Après vous avoir proposé successivement un article sur un conte de Noël écrit par nos soins, des lectures pour un Noël généreux puis un Noël décalé, nous avons décidé cette année de choisir chacune un livre cher à notre cœur susceptible de plaire à toutes les générations réunies autour du sapin. Voici donc notre sélection de livres à partager, à lire sans modération !
******
Si les classiques sont des valeurs sûres, c’est un titre récent que Lucie a envie de partager. Car tous les membres de sa famille, de 64 à 5 ans ont craqué pour Coboye !
Parce que l’enfance touche tous les cœurs quelque soit leur âge officiel, la bande dessinée de Cécile, qui contient très peu de texte, saura ravir les petits et les grands. La bédéaste y relate sa jeunesse dans un far west imaginaire avec beaucoup de douceur et d’imagination. Petits et grands sont happés par les grandes illustrations et rient de bon cœur aux « carabistouilles » réalisées si naïvement. Avec aussi la pointe d’émotion qui sied à la période, cette BD est parfaite.
Chez Séverine, seules deux personnes sur cinq sont accros à la lecture…Sa fille de 9 ans, et…elle ! Pourtant, malgré le goût peu prononcé des trois autres pour la chose littéraire, s’il est un livre qui fait l’unanimité, c’est bien celui-ci : Quelqu’un m’attend derrière la neige. A mi-chemin entre l’album illustré et le roman de premières lectures, son format est idéal pour un court moment hors du temps, porté.es par la plume délicate et passionnante de Timothée de Fombelle, et les illustrations chaleureuses de Thomas Campi. Ainsi, chaque année, à la période des fêtes de fin d’année, sa lecture à voix haute donne l’occasion à la famille de resserrer les liens autour de ses valeurs (liberté, fraternité, hospitalité, etc.), de partager une empathie commune et de se souvenir, ensemble, que cette période n’est pas, pour tou.stes, synonyme de joie et de lumières scintillantes. Grâce à une belle histoire, entre mélancolie, poésie, et triste réalité, l’auteur, conteur hors pair, nous rappelle qu’elle est aussi des jours parfois sombres pour les êtres privé.es de la chaleur d’un foyer, des rires, des festins, des cadeaux, bref, de la « magie de Noël ». Pourtant, pour ses trois personnages, il imagine une autre issue : être attendu.e, ou celui/celle qu’on attendait… C’est un récit très touchant, dont les thèmes -l’exil, la solitude, la précarité matérielle ou sociale et le monde qui va trop vite- sont de ceux qui interrogent notre humanité, et appellent à notre vigilance, plus encore à cette période de l’année, où tout est exacerbé. Ils nous invitent à la générosité, mais pas exclusivement consumériste. Sans la dévoiler, la fin, très émouvante, mouille, à chaque fois, les yeux de tous les membres de la famille, enfants ou adultes, même les plus coriaces…
*
Pour Liraloin les fêtes de fin d’années sont le moment propice pour se reposer et lire mais aussi partager des lectures à voix haute dès que possible. Il y a un titre chouchou et très certainement que ce dernier parle à toutes les générations de lectrices et lecteurs qui aiment les contes classiques avec un pointe d’humour ! Un titre qui a une place toute particulière car il a été lu pour la première fois à voix haute il y a plus de 10 ans devant un large public d’oreilles captives. Forte de cette expérience ce premier roman m’accompagne souvent. Mais quel est ce titre, me direz-vous ? Il s’agit de la Bergère qui mangeait ses moutons d’Alexis Lecaye et Nadja : un conte détourné où, et tout est dans le titre, la personne qui normalement doit prendre soin de ses animaux en réalité…. les déguste ! Cette histoire est un pur bonheur de lecture à voix haute : suspense, humour, retournement de situation pour s’amuser un maximum durant la digestion d’une bonne bûche au chocolat ! Bonne découverte et joyeuse lecture sous un grand sapin vert aux mille couleurs scintillantes.
*
Linda est une enfant « Ernest et Célestine« , elle a découvert les albums de Gabrielle Vincent à l’école maternelle et en a fait profité tous ses enfants. C’est l’incontournable de Noël, celui qui réunit toute la famille, très certainement séduite par la simplicité de la fête et la mise en avant des valeurs du partage et de la générosité. Il se dégage de l’histoire et de ses personnages la magie de Noël délicatement emballée dans la chaleur de l’amitié.
Chez Héloïse – Helolità, c’est un album récent qui fait l’unanimité et qui a charmé toute a famille : Trölls, d’E. S. Green. Un ouvrage superbement illustré par Lisa Ghisquier, qui revient sur les origines des lutins du Père Noël.
En plein folklore scandinave, entre froid et mythologie, nous suivons les trölls du roi Rotinmir dans une aventure envoûtante et passionnante. C’est un album qui invite à faire le bien autour de soi, aux belles valeurs d’entraide et à la féerie certaine. Un titre à lire, et à relire !
******
Et vous, autour de quelle lecture aimez-vous vous retrouver en famille ?
Passionnées de lectures, nous aimons lire et apprendre sur le sujet. Et en bonnes amatrices de littérature de jeunesse que nous sommes, nous avons chacune nos astuces pour nous tenir informées des nouveautés, mais aussi des titres incontournables du genre. Nous vous proposons dans cet article de (re)découvrir les livres qui parlent de livres pour jeunes (et moins jeunes) lecteurs !
******
L’art est au cœur de l’œuvre de Jean Claverie et Michelle Nikly. L’Art du pot, L’Art des bises… et naturellement L’Art de lire. Avec des mots simples et à hauteur d’enfant, ils retracent le parcours d’un lecteur du sourire de sa maman à ses premiers romans. Une page de texte vis-à-vis de son illustration, avec la douceur qui caractérise le trait de l’auteur-illustrateur. On ne peut qu’adhérer à cette ode à la lecture et à la rencontre (des personnages, des auteurs…) qui se garde bien de la réduire à son utilitarisme ou de diaboliser les écrans sur lesquels on lit aussi !
