Lecture commune : Frères, Marie Le Cuziat & Hua Ling Xu

Saisir la quintessence de ce qui fait les liens d’une fratrie, c’est le petit miracle auquel parvient l’album Frères de Marie Le Cuziat et HuaLing Xu. Un album sur lequel nous avions envie de revenir, de réfléchir et d’échanger. Et c’est ainsi qu’un soir d’été Lucie, Linda et Colette se sont retrouvées pour écouter attentivement ce que le thème de la fraternité faisait résonner en elles.

Frères, Marie Le Cuziat, illustrations de Hua Ling Xi, L’étagère du bas, 2023.

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Lucie : Pour commencer Colette, as-tu envie de nous raconter pourquoi tu as proposé une LC de ce titre ?

Colette : A chaque lecture de cet album, c’est la même émotion ! C’est comme si les artistes avaient saisi la quintessence de ce qui unit des frères. Cet album résonne très fort avec ce que je peux observer à la maison quand je regarde mes deux garçons être ensemble. Quand ce titre a été proposé, c’était à l’occasion du prix A l’ombre du grand arbre et dans l’ensemble de la sélection (dans la catégorie Petites feuilles, pour laquelle il n’a finalement pas été retenu) pour moi celui-ci était vraiment le plus “poignant”, le plus poétique. Il mettait des mots simples sur quelque chose qui est pourtant ineffable. 

Colette : Au seuil du texte, une magnifique couverture. Qu’y avez-vous vu ? 

Linda : Cela peut paraître étrange mais j’y ai vu mes deux aînés. Un brun, un blond. Et cette mer derrière eux qui ramène aux vacances. Dans notre cas, des vacances sur la Côte d’Azur, chez leur grand-parents.

Lucie : Les deux frères du titre, que comme Linda j’ai imaginés en vacances à cause de la mer en fond. Deux frères un peu différents physiquement mais dans la même posture. Un peu comme une photo.

Colette : Comme toi, Linda, j’y ai vu mes enfants ! Même si la différence d’âge est plus prononcée chez nous ! Et dès la couverture j’ai été séduite par le style de l’illustration, il y a quelque chose de très “dense” dans le coup de pinceau de l’artiste. Mais nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir. 

Linda : Oui le style forcément. C’est la première chose qui m’a attiré quand j’ai vu les premiers visuels sur les réseaux sociaux. Il y a un petit quelque chose d’Olivier Desvaux dans la technique et le style.

Colette : Justement, comment décririez-vous le style des images ?

Lucie : Comme vous j’ai été immédiatement attirée par ces illustrations. Cela ressemble à de la peinture à l’huile, on voit les coups de pinceaux, la matière, ce qui donne aux scènes un côté très vivant, presque prises sur le vif.

Linda : Je trouve le trait très réaliste et en même temps la peinture laisse apparaître les coups de pinceaux qui rappellent un peu le style impressionniste. Surtout au niveau des paysages. J’y ai trouvé une vraie profondeur. Et oui, comme le dit Lucie, cela donne l’impression de moments pris sur le vif, à l’instar d’une photographie.

Colette : Parlons plus précisément des frères dont il est question dans cet album. Pourriez-vous les présenter tels que vous les avez rencontrés ? 

Lucie : On voit immédiatement le « grand » et le « petit », Arùn le brun et Rey le blond et, dans un premier temps, le texte met en évidence tout ce qu’ils font de différent.

Linda : On sait par la couverture que ces deux frères sont différents physiquement et le récit nous les décrit différent aussi en caractère. J’ai trouvé très intéressant la façon dont l’auteure, Marie Le Cuziat, a choisi de montrer ce qui les oppose pour mieux nous faire ressentir ce qui les lie. 

Colette : J’ai été particulièrement sensible à cette liste de tout ce qu’ils ne sont pas pour les présenter : “Ils ne sont pas amis, ni simples copains, ils ne sont pas voisins, ni mêmes cousins. Arùn et Rey sont frères.” Je trouve ça très juste. Etre frère c’est un entre-deux, et c’est unique à la fois. Est-ce que vous avez des frères et sœurs ? Je sais que pour moi, c’était toujours un peu compliqué de définir le lien qui m’unissait à ma sœur, ça ressemblait à de l’amitié mais une amitié vraiment particulière, une familiarité, une proximité unique.

Lucie : Ce qui m’a particulièrement interpellée c’est « Ils sont si différents que les gens s’interrogent, jettent des regards en coin. – C’est impossible ! Ces deux-là ne sont pas frères ! » que nous avons aussi beaucoup entendu avec ma sœur tant nous sommes différentes physiquement et psychologiquement. Comme si être de la même famille impliquait d’être semblables. C’est aussi une réflexion que me font beaucoup les parents d’élèves dont j’ai déjà eu les aînés : « Il/elle n’est pas du tout pareil/le que son frère/sa sœur. » Oui, évidemment, c’est un autre enfant, il n’y a pas de raison qu’il/elle soit pareil/le ! 

Colette : C’est tellement intéressant ce que tu dis Lucie ! Avec ma sœur, c’est le contraire, on nous dit souvent qu’on se ressemble beaucoup et je ne trouve pas forcément ça facile à entendre non plus ! Quant aux sempiternelles comparaisons entre les enfants, j’avoue qu’hélas je ne peux m’empêcher de comparer moi aussi mes garçons (même si je ne le fais pas à voix haute !) 

Linda : Je suis fille unique… Je ne connais donc ce sentiment de différence et d’appartenance qu’au travers de mes enfants. L’aîné me ressemble, les quatre suivants ressemblent à leur père mais chacun avec des particularités qui lui sont propres (yeux bleus pour l’un, cheveux bouclés pour l’autre)… et avec les jumelles, le besoin de se distinguer est encore plus marqué par un fort désir de ne pas être comparées. 

Lucie : Probablement parce que je n’ai qu’un enfant, j’ai plus pensé à mon enfance qu’à celle de mon fils en lisant cet album. J’imagine que cela a été le contraire pour toi Linda !

