Lecture commune : dans l’univers fantastique de la Belle et la Bête

Il existe une multitude de versions de ce conte célébrissime. Depuis Madame de Villeneuve et Madame Leprince de Beaumont, il a été remanié, réécrit, adapté… C’est d’ailleurs la seconde fois que Cécile Roumiguière se prête à l’exercice : elle avait déjà travaillé sur la version de Madame de Villeneuve avec la complicité d’Aurélia Fronty en 2013. De son côté, Benjamin Lacombe avait envie de retrouver l’émotion causée par la découverte du film d’animation de Disney, et les textes originaux ne lui convenaient pas. C’est donc une toute nouvelle version, modernisée que vous proposent les éditions Albin Michel. Et Liraloin et Lucie n’ont pas pu s’empêcher d’en discuter.

La Belle et la Bête de Cécile Roumiguière, illustrations de Benjamin Lacombe, Albin Michel jeunesse, 2025.

Liraloin : Est-ce que la couverture t’a attirées ?

Lucie : En fait n’importe quel livre qui porte le titre La Belle et la Bête m’attire par principe. Je ne sais pas vraiment expliquer pourquoi mais j’ai un attachement particulier à ce conte. Sur cette couverture, l’utilisation de la lumière qui attire l’œil dans le creux du cou de la Belle et l’attitude un peu résignée de la Bête m’ont intriguée. Et toi ?

Liraloin : Mon attachement est purement enfantin car je connais mal ce conte, du moins son caractère originel. C’est le dessin animé que j’ai vu au cinéma à sa sortie qui m’a transporté : une femme, brune : ça change qui lit des livres et qui peut porter de superbes robes. Une héroïne qui lit !!! Cette couverture est très attirante, glauque à souhait ce qui tranche avec notre cerveau trop habitué à la version Disney. Il y a ce mélange gothique et tellement de tendresse dans ce couple. Oui, tu as raison nous avons là une Bête résignée.

Lucie : Mais oui moi aussi, enfin une héroïne roturière qui rejette le bellâtre de service et surtout qui lit. Joie absolue, l’adaptation de Disney ! D’ailleurs, on en parlera mais ce film fait partie des références de Benjamin Lacombe. Et alors, passée cette couverture, coup de cœur ou pas ? Je sais que tu avais quelques réserves avant de le lire et je suis aussi très curieuse de connaître ton ressenti !

Liraloin : J’aime beaucoup l’écriture de Cécile Roumiguière. J’avais eu un énorme coup de cœur pour son roman Les Fragiles. Au salon du livre SLPJ de l’année dernière elle était présente lors de la superbe dédicace pour l’album Les 9 vies extraordinaires de la Princesse Gaya. Elle est discrète, douce. Par contre voilà, je l’avoue je ne suis pas fan du travail de Benjamin Lacombe. Il y a dans ses illustrations une espèce de froideur qui me fige, je n’arrive pas à dépasser cette sensation. Après les albums proposés dans cette collection sont extraordinaires.

Liraloin : Est-ce que tu connaissais Cécile Roumiguière ? Aimes-tu le travail de Benjamin Lacombe ?

Filles de la Walïlü, Cécile Roumiguière, L’école des loisirs, 2020.

Lucie : De Cécile Roumiguière je n’ai lu que Les filles de la Walïlü qui avait été proposé une année pour le prix ALODGA. Je n’avais pas accroché, mais sans détester non plus. Quant au travail de Benjamin Lacombe, son trait est très particulier, je pense que je me souviendrai si j’avais lu quelque chose de lui. J’aime beaucoup ses décors et l’attention qu’il porte à l’éclairage de ses scènes. En revanche, j’ai un vrai problème avec les yeux de ses personnages qui me font penser aux “Big Eyes” de Margaret Keane. Cela donne un côté inquiétant qui n’est pas forcément justifié ici (alors que c’est tout à fait pertinent dans son travail sur Mercredi par exemple). C’est son style, on aime ou pas, mais je pense qu’il ne laisse pas indifférent.

Mercredi par Benjamin Lacombe sur le site 2dgalleries.com

Liraloin : Oui tout à fait je ne comprend pas ici que la Belle soit illustrée ainsi pourtant je suis capable de me détacher de toute image imprégnée par Disney ou autre…

Lucie : Puisqu’on y revient, étant toutes les deux fans du dessin animé de Disney, nous n’avons pas pu manquer les clin d’œil de Benjamin Lacombe à ce film. As-tu apprécié et si oui lequel as-tu préféré ?

Liraloin : Alors malgré mes deux lectures de ce texte et aussi à regarder attentivement à nouveau les illustrations, je n’ai pas compris pourquoi tout d’un coup, dans cet univers Freaks et gothique nous avons Madame Samovar qui apparaît !

Lucie : Je vois ce que tu veux dire. Les souvenirs du film Disney que nous avons ne correspondent pas trop au gothique sombre des illustrations. Encore que dans le dessin animé le château était pas mal inquiétant aussi. C’est ton dernier mot, Madame Samovar ?

Liraloin : Le côté inquiétant est poussé à son extrême aussi ici et du coup ça en fait un détail qui tombe un peu comme un cheveu sur la soupe si je peux dire. De ton côté, comment as-tu perçu ces détails et clins d’œil ?

