Ces livres qui parlent de livres : pour les enfants

Passionnées de lectures, nous aimons lire et apprendre sur le sujet. Et en bonnes amatrices de littérature de jeunesse que nous sommes, nous avons chacune nos astuces pour nous tenir informées des nouveautés, mais aussi des titres incontournables du genre. Nous vous proposons dans cet article de (re)découvrir les livres qui parlent de livres pour jeunes (et moins jeunes) lecteurs !

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L’art est au cœur de l’œuvre de Jean Claverie et Michelle Nikly. L’Art du pot, L’Art des bises… et naturellement L’Art de lire. Avec des mots simples et à hauteur d’enfant, ils retracent le parcours d’un lecteur du sourire de sa maman à ses premiers romans. Une page de texte vis-à-vis de son illustration, avec la douceur qui caractérise le trait de l’auteur-illustrateur. On ne peut qu’adhérer à cette ode à la lecture et à la rencontre (des personnages, des auteurs…) qui se garde bien de la réduire à son utilitarisme ou de diaboliser les écrans sur lesquels on lit aussi !

L’Art de lire, Jean Claverie et Michelle Nikly, Alain Michel Jeunesse, 2001.

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L’enfant des livres est une invitation à l’imagination par le biais de la lecture. Le résultat de la collaboration entre l’auteur-illustrateur Oliver Jeffers et Sam Winston (artiste connu pour ses collages) est étonnant. Les personnages de Jeffers vivent littéralement dans un monde formé de mots, mots issus d’œuvres du patrimoine mondial. L’effet est très réussi : s’en dégage une poésie rare. En quelques phrases, le lecteur adulte est plongé dans les classiques. De son côté, le jeune lecteur peut être un peu inquiet face à ces « aplats » de mots, mais il est guidé par une fillette bienveillante. La transmission du goût de la lecture sous la forme d’une clé que l’on souhaiterait remettre à chaque enfant !

L’enfant des livres, Oliver Jeffers et Sam Winston, Kaléidoscope, 2016.

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Continuons avec un autre titre d’Oliver Jeffers et pas n’importe lequel : L’extraordinaire garçon qui dévorait des livres !

« Avertissement : Prière de ne pas grignoter ce livre à la maison – à manipuler avec gourmandise ! – Un livre qui fait saliver ! » telles sont les précautions à prendre avant d’ouvrir ce livre qui ne manque pas d’originalité. Mais d’abord suivons de très près la vie un peu particulière d’Henry. Ce dernier aime tellement les livres qu’il les dévore en un clin d’œil et avec beaucoup d’appétit. Sa gourmandise le rend intelligent et il apprécie de devenir un puit de connaissance ce qui n’est pas une chose déplaisante. Quelle décision prendra Henri ? Celle de continuer avec acharnement de se nourrir de livres ou bien simplement se contenter de les lire ?

Cette version animée nous offre des volets à découvrir, des tirettes à actionner et c’est plutôt amusant ! Découvrir une pile de livres jaillir devant des yeux ébahis de bibliothécaire c’est juste un délice !

L’extraordinaire garçon qui dévorait des livres d’Oliver Jeffers, Kaléidoscope : version animée, 2009.

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« Même si je ne sais pas encore lire, j’ai le droit d’aimer des livres ! Eh oui ! Parce que depuis que je suis tout petit, toute petite, je sais lire… LES IMAGES ! ». Quel beau message que cette citation d’Alain Serres. Dans ce texte l’enfant aime qu’on lui raconte des histoires mais il aime aussi en raconter. Lire partout, dans des endroits insolites et partager ses livres préférés. Attiser sa curiosité pour enfin connaître les secrets de la fabrication d’un livre.

« Et si des enfants vivent trop loin, DES BIBLIOTHECAIRES EXTRAORDINAIRES ont le droit d’apporter des livres jusque dans leurs mains ! ». Des lieux essentiels de transmissions pour que tous les enfants puissent un jour lire pour mieux grandir.

Cet album est riche en mots et en couleurs, le chocolat n’est qu’un prétexte pour apporter encore plus de gourmandise à la délectation d’un texte, d’une histoire.

J’ai le droit d’aimer les livres (et le chocolat !) d’Alain Serres, illustré par Aurélia Fronty – Rue du Monde, 2023

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David Nel-Lo prend pour héros de son roman un enfant qui n’aime pas lire, choix toujours intéressant dans un ouvrage de littérature jeunesse, d’autant qu’il se garde bien de stigmatiser les non-lecteurs. Au contraire, son héros joue, imagine, a des tas d’amis… Mais son problème de lecture lui pèse, et pas seulement lors du passage hebdomadaire à la bibliothèque.

La difficulté à déchiffrer très bien rendue, d’autant qu’elle freine aussi Guillem dans sa compréhension des consignes, des problèmes mathématiques, etc. Parallèlement, ce roman montre la richesse de la littérature et les aventures dans lesquelles elle sait entraîner ses lecteurs. Le côté « meta » du livre est qui parle directement à l’enfant (un peu comme dans L’histoire sans fin) est particulièrement intéressant, et la métaphore du livre qui parle à résonne différemment pour chacun de ses lecteurs pertinente.

La tribu des Zippoli, David Nel-Lo, Actes Sud Jeunesse, 2021.

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Poussin pourrait-il s’appeler T’choupi, Petit Ours Brun ou Adèle ? C’est une question que l’on peut se poser après avoir lu cette ode aux livres jeunesse, et à leurs auteur.ices, même dans ce qu’ils ont de plus décrié, les séries à succès. A tort ou à raison ? Chacun pourra se faire une idée à la lecture de cet album, à la fois instructif, puisque le jeune lectorat y découvre le parcours d’un.e auteur.ice pour pouvoir être édité.e, qui relève le plus souvent du parcours du combattant, entre refus poli et mépris, voire humiliation, que de la promenade de santé, mais aussi drôle, sensible et plus profond qu’il n’y paraît. C’est un plaidoyer pour la littérature jeunesse, en même temps qu’une critique sur le regard parfois acerbe que l’on porte sur certaines catégories de livres destinés aux enfants. Les auteur.ices, s’il en est besoin, y apprendront une leçon d’humilité, le/la lect.eur.rice adulte, appréciera le clin d’œil de l’illustrateur au visuel des collections blanches de l’éditeur Gallimard, l’enfant, lui ou elle, adorera cette belle histoire, son personnage attachant, cet écrivain en quête de succès, et même…le petit héros qu’il a créé : Poussin.

« Poussin plaît depuis des décennies à la critique et au public. Mais surtout, il plaît aux enfants. Plusieurs générations ont grandi avec lui. Les parents qui l’ont lu quand ils étaient petits l’achètent à leur propres enfants »

Quelle belle idée ont eue à l’époque (2005) les Editions Rue du monde, que de coupler, ou presque, la sortie de Sous le grand banian, de Jean-Claude Mourlevat et Nathalie Novi, avec le documentaire passionnant Comment un livre vient au monde ? qui retrace, de l’idée de départ à sa première acquisition, en passant par son illustration, son impression, sa distribution, etc. le chemin de cet album jusqu’aux mains, yeux, et émotions de son/sa premier.e lecteur.ice. Très documenté, illustré avec brio par Zaü, écrit par l’éditeur Alain Serres lui-même, c’est une mine d’informations que parents comme professeur.es des écoles peuvent exploiter à l’envi, et c’est aussi la transmission d’un message important : un livre, c’est une belle aventure collective !

Comment un livre vient au monde, d’Alain Serres, illustré par Zaü, Rue du monde, septembre 2005
Sous le grand banian, de Jean-Claude Mourlevat , illustré par Nathalie Novi, Rue du monde, octobre 2005

Un adorable petit album, idéal pour vanter les mérites des livres et les bienfaits de la lecture aux tout-petits. Un livre permet tout, un livre promet tout : l’aventure, l’émotion, le partage, l’amitié, l’apprentissage, la découverte, le rire…Pour transmettre ce message, Un livre, c’est magique, a tout pour plaire aux petit.es. Il est joliment coloré, avec du peps, ludique (à chaque page, des découpes ou des volets à soulever), avec un vocabulaire très accessible, mais le style et les illustrations n’oublient ni d’être drôles, ni d’être sensibles. Situations du quotidien et imaginaire s’y côtoient pour notre plus grand plaisir ! Livre à mettre, donc, sans hésiter, entre toutes les petites mains car celui-ci, oui, il est vraiment magique.

Un livre, c’est magique ! d’Arnaud Alméras, illustré par Robin, Gallimard jeunesse, août 2021

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 Ancien professeur des écoles, Orazio partage désormais son amour des livres avec les habitants des collines en jouant au bibliothécaire ambulant. Installée dans une Piaggio Ape, véhicule à trois roues italien, sa bibliothèque déborde de livres en tout genre, récupérés ça et là auprès de ceux qui n’en veulent plus. La venue d’Orazio est très attendu et chacun se précipite dès que le bourdonnement du moteur se fait entendre sur les routes montagneuses.

Avec La biblio d’Orazio c’est un monde empli de partage et de générosité qui s’offre au lecteur, un monde dans lequel les livres ont une place d’honneur et deviennent vecteur de liens et de solidarité. Mobile, la bibliothèque permet à tous d’accéder à la lecture et remplit le rôle essentiel de lieu de vie culturel et social dans ces villages coupés les uns des autres par les collines.

La biblio d’Orazio de Davide Cali, illustré par Sébastien Pelon, ABC Melody, 2022.

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Rature est un jeune rat passionné de lectures qui vit à Ankara, en Turquie, et s’apprête à vivre une aventure mouvementée. En effet, afin de retrouver l’unique exemplaire du livre écrit par son grand-père, il doit se rendre à Paris dans les locaux de la Bibliothèque nationale de France.

Marine Cotte et Stéphane Fitoussi nous offrent une visite de la BnF de l’esplanade délimitée par ces quatre tours en forme de livres ouverts à la section des livres rares, en passant par le couloir des salles de lecture, le magasin ou même l’atelier de restauration. L’occasion de découvrir le site François-Mitterrand qui abrite une bibliothèque public et une bibliothèque de recherche.

La visite se poursuit par ailleurs dans le dossier documentaire situé en fin d’ouvrage au travers de l’explication du fonctionnement d’une bibliothèque, les particularités de la BnF et une sélection de documents divers qui font partis des collections.

Raconte ! La véritable histoire du premier rat de bibliothèque de Marine Cotte & Stéphane Fitoussi, illustré par Yomgi Dumont, Syros, 2024.

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En voici un petit livre qui se glisse dans une poche ce qui est bien pratique lorsqu’on souhaite partager ce qu’est un livre ! Les textes des rabats donnent le ton : « Ceci est un objet tout à fait unique : un livre merveilleux, pour les petits et les grands, sur les livres. Comment sont-ils faits ? Que racontent-ils ? Que font donc les gens avec ? … »

« Publié en 1962, Livres ! a reçu le prix annuel du meilleur livre pour enfants décerné par le New-York Times. » Ici on reconnait bien le graphisme made in USA des années 60, bien punchy et graphique. D’ailleurs le texte s’amuse allègrement sur les pages avec un ton à la fois amusant et enrichissant.

Livres ! de Murray McCain & illustrations de John Alcorn, Autrement jeunesse, 2013

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Charlotte in Love est un magnifique hommage aux sœurs Brontë et à leur œuvre, mais il ne faut pas perdre du vue que c’est l’histoire d’une rencontre improbable, d’un premier amour portée par deux adolescents que tout oppose… Comme il se doit dans les plus belles histoires d’amour de la littérature !

Ainsi, au fil des pages se dessine le portrait de cette adolescente qui semble s’être volontairement coupée du monde dans lequel elle vit pour s’enfermer dans l’illusion naïve de cette vie romanesque qu’elle perçoit dans le récit de Jane Eyre. Pourtant ses recherches vont peu à peu la confronter à la réalité plus sombre et au destin plus dramatique des enfants Brontë. Et c’est aussi en opposant ses idées à celles d’Alex et, en apprenant à le connaître que Jeanne va peu à peu réapprendre à vivre dans cette réalité qui est la sienne.

Charlotte in love d’Éléonore Desclée, Alice jeunesse, 2024.

