Entretien avec Jean-François Chabas

Ecrivain-voyageur par excellence, Jean-François Chabas a eu la gentillesse d’accepter de répondre à nos questions entre deux séjours à l’étranger. Et elles étaient nombreuses tant son œuvre est riche et variée !
Albums, romans jeunesse ou « pour les grands », ce baroudeur aux multiples talents aime partager les cultures autochtones qu’il découvre et son espoir que leurs conditions de vie s’améliorent. Sous le Grand Arbre, nous sommes particulièrement touchées par l’humanité qui irrigue ses textes.

Photo issue du site officiel de Jean-François Chabas : www.jean-francois-chabas.com

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Pensez-vous qu’il y a des impératifs particuliers ou des écueils à éviter lorsque l’on écrit pour la jeunesse ?

Écrire pour la jeunesse impose une contrainte de style, singulièrement de vocabulaire, mais je prends garde depuis toujours à respecter les enfants en leur offrant un travail littéraire, par goût de la beauté et pour leur ouvrir l’esprit…
Parce qu’ils sont lecteurs à part entière.

Justement, vous écrivez aussi bien des albums que des romans jeunesse, ou pour les adultes. À quel moment définissez-vous l’âge auquel s’adresse votre histoire ? Des contraintes s’imposent-elles selon le type de lecteur visé ?

Certains de mes textes sont interchangeables, entre littérature jeunesse et littérature générale. Sauf bien entendu pour les petits. Encore à mon avis est-ce le gage d’une littérature jeunesse de qualité que de pouvoir être lue par les adultes sans déplaisir ni ennui. La qualité littéraire doit être présente partout, puisque c’est le respect du lecteur.

Y a-t-il des auteurs ou des artistes qui vous inspirent ou dont vous appréciez particulièrement le travail ?

L’inspiration puisée chez les artistes, oui, elle est immense. Je suis très influencé par les Anglo-saxons, de Melville à Dickens en passant par Stevenson, Steinbeck, Jim Harrison avec qui j’ai eu la chance d’échanger du courrier. Russell Banks, prodigieux. Mais il y a aussi les germaniques, Hesse, Zweig, Mann, les hispaniques, García Márquez, Vargas Llosa, les français, Tournier, Le Clézio, et puis les peintres, Vermeer, les musiciens… il faudrait cent pages.
André Migot, l’écrivain voyageur, que je respecte et j’adore, ou encore Nicolas Bouvier, autre voyageur…

La liste des illustrateurs ayant travaillé sur vos textes est très impressionnante. Comment se passent vos collaborations ?

La collaboration avec les illustrateurs est souvent lointaine. Il est rare que je les rencontre, mais je suis très solitaire de nature, et je préfère le monde sauvage. Je communique avec certains, sans les voir le plus souvent. J’en profite pour saluer José Muñoz, qui m’avait illustré Les Frontières, un homme très élégant et généreux.

Les frontières, Jean-François Chabas, illustrations de José Munoz, Casterman, 2001.

Il y a récemment eu un débat sur la rémunération des auteurs. Sans entrer dans une quelconque polémique, souhaitez-vous vous exprimer à ce sujet ?

C’est un sujet grave, qui touche véritablement au scandale. L’acceptation de droits et d’avances ridicules de la part de certains artistes crée une situation où des contrats léonins sont proposés. Il faut se battre. Sur le terrain du respect humain aussi.

Nous vous savons grand voyageur, et nous avons évidemment fait le lien avec le choix de situer nombre de vos romans sur des terres lointaines (Amérique, Australie…). D’où vient ce goût pour l’exotisme ? Ces mondes-là seraient-ils plus propices aux aventures ?