Lucie : J’ai apprécié retrouver les costumes dont Lacombe a gardé les couleurs. Les autres, type les personnages Madame Samovar, Zip, Lumière, etc. ça tient plus de la blague d’initié. Pas indispensable mais pas gênante non plus pour moi.

Liraloin : Tout comme toi, j’ai apprécié retrouver les costumes mais j’ai aussi été déçue (c’est assez ambivalent comme sentiment) : si nous assistons à une réécriture du conte alors autant y aller franco et imaginer d’autres visages, vêtements…

Lucie : Comme l’a magnifiquement fait David Sala, que nous aimons beaucoup toutes les deux, dans ses illustrations de la version de Madame Leprince de Beaumont, par exemple.

La Belle et la Bête, Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, illustrations David Sala, Casterman, 2014.

Lucie : De mon côté, j’étais un peu inquiète de l’annonce de la réécriture “moderne” du conte. Qu’en as-tu pensé ?

Liraloin : J’ai été très surprise et agréablement, j’ai vraiment apprécié ce travail de recherche, et que Cécile Roumiguière choisisse de s’inspirer de Madame de Villeneuve que de Madame Leprince de Beaumont. De plus, elle y ajoute l’histoire des Gonsalvus dont tu parles dans ta critique sur Babelio. Cette histoire sert de base à cette réécriture car le sort est inversé, comme c’est bien vu ! La Bête est née Bête (pilosité-maladie génétique) et c’est la mère de ce dernier qui convoque un mage pour que son fils soit “normal”.

Lucie : Oui, en fait de “modernisation”, c’est un retour aux sources pour aborder la notion de différence, celle du consentement aussi qui prend plus de place que dans d’autres versions… C’est très intelligemment fait.

Liraloin : D’ailleurs c’est intéressant ce que tu dis là car dans la version illustrée par Aurélia Fronty, Cécile Roumiguière ne se détachait pas du texte de Madame de Villeneuve. Je parle du moment où tous les soirs après le repas la Bête demande systématiquement à Belle si cette dernière accepte qu’il couche avec elle. Ici on est sur une version plus adaptée aux enfants et vue également dans le film de Cocteau.

La Belle et la Bête, Cécile Roumiguière, illustrations d’Aurélia Fronty, Belin éducation, 2013.

Lucie : Oui, ici la Bête pose une question rituelle tous les soirs mais c’est “Voulez-vous m’épouser ?” qui est quand même un peu moins direct !

Liraloin : Autre changement : de l’Europe du Nord, le conte est transposé à Venise. Ce choix t’a-t’il convaincue ?

Lucie : Honnêtement, dans la mesure où les personnages quittent à peine le château (et encore, pour aller chez la Belle), je n’ai pas bien vu l’intérêt. Mais il permet la magnifique illustration brumeuse des pages 48-49 alors… Et puis c’est la ville des amoureux, le père est un armateur, cela peut se justifier. Cécile Roumiguière avait d’ailleurs déjà fait ce choix pour sa version précédente sous titrée Rendez-vous à Venise.

Liraloin : Contrairement à toi, j’ai vraiment apprécié que l’intrigue se passe à Venise, je pense que c’est son côté vaporeux, brumeux et dédales de rues comme les pièces cachées d’un château qui m’a plu. De plus, l’eau noire sur laquelle évolue ce personnage mystère m’a interpellé, apportant un aspect magique en phase avec cette réécriture.

Lucie : Pour moi, l’élément le plus marquant de cet album, ce sont les lettres que se sont écrites la Belle et la Bête pendant leur séparation. Ils ne les ont pas envoyées mais elles sont reproduites à la fin de l’ouvrage. As-tu aimé cette idée ?

Liraloin : J’ai trouvé cette idée très originale dans le sens où notre empathie est directement mise à l’épreuve. On s’éloigne du caractère un peu froid du conte pour tomber et joliment tomber dans un échange épistolaire émouvant. Tu as ressenti la même chose ?

Lucie : Je suis d’accord avec toi, j’ai trouvé que c’était une excellente idée. Belle a déjà commencé à s’attacher à la Bête au moment où elle retourne dans sa famille, mais c’est à travers ces lettres que l’on ressent vraiment l’évolution de ses sentiments. Cela rend son amour plus crédible, d’une certaine façon. Et les lettres de la Bête montrent bien l’humanité sous l’aspect bestial.

A la suite des ces lettres, les lecteurs ont la surprise de découvrir un dossier documentaire illustré sur la famille Gonsalvus à l’origine de ce conte. Cécile Roumiguière explique qu’il s’agit d’une famille dont le père, atteint d’hypertrichose, a été considéré comme un animal de compagnie dans différentes cours d’Europe au 16ème siècle. Cela lui permet de mieux comprendre l’histoire à laquelle la Belle fait allusion dans ses lettres à la Bête (d’ailleurs c’est lui-même, qui lui donne un livre parlant de cette petite fille-animale de compagnie).

Et pour conclure, Benjamin Lacombe présente cette collection qu’il dirige et explique ses influences.

Lucie : Pour conclure, à qui conseillerais-tu cet album ?

Liraloin : Pour cet album, je pourrais le conseiller à des enfants à partir de 11 ans (bons lecteurs tout de même ou ultra fans de ce conte). Le côté angoissant n’est pas gênant car le fantastique reste une ambiance pour ma part.

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Nous espérons vous avoir donné envie de découvrir cet album, voire de relire ce conte dans différentes versions !