Linda : Oui absolument ! J’ai grandi entouré de nombreus.es cousin.es qui avaient tous une fratrie. C’est quelque chose qui m’a manqué. Vraiment. J’aimais l’attachement qu’il y avait entre eux, malgré les disputes, j’étais jalouse de cet autre qu’ils avaient. Alors qu’eux me jalousaient les privilèges matériels de l’enfant unique.

Colette : Ce qui est intéressant aussi dans cet album, c’est que les différences entre les deux frères vont au-delà du physique, ils ont aussi des activités, des comportements très différents. 

L’un observe, l’autre grimpe. L’un dessine, l’autre danse. L’un marche, l’autre s’envole.

Lucie : C’est aussi ce qui m’a plu : que Marie Le Cuziat ne s’arrête pas au physique, car la même éducation peut donner des personnalités très différentes. On le voit bien ici ! L’un semble beaucoup plus dans l’action et le mouvement que l’autre. Encore que dans ce passage on ne sache pas qui est “l’un” ou “l’autre”, donc les rôles sont peut-être susceptibles d’être parfois inversés…

Linda : Oui et elle parvient à montrer que même s’ils aiment passer du temps ensemble, ils apprécient aussi ces moments sans l’autre.

Colette : Et là où je trouve que l’album réussit à dire des choses particulièrement sensibles, c’est que ce qui va unir les deux frères c’est leur colère face à la remise en question de leur lien : sur ce point là ils se ressemblent. Ils revendiquent leur lien à l’unisson. Je trouve que l’autrice a réussi à créer un rythme particulier dans cet album qui n’est pourtant pas narratif : d’abord souligner les différences pour ensuite faire surgir la définition plurielle de ce qu’est la fraternité. 

Lucie : J’ai beaucoup aimé ce moment où les frères échangent sur leur vision de la fraternité. Qu’ils partagent leur vision de ce qu’est un frère.

L’avantage d’un album qui n’est pas narratif c’est qu’on peut parler de la fin sans craindre de divulgâcher. J’ai évidemment très envie de connaître vos réactions aux deux dernières pages qui voient le soir tomber sur cette journée de vacances des deux frères. Avez-vous envie de partager ce que vous en avez pensé ?

Colette : Ce sont justement ces deux dernières pages qui me bouleversent à chaque lecture parce que c’est exactement comme ça que ça se passe à la maison. La question du lit partagé est une question centrale, qui revient sans cesse depuis que Nathanaël a 6 ans. Pour lutter contre ses terreurs nocturnes, on a demandé à son frère s’il accepterait de dormir dans la même chambre que lui et si ça rassurerait Nathanaël que son frère dorme dans la même chambre. Ils ont accepté et pendant presque 4 ans ils ont dormi dans la même chambre dans des lits superposés. Et encore aujourd’hui, mon grand garçon de 15 ans accepte ponctuellement de dormir avec son petit frère quand il le lui demande. Sans entrer dans tous les détails de l’histoire des 2 frères, l’autrice et l’illustratrice arrivent en quelques mots, quelques images à saisir la beauté de ce qui unit des frères. Jusque dans leur sommeil. 

Linda : Nos jumelles dorment ensemble. On a tenté la séparation mais ça n’a pas tenu longtemps… Juliette a par ailleurs besoin d’être rassuré en permanence et Gabrielle prend souvent le temps d’attendre qu’iel dorme pour poser son livre. Donc forcément ça me parle beaucoup ! Et je trouve que cela suffit à montrer l’attachement qui existe entre ces deux frères de façon intrinsèque.

Colette : Quelle définition donnée par les garçons de la fraternité avez-vous préférée ? 

Linda : Frères, c’est se ressembler et parfois pas du tout. C’est s’éloigner pour mieux se retrouver. Frères, c’est puissant.” Car elle s’appuie sur la force du lien plus que sur sa fragilité. Et parce que c’est ce que j’observe chez mes enfants mais aussi dans la fratrie de mon mari (il est l’aîné de quatre enfants). Ils vivent tous loin les uns des autres et ne se voient pas souvent mais quand ils sont ensemble, c’est naturel, comme s’ils s’étaient quittés la veille. Je trouve ça vraiment beau et puissant !

Lucie : Je crois que c’est cette fin de paragraphe justement « Etre frères c’est puissant« . Le qualificatif « puissant » dans son acceptation la plus large. Parce que les émotions qu’apporte la fraternité sont puissantes quand elles sont positives mais aussi quand elles sont négatives. Ton frère/ta sœur te connaît tellement bien qu’il a la possibilité de t’élever comme de t’abimer. Il me semble que le côté “fragile” évoqué dans la page suivante apparaît plus à l’âge adulte. Comme tu le disais Linda, parfois la vie nous éloigne et il faut alors créer les occasions de se retrouver et d’entretenir ce lien. Et toi Colette, quelle est ta définition préférée ?

Colette : “Frères, c’est être avec ou être à côté”. J’aime beaucoup cette définition. Il n’y a pas d’obligation à partager des confidences, des secrets, pour être intimes, quand on est frères. Parfois juste être assis l’un à côté de l’autre pendant des heures dans une voiture nourrit le lien de fraternité. 

Linda : En effet. Mais je crois que les parents ont un rôle à jouer là aussi. Ils sont le lien qui les lie, ils doivent tenter de le préserver, de le rendre fort, pour que même quand ils ne seront plus là, les enfants-adultes prennent le temps de se retrouver.

Colette : Tu remarqueras Linda que les parents sont complètement absents de l’album. Et je trouve que ça renforce le discours des enfants. Qu’en pensez-vous ? 

Lucie : Je rejoins Linda : les parents bien qu’absents de cet album ont un rôle très important à jouer dans la construction du lien, notamment en évitant de comparer leurs enfants, en n’insistant pas sur les différences, et en ne les mettant pas en concurrence (par exemple sur les résultats scolaires).

Linda : En effet. L’absence des parents permet aux enfants d’exprimer leur ressenti et de parler de leur lien sans avoir à sentir « peser » le regard critique de l’adulte. D’ailleurs le seul moment où on mentionne les adultes c’est bien pour mettre en avant l’aspect comparatif.

Colette : En tout cas je pense pouvoir dire qu’une des forces de cet album c’est qu’il fait résonner en nous nos histoires familiales, aussi bien celles de notre enfance que celles de notre vie de parent !  

