste de médicaments d’un mètre de long…

Comment résister à la composition dynamique, au trait plein d’énergie, à l’intrigue burlesque et à cette sacrée dose d’humour que l’autrice allemande parvient à déployer malgré le thème ? Les péripéties sont dignes des meilleurs films d’action, impliquant un side-car, beaucoup de système D, des machines à sou et un certain nombre de frites. L’ingénuité désopilante du lapin et le bagout du loup sont véritablement réjouissants, mais il y a plus, on s’en rendra compte au fil du voyage. Impossible de ne pas être tourneboulée de voir les deux compères entonner « Born to be wild » alors que le dernier cheveu de Lapin s’envole et que Loup s’efforce de stabiliser le véhicule. Lire ces pages offre un chouette bol d’air et de bonnes ondes, tant il est joli de voir ces deux-là tisser des liens… et surmonter une grave maladie. Inattendu, mais réconfortant et émouvant. Un road-trip inoubliable !

Voyage de malade, de Josephine Mark. Gallimard Jeunesse, 2023.

Les avis complets de Liraloin, Lucie, Helolitla et Isabelle.

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À vous de jouer pour départager ces titres !

Quel est votre titre préféré dans la catégorie Branches dessinées ?

  • Les petites reines de Magali Le Huche, d'après le roman de Clémentine Beauvais (Sarbacane) (70%, 19 Votes)
  • Voyage de malade de Josephine Mark (Gallimard jeunesse) (22%, 6 Votes)
  • Swamp : Un été dans le bayou de Johanna G. Louis (Dargaud) (7%, 2 Votes)

Total Voters: 27

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Catégorie Racines

Originaux par leur thème et/ou leur présentation, voici notre sélection d’albums documentaires qui, chacun à sa manière, invite à voyager dans l’histoire.

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Si le surf est aujourd’hui un sport reconnu, ce ne fut pas toujours le cas. Et si aux origines, les femmes polynésiennes le pratiquaient, l’arrivée des colons et missionnaires a mis fin à cette activité et lorsqu’elle a été redécouverte au 20e siècle, elle a été réservée aux riches touristes ne se démocratisera que lentement en direction des femmes et des personnes de couleur… Ce documentaire rend hommage aux femmes qui ont contribué à reconquérir le surf et à démocratiser cette activité. Cette histoire du surf est captivante en elle-même.

Mais elle gagne encore en vivacité grâce à ces surfeuses qui, dans des contextes historiques et sociaux très différents, portées par une irrépressible soif de liberté et d’océan, sont parvenues à repousser les limites des horizons féminins. Les pionnières se sont fait une place sur le line up et ont forcé l’évolution des mentalités en réalisant des prouesses. D’autres ne se sont pas laissé décourager dans le creux de la vague, risquant tout pour une carrière professionnelle qui restait à inventer, imaginant des équipements adaptés aux femmes ou militant contre l’invisibilisation des championnes ou l’ouverture du surf aux femmes noires. Leurs destins invitent à imaginer de nouveaux possibles ! Stylisées et subtilement accordées, les illustrations portent le récit et donnent puissamment envie d’océan. Une lecture rafraîchissante dans laquelle plonger sans hésiter !

Surfeuses, celles qui ont fait le surf, de 1915 à aujourd’hui de Paola Hirou, Hélium, 2023.

L’avis complet d’Isabelle.

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Si cette maison d’Amsterdam est aujourd’hui mondialement connue pour avoir abrité Anne Frank et sa famille durant la Seconde Guerre Mondiale, c’est tout un pan de l’histoire d’Amsterdam qui se dévoile à nous dans cet album documentaire.

Tour à tour occupée ou vide, la maison au bord du canal a servi d’habitation, d’écurie ou de cachette ; elle a enduré le grand froid, un incendie, le vol de son plancher ou de sa porte d’entrée ; elle a vu la vie s’épanouir en son sein, avant que la mort ne vienne prendre un mari, la maladie toute une population, les soldats des innocents…

C’est une lecture riche en émotions qui se partage en famille. Le point de vue extérieur permet ainsi d’abord les drames et l’histoire d’Anne Frank avec des enfants assez jeunes, de leur parler du drame sans heurter leur sensibilité.

La maison au bord du canal, L’histoire de la maison d’Anne Frank de Thomas Harding & Britta Teckentrup, La Partie, 2023.

Les avis complets d’Héloïse-Helolitla, Isabelle et Linda

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Né de la coopération entre l’écrivain et poète Bernard Friot et la fromagère Aurore Paillusson, cet album documentaire est une invitation à explorer le monde du fromage au travers d’informations, d’activités ludiques, de recettes de cuisine et de poésies, le tout servi sur un plateau d’humour.