Eh bien… Je reviens du Northern Territory australien où j’ai passé des mois avec les tribus. Je vous confirme qu’entre les crocodiles géants ultra-agressifs, les méduses-boîtes, les requins tigres, les araignées mortelles, un cyclone de catégorie 5 qui nous a frôlés, un feu de forêt géant qui nous a fait courir et une émeute aborigène sérieuse à Tennant Creek, oui, c’est plus sportif là-bas.
Plus sérieusement, j’en profite pour attirer votre attention sur le drame que vivent les tribus partout sur l’île. Vous pouvez lire Red Man, Ils ont volé nos ombres, ou La sorcière et les manananggals, des romans que j’ai publiés sur le sujet. Ces gens vivent un calvaire.

A ce sujet, nous avons été impressionnées par la manière dont vous immergez vos lecteurs dans ces lieux qui leur sont parfois inconnus. Comment vous documentez-vous ?

Je me documente, autant que possible, en allant sur place, ou bien j’y passe beaucoup de temps. La documentation rigoureuse est indispensable lorsque l’on aborde n’importe quel sujet, mais peut-être surtout quand c’est ethnologique. Dans le cas des Aborigènes, ou celui de certaines tribus américaines, j’ai passé du temps avec eux. Les Aborigènes australiens plus que tous les autres, peut-être, sont très mal servis en littérature occidentale. Je m’attache à décrire avant tout leurs conditions de vie épouvantables, particulièrement dans les communautés, mais partout en vérité. Il me semble obscène de vouloir piller leur culture, de vouloir faire du folklorique, avant de dire qu’ils meurent. Ils m’ont directement demandé de parler de leur tragédie, et cela du sud au nord, de l’est à l’ouest. J’ai parcouru des dizaines de milliers de kilomètres en trois très longs séjours pour leur parler, mais surtout pour que eux me parlent. Je suis à leur service. Je garde dans le cœur le souvenir des taudis que j’ai traversés à pied, la peur au ventre, au milieu d’une population traumatisée, clochardisée, assassinée par l’alcool, les drogues, la misère morale et matérielle. Ces gens meurent dans l’indifférence générale.

Comme vous le disiez vos romans sont le plus souvent ancrés dans le réalisme et liés à vos rencontres, mais vous avez fait quelques incursions dans la fantasy. Que vous apporte ce genre en particulier ?

La fantasy m’apporte de la fantaisie !

Votre travail a reçu de nombreuses marques de reconnaissance entre les prix, les traductions et les titres figurant sur la liste des recommandations de l’Education Nationale. Est-ce que l’une d’entre-elles vous touche plus particulièrement et pourquoi ?

Les prix, c’est terriblement subjectif. Je me permets de l’affirmer parce que j’en ai eu beaucoup. Il y aurait tant de choses à dire, à commencer par le fait qu’ils sont souvent remis à ceux qui se déplacent pour aller les chercher… Mes deux prix Versele [en 2000 pour Les secrets de Faith Green, puis en 2017 pour L’eau verte ndlr] me font très plaisir parce que j’aime les Belges. La recommandation de l’éducation nationale pour La terre de l’impiété me touche parce que c’est un sujet – la guerre d’Algérie – extrêmement casse-gueule, où l’on se fait des ennemis de tous les côtés, et que mon sérieux mon impartialité ont été reconnus.
La traduction de mes romans et albums en 15 langues, c’est merveilleux, parce que l’on sera lu par des petits Chinois, des Coréens, des Italiens, des Russes, des Turcs…

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Merci à Jean-François Chabas de nous avoir accordé du temps malgré son emploi du temps chargé !
Nous espérons vous avoir donné envie de découvrir certains de ses romans.
Et si vous souhaitez en apprendre plus sur son univers, n’hésitez pas à visiter son site internet.

Billet d’été : du transport des livres aux livres qui transportent !