Linda : Oui, c’est certain ! Comme quoi le sujet s’adresse à un public large, probablement parce que la fratrie est un peu le cœur de la famille.

Lucie : C’est ce que je me disais aussi : cet album a vraiment été source de discussions et de partage de souvenirs. Je pense que c’est parce que la fratrie est quelque chose de très vivant, mouvant dans le temps et qui prend une grande place dans nos relations familiales. Je suis sûre que vous aussi vous reconnaissez des choses de vos (beaux-)frères et sœurs dans vos enfants, ce qui alimente encore cette relation (parfois à notre corps défendant !)

Colette : Et je pense que cette universalité du sujet abordé est renforcée par l’environnement qui accueille l’histoire de nos deux garçons, la nature, l’horizon, la petite maison chaleureuse… il y a quelque chose d’intemporel dans cet album, quelque chose de “déconnecté” de notre époque (si vous voyez ce que je veux dire !) 

Lucie : Tu as raison Colette. C’est un choix très pertinent de l’illustratrice car, comme nous le disions, la relation évolue dans le temps mais tous les frères – et sœurs – sont passés et passeront par là. J’aime aussi que cela se déroule pendant les vacances, moment où les liens se resserrent grâce au temps retrouvé et partagé.

Linda : Oui. Avez-vous aussi ressenti ce sentiment de nostalgie en observant les illustrations ?

Colette : Exactement ! Le temps partagé est un temps de jeux, de lecture, un temps de baignade, d’exploration dans la nature… Sans écrans !!! Ça m’a frappée, cette absence des écrans et par effet boomerang j’ai pris conscience de la place que les écrans avait pris dans la vie de nos enfants (et dans la nôtre aussi !) quitte à empêcher les liens de se nourrir de notre vraie présence au monde et à l’autre. 

Lucie : Oui, j’ai moi aussi ressenti cette nostalgie. Avez-vous une idée de l’origine de ce sentiment ?

Linda : C’est probablement lié à cette “déconnection” dont parle Colette. Les activités des enfants nous ramènent à notre propre enfance, nos propres activités de vacances… Et puis il y a l’absence de véhicules, cela donne aussi un sentiment de calme et de reconnection à la nature tout en nous renvoyant l’image d’un monde plus désuet.

Colette : J’ai une dernière question : est-ce que vous pensez que le genre des personnages influe sur la réception de l’album, est-ce que des sœurs pourront se reconnaître ?

Linda : Sincèrement, je ne suis pas sûre que cela soit gênant. Les enfants voient ce qu’ils veulent dans les personnages, non ? 

Colette : Je pense comme toi, c’est ce qui est beau dans le lien de fraternité, c’est vraiment un lien universel, qui n’est pas différent selon le genre. 

Lucie : Je ne pense pas que le genre influe, en revanche j’ai personnellement immédiatement pensé à ma sœur plutôt qu’à mon frère. Peut-être que l’on est plus tenté de penser à un frère ou une sœur du même sexe que soi ?

Linda : Oui, comme toi, en ramenant le sujet à mes enfants, j’y ai vu soit mes fils, soit mes filles… Mais jamais les deux.

Lucie : Peut-être parce que sinon la différence saute tellement aux yeux que l’on ne comprendrait pas l’agacement des enfants face aux réflexions des adultes ? Mais je pense que le lien fraternel parlera de toute manière à ceux qui en ont fait l’expérience.

Linda : Je ne sais pas. J’ai un.e enfant qui est souvent pris.e pour un garçon, tout en ne s’identifiant à aucun genre, et pourtant jamais je n’aurais pensé à la.le comparer à un de ses frères. Finalement ce sont les autres, ceux qui ne sont pas de la famille, qui vont se permettre des réflexions. Donc oui, j’imagine que chacun peut s’y retrouver à partir du moment où il.elle a vécu l’expérience de la fraternité que ce soit en tant que frère.sœur, ou en tant que parent.

Lucie : Concluons si vous le voulez bien avec la question traditionnelle : à qui recommanderiez-vous cet album ?

Colette : Suite à nos échanges précédents, je recommanderai ce livre à des enfants entre 5 et 10 ans. Mais comme toujours il me semble qu’adolescent.e.s ou adultes pourront y trouver leur “compte”. 

Lucie : Tout à fait d’accord avec toi. Comme on a pu le dire, cet album peut entretenir ou rappeler des souvenirs à tous ceux et celles qui ont des frères et sœurs et aux parents de fratries. Il prend aux tripes et parle directement à l’enfant en nous.

Linda : Je crois qu’il peut être intéressant de recommander cet album à des enfants encore jeunes mais suffisamment grands pour se retrouver dans les deux frères de l’histoire. Des enfants d’une même fratrie, mais aussi des parents, des adultes…

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Avez-vous lu cet album ? Vous a-t-il, comme nous, plongés dans les souvenirs de vacances de votre enfance tout en jetant un regard ému sur vos enfants ?

Billet d’été : Réflexions d’un sportif de 10 ans.

Ce billet d’été m’a été inspiré par mon fils cadet, un garçon de 10 ans qui tourbillonne, court, saute, grimpe, danse, lance depuis qu’il est né, avec une grâce et une dextérité qui m’a toujours émerveillée. Quand il a su que les Jeux Olympiques et Paralympiques auraient lieu dans son pays cette année, il a été pris d’une irrésistible passion pour le sujet et en quelques mois, il est devenu l’expert de la famille. Palmarès, biographies, records des athlètes qui nous ont fait vibrer cet été sont devenus ses mantras et comme savent si bien le faire les enfants, il a engrangé un nombre incroyable de connaissances sur le sujet en quelques mois. C’est à cette passion dévorante que je voulais dédier mon billet d’été, car si le sport est entré dans ma vie c’est bien grâce à cet athlète en devenir qui grandit dans mon nid.

Colette. – Nathanaël, comment est née ta passion pour le sport ?

Nathanaël. – Ma passion pour le sport est née grâce au mouvement. Jouer avec un ballon, sans ballon, courir, m’amuser, gagner, perdre, apprendre, voilà tout ce que j’adore !

Colette. – Est-ce que tu te rappelles de la première fois que tu as fait du sport ?

