Lecture commune : Les mystérieux enfants de la nuit, de Dan Gemeinhart

C’est par hasard que Lucie et Héloïse – Helolitla se sont rendu compte qu’elles lisaient le même roman au même moment. Une belle occasion à ne pas manquer pour en faire une lecture commune !

Héloïse : On va commencer simplement : est-ce que tu connaissais cet auteur, et si non, qu’est-ce qui t’a donné envie de lire ce livre ?

Lucie : Oui, je connaissais Dan Gemeinhart pour avoir lu L’incroyable voyage de Coyote Sunrise et La vérité vraie. Je crois que ce sont ses seuls romans traduits en français. Et toi ?

L’incroyable voyage de Coyote Sunrise, Dan Gemeinhart, Pocket, mars 2020.

Héloïse : J’ai adoré L’incroyable voyage de Coyote Sunrise, je ne pouvais pas passer à côté de celui-ci ! Je viens d’ailleurs de découvrir qu’une suite, Coyote perdue et retrouvée, allait paraître en octobre 2024. J’ai hâte ! Je me note La vérité vraie, je ne l’ai pas lu. 

Lucie : Donc, comme moi, tu es un peu à l’affût des nouveaux romans de cet auteur ? Et quelle a été ta première impression face à la couverture ?

Héloïse : Oui, il fait partie des auteurs que je compte suivre assidûment ! J’aime beaucoup la façon dont il aborde la thématique de la famille, et l’aspect foufou de ses histoires (tout en délivrant de beaux messages). La couverture est mystérieuse, comme le titre… et très poétique, je trouve, avec ces lucioles.

Les mystérieux enfants de la nuit, Dan Gemeinhart, Pocket jeunesse, mai 2023.

Lucie : Justement, entrons dans le vif du sujet : cette histoire s’ouvre sur une épigraphe qui s’adresse directement au lecteur et parle de son âme. Qu’as-tu pensé de cette entrée en matière ?

Héloïse : J’ai trouvé que Dan Gemeinhart commençait de manière onirique, presque philosophique. D’ailleurs, les « âmes » sont mentionnées tout au long du roman…

Lucie : Il est en effet beaucoup question d’âmes et de choix dans ce roman. L’auteur a choisi de souligner certaines péripéties en interpellant le lecteur et en lui suggérant des “leçons” à retenir des aventures des personnages. Je suis curieuse de connaître ton ressenti sur ces à apartés.

Héloïse : Je les ai appréciés, un peu comme un refrain qui évolue, et qui progresse petit à petit.  C’est comme si, d’une certaine manière, l’auteur voulait donner un ton universel à cette histoire, ne se contentant pas de donner des noms de personnages… Enfin, ce n’est que mon ressenti.
On a des âmes perdues, qui se sentent seules, se cherchent, et se trouvent. C’est positif, plein d’optimisme, un peu comme cet épigraphe qui invite à croire en soi.

« Toutes les âmes, sans exception, méritent d’avoir un chez-soi et une famille. Même la tienne. Particulièrement la tienne. Toutes les âmes méritent amour et amitié. Oui, même la tienne. Toutes les âmes méritent de trouver leur place. Tous les oiseaux, un nid. Mais parfois, il faut chercher un peu. Au fond, c’est peut-être de ça que parlent toutes les histoires.
Celle-ci ne fait pas exception à la règle. »

Et toi, qu’en penses-tu ?

Lucie : Pour être honnête, j’ai trouvé ces passages vraiment trop nombreux. Ils sont jolis et pleins de bons sentiments. L’idée semble clairement être de donner confiance à des jeunes lecteurs qui en manquent, et c’est important de le faire. Mais en tant que lectrice adulte (et donc pas public visé, il faut le rappeler), j’ai trouvé que cela plombait un peu le récit. J’aurai préféré qu’il y en ait moins !

Héloïse : Cela peut se comprendre !

« […] parfois, une âme ignore sa propre grandeur. Jusqu’à ce qu’elle soit forcée de la découvrir. »

Héloïse : Et qu’as-tu pensé des titres à chaque début de chapitre ? Je les ai beaucoup aimés, je trouve que cela amène de l’humour, et cela m’a aussi fait penser aux anciens textes…

Lucie : Oui, moi aussi ! On en a rigolé avec mon fils qui a comparé ce procédé à ce que fait Jules Verne : il annonce systématiquement ce qu’il va se passer dans le chapitre qui arrive, quitte parfois à divulgâcher. Dan Gemeinhart fait cela de manière plus légère, en laissant du suspens, alors cela m’a plu. Il m’est parfois arrivé de revenir vérifier le titre du chapitre après l’avoir terminé parce que je n’avais pas réussi à anticiper ce qui allait se passer. Donc, c’est bien fait !

Le Tour du monde en 80 jours, Jules Verne, éditions Hetzel, 1872.

Héloïse : Oui ! Je pensais aussi à Candide de Voltaire.

Lucie : Tout à fait ! Entrons dans l’histoire à proprement parler à présent : dès le premier chapitre, l’ambiance est très particulière. Il fait nuit, le héros a été réveillé par un puissant sentiment de solitude, des enfants qui donnent l’impression de se cacher emménagent… et les noms de ville (Bourg-Boucherie) et de rue (Sanguinistre) sont particulièrement évocateurs. Te souviens-tu de tes impressions en découvrant cela ?

Héloïse : J’ai trouvé tout ceci bien sombre du départ et puis, assez vite, j’ai pensé aux contes : un héros solitaire, qui se sous-estime, sept enfants (ce chiffre !) perdus, livrés à eux-mêmes, qui débarquent mystérieusement dans la forêt… Pas toi ? Il y a un aspect sanglant avec tous ces noms, j’ai repensé à notre lecture commune du dernier roman de Flore Vesco – même si on part ensuite dans une toute autre direction. 

Lucie : Tout à fait, tu as raison ! Je n’y avais pas pensé mais maintenant que tu le dis c’est évident. D’ailleurs, comme dans un conte, les personnages jouent des rôles prédéfinis et s’y tiennent un long moment avant d’en dévier ; et les méchants sont un brin manichéens. As-tu été gênée par ce côté “figé”, avant qu’il ne devienne l’un des ressorts dramatiques de l’histoire ?

Héloïse : A vrai dire, je n’y avais pas prêté attention, il faut dire que j’ai lu ce roman très rapidement… Mais le grand méchant (loup) est effectivement très “caricatural” : un prédateur dangereux, borné, froid et insensible.

Lucie : Je pensais aussi à Donnie, l’autre méchant qui harcèle Ravani et ne semble jamais vouloir évoluer même si l’auteur lui accorde quelques excuses pour son comportement. En fait, pour moi, ces personnages un peu caricaturaux sont une réponse au jeu d’acteurs des Vagabonds qui se glissent dans un rôle et jouent la comédie de la normalité. L’écart entre les deux fait sens, il me semble. Tout comme ces habitants de Bourg-Boucherie qui sont dans une tradition un peu étouffante : tous répètent inlassablement les mêmes gestes, les mêmes postures, sans tenir compte de leurs envies profondes.

Héloïse : Oui, cela crée un équilibre, en quelque sorte. Et les sept Vagabonds, en entraînant Ravani, vont bousculer ce “train-train”, cette routine mortifère. 

Lucie : Justement, nous n’avons pas encore parlé de Ravani. As-tu envie de présenter le personnage principal ?

Héloïse : C’est un garçon sensible, attentif, qui vit seul avec ses parents. Il déteste la violence, n’aime pas se rendre à l’abattoir (où travaille son père). Ce qu’il aime, c’est créer des nichoirs à oiseaux. C’est un enfant très solitaire, très seul. 

« Ce garçon est le héros de notre histoire. Ou plutôt, l’un de ses héros. Nul n’aurait été plus surpris de l’apprendre que lui. Il aurait eu du mal à imaginer quelqu’un de moins héroïque. »

Lucie : Je trouve que la construction des cabanes à oiseaux est une très belle trouvaille. Elle dit immédiatement la minutie et la solitude de Ravani, mais aussi l’attention qu’il porte aux êtres fragiles.

Héloïse : Oui, elle montre son attachement aux animaux. C’est d’ailleurs un ouvrage qui dénonce la souffrance animale. Les passages dans l’abattoir sont assez sanglants, je ne le conseillerai pas aux plus jeunes…

Lucie : C’est vrai, même si en fait on ne “voit” rien concrètement, l’imagination de Ravani ne nous épargne pas grand-chose. De ce point de vue (dénonciation de la souffrance animale), il m’a fait penser au premier Jefferson, de Jean-claude Mourlevat.

Jefferson, Jean-Claude Mourlevat, Gallimard Jeunesse, mars 2018.

Lucie : Il y a d’autres personnages importants (et vraiment très chouettes) dans ce roman : les Vagabonds Virginia, Colt, Annabel, mais aussi Tristan, Beth, Benjamin, sans oublier les habitants du bourg Hortense Wallenbach, Fred Frotham et Lee Chin. As-tu un préféré ?

Héloïse : J’aime beaucoup Ravani et Virginia, même si les autres sont chouettes, et le boulanger, M. Chin. J’aime beaucoup son évolution. Et toi ?

Lucie : Évidemment Ravani et Virginia l’emportent, leur binôme fonctionne tellement bien ! Mais j’avoue un petit faible pour Hortense Wallenbach, figure de l’auteure frustrée qui tient la gazette d’un bled où il ne se passe rien, mais se plaît à inventer chaque jour des péripéties délirantes. J’aime aussi l’évolution des autres habitants et le fait qu’ils parviennent à sortir du rôle figé dans lequel ils étaient piégés.