*
L’enfant des livres est une invitation à l’imagination par le biais de la lecture. Le résultat de la collaboration entre l’auteur-illustrateur Oliver Jeffers et Sam Winston (artiste connu pour ses collages) est étonnant. Les personnages de Jeffers vivent littéralement dans un monde formé de mots, mots issus d’œuvres du patrimoine mondial. L’effet est très réussi : s’en dégage une poésie rare. En quelques phrases, le lecteur adulte est plongé dans les classiques. De son côté, le jeune lecteur peut être un peu inquiet face à ces « aplats » de mots, mais il est guidé par une fillette bienveillante. La transmission du goût de la lecture sous la forme d’une clé que l’on souhaiterait remettre à chaque enfant !
*
Continuons avec un autre titre d’Oliver Jeffers et pas n’importe lequel : L’extraordinaire garçon qui dévorait des livres !
« Avertissement : Prière de ne pas grignoter ce livre à la maison – à manipuler avec gourmandise ! – Un livre qui fait saliver ! » telles sont les précautions à prendre avant d’ouvrir ce livre qui ne manque pas d’originalité. Mais d’abord suivons de très près la vie un peu particulière d’Henry. Ce dernier aime tellement les livres qu’il les dévore en un clin d’œil et avec beaucoup d’appétit. Sa gourmandise le rend intelligent et il apprécie de devenir un puit de connaissance ce qui n’est pas une chose déplaisante. Quelle décision prendra Henri ? Celle de continuer avec acharnement de se nourrir de livres ou bien simplement se contenter de les lire ?
Cette version animée nous offre des volets à découvrir, des tirettes à actionner et c’est plutôt amusant ! Découvrir une pile de livres jaillir devant des yeux ébahis de bibliothécaire c’est juste un délice !
L’extraordinaire garçon qui dévorait des livres d’Oliver Jeffers, Kaléidoscope : version animée, 2009.
*
« Même si je ne sais pas encore lire, j’ai le droit d’aimer des livres ! Eh oui ! Parce que depuis que je suis tout petit, toute petite, je sais lire… LES IMAGES ! ». Quel beau message que cette citation d’Alain Serres. Dans ce texte l’enfant aime qu’on lui raconte des histoires mais il aime aussi en raconter. Lire partout, dans des endroits insolites et partager ses livres préférés. Attiser sa curiosité pour enfin connaître les secrets de la fabrication d’un livre.
« Et si des enfants vivent trop loin, DES BIBLIOTHECAIRES EXTRAORDINAIRES ont le droit d’apporter des livres jusque dans leurs mains ! ». Des lieux essentiels de transmissions pour que tous les enfants puissent un jour lire pour mieux grandir.
Cet album est riche en mots et en couleurs, le chocolat n’est qu’un prétexte pour apporter encore plus de gourmandise à la délectation d’un texte, d’une histoire.
*
David Nel-Lo prend pour héros de son roman un enfant qui n’aime pas lire, choix toujours intéressant dans un ouvrage de littérature jeunesse, d’autant qu’il se garde bien de stigmatiser les non-lecteurs. Au contraire, son héros joue, imagine, a des tas d’amis… Mais son problème de lecture lui pèse, et pas seulement lors du passage hebdomadaire à la bibliothèque.
La difficulté à déchiffrer très bien rendue, d’autant qu’elle freine aussi Guillem dans sa compréhension des consignes, des problèmes mathématiques, etc. Parallèlement, ce roman montre la richesse de la littérature et les aventures dans lesquelles elle sait entraîner ses lecteurs. Le côté « meta » du livre est qui parle directement à l’enfant (un peu comme dans L’histoire sans fin) est particulièrement intéressant, et la métaphore du livre qui parle à résonne différemment pour chacun de ses lecteurs pertinente.
*
Poussin pourrait-il s’appeler T’choupi, Petit Ours Brun ou Adèle ? C’est une question que l’on peut se poser après avoir lu cette ode aux livres jeunesse, et à leurs auteur.ices, même dans ce qu’ils ont de plus décrié, les séries à succès. A tort ou à raison ? Chacun pourra se faire une idée à la lecture de cet album, à la fois instructif, puisque le jeune lectorat y découvre le parcours d’un.e auteur.ice pour pouvoir être édité.e, qui relève le plus souvent du parcours du combattant, entre refus poli et mépris, voire humiliation, que de la promenade de santé, mais aussi drôle, sensible et plus profond qu’il n’y paraît. C’est un plaidoyer pour la littérature jeunesse, en même temps qu’une critique sur le regard parfois acerbe que l’on porte sur certaines catégories de livres destinés aux enfants. Les auteur.ices, s’il en est besoin, y apprendront une leçon d’humilité, le/la lect.eur.rice adulte, appréciera le clin d’œil de l’illustrateur au visuel des collections blanches de l’éditeur Gallimard, l’enfant, lui ou elle, adorera cette belle histoire, son personnage attachant, cet écrivain en quête de succès, et même…le petit héros qu’il a créé : Poussin.
« Poussin plaît depuis des décennies à la critique et au public. Mais surtout, il plaît aux enfants. Plusieurs générations ont grandi avec lui. Les parents qui l’ont lu quand ils étaient petits l’achètent à leur propres enfants »
Quelle belle idée ont eue à l’époque (2005) les Editions Rue du monde, que de coupler, ou presque, la sortie de Sous le grand banian, de Jean-Claude Mourlevat et Nathalie Novi, avec le documentaire passionnant Comment un livre vient au monde ? qui retrace, de l’idée de départ à sa première acquisition, en passant par son illustration, son impression, sa distribution, etc. le chemin de cet album jusqu’aux mains, yeux, et émotions de son/sa premier.e lecteur.ice. Très documenté, illustré avec brio par Zaü, écrit par l’éditeur Alain Serres lui-même, c’est une mine d’informations que parents comme professeur.es des écoles peuvent exploiter à l’envi, et c’est aussi la transmission d’un message important : un livre, c’est une belle aventure collective !
Comment un livre vient au monde, d’Alain Serres, illustré par Zaü, Rue du monde, septembre 2005
Sous le grand banian, de Jean-Claude Mourlevat , illustré par Nathalie Novi, Rue du monde, octobre 2005
Un adorable petit album, idéal pour vanter les mérites des livres et les bienfaits de la lecture aux tout-petits. Un livre permet tout, un livre promet tout : l’aventure, l’émotion, le partage, l’amitié, l’apprentissage, la découverte, le rire…Pour transmettre ce message, Un livre, c’est magique, a tout pour plaire aux petit.es. Il est joliment coloré, avec du peps, ludique (à chaque page, des découpes ou des volets à soulever), avec un vocabulaire très accessible, mais le style et les illustrations n’oublient ni d’être drôles, ni d’être sensibles. Situations du quotidien et imaginaire s’y côtoient pour notre plus grand plaisir ! Livre à mettre, donc, sans hésiter, entre toutes les petites mains car celui-ci, oui, il est vraiment magique.
