La mort : entre deuil et célébration

La Toussaint en Europe, Día de los Muertos au Mexique sont autant de moments qui permettent aux vivants de célébrer les morts. Entre recueillement et souvenirs, ces fêtes prennent place en Novembre, mois des morts. Cette année nous avions envie de proposer une sélection d’ouvrages qui permettent d’accompagner la mort et d’entretenir la mémoire des disparus.

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La fin est-elle vraiment une fin ? C’est pour guider les enfants dans ce questionnement abyssal que Séverine Vidal et Louis Thomas ont écrit cet album. Les auteurs ont fait le choix de placer l’enfant au centre de la réflexion, et des réactions, qu’il peut avoir face à la mort. C’est assez rare pour être souligné.
Nous ne sommes pas dans une démarche explicative du pourquoi de la mort, des étapes du deuil… qui peut être pertinente mais incomplète.

Ici, il s’agit réellement d’inviter l’enfant à partager son émotion et ses pensées face à l’idée de la mort. Qu’il y ait été confronté par la perte d’un proche ou qu’il n’en ait qu’une représentation floue, ce concept interroge et inquiète les enfants. Il est important de les laisser s’exprimer à ce sujet et ce livre semble idéal pour cela.

Le livre qui commence par la fin, Séverine Vidal et Louis Thomas, Éditions Sens Dessus Dessous, 2024.

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Pour le cinquième tome des aventures à forte consonance philosophique de son petit écureuil, Olivier Tallec le confronte à la mort. Heureusement qu’il lui a trouvé un meilleur ami, Poc, pour faire face à cette expérience…

Le petit écureuil aime écouter chanter le merle, mais voilà qu’il a disparu. Jusqu’à ce qu’il le retrouve par terre dans la forêt. « Est-ce qu’il dort ? » se demande-t-il spontanément. Comme un enfant, il va faire de plus en plus de bruit, le toucher pour vérifier et finalement lui rendre hommage. Les étapes sont très juste et le ton toujours parfait. L’ironie de la série en moins, mais il faut dire que le sujet ne s’y prête pas. Encore une belle réussite qui saura accompagner les enfants dans cette difficile épreuve.

Est-ce qu’il dort ?, Olivier Tallec, L’école des loisirs, 2024.

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Si le deuil est un thème récurrent de la littérature young adulte, force est de constater que Hayley Long exprime particulièrement bien les ressentis des survivants dans Nos vies en mille morceaux. Entre désespoir et petits riens qui permettent au temps d’avancer, rencontres et mains tendues… l’atmosphère ouatée et les personnages, loin des caricatures habituelles, sont le plus de ce roman. Ainsi que la traditionnelle playlist. Elles se multiplient dans les romans, et leur intérêt n’est pas toujours évident, mais celle-ci est parfaitement adaptée à l’histoire. Il faut dire que le titre original est celui d’une chanson des Beach Boys (The Nearest Faraway Place)…

Nos vies en mille morceaux, Hayley Long, Gallimard jeunesse, 2018.

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« Mais je suis là mon étoile. Regarde, tu as toute ma volonté « . Hadda est absente, physiquement elle n’est plus dans cet appartement d’une vie qui s’écoule ou qui s’est écoulée. Hadda rassure, murmure sa présence à travers les pièces traversée par cette même question : « Quand Hadda reviendra-t-elle ? ». Une ritournelle qui s’égrène page après page et qui attend une réponse bienveillante, encourageante.

Il y a plusieurs manières d’aborder le deuil et ce n’est jamais un exercice facile en littérature de jeunesse. La poésie d’Anne Herbauts souligne le chemin qui appartient à la disparue et l’enfant. Cette complicité ne fait que se renforcer à travers chaque page et invite la le lectrice lecteur à observer les détails. Des jeux d’enfants qui se mêlent au quotidien d’une personne âgée éclairés par des illustrations pleine page.

Quand Hadda reviendra-t-elle? d’Anne Herbauts,
Casterman, 2021

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« En vérité, ce n’était pas une question, c’était LA question, LA question qui était partout autour de moi depuis que maman n’était plus. » Elise sait quelque chose et ce sentiment la blesse au plus profond. Elise sait qu’elle est triste, seule et pourtant elle n’a pas le droit de pleurer car dans sa maison il y a des règles à ne pas enfreindre. De sa mère, Elise ne conserve qu’un puzzle qu’elle fait et défait frénétiquement, un refuge en cas d’intempérie. Elise grandit sans trop de connexions avec le monde extérieur et passe son temps libre à faire des puzzles que son père lui offre : « Quand il entre dans ma chambre pour me dire bonne nuit le soir, papa me félicite sans émotion s’il y a un nouveau puzzle exposé.

-C’est bien, il est beau. Papa me félicite toujours sans émotion. En fait, papa vit toutes ses journées sans émotion. »

Elise sait aussi que son père s’est crée une carapace digne du plus noir des personnages de Naruto : Orochimaru. Elle l’a enfin compris en passant ses lundis après-midi à regarder l’animé en compagnie de son amie Stella, une jeune demoiselle de sa classe légèrement « zinzin ». Peu à peu Elise s’ouvre et lorsqu’elle apprend que sa grand-mère du Japon débarque chez elle pour 15 jours, elle entre dans une immense joie mais redoute la réaction de son père…
Pourquoi ne dit-on pas sayonara ? car la signification de cet au revoir n’est pas vraiment compatible avec ce que va ressentir la lectrice/le lecteur. Elise et son étoile Stella : celle qui va l’accompagner, la faire réfléchir sans brusquer, tout en étant respectueuse. Elise et sa grand-mère Sonoka celle qui va enfin prononcer le prénom d’une maman disparue, celle qui va honorer sa mémoire. Des rencontres qui font changer, évoluer et enfin peut-être accepter l’inacceptable. Tout ce petit monde va graviter, se connecter autour d’Elise et c’est un bonheur dans faille qui en restera.

On ne dit pas sayonara d’Antonio Carmona, Gallimard jeunesse, 2023

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Le papa de Suzy, 9 ans, a une paillette dans l’iris. Comme Julien, son frère, de 2 ans son aîné. Son grand frère qui restera pour toujours un enfant car il est [mot tabou].
« Ce n’est pas dans l’ordre des choses« ‘ répète la nounou de son voisin qui s’occupe d’elle pour les trajets de l’école, puisque sa maman n’en est plus capable, terrassée par le chagrin, et que son papa travaille, parce que oui, la vie continue. De désordre, il est aussi question dans la tête de la fillette, bouleversée au point d’avoir une mèche de cheveux blancs depuis que son frère est [chut !].
Au choc et au chagrin de la disparition de son complice de toujours, succède le temps des pourquois. Suzy est envahie de questions, auxquelles les adultes de son entourage, les amis de son âge, ne savent, ne peuvent, ou ne veulent pas répondre. Bien que soutenue par un père compréhensif et courageux, une enseignante dévouée, une psy à l’écoute et une bande d’ami.es fidèles, Suzy souffre, elle ne parvient pas à trouver le réconfort qui pourrait lui permettre de reprendre une vie d’enfant sereine. Pour autant, elle vit aussi des moments joyeux, elle a de nouveau envie de jouer, de s’amuser, elle souhaite être jolie pour plaire au garçon dont elle est amoureuse… C’est d’ailleurs pour cela qu’un sentiment de culpabilité la ronge. A-t-elle droit au bonheur malgré le drame ? Le ton, les mots sonnent juste. L’écueil, avec ce thème, est de verser dans le pathos, ou de s’adresser davantage aux adultes qu’au jeune lectorat. Il est ici parfaitement évité. Avec une candeur délicieuse, un humour délicat, une profonde empathie, des trouvailles topographiques et textuelles, avec, surtout, une sensibilité et une tendresse exceptionnelles, ce roman nous emporte, malgré un sujet douloureux, aux confins d’une émotion baignée de lumière.