Héloïse : Oui, c’est un ouvrage qui montre que tout le monde – ou presque – peut changer, et trouver sa voie. 

Lucie : Malgré mes critiques sur le côté “âmes” (sans aucun sous entendu religieux ni de la part de l’auteur ni de la mienne d’ailleurs), c’est un message qui m’a beaucoup plu. Surtout qu’il est associé à la récurrence du “Bienvenue dans ce jour. Tu y es déjà” : le côté on attend un jour propice pour réaliser nos rêves, nos projets, etc., mais il faut aussi savoir saisir les occasions qui se présentent de se lancer !

Héloïse : Tout à fait !

Le truc, c’est que ce monde est peuplé de toutes sortes de gens, et que tu n’y peux pas grand chose […]. Tout ce que tu peux faire, c’est décider le genre de personne que tu es, toi, et t’y tenir. Ne te préoccupe pas des autres.


Héloïse : Ce roman nous apporte une belle dose de rebondissements farfelus, y en a-t-il un qui t’a marquée ? Personnellement, j’ai adoré l’idée de la course sur l’eau… et du moyen de transport choisi ! C’est délicieusement irrévérencieux. 

Lucie : Tu as raison, les péripéties sont inhabituelles pour la plupart ! Mais le tout garde tout de même une certaine cohérence et cela va moins loin que dans certains contes (encore que…). Je suis d’accord avec toi, la course est extra. J’ai aussi beaucoup aimé la leçon de chasse à la grenouille qui est une entrée en matière très jolie pour créer un lien entre Ravani et les Vagabonds.

Lucie : Je saute sur l’occasion de parler un peu des Vagabonds. Qu’as-tu pensé de leur histoire et du fonctionnement de leur groupe ?

Héloïse : Leur histoire est triste, touchante aussi. Difficile de ne pas trop en dire, mais ce concept de la famille de cœur, celle que l’on se choisit (le fameux trope de la “found family”) me parle beaucoup. J’aime cette idée d’entraide. Et toi ?

« Une famille qu’on a trouvée, c’est aussi beau qu’une famille dans laquelle on est né. Peut-être même davantage. Après tout, les histoires parlent de choix, et choisir de devenir une famille, c’est la plus belle fin à laquelle on puisse arriver. »

Lucie : C’est même plus que de l’entraide, ces enfants sont liés d’une manière étonnante, il faut lire le roman pour la découvrir et en saisir toute la beauté. Comme tu le disais en introduction, la thématique de la famille, et plus particulièrement de la famille de cœur est centrale dans les romans de Dan Gemeinhart (en tout cas dans tous ceux que j’ai lus). J’ai d’ailleurs beaucoup aimé la relation qui lie Ravani à ses parents bien qu’elle soit assez peu développée. 

Héloïse : Un passage m’a beaucoup touchée, entre Ravani et son père. Celui où ce dernier lui explique comment réparer le nichoir. J’ai trouvé ses mots très beaux. La notion de famille est centrale dans ses romans, avec la confiance en soi. Tout s’organise autour de ces clés. Non ? 

Lucie : Je vois très bien de quel passage tu parles, il est très touchant ! J’ai aussi aimé le nouveau regard que jette Ravani sur la toile peinte par sa mère suite à une remarque de Virginia. Ces personnages de parents sont à peine esquissés mais pourtant très incarnés. Je trouve que c’est l’un des grands talents de l’auteur de donner quelques clés sur des personnages mais qu’ils nous touchent immédiatement. Et oui, je suis d’accord avec toi, la confiance tient une place importante aussi dans ces romans.

Héloïse : Effectivement, on “visualise” très vite les personnalités chez ses personnages. Et pourtant, il y en a beaucoup ! Le tout sans longues descriptions non plus. C’est très fort. 

Lucie : Pour finir, la question traditionnelle : à qui conseillerais-tu cette histoire ?

Héloïse : Ahah ! Et bien, à tous ou presque, à partir du collège. Et toi ?

Lucie : Oui, pas trop tôt à cause des passages dans l’abattoir (surtout les derniers) comme tu l’évoquais, mais je crains que chez les plus âgés (lycée) les fameux passages sur les âmes soient mal perçus. Ou alors à des lecteurs qui s’y attendent et sont prêts pour ça. Quoiqu’il en soit, c’est une très jolie histoire et ce serait dommage de s’arrêter à un gimmick, d’autant qu’il n’est pas répétitif dans le contenu.

Héloïse : Dans tous les cas, il est parfait pour le niveau collège !

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Et vous, avez-vous lu ce roman ou d’autres titres de Dan Gemeinhart ? Vous tente-t-il ?

Lecture commune : L’Apprenti conteur

L’Apprenti conteur de Gaël Aymon, l’école des loisirs, 2022.

Fin janvier, Gaël Aymon répondait à nos questions de curieuses arbronautes. Linda, Lucie et Liraloin se sont empressées de lire son roman l’Apprenti conteur paru dans la collection Neuf aux éditions de l’Ecole des Loisirs en avril 2022 et de partager leurs impressions.

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Linda :  Avant de commencer, j’aurais aimé savoir ce qui vous a poussé à lire ce livre et à le proposer en lecture commune ?

Liraloin : C’est drôle que tu me poses cette question car c’est Colette qui a suggéré de faire une LC du dernier roman de Gaël Aymon, j’ai juste répondu que l’idée était bonne et j’ai lu le roman. C’est aussi simple que cela. Après, j’avais bien aimé son titre Et ta vie m’appartiendra donc c’était l’occasion de lire un autre roman de cet auteur. 

Lucie : C’est effectivement Colette qui a proposé cette lecture commune suite à l’interview de Gaël Aymon. J’avoue que j’aime assez qu’un entretien ne soit pas publié comme ça, mais accompagné soit d’une lecture commune comme nous l’avons fait avec Annie au milieu d’Émilie Chazerand ou un article sur les « classiques » comme pour François Place. Cela nous permet d’explorer l’œuvre de l’auteur de manière plus attentive et de profiter à fond de cette opportunité (que je trouve toujours merveilleuse !) de poser nos questions à un auteur.

Liraloin à Linda: J’ai vu que tu en avais fait une chronique pourquoi as-tu été attirée par ce roman ?

Linda : Je ne connaissais que Silent Boy de Gaël Aymon et suite à son interview, j’étais curieuse de le lire autrement. La couverture, particulièrement sombre m’a interrogée et en lisant le synopsis je pensais lire une réécriture de conte, un format que j’apprécie beaucoup. Je n’ai pas hésité un instant.
Connaissiez-vous déjà l’hypothèse qui veut que les contes de la Mère l’Oye aient été écrits par Pierre Darmancour, le fils de Charles Perrault ?

Lucie : Je ne connaissais pas du tout cette théorie, et je ne sais pas vraiment quoi en penser. Mais dramatiquement, dans le roman, je l’ai trouvée intéressante.

Liraloin : Mais pas du tout ! Ca été une surprise pour moi si bien que je suis allée chercher des informations car je pensais que c’était pure fiction et invention de l’auteur. J’avoue n’être pas très experte en histoire et origines des contes. Finalement j’en lis peu alors que j’adore les écouter ! Et toi, as-tu été surprise également ?

Linda : J’ai aussi fait une recherche sur ce sujet à la fin de ma lecture. Je pensais vraiment que l’auteur s’était amusé à inventer tout ça pour placer son récit dans un cadre mystérieux. Donc oui, une vraie surprise et une lecture qu’on repense autrement après coup. J’ai trouvé toute cette histoire assez fascinante au final, d’autant que le mystère autour de cette affaire ne semble pas complètement résolu.
Gaël Aymon a choisi le versant sombre des contes pour raconter son histoire, mêlant le récit au genre fantastique. Qu’avez-vous pensé de ce choix ? Et quelles émotions vous a procuré la lecture ?

Liraloin : Quelle belle idée ! A travers des chapitres courts et bien rythmés le lecteur se prend au jeu. A chaque instant et durant toute ma lecture je me suis demandée si Pierre ne rêvait pas inlassablement, me procurant un étrange sentiment. L’effet fantastique fonctionne très bien car Gaël Aymon prend le parti de dérouler son histoire dans une atmosphère glauque et toujours de nuit.
Là encore je retrouve les effets cinématographiques dont l’auteur nous parle dans son interview. Le moment le plus fort est celui où Pierre et Mariette entrent dans la forêt brumeuse, j’y ai vu des références à Tim Burton dans Sleepy Hollow. L’émotion y est forte !

Lucie : En effet, les choix de Gaël Aymon sont de l’ordre du fantastique, et parfois assez noirs. Je ne m’attendais pas à ça mais après tout les contes traditionnels sont tout de même très sombres entre abandons d’enfant et méchants qui veulent les dévorer (ogres, loups, sorcières…), il y a quand même beaucoup de noirceur !

Linda :  L’écriture est très visuelle dans ce récit et cela m’a vraiment permis de m’immerger dans l’histoire de Pierre. J’ai donc souvent été surprise, presque perdue quant aux perceptions de ce monde aux contours assez flous. On est en effet en perpétuel questionnement sur les limites du réel. Comme tu le dis, Liraloin, les événements ont toujours lieu la nuit, ce qui renforce l’incrédulité du moment. Pierre rêve-t-il ? mais dormait-il vraiment au début de la scène ? C’est assez déstabilisant, d’autant que lorsqu’il revient dans la réalité, il semble toujours sortir du sommeil mais en même temps son esprit et son corps semblent avoir vécus et ressentis les événements fantastiques… C’est une vraie réussite !

