Adaptation du Petit Nicolas

La série du Petit Nicolas créée par Goscinny et Sempé sent bon l’enfance et les années 60. Elle fait partie de ces classiques tellement iconiques qu’il nous semble les connaître même si l’on ne se souvient plus très bien si on les a lus ou non. Pour en avoir le cœur net, Lucie et son fils ont (re)lu Le Petit Nicolas (et quelques autres).

Le Petit Nicolas, René Goscinny et Jean-Jacques Sempé, Gallimard, 1973.

Le livre
C’est toujours un grand plaisir de faire découvrir un livre que nous avons aimé enfant à notre enfant, et l’entendre rire aux éclats est un bon bonus !
Les aventures de Nicolas, Eudes, Alceste, Clotaire, Agnan et compagnie ont tapé dans le mille. Théo a adoré suivre leurs bêtises, et a beaucoup apprécié le second degré de certaines situations.
Il s’est tout de même étonné de cette classe uniquement composée de garçons, des enfants qui se promènent seuls dans la rue, de ces mamans toujours à la maison… Intéressant justement, pour évoquer l’enfance de ses grands-parents. Et si le contexte a bien changé, les carabistouilles fonctionnent toujours. Indémodable.

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Le Petit Nicolas, Laurent Tirard, 2009

Le film
Suite à ces lectures, Théo et Lucie se sont amusés à découvrir l’adaptation de Laurent Tirard sortie dans les salles à l’occasion des 50 ans du premier tome. Alors, qu’en ont-ils pensé ?

Lucie : Ça commence très fort avec un magnifique générique directement inspiré des dessins de Sempé, façon pop-up. Mais Laurent Tirard a fait le choix d’un film en prise de vues réelles avec un solide casting d’enfants, tous excellents. Les enfants sont secondés par Kad Merad et Valérie Lemercier en parents de Nicolas, mais aussi par des adultes venus faire un petit clin d’œil en passant (Louise Bourgoin en fleuriste, François Damiens en voisin envahissant, Eric Berger en majordome, Gérard Jugnot en chef de chœur) parfois à la limite de la private joke. Pas sûr que les enfants saisissent les allusions.

Théo : Non, je ne sais pas qui sont ces acteurs. Mais j’ai aimé retrouver l’univers du Petit Nicolas : l’époque, les copains et les autres personnages.

Lucie : Je suis d’accord avec toi. On est plongés dans de proprettes années 60. C’est très joli et coloré, une vraie carte postale.
Tu as trouvé que le film était fidèle au livre ?

Théo : Oui. J’étais content de retrouver les bêtises que j’avais bien aimées. Mais j’ai aussi apprécié de découvrir de nouveaux gags, comme la soupe ou la roulette. C’est bien aussi d’inventer et ça changeait un peu. Parce que même si j’aime beaucoup le Petit Nicolas, je trouve que ça manque parfois d’un peu de fantaisie.

Lucie : J’ai trouvé que certaines situations présentes dans l’œuvre originale (le bouquet de fleurs, le cours de dessin, la visite de l’inspecteur, la visite médicale…) étaient désamorcées avant la fin. Je n’ai pas compris pourquoi.
As-tu eu le même sentiment ?

Théo : Non, je ne suis pas d’accord. J’ai aimé retrouver ces situations et elles m’ont fait rire.

Pour comprendre cette divergence, Théo et Lucie sont retournés au texte et se sont aperçus que ce qui différait était le décalage entre la perception du petit Nicolas et celle de son entourage. Pour Théo, la bêtise est plus importante, mais c’est ce décalage qui amuse le plus Lucie.

Lucie : Tu as remarqué bien sûr, que pour lier les gags auxquels un chapitre est consacré à chaque fois dans le livre, deux intrigues parallèles ont été ajoutées dans le film :

  • suite à un quiproquo, Nicolas se met à craindre l’arrivée d’un petit frère. D’ailleurs, cette naissance est issue d’un autre tome que nous n’avons pas lu : Le petit Nicolas a des ennuis.
  • Et la maman de Nicolas décide d’organiser un repas avec les Moucheboume (le patron du père et sa femme).

Qu’as-tu pensé de ces deux ajouts ?

Théo : La maman est beaucoup plus agitée dans le film que dans le livre. Elle perd rarement son calme avec Nicolas dans le  livre alors qu’elle se met dans tous ses états dans le film. J’ai trouvé cette histoire de dîner plutôt rigolote.

Lucie : De mon côté (et peut-être est-ce dû à mon statut de « maman ») je n’ai pas aimé ce fil narratif. Il transforme la gentille mère de famille du roman en espèce de névrosée portée sur la boisson. D’autant plus qu’après quelques velléités d’émancipation, elle finit par retourner dans sa cuisine. J’ai préféré l’histoire du petit frère qui crée des situations amusantes et plutôt cohérentes avec le roman.

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Dans l’ensemble nous avons passé un bon moment à regarder et à discuter de cette adaptation agréable et enlevée, qui plaira certainement aux (jeunes) lecteurs du Petit Nicolas !

Lecture commune : L’Apprenti conteur

L’Apprenti conteur de Gaël Aymon, l’école des loisirs, 2022.

Fin janvier, Gaël Aymon répondait à nos questions de curieuses arbronautes. Linda, Lucie et Liraloin se sont empressées de lire son roman l’Apprenti conteur paru dans la collection Neuf aux éditions de l’Ecole des Loisirs en avril 2022 et de partager leurs impressions.

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Linda :  Avant de commencer, j’aurais aimé savoir ce qui vous a poussé à lire ce livre et à le proposer en lecture commune ?

Liraloin : C’est drôle que tu me poses cette question car c’est Colette qui a suggéré de faire une LC du dernier roman de Gaël Aymon, j’ai juste répondu que l’idée était bonne et j’ai lu le roman. C’est aussi simple que cela. Après, j’avais bien aimé son titre Et ta vie m’appartiendra donc c’était l’occasion de lire un autre roman de cet auteur. 

Lucie : C’est effectivement Colette qui a proposé cette lecture commune suite à l’interview de Gaël Aymon. J’avoue que j’aime assez qu’un entretien ne soit pas publié comme ça, mais accompagné soit d’une lecture commune comme nous l’avons fait avec Annie au milieu d’Émilie Chazerand ou un article sur les « classiques » comme pour François Place. Cela nous permet d’explorer l’œuvre de l’auteur de manière plus attentive et de profiter à fond de cette opportunité (que je trouve toujours merveilleuse !) de poser nos questions à un auteur.

Liraloin à Linda: J’ai vu que tu en avais fait une chronique pourquoi as-tu été attirée par ce roman ?