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Susie la souris s’ennuie dans sa petite maison. Elle s’est aménagé un petit nid douillet, mais elle est désespérément seule. Elle rêve d’avoir des ami.es. Alors quand la famille chez qui elle vit part vacances, elle en profite pour explorer la maison. Elle y trouve quelques miettes à grignoter, et surtout … des livres. Sa vie en est chamboulée. De lecture en lecture, elle découvre de nouveaux univers, s’instruit, apprend du vocabulaire…

Le message de cet album est plus que clair : vive la lecture ! L’autrice, Susie Morgenstern, nous vante tous les bienfaits de la lecture : s’ouvrir au monde et aux autres, découvrir de nouveaux univers, de nouveaux mots, ressentir de nombreuses émotions … et même se faire des amis ! Un ouvrage qui ne manquera pas de plaire aux amoureux des livres !

Susie la souris qui lit, Susie Morgenstern, illustré par Séverine Cordier. Gründ, Avril 2023

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Un singe est plongé dans un livre. Malheureusement pour lui, un âne curieux débarque avec son ordinateur et lui pose de drôles de questions : « Comment on fait défiler le texte ? », « Il y a beaucoup de lettres ? », « Ça se recharge ? » À chaque fois, notre singe répond simplement : « C’est un livre. » Jusqu’à ce, qu’excédé, il lui tende son livre…

Avec beaucoup d’humour, Lane Smith nous montre qu’un livre, un simple objet, peut nous passionner et nous emporter loin, sans avoir besoin de batterie, de carte mémoire ou de réseau. Ce sont le pouvoir des mots, ainsi que leur force évocatrice, leur manière de nous happer qui sont célébrés ici. Vive la lecture et ses bienfaits !

C’est un livre, Lane Smith, Gallimard Jeunesse, Mars 2011

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Je suis un livre, c’est un livre qui prend la parole et nous raconte à quel point il est merveilleux, beau, drôle, bref indispensable. Et comment ne pas le croire ? Saviez-vous que ce livre était doté de super-pouvoirs ? Qu’il vous permettait de développer votre imaginaire ? D’apprendre du vocabulaire ? Qu’il était facile à transporter ? Attention à ne pas le mouiller par contre… il n’apprécie guère, et il y a des règles à respecter – mais vous pouvez le serrer contre vous, il adore les câlins !

Un livre qui parle des livres avec humour, bonne humeur et bienveillance, comment résister ? Ne vous fiez pas à sa couverture toute simple, cet ouvrage est un trésor. Drôle, interactif, il mêle avec justesse définitions, réflexions sur le livre, humour et émotions. le tout saupoudré d’illustrations très colorées, joyeuses et fun. Cet album nous montre à quel point les livres sont des compagnons de vie importants, que ce sont des objets magiques qui nous transportent parfois loin, nous émerveillent, nous émeuvent, nous font rire.

Ludique, dynamique, bref, voici une très belle ode aux livres à découvrir, pour tous les amoureux de la lecture, mais pas seulement !

Je suis un livre, Anne Renaud, illustré par Caroline Soucy, Kennes, Février 2023

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Mia est une enfant qui s’ennuie : ses parents n’ont pas le temps de s’occuper d’elle, et elle se sent bien seule. Tout change lorsque quelqu’un dépose un livre sur le pas de sa porte… En le lisant, son monde se colore et prend une toute autre dimension… lui ouvrant des portes, construisant pour elle des ponts vers les autres.

Un ouvrage plein de douceur qui met en avant la lecture comme outil de partage et d’ouverture au monde et aux autres. Les livres forment des ponts qui nous relient les uns aux autres, qui nous permettent de découvrir d’autres cultures, d’autres façons de penser, d’autres univers. C’est l’un des points forts de la lecture : voyager, s’évader en quelques pages.

Les ponts qui nous lient, Tom Percival, Kimane, Août 2024.

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Yseult adore lire. Elle se plonge dans l’histoire de Tristan, qui se languit de Luan, sa bien-aimée. Luan qui croise Marc, qui lui parle de Victor… Et nous voilà transportés d’histoire en histoire…

Cet album enchanteur est un voyage, voyage entre les mots, entre les pages, entre les histoires. Un subtil mélange de texte, d’art, de créativité. De couleurs et de personnes. De rêves et d’amour.

Poétique, onirique, il nous embarque de personnage en personnage, de rêve en passion. Comme un puzzle, les pièces s’assemblent au fil de la lecture. Un exercice brillant de mise en abyme, magnifiquement mis en valeur par des illustrations d’une grande délicatesse. Couleurs chatoyantes, petits détails, jeu de lumières… c’est sublime !

Quand tout s’entrelace et se répond… Il suffit d’y croire, pour que les histoires prennent vie. Une très belle ode à l’imagination, à l’imaginaire, au pouvoir des mots évocateurs !

Il suffit d’y croire, Fabrice Colin, illustré par Gérald Guerlais. Gautier-Languereau. Novembre 2022

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Olivia est une enfant passionnée par les livres et la lecture. Un jour, elle laisse accidentellement tomber un de ses livres à l’eau. Un pieuvre découvre l’objet, et s’interroge : à quoi peut-il bien servir ? Pour le savoir, elle suit Olivia jusque chez elle. Fascinée, elle commence à dérober tous les livres qu’elle voit, cherchant à comprendre à quoi ils peuvent bien servir. Quand il ne reste plus aucun livre, Olivia décide d’agir, telle l’héroïne de ses histoires préférées…

Un très bel album qui célèbre le livre et la lecture. Ici le livre est l’objet de convoitise de la part de la pieuvre, et à travers cette histoire on voit toute la richesse de la littérature, qui permet de voyager et de vivre de grandes aventures. On voit bien ici que la lecture est un merveilleux vecteur, qu’elle permet de rapprocher les gens.

Le voleur d’histoires, Graham Carter, Kimane. Février 2021.

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Une petite princesse qui passe ses journées à lire dans sa tour, voilà qui inquiète ses parents le roi et la reine. Que va-t-elle devenir ? Aucun prince charmant n’a d’intérêt à ses yeux, et l’aventure l’attire bien plus que l’amour. Mais quand un dangereux monstre à six yeux pointe son nez… la petite lectrice pourrait bien surprendre tout le monde !

Un univers riche en clins d’œil, plein de fantaisie et de magie. Une superbe thématique, les références aux contes, et cette héroïne ! Une princesse qui préfère les livres aux princes charmants, qui dompte monstres, ogres et autres méchants avec un bon livre, c’est une idée géniale. Elle a une belle force de caractère, beaucoup d’imagination. Et que dire de l’idée que chaque personne a un livre qui lui convient, même les « méchants » de l’histoire ?

La petite lectrice, Elodie Chambaud, illustré par Tristan Gion. Gautier-Languereau. Septembre 2020

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Un album qui nous retrace l’enfance de la famille Brontë : Anne, Emily, Charlotte et Branwell. Trois filles et un garçon, unis par la même passion : celle des livres. Dès leur plus petite enfance, ils aiment conter des histoires, en inventer. Ils vont même jusqu’à créer de petits livres…

Sans surprise avec un tel titre, c’est un album qui met en avant l’amour de la littérature et le pouvoir de l’imagination. Un texte qui fait l’éloge de la créativité, pour repousser les moments difficiles, s’inventer de nouvelles aventures. Les livres ont cette capacité à nous sortir du réel pour rêver et voyager dans de nouveaux univers, explorer de nouvelles contrées…

Au pays des histoires, l’enfance de Charlotte, Branwell, Emily et Anne, Sara O’Leary, illustré par Briony May Smith. Gallimard Jeunesse. Février 2024

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Depuis sa plus tendre enfance, Lucas n’a qu’un seul rêve : voler. Malheureusement pour lui, le père Noël n’a jamais exaucé ce souhait. Alors, pour ses 7 ans, sa mère lui offre un livre en lui annonçant qu’il y a d’autres moyens de s’envoler… Et Lucas, d’abord réticent, se plonge dans ce livre, puis dans un autre, et encore un autre. Petit à petit, il se retrouve juché sur une montagne de livres…

Un merveilleux album, qui nous a enchanté, sur la lecture, et tout ce qu’elle apporte : les voyages, l’exploration du monde, d’autres univers. Avec cet ouvrage, Rocio Bonilla met en avant le pouvoir de l’imagination, la découverte, l’aventure… On observe un petit garçon qui s’immerge totalement dans ses lectures, qui finit par « voler de ses propres ailes », avec en prime l’idée de partage, avec toutes ces personnes qui prêtent des livres au petit garçon.

La montagne de livres de Rocio Bonilla. Ed. du Père Fouettard. Septembre 2017

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Tous les soirs, Élan raconte une histoire à sa famille, un moment privilégié que tous apprécient. Mais un jour, il est à court d’idées. Suivant les conseils de la femme, il se rend chez ses voisins pour emprunter un livre. Las, personne n’en a ! Qu’à cela ne tienne, il se rend en ville, et emprunte plusieurs ouvrages à la bibliothèque. Les voisins Ours, curieux, viennent écouter l’histoire. Puis d’autres les rejoignent… jusqu’à ce que le salon d’Élan ne puisse plus accueillir tout le monde ! Heureusement, Élan a une idée.

Un superbe album qui parle de lecture et de partage. A travers les histoires que raconte et lit Élan, c’est toute sa famille, puis ses voisins et amis qui rêvent, imaginent, voyagent. Ce sont des moments propices aux échanges, à la convivialité. Grâce aux histoires d’Elan, et à son bibliobus, chacun redécouvre le pouvoir des mots et se met à vouloir lire. Et ce qui est beau, c’est que dans l’apprentissage de la lecture, chacun aide son prochain, cela démontre une belle solidarité au sein des habitants de la forêt.

Le bibliobus d’Inga Moore, Pastel, Septembre 2021.

Monsieur Laliberté travaille de nuit : il est gardien de la bibliothèque. Un soir, en se rendant la_bas, il découvre un petit chiot abandonné. Il lui promet de l’emmener chez lui dès qu’il aura fini son travail, mais ce dernier ne peut s’empêcher de le suivre. Apitoyé, Monsieur Laliberté le fait entrer discrètement dans la bibliothèque, même si les animaux y sont interdits. C’est le début d’une grande complicité entre l’homme et l’animal, renommé Petit Museau. Entre travail et vie quotidienne, ils partagent tout, pour leur plus grand plaisir. Un jour, Petit Museau découvre une paire de lunettes… et se rend compte qu’il peut voir les livres …

Petit Museau parmi les mots est une histoire d’une grande douceur. La belle amitié qui lie un chien à un homme solitaire. Leur joie d’être ensemble. Les petits bonheurs simples de la vie. Et puis, derrière, une réflexion plus profonde sur ‘importance des mots, des livres, de la lecture et de son accessibilité. Sur ces personnes qui sont des déclencheurs, qui nous donnent envie de progresser, d’être meilleurs.

Petit museau parmi les mots de Gilles Tibo, illustré par Soufie, D’eux. Octobre 2023.

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Et vous, quels sont les livres qui parlent de la lecture que vous préférez ?

La Grande Guerre – Devoir de mémoire

Signé le 11 novembre 1918 au matin, l’Armistice met fin aux combats de la Première Guerre Mondiale et reconnaît la victoire des Alliés et la défaite de l’Allemagne.
En ce lundi 11 novembre 2024, nous vous proposons une sélection de livres qui racontent la Grande Guerre et rendent son histoire compréhensible par tous.

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Un très bel album pour raconter la guerre à travers les yeux d’une enfant qui voit son frère partir dès août 1944. Envoyé à Verdun, il lui fait parvenir des lettres qui permettent de découvrir la (sur)vie sur place. Pendant ce temps au village, les familles endeuillées se multiplient et la petite Lulu assiste désemparée au chagrin de ces ami.es et voisins, gardant l’espoir de voir revenir son frère vivant. Touchant dans son propos, l’histoire aborde des thèmes centraux de cette Grande Guerre : la couleur de l’uniforme, les tranchées et le manque d’hygiène, les Poilus, les traumatismes et autres séquelles physiques…

Lulu et la grande guerre de Fabian Grégoire, l’école des loisirs collection Archimède, 2005.