Nathanaël.- oui, à 5 mois quand j’ai commencé à jeter des choses ! Et quelques mois plus tard quand j’ai découvert que je pouvais courir !

Colette. – Quel est ton sport préféré ?

Le handball évidemment, parce que j’aime jouer avec un ballon, gagner, perdre, courir apprendre à être fair play, apprendre à jouer en équipe, avec mes copains. Je fais du handball depuis que j’ai 8 ans, j’ai été initié par mon frère aîné qui en fait depuis qu’il a 10 ans.

Colette. – Pour nourrir cette passion, nous sommes souvent allés à la médiathèque ou à la librairie. Quels sont les livres qui t’ont marqué ?

Nathanaël. – J’aime bien lire la vie des athlètes, en ce moment sur ma table de chevet il y a la vie de Rafael Nadal par exemple, que j’admire beaucoup.

Rafa, Rafael Nadal et John Carlin, J’ai lu, 3013.

J’aime aussi le livre que tu m’as offert pour mon mois-siversaire de Mai Les Stars des jeux olympiques et paralympiques de Françoise Ancey où on découvre la vie de nombreuses champion.nes olympiques et paralympiques des JO d’Athènes en 1896 à 2020.

Les Stars des Jeux olympiques et paralympiques, Françoise Ancey, Hugo Jeunesse, 2023.

J’aime aussi les documentaires dédiés à un sport en particulier par exemple celui sur le handball que nous avons emprunté à la médiathèque.

Le handball raconté aux enfants, Frédéric Brindelle, La Matinière jeunesse, 2009.

J’ai aussi adoré le livre que j’ai lu à l’école sur Clarisse Agbégnénou.

Combattre pour être soi, les conseils d’une championne, Clarisse Agbégnénou, Rageot, 2021.

Et celui que tu m’as offert sur la plus jeune championne olympique des JO de 1936, Marjorie Gestring, qui a participé aux côtés du champion Jesse Owens dont j’ai découvert l’histoire à l’école.

La véritable histoire de Marjorie Gestring, la plus jeune championne aux Jeux de 1936, Sophie Adriensen, Mary-Gaël Tramon, Bayard Jeunesse, 2024.

Colette. – Mais je sais qu’il n’y a pas que les livres qui nourrissent ta curiosité sur les JOP. Peux-tu nous présenter les autres médias que tu as découverts pour assouvir ta passion des JOP ?

Nathanaël.– J’ai bien aimé écouter le podcast « Théo, le taxi » avec Théo Curin, nageur handisport, conférencier, mannequin, acteur, chroniqueur, qui conduit un taxi et qui prend dans sa voiture un.e athlète pour l’interviewer. J’ai aimé l’épisode avec Elodie Clouvel qui a été médaillée d’argent au pentathlon dimanche 11 août. Il interviewe aussi des athlètes des jeux paralympiques comme Natenin Keita championne de para-athlétisme ou Axel Bourlon en para-altérophilie..

Colette. – Pourquoi aimes-tu cette émission en particulier ?

Nathanaël. – Parce qu’il montre des athlètes, comment il et elles sont vraiment, combien de chances ils ou elles peuvent avoir aux JOP Paris 2024. Théo fait des petits défis ludiques avec l’athlète invité.e : l’athlète choisit un endroit où il/elle veut aller : par exemple Clarisse Agbégnénou a voulu aller à l’aréna du champ de Mars où elle serait en compétition pendant les JOP.

Et dans mes émissions télévisées préférées, j’ai bien aimé « Aux jeux citoyens », notamment le feuilleton des jeux où tu te focalises sur un.e athlète, par exemple Séraphine Okemba, joueuse de rubgy à 7, même si elle n’a pas eu de médaille aux JO. Et avant le feuilleton des jeux, il y avait un focus sur les chances de médailles. Aujourd’hui, nous sommes le 11 août, c’est le dernier jour des JO, alors je peux comparer avec les données qu’on avait à ce moment là, c’est très intéressant de comparer maintenant avec les prévisions, on peut voir le chemin parcouru.

https://www.france.tv/france-3/aux-jeux-citoyens/

J’ai aussi vu des documentaires, par exemple celui sur Teddy Riner de 2013 à 2016, j’ai bien aimé car c’est une idole pour moi, au judo, je l’adore, comme mon père. Parce qu’il est grand, massif, costaud, il est dans la catégorie des plus de 100 kg, il a été 11 fois champion du monde, 5 fois champion olympique. J’ai bien aimé ce documentaire car il parle de sa vie, il raconte comment ça allait se passer pour les JOP de Rio, la finale était contre l’athlète Japonais qu’il a gagné en 20 secondes. C’est très impressionnant.

Teddy dans l’ombre de Riner, Yann Lhénoret, 2016.

Colette. – Qu’est-ce que tout ce que tu as lu, regardé ou écouté sur les JOP t’a apporté ? Des émotions particulières ? Des modèles dont tu aimerais t’inspirer ? Des connaissances sur le sport ?

Nathanaël. – Me renseigner sur les sportifs et les sportives m’inspirent car j’aimerais jouer au handball professionnellement et à travers les histoires des champion.nes je peux comprendre les qualités nécessaires pour se dépasser sportivement. Et puis le sport permet d’éprouver de grandes joies, des joies communicatives, qu’on partage avec tous.tes les spectateurs et les spectatrices.

Colette. – Quel est le sportif ou la sportive que tu préfères ? Pourquoi ?

Nathanaël. – Chez les femmes, c’est Clarisse Agbégnénou, c’est une wonderwoman, elle peut tout faire, être mère, championne du monde de judo, championne olympique, elle est marraine de plusieurs associations et combat le tabou des règles dans le sport en soutenant une entreprise française qui fabrique des culottes menstruelles. Chez les hommes, il y a Teddy Riner dont j’ai déjà parlé et LeBron James pour les mêmes raisons, il est costaud, massif et très fort.

Colette. – De toutes les anecdotes que tu connais maintenant sur la vie des champions et des championnes, est-ce qu’il y en a une que tu aimerais raconter ?