Linda : Je ne connaissais que Silent Boy de Gaël Aymon et suite à son interview, j’étais curieuse de le lire autrement. La couverture, particulièrement sombre m’a interrogée et en lisant le synopsis je pensais lire une réécriture de conte, un format que j’apprécie beaucoup. Je n’ai pas hésité un instant.
Connaissiez-vous déjà l’hypothèse qui veut que les contes de la Mère l’Oye aient été écrits par Pierre Darmancour, le fils de Charles Perrault ?

Lucie : Je ne connaissais pas du tout cette théorie, et je ne sais pas vraiment quoi en penser. Mais dramatiquement, dans le roman, je l’ai trouvée intéressante.

Liraloin : Mais pas du tout ! Ca été une surprise pour moi si bien que je suis allée chercher des informations car je pensais que c’était pure fiction et invention de l’auteur. J’avoue n’être pas très experte en histoire et origines des contes. Finalement j’en lis peu alors que j’adore les écouter ! Et toi, as-tu été surprise également ?

Linda : J’ai aussi fait une recherche sur ce sujet à la fin de ma lecture. Je pensais vraiment que l’auteur s’était amusé à inventer tout ça pour placer son récit dans un cadre mystérieux. Donc oui, une vraie surprise et une lecture qu’on repense autrement après coup. J’ai trouvé toute cette histoire assez fascinante au final, d’autant que le mystère autour de cette affaire ne semble pas complètement résolu.
Gaël Aymon a choisi le versant sombre des contes pour raconter son histoire, mêlant le récit au genre fantastique. Qu’avez-vous pensé de ce choix ? Et quelles émotions vous a procuré la lecture ?

Liraloin : Quelle belle idée ! A travers des chapitres courts et bien rythmés le lecteur se prend au jeu. A chaque instant et durant toute ma lecture je me suis demandée si Pierre ne rêvait pas inlassablement, me procurant un étrange sentiment. L’effet fantastique fonctionne très bien car Gaël Aymon prend le parti de dérouler son histoire dans une atmosphère glauque et toujours de nuit.
Là encore je retrouve les effets cinématographiques dont l’auteur nous parle dans son interview. Le moment le plus fort est celui où Pierre et Mariette entrent dans la forêt brumeuse, j’y ai vu des références à Tim Burton dans Sleepy Hollow. L’émotion y est forte !

Lucie : En effet, les choix de Gaël Aymon sont de l’ordre du fantastique, et parfois assez noirs. Je ne m’attendais pas à ça mais après tout les contes traditionnels sont tout de même très sombres entre abandons d’enfant et méchants qui veulent les dévorer (ogres, loups, sorcières…), il y a quand même beaucoup de noirceur !

Linda :  L’écriture est très visuelle dans ce récit et cela m’a vraiment permis de m’immerger dans l’histoire de Pierre. J’ai donc souvent été surprise, presque perdue quant aux perceptions de ce monde aux contours assez flous. On est en effet en perpétuel questionnement sur les limites du réel. Comme tu le dis, Liraloin, les événements ont toujours lieu la nuit, ce qui renforce l’incrédulité du moment. Pierre rêve-t-il ? mais dormait-il vraiment au début de la scène ? C’est assez déstabilisant, d’autant que lorsqu’il revient dans la réalité, il semble toujours sortir du sommeil mais en même temps son esprit et son corps semblent avoir vécus et ressentis les événements fantastiques… C’est une vraie réussite !

Liraloin : Qu’est-ce qui vous a attiré dans la couverture ? Que pensez-vous des dessins de Siegfried de Turckheim ? Connaissiez-vous cet illustrateur ?

Lucie :  Je ne connaissais pas le travail de Siegfried de Turckheim mais il m’a beaucoup plu et je suis allée chercher ce qu’il avait fait d’autre. Je trouve que son trait correspond parfaitement à l’univers créé par Gaël Aymon, qui a effectivement quelque chose de Tim Burton, en tout cas dans ce roman.

Linda : Je ne connaissais pas non plus Siegfried de Turckheim et, comme Lucie, je suis allée chercher ce qu’il a fait d’autres. Je suis assez curieuse d’écouter sa musique d’ailleurs. Mais pour rester sur le dessin, j’aime beaucoup son style et le choix de se limiter au noir et blanc, ce qui appuie la noirceur du récit et vient aussi renforcer l’effet mystérieux des lieux et personnages dont il ne dévoile à chaque fois que quelques traits. Cela vient, au même titre que le texte, titiller la curiosité et encourager à poursuivre la lecture. J’aime beaucoup l’association de son univers à celui de Gaël Aymon, il y a une forme de cohérence entre les deux qui crée une vraie unité.

Liraloin : Qu’avez-vous pensé du Prologue?

Linda :  J’ai adoré le ton accrocheur de l’auteur qui s’adresse à son lecteur « Toi ! Oui, toi qui viens d’ouvrir ce livre ! » avant de nous expliquer où il nous entraîne et comment il compte bien nous perdre entre réalités et mensonges. Ça donne clairement envie de découvrir ce qu’il va nous raconter et si tous ces mystères vont réellement nous faire tourner la tête.

Lucie : Comme Linda, j’ai bien aimé que l’auteur annonce jouer avec la vérité et assume de manipuler son lecteur.
Ces façons d’interpeller le lecteur qui cassent d’une certaine manière le quatrième mur sont risquées, il arrive qu’elles me fassent sortir du roman. Mais quand c’est bien fait, cela peut être un ressort narratif très intéressant.

Liraloin : J’ai trouvé ce prologue intéressant car il plonge le lecteur dans l’histoire, c’est une introduction qui appartient à l’oralité, le conteur prévient le spectateur et l’interpelle sur la dangerosité de l’histoire qui s’ouvre devant lui mais je suis d’accord avec Lucie, il faut savoir le mesurer pour ne pas « gêner » le lecteur.
Revenons sur le caractère fantastique du roman et sur l’enchaînement des évènements :
Je te cite Linda : « L’Apprenti conteur va bien au-delà du conte de fées et flirte avec le fantastique en plongeant son personnage principal dans un monde chimérique qui le fait douter des limites de son imagination, poussant également le lecteur à s’interroger sur la frontière entre le réel et l’imaginaire, et sur l’existence d’une vie après la mort. » Est-ce que vous avez éprouvé ce même sentiment ? Ce sentiment d’osciller entre le rêve et la réalité ? Et où se trouve la réalité justement ?