Découpé en 7 parties, ce documentaire propose une véritable immersion dans l’Histoire du Fromage en passant par les secrets de sa fabrication, son impact sur notre santé et, sur l’économie et l’écologie de notre pays. Riche en informations, le texte reste accessible aux lecteurs dès 6/7 ans car toujours délivré avec humour et un aspect ludique qui montre toute la passion de ses auteurs pour le fromage… et les bons mots !

Album gourmand et généreux à déguster en famille, Balade en Fromagie propose une découverte ludique et rafraichissante d’un produit phare du patrimoine gastronomique français. L’ensemble est brillamment servi par les illustrations de Thomas Baas où fourmillent de nombreuses références, brillamment compléter par les diagrammes, pictogrammes et autres planches de BD de Charlotte Fréreau.

Balade en Fromagie de Bernard Friot & Aurore Paillusson, illustrée par Thomas Baas et Charlotte Fréreau, Milan, 2023.

L’avis complet de Linda.

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Quel est votre titre préféré dans la catégorie Racines ?

  • Balade en fromagie, texte de Bernard Friot et Aurore Paillusson, illustrations de Thomas Baas et Charlotte Fréreau(Milan) (44%, 11 Votes)
  • La maison au bord du canal de Thomas Harding et Britta Teckentrup (éditions La partie) (36%, 9 Votes)
  • Surfeuses – Celles qui ont fait le surf ! de 1915 à aujourd’hui de Paola Hirou (Hélium) (20%, 5 Votes)

Total Voters: 25

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N’oubliez pas de voter dans chacune des catégories et de guetter
l’annonce des lauréats le lundi 10 juin !

Planches de portraits – Une sélection de BD biographiques.

Après vous avoir proposé une sélection de nos BD autobiographiques préférées en février, on revient en juin vous présenter des BD qui racontent l’histoire de personnages charismatiques au parcours inspirant ! De Cesare Borgia à Nellie Bly, en passant par Charlie Chaplin et Gisèle Halimi.

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Cesare est une série de treize volumes (douze actuellement disponibles en français) d’une rare richesse historique et qualitativement unique. Ecrit par Fuyumi Soryo, supervisée par Motoaki Hara, spécialiste de la littérature et de l’histoire italienne, le manga se veut une biographie de l’énigmatique Cesare Borgia de l’époque où il étudie à l’Université de Pise jusqu’à son arrivée sur la scène politique de Renaissance italienne.
Plus qu’une biographie, cette série est un voyage historique au cœur de la Renaissance italienne, avec ses artistes, ses grandes figures historiques et politiques. Les faits sont relatés avec le plus de justesse possible, les auteurs veillant à toujours se référer aux textes d’époques.

Cesare de FUyumi Soryo & Motoaki Hara, Kioon, 2006 à 2020.

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L’histoire prend place en 1887 à New York. Nellie Bly est une jeune journaliste d’investigation qui tente de faire sa place dans le milieu journalistique, encore exclusivement masculin. Pour convaincre un potentiel employeur, elle relève le défi complètement délirant d’infiltrer l’Institut pour femmes de Blackwell, suspecté de mauvais traitements.
Avec une facilité déconcertante, elle se retrouve internée pour « folie » et découvre un univers terrifiant dans lequel des femmes parfaitement saines sont abandonnées par un mari ou un fils pour qui elle représente un poids, une charge financière. Rien ne leur est épargné : humiliation, violence physique et psychologique, mauvais traitements, manque d’hygiène et privation de nourriture et de soins… Pour le lecteur, c’est l’occasion de découvrir Nellie Bly, aujourd’hui reconnue comme pionnière du journalisme d’investigation, dans son travail mais également au travers de faits marquants de son enfance qui ont forgé celle qu’elle est devenue une fois adulte.

Nellie Bly, dans l’antre de la folie de Virginie Ollagnier et Carole Maurel, Glénat, 2021.

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Autre BD historique, Celle qui parle nous amène à la rencontre d’une figure féminine majeur de l’Histoire de la conquête de l’Amérique du sud : Malinalli. Fille de chef, vendue comme esclave à un autre clan, elle voit sa vie changer le jour où les troupes d’Hernan Cortez viennent conquérir leurs terres en quête de richesses. Douée pour les langues, elle devient l’interprète du conquistador espagnol et jouera l’un des éléments clés dans sa conquête. Au-delà des conquêtes, on y découvre une jeune femme tout en contraste, souvent dépassée par les événements, qui doit sa survie au chemin qu’elle trace grâce à son intelligence. Symbole de trahison, victime ou mère symbolique du peuple mexicain, La Malinche reste vivace dans la culture et l’histoire du Mexique.

Celle qui parle d’Alicia Jaraba, Grand Angle, 2022.

