Billet d’été : voyages : quête initiatique, quête de liberté ou d’une nouvelle vie…

Après les échappées lointaines de Liraloin et Héloïse, après les échappées graphiques de Lucie et enfin les échappées familiales de Séverine...

Cet été, Héloise – Ileautresor avait envie de parler du voyage qui devient une quête initiatique : comme dans celui du Passager de l’été (Jean-Philippe Blondel) vers le Nord de l’Europe ou dans celui du Don de Lorenzo enfant de Camargue (Michaël Morpurgo). Le voyage peut être aussi l’occasion de se retrouver en famille en traversant l’océan comme dans Rio et la baleine perdue (Hannah Gold).

Mais le voyage peut toutefois ne pas être un choix : dans Alma : le vent se lève, Timothée de Fombelle évoque la traversée des natifs d’Afrique, contraints d’embarquer à bords de navires en partance pour les îles… Désormais, les voyageurs seront en quête de liberté : ils rechercheront leurs proches et leur bonheur perdu.
Le voyage peut enfin être entrepris pour avoir de meilleures conditions de vie – comme dans Au bout des longues neiges (Jean-Côme Noguès) qui met en scène des pionniers partis d’Irlande vers le Nouveau Monde. Le départ était alors entrepris en chariot ou en caravane pour découvrir le sol canadien à la conquête de nouvelles terres vers un rêve de vie meilleure.

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Dans le Passager de l’été, Jean-Philippe Blondel nous présente le beau projet de Samuel : travailler dur dans la restauration pour s’offrir un voyage en train avec son ami.
Tout à coup, tout s’effondre… son meilleur ami, Adrien le « lâche » : il préfère des vacances au soleil…
Mais Samuel tient bon. Il décide de partir malgré tout. C’est une quête. Rien ne lui fera renoncer à son projet de voyage. Seul, avec son sac sur le dos, Samuel va apprendre à se débrouiller.

Amsterdam. Hambourg. Copenhague. Lund. A chaque étape, a lieu une nouvelle rencontre avec une personne qui lui confie son histoire. Désormais, chaque rencontre est comme une histoire au coeur de l’histoire : une mise en abyme… qui vous emporte encore ailleurs.
Mais ce voyage permet aussi de savoir que les personnes rencontrées ont parfois des secrets qui les ont transformés.
Petit à petit, il se découvre lui-même.
J’ai adoré ne pas savoir où ce voyage me conduirait ni quels récits je connaîtrai avec Samuel… qui se découvre lui-même.
Ce roman est une quête initiiatique, qui permet bien sûr à Samuel de partir à la recherche de soi-même.
A la fin de ce voyage, Samuel se sera aussi métamorphosé. Il a grandi intérieurement. Vers plus de maturité.

C’est une aventure passionnante, un roman rythmé, comme je les aime… Avec ce livre, j’ai découvert l’auteur : Jean-Philippe Blondel, et je ne le regrette pas… le temps d’une lecture, il m’a emporté de ville en ville – d’étape en étape – et j’ai beaucoup aimé ce tour d’Europe. Ce livre, c’est une vraie traversée. Un roman passionnant. Une découverte. Dans la relation à d’autres, c’est aussi une vraie découverte de soi-même, d’un soi en devenir… Dans une quête tout aussi passionnante qu’un tour en Europe…

Passager de l’été, Philippe Blondel, Actes Sud Jeunesse, 2023.

Rio et la baleine perdue de Hannah Gold raconte la très belle histoire sur un enfant parti rencontrer sa grand-mère inconnue. Là, le voyage en mer conduit à un retour vers ses origines à travers un merveilleux amour pour les baleines.

Rio et la baleine perdue, Hanna Gold, Seuil jeunesse, 2024.

Le don de Lorenzo de Michaël Morpurgo est un roman attachant, qui parle d’amitié et de rencontres, avec en toile de fonds la Camargue. Vincent, le narrateur, visite la Camargue, le pays des chevaux sauvages et des flamants roses. Il rencontre Kenza, qui le soigne, et Lorenzo, un jeune garçon qui tisse un lien particulier avec les chevaux sauvages et les flamants roses caractéristiques de cette région. L’histoire parle de la rencontre entre Kenza, une enfant du voyage, et Lorenzo, qui a un véritable don pour soigner les animaux sauvages. Le roman a aussi pour sujet l’amitié qui lie les différents personnages, une amitié indéfectible tissée au cours du temps, liée aussi à la liberté et à la vie sauvage, dans la nature camarguaise, au milieu des étangs et des marais. Un roman sur la rencontre de différences et d’amitiés dans ce voyage au pays des chevaux blancs et des flamants roses: les animaux blessés que Lorenzo aime et excelle à soigner.

Le don de Lorenzo, Michael Morpurgo, illustrations de François Place, Folio Junior, 2022.

Dans Alma : le vent se lève (premier tome d’un trilogie), Timothée de Fombelle invite le lecteur dans la vallée d’Afrique où vit paisiblement une famille, celle d’Alma, comme dans un petit paradis. Cependant, Lam, le petit frère d’Alma, a disparu. Qu’est-il devenu ? A-t-il trop écouté les histoires qu’ inventait Alma pour lui ? Leur père les avait pourtant bien mis en garde… Nul ne pouvait entrer ou sortir de la vallée !
Par ailleurs, un beau navire, la Douce Amélie, est prêt à prendre le large, toutes voiles dehors : à son bord, les matelots ont embarqués, prêts à partir à l’aventure. Un clandestin, Joseph Mars, et le redoutable capitaine Gardell sont à la recherche d’un trésor.