Une paillette dans l’iris, Charlotte Pons, Inbar Heller Algazi, Seuil jeunesse, 2024

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Le grand et vilain bonhomme, écrivain en panne d’inspiration, est un être déprimé vivant seul dans une vieille maison délabrée, entouré des personnages de papier qui peuplent ses histoires : un vampire, un zombi, un yéti et un loup-garou. Des créatures fantastiques issues d’un folklore sombre et morbide qui renvoient à la tristesse du vieux et vilain bonhomme et appuient le sentiment de perte et de deuil qui l’entoure. Il faut attendre l’apparition du fantôme d’une petite fille pour faire remonter des souvenirs, des émotions et faire revenir l’inspiration.

Jérémy Semet signe un récit qui aborde le sujet grave de la perte avec justesse et pudeur. Son écriture joue sur un effet de répétitions rythmant l’histoire d’une sorte de mélodie agréable à l’oreille. On apprécie la musicalité des mots qui, d’une certaine manière, apporte un sentiment de réconfort tout en maintenant une note d’optimisme au fil des pages.

A l’image de la couverture du livre, deux couleurs viennent teinter les illustrations de Clémentine Pochon, prenant de plus en plus de place au fur et à mesure que le vieux et vilain bonhomme reprend goût à la vie. Cela ajoute encore à la musicalité de l’histoire, la couleur se posant telle des notes de musique sur la partition.

Le vieux et vilain bonhomme dans sa si grande et sinistre bicoque de Jérémy Semet & Clémentine Pochon, Voce Verso, 2022.

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Alors qu’il se retrouve orphelin, Gabriel, quinze ans, ne se sent plus à sa place nulle part : une nuit chez sa tante, une autre dans son ancienne maison, une autre encore chez une amie de sa mère… Gabriel tente désespérément de maintenir la tête hors de l’eau et de faire face aux émotions qui le submergent. Lorsqu’il apprend que sa mère souhaite être mise en terre au côté de son père, il ne peut l’accepter. Impossible de venir rendre visite à la personne qu’il aime le plus au monde s’il doit aussi affronter ce père qu’il déteste. Il décide de partir avec le cercueil de sa mère, seul sur les routes, à la recherche d’un lieu où il pourra la laisser reposer.

Le cercueil à roulettes aborde le délicat sujet de la mort d’un parent et de la sensible période de deuil qui en découle. Pour Gabriel, cette étape devient un véritable chemin de rédemption et de pardon. Brutal, le récit est généreux dans l’attention que les personnages secondaires donnent à l’adolescent sur qui ils veillent affectueusement et les rencontres fortuites d’humains bienveillants qui conduisent ses pas vers la résilience. Tous ces personnages apportent une véritable palette de couleurs vibrante d’émotions qui rendent la lecture intense et mémorable.

Le cercueil à roulettes d’Alexandre Chardin, Casterman, 2020.

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Après le suicide de son père, Lucas a bien du mal à reprendre le cour de son existence. Laisser ce qu’il reste de sa mère derrière lui, retourner à l’internat, reprendre les cours et retrouver ses potes prend vite une place trop grande dans sa tête qui ne sait plus comment continuer. Quand la pression devient insupportable il ne lui reste d’autre choix que de partir, s’arracher pour tenter de reprendre pied et décider si le bout du chemin sera la vie ou la mort.
A travers prés et forêts, une biche fuit une meute de chiens enragés, accompagnés d’hommes armés de fusil. A peine sortie de l’enfance, elle n’a d’autre choix que de courir pour sa survie, alors que la saison de la chasse bat son plein et qu’humains et canidés ne lui laissent aucun répit. Alors que chacun fuit à travers la campagne, leur rencontre semble inéluctable…
Dans ce court récit, Marc Daniau aborde la fuite à travers deux regards, deux êtres de nature différentes. Chacun s’arrache à ce qu’il connaît, à sa famille, pour tenter de survivre à la perte d’un parent pour Lucas, à une attaque de chasseur pour la biche. Le texte, incisif, touche droit au cœur et bouleverse par l’urgence de leurs deux situations. La construction du récit joue sur l’alternance de point de vue pour rapprocher ces deux personnages vers une rencontre que l’on voit arriver avant même qu’elle ne se produise.

S’arracher de Marc Daniau, Rouergue, 2024.

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Angèle, treize ans, a perdu sa sœur Élise, décédée brutalement. Elle ne sait pas comment surmonter ce drame alors elle prend un agenda, et chaque jour ou presque, elle écrit au prénom en haut de la feuille, confiant ses sentiments, sa colère, sa douleur.

Un printemps. Une saison pour surmonter un drame. Une saison pour renaître, telle la nature après l’hiver. Un printemps est untexte à la fois simple et émouvant. Les mots, teintés parfois de colère, mais aussi parfois d’humour, d’une jeune fille qui a perdu quelqu’un de cher. Qui a perdu tout sens à sa vie. Et la résilience, la lente reconstruction après un drame. Bien que la jeune héroïne affronte un deuil, ce roman n’est pas larmoyant. Il est lumineux, comme le soleil qui revient après une averse. Il nous raconte l’avant, ces souvenirs que l’on garde précieusement, le maintenant, difficile, mais aussi les doux moments qui surnagent, qui pointent le bout de leur nez, parfois, et nous invitent à continuer.

Un printemps, de Marie Le Cuziat, Milan. 2022

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Népomucène et Eudoxie. Le premier a perdu ses parents dans un accident de voiture, et vit depuis chez un oncle qu’il ne connaissait pas. Il n’est pas malheureux, mais très solitaire. Il vit sans vraiment vivre, allant en cours, mangeant toujours les mêmes repas, ne parlant à personne. Sa seule passion : le dessin.Sa vie change petit à petit et se pare de couleurs. Avec Gaston déjà, un jeune chiot qu’il adopte et dont la fougue va le réveiller. Avec Tristan ensuite, le beau gosse musicien qui s’entête à devenir son ami. Et surtout, avec Eudoxie, la nouvelle au nom aussi improbable que lui, vers qui il est irrésistiblement attiré…

C’est avec une grande sensibilité et une touche de poésie que l’autrice, Lucile Caron-Boyer, aborde des thématiques difficiles, tout en développant en parallèle la naissance d’un amour profond. Deux personnages attachants, et un entourage sympathique et haut en couleurs, bien développés. Des difficultés, des moments compliqués attendent nos héros, mais, si tout est loin d’être rose, il leur reste tout de même un peu de bonheur à trouver.Parce qu’après un grand malheur, on peut avoir droit au bonheur. La vie continue, malgré tout.Népomucène et Eudoxie est un roman marquant, qui nous parle avec brio et tendresse d’amour et de résilience.

Népomucène et Eudoxie, de Lucile Caron-Boyer. Scrineo. 2024

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Coyote, une jeune fille de 12 ans, vit depuis plusieurs années dans un bus avec Rodéo, son père. Dans ce bus scolaire, transformé en maison, ils sillonnent les États-Unis au gré de leurs envies.Mais un jour, la grand-mère de Coyote lui apprend que le parc de son enfance va être détruit. La jeune fille n’a que quelques jours pour convaincre son père de l’y conduire. Plus facile à dire qu’à faire, puisque celui-ci a juré de ne jamais remettre les pieds dans leur ancienne ville…

L’incroyable voyage de Coyote Sunrise est un roman bouleversant, avec des personnages touchants, un road-trip émouvant, et des émotions qui affleurent au gré des aventures.Ce roman, ce sont des rencontres. Avec un chaton d’abord, puis des personnes : Lester, qui veut rejoindre son amoureuse, Salvador et sa mère, qui fuient, puis Val, rejetée par ses parents qui n’acceptent pas son homosexualité. Au fil de la route, des discussions, des mésaventures, ces personnes souffrent, abîmées par la vie, vont échanger, dévoiler leurs secrets, et évoluer. Au programme de ce roman donc, traumatisme, deuil, violences, mais aussi et surtout entraide, amitié, humour, espoir.Une lecture dont on ne ressort pas indemne. C’est triste, mais aussi doux et lumineux, malgré la difficulté des thèmes abordés.