Un livre, c’est magique ! d’Arnaud Alméras, illustré par Robin, Gallimard jeunesse, août 2021
*
Ancien professeur des écoles, Orazio partage désormais son amour des livres avec les habitants des collines en jouant au bibliothécaire ambulant. Installée dans une Piaggio Ape, véhicule à trois roues italien, sa bibliothèque déborde de livres en tout genre, récupérés ça et là auprès de ceux qui n’en veulent plus. La venue d’Orazio est très attendu et chacun se précipite dès que le bourdonnement du moteur se fait entendre sur les routes montagneuses.
Avec La biblio d’Orazio c’est un monde empli de partage et de générosité qui s’offre au lecteur, un monde dans lequel les livres ont une place d’honneur et deviennent vecteur de liens et de solidarité. Mobile, la bibliothèque permet à tous d’accéder à la lecture et remplit le rôle essentiel de lieu de vie culturel et social dans ces villages coupés les uns des autres par les collines.
La biblio d’Orazio de Davide Cali, illustré par Sébastien Pelon, ABC Melody, 2022.
*
Rature est un jeune rat passionné de lectures qui vit à Ankara, en Turquie, et s’apprête à vivre une aventure mouvementée. En effet, afin de retrouver l’unique exemplaire du livre écrit par son grand-père, il doit se rendre à Paris dans les locaux de la Bibliothèque nationale de France.
Marine Cotte et Stéphane Fitoussi nous offrent une visite de la BnF de l’esplanade délimitée par ces quatre tours en forme de livres ouverts à la section des livres rares, en passant par le couloir des salles de lecture, le magasin ou même l’atelier de restauration. L’occasion de découvrir le site François-Mitterrand qui abrite une bibliothèque public et une bibliothèque de recherche.
La visite se poursuit par ailleurs dans le dossier documentaire situé en fin d’ouvrage au travers de l’explication du fonctionnement d’une bibliothèque, les particularités de la BnF et une sélection de documents divers qui font partis des collections.
Raconte ! La véritable histoire du premier rat de bibliothèque de Marine Cotte & Stéphane Fitoussi, illustré par Yomgi Dumont, Syros, 2024.
*
En voici un petit livre qui se glisse dans une poche ce qui est bien pratique lorsqu’on souhaite partager ce qu’est un livre ! Les textes des rabats donnent le ton : « Ceci est un objet tout à fait unique : un livre merveilleux, pour les petits et les grands, sur les livres. Comment sont-ils faits ? Que racontent-ils ? Que font donc les gens avec ? … »
« Publié en 1962, Livres ! a reçu le prix annuel du meilleur livre pour enfants décerné par le New-York Times. » Ici on reconnait bien le graphisme made in USA des années 60, bien punchy et graphique. D’ailleurs le texte s’amuse allègrement sur les pages avec un ton à la fois amusant et enrichissant.
Livres ! de Murray McCain & illustrations de John Alcorn, Autrement jeunesse, 2013
*
Charlotte in Love est un magnifique hommage aux sœurs Brontë et à leur œuvre, mais il ne faut pas perdre du vue que c’est l’histoire d’une rencontre improbable, d’un premier amour portée par deux adolescents que tout oppose… Comme il se doit dans les plus belles histoires d’amour de la littérature !
Ainsi, au fil des pagesse dessine le portrait de cette adolescente qui semble s’être volontairement coupée du monde dans lequel elle vit pour s’enfermer dans l’illusion naïve de cette vie romanesque qu’elle perçoit dans le récit de Jane Eyre. Pourtant ses recherches vont peu à peu la confronter à la réalité plus sombre et au destin plus dramatique des enfants Brontë. Et c’est aussi en opposant ses idées à celles d’Alex et, en apprenant à le connaître que Jeanne va peu à peu réapprendre à vivre dans cette réalité qui est la sienne.
Charlotte in loved’Éléonore Desclée, Alice jeunesse, 2024.
*
Susie la souris s’ennuie dans sa petite maison. Elle s’est aménagé un petit nid douillet, mais elle est désespérément seule. Elle rêve d’avoir des ami.es. Alors quand la famille chez qui elle vit part vacances, elle en profite pour explorer la maison. Elle y trouve quelques miettes à grignoter, et surtout … des livres. Sa vie en est chamboulée. De lecture en lecture, elle découvre de nouveaux univers, s’instruit, apprend du vocabulaire…
Le message de cet album est plus que clair : vive la lecture ! L’autrice, Susie Morgenstern, nous vante tous les bienfaits de la lecture : s’ouvrir au monde et aux autres, découvrir de nouveaux univers, de nouveaux mots, ressentir de nombreuses émotions … et même se faire des amis ! Un ouvrage qui ne manquera pas de plaire aux amoureux des livres !
Susie la souris qui lit, Susie Morgenstern, illustré par Séverine Cordier. Gründ, Avril 2023
*
Un singe est plongé dans un livre. Malheureusement pour lui, un âne curieux débarque avec son ordinateur et lui pose de drôles de questions : « Comment on fait défiler le texte ? », « Il y a beaucoup de lettres ? », « Ça se recharge ? » À chaque fois, notre singe répond simplement : « C’est un livre. » Jusqu’à ce, qu’excédé, il lui tende son livre…
Avec beaucoup d’humour, Lane Smith nous montre qu’un livre, un simple objet, peut nous passionner et nous emporter loin, sans avoir besoin de batterie, de carte mémoire ou de réseau. Ce sont le pouvoir des mots, ainsi que leur force évocatrice, leur manière de nous happer qui sont célébrés ici. Vive la lecture et ses bienfaits !