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En débloquant un tiroir secret d’un bureau qu’il restaure, le narrateur découvre une boîte contenant une lettre adressée à une certaine Mrs Jim Macpherson. Curieux il se met à lire cette correspondance dans laquelle un mari raconte à son épouse les événements incroyables de cette nuit hors du temps, de cette matinée glaciale au cours de laquelle des soldats des deux camps levèrent le drapeau blanc pour partager leur repas de Noël, jouer au foot, rire et oublier, le temps d’une nuit, la folie des combats, l’éloignement des familles, la mort d’un frère, d’un ami, la fatigue harassante de combats qu’on leur avait promis brefs.

Michael Morpurgo déploie son talent de conteur pour mettre en scène cette histoire de fraternité universelle et en fait un souvenir intemporel auquel Michael Foreman donne vie dans des illustrations de toute beauté. Ces cieux nocturnes aux couleurs froides sont teintés par la chaleur du levant, seul témoin de la fraternité de ces soldats, qui le temps d’une nuit sont redevenus simplement des hommes. Au-delà de la lettre, l’auteur pare son récit des valeurs de Noël en faisant de son narrateur le porteur d’une surprise à une vieille femme qui croyait avoir perdu pour toujours cet homme chéri, lui apportant par-là même, le repos de l’âme avant son dernier voyage. Tout simplement magnifique !

La trêve de Noël de Michael Morgurgo & Michael Foreman, Gallimard jeunesse, 2018.

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Un album pour dire l’absurdité de la guerre, c’est ainsi que Petit Soldat se définit.
Glorifié pour avoir fait prisonniers plusieurs soldats ennemis, Pierre va ensuite être puni, condamné pour l’exemple, alors qu’il rejoint son campement déserté deux jours plus tôt. Le texte de peu de mots suffit à montrer l’horreur de sa situation et à toucher. L’album séduit par son originalité graphique, les auteurs ont reconstruit et photographié chaque scène avec des soldats de plomb rendant l’expérience encore plus poignante de réalisme.

Petit soldat de Pierre-Jacques Ober & Jules Ober, Seuil, 2018.

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La Première Guerre Mondiale s’est déroulée il y a plus d’un siècle, et pourtant elle est toujours là, parmi nous, avec nous. Tous les jours, Elle se rappelle à nous : par ses monuments aux Morts, par un jour Férié, par une photo familiale, par des Archives, par un film, par des objets, et bien sûr, par les livres. Ceux écrits alors. Ceux écrits aujourd’hui. Car la Grande Guerre n’a de cesse de résonner.

A partir d’objets d’époque, d’avant la guerre et pendant le conflit, les auteurs ont imaginé une histoire. Une histoire certes fictive, mais qui en regroupe tant d’autres, des vraies. Ces objets sont des poupées, des jeux d’enfants, des cartes, des affiches, un coupe-papier, des petits soldats, une lanterne, une gamelle, des photos. Des objets ordinaires, du quotidien, devenus extraordinaires, lourds d’histoires, et désormais porteurs du devoir de mémoire.

Un album fort en émotions qui nous fait traverser tout le conflit par une approche belle, originale, intime et émouvante.

La guerre en mille morceaux ou le musée du soldat Machin. Texte d’Alain SERRES et illustrations de Zaü. Editions Rue du Monde, novembre 2018

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Joey, un jeune cheval élevé dans une ferme en Angleterre, a été vendu à l’armée. Passer du travail de cheval de ferme à celui de cheval de guerre n’aurait sans doute pas été si facile si son nouveau maître n’avait pas été aussi bon qu’Albert, le fils du fermier, qui prenait soin de lui tel un ami. C’est au travers de ces yeux que l’histoire nous est présentée, proposant un point de vue très intéressant et original qui permet de ne se positionner dans aucun camp

Ces mêmes visages gris regardant de dessous la casque, je les avais déjà vus quelque part. La seule différence, c’était les uniformes: aujourd’hui, ils étaient gris avec un liserés rouge et les casques n’étaient plus ronds et à larges bords.

Les horreurs de la guerre sont aussi dures et bouleversantes dans les yeux d’un cheval que dans ceux de l’Homme et ce n’est que grâce à l’amitié de Topthorn, un magnifique pur-sang noir, que Joey traverse les épreuves de la guerre avec force et courage, survivant à bien de cruelles situations. Leur quotidien est fait de durs labeurs, de peur, de faim, de saleté, de blessures et de maladie, seul le soutien qu’ils s’apportent l’un l’autre le maintient en vie. Mais comme les Hommes, les chevaux garderont des blessures de l’âme et se trouveront à jamais changés par les horreurs de ces sombres années.

Cheval de guerre, Michael Morpurgo, Folio junior, 2018.

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30 Juillet 1914, Adèle va sur ses quatorze ans. Elle est la troisième d’une famille de quatre enfants, et la seule fille. La Première guerre mondiale est imminente et Adèle ressent le besoin de se confier à quelqu’un. C’est comme ça qu’elle décide de commencer à écrire un journal. Roman épistolaire sur fond de première guerre mondiale, on suit Adèle et sa famille, ses amis, et les habitants de son village, Crécy en Bourgogne, pendant les quatre longues années que durera la guerre. Au travers de cette jeune fille, Paule du Bouchet relate la vie de ceux qui n’étaient pas sur le front, les femmes en premier lieu, mais également les enfants et les vieillards, leur quotidien et l’attente douloureuse des nouvelles…

 Comme elles sont douloureuses, ces séparations! Douloureuses au point de maudire ces permissions tant désirées… 

Le journal d’Adèle de Paule Du Bouchet, folio junior, 2017.

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Saviez-vous que c’est dans le contexte de la Première guerre mondiale que démarre l’histoire de l’ourse ayant inspiré le célèbre Winnie l’ourson ?

Achetée par le lieutenant Harry Colebourn alors que son régiment était en route pour l’Europe, la petite Winnipeg a été mascotte de son régiment de cavalerie canadienne avant d’être confiée au zoo de Londres lors de la dernière escale des soldats avant de rejoindre la France. C’est au zoo elle fera la rencontre de Christopher, fils d’A.A.Milne qui décidera d’écrire leurs aventures. Mais il y a fort à parier que sans l’attachement qui liait l’oursonne à son maître, jamais des enfants n’auraient pu entrer dans sa cage. Et Winnie l’ourson : Histoire d’un ours-comme-ça (certes moins connu que l’adaptation qu’en ont fait les studios Disney) n’aurait pas été écrit.

Winnie et la grande guerre, Lindsay Mattick et Josh Greenhut, L’école des loisirs, 2020.

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Une nuit. Une nuit pour évoquer l’enfance. Une nuit pour raconter les horreurs de la première Guerre Mondiale. Une nuit pour passer définitivement à l’âge adulte. À travers le récit de Tommo, Michael Morpurgo déploie tout son talent de conteur pour partager ses valeurs humanistes. La famille Peaceful, malgré un nom de bonne augure, aura son lot de tragédies et de difficultés. Mais elle saura rester unie, protégée par une mère aimante et attentive.

C’est par le récit de cette enfance dans la campagne anglaise que Morpurgo ferre son lecteur. Et il ne le lâchera plus. Contraint et forcé, conscient du drame inévitable, il suivra les frères Peaceful sur le front, dans les tranchées. En quelques pages, le froid, la peur, la fatigue, les rats, la vermine, tout est dit. La bêtise humaine aussi, le danger le plus mortel de tous. Un grand roman sur la guerre, motif récurent dans l’œuvre de Morpurgo, à poursuivre avec le film Les sentiers de la gloire de Stanley Kubrick.

Soldat Peaceful, Michael Morpurgo, Gallimard jeunesse, 2018.

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La Grande guerre comme source d’une violence qui va emporter toute une famille sur plusieurs générations. C’est la vision que propose Anne-Laure Bondoux dans Nous traverserons des orages. Les hommes y subissent la violence des combats, le traumatisme de la mort et la rapportent dans leur foyer.

Il y a quelque chose de désespérant à lire ces destins fracassés par l’Histoire. Le sentiment que le cercle vicieux ne pourra pas s’arrêter. Pourtant, chacun est témoin des erreurs de son père, se jure que l’on ne l’y prendra pas. Et le lecteur d’y croire avec eux, jusqu’au geste fatal. Avec une grande maîtrise, l’auteure oblige ses lecteurs à s’interroger sur la source de cette violence. Se transmet-elle dans les gènes ? Vient-elle du vécu de ces hommes envoyés au front puis confrontés à un quotidien frustrant ? Quelle place pour les femmes dans ce cercle vicieux ? L’autre force de ce récit, c’est que chacun pourra associer l’expérience et les doutes d’un personnage à un père, un grand-père ou un arrière-grand-père.

Nous traverserons des orages, Anne-Laure Bondoux, Gallimard jeunesse, 2023.

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Ce livre est issu du projet de six musées des Vosges qui, en 2014, se sont associés à l’École Supérieure d’Art d’Epinal et aux Éditons du pourquoi pas ? pour créer un parcours d’expositions à l’occasion du centenaire la Grande Guerre. Illustré par Zoé Thouron, ancienne élève de l’École, « La vie encore« , est le texte écrit à cette occasion par Thomas Scotto. Dans chaque musée, un personnage avait été choisi : le musicien, l’enfant, la femme, le peintre et le passant, que l’on retrouve au fil des pages, dans lesquelles c’est la guerre elle-même qui tient le rôle principal. Rien n’est épargné : ni l’horreur des combats, bruits et cris mêlés, ni le sang, les mutilations, ni la peur dans les tranchées, ni les morts, ni la désolation après son passage… Pourtant, et c’est là la grande force de ce texte, la poésie et la délicatesse pour dire l’indicible se faufilent au détour d’une phrase, d’une situation, si bien qu’il ne tombe jamais dans le glauque ou le pathos. Et quand, avec toute la puissance et la magie de ses mots, Thomas Scotto raconte aussi les femmes restées au pays qui endossent des rôles nouveaux, la solidarité entre soldats car la guerre « fabrique des frères« , l’instant de grâce d’une mélodie sur un violoncelle improvisé, la vie qui « résiste au creux des plus petits endroits« , ce n’est pas le désespoir qui nous saisit, mais bien l’espérance de matins nouveaux, où l’on f(s)era décidément, et définitivement, la paix.

La vie encore, Thomas Scotto, Zoé Thouron, Editions du Pourquoi Pas ?, 2014

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Avec ce roman, Hervé Giraud sort ici de ses thématiques habituelles… par la grande porte ! Dans une dualité de temporalité, de ton, d’enjeu, très complémentaires et qui font l’originalité du roman, c’est à la fois la Grande Guerre qu’il raconte, son horreur, son traumatisme, par la voix du soldat Botillon, et un récit initiatique, par la voix de son arrière-petit-fils, passant de l’innocence de l’enfant qui joue à la guéguerre, à la conviction qu’il peut être un messager de paix…Et la petite histoire rejoint la grande. Grandiose !
Comme toujours avec cette auteur, on passe du rire aux larmes le temps de le lire et c’est ce qui fait de ses romans des OLNI (Objets Littéraires Non Identifiés) uniques.
On est tour à tour horrifié.e par les descriptions, du champ de bataille comme des mutilations subies, on est indigné.e par le mépris des états-majors pour la chair à canon, les yeux se mouillent quand on lit l’amour entre le soldat Bottillon et sa dulcinée, quand on observe, comme lui, le cœur battant, dans l’ombre, sa fille qui grandit et devient une star adulée, on est bouleversé.e par la solitude de l’après, pour celui qui, gueule-cassée, ne trouve la sérénité qu’à la nuit tombée. Quant à la révélation finale, elle est complètement renversante. Avec ce roman pacifiste et engagé, Hervé Giraud offre aux jeunes générations un très beau récit, d’une humanité sincère et émouvante, pour un devoir de mémoire plus nécessaire que jamais.
 

Le jour où on a retrouvé le soldat Botillon, d’Hervé Giraud, Thierry Magnier jeunesse, 2013.

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Et vous, quels titres vous permettent d’aborder cette période dramatique et de toucher du doigt le quotidien des civils comme des soldats en temps de guerre ?

Le Prix Vendredi 2024, c’est parti !