Linda : Complètement oui. A la lecture j’ai ressenti beaucoup de choses (plus ou moins agréables), mais j’ai vraiment été déstabilisée par cette impression floue qui ne permet jamais de savoir si Pierre est éveillé ou s’il rêve. C’est quelque chose que l’auteur maîtrise parfaitement, nous étions prévenus et il a parfaitement réussi à flouter les limites réalité/rêve. La réalité n’est pas vraiment déterminée, ce qui est certain est que lorsque Pierre est dans la maison de son oncle, lorsqu’il écrit, il est dans la réalité. Pour ce qui est du reste…

Lucie : Heureusement, cela finit par être éclairci au cours du roman. J’avoue qu’au début Gaël Aymon ayant beaucoup situé les passages fantastiques la nuit, j’avais un peu peur que cela tourne au « tout ceci n’était qu’un rêve » qui m’aurait vraiment déçue. Car, comme le dit Linda, les seuls éléments clairement situés dans la réalité sont les interactions de Pierre avec son oncle.
Je vous rejoins sur la frontière floue entre réel et fantastique qui s’avère finalement très maîtrisée !

Liraloin : Gaël Aymon reprend des éléments que l’on retrouve dans les contes de ma Mère l’Oye, d’après-vous, comment font-ils avancer l’histoire ?

Lucie : Chaque conte correspond à une péripétie. Cela m’a d’ailleurs paru un peu systématique à un moment donné. C’est aussi ludique, comme un jeu de piste dans les contes populaires. J’étais chaque fois curieuse de découvrir auquel Gaël Aymon allait-il faire référence.
Mais heureusement, l’intrigue ne se limite pas à cela et prend ensuite de l’ampleur en se concentre plus sur l’histoire personnelle de Pierre et son rapport à Mariette.

Linda : Il me semble que ces objets, à l’inverse de Mariette, viennent appuyer le basculement dans l’irréalité du moment. Ils jouent d’une certaine façon le rôle de « porte », permettant de basculer d’un monde à l’autre. Un rôle que je questionne d’ailleurs beaucoup car, j’ai souvent eu l’impression que la maison servait également de passage. 

Liraloin : Vos réponses sont intéressantes et d’ailleurs, j’ai eu les mêmes impressions que vous et j’ai trouvé cet exercice (éléments tirés des contes) bien fait car comme tu le dis Lucie, cela ne dénature pas le récit. N’oublions pas la relation très particulière entre Mariette et Pierre mais nous y reviendrons (sans divulgâcher bien évidemment).

L’Apprenti conteur de Gaël Aymon, l’école des loisirs, 2022.

LiraLoin : Que pensez-vous de la rencontre entre Pierre et Mariette ? Comment leur relation fait évoluer l’histoire ?

Lucie : Pour moi, Mariette est le lien entre la réalité et le monde magique. C’est aussi elle qui fait le lien entre Pierre et les histoires orales. C’est donc un personnage à la fois essentiel et très énigmatique. Si j’ai rapidement compris sa différence, la révélation sur son identité a été une surprise !
J’ai beaucoup aimé qu’ils cherchent à se protéger l’un l’autre et la dynamique de leur relation.

Linda : Mariette se présente à Pierre au cœur de la nuit et dans l’intimité de sa chambre. Ce n’est pas anodin et permet de comprendre qu’elle est « différente », comme si elle n’était visible que de Pierre. Comme Lucie, j’ai été surprise par la révélation de son identité même si je commençais à penser, dans un petit coin de ma tête, que son attachement à Pierre et sa façon de le protéger la faisait ressembler à ce qu’elle est.
Pensez-vous que la maison fait le lien entre les deux mondes, ainsi qu’entre les deux enfants ? Ou est-ce cet attachement entre Pierre et Mariette, qui donne ce pouvoir à la maison ? 

Lucie : Je n’en ai aucune idée ! Et j’avoue ne pas avoir cherché à comprendre plus que ça. Si l’auteur parvient à m’entraîner dans l’univers qu’il a conçu, j’accepte le fantastique sans me poser de question. Mais comme tu poses la question, j’imagine que la maison a forcément un rôle, sinon Mariette aurait pu rendre visite à Pierre alors qu’il habitait à Paris. Mais Mariette a un rôle central de guide, de passeur malgré tout essentiel. Les deux sont liés, on s’en rend compte rapidement même si on ne sait pas vraiment de quelle manière !

Liraloin : Exactement, les deux mondes sont visibles seulement dans cette maison, vous avez raison. Le lien entre Mariette et Pierre est à la fois amical, amoureux et fraternel. On sent, dès le début, que Mariette est meneuse comme pour faire sortir Pierre de son « exercice d’écriture de poésie ». Je l’ai vu plutôt comme ça pour ma part, elle va le repousser dans ses retranchements et lui apprendre qu’un autre « monde » existe finalement.

Perlin, l’enfant qui faisait tomber la pluie de Siegfried de Turckheim, Seuil jeunesse, 2022.

Linda : Par ailleurs, lorsque l’on comprend qui est Mariette et d’où elle vient, sa présence fait-elle sens ? N’avez-vous pas vu une mise en danger du garçon ? Peut-on dire que la venue de Mariette ne soit motivée que par son désir de rencontrer Pierre ? 

Lucie : C’est une bonne question : Y-a-t-il réellement mise en danger ? Il me semble que c’est explicité à un moment dans l’histoire mais je ne me souviens plus de ce qui est dit. S’il arrive quelque chose à Pierre dans le monde fantastique, y aura-t-il des conséquences dans la réalité ? Mariette joue alors un rôle de passeur mais aussi de protecteur. Elle explique les règles qui régissent ce monde, qui sont étrangères à Pierre et le conseille dans certaines situations.
La présence de Mariette s’explique quand on comprend qui elle est, mais le lien avec le monde fantastique ne m’a pas forcément semblé plus clair. Et ce n’est pas grave, je n’ai pas besoin que l’on m’explique tout pour être emportée !

Liraloin : Je pense aussi que Mariette emporte Pierre là où il ne serait jamais allé tout seul. Elle est à la fois aventurière et un guide rassurant.

Lucie : C’est finalement en découvrant le lieu où sa mère a grandi qu’e Pierre va en apprendre un peu plus sur elle. Qu’avez-vous pensé de cette idée ?

Linda : Il paraît logique que revenir sur les lieux qui ont vu grandir sa mère permette à Pierre d’en apprendre plus sur elle. Mais c’est la façon dont cela se fait qui est original puisqu’à aucun moment il ne va entrer en contact direct avec le souvenir de ce qu’elle fut lorsqu’elle vivait là. Il ne découvre pas qui elle était au travers de sa famille mais par le biais du fantastique.

Liraloin : Je dirais que la boucle est bouclée et que finalement Gaël Aymon sait entretenir le suspense jusqu’au bout de son histoire en ne perdant jamais l’essence même du fantastique.