Lecture commune : Marie et Bronia.

En mars, À l’ombre du grand arbre, nous célébrons les femmes ! Et aujourd’hui nous mettons à l’honneur deux femmes hors du commun, deux scientifiques incroyables : Marie Curie et sa sœur Bronia Dluska. C’est grâce à la plume de Natacha Henry, essayiste féministe, historienne et journaliste franco-britannique, que nous avons découvert ce qui liait ces deux sœurs, ce qui les faisait avancer au delà des interdictions et des préjugés qui empêchaient alors les femmes d’étudier et de se réaliser dans les sciences. Une lecture commune s’imposait !

Frédérique. – Qu’as-tu pensé de la couverture ?

Colette.- Alors, avec le recul permis par la lecture, je dirais que la femme sur la couverture, au milieu de cette allée enneigée, au cœur d’une campagne glaciale, c’est plutôt Marie. Marie qui se tourne vers l’avenir qu’elle est en train de se construire en travaillant pour la famille qui vit dans la grande maison bourgeoise que l’on devine à l’arrière-plan. La couverture aurait été encore plus symbolique si sur sa quatrième, on avait pu deviner la silhouette d’une femme traversant les rues de Paris. D’un côté Marie, de l’autre Bronia, et au centre les 327 pages qui nous racontent leur pacte.

Frédérique. – Pour moi, cette couverture évoque une fuite, un élan. Il y a deux prénoms sur la couverture et pourtant une seule femme. Comme si Bronia et Marie ne faisaient qu’une, avec une envie commune : celle de réussir. Dès les premières pages, le lecteur sent un couple qui s’aime et qui se ressemble (les parents de Marie et Bronia) qui je pense seront toujours des modèles en amour pour les deux sœurs. Pour toi, que veut montrer ce couple à ses enfants?

Colette.- Bronislawa et Wladyslaw forme un couple d’une grande simplicité, de celle qui caractérise les amours sincères. Ils ont la passion de l’enseignement et de la transmission en partage et ils sauront, chacun à leur mesure, l’insuffler à leurs cinq enfants. Bronislawa, un peu moins longtemps que son époux, hélas… Ce que j’ai pu pleurer en terminant ce premier chapitre… Que dirais-tu de l’ambiance familiale dans laquelle grandissent Marie et Bronia ?

Frédérique.- L’ambiance familiale est très chaleureuse car, comme nous l’évoquions précédemment, cette famille est issue d’un couple qui s’aime. Très vite on sent que les enfants, qui ont peu d’écart, sont unis et s’entraident beaucoup. Malheureusement, le malheur s’abat très vite dès que la mère tombe malade.

Colette.- Oui, je suis entrée dans ce livre les larmes aux yeux ! C’est rare d’ailleurs les romans qui commencent par un enchaînement de tels évènements dramatiques. Je ne sais pas pour toi, mais quand j’ai lu les pages sur la mise en quarantaine de Bronislawa, je me suis rendue compte à quel point la situation que nous vivons en ce moment avec le coronavirus n’était vraiment pas une situation inédite et que des tas d’autres avant nous avaient du y faire face sans les connaissances et les moyens scientifiques que nous avons… Cela m’a permis de relativiser notre malheur.

Frédérique.- Exactement!!! Tout comme toi je me suis dis « whaouuuu » et bien, tiens donc, quelle coïncidence. Je ne sais plus mon sentiment à ce moment là, mais j’ai pris une petite baffe. Une baffe qui m’a fait réagir en me disant qu’un jour nous allions nous sortir de tout cela.

Colette. – Ce que j’ai trouvé très intéressant dans ce roman, moi qui adore le personnage de Marie Curie et qui avais lu plusieurs documentaires sur elle, c’est qu’ici l’auteure nous la montre certes avec ses forces, mais aussi avec ses faiblesses. Comment la décrirais-tu ? Quel portrait gardes-tu en mémoire de ce personnage ?

Frédérique. – J’ai lu et vu quelques documentaires sur Marie Curie également, toujours très fascinée par cette intelligence un peu hors du commun. Le dernier documentaire, lu avec mon fils, était celui de la collection Les Grandes Vies chez Gallimard jeunesse.

Marie Curie, Coll. Les Grandes Vies, Gallimard Jeunesse.

Dans ce roman, son portrait de départ est celui d’une fille, d’une jeune fille et d’une femme déterminée à poursuivre ses études, que rien de peut arrêter. Elle est forte, solide et semble incassable ! Elle prend sur elle lors de la maladie de sa mère, durant le deuil aussi. Elle se tait et se retient lorsqu’elle doit être gouvernante pour aider sa sœur financièrement. Il y a une forme de renoncement surtout lorsqu’elle se sent délaissée par son premier amant. Et se ré-enferme d’ailleurs pour mieux se laisser aller à l’amour plus tard avec Pierre Curie.

Colette. – Par rapport au portrait que tu dresses de Marie Curie, j’aimerais ajouter que ce livre apporte quelque chose d’infiniment plus humain que tous les documentaires que j’ai pu lire précédemment sur cette éminente scientifique : on y découvre quand même une jeune fille qui aime s’amuser, danser, patiner, courir… On y découvre une amoureuse passionnée, qui vit ses relations amoureuses tellement fort que l’une d’elles va manquer d’éteindre la soif d’apprendre de notre héroïne. Il y a quelque chose de léger, d’insouciant, de virevoltant chez Marie qu’on ne retrouve pas chez Bronia, qui pour moi est beaucoup plus déterminée que sa sœur à réussir ses études. Et je ne m’y attendais pas, étant donné que je ne savais absolument rien sur la sœur aînée de Marie Curie alors que, franchement, quel personnage incroyable !

