Après Lucie et son billet Courir pour résister, Séverine était aussi dans les starting-blocks pour présenter quelques ouvrages sur la résistance grâce au sport. Résistance au racisme, résistance politique, résistance aux stéréotypes de genre, ou simplement, résistance à la difficulté de vivre heureux.se en étant soi-même, la littérature jeunesse propose, sous toutes ses formes, un large panel d’histoires vraies ou de fictions, pour affirmer toujours plus haut, toujours plus fort que, l’important, ce n’est pas de participer, c’est de lutter ! Et, comme le disait Pierre de Coubertin : “Le sport va chercher la peur pour la dominer, la fatigue pour en triompher, la difficulté pour la vaincre.”
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Black liv(r)es matters
La photo du poing levé Black Power , lors de la remise des médailles du 200 mètres aux Jeux olympiques 1968, trône dans le salon de Séverine. Tout un symbole. Pour elle, la BD Plus fort que la haine y fait particulièrement écho. Sauf que le racisme, c’est le poing ganté que le héros inoubliable de ce one-shot particulièrement fort, le combat. Louisiane, années 30. La ségrégation et la violence contre les Noirs fait rage. Alors qu’il aurait pu se laisser submerger et assouvir son désir de vengeance contre les Blancs, Doug Winston, doté d’une force herculéenne, découvre la boxe et sa puissance à la fois canalisatrice et émancipatrice. Sur le ring, plus de Blancs, plus de Noirs, juste des hommes. Egaux. De combat en combat, jusqu’au titre de Champion du monde, il comprendra que, quoi qu’il arrive, la haine n’est jamais la réponse. Ce message, optimiste s’il en est (voire un peu naïf ?), dont on aimerait qu’il soit enfin compris par le monde entier, définitivement, est ici sublimé par des illustrations de toute beauté…en noir et blanc. Un uppercut.
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Un « truque » en moins
Séverine est également séduite par deux albums jeunesse dans lesquels le sport, détourné par le Pouvoir en outil de propagande, devient à l’inverse, pour de courageux sportifs, l’arme du refus de la soumission, un acte de résistance, jusqu’à en mourir.
Le premier traite d’une part méconnue de l’Histoire, celle de la Résistance autrichienne à l’union forcée avec l’Allemagne nazie, en imaginant une fiction autour d’un personnage réel. « Le Mozart du ballon rond« , tel était le surnom de Matthias Sindelar, Capitaine de l’équipe nationale d’une Autriche tout juste annexée par Hitler, en ce printemps 1938. Il est le héros absolu du jeune Marcus, dont le père est chargé de dissuader le footballeur de participer à l’ultime rencontre Autriche-Allemagne, car le match est truqué. Les Autrichiens doivent laisser gagner la grande Allemagne. Mais contre toute attente, le Capitaine est bien là et malgré le danger, il fait ce qu’il sait le mieux faire : il joue au football, et il gagne ! Par ailleurs, il ne lève pas le bras au ciel en signe d’allégeance au Führer. Le même Matthias Sindelar refusera de jouer sous le maillot nazi et l’Allemagne sera éliminée au premier tour de la Coupe du monde suivante. Neuf mois plus tard, Sindelar et son épouse juive seront retrouvés morts…Un étrange accident dû au gaz…Avec ce texte vibrant, servi par des illustrations magnifiques, tous deux venus d’Italie, la littérature jeunesse prouve une fois de plus qu’elle sait se saisir des sujets graves, tout en les enveloppant de beauté.
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Le second est une dystopie qui n’en a pas vraiment l’air… Un pays, une dictature, le sport comme enjeu de pouvoir. Là aussi, il est question de grand match. L’équipe d’un Gouvernement totalitaire qui nous rappelle évidemment quelque chose, grâce aux superbes illustrations sépia et aux références assumées, doit absolument prouver sa supériorité sur l’ex-équipe nationale, déjà « purgée » des minorités de toutes sortes. Ici, le ballon est ovale, on se lance dans la mêlée de toute sa virilité ! Mais comme dans l’album précédent, le match est truqué. Le Régime exige de sortir vainqueur et grandi aux yeux du peuple, pour asseoir toujours plus sa domination. C’est sans compter ceux pour qui le sport doit rester libre. Au cours d’un premier match, ils refusent de se soumettre et l’emportent. A leur grande surprise, ils sont épargnés, mais prévenus : le match retour sera perdant ou ils mourront…On devine la suite… Un récit intense et lyrique, porté par des images fortes pour dénoncer le totalitarisme et mettre en valeur le courage de ceux qui luttent. Petit plus : à la fin de l’album, quelques exemples de sportifs qui, de tous temps, ont résisté contre l’obscurantisme, dont un certain…Matthias Sindelar.
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Championnes poids plume, championnes de la vie !
Enfin, parce que les filles ne sont pas en reste quand il s’agit de faire du sport un allié pour résister…Seule ou en équipe, celles-ci ont décidé d’exprimer par le sport, leur révolte face aux diktats de genre et à la société patriarcale. Et d’être heureuses.
Pavlina est menue, mais pas fragile. C’est la combativité faite fille. Son père veuf est un immigré russe qui se tue à la tâche. Cadette d’une famille de garçons, moquée par ses frères, chargée des corvées domestiques, seule face aux questionnements sur sa féminité naissante, la vie de la petite surnommée Brindille n’est pas rose, loin de là. La tendresse n’est pas vraiment de mise à la maison. Elle trouve le réconfort en jouant du piano, mais un jour, c’en est trop, en lieu et place de la pratique instrumentale, elle décide d’apprendre la boxe, afin d’établir un nouveau rapport de force et de se battre avec les seuls arguments compris par ses frères. Elle s’entraîne dur, progresse rapidement, jusqu’au fameux combat qui révèlera finalement que, sous leur rudesse et leur maladresse, les hommes qui l’entourent cachent en réalité, foi en elle et beaucoup d’amour. Cet album jeunesse fracassant, graphiquement très inventif, est plein d’humour, de force, de sensibilité. Il dénonce sans se faire moralisateur, il invite à la discussion et à la réflexion, comme souvent avec cet illustrateur/auteur de grand talent.
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Dans le roman ado Championnes, son héroïne résiste, elle prouve qu’elle existe… grâce au football, qui devient un personnage à part entière. Il est sas de décompression quand l’adolescence et ses tourments amènent au bord de l’explosion, il devient messager d’espoir et de rage de vaincre quand, ballon au pied, plus rien ne compte que la victoire. Pour Pénélope et ses coéquipières, oubliés le harcèlement scolaire, la maladie d’un proche, l’abandon d’un parent, les questions de genre et d’identité, de sexualité, de précarité, qui les empêchent parfois de respirer. Il est, enfin, un coach fiable pour gagner en confiance, se dépasser, apprendre à perdre, parfois, mais avec les honneurs. Rien de différent, somme toutes, avec ce qu’apporte ce sport populaire et fédérateur, aux garçons qui le pratiquent. Dans un style dynamique, très proche du langage des adolescents, avec la juste dose d’émotion et de réalisme, ce roman file droit au but, sans temps mort, et confirme une vérité qu’il faut répéter, encore et encore, et encore, aux jeunes générations : le sexisme, dans le sport, ou ailleurs, c’est hors-jeu ! Vive le football féminin !