J’avoue, j’ai toujours été fascinée par les bibliothèques itinérantes, les espaces de lectures délocalisés, improbables, ouverts. J’aime, lorsque je suis en voyage, me retrouver face à une cabane à livres dans le recoin d’un village perché, participer à des lectures à haute voix sur les rives d’un ruisseau, lire un kamishibaï au pied d’un phare, m’installer sur un tapis dans un jardin et raconter des albums aux enfants de mes amies. Je chéris toutes les initiatives qui sortent le livre de ses étagères et qui le rendent accessible au plus grand nombre : que ce soit la « bibli des deux ânes » de Luis Soriano Bohorquez, bibliothécaire bénévole qui, depuis plus de vingt ans, arpente les montagnes de Colombie pour partager ses livres avec les enfants, ou encore l’Ideas Box des Bibliothèques sans frontières qui rend accessible la lecture dans les endroits où la guerre et la misère font rage. Ces projets de livres qui voyagent, quoiqu’il arrive, me réjouissent. Car oui, tous ces projets sont des signes que de nouveaux récits sont possibles, à portée de mains, et que des femmes, des hommes ont à cœur de les faire vibrer très fort dans n’importe quel endroit du monde. C’est pourquoi, pour mon billet d’été, j’ai choisi de vous présenter des livres qui rendent hommage aux bibliothèques itinérantes, réelles ou imaginaires !

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Parlons tout d’abord de cette mystérieuse « dame des livres » dans le très bel album éponyme d’Heather Henson et David Small. Cal, un jeune garçon pauvre qui vit avec sa famille dans une région particulièrement reculée des Etats-Unis dans les années 30, nous raconte comment un jour, une cavalière s’est présentée à la porte de leur modeste maison pour leur prêter des livres ! Au début, Cal était plutôt sceptique : quel intérêt pouvait-on ressentir à rester figé des heures durant le nez plongé dans un bouquin, comme sa petite soeur Lark ? La dame des livres revient pourtant régulièrement, avec de nouveaux livres et pour sa sœur c’est une fête sans cesse renouvelée. Et quand, par un matin d’hiver glacial, Cal voit la dame des livres honorer son rendez-vous alors que vraiment même les plus courageux ne mettent pas le nez dehors, il se dit qu’il doit bien y avoir quelque chose de merveilleux caché dans cet étrange objet de papier pour qu’une femme prenne de tels risques. Alors, doucement, il s’approche de sa soeur et lui demande si elle accepterait de lui apprendre à lire…

Cet album est inspiré des Pack Horse Librarians, ces bibliothécaires itinérantes qui parcouraient à cheval les monts Appalaches du Kentucky, pour faire venir les livres dans les endroits les plus reculés du pays, où les écoles étaient rares et les bibliothèques inexistantes et ainsi lutter contre les effets de la Grande Dépression.

La voix de Cal, sa manière si particulière de parler, permet à la fois de rendre hommage à ces femmes dévouées et au pouvoir de la lecture qu’elles ont choisi de transmettre coûte que coûte. Un hymne à la lecture qui donne envie de partager chaque jour de l’année et quel que soit l’endroit les livres qui nous ont fait vibrer !

La Dame des livres, Heather Henson, David Small, Syros, 2009.

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Sur un tout autre ton, suivons maintenant Elan, étrange animal anthropomorphe, qui aime tellement, le soir venu, après le repas, raconter des histoires. Ah ! Il en connaît des histoires, Elan, des histoires qui ravissent petits et grands ! Pourtant, un soir, oups, Elan n’a plus d’idées ! Il se précipite alors chez ses voisins pour emprunter un livre mais personne n’en en a ! Elan ne se démobilise pas et dès le lendemain il se rend en ville, à la bibliothèque. Il emprunte plusieurs contes qu’il lit le soir même à sa famille. Ses talents de lecteur à haute voix se font vite connaître et bientôt tous les animaux de la forêt cognent à sa porte pour venir l’écouter ! Mais le voilà débordé ! Alors Elan a une idée : il invente le bibliobus de la forêt ! Il fait le plein de livres à la bibliothèque et commence sa tournée ! Mais voilà, il y a un problème de taille : les animaux de la forêt ne savent pas lire ! Rien n’arrête Elan : il apprend à lire à Ourse qui apprend à Blairelle qui apprend à Renard et ainsi de suite, jusqu’à ce que tous les animaux sachent lire à leur tour. Et puissent désormais venir emprunter des livres au bibliobus.