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Les avis de LiraLoin, Isabelle, Linda et Lucie.

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Nous espérons que cette lecture commune vous aura donné envie de vous procurer ce titre. Si vous appréciez le fantastique et les contes il vous plaira certainement. N’oubliez pas de nous dire en commentaire si vous l’avez aimé !


Lire et faire lire de la poésie à tout âge !

En mars, depuis 25 ans, la France célèbre la poésie à l’occasion du Printemps des poètes ! Partout en France, dans la rue, dans les écoles, les collèges, les lycées, les médiathèques, les théâtres, sur les parkings ou dans les parcs, si le cœur vous en dit, il vous est possible de faire rimer votre vie avec fantaisie ! C’est cette année l’occasion de concrétiser une idée que nous avions depuis longtemps : vous proposer une sélection de nos livres de poésie préférés destinés à la jeunesse. Et une fois n’est pas coutume, cette sélection sera accompagnée de morceaux choisis, car rien de mieux pour faire vibrer la poésie que de se la mettre en bouche, ici, tout de suite, maintenant !

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Je te sens

Je sens le poids de ton corps
Je sens la dimension de ton corps
Je sens la température de ton corps
Je sens les bruits de ton corps
Je sens les odeurs de ton corps
Je sens la texture de ton corps
Je sens la couleur de ton corps
Je sens le poids de ton corps

Je te sens

Poèmes à murmurer à l’oreille des bébés (de 9 secondes à 9 mois et au delà…), Marcella et Marie Poirier.

Et si on murmurait des poèmes à l’oreille des bébés ? Et oui, on peut goûter la poésie dès le plus jeune âge, les bébés étant particulièrement gourmands de comptines, enfantines et autres guirlandes de rimes que leurs proches peuvent leur glisser à l’oreille parfois même avant leur naissance. C’est le doux projet de Marcella et Marie Poirier avec le très beau recueil Poèmes à murmurer à l’oreille des bébés (de 9 secondes à 9 mois et au delà…) publié aux éditions Les Venterniers.

Poèmes à murmurer à l’oreille des bébés (de 9 secondes à 9 mois et au delà…),
Marcella et Marie Poirier, 2020.

Retouvez l’avis de Liraloin.

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Mon coeur a des dents
des dents

il mord qui approche dévore ceux qui m’aiment
j’entends les os craquer les hurlements glacés des assassinés
c’est pas appétissant
sage mon cœur sage
es-tu rassasié maintenant
cesse s’il te plaît de grincer
des dents

j’habite un ogre en mon seins
moi qui suis végétarien
c’est un peu
embarrassant

je vais l’entourer de fil barbelé planter une pancarte
attention danger
au moins vous serez prévenu
mon cœur minotaure en son labyrinthe
vous attend

à pleines dents

Mon cœur a des dents, poèmes sous haute tension, Bernard Friot.

Pour Colette, il est un auteur jeunesse qui manie les mots, l’espace de la page, la ponctuation avec brio pour initier les enfants et les adolescent.e.s à la poésie : c’est le célébrissime Bernard Friot ! Avec ses recueils Mon cœur a des dents ou Attention ça pourrait devenir intéressant…, par exemple. Il se joue du blanc de la page, de l’espace, inventant des architectures improbables pour exprimer tout le potentiel de liberté des mots à qui on lâche la bride ! Le voilà qui a même inventé un outil foisonnant pour qui souhaite s’initier à l’écriture poétique avec son formidable Agenda du (presque) poète illustré avec une énergie folle par Hervé Tullet.

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Tout au plus

Envoie-moi ce ballon que je lui parle,
Il doit avoir au moins un but dans la vie.

Envoie-moi ce mot que je lui parle,
Il doit avoir au moins un poème dans sa famille

Envoie-moi ce soleil que je lui parle,
Il doit tendre au moins une oreille dans le feu.

Envoie-moi ce rond dans l’eau que je lui parle,
Il doit connaître au moins une lune qui s’est noyée.

Envoie-moi ce chemin que je lui parle,
Il doit au moins savoir jeter des pas devant lui

Envoie-moi cette idée que je lui parle,
Elle doit au moins avoir un calicot qui l’attend.

Envoie-moi ce demain qui perle sur nos lèvres.
Nous n’en parlerons pas, nous changerons un peu,
Nous d’abord, puis le monde, tout au plus.
 

Petits poèmes pour y aller de Carl Norac, illustrations d’Anne Herbauts, Pastel, 2022

Dans Petits poèmes pour y aller, Carl Norac nous raconte sa vie de poète. Il nous confie ses poèmes pour mieux apprécier les sensations que la vie peut nous mener à traverser. Que l’on soit plutôt « petit poème pour y aller » ou « petit poème pour ralentir » il y aura bien un moment où il faudra « y aller ou pas ». L’important c’est tout de même de déguster le moment qui fige ce temps. Les illustrations d’Anne Herbauts mettent en scène ce poète parcourant, en totale harmonie, notre monde : « – Et ça mène où, pour finir, la poésie ? – Nulle part, Monsieur, nulle part mais au bout du monde ».

Petits poèmes pour y aller de Carl Norac, illustrations d’Anne Herbauts, Pastel, 2022

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Marchands d’histoires

– Quand je serai grand,
– Quand je serai grande,
– Je serai marchand,
– Je serai marchande.

– Nous serons tous deux
Des marchands d’histoires :

– Du dragon sans feu,
– De l’ogre au miroir,
– Du monstre à trois yeux,
– Du fantôme noir.

– Quand je serai grand,
– Quand je serai grande,
– Nous serons tous deux
Marchands de légendes.

J’y suis j’y rêve, Pierre Coran, Les éditions du Rocher, 2005.

Pierre Coran sait parler aux enfants. Sa poésie est accessible sans sacrifier à la facilité. Que ce soit dans son recueil J’y suis j’y rêve, ses Jaffabules ou ses comptines (Pour ne pas zozoter, De bouche à oreille) le rythme et l’humour sont à l’honneur. Pour le plaisir des petits et des grands !

L’avis de Lucie sur J’y suis j’y rêve.

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Cendrillon

Vous croyez, j’en suis sûr, connaître cette histoire.
Vous vous trompez : la vraie est bien plus noire,
Ou rouge sang, si vous voulez.
La fausse, que vous connaissez,
Fut fabriquée, ou inventée,
Et sans scrupule trafiquée,
Afin que tout y soit mollasson, niaisouillard,
Le genre à faire le soir s’endormir les moutards.

Un conte peut en cacher un autre, de Roald Dahl, illustrations Quentin Blake, Folio cadet, 2017.