C’est un livre, Lane Smith, Gallimard Jeunesse, Mars 2011
*
Je suis un livre, c’est un livre qui prend la parole et nous raconte à quel point il est merveilleux, beau, drôle, bref indispensable. Et comment ne pas le croire ? Saviez-vous que ce livre était doté de super-pouvoirs ? Qu’il vous permettait de développer votre imaginaire ? D’apprendre du vocabulaire ? Qu’il était facile à transporter ? Attention à ne pas le mouiller par contre… il n’apprécie guère, et il y a des règles à respecter – mais vous pouvez le serrer contre vous, il adore les câlins !
Un livre qui parle des livres avec humour, bonne humeur et bienveillance, comment résister ? Ne vous fiez pas à sa couverture toute simple, cet ouvrage est un trésor. Drôle, interactif, il mêle avec justesse définitions, réflexions sur le livre, humour et émotions. le tout saupoudré d’illustrations très colorées, joyeuses et fun. Cet album nous montre à quel point les livres sont des compagnons de vie importants, que ce sont des objets magiques qui nous transportent parfois loin, nous émerveillent, nous émeuvent, nous font rire.
Ludique, dynamique, bref, voici une très belle ode aux livres à découvrir, pour tous les amoureux de la lecture, mais pas seulement !
Je suis un livre, Anne Renaud, illustré par Caroline Soucy, Kennes, Février 2023
*
Mia est une enfant qui s’ennuie : ses parents n’ont pas le temps de s’occuper d’elle, et elle se sent bien seule. Tout change lorsque quelqu’un dépose un livre sur le pas de sa porte… En le lisant, son monde se colore et prend une toute autre dimension… lui ouvrant des portes, construisant pour elle des ponts vers les autres.
Un ouvrage plein de douceur qui met en avant la lecture comme outil de partage et d’ouverture au monde et aux autres. Les livres forment des ponts qui nous relient les uns aux autres, qui nous permettent de découvrir d’autres cultures, d’autres façons de penser, d’autres univers. C’est l’un des points forts de la lecture : voyager, s’évader en quelques pages.
Les ponts qui nous lient, Tom Percival, Kimane, Août 2024.
*
Yseult adore lire. Elle se plonge dans l’histoire de Tristan, qui se languit de Luan, sa bien-aimée. Luan qui croise Marc, qui lui parle de Victor… Et nous voilà transportés d’histoire en histoire…
Cet album enchanteur est un voyage, voyage entre les mots, entre les pages, entre les histoires. Un subtil mélange de texte, d’art, de créativité. De couleurs et de personnes. De rêves et d’amour.
Poétique, onirique, il nous embarque de personnage en personnage, de rêve en passion. Comme un puzzle, les pièces s’assemblent au fil de la lecture. Un exercice brillant de mise en abyme, magnifiquement mis en valeur par des illustrations d’une grande délicatesse. Couleurs chatoyantes, petits détails, jeu de lumières… c’est sublime !
Quand tout s’entrelace et se répond… Il suffit d’y croire, pour que les histoires prennent vie. Une très belle ode à l’imagination, à l’imaginaire, au pouvoir des mots évocateurs !
Il suffit d’y croire, Fabrice Colin, illustré par Gérald Guerlais. Gautier-Languereau. Novembre 2022
*
Olivia est une enfant passionnée par les livres et la lecture. Un jour, elle laisse accidentellement tomber un de ses livres à l’eau. Un pieuvre découvre l’objet, et s’interroge : à quoi peut-il bien servir ? Pour le savoir, elle suit Olivia jusque chez elle. Fascinée, elle commence à dérober tous les livres qu’elle voit, cherchant à comprendre à quoi ils peuvent bien servir. Quand il ne reste plus aucun livre, Olivia décide d’agir, telle l’héroïne de ses histoires préférées…
Un très bel album qui célèbre le livre et la lecture. Ici le livre est l’objet de convoitise de la part de la pieuvre, et à travers cette histoire on voit toute la richesse de la littérature, qui permet de voyager et de vivre de grandes aventures. On voit bien ici que la lecture est un merveilleux vecteur, qu’elle permet de rapprocher les gens.
Le voleur d’histoires, Graham Carter, Kimane. Février 2021.
*
Une petite princesse qui passe ses journées à lire dans sa tour, voilà qui inquiète ses parents le roi et la reine. Que va-t-elle devenir ? Aucun prince charmant n’a d’intérêt à ses yeux, et l’aventure l’attire bien plus que l’amour. Mais quand un dangereux monstre à six yeux pointe son nez… la petite lectrice pourrait bien surprendre tout le monde !
Un univers riche en clins d’œil, plein de fantaisie et de magie. Une superbe thématique, les références aux contes, et cette héroïne ! Une princesse qui préfère les livres aux princes charmants, qui dompte monstres, ogres et autres méchants avec un bon livre, c’est une idée géniale. Elle a une belle force de caractère, beaucoup d’imagination. Et que dire de l’idée que chaque personne a un livre qui lui convient, même les « méchants » de l’histoire ?
La petite lectrice, Elodie Chambaud, illustré par Tristan Gion. Gautier-Languereau. Septembre 2020
*
Un album qui nous retrace l’enfance de la famille Brontë : Anne, Emily, Charlotte et Branwell. Trois filles et un garçon, unis par la même passion : celle des livres. Dès leur plus petite enfance, ils aiment conter des histoires, en inventer. Ils vont même jusqu’à créer de petits livres…
Sans surprise avec un tel titre, c’est un album qui met en avant l’amour de la littérature et le pouvoir de l’imagination. Un texte qui fait l’éloge de la créativité, pour repousser les moments difficiles, s’inventer de nouvelles aventures. Les livres ont cette capacité à nous sortir du réel pour rêver et voyager dans de nouveaux univers, explorer de nouvelles contrées…
Au pays des histoires, l’enfance de Charlotte, Branwell, Emily et Anne, Sara O’Leary, illustré par Briony May Smith. Gallimard Jeunesse. Février 2024
*
Depuis sa plus tendre enfance, Lucas n’a qu’un seul rêve : voler. Malheureusement pour lui, le père Noël n’a jamais exaucé ce souhait. Alors, pour ses 7 ans, sa mère lui offre un livre en lui annonçant qu’il y a d’autres moyens de s’envoler… Et Lucas, d’abord réticent, se plonge dans ce livre, puis dans un autre, et encore un autre. Petit à petit, il se retrouve juché sur une montagne de livres…
Un merveilleux album, qui nous a enchanté, sur la lecture, et tout ce qu’elle apporte : les voyages, l’exploration du monde, d’autres univers. Avec cet ouvrage, Rocio Bonilla met en avant le pouvoir de l’imagination, la découverte, l’aventure… On observe un petit garçon qui s’immerge totalement dans ses lectures, qui finit par « voler de ses propres ailes », avec en prime l’idée de partage, avec toutes ces personnes qui prêtent des livres au petit garçon.