Comme c’est le cas depuis quelques années, nous avons lu les titres de la sélection du Prix Vendredi – 8ème édition. Le Lauréat sera annoncé mardi 5 novembre dans la journée, et pour patienter nous vous proposons de découvrir nos avis sur ces romans destinés aux adolescents.

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Avec Chabon bleu, Anne Loyer fait découvrir à ses lecteurs la vie des mineurs du Nord de la France au XIXème siècle. Ermine, son héroïne, à échappé à la mine et pu poursuivre ses études. Jusqu’à ce qu’un drame vienne bouleverser son quotidien. Anne Loyer, ancienne journaliste, brosse un contexte étouffant tant dans le village que la famille ou dans la mine. La figure d’Ermine, dont l’esprit et la curiosité ont interpellé son professeur, détonne et attire les jugements. Elle illumine aussi ce récit par son courage et son intelligence. Qui lui permettent de faire une magnifique rencontre.

Les gravures de Gérard Dubois illustrent à merveille ce récit tout en contrastes. Les contours sont rugueux, les aplats de noir prennent beaucoup de place, et pourtant le blanc – éclatant – attire l’œil. Ce choix est en parfaite adéquation avec le texte très poétique de l’auteure.

Charbon bleu d’Anne Loyer, illustré par Gérard Dubois, D’eux, 2023.

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Un court roman ado bouleversant, d’une tristesse infinie par son sujet, si lumineux pourtant. Gros coup de cœur pour Séverine. Des jours comme des nuits raconte, par sa voix, l’histoire de Manon. Elle est collégienne. Petit frère turbulent. Mère qui cuisine fréquemment des pâtes. Elle se souvient. Elle n’est pas d’accord. Elle rêve. Elle pleure. Elle écrit. Elle est triste, souvent, heureuse, parfois. Elle grandit sans père. Elle a trouvé son corps, pendu au poirier de son enfance, le jour où il s’est suicidé. Il y a ses jours qui sont comme des nuits et ses nuits qui seront douces à nouveau, un jour. Il y aura ce jour où la vie gagne à la fin. Pour écrire ce deuil impossible, le manque, l’absence, le vide et le trop-plein de douleur, la présence partout, l’oubli jamais, et le sentiment de ne pas avoir assez profité du bonheur, la reconstruction d’une famille après la pire des tempêtes, Sébastien Joanniez déploie toute sa sensibilité et son empathie, tout en nuances et en subtilité, à l’image de la superbe couverture signée Anne Brouillard. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Ce roman, sous son apparente douceur, et ses murmures de désespoir, est un immense cri d’amour. Après sa récente Mention spéciale du jury pour On a supermarché sur la lune (sélection 2022), cette année pourrait bien être pour Sébastien Joanniez, l’année de la consécration. J’y crois.

Séverine

Des jours comme des nuits de Sébastien Joanniez, Rouergue, 2024

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Au fil d’une playlist de 51 titres, de Bowie à Gala, en passant par les Pink Floyd, Aurélien nous conte son histoire. L’histoire de ses deux mois chez Andréa. Andréa, c’est le frère de sa mère, de sa mère alcoolique qui dérive, dérive, loin de lui. Alors pendant qu’elle dérive, lui, Aurélien, s’amarre comme il peut. A son oncle, secret, silencieux et pourtant si attentif. A cette ville de bord de mer, Saint-Malo, où le parfum des embruns se mêle à celui des glaces sur la plage. A ses émotions qui l’habitent, le hantent, le bousculent. Et surtout à William. A sa présence. A ses silences. Nombreux. Précieux.

Je n’en dirai pas plus car le reste il faut aller le goûter entre les lignes de Julien Dufresne-Lamy. Dans son écriture, dans ses ritournelles, dans ce rythme si particulier qui nous plonge dans la tête d’un jeune adolescent des années 1990. Pas si différent des adolescents des années 2020 sans doute. Et j’aime à croire que si cette histoire d’amour et de filiation peut exister aujourd’hui et être porté par le prix Vendredi c’est que tout n’est pas aussi sombre qu’on veut parfois nous le faire croire. C’est que nos esprits se sont ouverts. Comme celui d’Andréa, un homme tellement loin des stéréotypes masculinistes qui peuvent parfois resurgir d’ici de là, qu’on en souhaite sur les chemins de tous nos jeunes qui vacillent. Pour s’amarrer puis reprendre le large quand le vent se lèvera.

Deux mois chez Andréa de Julien Dufresne-Lamy, Nathan, 2024

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« Infiltré » raconte, dans une langue drue, efficace, sous tension, le passage à l’Ouest, puis l’émigration aux Etats-Unis, du jeune Dietrich, étudiant brillant formé à la Caserne des Mathématiques et des Sciences de Berlin-Est, qui vise officiellement à former les ingénieurs de la RDA naissante. A moins que… Nous sommes dans les années 60, en pleine Guerre Froide. Dietrich intègre la prestigieuse université de Stanford, il y découvre la douceur de l’American way of life, il se lie d’amitié, tombe amoureux et en oublierait presque sa mission d’infiltration. Les retrouvailles avec sa mère, qui avait elle aussi fui le régime autoritaire est-allemand, marquent le début du déchirement et des choix à opérer. Une chose est sûre : la trahison sera forcément de la partie. L’amour maternel, l’amour tout court, ne le sauveront pas de son destin. Le roman oscille entre roman d’espionnage et roman d’apprentissage, le suspense et l’émotion sont, alternativement au rendez-vous.

Si, sortir de sa zone de confort, découvrir des univers inconnus, plonger au cœur d’histoires décalées, c’est ce qu’autorise la littérature, ce premier roman pour adolescents de Laurent Petitmangin, auteur multiprimé de littérature générale, a bien rempli sa mission. Pour ce qui me concerne. En revanche, je ne suis pas persuadée que ce roman ait bien sa place en jeunesse. Son héros manque, me semble-t-il, de proximité avec les émotions des ados d’aujourd’hui. A contrario, l’intrigue, le contexte géopolitique ne ne me paraissent pas assez développés pour un lectorat plus âgé, intéressé par l’Histoire du vingtième siècle. Peut mieux faire.

Infiltré de Laurent Petitmangin, Actes Sud Jeunesse, 2024.

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Au moment où Ludovic Lecomte invite le lecteur dans sa tête, voilà six mois que le narrateur de La cabane n’est pas sorti de chez lui. Pourquoi ? Quelles conséquences sur sa vie et son entourage ? Va-t-il parvenir à sortir ? Dans le décompte parfaitement maîtrisé des deux heures qui le séparent de son rendez-vous avec l’extérieur, l’auteur propose à son lecteur de tenter de comprendre ce que traversent les personnes touchées par le « syndrome de la cabane », ou hikikomori pour les japonais.

Une centaine de pages et 17 chapitres à rebours mêlent habilement émotions, flash-backs et stratégies pour reprendre le contrôle. Sans chercher à tout expliquer, Ludovic Lecomte parvient à ce que l’on soit en complète empathie, tant avec son personnage qu’avec son entourage. Ce qui est un exploit en soi ! Un roman poignant, malheureusement d’une grande actualité.

La cabane de Ludovic Lecomte, l’école des loisirs, 2024.

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La Chasse propose un postulat intéressant : Maureen Desmailles annonce dès le début que le genre du narrateur ne sera pas dévoilé et pousse ses lecteurs à s’interroger sur les stéréotypes. Et en effet, le narrateur ou la narratrice chasse, drague, pleure, couche, etc. sans jamais dévoiler si c’est une fille ou un garçon. J’ai trouvé ce parti pris assez stimulant d’autant que, collection L’Ardeur « oblige », l’ado va découvrir sa sexualité. Et force est de reconnaître que l’auteure tient son pari jusqu’au bout et se montre aussi créative dans les ébats de ses personnages que dans les actes et le vocabulaire employé. Cependant, si le sexe du personnage principal n’est jamais un motif pour s’y attacher, il faut reconnaître que ne pas savoir est intriguant au début, mais que cela peut – étrangement – freiner l’identification. D’autant que certaines des motivations des personnages sont difficiles à saisir. Un roman très pensé qui questionne, mais dont la réussite n’est pas aussi éclatante qu’on aurait pu l’espérer.

La chasse de Maureen Desmailles, Thierry Magnier, 2023.

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L’histoire prend place dans les Cévennes au dix-septième siècle et adopte le point de vue de ceux qui ne comptaient pas et n’étaient guère plus considérés que comme des vagabonds et des inutiles. En s’appuyant sur des documents historiques (notes d’un médecin, lettres et correspondances, ordonnances de Louis XIV…) cités à chaque début de chapitre, l’auteur nous renseigne sur cette époque à laquelle les gouvernants « établissent des codes forestiers pour chasser ceux qui s’y sont réfugiés et y trouvent de quoi survivre, accaparent les biens communs et affermissent leur contrôle sur ces territoires qui leur échappent.« 

Le récit est emprunt d’un message écologique qui résonne étrangement avec notre époque, tout en portant un regard féministe non moins actuel, au travers de cette jeune héroïne qui se bat pour préserver la forêt sauvage. L’écriture, entrainante, oscille entre la narration à la troisième personne et le vers libre, expression des pensées de La Louve ayant renoncé à la parole, des pensées bien plus expressives que les longs discours. L’ensemble forme un hymne puissant à la nature et à la liberté !

La louve d’Antonin Sabot, Talents Hauts, 2024.

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Les coquillages ne s’ouvrent qu’en été aborde des thématiques fortes. Maladie mentale (dépression) et quête d’identité sexuelle… Il fallait que Clara Héraut maîtrise suffisamment son récit pour éviter les écueils, béants, de tels sujets. Et c’est fort heureusement le cas ! En donnant la parole à deux sœurs successivement, elle parvient à alterner les points de vue d’une manière très maline. Chacune est enfermée dans ses problèmes, incapable de voir ceux de sa sœur ou même de communiquer avec elle, et très remontée qu’on ne lui accorde pas plus d’attention. Les tensions sont très bien amenées et sonnent parfaitement juste. L’auteure accorde une place à chacun de ses personnages, même les secondaires. Les émotions sont fortes, les sujets traités avec nuance. Et pour ne rien gacher l’atmosphère du pays Basque est charmante.

Les coquillages ne s’ouvrent qu’en été de Clara Héraut, Hachette, 2024.

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Reine de l’Ouest est un titre sur lequel nos avis sont partagés. Nous vous proposons donc les deux versants, et vous invitons à vous faire votre propre opinion si le cœur vous en dit !

Un avis peu enthousiaste : Avec sa Reine de l’Ouest, H. Lenoir propose de renouer avec le roman dont vous êtes le héros d’une manière modernisée. Modernisée de par le caractère de son héroïne aventurière, les personnages aux origines et aux orientations sexuelles variées, mais aussi en raison de la forte tendance de Miss Jones à coucher avec la plupart les personnages qu’elle rencontre. Autant être prévenu, cette lecture est réservée à un public très averti.

Si le concept est – par essence – ludique, on peut regretter qu’il ait empêché l’auteure de proposer des personnages à la psychologie plus fouillée. De même, la multitude de rapports sexuels peine à se renouveler et ce qui est amusant au début peut devenir un peu systématique, voire gênant. Le tout en utilisant des clichés éculés. On a connu l’auteure de Félicratie plus inspirée et on espère qu’elle retrouver sa verve et son humour très bientôt !

Un avis plus enjoué : « faites vos jeux… rien de va plus… » Entre une arrivée à Cottonwood ou Silver Falls, il va falloir faire un choix et de cette décision découlera votre aventure. La lectrice joueuse va incarner Miss Jones, jeune femme au caractère bien trempé et il en faut pour déjouer les pièges dans une vie de femme en 1892. Selon son envie et les possibilités laissées par l’autrice, l’aventure peut prendre une teinte rocambolesque saupoudrée d’érotisme ou bien de sagesse…

Ce roman peut étonner mais chacune peut y trouver son compte. Les deux aventures qui se sont offertes m’ont permis d’incarner Miss Jones très différemment et cela m’a amusé car le personnage est intelligent, piquant et surtout rien ne l’arrête. J’avais hâte de lire ce qui m’attendrais au prochain chapitre. Les scènes explicites ne sont pas choquantes et comme le dit Sonia Petit sur la 4ème de couverture : « Drôle, original et juste ce qu’il faut de « spicy » !