Liraloin : Qu’est-ce qui vous a attiré dans la couverture ? Que pensez-vous des dessins de Siegfried de Turckheim ? Connaissiez-vous cet illustrateur ?

Lucie :  Je ne connaissais pas le travail de Siegfried de Turckheim mais il m’a beaucoup plu et je suis allée chercher ce qu’il avait fait d’autre. Je trouve que son trait correspond parfaitement à l’univers créé par Gaël Aymon, qui a effectivement quelque chose de Tim Burton, en tout cas dans ce roman.

Linda : Je ne connaissais pas non plus Siegfried de Turckheim et, comme Lucie, je suis allée chercher ce qu’il a fait d’autres. Je suis assez curieuse d’écouter sa musique d’ailleurs. Mais pour rester sur le dessin, j’aime beaucoup son style et le choix de se limiter au noir et blanc, ce qui appuie la noirceur du récit et vient aussi renforcer l’effet mystérieux des lieux et personnages dont il ne dévoile à chaque fois que quelques traits. Cela vient, au même titre que le texte, titiller la curiosité et encourager à poursuivre la lecture. J’aime beaucoup l’association de son univers à celui de Gaël Aymon, il y a une forme de cohérence entre les deux qui crée une vraie unité.

Liraloin : Qu’avez-vous pensé du Prologue?

Linda :  J’ai adoré le ton accrocheur de l’auteur qui s’adresse à son lecteur « Toi ! Oui, toi qui viens d’ouvrir ce livre ! » avant de nous expliquer où il nous entraîne et comment il compte bien nous perdre entre réalités et mensonges. Ça donne clairement envie de découvrir ce qu’il va nous raconter et si tous ces mystères vont réellement nous faire tourner la tête.

Lucie : Comme Linda, j’ai bien aimé que l’auteur annonce jouer avec la vérité et assume de manipuler son lecteur.
Ces façons d’interpeller le lecteur qui cassent d’une certaine manière le quatrième mur sont risquées, il arrive qu’elles me fassent sortir du roman. Mais quand c’est bien fait, cela peut être un ressort narratif très intéressant.

Liraloin : J’ai trouvé ce prologue intéressant car il plonge le lecteur dans l’histoire, c’est une introduction qui appartient à l’oralité, le conteur prévient le spectateur et l’interpelle sur la dangerosité de l’histoire qui s’ouvre devant lui mais je suis d’accord avec Lucie, il faut savoir le mesurer pour ne pas « gêner » le lecteur.
Revenons sur le caractère fantastique du roman et sur l’enchaînement des évènements :
Je te cite Linda : « L’Apprenti conteur va bien au-delà du conte de fées et flirte avec le fantastique en plongeant son personnage principal dans un monde chimérique qui le fait douter des limites de son imagination, poussant également le lecteur à s’interroger sur la frontière entre le réel et l’imaginaire, et sur l’existence d’une vie après la mort. » Est-ce que vous avez éprouvé ce même sentiment ? Ce sentiment d’osciller entre le rêve et la réalité ? Et où se trouve la réalité justement ?

Linda : Complètement oui. A la lecture j’ai ressenti beaucoup de choses (plus ou moins agréables), mais j’ai vraiment été déstabilisée par cette impression floue qui ne permet jamais de savoir si Pierre est éveillé ou s’il rêve. C’est quelque chose que l’auteur maîtrise parfaitement, nous étions prévenus et il a parfaitement réussi à flouter les limites réalité/rêve. La réalité n’est pas vraiment déterminée, ce qui est certain est que lorsque Pierre est dans la maison de son oncle, lorsqu’il écrit, il est dans la réalité. Pour ce qui est du reste…

Lucie : Heureusement, cela finit par être éclairci au cours du roman. J’avoue qu’au début Gaël Aymon ayant beaucoup situé les passages fantastiques la nuit, j’avais un peu peur que cela tourne au « tout ceci n’était qu’un rêve » qui m’aurait vraiment déçue. Car, comme le dit Linda, les seuls éléments clairement situés dans la réalité sont les interactions de Pierre avec son oncle.
Je vous rejoins sur la frontière floue entre réel et fantastique qui s’avère finalement très maîtrisée !

Liraloin : Gaël Aymon reprend des éléments que l’on retrouve dans les contes de ma Mère l’Oye, d’après-vous, comment font-ils avancer l’histoire ?

Lucie : Chaque conte correspond à une péripétie. Cela m’a d’ailleurs paru un peu systématique à un moment donné. C’est aussi ludique, comme un jeu de piste dans les contes populaires. J’étais chaque fois curieuse de découvrir auquel Gaël Aymon allait-il faire référence.
Mais heureusement, l’intrigue ne se limite pas à cela et prend ensuite de l’ampleur en se concentre plus sur l’histoire personnelle de Pierre et son rapport à Mariette.

Linda : Il me semble que ces objets, à l’inverse de Mariette, viennent appuyer le basculement dans l’irréalité du moment. Ils jouent d’une certaine façon le rôle de « porte », permettant de basculer d’un monde à l’autre. Un rôle que je questionne d’ailleurs beaucoup car, j’ai souvent eu l’impression que la maison servait également de passage. 

Liraloin : Vos réponses sont intéressantes et d’ailleurs, j’ai eu les mêmes impressions que vous et j’ai trouvé cet exercice (éléments tirés des contes) bien fait car comme tu le dis Lucie, cela ne dénature pas le récit. N’oublions pas la relation très particulière entre Mariette et Pierre mais nous y reviendrons (sans divulgâcher bien évidemment).

L’Apprenti conteur de Gaël Aymon, l’école des loisirs, 2022.

LiraLoin : Que pensez-vous de la rencontre entre Pierre et Mariette ? Comment leur relation fait évoluer l’histoire ?

Lucie : Pour moi, Mariette est le lien entre la réalité et le monde magique. C’est aussi elle qui fait le lien entre Pierre et les histoires orales. C’est donc un personnage à la fois essentiel et très énigmatique. Si j’ai rapidement compris sa différence, la révélation sur son identité a été une surprise !
J’ai beaucoup aimé qu’ils cherchent à se protéger l’un l’autre et la dynamique de leur relation.

Linda : Mariette se présente à Pierre au cœur de la nuit et dans l’intimité de sa chambre. Ce n’est pas anodin et permet de comprendre qu’elle est « différente », comme si elle n’était visible que de Pierre. Comme Lucie, j’ai été surprise par la révélation de son identité même si je commençais à penser, dans un petit coin de ma tête, que son attachement à Pierre et sa façon de le protéger la faisait ressembler à ce qu’elle est.
Pensez-vous que la maison fait le lien entre les deux mondes, ainsi qu’entre les deux enfants ? Ou est-ce cet attachement entre Pierre et Mariette, qui donne ce pouvoir à la maison ? 

Lucie : Je n’en ai aucune idée ! Et j’avoue ne pas avoir cherché à comprendre plus que ça. Si l’auteur parvient à m’entraîner dans l’univers qu’il a conçu, j’accepte le fantastique sans me poser de question. Mais comme tu poses la question, j’imagine que la maison a forcément un rôle, sinon Mariette aurait pu rendre visite à Pierre alors qu’il habitait à Paris. Mais Mariette a un rôle central de guide, de passeur malgré tout essentiel. Les deux sont liés, on s’en rend compte rapidement même si on ne sait pas vraiment de quelle manière !

Liraloin : Exactement, les deux mondes sont visibles seulement dans cette maison, vous avez raison. Le lien entre Mariette et Pierre est à la fois amical, amoureux et fraternel. On sent, dès le début, que Mariette est meneuse comme pour faire sortir Pierre de son « exercice d’écriture de poésie ». Je l’ai vu plutôt comme ça pour ma part, elle va le repousser dans ses retranchements et lui apprendre qu’un autre « monde » existe finalement.

Perlin, l’enfant qui faisait tomber la pluie de Siegfried de Turckheim, Seuil jeunesse, 2022.

Linda : Par ailleurs, lorsque l’on comprend qui est Mariette et d’où elle vient, sa présence fait-elle sens ? N’avez-vous pas vu une mise en danger du garçon ? Peut-on dire que la venue de Mariette ne soit motivée que par son désir de rencontrer Pierre ? 

Lucie : C’est une bonne question : Y-a-t-il réellement mise en danger ? Il me semble que c’est explicité à un moment dans l’histoire mais je ne me souviens plus de ce qui est dit. S’il arrive quelque chose à Pierre dans le monde fantastique, y aura-t-il des conséquences dans la réalité ? Mariette joue alors un rôle de passeur mais aussi de protecteur. Elle explique les règles qui régissent ce monde, qui sont étrangères à Pierre et le conseille dans certaines situations.
La présence de Mariette s’explique quand on comprend qui elle est, mais le lien avec le monde fantastique ne m’a pas forcément semblé plus clair. Et ce n’est pas grave, je n’ai pas besoin que l’on m’explique tout pour être emportée !

Liraloin : Je pense aussi que Mariette emporte Pierre là où il ne serait jamais allé tout seul. Elle est à la fois aventurière et un guide rassurant.

Lucie : C’est finalement en découvrant le lieu où sa mère a grandi qu’e Pierre va en apprendre un peu plus sur elle. Qu’avez-vous pensé de cette idée ?