La montagne de livres de Rocio Bonilla. Ed. du Père Fouettard. Septembre 2017
*
Tous les soirs, Élan raconte une histoire à sa famille, un moment privilégié que tous apprécient. Mais un jour, il est à court d’idées. Suivant les conseils de la femme, il se rend chez ses voisins pour emprunter un livre. Las, personne n’en a ! Qu’à cela ne tienne, il se rend en ville, et emprunte plusieurs ouvrages à la bibliothèque. Les voisins Ours, curieux, viennent écouter l’histoire. Puis d’autres les rejoignent… jusqu’à ce que le salon d’Élan ne puisse plus accueillir tout le monde ! Heureusement, Élan a une idée.
Un superbe album qui parle de lecture et de partage. A travers les histoires que raconte et lit Élan, c’est toute sa famille, puis ses voisins et amis qui rêvent, imaginent, voyagent. Ce sont des moments propices aux échanges, à la convivialité. Grâce aux histoires d’Elan, et à son bibliobus, chacun redécouvre le pouvoir des mots et se met à vouloir lire. Et ce qui est beau, c’est que dans l’apprentissage de la lecture, chacun aide son prochain, cela démontre une belle solidarité au sein des habitants de la forêt.
Le bibliobus d’Inga Moore, Pastel, Septembre 2021.
Monsieur Laliberté travaille de nuit : il est gardien de la bibliothèque. Un soir, en se rendant la_bas, il découvre un petit chiot abandonné. Il lui promet de l’emmener chez lui dès qu’il aura fini son travail, mais ce dernier ne peut s’empêcher de le suivre. Apitoyé, Monsieur Laliberté le fait entrer discrètement dans la bibliothèque, même si les animaux y sont interdits. C’est le début d’une grande complicité entre l’homme et l’animal, renommé Petit Museau. Entre travail et vie quotidienne, ils partagent tout, pour leur plus grand plaisir. Un jour, Petit Museau découvre une paire de lunettes… et se rend compte qu’il peut voir les livres …
Petit Museau parmi les mots est une histoire d’une grande douceur. La belle amitié qui lie un chien à un homme solitaire. Leur joie d’être ensemble. Les petits bonheurs simples de la vie. Et puis, derrière, une réflexion plus profonde sur ‘importance des mots, des livres, de la lecture et de son accessibilité. Sur ces personnes qui sont des déclencheurs, qui nous donnent envie de progresser, d’être meilleurs.
Petit museau parmi les mots de Gilles Tibo, illustré par Soufie, D’eux. Octobre 2023.
******
Et vous, quels sont les livres qui parlent de la lecture que vous préférez ?
Que ce soit dans l’intimité de notre foyer ou dans le cadre de notre travail, la lecture à voix haute est une activité que nous pratiquons toutes. Nous avions envie d’échanger sur ce sujet afin de savoir comment nos copinautes mettent en place cette activité dans leur quotidien, pourquoi, pour qui et ce que cela leur apporte.
******
Quand est-ce que vous lisez à haute-voix ? A qui ?
Frede : J’ai lu et je lis à voix haute très régulièrement surtout dans le cadre de ma profession. J’ai lu énormément pour les enfants et adultes en situation d’handicap, pour les personnes âgées. Maintenant ma lecture à voix haute se fait plus pour les enfants de 0 à 14 ans et toujours dans mon boulot. Cette lecture peut être en lien avec une thématique choisie : la dernière en date était sur le développement durable. Je me suis régalée à interpréter un extrait d’une pièce et lire Forêt des frères que nous avions beaucoup aimé ici. Ayant fait du théâtre lors de ma jeunesse, j’adore interpréter et moduler ma voix sans exagérer. J’ai eu la chance d’être formée à la lecture à voix haute par une comédienne lorsque j’étais bénévole pour l’association « Lis avec moi » à Lille. Puis avec une autre comédienne qui m’a appris à me déplacer lors de mes lectures, à « s’approprier l’espace scénique ». Parfois je lis à voix haute pour moi, pour entrer dans le texte et pouvoir le lire sans difficulté lors d’un accueil de classe. De temps en temps je kidnappe mes grands ados pour leur lire un album coup de cœur. Pour moi, la lecture à voix haute est essentielle et comme je le dis à mes collègues que je forme aux accueils de classe : il faut vivre le texte, faire passer les mots !
Linda : La lecture à voix haute a toujours été une activité partagée entre chacun de mes enfants et moi-même, dès qu’ils ont été capable de capter leur attention quelques minutes. C’est un moment que j’associe au calme et à l’échange. Je me souviens que chacun d’eux aimaient vraiment être collé à moi durant ce moment qui leur permettait de se poser tout en se faisant câliner. Avec l’âge et l’entrée progressive dans la lecture, chacun s’est détaché au moment de son choix, parfois un peu trop tôt à mon goût, parfois pas du tout mais finalement au moins qui leur a semblé être le bon. Mes filles aiment toujours la lecture à voix haute, malheureusement les emplois du temps de chacune ne facilitent plus une disponibilité commune et nous ont contraintes à presqu’abandonner cette activité. J’essaie encore de préserver cet intérêt car, à cette étape qu’est l’entrée dans l’adolescence, la lecture à voix haute revêt un intérêt différent : partager un temps de qualité ensemble, échanger autour d’un livre, des sujets qu’il aborde, débattre et ouvrir au monde. C’est par ailleurs une activité qui rassemble, qui développe et enrichie le vocabulaire et l’imagination et c’est aussi un formidable outil pour la concentration.