Nathanaël. – J’ai été très impressionnée par le parcours de l’escrimeuse Bébé Vio, elle a été atteinte à 11 ans d’une méningite fulminante à méningocoque C dont elle n’a pu être sauvée que grâce à l’amputation de ses 4 membres et surtout grâce à son rêve de refaire de l’escrime, sport qu’elle pratique depuis qu’elle a 5 ans. Je trouve cette championne très courageuse.

Colette. – Tu as eu la chance d’aller aux JOP de Paris 2024 : quel est ton meilleur souvenir ?

Nathanaël. – Un des meilleurs moments que j’ai vécus, c’est après le match de handball masculin entre le Danemark et l’Argentine, quand les spectateurs et les spectatrices sont restés dans l’Arena Paris Sud 6 pour regarder en direct la finale du 200 mètres brasse masculin sur nos téléphones et où ensemble on acclamait Léon Marchand qui nageait à plusieurs kilomètres de là où nous étions ! Quand il a gagné, on s’est tous.tes mis.e.s à chanter la Marseillaise, et on était joyeux ensemble. C’était un moment magique.

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J’ai aimé observer la passion de Nathanaël grandir au fil de ses découvertes sur les jeux olympiques et paralympiques, j’ai aimé écouter ses questions sur les chances de médailles de la France, définir ce qu’est l’optimisme et le pessimisme par rapport à cette question qui a rythmé nombreux repas de famille, j’ai aimé aborder avec lui ce continent qui m’était jusque là complètement inconnu. Celui de l’olympisme, ses valeurs, ses règles, ses rêves. L’olympisme dont le discours sur l’humain, sur ce dont il est capable, quand le corps et l’esprit sont unis, m’ont peu à peu touchée. Bousculée. Chamboulée. Au point que même sans mon fils à mes côtés, je me suis surprise à regarder la mini-série documentaire « Le nouvel essor de Simone Biles » et à réclamer de faire une halte culturelle lors de notre séjour parisien au Palais de la porte dorée pour découvrir l’incroyable exposition « Olympisme, une histoire du monde ».

Parce que l’Olympisme, visiblement, nous permet de grandir en philosophe !

Un genre pas comme les autres : place au théâtre !

Colette. – Hé, les copinautes, ça vous dirait une sélection thématique dédiée au théâtre ?

Frédé. – Ah ! Oui ! Très bonne idée

Isabelle. – Ouh la la, les filles, je vais avoir du mal à vous suivre car J’ADORE aller au théâtre mais je ne lis jamais de pièce de théâtre.

Blandine. – Idem, autant j’aime beaucoup aller au théâtre mais je ne suis pas du tout sensible à sa forme livresque.

Héloïse. – Idem, je n’en lis jamais.

Lucie. – J’ai vu des adaptations d’albums ou de romans au théâtre mais je ne crois pas avoir lu du théâtre en littérature jeunesse, je suis curieuse de découvrir vos suggestions !

Linda. – Ca tombe bien ! J’ai quelques propositions à vous faire en effet !

Au cœur du forum, un brouhaha se fait entendre, entrecoupé de silences gênés. Les arbronautes continuent de discuter et se mettent finalement d’accord pour vous proposer une ST.

Les trois coups retentissent.

Rideaux !

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Pour Colette, il est une maison d’édition incontournable en ce qui concerne le théâtre jeunesse : ce sont les fabuleuses éditions théâtrales jeunesse (mais nous aurons sans doute l’occasion de vous en reparler !) Et au cœur de leur incroyable catalogue, deux pièces reviennent chaque année ponctuer les lectures des élèves de sixième de la collectionneuse de papillons et d’histoires, deux pièces de Suzanne Lebeau : L’Ogrelet et Gretel et Hansel. A chaque fois, il s’agit pour la dramaturge de revisiter des figures archétypales issues des contes traditionnels et à chaque fois il s’agit pour elle de redonner le pouvoir aux enfants à travers une langue poétique, délicate, savoureuse qui nous amène à explorer, au delà du merveilleux, les liens qui se tissent au sein des familles : dans L’Ogrelet, il s’agira de triturer ce qui se joue entre une mère et son fils, dans Gretel et Hansel, c’est la fratrie qui est mise à mal. Mais à chaque fois, de leur quête initiatique, les personnages de Suzanne Lebeau ressortent grandis, magnifiés, puissante et puissant. Tout ce que l’on souhaite aux jeunes lectrices et aux jeunes lecteurs qui se plongeront dans leur histoire.

L’Ogrelet, Suzanne Lebeau, éditions théâtrales jeunesse, 2003.
Gretel et Hansel, Suzanne Lebeau, éditions théâtrales jeunesse, 2014.

Pour une lecture commune de L’Ogrelet, c’est par là.

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Pour Linda, la collection Théâtre des éditions L’école des loisirs est un autre incontournable en théâtre jeunesse dont le catalogue offre une grande diversité de beaux textes à lire à voix haute et à plusieurs et, pourquoi pas, mettre en scène. Parmi leur abondante collection, deux titres ont su toucher Linda et ses demoiselles, notamment grâce à leur mise en scène par des compagnies professionnels : Le pays de rien et La jeune fille, le diable et le moulin. A chaque fois, les auteurs empruntent aux codes du conte pour écrire un récit plus personnel qui amènent des questionnements sur la prise de pouvoir décisionnaire de l’enfant dans son émancipation.
Ainsi dans Le pays de rien, Nathalie Papin écrit une pièce philosophique qui interroge la question du pouvoir et de son endoctrinement. De part une écriture précise et concise, elle parle d’émancipation et de la quête de liberté chez une enfant prisonnière de son héritage.
Alors que de son côté, Olivier Py construit son intrigue à partir de personnages et symboles stéréotypés des contes traditionnels, ici La jeune fille sans main des frères Grimm, tout en parvenant à créer une œuvre à part entière, écrite d’une plume imagée et poétique. Il conserve ainsi le merveilleux et la lutte entre le bien et le mal pour interroger la cupidité dans la prise de décision d’un père prêt à tous les sacrifices.
Récits initiatiques, il est question, dans les deux pièces, d’une rencontre déterminante dans le cheminement d’une jeune fille qui puise force et courage d’affronter l’autorité paternelle pour conquérir sa liberté.