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Cette « BD biographique » est à l’image de la couverture : tout en étant très documentée, elle joue avec la légende de Sergio Leone.
« – Là-bas [en Amérique], on mutile mes films et on refuse de produire Il était une fois en Amérique, comme si je n’étais personne.
– Toi ? Personne ?
– Oui, mon nom est personne… Mais c’est ça, l’idée ! »
De Leone, on connaît les films (facile, il n’y en a finalement que sept) mais assez peu la vie. Après un premier chapitre consacré à son enfance, et particulièrement au lien avec son père réalisateur muselé par Mussolini ; on aperçoit à peine la famille du cinéaste.
L’axe choisi par Noël Simsolo est clairement professionnel, et il est d’autant plus plaisant que Philan joue avec le visage des célébrités ayant croisé la route de Leone. Évocation plus que représentation fidèle, il a su en saisir l’essence et nous les reconnaissons au premier coup d’œil. Amusant de retrouver Welles, Walsh, Pasolini, Eastwood, van Cleef, Wallach, Fonda, Cardinale et tant d’autres.

Sergio Leone, Noël Simsolo et Philan, Glénat, 2019.

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Au début de cette BD biographique, on découvre Voltaire en grande discussion avec Monsieur Lasalle, personnage fictif qui ambitionne de raconter la vie du philosophe. Cela sera à la fois le fil conducteur du récit et l’excuse parfaite pour initier des flash-back.
Ces aller-retour dans le temps peuvent ne pas être simples à suivre pour qui n’est pas familier de la vie de Voltaire. D’autant qu’en parallèle est relatée l’une des grandes affaires criminelles ayant mobilisé l’énergie du philosophe à la fin de sa vie : celle du chevalier de la Barre.
Pourtant, comme le laisse entendre le sous-titre « Le culte de l’ironie », Philippe Richelle a veillé à respecter l’esprit de Voltaire, tout en glissant des éléments biographiques et historiques qui éclairent certaines facettes d’un personnage pour le moins complexe.
Pour ne rien gâcher, les illustrations de Jean-Michel Beuriot sont très agréables. L’équilibre entre la douceur de l’aquarelle et le dynamisme du trait est idéal. Et le décalage entre ces illustrations et le dialogue, marquant les petits arrangements dans le récit de Voltaire, sont savoureux.

Voltaire, le culte de l’ironie, Philippe Richelle et Jean-Michel Beuriot, Casterman, 2019.

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Dans cette BD directement inspirée de l’entretien que Gisèle Halimi accorda à Annick Cojean publié en 2020, les autrices retracent l’incroyable parcours de cette avocate qui ne cessa jamais de s’engager pour les droits des femmes, de son enfance jusqu’à sa mort. Pendant plus de 70 ans, elle a consacré toute son énergie à faire entendre une parole différente, une parole puissante et libératrice. A ses côtés, on découvre d’autres femmes farouchement libres qui nous entraînent dans leurs sillons vers d’autres horizons bien plus grands que ceux sont encore proposés régulièrement aux filles et aux femmes du XXIe siècle.

Une Farouche liberté, Gisèle Halimi, la cause des femmes, Annick Cojean, Sophie Couturier, Sandrine Revel et Myriam Lavialle, Grasset, Steinkis, 2022.

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Qui ne connaît pas Charlot, son visage enfariné, son costume et son petit chapeau, ses mésaventures qui nous font rire et qui nous serrent le cœur ? Mais qui connaît vraiment l’acteur Charles Spencer Chaplin, né en 1889 en Angleterre, qui grandit dans la misère avant de réaliser une carrière époustouflante qui fera de lui l’un des acteurs les plus marquants du 20ème siècle ? Quelle idée fantastique de raconter cette histoire en plusieurs BD ! Nous voici donc embarqués dans un paquebot transatlantique, par une sombre nuit d’octobre 1912, avec un jeune Charles qui entend définitivement tourner la page de ses années de misère londoniennes et vivre le rêve américain. La fougue des illustrations, qui semblent presque s’animer sous nos yeux et qui débordent presque des cases, est à l’image de la carrière fulgurante de Charlie Chaplin. On découvre un personnage meurtri et déterminé, flamboyant, séducteur, égocentrique aussi, et on a immanquablement envie de découvrir ses films.

Chaplin en Amérique, de Laurent Seksik et David François. Rue de Sèvres, 2019.

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Et voici un autre destin qui nous entraîne très, très loin, à Tiniteqilaaq, au Groënland. C’est dans ce village reculé que, dans les années 1980, le Français Max Audibert réalisa son rêve de s’installer et de devenir chasseur arctique. Cette BD s’inspire des souvenirs livrés à l’auteur pour raconter son histoire. Une aventure extraordinaire. Les premières pages sont d’emblée époustouflantes par la pureté grandiose du décor, immense fjord gelé parsemé d’innombrables blocs de glace. La nature règne en maître et, Max l’apprendra vite, ses lois sont implacables. La moindre erreur peut être fatale. Et mille millions de morses, ce n’est vraiment pas de la tarte de gérer une meute de chiens, d’affronter le blizzard ou de déployer un filet de pêche sous la glace. Cela provoque des mésaventures tour à tour drôles et terrifiantes. Sermilik se lit comme un hymne à la nature boréale, un récit atypique d’initiation, d’intégration et de transmission, une invitation à aller au bout des rêves qui nous tiennent à cœur. Une lecture intense et immersive qui nous laisse durablement la sensation du froid polaire et le halètement des chiens dans l’oreille.