Lucie : Chez nous la lecture à voix haute est une tradition familiale. Mes parents nous lisaient des histoires (je me souviens que mon père faisait des voix différentes pour chaque personnage, j’adorais ça) et je ne me suis même pas posé la question de lire à mon tour des histoires à mon fils, ou d’écouter mon mari lui en lire (lui aussi fait des voix géniales). Mais la tradition ne se limite pas aux enfants. Il est arrivé que mon mari me lise des histoires, et j’ai appris que mon grand père faisait la même chose pour ma grand mère. Effectivement, la question de continuer ou pas se pose quand les enfants grandissent et qu’ils deviennent bons lecteurs. Il est souvent arrivé que je commence un roman à haute voix avec mon fils et que le lendemain matin il en soit trois chapitres plus loin. C’est un peu frustrant quand c’est un livre que l’on découvre ensemble ! Mais il faut saluer les auteurs qui parviennent à créer des histoires tellement prenantes que l’on ne peut pas attendre pour en lire la suite. Ce moment de partage autour du livre est précieux et ni lui ni nous ne sommes prêts à y renoncer. Même si parfois il s’agit seulement de lire des livres différents pelotonnés tous ensemble.
Dans ma pratique de maîtresse aussi la lecture est très importante. Il y a les lectures « suivies » que je propose en épisodes, et les lectures offertes (expression que j’aime beaucoup) en lien avec un thème travaillé en classe ou juste pour le plaisir. Je suis pour ma part totalement convaincue par le quart d’heure lecture à condition que les élèves soient libres de choisir leurs lectures. Les études montrent bien que ce moment est source d’apaisement pour les élèves comme pour les enseignants.
Isabelle : Un peu comme Linda, j’ai lu à mes garçons, nés en 2009 et 2011, dès leurs tous premiers mois. Je me souvenais de moments fantastiques de lecture avec ma mère et de lectures offertes par mon instituteur de CM1, j’avais envie de proposer de tels partages à mes enfants. Nous avons donc instauré une sorte de rituel de lecture du soir. Mes moussaillons ont longtemps aimé lire et relire les mêmes livres, puis nous avons commencé à en découvrir de nouveaux, plus longs et immersifs. Nous n’avons pas eu envie de mettre fin à ce moment quotidien quand ils ont su lire seuls. Cela s’est fait naturellement avec l’aîné, vers 10 ans, lorsqu’il était trop absorbé par son roman du moment pour interrompre sa propre lecture. Cela ne l’empêche pas de nous rejoindre de temps en temps lorsque notre lecture du moment l’intrigue et nous avons développé de nouvelles formes de partage autour de lectures communes. Je continue de lire à voix haute presque tous les jours avec son frère qui aura bientôt douze ans. Je lis aussi de temps en temps avec les autres enfants de la famille, notamment mes neveux et nièces qui aiment tous ça !
Que pensez-vous que cette pratique de la lecture partagée ait apporté à votre famille ?
Linda : Je crois que cela a développé l’esprit critique de chacun, l’amour des mots, le plaisir d’être ensemble, d’échanger, d’argumenter autour de tout un tas de sujets. La lecture à voix haute nous a aussi permis de partager des intérêts communs pour les livres que, désormais, nous choisissons ensemble ou se recommandons mutuellement.
Colette : Avant toute chose, le rituel de la lecture partagée nous a apporté un moment de disponibilité réciproque. Pendant le moment de l’histoire du soir, nous nous retrouvons VRAIMENT tous les 4, pas de compromis possible, pas de diversion négociable : comme une promesse d’être entièrement présents les uns pour les autres. C’est un RDV que nous nous offrons et que nous ne manquerions pour rien au monde !
Frede : La lecture partagée est un moment de plénitude totale. Malheureusement dans la famille, nous lisons très peu ensemble, je l’ai énormément fait avec mes fils lorsqu’ils étaient petits. Je pense que le fait de lire pour une classe, un groupe m’apporte autant de satisfaction. De plus, je lis beaucoup à voix haute pour moi-même, pour ressentir encore plus les mots. Mine de rien cet exercice n’est pas plus mal lorsque je dois lire devant un public surtout pour les 0-3 ans. C’est un moment où toutes les oreilles sont attentives et captent la même histoire et où l’imagination n’appartient qu’à soi.
Lucie : Je te rejoins tout à fait : ce moment est très précieux chez nous aussi, et incontournable ! Une pause pour être ensemble et partager une histoire dans un quotidien où l’on court tous tout le temps. Nous y tenons beaucoup.
Isabelle: Je me retrouve dans vos réponses : ces moments d’attention exclusive dont tu parles, Colette, sont hyper précieux ! Je pense que c’est LA manière privilégiée de cultiver son goût de lire et de le transmettre à ses enfants. On s’extrait aussi, pour quelques minutes, du train-train de nos journées trop chargées. L’évasion dans un livre permet souvent de désamorcer les tensions et de prendre un peu de distance vis-à-vis des petits soucis du quotidien. C’est véritablement stupéfiant de voir à quel point quelques minutes de lecture permettent aux enfants les plus vifs et turbulents (et je sais de quoi je parle !) de se poser et de retrouver le calme avant d’aller dormir : cela vaut vraiment le coup d’essayer ! Comme le dit Linda, ces lectures donnent aussi souvent lieu à des confidences, des questions et des moments privilégiés d’échange que nous n’aurions pas forcément eus sinon. Il est parfois plus facile d’aborder certaines questions de façon indirecte, voire implicite, à travers une histoire que de manière frontale. Jour après jour, on apprend à mieux se connaître. Quand le goût de la lecture se transmet de génération en génération, cela peut enfin contribuer à créer une belle complicité autour de certains livres qui finissent par composer un univers de références partagées par toute la famille… Chez nous, nombreux sont les repas de famille où nous parlons de Karlsson sur le toit ou encore de Willy Wonka. Ces personnages ont presque partie de la famille, tout le monde les connaît !
Quelles sensations et quelles émotions apporte la lecture à haute voix ? Quel est le « supplément d’âme » de cette pratique d’après votre expérience ?
Lucie : En réalité, si j’aime ce moment je n’aime pas beaucoup lire à voix haute. Je le fais pour le partage du moment, mais je préfère nettement écouter ! Mais je suis curieuse de lire les réponses de celles qui sont à l’aise dans cet exercice.