Linda : Il paraît logique que revenir sur les lieux qui ont vu grandir sa mère permette à Pierre d’en apprendre plus sur elle. Mais c’est la façon dont cela se fait qui est original puisqu’à aucun moment il ne va entrer en contact direct avec le souvenir de ce qu’elle fut lorsqu’elle vivait là. Il ne découvre pas qui elle était au travers de sa famille mais par le biais du fantastique.

Liraloin : Je dirais que la boucle est bouclée et que finalement Gaël Aymon sait entretenir le suspense jusqu’au bout de son histoire en ne perdant jamais l’essence même du fantastique.

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Les avis de LiraLoin, Isabelle, Linda et Lucie.

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Nous espérons que cette lecture commune vous aura donné envie de vous procurer ce titre. Si vous appréciez le fantastique et les contes il vous plaira certainement. N’oubliez pas de nous dire en commentaire si vous l’avez aimé !


Lecture commune : La Passe-miroir, Les Fiancés de l’hiver

Certaines d’entre nous s’étaient déjà plongées dans l’univers de Christelle Dabos. Mais la sortie du quatrième et dernier tome de la série de La Passe-miroir en novembre a créé une nouvelle envie : celle de découvrir ou de relire le premier opus, Les Fiancés de l’hiver et de nous retrouver autour d’une lecture commune. Les avis divergent, mais c’est ce qui est intéressant alors allons-y !

La Passe-miroir, Les Fiancés de l’hiver, de Christelle Dabos. Gallimard Jeunesse, 2013.

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Lucie : On a beaucoup parlé de La Passe-miroir depuis la sortie du premier tome en 2013, qu’est-ce qui vous a donné envie de vous y plonger maintenant ?

Pépita : Le confinement ! Je ne suis pas forcément une adepte des séries, je déteste attendre deux ans entre chaque sortie… Pas d’accès à la médiathèque où je travaille alors j’ai plongé dans les bibliothèques de la maison et ô surprise ! La Passe-miroir en quatre tomes que j’ai consciencieusement offerts à ma fille quand elle était ado… Une bénédiction pour se changer les idées, voyager ailleurs et ne pas rester en rade de lectures trop longtemps.

Ladythat : La curiosité ! Il m’arrive souvent de laisser passer un livre quand on en entend parler partout, tout le temps. Car cela me fait peur d’être déçue par un roman dans lequel j’aurais placé trop d’espoir. Le fait de le lire bien plus tard permet de prendre plus de recul.

Isabelle : Cela fait des années que j’entends parler de cette série, mais mes enfants étaient trop jeunes et comme Pépita, les séries ne sont pas mon format de prédilection. Contrairement à mon fils aîné qui en lit des quantités ahurissantes et me conseille celles qui lui plaisent le plus. Et sans aucun doute, celle-ci en fait partie !

Lucie : Le fait de savoir que c’est le premier d’une série de quatre tomes, c’est plutôt un point positif ou négatif pour vous ?

Pépita : Je n’aime pas trop la lenteur d’un univers, je comprends qu’il faille du temps pour qu’il s’installe mais si c’est trop, ça me rebute. Dans le cas présent, non, car j’ai le temps.

Ladythat : A partir du moment où l’écriture est bonne et l’histoire de qualité, je ne m’arrête pas au nombre de volume. Quoi que s’il y en a vraiment beaucoup, j’ai tendance à m’essouffler avant la fin.

Isabelle : Aucun problème, sur le principe, si on n’a pas l’impression que l’auteur délaye le propos. J’ai pu prendre énormément de plaisir à lire des séries qui mettaient ce format à profit pour proposer un univers complexe, des personnages qui évoluent, une intrigue qui se renouvelle. C’est un peu la même chose que regarder une série télévisée plutôt qu’un film, cela peut être très immersif ! Les séries sont super aussi pour les boulimiques de lecture comme mon fils qui adore avoir plusieurs tomes à se mettre sous la dent. Je dis tout cela généralement, mais concernant cette série, je n’ai encore lu que le premier tome !

Ladythat : Ophélie semble plutôt banale au premier abord. Comment la décrieriez-vous ?

Lucie : Ophélie est décrite comme maladroite, manquant de confiance en elle, mais elle fait preuve d’une grande force de caractère. On retrouve cette dualité dans sa description physique : elle est petite, fluette, a un visage « placide » mais le fait qu’elle exprime peu ses sentiments ne veut pas dire qu’elle ne ressent rien.
J’apprécie chez elle qu’elle ne fasse pas d’esclandre mais qu’elle ne se résigne pas pour autant quand la situation ne lui convient pas. Berenilde lui en fait d’ailleurs la remarque : « Vous êtes très forte pour dissimuler votre insolence sous de petits airs soumis. »
Une héroïne décrite comme « seulement bonne à lire », même si ce sont des objets, ne peut que me plaire !

Pépita : Ophélie cache bien son jeu… mais sans le vouloir ! J’ai de suite apprécié ce personnage pour sa rigueur morale, sa loyauté, son intelligence, sa capacité d’observation. Ce que j’aime aussi, c’est sa faculté à toujours poser des questions pertinentes sous son air placide et calme. Ceci est compensé par une maladresse légendaire mais elle s’en sort finalement fort bien. Son apparence la déjoue mais elle en fait une force. J’ai aimé aussi cette opposition. Elle sait se faire apprécier avec humilité aussi. Il y a aurait tant à en dire et j’en suis au début du tome 3 et je m’attends à ce qu’elle nous surprenne toujours plus.

Isabelle : Je vous rejoins sur tout ! Ophélie, c’est un peu la force tranquille. Une très belle héroïne, j’ai trouvé, qui bat en brèche beaucoup de stéréotypes. D’autant plus intéressante qu’elle apprend et se révèle au fil du texte. Et comme vous, j’ai la forte impression qu’elle en a encore pas mal sous le pied !

Ladythat : Thorn et Archibald sont très différents l’un de l’autre. Alors que le premier apparaît austère et sinistre, le second semble plutôt ouvert et jovial. Que pensez-vous de ces personnages ?

Lucie : Je trouve qu’ils se complètent bien. Ils sont totalement opposés, et d’ailleurs, ils se détestent cordialement. Ce qui est amusant c’est que, comme tu le dis, chacun d’eux est assez caricatural dans son genre. Mais ils gagnent tous deux en complexité et en crédibilité au fil des livres et c’est ce qui m’a plu dans ces personnages.
Tous deux se révèlent aussi très loyaux (le tout est de savoir à qui et à quoi) et mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour atteindre leurs objectifs. Des moyens très différents, mais je trouve qu’ils se ressemblent sur ce point.

Pépita : Alors ça c’est le jour et la nuit. Mais en même temps je me dis au fur et à mesure qu’ils ont les mêmes qualités mais l’expriment fort différemment. Ils ont aussi une faille chacun et la cachent aux autres. C’est ce qui fait leur force et leur faiblesse. J’ai apprécié d’emblée Archibald, Thorn beaucoup moins. Je trouve que l’auteure se répète le concernant… ça m’a un peu agacée dans le deuxième tome. Mais ils ont tous les deux une force de caractère hors du commun et une loyauté aussi. Et je gage qu’ils vont tous les deux aider Ophélie dans sa quête !

Isabelle : N’ayant lu qu’un tome, je suis encore dans les ténèbres sur ces deux personnages, mais les deux m’inspirent plutôt de la sympathie. On voit bien dans vos réponses que les personnages de cette série sont tous complexes et se révèlent petit à petit, au fil des pages. C’est quelque chose que j’ai apprécié et qui rend cette lecture addictive. Cela dit, je suis d’accord avec toi, Pépita, sur le côté agaçant des répétitions sur certains personnages : la taille immense et la froideur de Thorn, les batifolages d’Archibald, la beauté de Berenilde, les dents chevalines de la tante Roseline… 

Lucie : Anima et le Pôle sont des univers très différents, encore une fois en opposition sur de nombreux points (après Archibald et Thorn, il me semble que cette dualité est vraiment à la source de beaucoup d’éléments dans ce roman). A quoi vous ont-ils fait penser? Quelle arche préférez-vous ?

Pépita : Je préfère Anima c’est certain. On dirait Alice au pays des merveilles sous certains aspects. Le Pôle me fait penser à la cour du Roi Soleil et aussi à Alice au pays des merveilles sous d’autres aspects. Deux mondes opposés par leurs valeurs. Et aussi par leur atmosphère. C’est curieux mais en ce qui me concerne, les mondes m’intéressent moins, une description me suffit (beaucoup de répétitions là aussi). Ce qui m’intéresse, ce sont les personnages et leurs motivations, même si je le reconnais, celles-ci sont très liées aux mondes dans lequel ils évoluent.

Ladythat : Je rejoins Pépita sur la comparaison du Pôle à la Cour du Roi Soleil, c’est tout à fait ça, le faste, le grandiose, tout cela n’est que paillette pour en mettre plein les yeux. Pourtant on peut supposer que ça ne concerne que la Citacielle puisque l’arrivée au Pôle fait plutôt allusion au froid glacial des contrées du nord. On se croirait dans un roman de Jack London avec toute cette neige, le voyage en traîneau, le vent qui te glace la peau… Mais la Citacielle m’a aussi fait penser à « Inception » le film de Christopher Nolan dans lequel des architectes créent des mondes illusoires qui semblent pourtant réels à ceux qui y vivent.
Anima semble beaucoup plus pacifique et agréable à vivre même si les Doyennes semblent laisser peu de libre arbitre aux habitants. Et oui, bien entendu, on ne peut que penser au Pays des Merveilles d’Alice avec ses objets animés. Malgré toutes leurs différences, je pense que j’aurais du mal, au bout d’un seul volume, à donner ma préférence à l’une ou l’autre des arches. J’ai envie de croire que le Pôle regorge de surprises (je n’ai pas assez avancé dans le tome 2 pour en être certaine encore) et pourrait me plaire une fois sortie de la Citacielle. De même, si les valeurs d’Anima proposent une ambiance plus « respirable », j’aurais besoin d’en savoir plus pour me convaincre que c’est un endroit vraiment agréable.