L’incroyable voyage de Coyote sunrise, de Dan Gemeinhart. Pocket jeunesse. 2020

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Igor, Rhéa. Deux adolescents dont la vie s’est brisée en deux secondes. Igor, victime d’un accident à cause de l’inattention de son père, a perdu son visage. Défiguré, il ne sort plus de chez lui. Rhéa, elle a perdu son petit ami, Alex, qui s’est jeté sous un train. Depuis, elle n’a plus goût à rien.Deux adolescents ravagés par la vie, qui ne se connaissent pas, mais partagent une passion commune pour le piano. C’est Fred, un prof de piano, qui va les réunir pour un projet fou…

Deux secondes en moins, c’est un magnifique roman ado, la dure reconstruction de deux êtres abîmés par la vie. Colère, deuil, repli sur soi, rejet des autres, tout cela, Rhéa et Igor le connaissent très bien. Eux qui jusqu’à présent avaient apprécié la vie, ne savent désormais plus en profiter. Ils sont emmurés dans leur douleur, à vif. Heureusement, il y a Fred, le prof de piano un peu sage, un peu magicien, passionné de thé et de fortune cookies, le réparateur d’âmes au grand cœur, qui va créer l’alchimie. Heureusement, il y a le piano, la musique, Schubert, Satie, qui laissent les sentiments affleurer, exploser. On alterne les voix, on plonge dans leurs carnets, leurs poèmes, les listes de pour et de contre, avec une grande pudeur. En peu de mots, on ressent l’arc-en-ciel d’émotions que vont traverser nos deux jeunes protagonistes. Et si les thèmes abordés sont difficiles, ce n’est pas une lecture « éprouvante ». C’est beau, léger parfois, avec des touches d’humour (merci Obama, le perroquet), et une belle dose d’optimisme. Une invitation à croire en la vie et ses possibles, malgré les épreuves, à accepter les mains tendues. Une pépite, tout simplement.

Deux secondes en moins, de Marie Colot et Nancy Guilbert. Magnard jeunesse. 2018

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Léa est une jeune basketteuse prometteuse, entraînée par son père, qui a un « plan », un but ultime dans la vie : devenir la quatorzième femme française draftée en WNBA. Tout est clair dans sa tête, et elle se donne les moyens d’y parvenir, s’entraînant quatre fois par semaine avec l’équipe masculine de sa ville pour progresser. Mais un grain de sable va venir perturber ce rêve américain sur le point de se réaliser, et non des moindres, puisque son père va décéder d’une crise cardiaque. Et ce drame ne survient pas seul : Léa apprend qu’elle souffre du syndrome de Marfan, elle a une déformation cardiaque qui lui interdit la compétition à haut niveau. Mais la jeune femme a déjà perdu son père, elle se résout pas à renoncer au basket… Elle se trouve des compagnons de jeu en banlieue, dont le bel Anthony qui ne la laisse pas indifférente…

En cinq parties – quatre quarts-temps plus la mi-temps -, Marie Vareille nous présente à travers Léa les cinq étapes « traditionnelles » du deuil. Léa vit le déni, la colère, avant de finir par avancer. Un chemin ardu, difficile, pour elle et ses proches. Mais Léa n’est pas seule. Si elle a perdu son complice de toujours, elle peut encore compter sur sa mère, sur sa petite sœur Anaïs, et sur ses deux amis de toujours, Amel et Nico. Ce faisant, l’autrice nous montre à quel point il est important d’être bien entouré.e après un drame. Les personnages sont pleinement humains avec toutes leurs failles, terriblement réalistes. On ressent les émotions de Léa, on la voit se noyer dans ce chagrin immense, tenter de surnager, reprendre pied peu à peu. C’est un long chemin vers la reconstruction qui nous est dépeint ici, et sur la force nécessaire pour rebondir quand les rêves s’écroulent. Émotions, sentiments, passion dévorante pour le basket, Le syndrome du spaghetti est un roman intense, émouvant. Triste, mais aussi plein d’espoir.

Le syndrome du spaghetti, de Marie Vareille. Pocket jeunesse. 2020.

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Poésie, rythme, et dessins. Les vrais champions dansent dans le blizzard est paru après Frères, pourtant il nous narre l’histoire du père, l’histoire de l’été 1988, où lui-même a perdu son père, et pendant lequel sont nés sa passion pour le basket, et son amour pour sa femme. C’est donc un été de changement qui nous est narré ici, celui des grands bouleversements. Kwame Alexaner nous parle avec justesse de deuil, de famille, du passage à l’age adulte, file avec talent la métaphore du basket qui invite à rebondir après un drame.

Son héros, Charlie Bell, est un personnage à vif, empli de colère face à l’injustice de la vie. Un ado un peu rebelle, qui va prendre conscience, grâce à sa famille, et à sa cousine Roxie, de la valeur et de la beauté de la vie. C’est un personnage attachant, et l’importance des dialogues dans l’histoire nous le rend encore plus vivant. Un très beau roman en vers libres, un récit initiatique touchant.

Les vrais champions dansent dans le blizzard, de Kwame Alexander. Albin Michel. 2019

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Un livre ô combien touchant qui nous conte le point de vue d’un jeune garçon qui a perdu son papa.Un jeune orphelin, à qui son père manque énormément. Un enfant triste. En colère. Qui ne comprend pas. Qui rêve de son papa toutes les nuits, et se réveille en pleurant tous les matins, quand l’horrible vérité ressurgit. Et puis petit à petit, il revoit son père, dans certains objets, certains souvenirs, certains gestes…

Ce très bel album nous raconte avec pudeur – et un texte savamment dosé, comme sait si bien les écrire Émilie Chazerand – le deuil, l’après. L’indicible. L’incompréhensible.Les émotions par lesquels on passe après le décès d’un proche, la douleur ressentie, toutes ces étapes par lesquelles on passe avant de recommencer à « vivre ».C’est triste, c’est émouvant, c’est aussi au final très optimiste avec tous ces souvenirs qui nous rappellent nos chers disparus. Sébastien Pelon dessine avec finesse les personnages, les sentiments transparaissent, les décors sont très jolis.Un très bel ouvrage, sensible, pour aborder le deuil et la perte d’un être cher.

Papa partout, Émilie Chazerand, Sébastien Pelon. Élan vert. 2022

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Renard a bien vécu, il est temps pour lui de partir. Il s’allonge, dans l’un de ses lieux préférés, et s’endort pour toujours. Ses amis, tristes, viennent lui rendre hommage et se remémorer les doux souvenirs du passé. À ôté de lui, un arbre commence à pousser…

Un album, fin et délicat, sobre et pertinent, pour aborder les thèmes de la mort et du deuil.Un bel hommage à la vie, qui continue, envers et malgré tout. Tu vivras dans nos cœurs pour toujours est un ouvrage plein de douceur et de tendresse, qui nous délivre un beau message : la mort n’est pas une fin. La personne qui nous quitte continue à vivre en nous, si l’on prend le temps de se rappeler son souvenir, son caractère, ce qu’elle aimait. L’arbre qui pousse sur la « tombe » de renard nous montre la vie qui triomphe toujours, le bonheur qui revient, après le chagrin. C’est doux, poétique, triste mais aussi plein d’espoir. Les illustrations sont très belles, simples et colorées, elles accompagnent avec finesse et une grande quiétude le texte.