C’est aussi l’histoire de la famille d’Alma. Cette dernière vivait heureuse, cachée dans une vallée à l’abri des regards… avant que les marchands d’esclaves ne menacent leur bonheur. Tous les membres de leurs famille sont éparpillés dans le monde entier … Ils vont être embarqués dans de beaux navires, en partance pour les îles ou l’Amérique…

C’est un roman d’aventures avec des pirates et une belle demoiselle de la Rochelle : Amélie, une jeune fille de bonne naissance mais qui va se livrer au commerce triangulaire pour ne pas perdre ses précieuses ressources.
C’est une belle histoire à la fois poétique et romanesque qui permet de voyager à bord d’un navire, la Douce Amélie (un bien doux nom pour un navire de traite d’esclaves). Il s’agit d’un récit qui permet de faire connaissance avec des pirates à la recherche d’un trésor… ou peut-être juste avec des personnes qui sont en quête d’un bonheur perdu et voudraient juste retrouver leurs proches et leur liberté…

Alma, Le vent se lève, Timothée de Fombelle, illustrations de François Place, Gallimard jeunesse, 2020.

Au bout des longues neiges de Jean-Côme Noguès est un roman historique agréable à lire. L’histoire se déroule en Irlande, au milieu du XIXe siècle. Or une grande famine ravage tout le pays.

La famille O’ Connell décide de partir pour le Canada. Ce départ peut-être lui permettre de survivre… Après une longue marche, tous les membres de la famille embarquent à bord d’un voilier vétuste. Parviendront-ils à bon port ?
Après la traversée sur le bateau délabré, la famille irlandaise finit par se retrouver à terre au complet. Ils sont enfin arrivés au Nouveau Monde !
Il faut encore marcher jusqu’à la concession située après le confluent où la rivière Saguenay se jette dans le St Laurent.
Mais les difficultés ne sont pas terminées, loin de là…

Tous les soirs, Dennis Hopper, le responsable de la caravane, installe le campement en plaçant les chariots en cercle sous bonne garde. Petit à petit, les voyageurs se rapprochent de leur concession – qui font encore partie des « terres indiennes ».

Quand enfin le père O’Connell prend possession de ses terres, il faut encore défricher la terre du potager… C’est un travail considérable et de longue haleine pour parvenir à s’implanter.
Mais Finn parvient toutefois à courir dans les bois. Il retrouve enfin sa liberté de mouvement. Il rencontre alors un jeune amérindien sourd-muet, avec qui il va lier amitié : Plumes-Noires.

Ce dernier lui apprend à marcher sans bruit sur les sentiers de la forêt. Il l’emmène aussi dans un canoë sur la rivière jusqu’à un superbe lac canadien. Ainsi, petit à petit, Finn découvre le sol canadien.
C’est un roman historique bien écrit, accessible et agréable à lire. J’ai bien aimé ce récit d’aventures qui décrit la dure vie des pionniers, leur rencontre avec les premiers amérindiens et la solidarité dont font preuve les pionniers entre eux. Un roman d’aventures captivant, avec des passages sur la beauté de la forêt canadienne à la fin de l’été.

Au bout des longues neiges, Jean-Côme Noguès, Nathan, 2014.

Et vous, quels titres auriez-vous proposé ?

Billet d’été : Vacances et road-trip : En voiture, tout le monde !

Quand j’ai entendu le thème « vacances », j’ai tout de suite visualisé la voiture, la route, bref, ces trajets en voiture que je trouvais interminables étant enfant (et pour être honnête, adulte aussi !). L’idée de road-trip s’est donc tout de suite imposée à moi. Je vous emmène en voyage à travers ces quelques titres, qui j’espère vous plairont autant qu’ils m’ont marquée !

Road-trip et vacances : deux titres m’ont sauté aux yeux : le génialissime Coyote Sunrise, et l’émouvant Juke Vox. Puis, d’autres titres se sont ajoutés à la liste. Et en y réfléchissant, je me suis aperçue que ces road-trips, ces voyages, m’ont beaucoup plu parce qu’ils abordaient des thématiques qui me touchaient beaucoup : c’était souvent des quêtes initiatiques qui permettaient à leurs héro.ïne.s de se trouver, ou de surmonter des traumatismes.

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Commençons d’abord par l’un de mes chouchous, un livre dont je n’ai de cesse de parler, L’incroyable voyage de Coyote Sunrise, de Dan Gemeinhart. Le pitch : Coyote, 12 ans, vit dans un bus scolaire avec son père Rodéo. Ils sillonnent les États-Unis tous les deux, recueillant parfois quelques âmes en peine sur le bord de la route. Mais un jour, Coyote apprend que le parc de son enfance va être détruit. Commence alors une course contre-la-montre pour arriver là-bas à temps…

« Parfois, faire confiance à quelqu’un est la chose la plus terrifiante qui soit. Mais tu sais quoi ? C’est bien moins effrayant que d’être toute seule. »

J’ai adoré ce roman, bouleversant, ces personnages à vif, ces thématiques difficiles (deuil, homophobie, violence) qui sont contrebalancées par la plume délicate, l’humour et l’entraide qui ressort de cette histoire. C’est émouvant, mais c’est aussi extraordinairement lumineux, optimiste.

« Ouais. je suis peut-être un peu brisée. Peut-être un peu fragile. Mais je pense à Val, à Salvador, à Lester, et je me dis que ça va. Peut-être qu’on est tous un peu brisés ? Et un peu fragiles ? C’est peut-être pour ça qu’on a tellement besoin les uns des autres ? »

L’incroyable voyage de Coyote Sunrise, de Dan GEmeinhart. Pocket. Mars 2020

La chronique d’Héloïse, celle d’Isabelle ICI, celle de Lucie.

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Un van sur la couverture de Sweet home, de Nancy Guilbert, voilà un autre titre parfait pour cette sélection road-trip. A son bord : Birdie, son frère Yzac et sa mère. Tous trois éculent les routes d’Irlande, au grand dam de Birdie, qui ne rêve que de se poser et de retrouver ses amies. Jusqu’au jour où le van tombe ne passe au beau milieu de la campagne.

« Je pleure sur la petite Birdie insouciante que j’ai été et dont j’ai lâché la main depuis longtemps.
Je pleure sur mes notes écrites sous ma couette ou sur le rebord de ma fenêtre, près de l’océan agité ou dans le parc rempli de souvenirs en cascade qui me serrent la poitrine.
Je pleure sur les enfants du monde entier qui voient leur famille et et leur monde s’écrouler parce que les adultes n’ont pas réussi à gérer. »

Avec la plume poétique qui est la sienne, Nancy Guilbert dépeint une famille déchirée et des personnages profondément touchants. Au milieu de l’Irlande sauvage, on aperçoit l’horreur, mais aussi la solidarité et la rédemption. L’écriture, la nature, font office d’exutoire, et permettent de surmonter l’insurmontable. Un roman puissant, intense, à découvrir sans hésiter.