Le pays de rien de Nathalie Papin, l’école des loisirs, 2002.
La Jeune Fille, le Diable et le moulin d’Olivier Py, l’école des loisirs, 1995.

Pour un retour sur la pièce Le pays de rien par la compagnie La petite fabrique, c’est ICI.

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Pour Liraloin, le théâtre est une belle histoire. Durant ses jeunes années la pratique de cet art fut un réel plaisir et maintenant en lire est devenu une évidence. Les Editions espaces 34 – collection Théâtre jeunesse offrent une multitude de textes avec des thématiques actuelles. Voici quelques pièces inspirantes !

Ma langue dans ta poche de Fabien Arca, 2020

Loubia est un vrai moulin à paroles, elle est tout le contraire de Louis. Après tout, il a peut-être raison Louis de ne pas s’exprimer ? Loubia ça la rassure ce silence en compagnie de Louis, elle pense ou réfléchit à des situations qui l’aide à mieux comprendre le monde : «Ton silence il me rassure. Dans ton silence, je peux m’entendre. ». Louis lui permet d’exister car entre une mère dépressive qui répète sans cesse d’être « gentille » et un frère trop intrusif, Loubia tente de se « défendre » de cette vie trop morose comme elle peut. Dans cette pièce Loubia nous livre des pensées et nous parle de situations pas toujours faciles à vivre au quotidien. Forte tête et bavarde, Loubia respire au même rythme que Louis dès leur première rencontre. Ralentir pour observer et mieux comprendre le monde des adultes. Ce quasi monologue ponctué de poèmes nous révèle une écriture d’une belle fraicheur.

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Melody et le Capitaine de Gilles Granouillet , 2022

Le Covid est passé par là, Mélody est forcée de passer ses vacances avec un papy qu’elle ne connait pas. La joie n’est pas au rendez-vous surtout que pour rejoindre la maison de son grand-père il faut effectuer une traversée en rafiot, qui n’a pas l’air de toute première jeunesse. Incompréhension et rébellion règnent sur le bateau mais bientôt d’autres perturbations sont attendues. Vivant et joyeux ce texte nous réserve bien des surprises dont les événements vont crescendo pour notre plus grand plaisir.

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L’arbre boit de Christophe Tostain, 2015

Après l’hiver, Jeune Branche profite du printemps pour pousser, se faire belle et accueillir de nouveau son amie hirondelle, celle qui revient de voyage, celle qui fait rêver Jeune Branche d’un ailleurs si exaltant… rien à voir avec la vie menée et rythmée par les bons vouloirs de Vieille Racine qui décide de la distribution d’eau. La soif tiraille non seulement Jeune Branche mais aussi Grand Tronc et la Colonie des Feuilles… Au cœur de cette pièce pour le très jeune public il est question non seulement du vivre ensemble mais aussi de la soif de liberté et le prix à payer pour l’atteindre peut être parfois très fort…

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Et Isabelle, donc, ne lisait pas de pièces de théâtre, préférant aller voir jouer les pièces – en tout cas jusqu’à la cogitation sur cette sélection qui la fera sans aucun doute changer d’avis. Quel plaisir, pourtant, de compléter cette sélection avec un titre consacré à LA star de la littérature anglaise : Sir William Shakespeare himself ! Avec lui, c’est l’histoire du théâtre qui se dévoile, au fil des pages du fabuleux documentaire édité par les éditions Little Urban. À Londres, à l’époque, 1/5 de la population assistaient quotidiennement à un spectacle. Ce n’était pas de la tarte entre les risques d’épidémie (le premier théâtre londonien se situait hors des murs de la ville, plus prudent), une bonne dose d’impro vu le nombre de pièces que les comédiens devaient s’approprier en peu de temps, le taux de mortalité parmi les personnages et le sang qui giclait par le truchement de poches de sang d’animaux… Les anecdotes sont réjouissantes, mises en valeur par ces pages joyeusement colorées. Au fil des pages, on ne peut qu’être sidéré.e par la richesse de l’œuvre shakespearienne qui couvre tous les genres, de la tragédie à la comédie et aux pièces historiques, en passant par la romance et la poésie. Maintenant « to read or not to read, that is the question ! »

Le Monde Extraordinaire de William Shakespeare, d’Emma Roberts, Little Urban, 2022.

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Lisez-vous du théâtre ? Avez-vous quelques textes à nous partager?

Notre autrice essentielle : Annelise Heurtier

En cette rentrée, nous vous proposons une nouvelle rubrique : nos auteur.e.s essentiel.le.s !
L’idée est de vous y présenter sous des formes variées les œuvres d’un.e auteur.e à l’univers fort, dont nous aimons toutes les œuvres.

Comme c’est en interviewant Annelise Heurtier en avril dernier qu’est née cette envie, il nous a paru logique de commencer par ses romans. Voici donc les œuvres qui nous ont le plus touchées, présentées sous forme de lettre à un personnage, d’abécédaire ou d’une interview.

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Le choix de Colette

Combien de terre faut-il à un homme ? Annelise Heurtier, Raphaël Urwiller, d’après Tolstoï, Editions Thierry Magnier, 2014.

2 août 2023

Cher Pacôme,

je vous écris depuis le XXIe siècle où votre histoire résonne encore et toujours. TRAGIQUEMENT. Combien de terre faut-il à un homme ? A l’heure où l’humanité a épuisé les ressources renouvelables en un an de la planète, nous pourrions même transformer la question en mettant une majuscule au mot Terre.

Cher Pacôme, vous chez qui j’ai senti l’amour de la terre, celle qui nourrit, qui fleurit, qui enveloppe, qui soutient, pourquoi n’avoir pas su vous réjouir de votre « petit champ balayé par les vents » , de l’odeur du bortsch qui flotte dans l’isba où se réunit toute votre famille à l’heure du déjeuner ? Je vous pose cette question, Pacôme, mais je ne vous blâme pas. Moi aussi, souvent je suis animée de l’irrépressible besoin de posséder. Il faut dire qu’encore plus qu’à votre époque, toute la société dans laquelle je vis m’y encourage. Mais j’ai une bonne nouvelle cependant, mon cher Pacôme, il me semble que des hommes et des femmes, ici ou là, chantent désormais un nouveau refrain, un refrain qui loue la sobriété, l’humilité et la gratitude. Un refrain sans doute semblable aux chants des Bachkirs dont je nous souhaite d’entendre les joyeuses leçons, celles que nous n’avez pas reconnues mais qui grâce à votre histoire parviennent à nos oreilles aujourd’hui. Je nous souhaite comme eux de nous retrouver au son des balalaïkas, des kalimbas et autres târs pour célébrer nos jardins, nos forêts, nos déserts et tous nos « petits champs balayés par les vents ». De là où vous êtes, mon cher Pacôme, j’espère que vous entendrez ce chant.