Tu vivras dans nos cœurs pour toujours, de Britta Teckentrup. Larousse 2013.

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Célébrer – Entretenir le souvenirs

Morts vivants est un roman de la série Les grandes années de Gaël Aymon et Élodie Durant (destinée aux jeunes lecteurs à partir de 7 ans) qui met en scène les héros récurrents en pleine préparation de la fête d’Halloween. C’est l’excuse idéale pour les enfants d’organiser une fête et de sortir dans la rue sans adulte (ou du moins d’essayer !). Mais c’est aussi l’occasion de parler de la mort. Sujet tabou pour les uns, essentiel pour les autres, il est abordé de manière douce et respectueuse.

Les grandes années, Morts vivants !, Gaël Aymon et Élodie Durant, Nathan, 2020.

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Dans Je voudrais te dire, Jean-François Sénéchal présente la disparition d’une grand-mère renard. En effet, son petit-fils, un renardeau, s’interroge intérieurement : où est donc passée sa grand-mère ? Il se souvient de sa grand-mère alitée et si fatiguée… Il n’avait su que dire devant tant de fragilité. Puis la maman renard lui avait annoncé que tout était fini, mais il ne l’avait pas cru… Le renardeau a alors cherché partout sa grand-mère. Dans « les endroits que nous étions seuls à connaître ». Mais elle avait bien disparu.
Le renardeau se remémore alors les moments de bonheur auprès sa grand-mère :
ensemble, ils ont vécu tant de moments uniques, inoubliables.
Une tempête éclate alors le renardeau se met à crier sa peine… et la foudre tombe sur un grand chêne.
Le petit renard reste longtemps auprès de la rivière, à regarder l’eau passer… longtemps… sans retenir l’eau couler.

Le renardeau décide d’écrire une lettre à sa grand-mère. Dans les quelques mots  de son courrier, le renardeau n’exprime pas tant sa peine… il s’agit juste, surtout, pour le petit renard de dire à sa grand-mère « je t’aime ».
La blessure du chêne cicatrise peu à peu. Le soleil est de retour. Le sujet est abordé avec pudeur et une grande poésie, celle des êtres disparus qui restent dans notre coeur avec nos plus beaux souvenirs d’eux.
Cet amour est comme un trésor, et dans notre coeur, il brille encore.

Je voudrais te dire, Jean-François Sénéchal, illustrations de Chiaki Okada, Saltimbanque, 2024.

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Cinq minutes et des sablés, ou comment l’imminence de la mort peut redonner goût à la vie. La Petite Vieille se sent bien seule, elle n’attend plus que madame la Mort, et avec impatience quu plus est : elle se sent prête à l’accompagner. Mais voilà que madame la Mort a le temps pour un thé et des sablés. Une chose en entraînant une autre, une visite en incitant une autre, la vie et la joie renaissent chez la Petite Vieille. Quel plaisir de découvrir la plume de Stéphane Servant illustrée par le trait vif d’Irène Bonacina dans ce bien joli album qui invite à profiter de la vie jusqu’au dernier moment. Et de ses proches tant qu’ils sont vivants.

Cinq minutes et des sablés, Stéphane Servant, illustrations d’Irène Bonacina, Didier Jeunesse, 2015.

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Après avoir dégusté ses mets préférés dans un endroit qu’il ne reconnaît pas, Alejandro rentre chez lui, impatient de retrouver sa femme et ses enfants. Il ne trouve qu’une femme en rouge qui l’attrape dans ses filets… Catrina…

Au Mexique, le Jour des Morts est Jour de Fête. Les vivants honorent leurs défunts en leur préparant leur repas préféré, en se rendant au cimetière en où ils chantent, boivent et festoient. Pour que la Mort qui fait partie de la Vie ne soit pas redoutée !

Mikael Soutif propose ici un album empli de couleurs pour découvrir Dia de Los Muertos. Le graphisme est en pâte à modeler sur fond violet, ce qui lui confère autant de curiosité que d’attirance !

Catrina. Mickael SOUTIF. L’Atelier du poisson Soluble, octobre 2018

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Premier novembre, Jour des Morts. Jour de fête au Mexique. La jeune Frida est avec sa famille au cimetière, quand elle aperçoit son amoureux, Diego, qui embrasse une autre fille.
Impulsive et furieuse, Frida bondit et retrouve Diego qui a chuté dans un trou où se trouve une vieille femme, alors que des rires résonnent…

Sont-ce eux, Frida et Diego, les protagonistes principaux de cet album ou bien le Jour de la Fête des Morts ? Dans cet album, nous découvrons un peu du Mexique avec les festivités de la Fête des Morts et les traditions qui lui sont liées, et notamment culinaires.

Frida Kahlo et Diego Rivera sont représentés en enfants et déjà amoureux.
Au détour des mots comme des illustrations, on retrouve tout ce qui fera leurs caractères (impétueux ou taiseux, infidèles et jaloux, excessifs en tout) ainsi que leur relation, passionnée, tumultueuse, fusionnelle, mais aussi destructrice.
Mais aussi leurs goûts pour les animaux, la nature, les couleurs lumineuses, et bien sûr, leur Art à chacun.

Frida et Diego au Pays des Squelettes. Fabian NEGRIN. Seuil Jeunesse, septembre 2011

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Que font nos voisins d’en-dessous, c’est-à-dire nos Morts ? Dorment-ils, jouent-ils, continuent-ils leurs activités du dessus ? Et qu’y a-t-il autour d’eux désormais ?

Avec ses dix-huit phrases minimalistes, mais non dénuées d’humour, et des illustrations qui regorgent de détails, de clins d’œil et de références, cet album nous amène à nous questionner sur notre rapport à la Mort. Comment nous, les vivants, nous occupons-nous de nos Morts ? Comment percevons-nous la Mort et quelles relations entretenons-nous avec Elle, ici ou ailleurs sur Terre, selon les croyances, coutumes, lieux, ou encore époques ? Un album qui favorise curiosité et discussions.

Les voisins d’en dessous. Isabelle SIMON et Isabelle CHARLY. Editions Frimousse, octobre 2016

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Ce petit album cartonné au format à l’italienne, au graphisme épuré aux tons ocres, nous présente des décès insolites, de personnes connues ou anonymes, de l’Antiquité à nos jours.

Il nous offre une réflexion sur la Mort et ses circonstances, sur la Vie et nos choix, la façon dont nous la menons… et des mystères de l’existence.

Insolite, curieux, atypique, divertissant et grinçant, cet album vaut assurément sa lecture!

Le Livre des MORTS Extraordinaires. Cecilia RUIZ. Editions Cambourakis, octobre 2019

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Et vous, quels sont les livres qui ont su vous accompagner dans la perte d’un être cher ? Quels titres ont permis à vos enfants de mieux appréhender ce qu’est la mort ?

Lecture commune : L’arrêt du coeur ou comment Simon découvrit l’amour dans une cuisine

L’arrêt du cœur est un roman de la collection Polynie des éditions MéMo d’Agnès Debacker illustré par Anaïs Brunet. Il parle de Simon, un jeune garçon de 10 ans qui se retrouve confronté à la mort de sa voisine, dont il était proche. En cherchant à rapporter un souvenir d’elle, il découvre l’amour, celui de Simone, à l’époque de la guerre d’Algérie. Nous sommes plusieurs à l’avoir apprécié et nous partageons avec vous notre lecture commune.

L’arrêt du coeur d’Agnès Debacker et Anaïs Brunet. Editions MéMo.

Aurélie : A quoi vous attendiez-vous en découvrant la couverture ? 

Pépita : Difficile à dire pour la couverture ! Pas de lien si évident entre ce jeune garçon assis, tenant une théière rouge entre ses mains et écoutant ce qu’elle a à lui dire, et le titre ! Une histoire d’amour mais pas vraiment celle à laquelle je m’attendais.