Lucie : Le Pôle m’a aussi fait penser au Versailles de Louis XIV avec ces fêtes ininterrompues, ces intrigues de courtisans… Je n’avais pas pensé au côté « Inception » mais c’est tout à fait juste !
C’est vrai, il est difficile de faire un choix, heureusement nous n’avons pas à le faire. Mais je trouve que l’opposition entre les deux arches, si elle peut sembler un peu systématique (car cela va de la météo à l’organisation sociale – matriarcale et relativement égalitaire sur Anima, patriarcale et très hiérarchisée au Pôle – en passant par le rôle de la mémoire), apporte une tension dramatique intéressante. D’autant que cela concerne aussi bien des détails que des éléments essentiels.

Ladythat : Ça donne à réfléchir… ce qui me parait dramatique, c’est plutôt le système de castes et toutes les inégalités que cela engendre. Le quotidien d’Ophélie est également terrible ; elle subit des violences et personne ne semble s’en inquiéter. Même sa tante se contente de constater sans pour autant sembler alarmer et je ne parle même pas d’Ophélie qui tempère tout ça avec beaucoup trop de facilité. (J’ai été particulièrement émue après l’épisode du panier d’oranges) Finalement l’auteure en dévoile très peu sur Anima et si, au premier abord j’avais envie de croire que la vie y était bien agréable, je me rends compte en avançant dans l’histoire que l’auteure s’amuse vraiment à jouer sur les apparences et maîtrise parfaitement l’art des dissimulations et faux-semblants.

Isabelle : Une autre question qui m’intrigue beaucoup, c’est la nature et l’origine de ces arches. Comment en est-on venu à cet univers éclaté en mondes si radicalement différents les uns des autres comme vous l’avez souligné ? Le premier tome pourrait suggérer qu’il s’agit d’une uchronie dans laquelle le monde que nous connaissons aurait (littéralement) volé en éclats. C’est vraiment quelque chose que j’espère voir élucidé dans les tomes suivants ! Sinon, je trouve les arches permettent d’éclairer de façon assez maligne toutes sortes de problématiques plus modernes qu’il n’y paraît au premier regard, notamment comme vous l’avez dit la société de cour (et si l’on va plus loin la dictature du paraître), mais aussi par exemple les relations entre centre et périphérie, avec des provinciaux marginalisés, voire méprisés.

Lucie : J’aimerais aussi aborder le sujet des pouvoirs. Souvent ce sont des excuses que les auteurs utilisent pour sortir leurs personnages de situations inextricables de manière rapide et facile. J’avoue que certains livres m’ont rapidement agacée à cause de cela. J’ai apprécié que ce ne soit pas le cas ici. Christelle Dabos explore bien les deux facettes : ce qu’apportent les pouvoirs mais aussi le revers de la médaille, la difficulté de vivre avec, la nécessité d’apprendre à les utiliser, la confusion qui peut se créer entre pouvoir et personnalité (notamment quand Ophélie a l’impression de n’être qu’une paire de mains pour son entourage). J’ai trouvé intéressant que l’auteure creuse cet aspect.
Par ailleurs, ce qui m’a plu c’est la cohérence de l’ensemble de l’œuvre. L’univers qu’a créé Christelle Dabos est magique, et il faut être solide pour mener à bout quatre tomes sans perdre le fil. Ma première lecture m’avait laissé une impression globale de logique, mais j’ai tout de même été surprise de m’apercevoir lors de cette relecture qu’il y avait un écho dès la page 16, alors que ces phénomènes ne prennent une réelle importance que dans les tomes 3 et 4 (je ne divulgâche pas, le quatrième tome étant intitulé La tempête des échos). On ne peut que saluer la maîtrise de l’auteure.

Isabelle : Comme toi, je trouve que le merveilleux et la magie sont très bien dosés. Effectivement, la magie n’offre pas de solution de facilité, il y a des revers à la médaille et Ophélie n’a pas envie d’être réduite à ses pouvoirs. J’ajouterais qu’elle est soucieuse de s’en tenir à un recours éthique, se refusant par exemple à « lire » des objets contre la volonté de leurs propriétaires. Plus généralement, je trouve qu’il y a quelque chose de vraiment réjouissant dans les pouvoirs des différents clans, qui témoignent de l’imaginaire impressionnant de Christelle Dabos. Ils peuvent faire rêver, nous inviter à imaginer leurs répercussions potentielles, voire à réfléchir aux dérives possibles… Et en même temps, elle sait trouver le bon dosage et je n’ai pas eu l’impression d’un feu d’artifice de magie qui parte dans tous les sens.

Lucie : Quel(s) aspect(s) de ce monde imaginaire vous a (ont) le plus plu ?

Pépita : Le côté fantastique des arches, les pouvoirs familiaux, le mystère autour du Livre, les personnages (j’adore la tante Roseline et Archibald), le côté volontaire d’Ophélie (elle me rappelle Bouma !, en tous cas, c’est elle que je vois !), Thorn m’énerve un peu (un peu moins depuis que j’ai attaqué le 3) et puis tous les clins d’œil fait à la société actuelle ainsi que les enjeux écologiques. C’est très riche ! Par contre, il y a quand même des longueurs, et des tics de langage un peu agaçants. Mais je sens que je ne suis pas au bout de mes surprises.

Ladythat : L’auteure a énormément d’idées intéressantes. J’aime beaucoup l’univers qu’elle a créé, les pouvoirs, l’organisation en familles, et une fois au Pôle, en castes, les personnages – comme Pépita j’aime beaucoup la tante Roseline et Archibald – et les mystères autour du Livre, des esprits de famille mais aussi de certains personnages. L’auteure joue vraiment le jeu des dissimulations, c’est très excitant ! Et cela pousse le lecteur à se remettre en question au fil des pages. Qui est bon ? Qui est mauvais ? Le parallèle avec notre société moderne est intéressant également ; entre enjeux écologiques et sociétales, elle soulève tout un tas de réflexions vraiment pertinentes.

Isabelle : Je vous rejoins tout à fait sur la richesse de cet univers et sur la façon dont il éclaire notre société. Si je réfléchis précisément à ce qui m’a particulièrement plu, je pense tout de suite aux pouvoirs d’Ophélie qui font vraiment rêver. J’ai bien aimé aussi le personnage de la mère Hildegarde qui règne sur les espaces qu’elle enchante et module à l’envi !

Lucie : Je me souvenais d’un cliffhanger à la fin de ce premier tome, mais je trouve que Christelle Dabos joue vraiment avec nos nerfs. Qu’avez-vous pensé en terminant ce tome ?

Pépita : Oui elle arrive juste à la fin à donner une sorte de dénouement qui incite à lire la suite, c’est sûr.

Ladythat : Elle arrive à terminer ce premier volume avec l’envie de tourner la page pour commencer un nouveau chapitre. Il faut donc forcément lire le deuxième tome.

Isabelle : J’ai trouvé cela un peu trop frustrant. On peut en débattre, bien sûr, mais je trouve que dans une série, chaque tome devrait trouver une forme de dénouement, même provisoire. Là, le récit s’interrompt en plein milieu, la césure pourrait tout aussi bien intervenir 20 pages plus tôt (ou plus tard ?). Évidemment, cela donne irrésistiblement envie de se jeter sur le tome 2, mais cela m’a laissée sur ma faim.

Lucie : Maintenant que vous avez terminé le premier tome, comptez-vous lire les autres et pourquoi ?

Pépita : Pour connaitre la vérité de cette histoire ! Ici, ils l’ont tous lu avant moi et sans spoiler, il faut vraiment aller jusque la fin pour le dénouement.

Ladythat : Absolument, j’ai d’ailleurs commencé le deuxième volume. Pour savoir comment Ophélie va s’en sortir, évoluer. Savoir si les idées que j’ai sur certains personnages ou certaines situations sont justes ou fausses. J’espère être surprise au fur et à mesure des réponses que l’auteure va apporter !

Isabelle : Comme vous, je lirai absolument la suite ! Le dénouement du tome 1 donne à penser que l’intrigue ne fait que commencer et que presque tout reste à découvrir. Je suis très curieuse de voir comment Christelle Dabos va continuer à déployer son histoire, son univers et ses personnages.

Lucie : Qu’attendez-vous de la suite ?

Pépita : D’être surprise, de réfléchir aux diverses hypothèses, de me tromper, de refaire des plans sur la comète… et surtout de connaitre la vérité !

Ladythat : Comme je le disais précédemment, j’attends surtout d’être surprise. Et bien entendu, j’ai hâte de connaître le fin mot de l’histoire.

Isabelle : Je serai particulièrement curieuse de suivre Ophélie au plus près de l’intrigant esprit de famille, Farouk, et de voir comment son personnage et son rôle à la Citacielle vont évoluer. Mais ce qui m’interroge le plus, c’est l’avenir de sa relation avec le ténébreux Thorn !

Isabelle : Pas évident de tirer une leçon d’une histoire si complexe et trouble. Qu’avez-vous retenu pour votre part de ce tome 1 ?