Colette, collectionneuse de papillons et de jolies histoires.

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Le choix de Lucie

La fille d’avril, Annelise Heurtier, Casterman, 2018.

Bonjour Izia ! Peux-tu nous expliquer ton rôle dans La fille d’avril ?
Je n’apparais que très peu ! Je suis un peu le catalyseur, l’excuse qui permet à ma grand-mère de raconter sa jeunesse.

Qu’as-tu découvert ?
Tout ! J’adore ma grand-mère, mais je n’avais jamais pris le temps de l’interroger sur sa vie. A travers son histoire j’ai beaucoup appris sur notre famille, son parcours, mais aussi sur la condition des femmes dans les années 60.

Quelles informations t’ont le plus marquée ?
Ce n’est peut-être pas l’essentiel, mais j’ai trouvé que les détails concrets étaient particulièrement signifiants. Le fait qu’il n’existait pas de baskets pour les femmes, l’harnachement nécessaire pour les règles, l’interdiction de porter des pantalons, et cette méconnaissance de la physiologie féminine ! Je savais que cela avait existé mais je n’imaginais pas que ma grand-mère l’avait vécu !

Pour finir, cette discussion a-t-elle changé ton regard sur ta grand-mère ?
A l’amour que je lui porte s’est ajouté une immense admiration pour sa force et sa ténacité. Qu’elle ait partagé son histoire et ses rêves nous a rendu encore plus complices qu’avant. J’adore ça !

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Le choix d’Isabelle

Sweet Sixteen, Annelise Heurtier, Casterman, 2013

Chère Molly,

Nous vivons dans des époques et des pays différents mais nous partageons les mêmes rêves : des rêves d’égalité, d’une éducation digne de ce nom.

Hier comme aujourd’hui, cela ne coule pas de source, même quand on a la loi de son côté. Tu en as fait l’amère expérience en 1957, suite à la décision de la cour suprême américaine de mettre fin à la ségrégation dans les écoles publiques américaines. Forte de tes espoirs et confiante en tes capacités, avec huit autres élèves noirs, tu t’es inscrite au lycée le plus prestigieux de Little Rock jusque-là réservé aux Blancs. Réalisais-tu le pas que cela représentait, le courage immense qu’il vous faudrait face à l’hostilité des 2500 autres élèves et à la violence des réactions qui embrasèrent toute la ville, obligeant le président Eisenhower à vous faire protéger par l’armée ? Nulle vexation, humiliation ou intimidation ne vous aura été épargnée. Je n’ose imaginer à quel point cette année, qui devait être celle de tes Sweet Sixteen, a été dure. Personne, et surtout aucun enfant, ne devrait avoir à traverser de telles épreuves. Je voudrais pouvoir les effacer mais je n’en ai pas le pouvoir.

Ce que je peux faire, c’est te dire que cela n’aura pas été en vain. Tu as écrit une page importante de l’histoire des droits civiques. En t’exposant en première ligne, tu es devenue une pionnière de la conquête de nouveaux droits au respect et à l’éducation. Tu as contribué à repousser l’horizon des possibles pour des milliers de personnes. J’ai été bouleversée par la volonté sans faille que toi et les autres avez opposée à la foule forcenée. Alors certes, les mentalités n’évoluent que lentement et difficilement. Mais les Little Rock Nine et toi avez prouvé que pas à pas, les luttes émancipatrices peuvent faire bouger les lignes.

Pour ton courage et ta contribution à une société plus égalitaire, merci !

Isabelle

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Le choix de Liraloin

Des sauvages et des hommes, Annelise Heurtier, Casterman, 2022

HOMME

H :  je t’ai vu, au début je n’ai pas osé te regarder, tu es un homme si différent. J’étais certainement impressionné par cet accoutrement tellement loin de ce que je connais car je vis ici et toi là-bas mais quelque chose en moi me pousse à vouloir te connaître.

O : c’est un peu comme cette cage, cet enfermement qui nous rapproche, il n’y a pas de début ni de fin, juste un trait qui se rejoint. Toi, ici, loin de chez toi, moi, ici, chez moi mais en aucune façon libre de choisir ma voie et mon destin.

: comme cette mer que tu as traversé pour venir dans ce lieu d’espoir, d’avenir pour ta famille restée au pays. Une famille qui attend beaucoup de toi, c’est un poids sur les épaules que je ressens également. Héritage infernal, vie toute tracée…

M : comme le mensonge, à toi l’espoir vite brisé par cette gigantesque mascarade. A moi cette honte qui m’envahit en pensant à ce que des hommes peuvent créer et imaginer pour s’enrichir, n’hésitant pas à anéantir ses propres semblables.

: Egalité :  voilà ce que j’écris depuis ce matin, car aujourd’hui ma décision est prise et j’irais là où personne ne m’attend, j’irais contre tous quitte à être chassé, banni et rejeté. Je suis prêt !

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Le choix de Blandine

Le carnet rouge. Annelise HEURTIER. Casterman romans, 2011

Lycénne de 16 ans, Marie
Emotions d’adolescence et d’identité

Chercher à connaître malgré les silences de sa mère
Alex, l’ami précieux
Révélations par les pages d’un carnet confié
Népal, pays des origines
Enfant-Déesse Kumari
Traditions hindouistes et bouddhistes

Relations mères-filles à apaiser
Ouvrir, communiquer, grandir, s’émanciper
Un roman aux thématiques entremêlées
Grande sensibilité d’écriture
Et avoir envie d’en découvrir davantage

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Et vous, quel roman d’Annelise Heurtier préférez-vous ? Que pensez-vous de cette nouvelle rubrique ?