Aurélie : Je m’attendais à un roman à l’eau de rose, un jeune garçon amoureux qui colle la théière contre sa joue, peut-être car sa bien-aimée l’a touchée.

Isabelle : Comme vous, je me suis attendue à une romance ! Le titre, associé à la couverture aux tons pastels qui représente un garçon rêveur… C’est en tout cas ce qu’ont pensé mes garçons, même si comme tu le dis Pépita, c’est trompeur – et c’est un peu dommage, car ils sont un peu comme le protagoniste, Simon qui dit à un moment : « selon toute vraisemblance, j’ai affaire à une histoire d’amour et moi, les histoires d’amour, ça m’ennuie au plus haut point ». De mon côté, je considère les romans de la collection Polynie comme une valeur sûre garantissant des voyages hors des sentiers battus. Je n’ai pas hésité et je me suis plongée dans la lecture avec beaucoup de curiosité !

Hashtag Céline : Honnêtement, je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Plutôt une histoire d’amour mettant en scène des adultes. Comme je le fais de plus en plus, je ne le lis plus le résumé afin de me garder le plaisir de la découverte, surtout chez MeMo. Sur la couverture, c’est Simon. Mais sans lire ce roman, même si on le comprend vite, je trouve qu’on n’identifie pas immédiatement ce personnage comme un enfant. De fait, en découvrant l’histoire et l’âge de Simon, j’ai été plutôt étonnée !

Bouma : En ce qui me concerne, et ayant lu le résumé, la couverture m’a rappelé les éléments clés de l’histoire à savoir un jeune garçon cherchant à connaître les secrets contenus dans cette vieille théière rouge.

Aurélie : Le roman mélange le drame et l’enquête. Pour sa forme, le récit n’est pas découpé en chapitres mais est entrecoupé des belles illustrations d’Anaïs Brunet, qu’avez vous pensé de cette proposition et quel impact a-t-elle eu sur votre lecture ? 

Pépita : Je ne me suis aperçue de l’absence de chapitres qu’après un petit moment, à vrai dire, mais j’ai eu aussi besoin de m’arrêter par moments, pour mieux savourer cette histoire. J’ai aussi beaucoup aimé que le fil soit déroulé d’un seul jet avec ces illustrations, qui le ponctuent. Cela donne une fluidité et une profondeur.

Aurélie : Comme toi Pépita, je n’ai pas vu sur le moment qu’il n’y avait pas de chapitres. Le roman m’a fait le cœur lourd, mais je n’arrivais pas à lâcher le livre. Ses illustrations m’ont permis de prendre mon souffle dans ma lecture.

Isabelle : De mon côté, j’ai remarqué assez vite l’absence de chapitres et le système de respiration autour de grandes illustrations : pourquoi pas ? Pour moi, ça a été une incitation à dévorer le roman d’un trait. La construction de l’intrigue autour de l’enquête de Simon est très réussie à mon sens : une manière de tenir le lecteur en haleine de bout en bout et d’éviter un registre trop dramatique autour du deuil de Simon.

Hashtag Céline : J’ai trouvé aussi que l’ensemble était très fluide et que tout justement s’imbriquait parfaitement. Texte et illustrations se répondent et se complètent. De fait, je ne me suis posée aucune question pendant ma lecture sur la présence ou non de chapitres. Je me suis trouvée complètement happée par ce roman. Grâce à cette ambiance qui s’installe aussi bien par la musique des mots que les couleurs des illustrations, j’ai suivi avec beaucoup d’émotion Simon dans son travail de deuil puis cette enquête étonnante, qui apporte un souffle nouveau à l’histoire.

Bouma : L’absence de chapitres ne m’a pas du tout gênée dans ma lecture puisque, comme vous l’avez toutes dit, il y a ces grandes illustrations en forme de pause. Et en plus, le texte comporte quand même des sauts de paragraphes, entre deux scènes, deux moments temporels, qui permettent à ceux qui le veulent de stopper leur lecture plus aisément.

Aurélie : Le roman met en avant différents thèmes : le deuil, le lien affectif,le secret et l’Histoire. Il regorge d’émotions, pensez-vous que c’est un roman intergénérationnel? 

Pépita : Oui, totalement intergénérationnel. Il s’inscrit dans une filiation forte, celle du sang mais aussi celle de l’amour, de l’amitié, comme un kaléidoscope. Simon fait le lien avec tout le monde sans vraiment le savoir.

Aurélie : Pour moi l’histoire parle à tout le monde, l’intensité dégagée par le texte et les illustrations touche les enfants comme les adultes. J’ai aimé la diversité des thèmes même si le deuil est pour moi prédominant. Quant au lien effectif, en effet Pépita, il relie tous les personnages de l’histoire : de l’amitié de Simon et Simone, l’amour de Simone et Farid, de Safia et Farid et l’amour maternel des parents de Simon qui s’inquiètent pour lui. Le côté intergénérationnel est aussi pour moi dans le sens de transmission. En effet ,avec l’évocation de la guerre d’Algérie, les enfants peuvent découvrir l’impact de l’histoire avec un grand H sur leur entourage, qu’une chose réduite à un fait appris en cours ait été un jour le quotidien de quelqu’un. Je sais pas si ça vous a fait ça à vous aussi mais avec ce secret je me dis « mais combien de choses nos grands parents vont-ils emporter dans la tombe? », on le voit bien avec Simone.

Isabelle : Je suis d’accord avec vous, ce roman est très riche ! La relation de Simon et de Simone est très belle, faite de multiples petits moments de partage et de complicité… Et pourtant, l’enquête de Simon va l’amener à découvrir des pans inconnus de la vie de Simone et, à travers son histoire, des pages de l’Histoire avec un grand H que sa génération et celle de ses parents n’ont pas vécues. Cette profondeur m’a surprise, surtout au dénouement du roman, et apporte vraiment quelque chose en plus. Je pense comme toi, Aurélie, qu’il s’agit d’un roman intergénérationnel et j’ai vraiment envie de le découvrir et de parler de ces événements historiques avec mes enfants quand ils seront prêts. La génération de nos parents ou de nos grands-parents ont vécu des choses importantes, même si souvent traumatisantes, dont nous gardons une mémoire vivante grâce à nos interactions avec eux. C’est essentiel de la transmettre aux générations suivantes, et la littérature jeunesse a sans aucun doute un rôle à jouer !

Hashtag Céline : Clairement oui. Le roman fait le lien entre deux époques, deux vies différentes. Il permet à Simon d’entrevoir son amie, son histoire et l’Histoire autrement. Mais c’est aussi le récit d’une belle amitié entre un jeune garçon et une vieille femme, d’une relation dans laquelle l’âge n’avait pas d’importance.

Bouma : Je serais curieuse de la réaction d’une personne âgée face à ce texte. Le ressent-elle comme nous, comme le jeune héros de l’histoire ? En tout cas, je reste très émue par cette amitié, si forte qu’elle dépasse le préjugé des âges. Et je vous rejoins sur les histoires familiales liées à un contexte historique : je pense que la pudeur nous retient souvent de poser les questions mais que chaque personne cache en elle une partie de son histoire.

Aurélie : La théière est un objet transitionnel, quelle symbolique a-t-elle eu pour vous? 

Pépita : J’ai adoré sa présence, d’ailleurs j’en ai une bleue du même style et je me demande si je ne vais pas la détourner aussi ! Elle symbolise les petits secrets et aussi le souvenir de ces petits moments partagés autour d’elle. Elle fait le lien entre l’avant et l’après, elle permet à Simon d’accepter peu à peu la mort de sa Simone en restant vivante à travers elle. Elle lui permet de grandir. Quelle belle idée !