Sweet home, de Nancy Guilbert. Didier Jeunesse. Octobre 2024

La chronique détaillée d’Héloïse.

[Je sors un peu de la thématique, mais dans un mood « vacances + résilience », je ne peux que vous conseiller deux autres ouvrages de l’autrice : Et derrière nous le silence et Gazelle Punch. Le premier parle d’emprise et de violence, de famille dysfonctionnelle, le second de violence familiale. Mais tous deux, avec de très beaux exemples, abordent aussi et surtout la reconstruction, ou comment envisager la vie après l’enfer.]

Ma chronique de Et derrière nous le silence, celle de Gazelle Punch.

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Le désormais « classique » de Clémentine Beauvais, Les petites reines, ne pouvait que figurer dans cette liste. Trois jeunes collégiennes, élues « boudins » d’un stupide concours Facebook, décident de se lancer dans un défi : rallier Paris depuis Bourg-en-Bresse, à vélo, pour protester contre le harcèlement dont elles ont été victimes. Enfin, pas seulement… Chacune a une raison bien précise de s’inviter à la garden-party du 14 juillet… Au ours de ce périple, elle vont mettre ne lumière ce harcèlement, faire passer des messages et surtout, prendre confiance en elles.

« – Je ne comprends pas pourquoi vous vous entêtez à revendiquer ce nom de Boudins ! s’offusque Maman. C’est un mot horrible.

– On le rendra beau, tu vas voir. Ou au pire, on le rendra puissant.
(Rubrique trucs et astuces de la vie, par Tata Mireille :
prends les insultes qu’on te jette et fabrique-toi des chapeaux avec.) »

On ne le présente plus, c’est un roman à succès, et je l’ai adoré, que ce soit lors de ma première lecture à sa sortie, ou lors de sa relecture en 2024. C’est avec lui que j’ai découvert la plume pétillante de Clémentine Beauvais, et j’ai beaucoup ri avec ce périple à vélo, entre dépassement de soi, confidences et humour. C’est un récit tendre et lumineux, un voyage plein de bienveillance et de folie, qui met de bonne humeur.

Les petites reines, Clémentine Beauvais. Sarbacane, 2015

Ma chronique ICI, et celle d’Héloïse Ileautrésor .

Bonus : ce roman a été adapté en BD en 2023 par Magali le Huche !

Les petites reines, de Magali Le Huche, d’après l’oeuvre de clémentine Beauvais. Sarbacane, 2023.

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Après l’est, on change de région. Juke Vox, de Pascale Perrier, est assez marquant, et pour cause. Cassandra a prévu de partir en vacances itinérantes avec sa cousine et meilleure amie Laly. Sur la route, elles chanteront. Chouette idée, non ? Mais quelques semaines avant le départ, Cassandra est violée. Les deux cousines partent tout de même, avec ce drame à surmonter…

« C’est fatigant, de marcher, de jouer, de faire semblant de sourire, y compris quand on n’en a pas envie. »

Juke Vox est un roman ado qui aborde l’après, les traumatismes et la souffrance, sur fond de voyage au soleil et de musique. L’histoire est racontée du point de vue de Laly, donc de la personne la plus proche de la victime. On ressent sa culpabilité, sa grande empathie, son impuissance, tout au long du voyage. C’est une lecture dure, mais qui aborde des thèmes importants.

Juke Vox, de Pascale Perrier. Scrineo. Avril 2022

La chronique d‘Héloïse.

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Et si l’on s’éloignait un peu des sentiers battus ? Direction l’Australie avec Stolen, de Pascale Perrier. Avec ce roman, j’ai découvert la situation d’enfants aborigènes enlevés à leur famille. C’est le cas de Joshua, qui ignorait tout de ses origines, jusqu’au jour où sa sœur Ruby, qui a grandi dans un foyer, vient le voir et lui annoncer. Commence alors pour le jeune homme un voyage dans l’Outback australien, à la recherche de ses origines et de son identité.

« L’art est nécessaire aux hommes, vois-tu. Sans l’art, un homme ne verrait pas la beauté du monde. Nos malheurs viennent du fait que nous ne sommes plus en phase avec l’art. »

Avec Joshua, Ruby, puis William, j’ai découvert l’horrible destin de ces enfants. J’ai été secouée par cette violence, ces discriminations : j’ai aussi été émue par ces jeunes adultes paumés dans la seconde partie du récit. C’est un texte incisif, révoltant parfois, très beau à d’autres, qui sensibilise à l’importance du patrimoine culturel.

Stolen, de Pascale Perrier. Actes Sud Junior. 2018

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Dans un tout autre style, partons pour les États-Unis, avec Missouri 1627. Un roman engagé, et ô combien actuel, puisqu’il nous narre le périple de deux jeunes femmes, dont l’une souhaite avorter. Veronica a 17 ans, un brillant avenir devant elle, et est tombée enceinte malgré une relation protégée. Mais elle est mineure, et si elle veut se faire avorter, il lui faut parcourir 1627 kilomètres en voiture… C’est son ancienne meilleure amie Bailey qui accepte de l’emmener.

« J’ai adoré la vie que j’avais. C’était fabuleux. J’étais tout près de devenir une de ces personnes ringardes qui pensent avec nostalgie à leurs années de lycée. Mais ça, c’était hier. Bientôt, mes parents, mes amis, tout le monde apprendra la vérité, et il ne restera plus rien de la Veronica Clarke d’avant. Oubliées mes excellentes notes et mon investissement dans le conseil des étudiants. La seule chose que l’on retiendra de moi, c’est que je me suis fait avorter. »

Contrairement à ce que le sujet pourrait laisser entendre, c’est un récit plein d’humour. Haut en couleur même. Les deux héroïnes, un peu cabossées, vivent des moments forts, parfois burlesques, parfois rocambolesques. C’est un joyeux roman initiatique, qui parle aussi de confiance en soi et d’amitié.