D’ailleurs que retiens-tu de la personnalité méconnue de Bronia, qui pourtant, on ne cesse de le dire, a joué un rôle primordial dans la trajectoire de Marie ? Je trouve son travail sur l’allaitement précurseur et m’étonne qu’il ne soit pas plus connu.


Frédérique. –Pour moi, elle est indissociable de Marie à tel point que, même quelques mois après ma lecture, j’ai l’impression que les deux sœurs ne font qu’une. Bizarre non? Comme toi, je ne connaissais pas du tout le parcours de Bronia. Pour toi, comment les deux sœurs se complètent tout le long du roman ?

Colette. – Je trouve que si, au départ, les deux sœurs avaient un parcours similaire, dirigé vers les études et des carrières de scientifiques, elles prennent des chemins très différents quand elles sont séparées physiquement, l’une à Paris, l’autre à Szczuki. En fait, il faut bien le dire : d’après ce roman, il n’y aurait pas eu de Marie Curie sans Bronia Dluska ! Si Bronia n’avait pas insisté pour rappeler à Marie leur pacte, elle serait peut-être restée en Pologne à jouer la gouvernante des enfants de familles riches. C’est incroyablement beau quand même cette sororité qui pousse à se dépasser et à rester intègre à soi-même ! Qu’en penses-tu ?

Frédérique. – Je pense que c’est là que réside toute cette histoire de pacte ! L’une sans l’autre ne peut s’accomplir. Après tout, une fois Bronia installée et mariée, cette dernière aurait pu « oublier » ou se « dégager » de ce pacte. Rien ne s’oublie : le sens du devoir et surtout cet amour véritable qui unit les deux sœurs ! J’ai quand même l’impression que ce sens du devoir est beaucoup plus fort chez les femmes. Est-ce à cause de l’impossibilité de faire des études? Qu’est-ce que tu en penses ?

Colette. – Concernant le sens du devoir, comme dans le roman, nous n’avons pas vraiment de personnages masculins que l’on pourrait analyser en parallèle de nos deux héroïnes, je ne saurais répondre à ta question. Malgré tout, il y a dans ce roman un personnage masculin particulièrement émouvant, c’est le père de nos deux sœurs et il me semble qu’il fait preuve d’un merveilleux sens du devoir parental. En effet, même si le pacte est ce qui pousse Marie à sortir de la morosité dans laquelle la plonge sa déception amoureuse, c’est aussi son père qui trouve, en quelques mots comment l’amener à renouer avec la physique. Je trouve ce père formidable ! Vive les romans jeunesse qui mettent en avant des pères (qui plus est ici de famille nombreuse) aussi investi ! C’est finalement la famille qui est au cœur de toutes les ambitions, des cheminements, des découvertes de Marie et Bronia. Que ce soit dans le cocon familial en Pologne ou dans la famille retrouvée à Paris ou encore, plus tard, avec la rencontre avec Pierre, avec la famille de celui-ci, si accueillante et investie. Quel formidable grand-père, le docteur Curie ! Je lis ce roman non seulement comme une ode à la sororité mais surtout à la famille. D’ailleurs, n’est-ce pas quand Marie s’éloigne de sa famille que le pacte pourrait être brisé, que le moins audacieux en elle pourrait être flatté ?

Frédérique. – Je suis d’accord avec toi, la figure paternelle est très bien construite. Le père est dévoué à ses enfants. Ce que tu écris me fait penser à autre chose sur les hommes qui gravitent autour de nos deux sœurs. Casimir aura fort à faire pour tenter de séduire Bronia qui ne voit en lui qu’un séducteur et elle va le repousser dans ses retranchements, ce qui est très intéressant. Pierre Curie, c’est autre chose, sa timidité joue contre lui et il admire complètement Marie. Et je suis d’accord avec toi, la famille ne fait plus qu’un lorsque Marie s’éloigne. Elle semble perdue mais son courage reprendra le dessus, grâce à sa sœur, encore une fois!

Colette. – Parlons un peu d’amour si tu le veux bien justement ! Quel rôle joue-t-il ce sentiment dans le parcours de vie de nos deux héroïnes ?

Frédérique. – Il est au cœur de leur histoire. Le plus beau c’est qu’il est présent dès le départ, mais il n’est pas au centre de leurs préoccupations. Marie et Bronia mettent l’accent sur leurs études et n’ont que faire de l’amour. Peu à peu, il prend une place comme pour les aider à cheminer, à trouver une force au-delà d’elles-mêmes. Très tôt, nous l’avons évoqué plus haut, l’amour est présent à travers l’amour des parents. Je pense que Marie et Bronia souhaitent avant tout être en osmose avec leurs futurs amoureux et surtout sur le même pied d’égalité. Après tout, c’est Marie qui aide Casimir Zorawski à résoudre un problème de mathématique (alors que lui est dans une grande école). C’est Bronia qui tient tête à son Casimir Dluski si séducteur. Enfin, c’est Marie qui sera la clé de la réussite de Pierre Curie. Pour moi, il est là tout le long du récit, cet amour complet et unique. L’amour qui fait vibrer le cœur grâce à la tête.