Sermilik. Là où naissent les glaces, de Simon Hureau, Dargaud, 2022.

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Et pour un florilège de biographies féminines aussi stupéfiantes que méconnues, n’hésitez pas à lire Les Culottées si vous n’en avez pas encore eu l’occasion. De Annette Kellerman, sirène sportive et subversive qui révolutionna le maillot de bain féminin, à Leymah Gbowee, prix Nobel de la paix, ou Wu Zetian, impératrice de Chine au VIIe siècle, on se dit qu’il aurait été dommage de ne pas les découvrir ! Ces destins sont condensés en quelques planches, avec humour et sensibilité. Et chacune de ces histoires est saisissante et inspirante : il y a quelque chose de jubilatoire à voir ainsi ces femmes repousser de toutes leurs forces les limites de leur horizon – et du nôtre par la même occasion. Elles incarnent un spectre immense et grisant de vies de femmes. Elles invitent à oser être soi-même et imaginer de nouveaux possibles.

Les Culottées, de Pénélope Bague, Gallimard, 2016.

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Et vous, quelles vies avez-vous découvertes en lisant des BD ?

Le prix ALODGA – Catégories Racines et Branches dessinées.

Après les catégories Grandes feuilles et Belles branches c’est au tour des sélections Racines (documentaires) et Branches dessinées (bandes-dessinées) de se dévoiler ! Des titres comme toujours triés sur le volet parmi nos coups de cœur des parutions 2022. Le principe est toujours le même : les votes sont ouverts à partir d’aujourd’hui et jusqu’au 9 juin. Les gagnants seront annoncés dans la foulée, lundi 12 juin. À vos lectures, à vos votes !

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Catégorie Racines

Voici un trio de tête qui ne manque pas d’originalité. Entre voyage, curiosité littéraire et exploration du monde solaire, il y en a pour toutes et tous !

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C’est une belle promenade culinaire et olfactive que nous propose ce documentaire. Bienvenue au pays des saveurs et si vous passez dans un des pays proposés, nul doute que vous allez vous régaler. Quel bel album mêlant documentaire, livre de recettes et livre-jeu !

Le tour du monde en 24 marchés de Maria Bakhareva & Anna Desniskaya, La Partie, 2022.

Retrouvez les avis d’Isabelle, Lucie et Liraloin

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LA superstar de la littérature anglaise méritait un documentaire à la hauteur de sa renommée et c’est chose faite. Connait-on réellement cet artiste ? Un large éventail de détails vous permettra de vous immerger complétement dans, non seulement la vie du théâtre anglais, mais aussi dans toutes les pièces écrites par ce géant !

Le monde extraordinaire de William Shakespeare, de Emma Roberts, Little Urban, 2022

Retrouvez les avis d’Isabelle et Lucie

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Si vous aimez le charme du rétro dans l’illustration et les sujets scientifiques ce documentaire aura de quoi vous ravir. Les détails et le vocabulaire complètement abordables pour les plus jeunes lectrices et lecteurs en fait un album intéressant, ludique, original et DE TOUTE BEAUTÉ !

Fabuleux paysages du système solaire d’Aina Bestard, Saltimbanque, 2022

Retrouvez les avis de Linda et de Lucie.

À vous de jouer pour départager ces titres !

Quel est votre titre préféré dans la sélection "Racines" ?

  • Le tour du monde en 24 marchés de Maria Bakhareva & Anna Desniskaya, La Partie (64%, 18 Votes)
  • Fabuleux paysages du système solaire d'Aina Bestard, Saltimbanque (21%, 6 Votes)
  • Le monde extraordinaire de William Shakespeare, de Emma Roberts, Little Urban (14%, 4 Votes)

Total Voters: 28

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Catégorie Branches dessinées

La sélection était très riche et variée ce qui a donné, à nos arbronautes, du fil à retordre pour choisir le trio marquant et gagnant !

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Le premier titre sélectionné ouvre une nouvelle série développée à partir d’une hypothèse délirante : que serait-il advenu de l’expédition de Christophe Colomb si, comme beaucoup le pensaient alors, la terre avait été plate ? Restés dans les cales par inadvertance, Ana et Domingo sont du voyage, pour le meilleur… et pour le reste. Entre corvées et farces, intrigues d’équipage et dingueries du Señor Colomb, on ne s’ennuie pas une seconde. Lorsque l’une des cascades les plus spectaculaires de l’histoire de la BD fait chavirer le récit, ce qui s’annonçait comme un réjouissant récit d’aventure bascule dans une fantaisie colorée, surréaliste et TRÈS intrigante. Une BD portée un trait nerveux et des bleus à tomber, à lire pour les bonnes ondes féministes, les personnages hauts en couleurs, les punchlines et l’intrigue au long cours qui commence à se dessiner.