Missouri 1627, de Jenni Hendrix et Ted Caplan. Bayard Jeunesse, février 2021

La chronique ICI.

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Vous êtes plus thriller ? Vous préférez de la vitesse ? Vous serez servi.e avec Ce qui fait battre nos cœurs, de Florence Hinckel. Un road-trip haletant, une course-poursuite qui tient en haleine. Les thèmes : la santé, l’inégalité devant l’accès aux soins, la bioéthique, l’intelligence artificielle, le poids des réseaux sociaux. Le tout mené tambour battant.

« Actuellement, trop de chercheurs testent des avancées technologiques ou médicales juste pour voir ce que ça va donner. On peut rajouter une lettre à l’ADN? Allons-y. Pour quoi faire? On verra plus tard! On a été trop loin? Une autre avancée scientifique va bien réparer ça, non? On vit dans un délire scientiste qui manque totalement finalité, de buts, d’objectifs précis. De vision à court ou à long terme. »

J’ai aimé le rythme fou, mais aussi et surtout les thématiques actuelle qui nous plongent dans un futur proche assez glaçant. Les personnages, notamment Esteban et sa petite sœur, sont fort touchants. C’est un roman intense, prenant, passionnant au niveau de ses réflexions !

Ce qui fait battre nos cœurs, de Florence Hinckel. Syros, 2019

Plus de détails ICI.

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Et un joli petit album pour clôturer cet article, et boucler la boucle avec plus de légèreté ! Avec Nationale 7, on découvre en effet une belle histoire de transmission, qui mêle nostalgie et impatience d’arriver à destination.

Louis a une mère géniale : elle est mécanicienne. Et même une mécanicienne hors pair ! Son travail : acheter et réparer de vieilles voitures et leur donner une seconde vie. Elle les libre en suite, avec son fils comme copilote. L’occasion de se remémorer d’autres voyages…

Il y a un doux parfum mélancolique dans cet ouvrage, beaucoup de tendresse et de complicité. C’est chou comme tout !

Nationale 7, de Didier Lévy, illustré par Sonja Bougaeva. Sarbacane, juin 2023

La chronique ICI.

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Et vous, quels titres auriez-vous sélectionnés ?

Prix À l’Ombre Du Grand Arbre 2025 : les lauréats !

C’est aujourd’hui le grand jour de l’annonce des lauréats de notre Prix ALODGA. Vos arbronautes préférées ont individuellement sélectionné des livres parus en 2024 et les ont proposés à leurs collègues, qui, selon leurs possibilités, leurs envies ou leurs thèmes de prédilection, les ont lus à leur tour. À l’issue d’un système de notation rigoureux, un classement a été effectué afin de déterminer les 3 finalistes de chaque catégorie, regroupant des genres balayant de la toute petite enfance aux ados. Nous vous avons proposé de voter ces dernières semaines et tenons à vous remercier pour votre participation exceptionnelle, puisque nous avons décompté pas moins de 661 votes ! Un record !… Sous vos applaudissements

Catégorie Petites feuilles (albums pour les grand.e.s)

Cet adorable album de la maison d’édition indépendante Cot Cot Cot a surnagé ! Vous l’avez largement élu album de l’année, pour sa plongée… en beauté au cœur d’une histoire tendre, touchante mais aussi pleine d’humour !

A l’eau ! Heejin Park, trad. Charlotte Grison, éditions Cot Cot Cot, 2024

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Catégorie Brindilles (albums pour les petits.e.s)

Comme nous, vous appréciez de sortir des sentiers battus et vous l’avez prouvé ! Les urnes (virtuelles ;-)) ont parlé et c’est cet album original, qui invite en douceur à une réflexion sur ce qu’on ne dit pas, faisant la part belle aux images, qui a emporté vos voix.

Quand je garde le silence de Zornitsa Hristova & illustré par Kiril Zlatkov, traduit par Marie Vrinat-Nikolov – Six citrons acides, collection : Around the langue, 2024 – publié pour la première fois en 2014 en Bulgarie, 2024

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Catégorie Racines (documentaires)

Un ex-aequo inédit pour la catégorie documentaires ! Et deux merveilles, effectivement ! Nous avions sélectionné trois titres qui invitent au dialogue et à la découverte de l’Autre, pour montrer que les barrières et les conflits perdent tout leur sens dès que l’on admet cette simple vérité : nous sommes tous.te.s des humains, notre pays, c’est la Terre.

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Catégorie Branches dessinées (BD et romans graphiques)

Chez les BD et les romans graphiques, résultat sans mystère, c’est finalement un album un peu inclassable, d’une extraordinaire inventivité visuelle, à la fois enchanteur et ludique (il faut des lunettes 3D pour en profiter), ne ressemblant à aucun autre, qui a remporté les suffrages.

Jeanjambe et le mystère des profondeurs, de Matthias Picard. Ed. 4048, octobre 2024.

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Catégorie Belles branches (romans ados)

Krok a dévoré ses concurrents ! 232/416 : le record du nombre de votes a été battu, félicitations !… Qui a dit que les adolescent.e.s ne lisaient plus ? Ce roman traitant de problématiques sociétales, jonglant entre humour et mordant, mais qui sait aussi rentrer les griffes pour se faire poésie, douceur et pattes de velours, est la preuve que la littérature ado a encore de beaux jours devant elle.

Krok, d’Hervé Giraud, Thierry Magnier, 2024

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Catégorie Grandes feuilles (romans jeunesse)

On peut parler de tout aux enfants, à condition que ce soit bien fait. Comme vos abronautes, vous avez plébiscité cette belle histoire, dans laquelle le sujet sensible de la dépression d’un parent est traité avec grand talent. Ou quand l’amitié, l’amour des siens, toutes les couleurs de la vie, l’emportent sur la noirceur. Mention spéciale pour l’objet-livre magnifique, qui a tout d’un grand.