Billet d’été : du transport des livres aux livres qui transportent !

J’avoue, j’ai toujours été fascinée par les bibliothèques itinérantes, les espaces de lectures délocalisés, improbables, ouverts. J’aime, lorsque je suis en voyage, me retrouver face à une cabane à livres dans le recoin d’un village perché, participer à des lectures à haute voix sur les rives d’un ruisseau, lire un kamishibaï au pied d’un phare, m’installer sur un tapis dans un jardin et raconter des albums aux enfants de mes amies. Je chéris toutes les initiatives qui sortent le livre de ses étagères et qui le rendent accessible au plus grand nombre : que ce soit la « bibli des deux ânes » de Luis Soriano Bohorquez, bibliothécaire bénévole qui, depuis plus de vingt ans, arpente les montagnes de Colombie pour partager ses livres avec les enfants, ou encore l’Ideas Box des Bibliothèques sans frontières qui rend accessible la lecture dans les endroits où la guerre et la misère font rage. Ces projets de livres qui voyagent, quoiqu’il arrive, me réjouissent. Car oui, tous ces projets sont des signes que de nouveaux récits sont possibles, à portée de mains, et que des femmes, des hommes ont à cœur de les faire vibrer très fort dans n’importe quel endroit du monde. C’est pourquoi, pour mon billet d’été, j’ai choisi de vous présenter des livres qui rendent hommage aux bibliothèques itinérantes, réelles ou imaginaires !

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Parlons tout d’abord de cette mystérieuse « dame des livres » dans le très bel album éponyme d’Heather Henson et David Small. Cal, un jeune garçon pauvre qui vit avec sa famille dans une région particulièrement reculée des Etats-Unis dans les années 30, nous raconte comment un jour, une cavalière s’est présentée à la porte de leur modeste maison pour leur prêter des livres ! Au début, Cal était plutôt sceptique : quel intérêt pouvait-on ressentir à rester figé des heures durant le nez plongé dans un bouquin, comme sa petite soeur Lark ? La dame des livres revient pourtant régulièrement, avec de nouveaux livres et pour sa sœur c’est une fête sans cesse renouvelée. Et quand, par un matin d’hiver glacial, Cal voit la dame des livres honorer son rendez-vous alors que vraiment même les plus courageux ne mettent pas le nez dehors, il se dit qu’il doit bien y avoir quelque chose de merveilleux caché dans cet étrange objet de papier pour qu’une femme prenne de tels risques. Alors, doucement, il s’approche de sa soeur et lui demande si elle accepterait de lui apprendre à lire…

Cet album est inspiré des Pack Horse Librarians, ces bibliothécaires itinérantes qui parcouraient à cheval les monts Appalaches du Kentucky, pour faire venir les livres dans les endroits les plus reculés du pays, où les écoles étaient rares et les bibliothèques inexistantes et ainsi lutter contre les effets de la Grande Dépression.

La voix de Cal, sa manière si particulière de parler, permet à la fois de rendre hommage à ces femmes dévouées et au pouvoir de la lecture qu’elles ont choisi de transmettre coûte que coûte. Un hymne à la lecture qui donne envie de partager chaque jour de l’année et quel que soit l’endroit les livres qui nous ont fait vibrer !

La Dame des livres, Heather Henson, David Small, Syros, 2009.

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Sur un tout autre ton, suivons maintenant Elan, étrange animal anthropomorphe, qui aime tellement, le soir venu, après le repas, raconter des histoires. Ah ! Il en connaît des histoires, Elan, des histoires qui ravissent petits et grands ! Pourtant, un soir, oups, Elan n’a plus d’idées ! Il se précipite alors chez ses voisins pour emprunter un livre mais personne n’en en a ! Elan ne se démobilise pas et dès le lendemain il se rend en ville, à la bibliothèque. Il emprunte plusieurs contes qu’il lit le soir même à sa famille. Ses talents de lecteur à haute voix se font vite connaître et bientôt tous les animaux de la forêt cognent à sa porte pour venir l’écouter ! Mais le voilà débordé ! Alors Elan a une idée : il invente le bibliobus de la forêt ! Il fait le plein de livres à la bibliothèque et commence sa tournée ! Mais voilà, il y a un problème de taille : les animaux de la forêt ne savent pas lire ! Rien n’arrête Elan : il apprend à lire à Ourse qui apprend à Blairelle qui apprend à Renard et ainsi de suite, jusqu’à ce que tous les animaux sachent lire à leur tour. Et puissent désormais venir emprunter des livres au bibliobus.

Que j’aime cet album, tout d’abord pour ces illustrations incroyables qui sont un hommage vivant à la nature, aussi bien au végétal qu’à l’animal ! Et puis pour Elan, cet être que rien n’arrête, d’une générosité précieuse, prêt à tout pour faire vivre à toutes et à tous l’incroyable invitation au voyage qu’est une belle histoire !

Le Bibliobus, Inga Moore, Pastel, 2021.

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Pour les plus jeunes, cette fois, j’aimerais vous parler d’un autre très bel album La bibliothèque de la forêt de Seoha Lim. Un album très délicat, tout en douceur, qui nous invite à visiter une bibliothèque pas comme les autres, une bibliothèque située au milieu des arbres. Pas de murs, de portes ou de fenêtres cette fois, mais simplement la nature. Là les animaux peuvent venir lire, se reposer, écouter des histoires, assister à des spectacles, dessiner, construire des cabanes.

Un album très poétique qui rend hommage à ce qui fait le coeur battant de ces endroits que je chéris tant : un endroit où se retrouver, où se poser, les uns à côté des autres, et où même sans se parler, on est ensemble.

La Bibliothèque de la forêt, Seoha Lim, maison Eliza, 2020.

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Vous l’aurez compris, pour moi le livre est à la fois un moyen de voyager inédit et une destination sans pareil ! Que de promesses de voyages m’attendent donc encore sur les rayonnages des boîtes à livres d’ici et d’ailleurs et dans les bacs colorés des bibliothèques du monde entier ! Des promesses que je vous invite à venir écouter en poussant la porte de ces lieux publics, ouverts ou fermés, qui vous feront voyager en humanité.