Ana et l'Entremonde - Tome 01 | Éditions Glénat
Ana et l’Entremonde, de Marc Dubuisson et Cy, Glénat, 2022.

Retrouvez l’avis d’Isabelle

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En adaptant le roman éponyme de Kathleen Karr, Léonie Bischoff propose de (re)découvrir les aventures de Simon, un adolescent considéré comme l’idiot du village, dans le convoyage à pieds d’un millier de dindes entre l’Etat de Missouri et la ville de Denver dans le Colorado. Formidable aventure dans une Amérique peuplée de chercheurs d’or et d’Indiens, de brigands et d’exploiteurs d’esclaves, de fermiers affamés et de chasseurs de bisons, cette BD dresse aussi le portrait social et sociétal d’une époque : conditions du transport de bétail, esclavage, tout en instillant quelques réflexions actuelles : racisme, condition féminine, éducation, bien-être animal, estime de soi, la place de chacun dans la société…

La longue marche des dindes de Léonie Bischoff, Rue de Sèvres, 2022

Retrouvez les avis d’Isabelle, Lucie, Linda et Blandine

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Dans le Poids des Héros David Sala explore son enfance mais à l’aune de ce que ses grands-pères, héros de guerre et de résistance, ont laissé comme empreintes indélébiles dans les récits qui se transmettent de générations en générations. Et c’est non seulement à un voyage à travers l’histoire d’une famille que l’auteur nous invite mais aussi à un fabuleux voyage à travers la couleur et l’imaginaire. Les images de Sala sont lumineuses même quand elles abordent cette histoire parfois méconnue de ce côté des Pyrénées, celle de la dictature de Franco, de l’exil des Républicains espagnols en France, du camp de concentration d’Argelès-sur-Mer…

Le poids des héros de David Sala, Casterman, 2022

Retrouvez les avis de Blandine, Lucie, Liraloin et Isabelle.

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À vous de jouer pour départager ces trois titres !

Quel est votre titre préféré dans la sélection "Branches dessinées" ?

  • La longue marche des dindes de Léonie Bischoff, Rue de Sèvres (46%, 16 Votes)
  • Le poids des héros de David Sala, Casterman (34%, 12 Votes)
  • Ana et l’Entremonde, tome 1, de Marc Dubuisson et Cy, Glénat (20%, 7 Votes)

Total Voters: 35

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Et n’oubliez pas de voter pour vos romans préférés… et de revenir par ici la semaine prochaine pour découvrir les albums sélectionnés pour le prix !

De case en case, jouer le « je » – Une sélection de BD autobiographiques.

Commencer l’année avec des BD, c’est ce que le Festival International de la Bande-Dessinée d’Angoulême propose chaque année aux amatrices et aux amateurs de ce genre littéraire si particulier ! Cette année le festival fêtait ses 50 ans ! 50 ans de bulles, de vignettes, de phylactères, de planches et d’onomatopées ! C’est l’occasion pour nous de regarder ce genre à travers un prisme un peu particulier : celui de la BD autobiographique. Car des autrices et des auteurs qui ont choisi de se raconter au fil des cases, il y en a de plus en plus. On y retrouve des récits d’enfance, des histoires d’héritages, des journaux intimes, mais aussi des témoignages historiques ou autres confidences amoureuses. Un genre foisonnant dont on vous présente aujourd’hui nos titres préférés !

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Colette vous présente un premier titre, découvert à Angoulême en 2008, dont le titre est particulièrement énigmatique : Ma maman est en Amérique,elle a rencontré Buffalo Bill écrit par Jean Régnaud et Emile Bravo. On y suit une année scolaire dans la vie de Jean qui vient de rentrer au CP dans une petite ville du Périgord. On découvre au fil des pages le quotidien de Jean, ses jeux avec son petit frère, Paul, les jolis rituels de sa gouvernante Yvette et les traits tirés et tellement sérieux de son papa. On y découvre aussi sa voisine, Michèle, de deux ans plus âgée que lui, qui vient égayer ses longs après-midis libres en lui lisant notamment les cartes postales que la maman de Jean lui envoie des quatre coins du monde. Mais pourquoi la maman de Jean écrit-elle à Michèle au lieu de lui écrire à lui et à son frère, Paul ? Voilà tout le mystère de ce merveilleux récit d’enfance, raconté du point de vue d’un petit homme de 7 ans qui cette année-là va faire de terribles découvertes. Si l’on retrouve de nombreuses caractéristiques du récit autobiographiques, les choix narratifs ici sont particulièrement ingénieux car rien ne nous avertit que ce texte est le récit de l’enfance de Jean Régnaud : l’auteur en effet choisit de raconter son histoire du point de vue de l’enfant et non de l’adulte qui porterait sur sa vie un regard rétrospectif. Ce qui en fait une BD accessible des plus jeunes lecteurs et lectrices tout en donnant du grain à moudre aux plus grand.e.s.