A la poursuite des animaux arc-en-ciel, de Sarah-Ann Juckes, illustré par Sharon King-Chai, Little Urban, 2024

Encore un beau succès du Prix ALODGA, pour lequel nous avons mobilisé en équipe, toute notre conviction, toute notre passion. Félicitations aux lauréats, à leurs auteur.e.s et à leurs maisons d’édition (à noter que l’édition indépendante s’est particulièrement illustrée cette année.) Mais plus qu’une compétition, ce Prix a surtout pour objectif de mettre en valeur la richesse quasi sans limites d’un pan de la littérature à part entière. Que nous soyons enfants, adolescent.e.s, parents, enseignant.e.s, la belle littérature jeunesse a quelque chose à nous dire, entre capacité à s’émerveiller et consciences à éveiller. Écoutons-la. Mieux : lisons-la.

Prix ALODGA 2025 – catégories Belles branches et Grandes feuilles

Nous vous en parlons depuis des semaines, voici enfin la nouvelle édition du Prix ALOGDA ! Comme les années précédentes, nous avons sélectionné trois titres dans six catégories différentes :

  • Belles branches (romans ado)
  • Grandes Feuilles (romans jeunesse jusqu’à 11 ans)
  • Petites feuilles (albums pour « grands »)
  • Brindilles (albums premier âge)
  • Branches dessinées (BD)
  • Racines (documentaires)

Durant trois semaines, nous vous présenterons deux de ces catégories, ainsi que les titres concernés, et nous vous inviterons à élire votre préféré. Les votes se termineront le 6 juin 2025 à 20h30, et nous annoncerons les lauréats le 9 juin à 8h !

Ouvrons dès à présent le bal avec les romans ados et jeunesse !

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Catégorie Belles branches

Dans cette catégorie, 16 titres étaient en lice. Nous avons lu frénétiquement, avec délectation et naturellement certains romans se sont démarqués. Voici notre trio de tête avec comme vous pouvez le constater : des titres tous très différents des uns des autres et heureusement d’ailleurs !

Angélino est un jeune adolescent en décalage avec les autres doté d’une candeur qui le rend si attachant. Le jeune garçon ne veut pas se séparer de son ami Krok. Malheureusement, ce jeune gars se retrouve bousculé dans son bonheur par les décisions des adultes, par la sauvagerie du monde. Mais bien vite, il va changer, se rendre compte que ce n’est pas une vie pour lui. Une prise de conscience qui se fait tout en douceur…

Il y a beaucoup d’humour dans ce texte malgré les propos qui nous donnent à réfléchir sur la captivité des animaux. C’est un roman qui est donc à la fois drôle, parce parfois bien farfelu, mais aussi émouvant, et pédagogique. Une lecture fun et sérieuse.

Krok d’Hervé Giraud, Thierry Magnier, 2024

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Arsinoé Ouvrard est coupable d’avoir aimé « l’ennemi », d’avoir découvert l’Amour avec Hannes. « Jugée » coupable d’aimer, cette femme est humiliée, abandonnée à la violence masculine de ses compatriotes. Des hommes cherchant la gloire dans la détresse de ces femmes. Le destin de ces « poules à boches » rappelle que les dérives existent dans tout mouvements de foules.

Ce roman, également sélectionné pour le Prix Vendredi cette année, nous a bouleversées. Un roman court et puissant qui nous rappelle des faits historiques peu exploités en littérature et notamment dans celle destinée aux adolescents.

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Dans la tête et dans le corps de ce jeune garçon, rien ne va plus depuis des mois. Il suffit d’un mot, d’une phrase, d’une circonstance trop forte pour que tout bascule. Pas un signe avant-coureur, pas un cri, juste une respiration qu’il faut apprendre à régler pour se donner du courage. S’enfermer n’est pas un choix mais une survie qui s’organise. Dans ce roman, aussi sélectionné pour le Prix Vendredi de cette année, on s’interroge avec lui : que s’est-il passé ? Crise d’adolescence ou prise de conscience ?

La réponse ouvre la réflexion sur le rapport compliqué au monde d’une jeunesse qui a de plus en plus de mal à respirer… Pourtant, on continue à croire que l’espoir jamais ne s’essouffle et cela fait aussi la force du roman : rester optimiste. Un roman qui nous fait entrer en totale empathie avec le personnage principal et son entourage.

La cabane de Ludovic Lecomte, Ecole des Loisirs, collection : M+, 2024

À vous de voter pour départager ces titres !

Quel titre de la sélection "Belles branches" préférez-vous ?

  • KroK (56%, 232 Votes)
  • Vindicte (41%, 170 Votes)
  • La cabane (3%, 14 Votes)

Total Voters: 416

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Catégorie Grandes feuilles

Nous avons dévoré les 11 titres présélectionnés avec nos yeux d’enfants, c’est-à-dire curieuses de découvrir des univers éclectiques et extra-ordinaires, qui ont à nous dire quelque chose du monde. Histoires fortes ancrées dans l’imaginaire, fictions réalistes ou récits autobiographiques, d’hier, d’aujourd’hui, ou dans un passé dont il s’agit de tirer les leçons, nous avons plongé avec plaisir dans ces romans qui aident à grandir et à comprendre, sans perdre de vue le plaisir de lire.

Pour le trio de tête, la famille, même dysfonctionnelle, est presque le premier rôle de l’histoire. Les ambiances et les styles sont bien différents, sur des thématiques (très) fortes.

Coup de cœur presque unanime pour ce roman qui coche de nombreuses cases : originalité, humour, découverte, réflexion. C’est un ouvrage étonnant, qui change de ce que l’on peut lire aujourd’hui. Le génie sous la table, c’est lui, l’illustrateur Eugène Yelchin, Yevgeny, de son vrai prénom, un enfant qui grandit en URSS et qui a du mal à trouver sa place, coincé entre le talent de son frère aîné, la gouaille de sa mère, ou les rêveries de son père. Espionnage, antisémitisme et conditions de vie précaires…tel est le quotidien de cet enfant, dont nous avons adoré suivre les réflexions et sa vision des rouages et des dérives du communisme. Des sujets graves, mais son regard à la fois naïf et interrogatif sur ce qui l’entoure apporte beaucoup de fraîcheur.