Lucie : Je n’aime pas trop l’idée d’une leçon. Ça m’évoque les contes moralisateurs comme ceux de Perrault. Mais je vois ce que tu veux dire, un livre n’a un réel intérêt que s’il t’interroge. Ici c’est d’autant plus compliqué que, comme tu l’as dit, l’intrigue s’arrête brutalement. Je dirais (j’y reviens !) que ce qui m’a interpellée c’est cette prise de confiance d’Ophélie dans sa capacité à sortir du rôle dans lequel on l’a mise et dans lequel elle s’est coulée par facilité. Lorsqu’il ne lui convient plus, elle trouve les ressources en elle pour rebondir et je trouve cette idée inspirante.

Ladythat : Je retiens surtout qu’il ne faut pas se fier aux apparences.

Isabelle : Auriez-vous envie de recommander cette série et à qui ?

Lucie : C’est fait, j’ai beaucoup recommandé et prêté cette série autour de moi. À des collègues, des copines, dans ma famille… En revanche je pense qu’elle n’est pas vraiment adaptée à des enfants trop jeunes. C’est peut-être une idée que je me fais mais je dirais milieu de collège. Qu’en pensez-vous ? Vos enfants l’ont lu ? À quel âge ?

Ladythat : Après le tome 1, oui probablement. Plutôt à des jeunes adultes et des adolescents. Ma fille de dix ans a lu le premier tome et a eu du mal à entrer dans le récit. Je pense qu’elle n’a pas saisi toutes les subtilités, les complexités de l’histoire. Mais ayant abandonné en plein milieu du tome 2 (par ennui), je ne suis probablement pas la mieux placée pour la recommander.

Pépita : Du coup comme j’ai lu les 4… et que mon avis est plutôt en demi-teinte… je le conseillerais à de bons lecteurs jeunes ados fans d’univers fantastiques. Bons lecteurs car la construction est finalement complexe.

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Pour en savoir plus, vous pouvez consulter les avis d’Isabelle, Ladythat, Lucie et Pépita (sur la série complète). N’hésitez pas non plus à nous donner votre ressenti sur ce roman : vous fait-il envie ? Peut-être l’avez-vous déjà lu et qu’en avez-vous pensé ?

Mais… qu’y-a-t-il au delà de la forêt ?

Qu’y-a-t-il au-delà ? Au-delà de ma chambre, de ma ville, de mes amis, de ma famille ? Au-delà de la Terre ? De la voie lactée ? De l’univers ? Voilà une question existentielle qui vient tous nous tarauder un jour ou l’autre ! C’est pour répondre à cette ancestrale question que la père d’Arthur se lance dans un projet insensé : il décide de monter, pierre après pierre, une immense tour qui lui permettrait de voir… Au-delà de la forêt. Il entraîne alors son jeune fils dans son incroyable projet. A force de volonté, à force de travail, à force de soutien, notre famille de lapins semble parvenir à ses fins…

Au-delà de la forêt de Gérard Dubois et Nadine Robert.-Seuil jeunesse

Colette : Au seuil de l’album, une couverture qui nous accueille avec son titre énigmatique, précieuse invitation au voyage : Au delà de la forêt… Et deux lapins anthropomorphisés qui gravissent un je-ne-sais-quoi de pierres sombres. Sur quelles hypothèses de lecture êtes-vous parties en découvrant ce livre ?

Pépita : Je suis partie sur une aventure entre un parent et un enfant. Mais aussi à une ascension difficile et ardue avec ce fil d’attache qui les relie dans l’escalade.

Isabelle : Toutes les hypothèses sont possibles avec cette couverture qui instaure immédiatement le suspense ! Puisque le titre annonce, comme tu le rappelles, qu’il s’agit d’aller « au-delà de la forêt », mais la couverture ne nous montre pas grand-chose avec cette focale très resserrée sur les deux héros… Cela nous place un peu dans la même situation qu’eux : on devine l’ampleur de l’obstacle à franchir, mais notre regard est cantonné à l’horizon limité des deux lapins. Au-delà, tout est donc envisageable, du plus merveilleux au plus terrifiant… J’ai trouvé cela très intriguant et la curiosité a aussi gagné tout de suite mes garçons avec qui j’ai lu cet album !

Bouma : Pour moi, le titre comme la couverture ont tout du livre d’aventure. Je m’attendais donc à traverser une épaisse forêt aux mille dangers, à naviguer entre les arbres… pour atteindre un monde mystérieux.

Colette : Et effectivement aventure il va y avoir dans un endroit que nous découvrons dès les premières pages : une forêt dense et obscure présentée comme « habitée par des loups, des ogres et des blaireaux ». A quoi avez-vous associé cette forêt ?Pépita : Je l’ai clairement associée aux légendes à cause des mots « loups » et « ogres », mais le mot « blaireaux » m’a fait sourire car on peut le prendre à différents niveaux. Cela rajoute de la légèreté au coté obscur de cette forêt. Quoique l’animal blaireau ne soit pas très sympathique non plus !

Isabelle : La forêt représentée sur l’album est effectivement pour le moins sombre et dense. De quoi frissonner et voir défiler immédiatement dans sa tête toutes sortes de forêts effrayantes issues des contes et histoires de notre enfance – surtout à l’évocation des « loups et des ogres » ! Mais la référence teintée d’ironie aux « blaireaux géants » a tout de suite détendu l’atmosphère ! D’un point de vue symbolique, ce thème m’a beaucoup parlé car j’y ai vu une manière de parler de tous les obstacles qui semblent d’autant plus infranchissables qu’on ne s’en est jamais approché.

Bouma : Je rejoins mes camarades sur le jeu de mots autour des contes (avec le côté malicieux-méfiant sur les blaireaux). Mais je trouve vraiment qu’elle incarne quelque chose à elle toute-seule, comme une entité entière et pleine de laquelle émergeraient ces habitants pas comme les autres.

Colette : La petite famille que nous découvrons est composée d’un jeune lapin, de son père et de leur chien Danton. Qui avez-vous préféré ? Et pourquoi ?Pépita : Ouh là ! Difficile à dire ! J’ai bien aimé de suite leur relation pleine de confiance, de complicité et d’entraide.

Bouma : Difficile de dissocier les personnages de cette famille tant ils sont solidaires les uns des autres. Après, comme Pépita, je me suis plus identifiée au narrateur, le jeune lapin, et j’ai admiré la détermination et l’espoir qui se dégageait de la figure paternelle.

Isabelle : Découvrant l’histoire à travers les yeux du jeune lapin, il est difficile de ne pas ressentir de tendresse à l’égard du père : curieux, hardi et volontaire, il développe une idée folle, littéralement « gigantesque », du type de celles que peuvent en réalité seulement avoir les enfants – de quoi susciter l’enthousiasme de ses petits lecteurs ! Le jeune héros est très sympathique également : on sent toute l’admiration qu’il a pour son père, mais aussi son souci de l’aider et de le soutenir dans son projet.

Colette : Quant à moi justement c’est la figure du père que j’ai vraiment trouvée enthousiasmante : le père a un projet et met tout en œuvre pour aller jusqu’au bout de son projet, avec une simplicité et une sincérité si vraies qu’il peut entraîner son fils avec lui entièrement, intensément. Il y a une complicité rare entre le père et le fils, une complicité que je trouve précieuse, à offrir comme un trésor à nos jeunes lecteurs et à leurs parents. Que diriez-vous du projet qui guide leur quotidien le temps de l’album ? Comment avez-vous interprété l’ambition du père de l’histoire ?

Bouma : Pour moi, il est apparu comme une échappatoire, un but à atteindre coûte que coûte, de celui dans lequel on est capable de se lancer pour oublier. L’absence d’une mère, la rudesse de la vie ou les choix de l’existence, peut-être ?

Pépita : Oui c’est ça : une envie de se prouver quelque chose ou bien de retrouver son rêve d’enfant et de le partager avec son fils. De se confronter à ses limites aussi pour les repousser.

Isabelle : Comme vous, j’y ai vu une dimension de défi, de dépassement, avec aussi un petit côté subversif : ce père qui ne s’arrête pas aux histoires qu’on raconte et qui décide de faire ce qu’apparemment personne n’a jamais osé entreprendre jusque-là. Ce que j’ai trouvé sympathique, c’est qu’il n’agit pas en héros tout-puissant, mais s’efforce plutôt de fédérer de plus en plus largement autour de son idée.
Et il y a quelque chose de délicieusement enfantin dans cette idée de tester, voire de repousser ses limites, comme le dit Pépita. Quel enfant ne s’est pas lancé dans la construction de la tour la plus haute, du collier le plus long, etc.? En tout cas, les miens se sont immédiatement identifiés au projet qui les a littéralement enthousiasmés !

Colette : Et ce qui m’a semblé tout à fait génial et intéressant dans le projet du père, c’est que ce projet se base sur le TRAVAIL, une valeur dont il est finalement peu question dans l’album contemporain, surtout qu’ici c’est une valeur très positive. Le travail a en effet une place centrale dans cet album : avez-vous adhéré à l’image qui en est donnée ?

Pépita : Oui tu as raison de le souligner car quelle entreprise tout de même ! Oui j’ai beaucoup aimé car au début, il y a l’idée, puis son partage et puis l’ébauche de plan à deux. Enfin, on s’y met et on découvre la fatigue et le découragement. Puis vient le rebond et la solidarité via l’idée de ce troc qui se rajoute. J’ai trouvé que cela allait plus loin que la simple démonstration du travail. C’est un système qui est décrit là…vers quoi tendre à nouveau ?