Que j’aime cet album, tout d’abord pour ces illustrations incroyables qui sont un hommage vivant à la nature, aussi bien au végétal qu’à l’animal ! Et puis pour Elan, cet être que rien n’arrête, d’une générosité précieuse, prêt à tout pour faire vivre à toutes et à tous l’incroyable invitation au voyage qu’est une belle histoire !

Le Bibliobus, Inga Moore, Pastel, 2021.

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Pour les plus jeunes, cette fois, j’aimerais vous parler d’un autre très bel album La bibliothèque de la forêt de Seoha Lim. Un album très délicat, tout en douceur, qui nous invite à visiter une bibliothèque pas comme les autres, une bibliothèque située au milieu des arbres. Pas de murs, de portes ou de fenêtres cette fois, mais simplement la nature. Là les animaux peuvent venir lire, se reposer, écouter des histoires, assister à des spectacles, dessiner, construire des cabanes.

Un album très poétique qui rend hommage à ce qui fait le coeur battant de ces endroits que je chéris tant : un endroit où se retrouver, où se poser, les uns à côté des autres, et où même sans se parler, on est ensemble.

La Bibliothèque de la forêt, Seoha Lim, maison Eliza, 2020.

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Vous l’aurez compris, pour moi le livre est à la fois un moyen de voyager inédit et une destination sans pareil ! Que de promesses de voyages m’attendent donc encore sur les rayonnages des boîtes à livres d’ici et d’ailleurs et dans les bacs colorés des bibliothèques du monde entier ! Des promesses que je vous invite à venir écouter en poussant la porte de ces lieux publics, ouverts ou fermés, qui vous feront voyager en humanité.

Billet d’été – Le premier pas du voyage

C’est bien connu, les voyages forment la jeunesse, de corps comme d’esprit.
Et si tous débutent par un premier pas, nous ne pouvons savoir jusqu’où ils vont nous mener.

La sélection de Blandine nous emmène sur les chemins et les routes, à pied ou en transports, en vacances, en voyage, seul ou accompagné, entre découvertes, rencontres et retrouvailles, de l’Autre et, surtout, de Soi.

Départ et poursuite

Cette nuit on part en vacances. Charlotte BELLIERE et Ian DE HAES. Alice Editions, 2020

Tout est dans le titre de ce bel album au format à l’italienne.
Les vacances ne commencent pas dès l’arrivée à destination, mais bien dès que la voiture commence à rouler, dès le voyage, et davantage quand il se fait de nuit où les perceptions sont autres.

Entre quelques phases de sommeil, les lumières si particulières enchantent notre petit narrateur qui transforme les différentes étapes du trajet en épiques scènes d’aventures.
Les illustrations aux teintes nocturnes nous baladent tour à tour entre intimité et immensité, entre cadre de la fenêtre ou pleines pages immersives, entre souvenirs et rêveries.

Son avis complet ICI.

Le Tour du Monde en 80 jours. Jean-Michel COBLENCE et Younn LOCARD, Casterman, 2020

Voici le roman de Jules Verne ici adapté en BD (Prix du meilleur album Angoulême de 2020) pour nous restituer l’extraordinaire pari du fortuné Philéas Fogg qui entend bien profiter des nombreuses avancées technologiques en matière de transports pour faire le Tour du Monde en 80 jours.

Bien que réduite, leur formidable épopée reste très fidèle au récit initial dont sont conservés les moments forts. Le texte est sobre, à l’image de Philéas, et adopte un vocabulaire varié riche de considérations de l’époque. Le graphisme au trait fin foisonne de détails, avec un peu de comique, pour notre plus grand plaisir !

Sa chronique LA.