Le génie sous la table, d’Eugène Yelchin, L’Ecole des loisirs, collection Neuf, 2024

A la poursuite des animaux arc-en-ciel est une lecture exigeante, parfois difficile, qui traite d’un sujet peu exploité en littérature « juniors » : la dépression. Il raconte quelques semaines de la vie de Nora, 10 ans, dont la maman solo souffre de cette maladie, avec toutes les conséquences que cela peut avoir. Seule, très mûre pour son âge, la petite fille vit en fait dans une sorte de déni, s’auto-persuadant que tout va bien, qu’il n’y a aucun problème, que sa vie est normale. Jusqu’au jour où commencent à lui apparaître des animaux qu’elle seule peut voir…Sur le fond, très belle trouvaille que ces animaux arc-en-ciel, qui vont se succéder pour aider Nora à aller vers les autres et accepter de se faire aider, jolie fin ouverte mais sans angélisme. Sur la forme, les arbronautes ont particulièrement apprécié l’objet-livre : couverture cartonnée, titre scintillant, dos graphique, illustrations soignées, police aérée, et plusieurs bonus en fin d’ouvrage.

A la poursuite des animaux arc-en-ciel, de Sarah-Ann Juckes, illustré par Sharon King-Chai, Little Urban, 2024

Harlem, le court roman d’Anne Cortey, illustré par Chales Berberian, est largement inspiré d’une histoire vraie, celle d’une amie de l’autrice ayant grandi dans ce quartier emblématique de New York, dans les années 60. A l’époque, la ségrégation raciale bat son plein, mais la lutte pour les droits civiques émerge et l’on découvre au fil des pages les espoirs nés des actions de Martin Luther King ou Rosa Parks. Nous avons admiré ses deux petites héroïnes au caractère bien trempé, qui refusent que leur couleur de peau les sépare. Un belle histoire pleine de sensibilité, joliment illustrée, dont le message général est porteur d’espoir, invitant à réfléchir, avec bienveillance, à la justice et à l’égalité.

Harlem, d’Anne Cortey, illlustré par Charles Berberian, L’Ecole des loisirs, collection Neuf, 2024

À vous de voter pour départager ces titres !

Quel titre de la sélection "Grandes feuilles" préférez-vous ?

  • A la poursuite des animaux arc-en-ciel (57%, 58 Votes)
  • Harlem (30%, 31 Votes)
  • Le génie sous la table (13%, 13 Votes)

Total Voters: 102

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Lecture commune : Le Clash

Une couverture a tout particulièrement attiré notre attention dans le catalogue des éditions Syros. En noir et blanc, avec ce titre rouge qui s’étale… nous avons été intriguées. Et comme souvent dans ces cas-là, nous nous sommes plongées dans sa lecture et nous avons eu envie d’en discuter. Et cette confidence d’un père à son fils prenant place dans l’Angleterre des années 1970 nous a tenues en haleine et rendues bavardes !

Le Clash, Benoît Séverac, éditions Syros, 2025.

Lucie : Une chose est sûre, cette couverture attire l’œil. Quelles attentes a-t-elle créées chez vous ?

Liraloin : Elle est très attirante. Syros a fait un sacré travail car elle est à la fois très graphique et classe. La typo du titre est belle et bien évidemment m’a tout de suite fait penser au groupe The Clash. Lorsque je reprenais ma lecture, je chantonnais souvent London Calling. De plus, il y a un léger relief sur cette couverture très appréciable, que j’ai tendance à ne plus connaître car tous les romans sont couverts dans la médiathèque où je travaille.

Héloïse : Elle met tout de suite dans l’ambiance punk / Angleterre avec ses briques derrière (d’ailleurs, je suis fan du relief !). Et tout comme toi, j’avais la chanson dans la tête !

Linda : Elle attire l’œil c’est certain avec son mur de briques (j’adore l’effet relief au touché), son tag punk et son titre rouge vif. Chapeau bas pour l’éditeur et cette présentation qui en jette !

Lucie : C’est une réussite car nos attentes et émotions se rejoignent (le relief et London Calling, c’est tout à fait ça !) et surtout elles correspondent bien à l’histoire. Je suis d’accord avec toi Héloïse, je m’attendais à un texte sombre, violent, rugueux, alors que le sujet l’est mais qu’il est traité plutôt sobrement. En tout cas, cette couverture a immédiatement attiré mon fils de 13 ans qui s’est emparé de ce roman et l’a terminé dans la journée !

Liraloin : Comme toi Lucie, avec cette couverture, je m’attendais à un texte plus sombre et bien plus violent même si bien évidemment la violence est au cœur de l’histoire.

Lucie : Justement, j’avoue que si les références musicales citées dans le roman me parlent, je n’avais aucune idée des tensions entre skins et punks, qui étaient même deux mouvements similaires pour moi (la honte !). Et vous, avez-vous appris des choses que vous ignoriez sur ces mouvements ?

Liraloin : J’avais déjà entendu cette histoire de différence car mon prof d’anglais à l’IUT était un ancien hooligan et nous a expliqué tout cela autour d’une bonne pinte.

Linda : Oui et non. J’y ai retrouvé ce que je suivais de loin avec mon regard d’enfant au niveau des tensions et de la violence. Mais j’étais restée sur le fait que les punks avaient peut-être plus une âme d’artiste qui s’exprimait surtout dans l’apparence, alors que les skinhead étaient plutôt des trouble-fêtes, fauteurs de troubles à la sortie des matchs de foot. Je ne me souvenais pas d’une violence entre eux mais plutôt de celle qu’ils exerçaient sur les forces de l’ordre.

Héloïse : Je savais qu’ils ne s’entendaient pas, oui. Mais c’est toujours intéressant de se « plonger » dans un contexte historique et de « vivre » les événements de l’intérieur je trouve.

Lucie : Précisément, en tant que lecteurs nous vivons les événements à la fois de l’intérieur et de l’extérieur avec le récit enchâssé. J’avoue m’être interrogée un moment sur l’utilité de ce procédé. Mais finalement, j’ai été convaincue. Qu’en avez-vous pensé de votre côté ?