Reine de l’Ouest d’Hélène Lenoir, Sarbacane, 2024.

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Gildas Guyot parvient à insuffler de la nuance dans le récit historique communément admis, et c’est d’autant plus appréciable qu’elle s’attelle à l’épisode de la Libération. Oui, les occupants allemands ont fui, oui les alliés et les résistants ont pris le contrôle. Mais qu’en est-il du reste de la population, qui avait fait son possible pour traverser les années de collaboration ? L’auteure prend ici pour narratrice une femme tombée amoureuse d’un allemand. On sait quel sort a été réservé aux « poules à boches », mais à quoi ont-elles pu penser durant cette humiliation publique ? Autant de réponses à cette question que de femmes, de situations, de sentiments. Certaines ont fait ce qu’elles ont pensé judicieux pour survivre, d’autres ont simplement aimé. Toutes ont été « jugées » de la même manière, catalyseur de la compromission d’une grande majorité de la population.

Cette injustice est portée par la parole intérieure d’Arsinoé Ouvrard, qui malgré l’affront qu’elle subit en public reste une femme fière, amoureuse et endeuillée. En un mot, touchante. Cette « Vindicte » rappelle que la foule s’excite vite et fort, que ses dérives sont fréquentes. Trop de rancœurs à exprimer.

La France est libérée, mais la paix n’est pas pour tout le monde.

Vindicte de Gildas Guyot, Faction, 2024.

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Avez-vous lu certains de ces titres ? Lequel a votre préférence ? En attendant l’annonce du lauréat le 5 novembre, à vos pronostics !

La mort : entre deuil et célébration

La Toussaint en Europe, Día de los Muertos au Mexique sont autant de moments qui permettent aux vivants de célébrer les morts. Entre recueillement et souvenirs, ces fêtes prennent place en Novembre, mois des morts. Cette année nous avions envie de proposer une sélection d’ouvrages qui permettent d’accompagner la mort et d’entretenir la mémoire des disparus.

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La fin est-elle vraiment une fin ? C’est pour guider les enfants dans ce questionnement abyssal que Séverine Vidal et Louis Thomas ont écrit cet album. Les auteurs ont fait le choix de placer l’enfant au centre de la réflexion, et des réactions, qu’il peut avoir face à la mort. C’est assez rare pour être souligné.
Nous ne sommes pas dans une démarche explicative du pourquoi de la mort, des étapes du deuil… qui peut être pertinente mais incomplète.

Ici, il s’agit réellement d’inviter l’enfant à partager son émotion et ses pensées face à l’idée de la mort. Qu’il y ait été confronté par la perte d’un proche ou qu’il n’en ait qu’une représentation floue, ce concept interroge et inquiète les enfants. Il est important de les laisser s’exprimer à ce sujet et ce livre semble idéal pour cela.

Le livre qui commence par la fin, Séverine Vidal et Louis Thomas, Éditions Sens Dessus Dessous, 2024.

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Pour le cinquième tome des aventures à forte consonance philosophique de son petit écureuil, Olivier Tallec le confronte à la mort. Heureusement qu’il lui a trouvé un meilleur ami, Poc, pour faire face à cette expérience…

Le petit écureuil aime écouter chanter le merle, mais voilà qu’il a disparu. Jusqu’à ce qu’il le retrouve par terre dans la forêt. « Est-ce qu’il dort ? » se demande-t-il spontanément. Comme un enfant, il va faire de plus en plus de bruit, le toucher pour vérifier et finalement lui rendre hommage. Les étapes sont très juste et le ton toujours parfait. L’ironie de la série en moins, mais il faut dire que le sujet ne s’y prête pas. Encore une belle réussite qui saura accompagner les enfants dans cette difficile épreuve.

Est-ce qu’il dort ?, Olivier Tallec, L’école des loisirs, 2024.

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Si le deuil est un thème récurrent de la littérature young adulte, force est de constater que Hayley Long exprime particulièrement bien les ressentis des survivants dans Nos vies en mille morceaux. Entre désespoir et petits riens qui permettent au temps d’avancer, rencontres et mains tendues… l’atmosphère ouatée et les personnages, loin des caricatures habituelles, sont le plus de ce roman. Ainsi que la traditionnelle playlist. Elles se multiplient dans les romans, et leur intérêt n’est pas toujours évident, mais celle-ci est parfaitement adaptée à l’histoire. Il faut dire que le titre original est celui d’une chanson des Beach Boys (The Nearest Faraway Place)…

Nos vies en mille morceaux, Hayley Long, Gallimard jeunesse, 2018.

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« Mais je suis là mon étoile. Regarde, tu as toute ma volonté « . Hadda est absente, physiquement elle n’est plus dans cet appartement d’une vie qui s’écoule ou qui s’est écoulée. Hadda rassure, murmure sa présence à travers les pièces traversée par cette même question : « Quand Hadda reviendra-t-elle ? ». Une ritournelle qui s’égrène page après page et qui attend une réponse bienveillante, encourageante.

Il y a plusieurs manières d’aborder le deuil et ce n’est jamais un exercice facile en littérature de jeunesse. La poésie d’Anne Herbauts souligne le chemin qui appartient à la disparue et l’enfant. Cette complicité ne fait que se renforcer à travers chaque page et invite la le lectrice lecteur à observer les détails. Des jeux d’enfants qui se mêlent au quotidien d’une personne âgée éclairés par des illustrations pleine page.

Quand Hadda reviendra-t-elle? d’Anne Herbauts,
Casterman, 2021

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« En vérité, ce n’était pas une question, c’était LA question, LA question qui était partout autour de moi depuis que maman n’était plus. » Elise sait quelque chose et ce sentiment la blesse au plus profond. Elise sait qu’elle est triste, seule et pourtant elle n’a pas le droit de pleurer car dans sa maison il y a des règles à ne pas enfreindre. De sa mère, Elise ne conserve qu’un puzzle qu’elle fait et défait frénétiquement, un refuge en cas d’intempérie. Elise grandit sans trop de connexions avec le monde extérieur et passe son temps libre à faire des puzzles que son père lui offre : « Quand il entre dans ma chambre pour me dire bonne nuit le soir, papa me félicite sans émotion s’il y a un nouveau puzzle exposé.

-C’est bien, il est beau. Papa me félicite toujours sans émotion. En fait, papa vit toutes ses journées sans émotion. »

Elise sait aussi que son père s’est crée une carapace digne du plus noir des personnages de Naruto : Orochimaru. Elle l’a enfin compris en passant ses lundis après-midi à regarder l’animé en compagnie de son amie Stella, une jeune demoiselle de sa classe légèrement « zinzin ». Peu à peu Elise s’ouvre et lorsqu’elle apprend que sa grand-mère du Japon débarque chez elle pour 15 jours, elle entre dans une immense joie mais redoute la réaction de son père…
Pourquoi ne dit-on pas sayonara ? car la signification de cet au revoir n’est pas vraiment compatible avec ce que va ressentir la lectrice/le lecteur. Elise et son étoile Stella : celle qui va l’accompagner, la faire réfléchir sans brusquer, tout en étant respectueuse. Elise et sa grand-mère Sonoka celle qui va enfin prononcer le prénom d’une maman disparue, celle qui va honorer sa mémoire. Des rencontres qui font changer, évoluer et enfin peut-être accepter l’inacceptable. Tout ce petit monde va graviter, se connecter autour d’Elise et c’est un bonheur dans faille qui en restera.

On ne dit pas sayonara d’Antonio Carmona, Gallimard jeunesse, 2023

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Le papa de Suzy, 9 ans, a une paillette dans l’iris. Comme Julien, son frère, de 2 ans son aîné. Son grand frère qui restera pour toujours un enfant car il est [mot tabou].
« Ce n’est pas dans l’ordre des choses« ‘ répète la nounou de son voisin qui s’occupe d’elle pour les trajets de l’école, puisque sa maman n’en est plus capable, terrassée par le chagrin, et que son papa travaille, parce que oui, la vie continue. De désordre, il est aussi question dans la tête de la fillette, bouleversée au point d’avoir une mèche de cheveux blancs depuis que son frère est [chut !].
Au choc et au chagrin de la disparition de son complice de toujours, succède le temps des pourquois. Suzy est envahie de questions, auxquelles les adultes de son entourage, les amis de son âge, ne savent, ne peuvent, ou ne veulent pas répondre. Bien que soutenue par un père compréhensif et courageux, une enseignante dévouée, une psy à l’écoute et une bande d’ami.es fidèles, Suzy souffre, elle ne parvient pas à trouver le réconfort qui pourrait lui permettre de reprendre une vie d’enfant sereine. Pour autant, elle vit aussi des moments joyeux, elle a de nouveau envie de jouer, de s’amuser, elle souhaite être jolie pour plaire au garçon dont elle est amoureuse… C’est d’ailleurs pour cela qu’un sentiment de culpabilité la ronge. A-t-elle droit au bonheur malgré le drame ? Le ton, les mots sonnent juste. L’écueil, avec ce thème, est de verser dans le pathos, ou de s’adresser davantage aux adultes qu’au jeune lectorat. Il est ici parfaitement évité. Avec une candeur délicieuse, un humour délicat, une profonde empathie, des trouvailles topographiques et textuelles, avec, surtout, une sensibilité et une tendresse exceptionnelles, ce roman nous emporte, malgré un sujet douloureux, aux confins d’une émotion baignée de lumière.

Une paillette dans l’iris, Charlotte Pons, Inbar Heller Algazi, Seuil jeunesse, 2024

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Le grand et vilain bonhomme, écrivain en panne d’inspiration, est un être déprimé vivant seul dans une vieille maison délabrée, entouré des personnages de papier qui peuplent ses histoires : un vampire, un zombi, un yéti et un loup-garou. Des créatures fantastiques issues d’un folklore sombre et morbide qui renvoient à la tristesse du vieux et vilain bonhomme et appuient le sentiment de perte et de deuil qui l’entoure. Il faut attendre l’apparition du fantôme d’une petite fille pour faire remonter des souvenirs, des émotions et faire revenir l’inspiration.

Jérémy Semet signe un récit qui aborde le sujet grave de la perte avec justesse et pudeur. Son écriture joue sur un effet de répétitions rythmant l’histoire d’une sorte de mélodie agréable à l’oreille. On apprécie la musicalité des mots qui, d’une certaine manière, apporte un sentiment de réconfort tout en maintenant une note d’optimisme au fil des pages.

A l’image de la couverture du livre, deux couleurs viennent teinter les illustrations de Clémentine Pochon, prenant de plus en plus de place au fur et à mesure que le vieux et vilain bonhomme reprend goût à la vie. Cela ajoute encore à la musicalité de l’histoire, la couleur se posant telle des notes de musique sur la partition.

Le vieux et vilain bonhomme dans sa si grande et sinistre bicoque de Jérémy Semet & Clémentine Pochon, Voce Verso, 2022.

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Alors qu’il se retrouve orphelin, Gabriel, quinze ans, ne se sent plus à sa place nulle part : une nuit chez sa tante, une autre dans son ancienne maison, une autre encore chez une amie de sa mère… Gabriel tente désespérément de maintenir la tête hors de l’eau et de faire face aux émotions qui le submergent. Lorsqu’il apprend que sa mère souhaite être mise en terre au côté de son père, il ne peut l’accepter. Impossible de venir rendre visite à la personne qu’il aime le plus au monde s’il doit aussi affronter ce père qu’il déteste. Il décide de partir avec le cercueil de sa mère, seul sur les routes, à la recherche d’un lieu où il pourra la laisser reposer.

Le cercueil à roulettes aborde le délicat sujet de la mort d’un parent et de la sensible période de deuil qui en découle. Pour Gabriel, cette étape devient un véritable chemin de rédemption et de pardon. Brutal, le récit est généreux dans l’attention que les personnages secondaires donnent à l’adolescent sur qui ils veillent affectueusement et les rencontres fortuites d’humains bienveillants qui conduisent ses pas vers la résilience. Tous ces personnages apportent une véritable palette de couleurs vibrante d’émotions qui rendent la lecture intense et mémorable.

Le cercueil à roulettes d’Alexandre Chardin, Casterman, 2020.