Road-trip : Du voyage à l’apprentissage

Sur mon chemin. Nancy GUILBERT et Séverine DUCHESNE. Alice Jeunesse, 2022

S’inspirant des haïkus, ces petits poèmes japonais qui, en si peu de mots, saisissent toute l’évanescence d’un moment, d’une émotion, et leur empreinte pourtant si profonde sur nous et le temps, Nancy Guilbert et Séverine Duchesne illustrent en mots et images-objets le départ d’un petit garçon vers Sa Vie.

Onirisme des mots, beauté de la Nature, impressions philosophiques, clins d’œil variés, illustrations délicates pour dire la vie et ses traversées, les rencontres et les étapes, la confiance et l’imprévu, la quête identitaire et l’autonomie.

D’apparence simple, cet album, aussi universel qu’intime, est un trésor qui permettra à chacun de trouver ses résonnances et références.

L’article complet ICI.

Au bout du voyage. Meg ROSOFF. Albin Michel Jeunesse, 2014

Mila et ses parents, Gil et Marieka, viennent pour les vacances aux Etats-Unis chez le meilleur ami de son père, Matthew. Mais ce dernier est parti avant leur arrivée, sans mot dire, comme s’il fuyait.
Gil, Mila et Honey, la chienne de Matthew, prennent alors la route vers un chalet au nord de l’état, dans lequel Matthew pourrait se trouver.
Commence alors une véritable quête, géographique et émotionnelle, troublante et révélatrice, ponctuée de discussions favorisées par une météo capricieuse.

Mila, mature malgré ses douze ans, découvre son père sous un nouvel angle et s’interroge sur le décalage des générations, les relations humaines, l’amitié, l’âge adulte, sur ce qui demeure et change alors que la vie, les idéaux de jeunesse et les gens passent.

L’avis complet LA.

La nuit où les étoiles se sont éteintes. Nine GORMAN et Marie ALHINHO. Albin Michel Jeunesse, 2021

Ado cabossé et rebelle, Finn ne croit pas en l’avenir. Il vit au jour le jour, fait ou ne fait pas les choses, fume de la weed et gagne de l’argent en travaillant au café mais surtout dans des combats clandestins pour payer l’avocat de sa mère, qui est en prison. Renvoyé de différentes familles d’accueil, il arrive finalement à la Nouvelle-Orléans chez Cliff, son oncle musicien qu’il ne connaît pas, et intègre bon gré et surtout mal gré une bande de potes au lycée composée de Kenna, Nate, Kurt et Jaeger.

Tout au long de chapitres à la temporalité croisée, nous suivons l’arrivée de Finn et la construction de leur relation ensemble et à chacun, comme leur road-trip à eux tous l’été qui précède la poursuite de leurs études supérieures.

De nombreux thèmes identitaires et difficiles se révèlent au fur et à mesure, rendant les personnages attachants et si réels dans leurs doutes, fragilités, tâtonnements et espérances.

Découvrir l’Humanité par le prisme d’autres êtres ou objets

Il n’y a pas que les Humains qui vont de par le monde et ceux qui sont les voyageurs de ces trois livres ont un fort pouvoir d’évocation et de révélation sur les relations qu’ils entretiennent avec eux et eux avec la Nature.

La Perle. Anne-Margot RAMSTEIN et Matthias ARÉGUI. La Partie, 2021

Le personnage principal de cet album sans texte n’est pas l’humain, mais une perle. Une perle qui va entreprendre un long voyage, à l’échelle d’une vie, à la fois trépidant, angoissant et merveilleux. Un voyage qui nous invite à observer, d’une manière rapprochée ou plus élargie, nos habitudes, nos consommations, nos loisirs, nos espoirs, nos goûts ici ou ailleurs…

Nous invitant à revoir nos perspectives, cet album aussi élégant qu’étonnant nous rappelle combien nous sommes tous liés, qui que nous soyons et d’où que nous soyons.