Héloïse : Comme toi Lucie, au début j’étais sceptique. Et puis, cela permet de développer la complicité qui unit père et fils. Nicolas (le père), se livre à son fils, revient sur son passé, sur ses erreurs, montre ainsi qu’il n’est pas parfait.

Liraloin : Au départ, je suis restée un peu dubitative en me demandant si cet échange père-fils était bien utile mais au fur et à mesure de ma lecture, j’y ai vu une confidence inversée. C’est rare, enfin je crois, qu’un parent se confie sur un tel passif. Soit c’est pour le mettre en garde contre d’éventuelles « mauvaises fréquentations » et cela j’y crois moyen soit c’est pour échanger un peu intimement avant une longue séparation.

Linda : Sceptique est le mot. Mais cela fait vite sens finalement et j’ai même trouvé intéressants les échanges père-fils réguliers qui ramènent dans la réalité du moment et montrent combien la nouvelle génération peut-être critique sur la nôtre (comme chaque génération sur celle qui précède ou suit non ?). Aussi, cela révèle une grande confiance du père en son fils, oser lui raconter ces erreurs de jeunesse, sans filtre, lui révéler qu’il n’est pas parfait et qu’une erreur est vite arrivée…

Lucie : Comme vous j’ai aimé que le père se dévoile, qu’il se montre imparfait sans craindre le jugement de son fils mais en espérant que son expérience lui servira. Cela rejoint d’ailleurs ce que dit l’auteur dans le communiqué de presse : “Révéler ses erreurs passées à ses enfants, ses faiblesses leur apporte beaucoup plus de force qu’on ne croit, et de confiance en l’adulte.” Cette relation père-fils fait partie des vraies réussites de ce roman à mon sens. J’aime beaucoup les petites réflexions sur l’éducation glissées ça et là. Comme quand il écrit page 8 :

Il n’a aucun scrupule à se présenter dans un rôle aussi peu glorieux auprès de son fils. En matière d’éducation, il connaît la valeur de l’exemple, et il fait partie de ces papas qui estiment que faire part de ses faiblesses bénéficie à celui qui les exprime autant qu’à celui ou celle qui les entend.

Héloïse : Oui, j’ai beaucoup aimé cette phrase aussi. Tout comme les petites piques que lance Aurélien à son père sont amusantes, un bel exemple de tendresse. C’est un chouette duo, plein de bienveillance.

Liraloin : D’ailleurs c’est très significatif de notre époque. Nous échangeons beaucoup plus avec nos enfants que nos parents avec nous et bien avant encore.

Lucie : Et comme il raconte aussi ses relations avec son propre père, on mesure le chemin parcouru en une seule génération ! Il le juge d’ailleurs un peu durement, mais il ne se donne pas le beau rôle pour autant. Avez-vous envie de raconter l’élément déclencheur des problèmes survenus lors de ce séjour en Angleterre en 1978 ?

Liraloin : Ce passage est le point de basculement, une sorte de rite initiatique. L’innocence de Nicolas prend un sacré coup derrière la caboche. A partir de là, les choses sérieuses peuvent commencer.

Héloïse : Il y a plusieurs étapes pour moi… Le passage dans le centre commercial et l’affrontement entre punks et skinheads, la découverte de Tom, la première nuit à parler musique qui marque le début de la fascination (et le mot est faible) de Nicolas envers le jeune punk, et enfin l’épisode du racket…

Linda : Je rejoins Héloïse. La bascule se fait finalement par étapes, on voit venir les problèmes dès le moment où Nicolas entre dans la chambre de Tom et montre une fascination pour ce qu’il représente et la musique qu’il écoute.

Lucie : Vous avez raison, c’est vraiment progressif et en même temps il y a quelque chose d’inéluctable. La situation dérape doucement mais sûrement jusqu’à parvenir à un point de non retour avec une fugue épique !

Liraloin : Oui, c’est la dégringolade, l’escalade de la violence, la descente aux enfers en quelque sorte. J’ai d’ailleurs repéré le même schéma narratif dans Les Soeurs Lakotas du même auteur que j’ai lu il n’y a pas longtemps.

Les Soeurs Lakotas, Benoît Séverac, éditions Syros, 2023.

Lucie : On peut dire que le sentiment de révolte est très présent (plus que la violence finalement), qu’avez-vous pensé de la manière dont il est amené et traité ?

Liraloin : Sans trop en dire pour ne pas divulgâcher, je dirais que ce sont les parents de Tom qui ont perdu tout espoir concernant leur fils. Ils le laissent faire, comme si cette révolte était naturelle, passagère. D’ailleurs cela contribue à la fascination de Nicolas pour Tom. Le gars a le même âge que lui et il est libre !

Héloïse : J’ai été surprise par ce “laisser faire” des parents de Tom. Et par cette violence qui surgit d’un coup chez le jeune homme. Tom est cultivé, curieux, révolté contre l’injustice, fait de beaux discours qui fascinent Aurélien, et puis bam ! se montre d’une violence inouïe.

Linda : Mais en même temps n’est-ce pas le reflet de cette génération de parents prise entre les valeurs dans lesquelles ils ont été éduqués et celles de la jeunesse qui réclame plus de liberté, de justice et d’égalité ? Ça ne m’a pas choqué outre mesure, je crois avoir grandi dans un milieu assez proche de celui-ci, des parents laxistes sur bien des aspects, pas toujours conscient que leur permissivité est le coeur des problèmes à venir.

Lucie : Oui, c’est un peu étonnant. Pour lui aussi on a l’impression d’une certaine escalade. Comme si la rixe du supermarché (à laquelle il n’a pas assisté contrairement à son “correspondant”) et le raquet étaient des déclencheurs. J’ai eu l’impression que sa rébellion est essentiellement musicale et vestimentaire avant cela (ce qui expliquerait que ses parents laissent couler). Est-ce qu’il ne bascule pas lui aussi pour impressionner Nicolas ?