Ma Maman est en Amérique, elle a rencontré Buffalo Bill,
Jean Regnaud et Emile Bravo, Gallimard 2007.

Cette BD a été adaptée en film d’animation en 2013 par Marc Boréal et Thibaut Châtel. Une petite merveille qui offre une autre vision de ce récit d’enfance.

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Pour les plus grand.e.s, Colette propose la lecture de Goupil ou face de Lou Lubie. L’autrice y raconte comment, adolescente, elle a découvert, après de longues phases de questionnements et d’errances thérapeutiques, qu’elle souffrait d’un trouble psychologique : la cyclothymie. Ce qui est formidable dans ce récit autobiographique, c’est que Lou Lubie nous livre un nombre incroyable d’informations sur ce trouble tout en nous confiant tout ce qu’elle a testé pour vivre avec. L’allégorie qu’elle choisit pour représenter sa maladie est vraiment judicieuse car elle permet de mettre un visage sur son trouble, une image qui sans nul doute lui a permis de s’apprivoiser elle-même. Et au delà de ce récit accès sur la psychologie de son autrice, c’est aussi son processus créatif que l’autrice nous dévoile et c’est toujours jubilatoire car Lou Lubie manie avec une véritable grâce le sarcasme et l’humour noir !

Goupil ou face, Lou Lubie, Delcourt, 2021.

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Nowhere Girl est sans doute la BD autobiographique qui a le plus touché Isabelle et ses moussaillons. La sincérité avec laquelle Magali Le Huche raconte la dureté de son quotidien de collégienne qui voulait pourtant tellement bien faire, son malaise face à l’enfance qui s’étiole, aux interpellations cassantes et au conformisme de la cour… Le propos sonne juste, nombre de nowhere people s’y reconnaîtront. Les « images » sont très parlantes aussi : ce fardeau de plus en plus lourd sur le dos ; le groupe qui s’estompe lorsque la solitude se referme sur Magali. Heureusement, il y a les Beatles et leur Ticket to Ride vers une bulle en apesanteur, éclaboussée de couleurs chatoyantes, où l’insouciance règne en maître et tout semble possible ! Mais n’allez pas imaginer qu’il s’agit d’une lecture pesante, c’est au contraire un album plein de fraîcheur. Le charme des années 1990 – doudounes Chevignon, Minitel, horloge en forme de montre XXL au mur, Bruel et Nirvana dans le top 50 –, le tempérament pour le moins entier de la narratrice et sa passion anachronique pour les Beatles sont réjouissants. Et quel réconfort on trouve dans l’amitié d’Agathe et l’amour, même maladroit, de sa famille – All you Need is Love – mais aussi et surtout dans l’exploration de mondes imaginaires qui n’appartiennent qu’à soi, auxquelles de magnifiques explosions de couleurs rendent hommage. Strawberry Fields Forever ! Une BD lumineuse et pleine d’inventivité.

Nowhere Girl, Magali LeHuche, Dargaud, 2021.

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Vera a neuf ans quand elle part pour la première fois en colonie de vacances. D’origine russe, elle peine à trouver sa place dans la communauté américaine aussi espère-t-elle que ce camp spécial pour enfants russes lui permettra d’avoir plein de choses à raconter et ainsi se faire des amis dans son école.
En se plongeant dans les souvenirs de son enfance, Vera Brosgol aborde la difficulté de trouver sa place lorsque l’on se sent différent. De son propre aveu, elle compile ici les événements qui l’ont marqué durant les deux étés qu’elle a passé dans ce camp de vacances, enrichis des souvenirs de son frère. Cela donne une aventure pleine d’humour et de situations cocasses qui ne manqueront pas de rappeler à ceux qui ont connu les colonies de bons et de moins bons moments. Au delà de l’humour, l’auteure aborde aussi avec justesse la solitude et l’exclusion. 

Un été d’enfer de Vera Brosgol, Rue de Sèvres, 2019.

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Pour ne pas complétement oublier que parfois c’est compliqué d’être ado, Liraloin a suivi les aventures de trois amies.

Emma est en 5ème, vit avec son papa et ses meilleures amies sont Bao et Linnéa. Après l’été, c’est l’heure de la rentrée et les trois jeunes filles aiment se retrouver pour jouer dans la forêt. Mais changement de plan pour Linnéa qui décide, soudainement, de retourner au collège sans donner d’explication à ses amies. Un peu plus tard, Linnéa avoue sortir avec un garçon. Et là, c’est parti, Emma se pose des questions sur elle : « EN TOUT CAS, il me faut un PLAN si je ne veux pas être la seule à ne pas être amoureuse ! » tandis que Bao ne comprend pas du tout le changement d’intérêt de son amie Linnéa.