Aurélie : La théière me fascine, je n’arrive pas à savoir si c’est ce qu’elle représente : l’objet qui permet à Simon de faire son deuil, ou sa représentation avec la présence des illustrations d’Anaïs Brunet. En tout cas, elle représente aussi pour moi une métaphore du lien : celui qui lie Simone à Simon, Simone à Juliette et Simone à Farid mais aussi entre Simon et Juliette !

Isabelle : Sur la couverture, Simon colle son oreille contre cette théière comme on le fait avec un coquillage pour entendre la mer… Avant de lire le roman, j’ai interprété ce geste en l’attribuant à une rêverie. À la lecture, on comprend que cet objet est associé à d’innombrables moments privilégiés avec Simone, que leur écho résonne probablement encore à l’intérieur… Je trouve pertinent de parler d’objet transitionnel comme vous le faites, car elle aide Simon à vivre sans Simone, comme il avait pu aider Simone à vivre sans Farid.

Hashtag Céline : Cette théière, j’y ai beaucoup pensé. Je me suis mise à la place de Simon et je me suis posée cette question : tu aurais fait quoi toi, étant enfant? Tu aurais lu ou non les petits papiers? Cette théière est « magique ». Lire les secrets et les vœux qu’elle contient, c’est transgresser un interdit et peut-être même s’attirer des ennuis ! Mais comme Simon, j’aurais sans doute fait pareil, au risque d’y découvrir des choses que j’aurais préféré ne pas savoir. J’ai trouvé que la théière était un joli symbole rassemblant à elle-seule tous les éléments importants du roman : le souvenir de Simone, tous ses secrets mais aussi l’enfance et l’innocence de Simon.

Bouma : On pourrait presque rapprocher cette théière des journaux intimes ou carnets que l’on écrit à tout âge. Ils ne sont fait que pour nous, et en même temps révéleraient bien des choses à quiconque les lirait.

Aurélie : Simon découvre l’histoire de son pays et le racisme avec son ami, on a l’impression qu’avec la mort de Simone, un voile s’est levé. Il est en début d’adolescence et découvre doucement le monde des adultes. La nièce de Simone a-t- elle un rôle de passerelle entre ces deux mondes ?

Pépita : Je ne l’ai pas vue comme ça. Je l’ai vue comme une confidente, qui en a compris bien plus que ce qu’elle veut bien laisser croire. Elle accepte la présence de Simon avec naturel et une certaine bonhomie, sans mort dans l’âme. Elle est comme un tourbillon, qui s’arrête pour l’écouter parler de Simone, entrer dans le jeu de découvrir ce mystère de cet amour de jeunesse. Elle est la seule adulte dont Simon ne se méfie pas. A travers elle, il découvre aussi qu’une personne n’est jamais vraiment disparue. Il baisse sa garde enfin avec elle. Elle lui permet de lui faire confiance. Et c’est énorme pour lui qui se sent si bouleversé !

Aurélie : Pour moi le choix de l’âge de Simon permet d’évoquer implicitement le passage dans un âge de transformation : l’apprentissage du deuil et la disparition de Simone qui a été sa nounou, la découverte de l’amour et du visage différent des gens qui l’entourent et la découverte de la bêtise des adultes avec ses nouvelles interrogations avec son ami Sofiane. J’ai ressenti le personnage de Juliette comme un guide ou plutôt un passeur entre ce monde de naïveté et le monde beaucoup moins rose des adultes.

Isabelle :  C’est vrai qu’elle a une manière singulière de lui expliquer les drames personnels de Simone et historiques liés à la guerre d’Algérie, avec des mots simples et forts qui parleront aux jeunes lecteurs. Je vois un peu de ce que vous dites toutes les deux. Les traces de la Juliette enfant, que renferme la théière, la rapprochent de Simon. Par ailleurs, elle est très bienveillante, ouverte et à l’écoute de Simon qui en a bien besoin.

Hastag Céline : Pour moi, la nièce de Simone est plutôt là comme un soutien. Elle permet à Simon d’aller au bout de ses recherches. Elle accepte de parler de la vieille femme, chose que lui refusent tous les autres adultes autour de lui, de peur qu’il souffre. Elle lui permet de faire vivre le souvenir de Simone. Et avec sa bonne humeur et son dynamisme, elle l’aide un peu à passer cette épreuve. C’est un personnage dont l’arrivée dans le récit m’a fait du bien. Comme soulagée… Sentant que Simon serait enfin moins seul face à tout ça.

Bouma : Je ne m’attendais pas du tout à l’évocation de cette période historique souvent méconnue, et je ne doute pas que cela amènera les enfants à vouloir en savoir plus. Concernant le rôle de la nièce de Simone, elle fait, pour moi, écho à l’enfant qu’est Simon. Ils ont partagé sans le savoir les mêmes rituels et les mêmes souvenirs de Simone, ce qui les rapproche intrinsèquement.

Souhaitez-vous évoquer d’autres thématiques du roman ? 

Pépita : oui, le souvenir. Dans toutes ses dimensions : celui qu’on a des moments passés avec une personne qu’on aime, celui qu’une personne laisse après sa disparition. Je trouve que c’est un thème fort du roman pour un jeune garçon de 10 ans qui a peu d’années de vie, encore, même s’il a passé les deux chiffres. Et aussi le secret : jusqu’où se permettre de lever le voile sur le secret d’une personne disparue ? Je me suis posée cette question tout du long… En même temps peut-être que Simone voulait-elle qu’on le découvre en le glissant dans cette théière ? Mais peut-être n’y a -t-elle pas pensé… Ce petit mot glissé est pour elle une façon de se souvenir… comme une bouteille à la mer. J’ai aussi été très sensible à l’évocation des odeurs : chez Simone, chez sa vieille amie à qui Simon va rendre visite…

Aurélie : Oui, c’est vrai que ces trois thèmes sont bien présents. Pour le secret, je pense que Simone malgré sa tentative (puisqu’elle a emporté ses lettres dans son cercueil) n’a pas réussi à garder son secret intact. Simon a succombé à son désir de curiosité alors qu’au départ, en prenant la théière, il voulait simplement cacher les siens !
Pour les odeurs, ça m’a beaucoup marqué au début de récit avec aussi le fait qu’il demande à répétition le déroulé de la scène de la découverte de la gardienne.

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Les avis de Pépita, Céline Hashtag, Isabelle et Aurélie

Et vous, l’avez-vous lu ? N’hésitez pas à partager vos impressions en commentaire.

A lire les entretiens de l’auteure sur le blog de Nouvelles de polynies

Souvenirs


Avant de changer d’année, des souvenirs pleins la tête, explorons quelques lectures qui nous ramènent en arrière. Voilà un thème qui traverse de nombreuses fictions jeunesse, qu’il soit seulement évoqué ou au centre de l’histoire. Entre réminiscences familiales et moments durs à digérer, ces fenêtres ouvertes sur le passé nous touchent souvent.

 

Dans Le Tiroir à histoires

June et Jo – les souvenirs de Séverine Vidal et Amélie Graux

La maison en petits cubes de Kunio Katô et Kenya Hirata

 

Lire les avis de Bouma, Sophie et de Pépita.

 

Bouche Cousue de Marion Muller-Collard

Ce récit tourne autour d’un souvenir de jeunesse qui remonte à la surface suite à un événement.

Lire l’avis de Pépita

 

 

Sur Méli-Mélo de livres

 

Le jardin des ours Fanny Ducassé. Thierry Magnier.

Quand se souvenir de ses deux grands-pères, aujourd’hui disparus, donne un album d’une rare sensibilité et aux illustrations magnifiques.

Lire aussi les avis de Céline et Sophie

 

L’armoire Anne Cortey, illustré par Claire de Gastold. Grasset jeunesse.

Une armoire, métaphore de la grand-mère disparue et dont la présence angoisse une petite fille. Quand les souvenirs rattrapent les générations qui suivent, une approche bien vue.