Liraloin : Tout à fait Lucie, je pense la même chose.Tom est en rébellion totale et quoi de mieux que d’adhérer au mouvement Punk qui était plus que présent en Angleterre à cette période. Le point de bascule c’est l’effet de groupe. Seul Tom n’est rien du tout, en groupe il peut exister.

Linda : Je ne suis pas tout à fait d’accord. J’y vois plutôt un lâché prise voulu pour, peut-être se faire un nom dans la communauté punk, mais aussi pour montrer la colère contenue contre la société, le système qu’il rejette, sa famille… Pour moi la violence est là, sous-jacente (le fait qu’il se perce les oreilles lui-même m’a d’ailleurs fait penser à de la scarification) et il ne manque qu’une étincelle pour allumer le feu qui brûle en lui. A ce stade, le moindre prétexte aurait été bon pour qu’il laisse exploser sa violence.

Héloïse : Il y a cette citation qui m’a marquée sur son intérêt pour le mouvement punk : “Nous, les jeunes d’aujourd’hui, on a besoin d’un truc à nous, de notre génération, une musique qui nous ressemble. C’est ça le punk, en fait : un style de musique et de vie que nous avons créé nous-même, et qu’on ne doit à personne.” Je trouve qu’elle montre bien que Tom est punk d’abord pour montrer sa rébellion et sa différence avec la génération de ses parents. Je suis d’accord avec toi sur l’effet de groupe ! C’est souvent ce qui fait passer des mots aux actes.

Lucie : Tom a clairement besoin d’un public. C’est d’ailleurs en partie ce qui ouvre les yeux à Nicolas : quand il se vante devant les squatteurs et qu’il se rend compte que c’est essentiellement du vent.

Linda : Oui du vent mais aussi un manque de lucidité sur les conséquences de ses actes. Ça l’amuse presque… Nicolas beaucoup moins, parce qu’il n’est pas chez lui déjà, mais aussi parce qu’il sait que chaque décision prise depuis le début du racket n’a été qu’une suite d’erreurs.

Héloïse : Oui, Nicolas met du temps avant d’ouvrir les yeux. Sans doute aussi à cause de sa culpabilité. Il oscille entre fascination, envie de transgression, et son éducation très stricte.

Liraloin : Personnellement, je me suis interrogé sur l’incipit “in memoriam George Solly” qui est donc le même nom que le père de Tom et je n’ai rien trouvé.

Lucie : C’est mon fils qui me l’a fait remarquer et ça rejoint ce que dit l’auteur dans le communiqué : ce roman est clairement inspiré de sa propre expérience, même si romancée. D’ailleurs il a été prof d’anglais comme Nicolas…

Héloïse : Je n’ai pas trouvé non plus…

Lucie : Nous sommes toutes les 4 mamans, or c’est le récit d’un père à son fils et il fait aussi pas mal référence à ses propres parents. De quelle génération vous êtes-vous sentie le plus proche ?

Linda : Celle de Nicolas dans sa relation à son fils.

Héloïse : Clairement pas des grands-parents !

Liraloin : Complètement d’accord avec toi Héloïse. En 1978 on ne faisait pas dans la dentelle et il fallait marcher droit ! Comme quoi nous instaurons plus de dialogues avec nos enfants même si personnellement je viens d’une famille où on ne se confie pas beaucoup. Je ne veux pas instaurer cela avec mes fils donc on se parle ! et maintenant qu’ils sont jeunes adultes il y a une autre relation qui s’instaure avec une confiance mutuelle. Un peu comme Aurélien et Nicolas finalement.

Héloïse : Oui, c’est ce que tu disais tout à l’heure, se parler est devenu important ! Comme toi, j’ai reçu une éducation plus stricte, mais j’essaie d’instaurer le dialogue avec mes enfants. Et toi Lucie ?

Lucie : Honnêtement j’ai navigué plusieurs fois. Bien sûr que l’éducation très stricte que reçoit Nicolas n’est pas celle que je donne à mon fils. Mais l’inquiétude des parents qui envoient leur fils à l’étranger, qui n’ont plus de nouvelles de lui plusieurs jours… J’avoue, ils m’ont tout de même touchée ! Surtout la maman. En lisant les péripéties de Nicolas, je me suis souvent mise à la place du parent (en tout cas de son responsable imaginaire) en me demandant comment j’aurais réagi à sa place. C’était le sens de ma question : en lisant, vous étiez dans les baskets de Nicolas en tant qu’ado ou il vous est arrivé d’être décentrées, à vous demander “comment je réagirais si c’était mon fils qui vivait ça… !” ? En revanche, je me suis bien reconnue dans la volonté de dialogue de Nicolas, et cette relation père-fils est ce qui m’a le plus plu dans ce roman.

Héloïse : C’est vrai qu’elle est belle.

Liraloin : Je comprends ta réflexion Lucie, et moi j’ai fait ma vieille je me suis dit “il faut bien que jeunesse se passe” lorsque Nicolas allait toujours plus loin. L’éducation qu’il a reçu vit en lui et je n’ai pas cru une seconde qu’il allait complètement basculer vers le “côté obscur de la force”.

Héloïse : Le “côté obscur de la force”, j’adore ! Comme il y avait deux niveaux de narration, je ne suis pas rentrée dans les baskets de Nicolas. J’étais plutôt extérieure, me demandant jusqu’où tout cela allait mener !

Linda : Décentrée vis à vis de l’adolescent qu’il a été mais pas de l’adulte qu’il est devenu en ce qui me concerne.

Lucie : Pour conclure cette lecture commune, à qui conseilleriez-vous ce roman ?

Liraloin : A partir de 14 ans sans doute et aux nostalgiques des années punk !

Héloïse : Oui, cela me paraît pas mal, j’aurais dit fin de collège –, et plus si affinités !

Linda : Oui pareil ! Même si je crois que bien des adultes devraient apprécier la nostalgie amenée par le mouvement punk et son époque bouillonnante.

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Nous espérons vous avoir donné envie de découvrir ce roman et que vous prendrez autant de plaisir que nous à découvrir cette histoire. Merci aux éditions Syros de nous avoir envoyé ce titre !