Colette : Personnellement, j’aime beaucoup devoir moduler ma voix, jouer avec les différents personnages pour captiver mon petit public. Mais comme toi Lucie je préfère écouter les autres lire. J’ai découvert depuis peu la lecture audio. Nous avons écouté lors de longs trajets L’Ickabog lu par Aïssa Maïga ou encore Jefferson lu par JC Mourlevat et vraiment ce fut un régal. J’avoue que Jean-Claude Mourlevat lit vraiment bien ses textes : sa voix est riche des émotions de ses personnages, je ne sais pas si c’est lié à sa formation de comédien ou encore au fait qu’il connaisse parfaitement bien ses personnages, mais l’écouter lire est très enthousiasmant.
Et je rajouterai que « le supplément d’âme » que je trouve à cette pratique c’est la sensation de vivre une expérience collective à travers une activité qui est sinon très individuelle. Les échanges que l’on peut faire en classe après une lecture à haute voix sont très intéressants pour comprendre tous les mécanismes qu’implique la lecture qui est un acte tellement complexe. Et puis le silence qui règne dans un groupe à l’écoute d’une lecture à haute voix, c’est un silence magique !
Linda : Comme Colette, j’aime beaucoup devoir moduler ma voix, c’est une façon de s’approprier les personnages et de les rendre vivants et accessibles au petit public attentif. Je trouve aussi que cela donne vie aux mots, les fait danser, et puis cela dynamise la lecture et la rend tellement plus intéressante pour l’auditeur. J’aime aussi, en tant que lectrice, observer les réactions que provoque la lecture, cela donne à réfléchir sur ce qu’elle apporte à chacun et facilite ensuite les échanges, à exprimer son ressenti et ses émotions.
Frede : Je dirais que cette sensation est unique et apporte beaucoup de quiétude, de bien-être. J’aime ce moment où toutes les oreilles et les yeux sont rivés sur le livre que je suis entrain de lire. Peu importe la technique employée à ce moment là c’est véritablement un instant de véritable communion.
Isabelle : L’histoire du soir permet de redécouvrir la lecture, car on lit différemment quand on le fait à haute voix pour quelqu’un d’autre. Moi qui lis beaucoup et de manière un peu compulsive, j’ai redécouvert certains livres en les parcourant plus lentement, en prenant le temps de me représenter pleinement le texte afin de mieux le transmettre, de respecter les silences (voire les faire durer pour entretenir le suspense !), d’adapter mon intonation, de théâtraliser un peu la lecture où jouant sur des mimiques et des expressions, un ton ironique, des voix plus aiguës ou plus graves, voire même des accents ! Cela demande une concentration exclusive et a l’effet de me calmer. Rétrospectivement, j’ai le sentiment d’une qualité de lecture différente pour les livres lus comme cela.
Pour vous, y a-t-il des supports qui se prêtent mieux à la lecture à haute voix que d’autres ? Vous est-il arrivé de tomber sur un livre particulièrement difficile à lire à haute voix ? Et, au contraire, avez-vous des « chouchous » que vous aimez lire à haute voix ?
Colette : Oui, clairement il faut des textes qui alternent récit et dialogues régulièrement. Les textes de théâtre se prêtent bien évidemment à la lecture à haute voix mais à peine ouverts, ils appellent à être joués et ils seront bien plus savoureux à plusieurs lecteurs, lectrices. J’aime beaucoup lire des albums, car on peut ménager de longues pauses de silence pour montrer les images qui les illustrent. Je n’ai pas beaucoup d’expérience de lectures à haute voix de textes longs. Quant aux BD c’est vraiment compliqué en groupe mais en tête à tête avec mon fils de 9 ans, c’est un genre qu’on adore lire ensemble. Les documentaires sont d’après moi les livres les plus difficiles à lire à haute voix mais certains s’y prêtent vraiment. Il faut une mise en page simple avec un objet par page ou double-page, au delà on s’éparpille. Pour la pratique de lecture à haute voix, ce que j’aime le plus, c’est ressortir le butaï que mon père a fabriqué à mon grand garçon pour ses 5 ans et lire des kamishibaï à ma petite famille. Le kamishibaï est une sorte de théâtre d’images où la voix accompagne les images que le public voit défiler devant ses yeux. Pour le baptême de mon filleul, j’ai lu « Il faudra » d’Olivier Tallec et Thierry Lenain en version kamishibaï et ce fut vraiment un très beau moment. Des phrases courtes. Poétiques. Percutantes. Qui touchent en plein coeur. Pour moi la poésie est le genre par excellence de la lecture à haute voix et certains albums sont de pures merveilles de poésie.
Lucie : Tous les supports type kamishibaï, tapis à histoire etc. sont extra pour la lecture à voix haute. Mais quand on n’a pas la chance d’avoir ce matériel, je trouve que l’album est le livre idéal. Nous n’avons jamais lu de poésie en famille, tu me donnes envie d’essayer. En réalité, en posant cette question je pensais à un roman en particulier que nous avons arrêté car trop compliqué à lire à haute voix : « Réseaux » de Vincent Villeminot. En revanche, les auteurs qui jouent avec les mots et les sonorités (J.K. Rowling, Timothée de Fombelle, Flore Vesco, Roald Dahl ou Jean-Claude Mourlevat pour ne citer qu’eux) sont géniaux à lire à haute voix, même sur de longs textes.
Linda : Pour ma part j’aime lire tous les supports à voix haute, à l’exception de la bande dessinée. Je n’aime pas partager ce format de texte « fractionné » que j’aime pourtant lire en solo. Je lis des romans à voix haute et je les trouve tout aussi savoureux, voir plus parfois, que les albums. Peut-être justement car pour ces derniers, il faut régulièrement marquer une pause pour regarder les images et laisser la place à chacun de le faire dans le temps qui lui convient. Dans les romans, c’est plus l’écriture qui va avoir un rôle dans le plaisir de lire. J’aime particulièrement la poésie et la musique des mots que certains auteurs savent poser sur le papier. Spontanément je pense à Flore Vesco, Bertrand Santini, Jean-Claude Mourlevat ou encore Roald Dahl… Mais parfois c’est plus le rythme de l’action et l’écriture qui est un véritable plaisir pour l’oreille ; ici je pense à des titres plus classiques comme Les aventures d’Arsène Lupin, la saga de Anne de Green Gables ou encore La ferme des Animaux. Sans oublier les textes qui font voyager au sens propre, comme au sens figuré. Pourtant parfois, alors que le sujet est intéressant et le livre vraiment bien écrit, ça fait flop. Je me souviens avoir vraiment peiné sur Le baron perché d’Italo Calvino, la faute aux phrases interminables qui faisaient trembler ma voix de fatigue. C’est pourtant un livre que nous avons aimé, les filles et moi, mais j’en suis ressortie épuisée. Donc pour moi, tout livre vaut le coup d’être lu à voix haute, chacun trouvera ceux qui lui conviennent.