 

La couverture : une histoire en petits carreaux (de tissu) Isabel Minhos Martins Yara Kono. Editions Notari.

Une histoire qui sublime le souvenir, le partage, la transmission entre générations.

 

Sur les Lectures Lutines

Le Jardin de Minuit d’Edith. Editions Noctambule.
Quand un enfant partage mystérieusement les souvenirs d’une demoiselle dans un fabuleux jardin.
Lire aussi les avis de Bouma et Sophie

La belle histoire d’une Vieille Chose, de Louis Emond et Steve Adams.

Quand une voiture se souvient de ce qu’elle a été avant de n’être plus qu’une vieille chose.

 

Les bruits chez qui j’habite de Claire Cantais et Séverine Vidal.

Des souvenirs sonores que l’on goûte délicieusement. De petites portes qui s’ouvrent vers un monde de l’enfance que l’on n’a pas oublié.

 

 
A lire au Pays des Merveilles
La mémoire en blanc de Isabelle Colombat. Thierry Magnier, 2015
Quand pour se réconcilier avec sa propre histoire, Léonie se construit sur de de bouleversants souvenirs et nous oblige à (re)découvrir un épisode récent de l’Histoire du Rwanda. N’oublions pas…

Après la peine / Ahmed Kalouaz. Rouergue, 2014.

 

Un tête à tête mélancolique entre un père et son fils entre souvenirs et révélations.

Lire aussi les avis de Pépita et de Bouma.

Vide-grenier / Davide Cali, Marie Dorléans. Sarbacane, 2014
Bric à brac de souvenirs entassés dans le grenier ; il suffit de remettre le nez dans les cartons oubliés pour retomber en enfance et décidé .. de ne plus s’en séparer !
Lire aussi l’avis de Chlop.
Sur Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait Livresse
Les souvenirs, ça se construit aussi ! Ou comment transformer le malheur en bonheur ? Une belle illustration de résilience avec une galerie de personnages hauts en couleur.
Lire aussi les avis d’Alice et de Pépita.
Souvenirs de papier de Baptistine Mesange et Jessica Lisse.
Dans cet « album-souvenir », le narrateur revient sur les amis de papier qui ont peuplé son enfance : un ours en peluche à qui il a offert une partie de son cœur, une jolie poupée et son amie imaginaire, un coffret pour y glisser tous ses secrets… Un album très psychologique voire philosophique qui aborde avec beaucoup de justesse, de tendresse et une petite pointe de mélancolie le passage de l’enfance au monde adulte.
Dans Un Petit bout de Bib(liothèque)
Mon grand-père de Christine Schneider et de Gilles Rapaport.

Un livre sensible qui rappelle tous ces moments de l’enfance passés avec son grand-père, ceux qui restent malgré la disparition de l’être cher.
Lire l’avis de Pépita
Le Marchand de souvenirs de Ghislaine Biondi.
Quand on n’a pas eu de père, difficile de s’en souvenir. C’est pourtant ce que propose ce marchand de souvenirs…
Un album intemporel qui rappelle que chaque être humain est passé par mille vies avant de devenir celui que l’on connaît. Avec tout le talent de Lane Smith, en plus.
Chez La Collectionneuse de Papillons
Quelqu’un qu’on aime de Séverine Vidal.

Partir à la recherche de ses souvenirs, une quête qui n’a pas de prix, surtout quand elle permet à une jeune homme de construire le lien avec son grand-père.
Lire l’avis de Pépita
La Gigantesque petite chose de Béatrice Alemagna.
Béatrice Allemagna signe un album gigantesque pour évoquer ces moments infiniment précieux que nous chérissons tous au fond de notre mémoire.
Dans la Littérature enfantine de Chlop
 
Guirlandes de poupées, J. Donaldson R. Cobb Kaléidoscope
Entre réel et imaginaire, une fillette joue avec une guirlande de poupées. Jusqu’au moment où elles croisent une paire de ciseaux bien réels, et c’en est fini de la guirlande de poupée… Mais il reste toujours quelque chose des bons moments passés, une place attend les poupées disparues dans la mémoire de la fillette.
Dans la maison de ma grand-mèreAlice Melvin, Albin Michel jeunesse
Nous suivons une petite fille qui traverse la maison de sa grand-mère, dans la quelle chaque pièce, chaque objet, lui évoque un doux souvenir.
Lire l’avis de Pépita
Dans l’Atelier de Cœurs
Mon bison de Gaya Wisniewski chez Mémo
L’histoire d’une amitié entre une petite fille et un bison racontée par une vieille femme.
Une somme de souvenirs de Thomas Scotto et Annaviola Faresin chez Notari
L’histoire d’un homme qui décide de se séparer de ses souvenirs et qui ignore qu’ils ont aussi du sens pour les autres.
Le grenier de Mona Leuleu chez Seuil Jeunesse
Des souvenirs à découvrir à l’aide d’une torche à lumière bleue.
Mamie est partie de POG et Lili la Baleine chez Gautier Langereau
Une petite fille qui arrive à faire le deuil de sa grand-mère grâce aux souvenirs qu’elle lui rapportait de ses voyages.
Sur l’île aux trésors
Mémoire en eaux troubles de Joëlle van Hee
 
Un roman qui évoque à la fois les souvenirs de la deuxième guerre mondiale, à travers le grand-père du protagoniste, et la perte de mémoire suite à la maladie d’Alzheimer.

 

 

Bons souvenirs de 2018 !

En attendant nos coups de cœur de l’année qui vient de s’écouler, toute l’équipe A l’Ombre du Grand Arbre vous souhaite un joyeux réveillon !

Une vie d’ours… à déchiffrer

Une vie d’ours (Christophe Fourvel et Janik Coat au Baron Perché) est un album que j’avais repéré il y a quelques temps déjà sur le blog de littérature jeunesse La Mare aux mots. Je viens d’en faire la lecture et elle a soulevé tant de questions que j’ai eu envie de demander à mes copinautes leur avis dessus.

Je remercie donc Colette (La collectionneuse de Papillons), Sophie (La littérature jeunesse de Judith et Sophie), Alice (A lire au pays des merveilles), Pépita (Méli-mélo de livres) et Kik (Les Lectures de Kik) d’avoir bien voulu donner de leur temps pour partager leurs avis avec moi.

§§§

Bouma : Votre première impression face au titre et à la couverture de cet album ? Selon vous, quelle(s) thématique(s) vont y être abordée(s) ?

Colette : Quand j’ai découvert le joli portrait de famille de la couverture d’Une vie d’ours, je me suis dit que cet album là allait parler des relations parents-enfants, du quotidien d’une famille d’animaux aux grand yeux étonnés qui dévoraient surement la vie à pleine dents. Mais j’avoue que le petit autocollant prévu par les bibliothécaires de la médiathèque où je l’ai emprunté qui annonce « A lire avec un adulte » m’a mis la puce à l’oreille, cela annonçait que la lecture ne serait peut-être pas si évidente…

Pépita : J’ai tout de suite pensé à une histoire parodie du conte Boucle d’or et les trois ours et en effet, il y a un peu de ça dans cet album mais pas que… Je te rejoins aussi Colette dans ton impression : un album sur la vie de la famille ours. Il y a de ça aussi mais pas que…
Cependant, ce titre… Les deux termes principaux pour moi : « une » et « vie ». Une pour dire qu’elle est parmi tant d’autres et vie implique un début et une fin. Et effectivement, il s’agit d’un album beaucoup plus lourd de sens qu’il n’y parait à première vue. Au final, le titre s’éclaire après la lecture et il est tout à fait bien trouvé.