Colette. – C’est un des aspects que j’ai adorés dans ce roman, non Marie et Bronia ne sont pas que des intellectuelles, ce sont aussi des être sensuels ! Loin des clichés sur les scientifiques. Comment comprends-tu le choix de l’auteure de ne pas faire durer le roman jusqu’à la mort des personnages, comme on pourrait s’y attendre dans un roman qui se veut quand même biographique ?

Frédérique. – Pour moi c’est un choix parfaitement simple. Natacha Henry a choisi ne de garder que cette belle complicité entre Marie et Bronia. C’est notre toile de fond, elle résonne tout le long du récit et ainsi éclipse toute tentation de vouloir conclure sur la mort des personnages. Et toi, Colette comment le perçois-tu?

Colette. – J’ai vu ce choix comme une fenêtre en effet sur l’accomplissement du pacte : une fois le pacte « réussi », l’histoire était terminée. Mais du coup, je me suis demandée si après le déménagement de Bronia et de son mari pour leur projet de sanatorium, les deux sœurs s’étaient éloignées – non seulement géographiquement mais aussi moralement. Il n’y a pas de précision sur ce point dans les notices biographiques à la fin du livre. J’ai toujours le besoin de savoir comment les gens exceptionnels vieillissent, ça doit être un questionnement lié à la quarantaine qui approche à grands pas. Si tu ne devais garder qu’un mot pour caractériser Marie et un pour caractériser Bronia, que choisirais-tu ?

Frédérique.- Marie, c’est la pugnacité et Bronia, la stabilité, deux qualités qui s’accordent parfaitement avec leurs métiers respectifs.

Nous vous invitons donc à découvrir ces deux femmes exceptionnelles en empruntant le livre de Natacha Henry dans la médiathèque la plus proche ou en rendant visite à votre libraire !

Nos coups de cœur du mois d’octobre.

Ca y est, l’automne est là. La déprime hivernale nous guette, le coronavirus avance toujours masqué, l’actualité est chaque jour plus violente… Mais dehors, les arbres se sont parés d’une lumière très particulière, les enfants ont hâte d’enfiler leurs bottes de pluies pour glaner ici ou là les seuls vrais trésors qui vaillent la peine qu’on lutte contre la morosité ambiante : bogues de châtaignes, petit caillou irisé, feuilles mortes écarlates et complicité retrouvée avec les gens qu’on aime.

Et si, cerise sur le gâteau, on partageait aussi des lectures réconfortantes, réjouissantes, enthousiasmantes ? Calé.e.s sous un plaid généreux, tête contre tête, place à nos coups de cœur du mois d’octobre !

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Pour Colette, la collectionneuse de papillons, enfin de retour sur son blog, le livre du mois sera un petit récit original qui renoue avec les textes de la mythologie grecque mais d’un point de vue très particulier : le point de vue de ses monstres. Il s’agit de Moi, Minotaure de Sylvie Baussier publié chez Srineo.

Son petit avis est par ici.

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Pour Liraloin, il est question d’un album où la promenade entre sœurs devient un jeu qui parfois peut faire peur. Une histoire pour s’aérer et s’évader dans les bois aux couleurs changeantes et pleine de douceur.

Au fond des bois de Anne Cortey et Julia Wauters, Editions Sarbacane, 2017

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Pour Pépita et son MéLI-MéLO de livres, c’est un doudou canard dans une nouvelle aventure qui est le coup de cœur du mois ! Si vous ne connaissez pas ses aventures, il est encore temps d’y remédier ! Julien Béziat excelle à raconter ces trucs TERRRRRIIIBLES ! qui lui arrivent. Publié par Pastel chez l’Ecole des loisirs.

L’oeil de Berk de Julien Béziat, Pastel-Ecole des Loisirs

Son avis ICI.

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Le roman que vous propose Lucie n’est pas gai.
A l’approche du 11 novembre son choix s’est porté sur le Soldat Peaceful de Michael Morpurgo. Avec l’humanité qu’on lui connaît, l’auteur anglais nous entraîne aux côtés de Tommo à la veille d’un évènement qui va bouleverser sa vie. Un roman essentiel.

Soldat Peaceful de Michael Morpurgo, Gallimard Jeunesse

Son avis ICI.

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Pour Linda et ses ladies, l’humour très second degré de ce recueil de nouvelles horrifiques a mis du rire dans la maison. Parmi ces vingt histoires, il n’y pas de place pour les cœurs sensibles qui ne peuvent supporter les pleures des petits pois, le bruit de la peau de la pomme qui craquèle sous la chaleur du four ou le cri de la carotte râpée dont les plaies béantes seront saupoudrées de sel. Âmes sensibles, vous êtes prévenues!

Le supplice de la banane et autres histoires horribles de Madlena Szeliga, Albin Michel Jeunesse

Son avis est ICI.

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L’île aux trésors croule sous les pépites en ce mois d’octobre ! Mais s’il ne fallait en retenir qu’une, ce serait le dernier album des talentueux Fan Brothers. Un superbe objet livre qui donne à réfléchir sur les dérives de la quête de perfection, captive, enchante et réconforte.

Le projet Barnabus, des Fans Brothers, Little Urban.

Son avis est ICI.