Bouma : Moi je n’en ai pas du tout fait cette lecture. La persévérance et l’effort ne sont pas forcément liés au travail pour moi. D’autant plus que ce père est boulanger en premier lieu. Par contre, j’y ai lu la force que représentent une foule, une société quand elles se mettent à avancer ensemble. On pourrait presque y voir une métaphore de l’expression « déplacer les montagnes ».

Isabelle : Tout ce que vous dites est vraiment intéressant et vos interprétations me parlent toutes énormément. Je n’y ai pas réfléchi sur le moment, mais la lecture de cet album nous a laissé, à mes garçons et à moi, un sentiment intense de bien-être et d’accomplissement. Rétrospectivement, je pense que cela vient à la fois de la satisfaction de voir ce projet prendre forme et progresser efficacement, de l’ivresse d’avoir repoussé des limites qui semblaient infranchissables et du bel élan collectif suscité par cette entreprise… Tout cela fait vraiment du bien ! Et c’est vrai, ce que tu dis Pépita : ce travail n’est pas seulement enthousiasmant parce qu’il est achevé avec brio, mais aussi parce qu’il s’organise dans un esprit d’entraide qui n’a rien à voir avec l’organisation du travail dans les entreprises traditionnelles.

Colette : Comme vous le soulignez toutes, cet album offre une symbolique très très riche : on y parle de solidarité, de famille, de coopération, de société, d’idéal à atteindre, de rêve à construire… de l’autre aussi, cet étranger si semblable à nous. Quel aspect de cette fable vous a le plus touchée ?

Isabelle : En effet, tu as tout à fait raison de le souligner ! Pour ma part, j’ai été avant tout emballée par le côté presque révolutionnaire de ce que tu appelles joliment « rêve à construire ». Mais aussi très touchée par la belle solidarité et les formes de partage qui émergent dans le village autour de ce rêve. Des valeurs qui font trop souvent défaut, mais qui parlent spontanément aux enfants !

Pépita : Ce qui m’a vraiment le plus touchée, c’est la réponse du fils lapin à l’épuisement de son père et l’élan de solidarité qui suit : ça met du baume au cœur de voir que tous œuvrent pour une construction dont ils ne connaissent finalement pas l’issue, seulement être là sans arrière pensées. C’est très positif !

Isabelle : Ce qui met aussi du baume au cœur, façon madeleine de Proust, c’est le côté « vintage » des illustrations qui m’ont évoqué ma propre enfance. L’objet-livre est très beau, avec sa couverture rigide et texturée et un côté rétro des illustrations, travaillé jusque dans les moindres détails – graphismes, couleurs un peu estompées… Cela donne au livre des allures de contes et un effet réconfortant – on croirait presque retrouver un album de Beatrix Potter, non ?

Bouma : une belle image effectivement et des valeurs qui parlent à tous, petits et grands. Et comme Isabelle, j’ai craqué pour l’aspect vintage de cet album aux couleurs surannées.

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Et si vous souhaitez en savoir plus :

Et sur nos sélections thématiques sur le thème de la forêt : Forêts fabuleuses et Forêts magiques et mystérieuses.

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Ces livres qui font grandir les enfants

ces livres qui font grandir les enfantsD’abord édité en 2008, l’essai de Joëlle Turin, Ces livres qui font grandir les enfants  (Didier jeunesse, collection passeur d’histoire 20 €), a été réédité dans une version augmentée en 2012. L’auteure y explore les domaines évocateurs de la vie de l’enfant : ses jeux, ses peurs, ses grandes questions, ses relations avec les autres, le monde de ses sentiments et les pouvoirs de l’imagination. Les albums qui y sont présentés sont analysés finement à la lumière des observations de terrain faites par des professionnels de la lecture aux enfants.

Si cet ouvrage s’est rapidement imposé comme une référence pour les professionnels, il est également très accessible au grand public.

A l’ombre du grand abre, nous sommes nombreuses à le feuilleter régulièrement et toujours avec plaisir. Cela méritait bien une petite lecture commune.

Chlop: Un ouvrage théorique sur la littérature jeunesse, quelle drôle d’idée, mais à qui ce livre s’adresse-t-il d’après vous ?

Pépita: Trés bonne question ! À toute personne désireuse d’accompagner l’enfant vers et avec les livres. Le titre est déjà une belle invitation et la nouvelle couverture, avec ces personnages tout droits sortis de classiques de la littérature jeunesse, comme des fées penchées sur un berceau, je la trouve bien appropriée.

Sophie: C’est un livre pour tous les professionnels de la littérature jeunesse et en particulier pour ceux qui mettent en pratique avec les enfants. Il est aussi très intéressant pour ceux qui travaillent avec des enfants sans forcément être professionnels du livre

Colette: Je pense que cet ouvrage s’adresse à tous ceux qui se passionnent pour la littérature de jeunesse, pas nécessairement des professionnels de l’enfance mais juste des lecteurs adultes qui trouvent tout leur intérêt entre les pages d’un album !

Carole: Effectivement, pour les professionnels mais aussi pour tous ceux qui s’intéressent à la littérature jeunesse, les curieux, les étudiants en formation, les parents pourquoi pas ? Personnellement je le feuillette régulièrement depuis longtemps, notamment pour y trouver des références et pour étayer un point de vue.
Ah, un livre de « spécialiste » alors, adapté aux passionnés, mais pour celui ou celle qui n’est pas dans le milieu, c’est lisible ? Ce n’est pas un peu élitiste, un bouquin qui ne parle que de livres pour enfants ?
Sophie: Je pense qu’à partir du moment où on connaît un peu ce domaine de la littérature jeunesse, on peut y trouver des choses intéressantes autour du développement de l’enfant par le livre. En tous cas, je l’ai trouvé assez accessible, avec beaucoup d’exemples donc plutôt concret.
Colette: Justement je ne le trouve pas du tout élitiste, la langue utilisée est très claire, il n’y a pas de jargon -contrairement à d’autres livres théoriques sur la littérature de jeunesse que je n’ai pas réussi à lire jusqu’au bout malgré mon engouement pour ce genre – et tous les thèmes abordés touchent à des questions qui concernent chaque humain.
Pépita: Oui, en effet, c’est le risque mais c’est toujours le risque de ce genre de livre de tomber dans cet écueil. Il n’y tombe pas complètement de par sa structure je trouve, proche des préoccupations des tout-petits. Et on peut le lire soit de façon linéaire ou en piochant dedans.
Colette: Oui Pépita c’est un aspect du livre que j’ai adoré : on peut picorer assez librement dedans ! Choisir un thème, choisir une analyse de livre en particulier, ce qui le rend encore plus accessible à un lecteur néophyte.
Carole: Idem, son organisation thématique le rend aussi ludique, le style est clair, et pas pompeux ni trop technique, et les exemples suffisamment nombreux pour que chacun s’y retrouve

Ok, alors maintenant qu’on sait que c’est un livre accessible, revenons au titre. Pépita soulignait qu’il était une belle invitation, mais encore ? Qu’est ce que ça nous inspire déjà ce titre avant même d’ouvrir le livre?

Colette: J’aime beaucoup ce titre car c’est un de mes leit motiv dans mon métier : LES LIVRES FONT GRANDIR LES ENFANTS !!! Les livres donnent du grain à moudre à chaque petit lecteur, ils les tirent vers le haut ! Le démonstratif utilisé dans le titre quant à lui nous annonce une liste de titres, ce qui pour le lecteur avide de lectures phares est un atout indéniable. Il y a un côté prescriptif dans le titre qui n’est pas pour me déplaire, j’aime beaucoup suivre les traces de lecteurs plus expérimentés que moi .

Sophie: Bien dit ! Rien à ajouter.

Pépita: Ce que j’aime dans ce titre c’est d’affirmer clairement que les livres font grandir les enfants, que c’est une nourriture aussi essentielle à leur développement. Je suis un peu plus réservée sur le démonstratif : il sous entend que ceux là sont les meilleurs en délaissant les autres …mais en fait non, c’est trompeur car le contenu prouve le contraire. Une belle accroche donc pour un livre de référence et je te rejoins Sophie dans le fait qu’il faut l’avoir à portée de main.

Carole: Le titre est effectivement une invitation. En revanche, j’ai considéré le démonstratif « ces » comme parlant de « cette » littérature jeunesse au sens large. Comme une sorte de reconnaissance de l’importance, de la richesse, de la diversité de cette vraie littérature exigeante. Et les nombreux exemples donnés en sont l’expression, il me semble.

C’est une affirmation forte quand même ! Est-ce qu’elle parvient à convaincre, après tout, Joëlle Turin est une spécialiste des albums plus que des enfants, elle n’est pas éloignée du monde de l’enfance. Elle s’appuie sur quoi pour affirmer cela ?

Colette: Je ne savais pas que l’auteure n’était pas une spécialiste de l’enfance mais en tous cas, si elle n’a pas expérimenté les albums dont elle parle avec les enfants, elle est super forte pour dénicher ceux qui font mouche auprès du jeune public. Les albums dont elle parle sont quasiment devenus des « classiques » de la littérature jeunesse et pour en avoir lu pas mal à mes Petits-Pilotes, ce sont vraiment des livres qu’ils plébiscitent.

Sophie: Elle connait bien le développement de l’enfant, ses questionnements… et c’est ce qu’elle utilise pour thématiser son livre. Les jeux, la peur, les grandes questions philosophiques, le rapport à l’autre, les émotions, l’imagination : voilà autant de grands sujets qui sont abordés dans ce livre. On connaît (pas forcément d’ailleurs) l’importance de ces notions théoriques dans l’enfance, elle, elle rapporte ça aux livres, aux histoires qui s’en inspirent pour aider l’enfant à mieux les appréhender, mieux les comprendre.