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Après le suicide de son père, Lucas a bien du mal à reprendre le cour de son existence. Laisser ce qu’il reste de sa mère derrière lui, retourner à l’internat, reprendre les cours et retrouver ses potes prend vite une place trop grande dans sa tête qui ne sait plus comment continuer. Quand la pression devient insupportable il ne lui reste d’autre choix que de partir, s’arracher pour tenter de reprendre pied et décider si le bout du chemin sera la vie ou la mort.
A travers prés et forêts, une biche fuit une meute de chiens enragés, accompagnés d’hommes armés de fusil. A peine sortie de l’enfance, elle n’a d’autre choix que de courir pour sa survie, alors que la saison de la chasse bat son plein et qu’humains et canidés ne lui laissent aucun répit. Alors que chacun fuit à travers la campagne, leur rencontre semble inéluctable…
Dans ce court récit, Marc Daniau aborde la fuite à travers deux regards, deux êtres de nature différentes. Chacun s’arrache à ce qu’il connaît, à sa famille, pour tenter de survivre à la perte d’un parent pour Lucas, à une attaque de chasseur pour la biche. Le texte, incisif, touche droit au cœur et bouleverse par l’urgence de leurs deux situations. La construction du récit joue sur l’alternance de point de vue pour rapprocher ces deux personnages vers une rencontre que l’on voit arriver avant même qu’elle ne se produise.

S’arracher de Marc Daniau, Rouergue, 2024.

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Angèle, treize ans, a perdu sa sœur Élise, décédée brutalement. Elle ne sait pas comment surmonter ce drame alors elle prend un agenda, et chaque jour ou presque, elle écrit au prénom en haut de la feuille, confiant ses sentiments, sa colère, sa douleur.

Un printemps. Une saison pour surmonter un drame. Une saison pour renaître, telle la nature après l’hiver. Un printemps est untexte à la fois simple et émouvant. Les mots, teintés parfois de colère, mais aussi parfois d’humour, d’une jeune fille qui a perdu quelqu’un de cher. Qui a perdu tout sens à sa vie. Et la résilience, la lente reconstruction après un drame. Bien que la jeune héroïne affronte un deuil, ce roman n’est pas larmoyant. Il est lumineux, comme le soleil qui revient après une averse. Il nous raconte l’avant, ces souvenirs que l’on garde précieusement, le maintenant, difficile, mais aussi les doux moments qui surnagent, qui pointent le bout de leur nez, parfois, et nous invitent à continuer.

Un printemps, de Marie Le Cuziat, Milan. 2022

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Népomucène et Eudoxie. Le premier a perdu ses parents dans un accident de voiture, et vit depuis chez un oncle qu’il ne connaissait pas. Il n’est pas malheureux, mais très solitaire. Il vit sans vraiment vivre, allant en cours, mangeant toujours les mêmes repas, ne parlant à personne. Sa seule passion : le dessin.Sa vie change petit à petit et se pare de couleurs. Avec Gaston déjà, un jeune chiot qu’il adopte et dont la fougue va le réveiller. Avec Tristan ensuite, le beau gosse musicien qui s’entête à devenir son ami. Et surtout, avec Eudoxie, la nouvelle au nom aussi improbable que lui, vers qui il est irrésistiblement attiré…

C’est avec une grande sensibilité et une touche de poésie que l’autrice, Lucile Caron-Boyer, aborde des thématiques difficiles, tout en développant en parallèle la naissance d’un amour profond. Deux personnages attachants, et un entourage sympathique et haut en couleurs, bien développés. Des difficultés, des moments compliqués attendent nos héros, mais, si tout est loin d’être rose, il leur reste tout de même un peu de bonheur à trouver.Parce qu’après un grand malheur, on peut avoir droit au bonheur. La vie continue, malgré tout.Népomucène et Eudoxie est un roman marquant, qui nous parle avec brio et tendresse d’amour et de résilience.

Népomucène et Eudoxie, de Lucile Caron-Boyer. Scrineo. 2024

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Coyote, une jeune fille de 12 ans, vit depuis plusieurs années dans un bus avec Rodéo, son père. Dans ce bus scolaire, transformé en maison, ils sillonnent les États-Unis au gré de leurs envies.Mais un jour, la grand-mère de Coyote lui apprend que le parc de son enfance va être détruit. La jeune fille n’a que quelques jours pour convaincre son père de l’y conduire. Plus facile à dire qu’à faire, puisque celui-ci a juré de ne jamais remettre les pieds dans leur ancienne ville…

L’incroyable voyage de Coyote Sunrise est un roman bouleversant, avec des personnages touchants, un road-trip émouvant, et des émotions qui affleurent au gré des aventures.Ce roman, ce sont des rencontres. Avec un chaton d’abord, puis des personnes : Lester, qui veut rejoindre son amoureuse, Salvador et sa mère, qui fuient, puis Val, rejetée par ses parents qui n’acceptent pas son homosexualité. Au fil de la route, des discussions, des mésaventures, ces personnes souffrent, abîmées par la vie, vont échanger, dévoiler leurs secrets, et évoluer. Au programme de ce roman donc, traumatisme, deuil, violences, mais aussi et surtout entraide, amitié, humour, espoir.Une lecture dont on ne ressort pas indemne. C’est triste, mais aussi doux et lumineux, malgré la difficulté des thèmes abordés.

L’incroyable voyage de Coyote sunrise, de Dan Gemeinhart. Pocket jeunesse. 2020

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Igor, Rhéa. Deux adolescents dont la vie s’est brisée en deux secondes. Igor, victime d’un accident à cause de l’inattention de son père, a perdu son visage. Défiguré, il ne sort plus de chez lui. Rhéa, elle a perdu son petit ami, Alex, qui s’est jeté sous un train. Depuis, elle n’a plus goût à rien.Deux adolescents ravagés par la vie, qui ne se connaissent pas, mais partagent une passion commune pour le piano. C’est Fred, un prof de piano, qui va les réunir pour un projet fou…

Deux secondes en moins, c’est un magnifique roman ado, la dure reconstruction de deux êtres abîmés par la vie. Colère, deuil, repli sur soi, rejet des autres, tout cela, Rhéa et Igor le connaissent très bien. Eux qui jusqu’à présent avaient apprécié la vie, ne savent désormais plus en profiter. Ils sont emmurés dans leur douleur, à vif. Heureusement, il y a Fred, le prof de piano un peu sage, un peu magicien, passionné de thé et de fortune cookies, le réparateur d’âmes au grand cœur, qui va créer l’alchimie. Heureusement, il y a le piano, la musique, Schubert, Satie, qui laissent les sentiments affleurer, exploser. On alterne les voix, on plonge dans leurs carnets, leurs poèmes, les listes de pour et de contre, avec une grande pudeur. En peu de mots, on ressent l’arc-en-ciel d’émotions que vont traverser nos deux jeunes protagonistes. Et si les thèmes abordés sont difficiles, ce n’est pas une lecture « éprouvante ». C’est beau, léger parfois, avec des touches d’humour (merci Obama, le perroquet), et une belle dose d’optimisme. Une invitation à croire en la vie et ses possibles, malgré les épreuves, à accepter les mains tendues. Une pépite, tout simplement.

Deux secondes en moins, de Marie Colot et Nancy Guilbert. Magnard jeunesse. 2018

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Léa est une jeune basketteuse prometteuse, entraînée par son père, qui a un « plan », un but ultime dans la vie : devenir la quatorzième femme française draftée en WNBA. Tout est clair dans sa tête, et elle se donne les moyens d’y parvenir, s’entraînant quatre fois par semaine avec l’équipe masculine de sa ville pour progresser. Mais un grain de sable va venir perturber ce rêve américain sur le point de se réaliser, et non des moindres, puisque son père va décéder d’une crise cardiaque. Et ce drame ne survient pas seul : Léa apprend qu’elle souffre du syndrome de Marfan, elle a une déformation cardiaque qui lui interdit la compétition à haut niveau. Mais la jeune femme a déjà perdu son père, elle se résout pas à renoncer au basket… Elle se trouve des compagnons de jeu en banlieue, dont le bel Anthony qui ne la laisse pas indifférente…

En cinq parties – quatre quarts-temps plus la mi-temps -, Marie Vareille nous présente à travers Léa les cinq étapes « traditionnelles » du deuil. Léa vit le déni, la colère, avant de finir par avancer. Un chemin ardu, difficile, pour elle et ses proches. Mais Léa n’est pas seule. Si elle a perdu son complice de toujours, elle peut encore compter sur sa mère, sur sa petite sœur Anaïs, et sur ses deux amis de toujours, Amel et Nico. Ce faisant, l’autrice nous montre à quel point il est important d’être bien entouré.e après un drame. Les personnages sont pleinement humains avec toutes leurs failles, terriblement réalistes. On ressent les émotions de Léa, on la voit se noyer dans ce chagrin immense, tenter de surnager, reprendre pied peu à peu. C’est un long chemin vers la reconstruction qui nous est dépeint ici, et sur la force nécessaire pour rebondir quand les rêves s’écroulent. Émotions, sentiments, passion dévorante pour le basket, Le syndrome du spaghetti est un roman intense, émouvant. Triste, mais aussi plein d’espoir.

Le syndrome du spaghetti, de Marie Vareille. Pocket jeunesse. 2020.

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Poésie, rythme, et dessins. Les vrais champions dansent dans le blizzard est paru après Frères, pourtant il nous narre l’histoire du père, l’histoire de l’été 1988, où lui-même a perdu son père, et pendant lequel sont nés sa passion pour le basket, et son amour pour sa femme. C’est donc un été de changement qui nous est narré ici, celui des grands bouleversements. Kwame Alexaner nous parle avec justesse de deuil, de famille, du passage à l’age adulte, file avec talent la métaphore du basket qui invite à rebondir après un drame.

Son héros, Charlie Bell, est un personnage à vif, empli de colère face à l’injustice de la vie. Un ado un peu rebelle, qui va prendre conscience, grâce à sa famille, et à sa cousine Roxie, de la valeur et de la beauté de la vie. C’est un personnage attachant, et l’importance des dialogues dans l’histoire nous le rend encore plus vivant. Un très beau roman en vers libres, un récit initiatique touchant.

Les vrais champions dansent dans le blizzard, de Kwame Alexander. Albin Michel. 2019

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Un livre ô combien touchant qui nous conte le point de vue d’un jeune garçon qui a perdu son papa.Un jeune orphelin, à qui son père manque énormément. Un enfant triste. En colère. Qui ne comprend pas. Qui rêve de son papa toutes les nuits, et se réveille en pleurant tous les matins, quand l’horrible vérité ressurgit. Et puis petit à petit, il revoit son père, dans certains objets, certains souvenirs, certains gestes…

Ce très bel album nous raconte avec pudeur – et un texte savamment dosé, comme sait si bien les écrire Émilie Chazerand – le deuil, l’après. L’indicible. L’incompréhensible.Les émotions par lesquels on passe après le décès d’un proche, la douleur ressentie, toutes ces étapes par lesquelles on passe avant de recommencer à « vivre ».C’est triste, c’est émouvant, c’est aussi au final très optimiste avec tous ces souvenirs qui nous rappellent nos chers disparus. Sébastien Pelon dessine avec finesse les personnages, les sentiments transparaissent, les décors sont très jolis.Un très bel ouvrage, sensible, pour aborder le deuil et la perte d’un être cher.

Papa partout, Émilie Chazerand, Sébastien Pelon. Élan vert. 2022

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Renard a bien vécu, il est temps pour lui de partir. Il s’allonge, dans l’un de ses lieux préférés, et s’endort pour toujours. Ses amis, tristes, viennent lui rendre hommage et se remémorer les doux souvenirs du passé. À ôté de lui, un arbre commence à pousser…

Un album, fin et délicat, sobre et pertinent, pour aborder les thèmes de la mort et du deuil.Un bel hommage à la vie, qui continue, envers et malgré tout. Tu vivras dans nos cœurs pour toujours est un ouvrage plein de douceur et de tendresse, qui nous délivre un beau message : la mort n’est pas une fin. La personne qui nous quitte continue à vivre en nous, si l’on prend le temps de se rappeler son souvenir, son caractère, ce qu’elle aimait. L’arbre qui pousse sur la « tombe » de renard nous montre la vie qui triomphe toujours, le bonheur qui revient, après le chagrin. C’est doux, poétique, triste mais aussi plein d’espoir. Les illustrations sont très belles, simples et colorées, elles accompagnent avec finesse et une grande quiétude le texte.