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Sur les étagères de son Petit Bout de Bib(liothèque), Bouma a choisi d’installer un album qui déploie son texte et ses couleurs comme autant de perles scintillantes. Un livre entre le conte initiatique et la critique sociétale à partager sans modération entre petits et grands.

Le Géant Chagrin de Carole Martinez et David Sala, Casterman, 2019

Son avis est ICI.

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Et vous ? Quel serait votre coup de cœur à partager parmi vos lectures du mois d’octobre ?

Prix A L’Ombre Du Grand Arbre 2020 – Brindilles et Petites feuilles

C’est reparti pour une nouvelle année !

Vous connaissez le principe ? Ou peut-être pas ?
C’est donc l’occasion de vous rappeler comment fonctionne les Prix ALODGA.

Il s’agit d’une sélection de livres de jeunesse réalisée par les Arbronautes avec pour seul critère l’année d’édition (ici 2019). Le collectif se voit proposer un certain nombre de titres par ses membres, qui vont, par sous-commission, réduire la liste à 3 ou 4 titres par catégorie.

Ensuite, c’est au public de décider quel sera le gagnant du Prix en votant pour son titre préféré.

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Prix Brindilles (Albums Petite Enfance)

Quel est votre album préféré parmi les Brindilles ?

  • Une sieste à l'ombre de Legendre et Spiers (43%, 13 Votes)
  • C'est qui chat ? de Van Zeveren (30%, 9 Votes)
  • Chut ! il ne faut pas réveiller les petits lapins qui dorment de Jackowski (27%, 8 Votes)

Total Voters: 30

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Prix Petites Feuilles (Albums pour les plus grands)

Quel est votre album préféré parmi les Petites Feuilles ?

  • Petit Renard de Vendel et Tolman (62%, 16 Votes)
  • Sur mon île de Myung-Ae Lee (38%, 10 Votes)
  • La nuit où j'ai grandi de Rius et Robert (0%, 0 Votes)

Total Voters: 26

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Merci pour votre participation.

On se retrouve le mois prochain pour deux nouvelles catégories.

Lecture commune : Petit Renard

Il est des albums qui font d’emblée l’unanimité tant ils touchent au sublime.

PETIT RENARD d’Edward van de Vendel, illustré par Marije Tolman, publié par Albin Michel jeunesse, est incontestablement de ceux-là.

Évidemment, sous le Grand arbre, quand il est question de beau, on a de suite envie d’en discuter et de partager !

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Pépita : Petit renard : à l’ouverture de cet album, quelle a été votre première réaction ?

Isabelle : Avant même de l’ouvrir, je suis immédiatement tombée sous le charme de la couverture qui donne le ton – entre orange vif et nuances de gris, entre photo et dessins, entre contemplation mélancolique et fantaisie. En commençant à feuilleter, j’ai été à la fois soufflée par la beauté des illustrations et très intriguée par l’absence de texte, me demandant où ce petit renard nous entraîne.

HashtagCéline : Comme Isabelle, j’ai été immédiatement séduite. Les illustrations mêlant photos et dessins sont originales et j’y ai été d’emblée très sensible. C’est rare qu’un album me fasse ressentir autant d’émotions sans même que je l’ai lu. Rien qu’en le feuilletant, je l’ai trouvé riche et j’ai senti ce rythme si particulier. J’ai tout de suite su que ce livre serait un coup de cœur. Un vrai coup de foudre pour ce petit renard orange.

Colette : J’ai tout de suite été séduite par le soin apporté à la matérialité de cet album : reliure en tissu, couverture en carton bien épais, cahiers cousus, impression soignée. Ce livre est un bel objet sensoriel ! En l’ouvrant, on découvre d’étranges ramures orangées, puis sur la page de garde, un couple d’amis improbables, un petit garçon vêtu de rouge à la chevelure rousse et un renard au pelage flamboyant. S’ensuivent de magnifiques double-pages où de vastes paysages naturels s’épanouissent – et là le véritable charme opère : entre photographies monochromes et créatures animales dessinées, se livre toute l’originalité du travail d’illustration de Marije Tolman.

Pépita : Tout comme vous, dès que je l’ai eu dans les mains, je me suis dit : pépite ! Et quand je l’ai ouvert, j’ai été littéralement soufflée par ces 17 pages (oui 17 pages !) sans texte mais racontant déjà une histoire, mêlant dessins et photographies, avec un sens des détails si fin que le lecteur est transporté dans ces paysages, qu’il regarde avec les yeux de ce petit renard qui batifole dans cette nature magnifique de bord de mer.

Quel est l’élément déclencheur de l’apparition du texte ?

HashtagCéline : Ce sont les deux papillons violets qui surgissent et qui attirent irrésistiblement notre petit animal… « Pourquoi? Parce qu’ils sont violets. » Deux papillons violets qui nous mettent rétrospectivement la puce à l’oreille sur l’étrangeté de l’aventure que l’on s’apprête à lire et à vivre.Résultat de recherche d'images pour "petit renard albin michel jeunesse"

Pépita : Deux petits papillons violet qui vont faire faire un sacré vol plané à notre petit renard ! L’album entre là dans une autre dimension. Comment l’avez-vous ressentie ? Je dis bien ressentie et non interprétée…

Colette : Un rêve commence alors parce que notre petit renard est assommé par la chute incroyable qu’il vient de faire…

Isabelle : Oui, à ce moment-là, le vagabondage insouciant du renard bifurque dans quelque chose de complètement différent. On voit les deux papillons s’éloigner en voletant alors que le renardeau, qui semble plus petit que jamais dans le vaste paysage, demeure figé dans une position immobile dont on ne sait pas bien si on doit en rire ou s’en effrayer. Quel est ce rêve étrange qui débute ? Personnellement, j’ai été tendue en le voyant se dérouler sous mes yeux, partagée entre l’envie de me laisser attendrir par la mignonnerie des scènes qui se succèdent et une inquiétude sourde : petit renard finira-t-il par se réveiller ?