Frede : Je ne lis jamais de documentaires ou de BD en lecture à voix haute. Par contre j’adore lire du théâtre à plusieurs voix. Je me souviens encore du bonheur de lire Roméo et Juliette avec mon cadet en se répartissant les rôles à chaque début d’acte. Comme je lis l’histoire avant mon accueil je n’ai jamais de mauvaise surprise car il faut « maîtriser » son texte pour y mettre la tonalité et captiver son public. Mes chouchous sont essentiellement des albums comme De la petite taupe qui voulait savoir qui lui avait fait sur la tête, La souris et le voleur, tous les albums de Christian Voltz (je les connais presque par cœur), La moufle, le bateau de Mr Zouglouglou… mais j’ai un souvenir ému de ma lecture du petit roman La bergère qui mangeait ses moutons, lu sur scène pour les 20 ans de la médiathèque où je travaillais. Quel régal ! une comédienne nous avait aidé à « nous mettre en scène ».
Isabelle : Pas de support privilégié, même si comme Linda, je n’aime pas trop lire de BD à haute voix. Pour moi, cette mode de lecture est un test clé. Il y a les textes dans lesquels on entre tout de suite. C’est notamment le cas de ceux de Roald Dahl ou de Jean-Claude Mourlevat dont vous avez parlé. Ils ont un rythme et coulent de manière évidente, déployant dans nos imaginaires un univers dans lequel on se repère aisément, des personnages palpables dont on perçoit la consistance et qu’on a l’impression de connaître, des intrigues qui nous enveloppent et nous accrochent à tel point qu’il est difficile d’interrompre la lecture. Il nous est arrivé de lire plus d’une heure à la suite ! Les choses sont différentes avec les albums mais là aussi (encore plus, je trouve), on voit tout de suite comment fonctionnent les mots. D’autres textes sont plus durs à lire et à suivre, souvent c’est sans appel et tout le monde est d’accord ! À mon sens, la lecture à voix haute est aussi un moyen privilégié de faire découvrir des textes plus difficiles d’accès à ses enfants. Au fil des années, nous avons lu de nombreux classiques qui comportent des mots plus rares et exigent de connaître certains éléments de contexte : les romans de Stevenson par exemple (L’île au trésor, L’étrange cas du Dr. Jekyll et de Mr. Hyde), Moby Dick, Dracula ou le splendide Watership Down. Les enfants étaient super heureux mais ne se seraient sans doute pas lancés seuls.
Sur la base de vos expériences respectives, avez-vous des conseils particuliers à adresser à celles et ceux qui aimeraient se lancer dans la lecture à voix haute en famille ou dans un autre cadre ? Des trucs qui auraient bien marché chez vous ?
Isabelle : Pour ma part, je conseillerais d’essayer de ménager ce moment qui n’a pas besoin d’être très long en veillant si possible à ne pas être dérangé. Et aussi de ne pas se formaliser si un enfant ne parvient pas à rester immobile en écoutant. Mes moussaillons ont souvent eu besoin de rester libres de leurs mouvements, de manipuler un objet… J’ai pris le parti de les laisser s’installer ou bouger comme ils le souhaitaient, tant que cela ne perturbait pas la lecture. Il leur est par exemple arrivé de faire des coloriages ou des perles à repasser pendant la lecture du soir, mais ils savent qu’ils ne peuvent pas faire de bruit ou s’agiter.
Linda : Je rejoins assez ce que dis Isabelle sur la disponibilité de l’enfant, l’importance de le laisser libre de ses mouvements. J’ajouterai qu’il ne faut pas se forcer à le faire ou s’imposer un moment précis, le plus important est que chacun soit disposé à partager ce moment ensemble.
Lucie : L’idéal est bien sûr de commencer avec un enfant tout petit. Mais ne pas l’avoir fait ne veut pas dire qu’il ne faut pas se lancer ! Nous avons vécu des moments de « pause » de ce rituel, qui m’ont chaque fois fait un pincement au cœur. Mais nous l’avons chaque fois relancé grâce à une lecture qui nous donnait envie, suite à un passage en librairie par exemple. Ne pas être trop rigide sur la forme (liberté de mouvement, durée…) pour garder le plaisir, partir de l’envie de l’enfant aussi, pour ne pas perdre son attention en route. Et s’autoriser à abandonner une lecture trop compliquée, contraignante en lecture à haute voix, ou finalement décevante. Je crois en revanche qu’il est important de ritualiser, d’avoir un moment de la journée dédié pour lequel nous sommes totalement disponibles les uns et les autres.
Colette : Comme Lucie, je pense que la mise en place d’une lecture ritualisée est vraiment primordiale quand on veut instaurer un moment de lecture à haute voix dans le cercle familial. Pour ce qui est de la lecture devant un public, je conseillerai de se préparer à l’avance en s’enregistrant par exemple pour essayer de théâtraliser au mieux sa lecture. Ce sont deux types de lecture à voix haute assez différentes me semble-t-il : si la lecture à haute voix dans la sphère privée me semble pouvoir exister en toute liberté, dans la sphère professionnelle, elle n’en sera que plus savoureuse si la lectrice, le lecteur s’est bien entraînée avant.
Frede : L’important c’est de commencer avec un livre que l’on aime car c’est à ce moment là que tout va se faire : le plaisir de l’écoute et le plaisir de lire. Comme vous l’avez très bien dit, même si l’enfant bouge où n’est pas à 100% à votre écoute, il est tout de même attentif. Le plus beau est de transmettre par cette lecture peu importe le moment. Il faut juste être disponible en tant que lecteur et spectateur.
******
Et vous, lisez-vous à voix haute ? Quels bénéfices y trouvez-vous pour vous et pour ceux à qui vous faites la lecture ?