Tu vivras dans nos cœurs pour toujours, de Britta Teckentrup. Larousse 2013.

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Célébrer – Entretenir le souvenirs

Morts vivants est un roman de la série Les grandes années de Gaël Aymon et Élodie Durant (destinée aux jeunes lecteurs à partir de 7 ans) qui met en scène les héros récurrents en pleine préparation de la fête d’Halloween. C’est l’excuse idéale pour les enfants d’organiser une fête et de sortir dans la rue sans adulte (ou du moins d’essayer !). Mais c’est aussi l’occasion de parler de la mort. Sujet tabou pour les uns, essentiel pour les autres, il est abordé de manière douce et respectueuse.

Les grandes années, Morts vivants !, Gaël Aymon et Élodie Durant, Nathan, 2020.

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Dans Je voudrais te dire, Jean-François Sénéchal présente la disparition d’une grand-mère renard. En effet, son petit-fils, un renardeau, s’interroge intérieurement : où est donc passée sa grand-mère ? Il se souvient de sa grand-mère alitée et si fatiguée… Il n’avait su que dire devant tant de fragilité. Puis la maman renard lui avait annoncé que tout était fini, mais il ne l’avait pas cru… Le renardeau a alors cherché partout sa grand-mère. Dans « les endroits que nous étions seuls à connaître ». Mais elle avait bien disparu.
Le renardeau se remémore alors les moments de bonheur auprès sa grand-mère :
ensemble, ils ont vécu tant de moments uniques, inoubliables.
Une tempête éclate alors le renardeau se met à crier sa peine… et la foudre tombe sur un grand chêne.
Le petit renard reste longtemps auprès de la rivière, à regarder l’eau passer… longtemps… sans retenir l’eau couler.

Le renardeau décide d’écrire une lettre à sa grand-mère. Dans les quelques mots  de son courrier, le renardeau n’exprime pas tant sa peine… il s’agit juste, surtout, pour le petit renard de dire à sa grand-mère « je t’aime ».
La blessure du chêne cicatrise peu à peu. Le soleil est de retour. Le sujet est abordé avec pudeur et une grande poésie, celle des êtres disparus qui restent dans notre coeur avec nos plus beaux souvenirs d’eux.
Cet amour est comme un trésor, et dans notre coeur, il brille encore.

Je voudrais te dire, Jean-François Sénéchal, illustrations de Chiaki Okada, Saltimbanque, 2024.

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Cinq minutes et des sablés, ou comment l’imminence de la mort peut redonner goût à la vie. La Petite Vieille se sent bien seule, elle n’attend plus que madame la Mort, et avec impatience quu plus est : elle se sent prête à l’accompagner. Mais voilà que madame la Mort a le temps pour un thé et des sablés. Une chose en entraînant une autre, une visite en incitant une autre, la vie et la joie renaissent chez la Petite Vieille. Quel plaisir de découvrir la plume de Stéphane Servant illustrée par le trait vif d’Irène Bonacina dans ce bien joli album qui invite à profiter de la vie jusqu’au dernier moment. Et de ses proches tant qu’ils sont vivants.

Cinq minutes et des sablés, Stéphane Servant, illustrations d’Irène Bonacina, Didier Jeunesse, 2015.

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Après avoir dégusté ses mets préférés dans un endroit qu’il ne reconnaît pas, Alejandro rentre chez lui, impatient de retrouver sa femme et ses enfants. Il ne trouve qu’une femme en rouge qui l’attrape dans ses filets… Catrina…

Au Mexique, le Jour des Morts est Jour de Fête. Les vivants honorent leurs défunts en leur préparant leur repas préféré, en se rendant au cimetière en où ils chantent, boivent et festoient. Pour que la Mort qui fait partie de la Vie ne soit pas redoutée !

Mikael Soutif propose ici un album empli de couleurs pour découvrir Dia de Los Muertos. Le graphisme est en pâte à modeler sur fond violet, ce qui lui confère autant de curiosité que d’attirance !

Catrina. Mickael SOUTIF. L’Atelier du poisson Soluble, octobre 2018

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Premier novembre, Jour des Morts. Jour de fête au Mexique. La jeune Frida est avec sa famille au cimetière, quand elle aperçoit son amoureux, Diego, qui embrasse une autre fille.
Impulsive et furieuse, Frida bondit et retrouve Diego qui a chuté dans un trou où se trouve une vieille femme, alors que des rires résonnent…

Sont-ce eux, Frida et Diego, les protagonistes principaux de cet album ou bien le Jour de la Fête des Morts ? Dans cet album, nous découvrons un peu du Mexique avec les festivités de la Fête des Morts et les traditions qui lui sont liées, et notamment culinaires.

Frida Kahlo et Diego Rivera sont représentés en enfants et déjà amoureux.
Au détour des mots comme des illustrations, on retrouve tout ce qui fera leurs caractères (impétueux ou taiseux, infidèles et jaloux, excessifs en tout) ainsi que leur relation, passionnée, tumultueuse, fusionnelle, mais aussi destructrice.
Mais aussi leurs goûts pour les animaux, la nature, les couleurs lumineuses, et bien sûr, leur Art à chacun.

Frida et Diego au Pays des Squelettes. Fabian NEGRIN. Seuil Jeunesse, septembre 2011

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Que font nos voisins d’en-dessous, c’est-à-dire nos Morts ? Dorment-ils, jouent-ils, continuent-ils leurs activités du dessus ? Et qu’y a-t-il autour d’eux désormais ?

Avec ses dix-huit phrases minimalistes, mais non dénuées d’humour, et des illustrations qui regorgent de détails, de clins d’œil et de références, cet album nous amène à nous questionner sur notre rapport à la Mort. Comment nous, les vivants, nous occupons-nous de nos Morts ? Comment percevons-nous la Mort et quelles relations entretenons-nous avec Elle, ici ou ailleurs sur Terre, selon les croyances, coutumes, lieux, ou encore époques ? Un album qui favorise curiosité et discussions.

Les voisins d’en dessous. Isabelle SIMON et Isabelle CHARLY. Editions Frimousse, octobre 2016

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Ce petit album cartonné au format à l’italienne, au graphisme épuré aux tons ocres, nous présente des décès insolites, de personnes connues ou anonymes, de l’Antiquité à nos jours.

Il nous offre une réflexion sur la Mort et ses circonstances, sur la Vie et nos choix, la façon dont nous la menons… et des mystères de l’existence.

Insolite, curieux, atypique, divertissant et grinçant, cet album vaut assurément sa lecture!

Le Livre des MORTS Extraordinaires. Cecilia RUIZ. Editions Cambourakis, octobre 2019

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Et vous, quels sont les livres qui ont su vous accompagner dans la perte d’un être cher ? Quels titres ont permis à vos enfants de mieux appréhender ce qu’est la mort ?

Liberté !

[…]

Et par le pouvoir d’un mot

Je recommence ma vie

Je suis né pour te connaître

Pour te nommer

Liberté.

Paul Éluard, Poésie et vérité, 1942.

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Si à l’évocation de la liberté c’est ce magnifique poème de Paul Eluard (dont nous ne citons que la fin) qui vient à l’esprit, ce thème est central en littérature jeunesse. Liberté de grandir, de changer, de choisir, liberté physique ou psychique… la quête de liberté est à l’origine de certaines des histoires les plus belles, les plus fortes. Voici nos préférées.

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Quête de liberté

Jonathan Livingston le goéland, Richard Bach, J’ai lu 2000 (pour cette édition).

Quand ils apprendraient ce qu’il avait réalisé, les exploits qu’il avait accomplis, pensait-il, les goélands seraient fous de joie. […] Désormais ils pourraient sortir de leur ignorance, se révéler des créatures pleines de noblesse, d’habileté et d’intelligence. Être libres !

Alors que son peuple vole pour se nourrir, Jonathan Livingston ne se nourrit que pour voler. Son objectif : expérimenter, apprendre et voler mieux, plus haut, plus vite. Quoi qu’en pense son clan, qui ne comprend pas sa vision et finit par l’exclure.

Dans ce conte philosophique New Age qui a fait son succès dans les années 1970, Richard Bach propose une vision libératrice du dépassement de soi par l’apprentissage. Il montre aussi que la liberté (entendue comme quête de perfection), et les découvertes qui en découlent, n’ont du sens que si on les partage.

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Liberté physique

C’est l’imagination d’Alma qui est à l’origine des aventures qu’elle va traverser durant son épopée de trois tomes. Parce qu’elle a créé un ailleurs pour son petit frère, il va partir à sa recherche. Et être capturé puis vendu comme esclave. De son côté, Alma est une héroïne fière et libre que rien arrête. Son prénom signifie d’ailleurs liberté dans la langue oko inventée par Timothée de Fombelle pour l’occasion. Alma est une fresque riche, poétique et précisément documentée sur le commerce triangulaire, portée par des personnages aussi attachants qu’intrépides. Prêts à tout pour retrouver leur liberté – qui est le titre du troisième et dernier tome !

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Comment mettre une baleine dans une valise ? de Guridi, CotCotCot éditions, 2021.

Comment mettre une baleine dans une valise ?, publié pour la première fois en 2018 par l’illustrateur espagnol Raùl Nieto Guridi, est une question philosophique qui invite à la réflexion sur l’importance et la valeur de ce qui compte le plus pour nous et que nous aimerions emporter si nous devions tout quitter. La baleine devient alors la métaphore de toutes ces choses qui représentent notre vie : objets, personnes, émotions, souvenirs… et que nous ne pouvons laisser derrière. Au fil des pages et de la lecture, il apparait rapidement qu’il est ici question d’un voyage sans retour.

Ce qui frappe le plus à la lecture c’est le minimalisme du texte et des illustrations qui disent pourtant beaucoup. A l’image de ce personnage non défini, au visage sans traits, un anonyme parmi tant d’autres, qui nous renvoie à nous-même et nous invite à plus d’empathie. Le vide des pages sur lequel se détachent les deux personnages crée un sentiment d’immensité renforcé par la différence de taille entre le personnage et sa baleine qui nous fait prendre conscience de la difficulté à réduire notre vie au minimum empaquetable.

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Le pays de Rêve de David Diop, Rageot, 2024.

Au cœur de la montagne-décharge, Rêve et sa grand-mère vivent à l’écart du monde et des hommes, ne quittant leur logis qu’à la nuit tombée pour trouver dans les poubelles de quoi subsister. La grand-mère veille à la sécurité de la jeune fille à la beauté sans pareil. Mais en grandissant, Rêve est submergée par le désir de liberté et l’espoir d’un ailleurs resplendissant. Quand arrive le fils du Grand désœuvré, l’espoir s’épanouit dans le cœur des deux femmes…

L’histoire de Rêve se confond à celle de ces héroïnes de contes de fée, qui n’ont pour elles que leur beauté et l’espoir qu’un prince vienne sur son blanc destrier pour les sauver. Mais les rêves ne finissent pas toujours comme on l’avait espéré et la solution ne vient pas toujours de-là où on l’attendait.

Conte moderne, Le pays de Rêve aborde des thématiques très actuelles qui prennent forme dans les inégalités exprimées, d’une plume poétique et imagée, dans la pauvreté, la violence et les rêves brisés. L’exil, thème central de l’œuvre de David Diop, trouve ici forme dans deux anneaux d’or, héritage du passé et symbole de la liberté.

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Le projet Barnabus, Terry, Devin et Eric Fan, Little Urban, 2020.

Des animaux créés en laboratoire, qui n’ont jamais vu l’extérieur, et dont la vie est menacée. Une irrépressible quête de liberté, une envie de découvrir le monde. C’est ce que nous présente Le projet Barnabus, des Fan Brothers. Un sauve-qui-peut général vers le « dehors », assorti d’une dénonciation de la société de consommation et des normes imposées.

Un ouvrage émouvant, conduit par un Barnabus touchant. Parce que chacun a le droit d’être soi-même, en toute liberté !

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Le nuage de Louise, Terry, Devin et Eric Fan, Little urban. 2022

Cette thématique de la liberté plaît beaucoup aux frères Fan, puisqu’on la retrouve aussi dans Le nuage de Louise, paru deux ans plus tard.