Pépita : J’ai ressenti la même chose, une peur en fait de ce qui aller arriver, un trouble aussi difficile à cerner.

Isabelle : Je me demande si ce ressenti est une réaction d’adulte. En lisant l’album à voix haute à mes garçons, j’ai eu l’impression qu’ils se laissaient complètement porter par cette déambulation, qu’ils se laissaient aller de façon insouciante à savourer les instants si drôles et mignons qui défilent dans le rêve du Petit Renard. Ils n’associent pas du tout le fait de voir sa vie défiler devant ses yeux avec la possibilité de la mort. Je serais curieuse d’entendre les réactions d’autres enfants !

HashtagCéline : Honnêtement, le premier ressenti a été la surprise qui pour moi transparaît de l’air du petit renard. Et puis l’amusement de le voir partir à leur poursuite. Au premier abord, je me suis plutôt attendrie et réjouie de cette course et j’ai même un peu ri de cette chute. Il y a de l’humour dans ce texte. Et ce « POUF » qui est plutôt inattendu. Alors, oui, voilà comment je l’ai reçu au départ. Évidemment, après l’avoir lu, je ne voyais plus ce moment de la même façon…

Pépita : On assiste alors aux souvenirs de Petit renard. Ses découvertes, ses joies, ses peurs… Avez-vous été sensible à l’articulation texte/ image dans la mise en récit de ce rêve ?

Colette : On en oublie qu’il s’agit d’un rêve au fur et à mesure des pages, car on retrouve les très belles et délicates doubles pages du début de l’album, sans texte, du temps où notre petit renard était bien conscient. Il y a un petit côté album naturaliste dans certaines pages, avec les vignettes aux bords arrondis qui illustrent les multiples découvertes sensorielles de Petit renard.

Isabelle : C’est quelque chose auquel j’ai effectivement été très sensible. Les illustrations portent le texte, les deux sont complémentaires, s’imbriquent… au point que le texte finisse parfois par s’effacer complètement. Cette séquence nous donne ainsi véritablement le sentiment d’entrer dans la tête de petit renard, débordant d’impressions qui semblent parfois flotter dans le vide (ce qui comptait, c’était la chaleur lumineuse de la fourrure maternelle !), une part très importante donnée à la représentations des expériences sensorielles – la vitesse d’une course, les odeurs et les saveurs du terrier – et une perspective toujours subjective, parfois attentive à l’immensité du monde, parfois concentrée par un détail qui frémit sous une feuille. Le texte sonne comme une comptine et m’a fait penser à la manière de parler qu’ont les enfants qui découvrent avec délice le plaisir de faire sonner et rouler certains mots. Images et mots résonnent ensemble comme rarement !

HashtagCéline : J’ai vraiment aimé toutes les surprises que me réservait chaque page avec des mises en page différentes, du texte ou l’absence de texte, des pleines pages ou des petites vignettes… Cela contribue grandement à pénétrer dans le « songe » du petit renard. Un rêve est souvent ainsi, décousu, sautant du coq à l’âne, nous promenant à droite et à gauche sans qu’on puisse suivre une progression précise. Ici, pourtant il y en a une. Ce qui me fait penser que ce rêve n’en est peut-être pas un…

Pépita : Puis l’album introduit un autre personnage : un jeune garçon à la chevelure aussi rousse que le pelage du renard et dans des planches là aussi sans texte, comme au début. Qu’avez-vous imaginé alors ?

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Colette : Une histoire d’adoption, une histoire d’amitié, référence rougeoyante à ce récit si précieux qu’est Le Petit Prince de Saint-Exupéry. Il y a un parallèle entre les deux personnages, le petit humain et le petit animal dans la manière dont ils occupent l’espace des doubles-pages, les jeux sur la plage, puis au milieu des oiseaux. C’est ce que j’ai préféré dans cet album, tous ces liens implicites entre ces deux petits êtres, libres et sauvages. Silencieusement. À chacune de ces doubles-pages c’est comme si la peau de mon visage était balayée par les embruns des bords de l’Atlantique, un vent glacé démêlant les nœuds dans mes cheveux.

Isabelle : Ah ! Je suis contente qu’on en parle car ces liens implicites m’ont laissée un peu perplexe. Comme vous le dites, petit renard et petit garçon roux se ressemblent comme des alter ego. S’agit-il de deux petits êtres que le hasard fait se rencontrer ? Ou l’un est-il le fruit de l’imagination de l’autre, une sorte de projection de lui-même dans un monde imaginaire intensément incarné ?