Si le recueil Un conte peut en cacher un autre de Roald Dahl n’apparaît pas dans l’article que nous avons consacré à nos classiques préférés, il a été mentionné dans celui consacré aux contes détournés. Et pour cause ! L’auteur anglais mélange allégrement histoires et personnages, ajoutant encore une couche de cruauté à des figures qui n’en manquaient pas. Le tout en vers, s’il vous plaît. Si nous sommes reconnaissants de ne pas avoir eu à les apprendre par cœur à l’école, cela reste un délice de lecture.

Un conte peut en cacher un autre, de Roald Dahl, illustrations Quentin Blake, Folio cadet, 2017.

L’avis de Lucie.

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Quand je retourne au pays
Je passe toujours devant chez eux
Et ça chaque fois ça me surprend

Le trottoir nu souligne leur absence
Quatre murs seuls qui tournent au gris
Gonflées d’humidité comme s’ils retenaient des larmes
Et une petite cour déserte collée au mur de la maison voisine

Il fallait bien du talent pour en faire un paradis

Leur départ
Signe la fin d’un monde

Vivre pauvre sans être rustre
Avoir peu et tout offrir
Garder le meilleur pour l’ami ou l’étranger
Reprendre tous les matins le même chemin
Savoir que toute la vie sera ainsi
Et en sourire

Moi
J’ai vu
Sisyphe heureux.

J’ai vu Sisyphe heureux de Katerina Apostolopoulou, Bruno Doucey, 2020.

La poésie est voyage et c’est encore plus vrai sous la plume de Katerina Apostolopoulou qui nous raconte, en deux langues, la Grèce de son enfance, avec ses paysages magnifiques, son peuple généreux, sa pauvreté, la richesse des cœurs, ses croyances et ses mythes. L’auteure à la double nationalité écrit de la poésie narrative, c’est à dire des histoires décomposées en plusieurs textes poétiques. Ici pas de traduction mais une écriture en grecque et une écriture en français pour nous raconter avec ses mots trois histoires qui tendent à montrer que l’on peut être heureux dans une vie simple et répétitive. Un recueil savoureux pour les plus grands.

J’ai vu Sisyphe heureux de Katerina Apostolopoulou, Bruno Doucey, 2020.

L’avis de Linda.

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Parce qu’un enfant
ça doit jouer

Parce qu’un enfant
ça doit rêver

Parce qu’un enfant
peut s’envoler

Parce qu’un enfant
doit être aimé

sait sourire
sait respirer
sait fleurir

c’est liberté

Immenses sont leurs ailes de Murielle Szac, Bruno Doucey, 2021.

Le voyage n’est pourtant pas toujours facile. Murielle Szac nous raconte les enfants de Syrie, dans ce long poème narratif, des enfants qui aiment jouer, danser, chanter, courir ; des enfants dont la lumière dans les yeux s’est éteinte quand les bombes ont rasé un village, une école, une maison et qu’il a fallu partir et tout laisser derrière. Les visages de ces enfants, peints par Nathalie Novi, sont autant de portraits qui nous regardent intensément et nous disent la douleur d’avoir tout quitter et l’espoir que leurs rêves se réalisent. Tout simplement bouleversant d’émotions. La collection Poés’Histoires s’adresse aux enfants et souhaite leur offrir de la poésie qui les prenne au sérieux en abordant des sujets peu présents en jeunesse.

Immenses sont leurs ailes de Murielle Szac, Bruno Doucey, 2021.

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Entre nous et le ciel parfois
L’urgence d’une comète
Puis le malheur plongeant à tire-d’aile
Puis juste le ciel à nouveau
Perdu dans le silence

Entre nous et le ciel maintenant
Le vent
L’ombre d’un nuage
Peut-être un ange
Ou pas

Puis plus rien

Juste le ciel et nous d’Annie Agoplan, Le port a jauni, 2022.

Plus qu’un recueil, Juste le ciel et nous est un long poème qui défile d’un bout à l’autre amenant une réflexion philosophique, un questionnement sur l’existence, sur le rapport de l’humain à l’univers, à la nature. En nous donnant le rôle d’observateur du ciel, simplement rattachés au sol par nos pieds, Annie Agopian nous invite à repenser la brièveté d’une vie humaine comparée à celle de la nature qui se répète dans le cycle infini des saisons. Mais son texte invite aussi à repenser le monde sans limites, sans frontière, aussi infini que le ciel. Les bilingues pourront relire le livre dans l’autre sens, dans la langue arabe (texte traduit) ; les deux textes se font miroir et se partagent un même espace, une même illustration de Carole Chaix qui a su si parfaitement restituer les mots de l’auteure et les sublimer.

Juste le ciel et nous d’Annie Agopian, traduit en arabe par Golan Haji, illustré par Carole Chaix, Le port a jauni, 2022.

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Si la musicalité de la poésie parle souvent aux enfants, ce genre littéraire n’est pas forcément le plus facile d’accès. C’est pourquoi le parti-pris des albums de la collection « petit livre, grand texte » des excellentes Éditions courtes et longues est si intéressant : présenter des textes de grands auteurs, mais sous la forme d’albums illustrés par un(e) artiste contemporain(e). Le trait nous invite, nous accompagne dans le cheminement du poème et en décuple encore l’émotion. C’est magique et Isabelle a été ravie de pouvoir ainsi faire découvrir à ses moussaillons Baudelaire, La Fontaine, Rimbaud ou Victor Hugo. 

« Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher. »

L’albatros, de Charles Baudelaire, illustré par Mathilde Magnan. Éditions courtes et longues, 2016.

L’albatros est certainement l’album de cette collection qui a le plus ému l’équipage de L’île aux trésors. On ne présente plus ce texte magnifique sur la solitude douloureuse du poète, incompris et maltraité, qui tel un grand oiseau libre, tutoie les nuages. Ses alexandrins se déploient ici lentement, un ou deux par double-page, laissant aux mots le temps de faire leur effet. Les aquarelles aériennes de Mathilde Magnan soutiennent le texte, l’incarnent, le prolongent voire en prennent le relai. C’est de toute beauté et bouleversant.

L’albatros, de Charles Baudelaire, illustré par Mathilde Magnan. Éditions courtes et longues, 2016.

L’avis d’Isabelle

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Et dans la même collection, ne manquez surtout pas Les animaux malades de la peste, de Jean de La Fontaine !