Nous y rencontrons Louise, une petite fille qui acquiert un jour un très joli nuage. Elle le chérit, en prend soin, et il grandit… Mais celui-ci prend de plus en plus de place… et s’il fallait lui rendre sa liberté ?

Un très bel album qui nous montre que lorsque l’on tient à quelque chose, à quelqu’un, on doit le laisser libre de ses mouvements, ne pas l’enfermer égoïstement. Une très belle parabole poétique, délicatement illustrée.

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Les Chemins de traverse, de Maylis Daufresne et Juliette Lagrange, La Joie de Lire, 2023.

Dans Les chemins de traverse, nos deux jeunes héros, Félix et Nour, encouragé.e.s par Malika, la tante de cette dernière, profitent des portes ouvertes, des venelles, des ruelles, des sentiers, et même des anfractuosités des falaises pour  découvrir le vaste monde à portée de mains. Par le jeu des découpes dans la page qui prennent la forme des espaces de transition entre les différents endroits explorés par les enfants, la lectrice, le lecteur est amené.e à parcourir à la fois la vie foisonnante du village et l’incroyable diversité des merveilles qu’offre la nature.  Un album qui chante la liberté de mouvement et qui remet le corps des enfants au cœur d’un espace qui peut aussi être bienveillant, accueillant et source de joies multiples. A une époque où l’adulte a tendance à voir le danger partout, cet album est une invitation au voyage immédiat, celui qui s’offre à nous chaque jour quand on passe le seuil de la maison.

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Le jour où je suis partie, Charlotte Bousquet, Flammarion, 2017

Dans Le jour où je suis partie, Charlotte Bousquet aborde un thème qui lui est cher : le combat pour la liberté des femmes. Tidir a perdu sa meilleure amie, qui s’est suicidée suite à un mariage forcé. Elle s’enfuit pour aller à Rabat, où elle compte participer à la marche des femmes du 8 mars. Elle fuit elle aussi un mariage arrangé, mais elle fuit surtout pour affirmer haut et fort son droit à choisir son avenir.

Entre péripéties, nature sauvage et rencontres, ce roman engagé dresse le portrait d’une jeune femme forte, qui se bat pour son avenir. Il nous montre à quel point la liberté est fragile, et loin d’être acquise partout. Un texte qui dénonce les inégalités et qui porte aussi l’espoir d’un monde meilleur.

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Le combat d’hiver, Jean-Claude Mourlevat, Gallimard Jeunesse, 2006

Dans Le combat d’hiver, Jean-Claude Mourlevat nous présente la lutte de quatre adolescents. Quatre adolescents qui reprennent celle de leurs parents contre l’oppresseur, la Phalange, la groupe tyrannique qui règne de manière despotique.

Dans cette épopée dystopique, l’auteur évoque avec poésie la lutte contre la dictature, le combat pour la liberté dans un environnement sombre et inquiétant, peuplé de créatures dangereuses. A travers ses personnages, c’est toute la force de l’entraide, de l’amour et du courage qui affleurent. Un classique indémodable

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Liberté de penser

L’incroyable machine à liberté de Kirli Saunders, illustrations de Matt Ottley, Kaleidoscope, 2021.

Une petite fille observe de drôles de machines. Des incroyables machines à liberté. Elles ont des formes et des couleurs étranges. À quoi servent-elles ?

Le lecteur attentif relèvera quelques indices au fil des pages et des illustrations toujours magnifiques de Matt Ottley. Qu’elle se retrouve dans « des endroits magiques et sauvages » ou dans « des profondeurs secrètes », sa machine à liberté permet à la petite fille de vivre intensément, de « devenir ce qu’elle avait toujours rêvé d’être ». De quelle manière ? Il faut découvrir cet album, véritable ode à l’imaginaire, pour le savoir !

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Swamp : un été dans le bayou de Johann G. Louis – Dargaud, 2023

Red et Otis sont amis dans la pauvreté, celle qui touche autant les Blancs que les Noirs. Nous sommes au beau milieu des années 30’ et la population ne se mélange pas. Les deux garçons ne prennent pas en compte les recommandations maternelles et si l’un sèche l’école c’est pour mieux retrouver l’autre dans le bayou. Des mauvaises choses se trament dans cette Louisiane étouffante, des étranges et inquiétantes disparitions d’hommes de couleur font jaser les gens. Bien vite les deux compagnons font la connaissance de Shelley venue s’installer dans un vieux manoir avec sa gouvernante un poil autoritaire et une mère mélomane fatiguée…

« Cette BD est donc tout particulièrement un hommage au Southern Gothic… un Sud qui vit dans la misère, où la criminalité augmente, où les tensions sociales sont fortes, en particulier envers les Noirs américains dont l’émancipation n’est pas acceptée. » La population tente de trouver un espoir de liberté en s’installant dans cette contrée. L’arrivée de Shelley et de sa mère montre également les mentalités étriquées : « Je suis née dans un trou du Missouri, une souris sait très bien reconnaître une fouine. »

A la fois protectrice et lucide, la mère de Shelley fait tout son possible pour protéger l’innocence des trois enfants : « Approche mon petit Red…n’entre pas tout de suite dans le monde des adultes. » La construction de cette BD alterne parfaitement entre les scènes de nuit qui aggravent la tension si palpable contrastant avec le jour où l’amitié innocente essaye d’apporter un peu d’optimisme.

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Le grand incendie, Gilles Baum et Barroux, les éditions des éléphants, 2016

C’est la censure et la liberté d’expression qui sont au centre de cet album de Gilles Baum illustré par Barroux.

Dans un pays lointain, le calife a ordonné un autodafé. Les livres brûlent, mais un jeune garçon découvre un morceau de feuille… Une fois le feu éteint, il va fouiller dans les cendres et y déniche une petite phrase.

Avec cet album, l’auteur nous dit la puissance des mots, leur beauté, leur force d’action. C’est un récit plein d’espoir sur les livres et les mots qui permettent de se révolter, de lutter contre l’oppression. Une ode à la lecture et à la liberté.

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Liberté de s’émanciper

Aux filles du conte de Thomas Scotto, illustré par Frédérique Bertrand, les Editions du Pourquoi Pas, 2022

« Aux filles du conte » est un superbe petit livre délicat et raffiné, relié au fil rouge pour envoyer au tapis les histoires cousues de fil blanc…Mais c’est surtout une ardente proclamation contre la soumission, les épreuves, le non-consentement, l’enfermement, l’injonction à la beauté, etc. , ces acouphènes dans les oreilles enfantines, depuis toujours, par la voix des contes, jusque dans la vraie vie, celle des talibans et de meetoo, à en devenir sourds. Dans un court format, titre phare de la collection « Manifeste poétique » des Editions du Pourquoi pas, Thomas Scotto porte une parole féministe puissante : l’heure de l’émancipation a sonné ! Il est grand temps de sortir de millénaires de patriarcat, de « peur bleue« , de  » supplices de papier« , et de « mutisme [du] corps« …dans lesquels les filles des contes ont été enfermées pendant des siècles. Le moment est venu de mettre en œuvre « l’évidence de liberté » pour « espérer le Monde« , « l’horizon rouge » …et pourquoi pas… « marcher devant« ? Avec un extrait de la chanson d’Anne Sylvestre « Une sorcière comme les autres » en épigraphe, comme un encouragement, il offre aux filles des contes (que l’on reconnaît tout au long du texte), en vérité à celles d’aujourd’hui, dans un concentré de talent, de poésie et de finesse, un souffle d’espoir et de liberté, pour que plus jamais on ne les invente. Nous l’avions « tant fait déjà« …

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Libres d’être, Thomas Scotto et Cathy Ytak, Les éditions du pourquoi pas ?, 2016

Libres d’être, publié aux éditions du pourquoi pas ? ce sont deux textes qui se font écho, dans un seul et même livre, deux époques, deux approches, pour un message unique et universel. La laïcité et l’émancipation du joug du patriarcat, comme armes de libération massive.
Sincère, engagé, virtuose, il est une référence incontournable pour Séverine. Identifié jeunesse, il est, en vérité, à mettre entre toutes les mains. Les 2 auteurs y croisent les mots d’un père d’aujourd’hui (partie autobiographique de Scotto), qui questionne et imagine l’avenir de ses filles, et ceux d’une jeune femme, en 1909, qui enrage contre l’ordre établi et aspire au contrôle de sa vie (partie fiction de Ytak).
En accord parfait, leurs voix entrent en résonance, bousculent et subjuguent. Elles interrogent, doutent, affirment, aussi, entre colère et impuissance, cri et chuchotement, passé et futur, douce poésie et références historiques, avec une infinie sensibilité, surtout, la liberté et l’égalité, sans compromission ni condition, pour toutes les femmes, ici, ailleurs. Qu’elles se libèrent du poids des convenances, des traditions, des voies tracées, qu’elles soient « libres d’être », tout simplement, définitivement.

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La retraite de Nénette de Claire Lebourg, l’Ecole des Loisirs, 2017

« Star indétrônable des orangs outans de la capitale, Nénette, 40 ans, était pensionnaire de la Ménagerie du Jardin des Plantes depuis sa tendre enfance. »

Nénette a bien mérité sa retraite. Elle recouvre une liberté bien mérité non loin de son habitat « pas naturel ». C’est dans un petit appartement très agréable donnant sur les toits parisiens, que Nénette profite de sa nouvelle et belle vie… Si belle que ça cette liberté ? Et si finalement Nénette aspirait à autre chose?

Le trait léger et gracieux de Claire Lebourg est un régal. Cette vie parisienne fait rêver, le lecteur y voit Nénette déambuler dans les rues de Montmartre, profiter des parcs et des cafés mais bientôt l’ennui s’installe. Au final, la liberté que l’on se choisit n’a pas de prix.

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Le paradis des chats d’Emile Zola, illustré par Timothée Le Véel, l’école des loisirs, 2023.

Critique social, ce conte philosophique aux allures de fable animalière dénonce et se moque de ceux qui ont tout et sont incapables de se mettre à la place de ceux qui n’ont rien.

L’histoire est celle d’un bon gros matou de salon, habitué aux grand luxe et au confort que sa maitresse lui prodigue à grand renfort de coussins moelleux et de viande à tous les repas. Envieux de la liberté dont semblent jouir les chats de gouttière qu’il voit à travers sa fenêtre, il prend la poudre d’escampette pour les rejoindre et goutter à cette vie de la rue. Mais quand la faim se fait sentir, il comprend que la liberté a un prix…

Au contact des chats des rues, le matou est confronté à un dilemme, un questionnement plus actuel, qui le pousse à choisir entre son confort et sa liberté.

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La petite épopée des pions d’Audren, illustré par Cédric Philippe, MeMo, 2017.

Parmi les pions du coffret en bois de rose, il existe un pion téméraire qui va oser prendre ce qui lui revient de droit, sa liberté. S’il est vite désigné comme fou par ses camarades, il entend bien se libérer du joug de la Main qui l’enferme dans un rôle bien défini qui ne s’entend pas au-delà du plateau de l’échiquier.

En alliant une histoire drôle et pleine d’aventures à une réflexion philosophique judicieuse sur la liberté et le libre-arbitre, le récit fait passer son message avec pertinence et intelligence. La petite épopée des pions est aussi une aventure qui pousse à quitter le confort rassurant et sécurisant des limites d’un monde que l’on connait, qui pousse à partir à l’aventure pour s’émanciper en repoussant les limites de notre liberté.

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Le goût de la liberté, Jesuso Ortiz et Louna Demir, Editions du Père Fouettard, 2022.

Et pour initier les plus jeunes à la liberté, voici un petit album qui s’adresse aux enfant dès 2 ans.

Dans ce tout-carton, Louna Demir et Jesuso Ortiz nous interpellent autour d’une question philosophique – Quel goût a la liberté ? – de manière ludique. Au travers des délicates illustrations de Jesuso Ortiz, on l’imagine sucrée, amère, acide… savoureuse aussi. De quoi amorcer une première réflexion sur ce concept avec les plus jeunes !

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Quelle lecture évoque le mieux la liberté pour vous ? Quel roman, quel album vous a donné des ailes pour la conquérir ?