HashtagCéline : Je me suis posée beaucoup de questions, émettant plusieurs hypothèses sur ce petit garçon. Leurs déambulations dans les pages sans texte, leur ressemblance… Certains indices m’ont fait m’interroger sur la possibilité qu’ils ne soient qu’un seul et même être. Mais après réflexion, je pense que ce garçon est un ami, rencontré sur le chemin de la vie bien rempli et qui fait partie des moments marquants vécus du petit animal.

Pépita : J’ai ressenti à cette lecture une dimension poétique mais aussi spirituelle. Est-ce votre cas ?

Isabelle : Le souffle poétique est évident, dans le rythme du texte, la restitution brute d’expériences sensuelles et émotionnelles, sous une forme presque condensée comme seule la poésie le permet ! L’album a également une dimension spirituelle au sens où l’essentiel du propos naît de la force évocatrice de la pensée et de l’imagination du jeune protagoniste. Mais concerne aussi ce qui peut nous évoquer le vertige de frôler la mort. Et l’ivresse de survivre et de grandir. Est-ce ce à quoi tu faisais référence, Pépita, quand tu parlais de dimension spirituelle ?

HashtagCéline : Mais complètement ! Pour moi, la question de la mort ou non de ce petit renard se pose tout au long de l’album, arrivant avec ces deux papillons violets. Alors si ce n’est pas juste un rêve… que vit petit renard ?

Pépita : Pour vous répondre, j’ai eu d’emblée une lecture spirituelle au sens large : vie et mort, rêve comme métaphore du danger omniprésent dans la vie de l’animal sauvage qui n’est pas sans rappeler la fragilité de toute vie, puissance évocatrice de l’esprit quand il prend le dessus sur le corps, va-et-vient entre le renard et le petit garçon qui sont introduits dans l’histoire de la même façon et que seul petit renard semble voir et pas sa famille. Comme un ange gardien ? Qui l’a déjà sauvé une fois d’un bocal qui aurait pu lui être fatal. Cet album est une ode à la nature aussi, omniprésente. Sans doute que je projette une part de l’adulte que je suis, pétrie de références. C’est un album qui me touche au-delà des mots, une tristesse et une joie mêlées.

Qu’avez-vous pensé de cette fin dans laquelle petit humain et petit renard ne font qu’un ? Le texte n’est pas si facile à saisir non ? L’image est plus explicite.

Colette : J’avoue que la fin de l’album m’a paru très énigmatique du point de vue du texte. Je crois que j’aurais presque préféré un album sans texte pour suivre les déambulations oniriques de Petit renard à travers ces étranges images composites, sans être parasitée par un sens qui m’est resté obscur. Mais j’ai hâte de savoir comment vous l’avez comprise, vous, cette fin !

Isabelle : Il me semble que l’on reste dans l’ambiguïté dont nous parlions toute à l’heure à propos du statut de ce petit garçon. La fin pourrait correspondre au dénouement de l’aventure de Petit renard, grâce au réconfort apporté par l’enfant. Elle pourrait également marquer la fin de la rêverie du Petit renard… ou du petit garçon. Le texte ne lève pas cette ambiguïté en utilisant le pronom « il » sans que l’on sache s’il correspond à l’humain ou à l’animal. Cela ne m’a pas dérangée, j’aime les histoires qui se prêtent à des lectures différentes ! Mais peut-être la fin vous a-t-elle paru moins ouverte, quelle en a été votre lecture ?

HahstagCéline : La fin m’a également beaucoup perturbée. (Décidément !) Pour moi, toutes les interprétations sont possibles. Je pense que chaque lecteur la ressentira de façon différente. La mienne? Je la garde pour moi. Mais elle prend une teinte plus triste et sûrement induite par ma vision d’adulte.

Pépita : oui, la fin n’est pas si facile : elle a une certaine ambiguïté. Mais faut-il la lever ? Pas certaine.

Et si nous abordions un aspect très important de cet album : les illustrations. Pour ma part, elles m’ont subjuguées par leur beauté, leur lumière et le sens du détail. On a l’impression de faire partie du paysage. De toucher les animaux. Ces 17 pages sans texte du début sont sublimes.

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Isabelle : Oui ! De la dentelle ! Il y a de quoi être fasciné par ces grandes photographies aux couleurs passées, qui donnent quelque chose de mélancolique, associées à des dessins crayonnés vibrants de vie et de malice. Comme tu le dis, il y a mille détails qui donnent envie de lire et de relire l’album, comme les parallèles subtils nous parlions plus tôt entre le renard et le garçon dans l’agencement des images. Je trouve aussi que Marije Tolman parvient magistralement à donner une forme aux rêveries et à l’imagination…

HashtagCéline : Cet album se regarde autant qu’il se lit. Il y a une chaleur, une douceur, une poésie et une originalité que j’ai rarement rencontrées. Marije Tolman a vraiment trouvé le bon équilibre et osé avec succès, le mélange dessin et photo qui donne vraiment une tonalité particulière à l’univers de ce livre. C’est juste parfait.

Pépita : Si vous deviez définir cet album en un seul mot, quel serait-il ?

Colette : En un seul mot ? Non deux ! Libres et sauvages !
Isabelle : Enfance !
Céline : Je pense que j’en donnerais deux aussi : vie et mort ! Parce que les deux sont liés et parce que c’est ce que j’y ai vu.
Pépita : Si je devais le définir en un mot, ce serait LUMIÈRE.

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Ne passez pas à côté de cet album ! Nous, on a envie de l’offrir à tour de bras !

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