Le Lion tint conseil, et dit : « Mes chers amis, 
Je crois que le Ciel a permis 
Pour nos péchés cette infortune ; 
Que le plus coupable de nous 
Se sacrifie aux traits du céleste courroux ; 
Peut-être il obtiendra la guérison commune. 
L’histoire nous apprend qu’en de tels accidents
On fait de pareils dévouements :
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence 
L’état de notre conscience. 
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons,  
J’ai dévoré force moutons. 
Que m’avaient-ils fait ? Nulle offense ; 
Même il m’est arrivé quelquefois de manger 
Le berger. 
Je me dévouerai donc, s’il le faut ; mais je pense 
Qu’il est bon que chacun s’accuse ainsi que moi :  
Car on doit souhaiter selon toute justice 
Que le plus coupable périsse. 
– Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon roi ; 
Vos scrupules font voir trop de délicatesse. 
Eh bien, manger moutons, canaille, sotte espèce. 
Est-ce un péché ? Non non. Vous leur fîtes, Seigneur, 
En les croquant beaucoup d’honneur; 
Et quant au berger, l’on peut dire 
Qu’il était digne de tous maux, 
Étant de ces gens-là qui sur les animaux 
Se font un chimérique empire. » 

Les animaux malades de la peste, Jean de La Fontaine

L’album illustré par Olivier Morel souligne le potentiel subversif des fables de La Fontaine. Langue corrosive, vers réjouissants, férocité de la dénonciation de la justice à géométrie variable exercée par les puissants. Vous savez bien, il s’agit de cette fable où l’on cherche un responsable du fléau de la peste. Si chaque animal bat sa coulpe, on ne peut pas vraiment dire que chacun soit logé à la même enseigne… Olivier Morel ne touche pas un mot au texte mais joue sur la typographie pour mettre en relief certains d’entre eux. Fractionné avec un ou deux vers par double-page, le texte prend tout son sens. Et surtout, l’idée géniale est de lui juxtaposer des gravures modernes dans l’esprit du street art qui révèlent sa portée évidente pour éclairer la société d’aujourd’hui. C’est puissant, hyper contemporain et plein de clins d’œil artistiques et sociétaux.

Les animaux malades de la peste : Olivier Morel, Jean de la Fontaine, Olivier  Morel: Amazon.de: Bücher
Les animaux malades de la peste, texte de Jean de La Fontaine illustré par Olivier Morel. Éditions courtes et longues, 2016.

L’avis complet d’Isabelle

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Et vous, quels poèmes allez-vous lire en ce printemps 2023 ?

Nos coups de cœur de février !

Ils sont tous beaux, choisis avec grand soin par vos arbonautes préférées : les coups de cœurs de février ! C’est le moment de se faire plaisir et s’adonner à son passe-temps préféré : la lecture …

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Pour Liraloin c’est une BD sans texte qui fait froid dans le dos qui emporte le coup de cœur ce mois-ci !

Ils sont quatre (si on assemble la première et la quatrième de couverture). Quatre adolescents sur des vélos à pédaler sous le soleil couchant entre prairie et montagne. Pourtant il y a bien cinq jeunes avec dans leurs sacs à dos clopes et boissons campant dans les bois. Il fait nuit et tous savourent ce moment privilégié d’un soir d’été. Soudain tout va très vite dans cette atmosphère de nuit où l’on cherche le pote égaré en balayant les bois de sa lampe torche. La peur s’installe au rythme d’une rubalise que l’on déroule sur cette fameuse scène d’une personne portée disparue. Les gendarmes sont là, la battue s’organise, le voisinage est interrogé… la tension monte !

Effectivement la tension est palpable est fini par rester dans cette BD sans texte. Si l’intrigue se déroule à la campagne au milieu des montagnes et des grandes étendues herbeuses s’est pour mieux déstabiliser la le lectrice lecteur. On y perd ses repères dans ce paysage qui, lui, continu d’exister à travers les saisons tout comme ce groupe d’ados amputé d’un camarade.

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Il y a eu beaucoup de belles lectures chez Linda en février et le choix n’a pas été facile pour sélectionner celle.s qui l’a.ont faite vibrer.

Du côté des romans, un titre se démarque par sa couverture qui évoque la nature, les pique-niques entre amis sous le soleil d’été. Mais c’est surtout l’histoire de ces quatre ados qui tendent à s’accorder sur un même rythme qui l’a touchée. Des ados un peu hors normes qui expriment leurs émotions et apportent du concret à leurs existences au travers de l’expression artistique. Musique, photographie, skateboard leur permettent d’enchanter un quotidien qui pèse parfois lourd sur leurs jeunes épaules.

Son avis complet est ICI.

Les désaccordés d’Anne Cortey, illustré par Cyril Pedrosa, l’école des loisirs, 2023.

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Un petit tour du côté de la Pologne lui a permis de découvrir un conte raconté à deux voix : celle d’Olga Tokarczuk qui nous raconte par les mots, la douleur de la perte et la prise de conscience, et celle de Joanna Concejo qui utilise le dessin pour raconter le temps passé à courir et le besoin de ralentir. Les illustrations tiennent une place essentielle et prépondérante dans cet album incroyable qui invite à ralentir.

Son avis complet est ICI.

Une âme égarée d’Olga Tokarczuk, illustré par Joanna Concejo, Format, 2018.

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Mois très faste également du côté de chez Isabelle ! Mais s’il ne fallait retenir qu’un roman, ce serait Monstres, le petit dernier de Stéphane Servant illustré par Nicolas Zouliamis. Le duo nous entraîne dans un village étrange où arrive un cirque avec, paraît-il, un monstre tel qu’on en a jamais vu. Textes et illustrations se complètent magnifiquement pour placer ce récit sous tension et nous immerger dans une sorte d’upside-down qui fait vaciller nos repères. Cela donne une sorte d’expérience de pensée qui révèle l’arbitraire des codes, la peine infligée à ceux qui diffèrent, les cages qu’on peut briser et la force tirée de l’amitié : on est tous le monstre de quelqu’un, les pratiques les plus monstrueuses visent d’ailleurs certainement ceux qui sont perçus comme tels. Un message dans l’air du temps mais amené de manière vraiment inattendue ! Émouvant et délicieusement bizarre.

Monstres, de Stéphane Servant et Nicolas Zouliamis. Thierry Magnier, 2023.

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Et parmi les lectures d’album du mois, Isabelle est ravie de vous parler de Nicky & Vera, de Peter Sis. À travers une histoire vraie, cet album raconte les années 1930, de l’Angleterre, l’Allemagne et la République tchèque, la montée de la haine, des préjugés et de l’autoritarisme, et la façon dont les mouflets de cette époque ont vu leur enfance voler en éclat. Pourtant, ces pages vibrent d’espoir : elles racontent l’histoire incroyable de quelqu’un d’ordinaire qui trouva le courage de faire simplement « ce qu’il fallait » et sauva 669 enfants. Tout est beau dans cet album : les illustrations d’une puissance sidérante, la résilience de Vera, le courage modeste de Nicky et l’hommage inspirant rendu aux héros discrets. Une de ces lectures qui vous marquent à vie !