Pépita : Oui elle parvient à convaincre car elle donne des exemples concrets de pratiques, des albums qui ont fait leurs preuves, qui sont devenus des classiques de par leur appropriation par des gens de terrain ( professionnels de la médiation du livre au sens large) et par les enfants eux-mêmes. Et parce que « lire c’est bon pour les bébés  » commence à faire son chemin grâce à des pionniers en la matière.

Carole : C’est par la pratique enseignante en maternelle que je l’ai trouvé ce livre, donc plutôt du côté petite enfance que littérature. Et me servant des albums notamment comme supports pédagogiques, les pratiques qu’elles proposent sont vraiment chouettes à explorer in situ.

Ah, très bien, donc une affirmation forte (à laquelle nous adhérons sans réserve sous l’arbre mais qui peut parfois étonner), qui est argumentée à la fois par la connaissance des albums et par l’expérience de terrain. C’est effectivement les deux piliers qui font la force de cet ouvrage.
Pépita soulignait que le titre suggère que tous les livres ne sont pas également porteurs pour les enfants (l’utilisation de « ces » plutôt que « les »), qu’en est- il dans le livre?

Colette: Dans le livre, tous les exemples analysés sont des albums très forts, très originaux qui ont marqué pour beaucoup l’histoire de l’édition jeunesse, tous les titres sont porteurs de sens aussi bien pour l’adulte que pour le petit qu’il accompagne.

Pépita : Dans le livre, on ressent tout le contraire : « ces » livres-là sont à prendre vraiment dans le sens d’incontournables car ils participent de facto au développement de l’enfant : le nourrir, l’interroger, le placer face à ses angoisses, lui apporter des réponses, lui permettre de revenir encore et encore tant qu’il n’aura pas terminé sa propre appropriation. Mais le plus de ce livre, c’est de permettre à l’adulte, néophyte ou pas d’ailleurs, peu importe, d’avoir des clés de lecture, voire des clés de questionnement et de se mettre à la portée de l’enfant. Et le must de ce livre est de démontrer que la littérature pour enfants est une littérature adaptée à leurs besoins et qu’il ne faut pas s’en priver.

En effet, si on n’y trouve pas de définition de ce qu’est un « bon livre », on y trouve quantités de livres qui sont bons et on découvre pourquoi ils le sont.
L’analyse du texte, de l’image, mais aussi de l’effet qu’il produit chez le jeune lecteur à qui il s’adresse est vraiment un axe parlant.

Il me semble qu’il y a aussi, en filigrane, une vision de l’enfance, très respectueuse, et de la façon dont il est bon d’apporter des livres aux bambins (en respectant leurs désirs). Vous avez aussi été sensibles à cet aspect- là?

Sophie : Oui c’est vrai, j’ai ressenti ça aussi, cette idée qu’il faut faire confiance à l’enfant, le laisser analyser son environnement et ses émotions, lui offrir son indépendance… Toutes ces choses qui peuvent être facilitées avec les livres.

Pépita : Oui complètement. Pas de côté moralisateur mais un côté  » je vous propose, à vous de disposer et de partager avec votre enfant ces livres qui ont fait leur preuves chez beaucoup d’entre eux, alors pourquoi pas le vôtre ? Essayez, vous verrez…

Colette : Absolument !!! Et une vision de la parentalité aussi peut-être. Je suis en pleine recherche sur ma manière d’être mère, comment sortir de la « violence éducative » larvée, comment se mettre à portée des enfants (les miens aussi bien que ceux que j’ai en face de moi chaque jour en classe d’ailleurs) et les exemples analysés par Joëlle Turin m’apportent des réponses. Les titres analysés dans le chapitre « venir au monde » par exemple correspondent vraiment à ce que j’ai pu vivre avec mon aîné quand nous avons parlé de la naissance, la sienne puis celle à venir de son frère : les livres cités sont des nids à eux seuls pour accueillir en douceur la parole de l’enfant.

Tiens, c’est amusant ce que tu dis Colette, je me suis fait la réflexion que dans la bibliothèque de mon quartier ce livre est classé dans les ouvrages théoriques sur la littérature jeunesse alors que moi je l’aurais mis dans ceux sur l’éducation.
Parce que après tout, la lecture et son importance, c’est des choses dont on devrait  parler davantage aux jeunes parents, parfois c’est d’un plus grand secours que des ouvrages sur le développement de l’enfant ou la « bonne façon » d’être parents.

Colette : Complètement d’accord : c’est pourquoi j’aime offrir aux jeunes parents de mon entourage des albums à partager avec leurs bébés ! Et depuis deux ans lors de notre première réunion parents-professeurs, j’offre aux parents qui se déplacent un recueil de 7 histoires pressées de Bernard Friot que je les invite à lire chaque soir de la semaine avec leur ado car je suis intiment convaincue que quand on lit, on lie !

Pépita : Exactement : dans « ma » bib, j’ai créé en jeunesse un fonds professionnels ( au sens large) avec trois thématiques larges elles aussi, et ce livre est dans « éveiller l’enfant  » et utiliser un verbe est beaucoup plus dynamique, cela incite à l’action.
Je vous rejoins à fond sur la parentalité qui est largement interrogée aujourd’hui.

Vous comme moi étiez déjà convaincues de l’importance de la lecture aux enfants, quand vous l’avez lu, est-ce que ce livre a été pour vous une motivation supplémentaire ? Est-ce que vous avez eu envie de découvrir des albums qu’elle cite que vous ne connaissiez pas?

Colette : Oh oui oui oui !!! Le tout petit invité d’Hélène Riff a l’air d’être une merveille aussi bien sur le fond que la forme. Je ne le connais pas du tout et j’ai très envie de le manipuler, de l’expérimenter, de le toucher ! Et puis il y a beaucoup d’albums que ce livre m’a invité à retourner voir, parce que des choses m’avaient sans doute échappé.

Pépita : Oui, d’une part en découvrir qu’on ne connaît pas et d’autre part approfondir les autres. Les albums ont cette faculté qu’ils interrogent en permanence. Par contre, c’est frustrant de lire des analyses d’albums comme celui que tu cites Colette, il est épuisé.

Sophie : En lisant ce livre, j’ai redécouvert autrement des titres que je connaissais et en effet, j’en ai découvert d’autres que j’aimerais maintenant lire. J’ai surtout eu envie de pousser ma réflexion plus loin sur certains titres. Je pense par exemple à l’album « Me voici » de Friedrich Karl Waechter qu’on avait déjà lu ici, et dont on avait fait une interprétation différente.

Pépita : Oui Sophie, je me suis faite la même réflexion.

Colette : Un titre que je ne connais pas, à découvrir !

C’est vrai que outre la découverte de nouveaux titres, on pose aussi sur les albums qu’on connait déjà un œil nouveau.
J’allais justement vous demander, pour conclure, si ce livre vous avait fait changer de regard sur un album ou fait évoluer votre façon de lire aux enfants.

Pépita : Mais sur plein d’albums ça fait changer le regard… Et c’est ça qui est bien de se remettre en cause. Sur la façon de lire non, on lit avec sa personnalité, sa voix, son corps… Je dirais que c’est plus intériorisé du coup… Par contre être plus dans l’observation pour certains albums sur la façon dont les enfants les perçoivent, oui. Et c’est magique !

Sophie : Comme Pépita, je ferais plus attention à ce qu’un album apporte particulièrement aux petits. Ce livre permet de faire un peu de rangement dans ses idées : savoir que la façon d’aborder un thème à telle ou telle signification dans le développement de l’enfant par exemple. Pour ce qui est de changer sa façon de lire, ça ne changera pas fondamentalement pour les mêmes raisons que ce qui a été dit.
Une chose est sûre, j’ai quelques lectures d’albums à prévoir et à mettre en parallèle avec le contenu de ce livre !

Colette : Ce livre n’a pas changé ma façon de lire aux enfants je pense car j’étais déjà convaincue de ce qui se joue dans la lecture d’albums mais il m’a terriblement donné envie de renouer avec l’analyse littéraire !!! J’ai eu envie en le refermant d’écrire des chroniques qui soient aussi précises, aussi sensibles à l’alliance du fond et de la forme, qui traite l’album jeunesse comme une œuvre d’art à part entière, riche de sens multiples.

Pépita : Oui et je trouve que c’est très difficile….Ce type de livre nous aide justement à prendre de la hauteur, mais à hauteur d’enfant. Et c’est déjà pas mal….

Carole : Idem, après ma première lecture, j’ai changé ma façon de proposer les albums en classe, et la disposition aussi. C’est aussi pour cette raison qu’il fait partie de mes « indispensables » toujours à portée de main. Et aujourd’hui que j’enseigne aux étrangers, je le reprends souvent. Il m’aide à remettre en question mes pratiques, ce qui dans le domaine de l’éducation, au sens large, me paraît si ce n’est nécessaire, vital, pour les élèves mais surtout pour moi. Ces livres qui nous font avancer, nous bousculent, nous questionnent, nous aident à grandir aussi, non ?

Effectivement, la lecture de cet essai est stimulante, on a envie de lire tous les albums proposés et plus encore de les lire à des enfants… A ce propos, Pépita soulignait que c’est parfois frustrant de lire les analyses d’albums épuisés. Je partage pleinement cet avis, la question des livres chers à nos cœurs qui sont actuellement indisponibles doit se poser, pourquoi pas à l’occasion d’un débat prochain à l’ombre du grand arbre ?