Alice : Vous ne trouvez pas qu’ils sont sans expression ces ours, en fait ? Seule la main levée de l’aîné nous invite à rentrer dans le livre. Si on la cache, on a une photo de famille, presque un peu triste.
Quant au titre Une vie d’ours, il m’a évoqué l’expression « Une vie de chien », … pas terrible, hein ?
Du coup, je me retrouve avec entre les mains un album qui me donne une première impression pas très optimiste.
Heureusement, le soleil brille dans le fond de l’illustration et cette famille a l’air unie.

 

Bouma : Et maintenant que vous l’avez lu. Que raconte-t-il réellement ?

Pépita : On entre effectivement dans le quotidien d’une famille ours et le temps qui passe fait son œuvre.

Sophie : Une vie tout simplement avec les jeunes qui vieillissent, les anciens qui partent et les plus petits qui arrivent…

Colette : Une vie d’ours ne raconte rien de moins que ce que son titre laissait présager. A part qu’en fait il ne s’agit pas vraiment d’ours ici mais bien d’êtres humains. Le zoomorphisme n’est là semble-t-il que pour sublimer la finitude de toute existence humaine. Parce que c’est cela le sujet de cet album : l’humaine mortalité. Mais là où les illustrations nous permettent d’entrer émerveillés dans l’histoire, le texte lui est direct comme un le coup de poing du même nom !

Bouma : Moi j’ai été surprise par ce zoomorphisme car je m’attendais à un livre sur le rythme de la vie de l’ours avec ses périodes d’hivernation par exemple. Quelque chose de plus joyeux et plus enfantin. Je pense que cette attente m’a été induite par les illustrations de Janik Coat.

le baron perché

Que pensez-vous de ces illustrations d’ailleurs ? N’y-a-t-il pas un décalage avec le sujet de l’album ?

Pépita : Oui, complètement ! Par ces illustrations, on entre dans l’univers enfantin et on s’attend effectivement à une histoire sur les ours mais le texte est en partie en contradiction : trop explicite, trop pour « grand » et parfois très dérangeant en ce qu’il ne laisse pas libre cours à sa propre interprétation, à ce qui est dit là sur la mort, le deuil et la vie qui passe.

Sophie : C’est vrai que ces illustrations font tout de suite penser à l’univers des petits et à une histoire simple de leur quotidien. Malgré tout, plus je regarde ce livre, plus le regard des personnages laissent une sensation inquiétante, peut-être là pour avertir sur le contenu de l’histoire !

Alice : Si je re-feuillette le livre en ne tenant compte que des illustrations, je les trouvent sans âme, manquant d’expressivité.
Clairement représentatives de la technique utilisée par Janik Coat (utilisation de logiciel).
Elles ne me dérangent pas… mais n’apportent pas grand chose au texte non plus.

Colette : Comme Alice, je trouve les illustrations très représentatives du style de Janik Coat. Je ne les dirais pas sans âme mais en effet notre famille d’ours est comme figée. L’âme est ailleurs pour moi, dans la couleur, dans les formes, dans ce graphisme épuré et délicat de l’artiste. Mais comme Pépita le souligne il y a un vrai décalage entre ces illustrations et le texte si cru, si dur, presque… inapproprié !

Kik : Je suis une grande fan de Janik Coat et ces ours ne m’ont pas dérangés. Je n’ai pas senti ce décalage. Certes il existe une certaine neutralité. Côme. Quelque chose de figé mais je l’ai plutôt perçu comme des photos de famille. Vous savez comme ces portraits de famille faits chez le photographe il y a quelques décennies. Pour moi, ce livre est comme un album de famille.

Pépita : Tout comme Kik, l’univers de Janik Coat, j’entre bien dedans, le côté figé ne me dérange pas puisqu’il est effectivement renforcé par les couleurs et leurs forts contrastes. Et que de beaux albums elle a dessiné !

Bouma : Nous ne sommes donc pas toutes d’accord sur ce décalage et tant mieux puisque ma question suivante tourne autour de votre ressenti face à cette lecture.

Comment avez-vous vécu cette histoire ? Quels sentiments avez-vous ressenti une fois celle-ci terminée ?

Colette : En ce qui me concerne, le texte m’a vraiment dérangée et c’est un album que je n’ai pas eu envie de lire à mes enfants, alors que je suis vraiment absolument fan de Janik Coat comme Kik. Je trouve la thématique de la vieillesse et du cycle de la vie très importante à aborder dès le plus jeune âge mais pourquoi cette manière de numéroter les enfants de la famille au lieu de les nommer et surtout pourquoi ces intrusions de ce langage dit « des adultes » ou « des journalistes » dans un album jeunesse qui se présente comme un conte ? Ces intrusions – il me semble que le texte n’en avait pas besoin pour être clair – gâchent un peu la saveur de l’implicite propre à la lecture fictionnelle.

Kik : J’ai été surprise plutôt que gênée pour ma part. Je n’ai pas tout de suite compris où l’auteur nous emmenait. Dès la fin de la première lecture, j’ai relu l’album pour percevoir les nuances et les détails dans les illustrations.
Peu d’albums évoquent le temps qui passe de cette manière, il faut être prêt après sa lecture à un enfant à répondre à d’éventuelles questions. Pour moi, il est bon de se questionner sur la vie et la succession irrémédiable des générations.

Sophie :Comme Kik, j’ai plutôt été surprise pour finalement remarquer que je ne me retrouvais pas dans cette histoire. Il y a une structure familiale très classique mais cette succession comme si les générations ne faisait que se répéter ne me convient pas vraiment. Certes le sujet est important mais il y a une ambiance angoissante qui m’a été désagréable à la première comme aux lectures qui ont suivies.

Pépita : Je vous rejoins totalement : trop d’explications dans ce texte qui ne laissent pas la part au cheminement intérieur de chacun. J’ai été mal à l’aise à la première lecture. Je l’ai donc laissé reposer et relu. Et là, un peu d’agacement en fait. On peut parler de la mort et du deuil et du temps qui passe à travers les générations aux enfants, et je pense même qu’on peut tout aborder avec les enfants, mais pas de cette façon-là. C’est trop appuyé, trop explicatif, comme si le lecteur n’était pas capable de comprendre presque ! Et du coup, je pense que les questions de l’enfant ne peuvent plus émerger, il n’y a plus l’espace pour. Je ne l’aurais pas lu à mes enfants petits ou alors, je n’aurais pas tout lu, ce qui demande de la part de l’adulte une pré-lecture tout de même et c’est dommage.

Alice : Une lecture très distanciée pour ma part. Et je rejoins Pépita, trop de textes explicatifs et une linéarité sans surprise : ainsi va la vie …

Bouma : Moi c’est aussi cette linéarité qui m’a dérangé. Ajoutez à ça, ce non esprit de famille permanent : chacun pour sa pomme et toujours le plus fort qui se sert en premier, les enfants n’ayant que les restes… Je sais en tant qu’adulte que l’histoire est une métaphore de la vie mais je ne l’ai pas trouvée pertinente.

Au final, le recommanderiez-vous ? Pourquoi ?

Pépita : Le recommander. Je ne sais pas en fait. Ou alors avec un accompagnement, voire une mise en garde.

Sophie : J’aurais du mal à le recommander comme je n’ai pas trop accroché. Et puis même si le thème colle avec une demande, l’âge est difficile à déterminer. Les illustrations irait bien à des maternelles mais le texte est long et le contenu pas évident.

Alice : Pas tellement convaincue, j’aurais du mal à le proposer.

Colette : Au final je n’ai pas lu à mes garçons, ce qui prouve bien qu’inconsciemment je n’y ai pas trouvé de quoi nourrir leur curiosité… Dommage, j’aime tellement les dessins de Janik Coat !

Kik : Moi je le recommanderai. Un certain point de vue, à compléter avec d’autres. Il apporte quelque chose de différent.

§§§

Et bien voilà, il ne vous reste plus qu’à trouver cet album et à vous faire votre propre avis dessus.