Il est l’heure de se poser des questions. Trois amies unies et l’adolescence qui commence à pointer le bout de son nez. Sous forme de journal, Emma va se confier sur ses relations avec Bao, Linnéa mais aussi Mariam. Elle va essayer de comprendre pourquoi elle-même commence à changer.

Cette histoire est douce. Sa tendresse est contagieuse et emporte le jeune lecteur dans une vie d’ado aux sentiments perturbés : « Je vais arrêter d’être une gamine et commencer à être une ado. » ce qui, en soi, ne se commande pas et peut s’avérer plus compliqué que prévu. Une BD aux problématiques adolescentes menée de façon positive.

L’année où je suis devenue ado, Nora Dasnes, Casterman, 2021

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Et parce qu’être ado dans une famille recomposée est une réelle aventure, Liraloin s’est pris d’amitié pour Jen.

Jen aime dessiner, consigner dans un carnet à spirale des instants de sa vie surtout qu’en ce moment : le changement c’est maintenant visiblement !
Fini la vie new Yorkaise et welcome à la ferme Petit Pois. Alors, entre sa nouvelle vie à la campagne, à ne pas échapper aux corvées et supporter son beau-père, Jen a dû mal à trouver sa place. Son père lui manque et dorénavant il lui faut même partager sa chambre un week-end sur deux avec les deux filles de son beau-père. Vous ne trouvez pas que tous ces évènements peuvent faire beaucoup pour une seule petite fille ? De plus, à cet âge on ne peut pas dire que la confiance soit au rendez-vous. Dans cette autobiographie, l’autrice nous livre son histoire et ses difficultés pour totalement s’adapter.

La Ferme Petit Pois : la nouvelle vie de Jen de Lucy Knisley, Gallimard BD, 2021

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« En somme, je vais parler de ceux que j’aimais »

Albert Camus dans une note au sujet du Premier homme.

Plus qu’une BD autobiographique, Le premier homme est l’adaptation d’un roman largement autobiographique d’Albert Camus par Jacques Ferrandez. L’auteur y évoque ses premières années en Algérie entre sa mère et sa grand-mère, sa rencontre décisive avec monsieur Germain (modèle de tous les instituteurs) et son cheminement jusqu’à Paris et la reconnaissance.
Les thèmes sont forts : recherche des origines, amour filial, poids de la pauvreté, éducation, et cette Algérie si chère à Camus. C’est aussi l’occasion de (re)découvrir certains aspects de la colonisation.
Le personnage déambule dans son histoire, entre passé et présent sans que le lecteur ne s’y perde. Alors que les souvenirs assaillent le narrateur, Jacques Ferrandez multiplie les astuces pour que le récit reste fluide grâce à l’utilisation des couleurs et aux interventions de Jessica.

Le premier homme, Jacques Ferrandez d’après Albert Camus, Gallimard, 2017.

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Très grande fan du travail de David Sala il était tout naturel que Liraloin puisse évoquer cette BD coup de coeur !

En se rendant à l’hôpital où son grand-père est soigné, une maman raconte à son fils, encore très jeune, le passé de cet homme. Un homme né au sud de l’Espagne, engagé mais forcé de s’échapper pour ne pas sombrer sous le régime franquiste.  Un homme vieillissant et malade, refusant de mourir avant son bourreau : Franco. De repas de famille en visites d’amis, David apprendra les détails concernant la captivité de son grand-père maternel mais aussi le passé de résistant de son autre grand-père. Comment grandit-on dans une famille où les figures paternelles héroïques sont si présentes dans l’esprit d’un petit garçon ? 

Il y a un très grand respect et de la douceur dans le travail de David Sala. A travers cette vie de petit garçon et plus tard de jeune adulte et d’homme, ce dernier nous plonge dans une intimité douloureuse mais en même temps lumineuse.  Les passages évoquant la vie héroïque des deux grands-pères sont sublimes. Leur envol respectif permet au lecteur de respirer et à la fois de s’immerger dans ce passé si glauque. La guerre, fil conducteur de cette BD, nous rappelle à notre devoir de mémoire et de transmission. Elle nous démontre également la force des liens familiaux peu importe son histoire et ses engagements. Une BD émouvante et d’une sensibilité rare.

Le poids des héros, David Sala, Casterman, 2022

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Dans L’Arabe du Futur, le célèbre auteur Riad Sattouf nous raconte ses origines et son éducation entre poids des traditions et double culture. Cette série en six volumes est d’autant plus intéressante qu’on y découvre un contexte historique fort, le petit Riad ayant passé une partie de son enfance dans la Lybie de Kadhafi et la Syrie d’Hazed Al-Assad dont l’auteur nous montre l’influence sur sa famille, notamment sur son père qui souhaite que son fils soit éduqué dans le culte des grands dictateurs. Le retour en France et la séparation de ses parents lui offriront une nouvelle liberté et allégeront en partie le récit qui reste drôle même dans les périodes difficiles…

L’Arabe du futur, série en 6 tomes, Riad Sattouf, Allary, 2014 à 2023.