Nicky & Vera, de Peter Sis, Grasset Jeunesse, 2022.

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C’est sur les conseils de son loulou passionné d’athlétisme, que Lucie a découvert Le garçon qui courait de François-Guillaume Lorrain. L’histoire vraie de Sohn Kee-Chung, athlète d’origine coréenne ayant remporté l’épreuve du marathon sous la bannière du Japon lors des J.O. de 1936. Moins connu que celle de Jessie Owens, son parcours est pourtant passionnant entre fierté, abnégation et résistance. Si son nom coréen a été rétabli sur les tablettes du Comité International Olympique en 2011 (il était jusque-là inscrit sous le nom Kitei Son, qui lui avait été imposé par les japonais), la victoire est toujours attribuée au Japon, la Corée n’existant plus à l’époque. Un hymne au dépassement de soi.

Le garçon qui courait, François-Guillaume Lorrain, Sarbacane, 2017.

Son avis complet ICI.

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Après le magnifique Forêt des frères dont nous avions fait une lecture commune, Yukiko Noritake revient avec un album qui se lit aussi bien dans un sens que dans l’autre. Etonnant !
Il poursuit sa sensibilisation des enfants (et de leurs parents) à la protection de l’environnement, par la présentation de deux modes de vie dont les effets sur la nature sont très différents. Si le message est ici un peu plus appuyé, les vues en plongée qui incitent à chercher les détails et la conception en miroir sont une belle réussite.

De l’autre coté de la mer, Yukiko Noritake, Actes sud junior, 2022.

Son avis complet ICI.

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Pour Colette et son Petit-Pilote-de-Trotinette, gros coup de cœur de février pour les livres de Kotimi qu’ils ont eu la chance de rencontrer à la médiathèque pour un atelier créatif de dessin à l’encre de Chine. Après s’être plongés dans Momoko, une enfance japonaise nous avons savouré la suite des aventures de la petite écolière à travers les 4 anecdotes des Vacances de Momoko. Un graphisme dynamique, joyeux qui nous emmène au cœur de la vie de famille d’une enfant de 6 ans, quand son père décide de prendre 3 jours de vacances pendant l’été. Des vacances rythmées par les cours obligatoires de natation, l’hospitalisation de sa petite sœur et le séjour forcé chez ses grands-parents qui s’en suivit. Au fil des pages, nous découvrons des coutumes et des rituels propres à la culture de cette enfant, dont l’histoire puise ses racines dans l’enfance de l’autrice. On guette le troisième tome des aventures de Momoko avec impatience !

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Pour Blandine, c’est l’Amour et la mélancolie qui ont emporté son cœur avec le magnifique album de Daniela Volpari, Un amour américain.

Un Amour Américain. Daniela VOLPARI. Marmaille & Cie, 2015

Sur un pont, James entrevoit un jeune femme rousse. Coup de foudre, évanescence de l’instant. Entre rêve et réalité, des années durant, il n’aura de cesse de la chercher.

Avec délicatesse, Daniela Volpari nous décrit le temps qui passe, entre ce qui change et demeure, et nous restitue des époques, des lieux, des pensées, entre poésie, zen et jazz, empruntant à de grands auteurs leurs mots et paroles. Ses illustrations aux teintes fanées possèdent un charme délicieusement rétro et joliment stylisé (il y a comme une influence de Rébecca Dautremer dans son trait). Nous oscillons entre le présent et le passé, entre la vie et le souvenir, entre la réalité et la nostalgie, entre photographie d’antan et dessins à la mine de plomb, entre couleurs sépia ou flamboyantes, entre symboles et métaphores
Et nous ne savons pas ce qui est… ou n’est pas…

L’avis de Blandine ICI.

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Et vous, qu’avez-vous aimé en février ?

Nos classiques préféré.e.s : la peinture d’Anne Brouillard est sa lumière.

Anne Brouillard s’illustre dans le monde de la littérature jeunesse par sa peinture qui nous offre des albums aux aventures humaines et aux paysages uniques. Tantôt autrice-illustratrice, elle collabore aussi avec d’autres auteurs et autrices. Pour en savoir plus : un article extrait du blog Le Carnet et les Instants. Retrouvez nos raisons d’apprécier et de lire Anne Brouillard.

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Pour Liraloin, voici les dix raisons d’aimer se retrouver immergée dans les illustrations de cette autrice avec Voyage d’hiver !

1 – Pour son édition leporello qui en fait un livre tout à fait original, complété d’un petit coffret de 44 cartes à histoires.
2 – Pour ses images immersives sans texte.
3 – Pour ce paysage qui va se dérouler sous nos yeux. Etes-vous prêts pour un voyage d’hiver sans retour ?
4 – Pour se précipiter à bord d’un train et admirer la vue d’un cadre figé par le froid.
5 – Pour traverser cette nature endormie, ressentir cette fraicheur hivernale bien à l’abri dans sa voiture de voyageur.
6 – Pour imaginer la vie qui peut se dérouler dans ces maisons que l’on pourrait presque toucher.
7 – Pour cette neige qui couvre les branches des arbres et fond sur les toits des maisonnées au loin.
8 – Pour cette ville qui s’étend peu à peu et nous laisse entrer dans une autre gare : clap de fin d’un voyage hivernal.
9 – Pour cette magnifique peinture que nous offre Anne Brouillard.
10 – Pour avoir l’envie immédiate de remonter à bord mais seulement si nous sommes accompagnées des cartes et s’offrir un voyage différent.

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Pour Linda, la lumière d’Anne Brouillard n’a pas son pareil pour s’exprimer dans cet album sans texte.

L’orage de Anne Brouillard, Grandir, 1998.
  1. Parce qu’il n’est pas besoin de mots pour que s’exprime l’orage qui s’installe,
  2. Parce qu’il suffit d’un chat qui sursaute, d’une fenêtre qui s’ouvre, d’un vase qui se brise pour ressentir la violence du vent,
  3. Parce que la tension monte progressivement, rendue palpable par un mouvement de travelling avant-arrière,
  4. Parce qu’un seul couple permet de voir la rapidité avec laquelle l’orage arrive, se mettant à l’abri,
  5. Pour la luminosité des illustrations et leur réalisme,
  6. Pour toutes les sensations que l’on ressent au fil des pages, nous donnant l’impression d’être dans l’orage,
  7. Parce que le trait d’Anne Brouillard éveille nos sens : on sursaute quand le vase se brise, on frissonne quand le vent souffle, on entend la pluie qui frappe sur les fenêtres restées ouvertes, on sent l’odeur de l’herbe mouillé quand la pluie laisse derrière elle les prés détrempés?
  8. Parce que chaque illustration est une véritable œuvre d’art, un vrai tableau,
  9. Et pour tout ça à la fois car c’est ce qui rend son art si unique.