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Aux Etats-Unis, depuis 1986, le mois de février est déclaré « National Black History Month » afin de (re)connaître, transmettre, se rappeler et représenter l’Histoire des Noirs au sein de leur (vaste) pays. C’est dans ce cadre que Blandine a découvert John Lewis avec la trilogie Wake Up America, qu’il a signée avec Andrew Aydin (son attaché parlementaire en communication) et Nate Powell. John Lewis était député et démocrate, ancien membre du Congrès et des « Big Six » dont faisait notamment partie Martin Luther King. Tout comme ce dernier, John Lewis prononça un discours lors de la Marche sur Washington le 28 août 1963. Il est décédé en juillet 2020.

Wake Up America. John LEWIS, Andrew AYDIN et Nate POWELL. Rue de Sèvres, Intégrale éditée en août 2021

Cette trilogie, parue intégralement en 2021, retrace une partie de la vie de John Lewis, entre 1940 et 1965, lorsqu’il prit pleinement conscience de la ségrégation et des différences de vie pour les Noirs entre les Etats du Sud et ceux du Nord. Il décrit son engagement dans la Lutte pour les Droits Civiques des Noirs en en retraçant les évènements et en présentant les grandes figures du Mouvement. Bien que se terminant en 1965 avec le Civil Rights Act et les Voting Rights Act, cet album, aussi passionnant que riche, est toujours d’une brûlante et délicate actualité.

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Damien. L’empreinte du vent. Gérard JANICHON et Vincent. Vents d’Ouest / Glénat, 2022

Avec cette BD, Gérard Janichon nous raconte l’aventure incroyable qu’il a vécue avec Jérôme Poncet à bord du Damien, voilier en bois de 10 mètres, dans les années 1970.

Adolescents grenoblois, ils ne connaissent rien à la mer, aux bateaux et pourtant, leur vient l’idée folle de faire le Tour du Monde en voilier. En cinq ans, ils se donnent les moyens financiers et matériels d’accéder à leur rêve et c’est ainsi qu’ils partent de La Rochelle en mai 1969, pour y revenir en septembre 1973. Durant ce laps de temps, ils ont subi le froid, la chaleur, le manque de vent, des tempêtes, ils ont vu des paysages magnifiques, ont eu des frayeurs angoissantes, ils ont fait des rencontres improbables ou des retrouvailles festives, franchi des Caps, dû renoncer ou bien triomphé!

Au fil de flashbacks, moments phares et dessins immersifs à l’aquarelle, leur initiation devient la nôtre et nous permet de ressentir toutes les émotions fortes et contraires, les questionnements existentiels ou ordinaires, qui les ont étreints durant ce voyage initiatique, ce voyage d’une vie !

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Dans le même esprit, Maxime de Lisle nous raconte le voyage essentiel qu’il a vécu avec ses amis, organisant une expédition en kayak pour découvrir le Passage intérieur, qui s’étend au-delà de l’Alaska jusqu’en Colombie Britannique, au Canada. Si leur objectif avoué est de voir des baleines et des ours, les trois hommes vont pourtant aller à la rencontre de leur moi intérieur et revenir transformés.

Le Passage Intérieur – Voyage essentiel en Alsaka est aussi un guide pratique à destination de tous ceux qui souhaiteraient entreprendre l’aventure. Avec ses pages informatives, la bande dessinée prend aussi la forme d’un carnet de voyage superbement illustré. Bach Mai a un trait réaliste qui semble poser sur le papier visages expressifs et paysages à couper le souffle comme s’il captait l’instant présent et le photographiait. Le choix d’utiliser le noir et blanc ponctué de couleurs renforce l’impression de journal intime tenu au jour le jour, illustré d’aquarelles à l’image de la faune et de la flore locale, de photographies et agrémenté de notes pratiques et de citations d’auteurs. Cela procure un sentiment d’intimité qui captive et entraîne dans l’immensité des paysages, desquels l’illustrateur retranscrit toute la beauté dans ces pages.

Ce voyage au bout du monde civilisé amène une réflexion écologique forte lorsque les comparses découvrent que la main de l’homme se tend aussi loin que possible, dénaturant les grandes forêts dans les coins les plus reculés et provoquant inévitablement un bouleversement des écosystèmes. Le réchauffement climatique, visible dans des lieux encore sauvage, interroge les hommes qui, soucieux de sauver ce qui peut encore l’être, en oublieraient presque le froid, la fin et la fatigue auxquels ils s’exposent par ce voyage aux limites du monde et d’eux-mêmes.

Le Passage IntérieurVoyage essentiel en Alaska, Maxime de Lisle & Bach Mai, Delcourt, 2022.

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Et vous, quelles BD autobiographiques avez-vous particulièrement aimées ?