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La Grande Forêt fait partie des chouchous de la bibliothèque d’Isabelle. Ses moussaillons aiment les histoires aux confins de la réalité et aussi celles où humains et animaux se côtoient. Ils sont complètement entrés dans ce monde imaginaire et, depuis, ne se lassent pas d’y retourner. Dix raisons qui font de cet album une lecture incontournable !

La Grande Forêt, de Anne Brouillard, Pastel. 2016

1 – Parce que cet album nous emmène en voyage, dans une contrée exotique au possible qu’on ne trouve pas facilement sur un atlas habituel : le pays des Chintiens !
2 – Parce que cette contrée vaut le détour, avec ses forêts de bouleaux, sa culture singulière et tout son bestiaire de petits habitants tous plus surprenants les uns que les autres
3 – Pour la forme réjouissante de ce livre, objet littéraire non identifié qui trace son propre sillon entre album illustré, bande-dessinée et documentaire, avec cartes topographiques et schémas à l’appui
4 – Pour la saveur de l’amitié partagée avec Killiok, sympathique créature à mi-chemin entre le chien et le moumine, et son amie humaine Véronica
5 – Pour la manière dont l’enquête des deux compères met sous tension leur périple : qu’est-il advenu de leur ami Vari Tchésou qui n’a plus donné de nouvelles depuis des mois ?
6 – Pour l’aventure avec un grand A : entre les inconnus qui rôdent dans la forêt, les lumières étranges qui brillent la nuit et les créatures bizarres qui prétendent se rendre à un festival, le voyage est mouvement !
7 – Parce que cette histoire est de celles où le chemin compte plus que la destination : on se régale de multiples curiosités, d’une intrigue souvent à la limite de l’absurde…
8 – … mais aussi et surtout des petits moments de bonheur dont Anne Brouillard semble avoir le secret : le plaisir de préparer tous les détails de l’expédition, de planter sa tente dans un panorama à couper le souffle, ou tout simplement de partager une tasse de café fumante en contemplant la forêt.
9 – Pour les illustrations qui reflètent si bien cet imaginaire avec leurs mille détails, leur forêt frémissante, les arbres qui semblent avoir des yeux et les buissons qui s’agitent impatiemment
10 – Pour la manière dont cette lecture en fait résonner d’autres, comme les romans de Michael Ende (cette ligne de chemin de fer au milieu de nulle part), d’albums de Claude Ponti (Ma Vallée, en particulier), mais aussi par exemple les aventures de Fifi Brindacier dans lesquelles elle part en expédition seule avec ses amis dans une nature aussi enthousiasmante qu’inquiétante.

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Lucie a découvert l’univers d’Anne Brouillard en préparant cet article. Et si tous les titres qu’elle a lus ne l’ont pas enthousiasmée, Les aventuriers du soir l’ont définitivement séduite. Voici pourquoi :

Les aventuriers du soir, Anne Brouillard, Les éditions des éléphants, 2015.

1 – Pour ce cocon de feuilles qui entoure le personnage dès la couverture.
2 – Parce que Gaspard dans sa cabane renvoie immédiatement les lecteurs qui ont la chance d’en avoir (eu) une à leurs souvenirs d’enfance,
3 – Et que se raconter des histoires à l’abri des regards adultes est l’un des privilège des enfants.
4 – Parce qu’observer ses parents à distance raisonnable (du haut d’un arbre par exemple !) est le premier pas vers l’indépendance,
5 – Mais que la maison familiale éclairée est un phare dans le noir.
6 – Parce que chaque imprévu est intégré à l’histoire que l’enfant se raconte, magie de l’imagination !
7 – Parce que les illustrations d’Anne Brouillard sont empruntes de douceur,
8 – Et qu’elles évoquent à merveille ce petit blues de la nuit qui tombe,
9 – Au point qu’on en ressent presque les douces odeurs et le petit air frais grâce à ses illustrations.
10 – Parce que cet album sent les vacances d’enfance à plein nez.

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En préparant les vacances d’été au bord du lac de Côme, Colette avait préparé une petite sélection de livres ayant un lac comme cadre géographique. C’est à cette occasion qu’elle découvrit De l’autre côté du lac.

De l’autre côté du lac, Anne Brouillard, Le Sorbier, 2011.

Alors toute la famille vous le recommande :

  1. pour cette manière si poétique qu’a l’autrice de chanter les aventures minuscules, celles qui nous attendent à chaque coin de nature chérie et qu’il suffit d’un peu d’audace et d’imagination pour tenter.
  2. pour ces beaux liens qui unissent les adultes et les enfants, hors du cadre de la famille triangulaire, ici entre Tante Nadège et Lucie.
  3. parce que Tante Nadège est la première à vouloir partir explorer l’autre côté du lac, parce qu’elle encourage Lucie, parce qu’elle prend le temps.
  4. parce que les animaux sont des personnages à part entière, doués de parole, membres à part entière de la famille ou du clan, forces de proposition, soutiens inconditionnels.
  5. parce qu’Anne Brouillard y dépeint aussi bien la chaleur d’un intérieur modeste mais généreux qu’une nature immense et sereine. Dans cet album se jouent d’intrigants allers-retours entre les maisons isolées à l’orée de la forêt et le lac qui les sépare.
  6. parce que l’alternance des vignettes, et des double pages muettes, crée un rythme de lecture tout particulier, surtout si on goûte cet album à voix haute. Y règne une certaine lenteur. D’ailleurs n’est-ce pas une particularité des albums de cette artiste, faire l’éloge lumineux de la lenteur ?
  7. parce que la nature y est sublimée à chaque page, dans les moindres détails, les oiseaux, les reflets de l’eau, les troncs noueux des arbres, les lueurs orangés du soleil couchant.
  8. parce qu’il y est question de pique-nique de l’autre côté du lac et que vraiment nous adorons les pique-niques au bord de l’eau !
  9. parce qu’il y est aussi question de rencontre, d’amitié naissante, de l’autre, d’abord étranger puis apprivoisé.
  10. parce qu’à chaque fois que nous lisons un album d’Anne Brouillard c’est un peu comme si nous nous offrions une parenthèse hors du monde, de son bruit, de sa fureur. Et c’est une sensation très agréable !

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Et vous quel est votre livre préféré d’Anne Brouillard ?