A l’Ombre du Grand Arbre, nous l’avons tellement aimé que nous en avons fait une Lecture Commune à retrouver ICI.

De l’autre côté de la mer. Yukiko Noritake. Actes Sud Junior, 2022

La mer nous permet de se nourrir, de voyager, de vivre des aventures, de nous apaiser.
Pourtant nous la blessons par nos activités de loisirs, consuméristes et commerciales, par nos gestes et objets quotidiens en apparences anodins et qui, pourtant, la polluent toujours plus.

La mer nous lie et nous relie et l’autrice nous le montre avec cet album grand format à double entrée.
En deux endroits du monde, deux enfants du même âge interrogent leur père sur ce qui se trouve de l’autre côté de l’océan. D’un côté, comme de l’autre de l’album, au fil de leurs réponses qui convoquent souvenirs et connaissances, les illustrations pleine page se meuvent, se remplissent, transforment les paysages. Et le lien indubitable entre tous sur Terre se fait évident.
La mer nous unit, nous permet de nous rencontrer, mais colporte également ce que nous y laissons…
Cet album permet une prise de conscience et un débat écologique plus que nécessaire.

Bulle ou la voix de l’océan. René FALLET. Folio Junior, 1987

Bulle est un magnifique coquillage de l’Océan Indien qui vit dans le Quartier de Lune.
S’il est doué de pensées, Bulle ne peut se déplacer seul et s’en désepère.
Par un extraordinaire concours de circonstances, Bulle, arrive sur un bateau pirate avant d’être amenée sur la terre ferme où elle est vendue, volée, reprise, achetée, choyée, oubliée, délaissée puis comprise avec Petit-Pierre.

Bulle ou la Voix de l’Océan est un très beau roman d’aventures, d’apprentissage et d’amitié, du temps de la flibuste, qui regorge de métaphores et de réflexions sur le besoin d’avoir, sur les apparences et les illusions, l’espoir et l’évidence, sur les relations entre les hommes et avec la nature, et notamment la mer.
L’écriture est tendre, facétieuse, parfois cruelle, toujours poétique.

Son avis complet ICI.

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Pour clore cette sélection, Blandine vous propose deux films, des adaptations aussi belles que réussies de deux romans.

Sur les chemins noirs. D’après le roman éponyme de Sylvain Tesson. Avec Jean Dujardin (2023)

Suite à une chute de plusieurs étages qui le laisse un peu diminué, Pierre remet sa vie en perspective.
Ecrivain à succès, flambeur et fêtard à qui tout sourit, il décide d’entreprendre un long voyage à pied : traverser la France du Mercantour au Cotentin. Seul.
Ce voyage, c’est celui de la renaissance, du nouveau départ, et de sa reconnexion à l’essentiel et à lui-même.
Pierre est bourru et pas spécialement attachant, mais il s’attendrit. Il est parfois rejoint dans sa marche, ce qui l’ouvre.
Les paysages sont magnifiques, Jean Dujardin tient parfaitement son rôle, et le film est vraiment émouvant.

L’Improbable voyage d’Harold Fry (2023) D’après le roman de Rachel Joyce, La lettre qui allait changer le destin d’Harold Fry arriva le mardi…

Harold Fry, retraité, reçoit un matin une lettre de son ancienne collègue Queenie qui lui annonce qu’elle est gravement malade.
Tant bien que mal, il rédige une réponse, forcément maladroite et qui ne le satisfait pas. C’est aussi pourquoi il n’arrive pas à poster sa lettre. Aussi va-t-il de boite postale en boîte postale jusqu’à appeler d’une cabine téléphonique la Maison de Santé où se trouve Queenie pour annoncer qu’il arrive, qu’il se met en marche dans l’instant et qu’elle doit tenir bon. « You will not die. Die you will not. » sera désormais son mantra.
Et il part comme ça, avec juste sa veste sur le dos et ses mocassins, son portefeuille et sans prévenir sa femme.
Le voyage sera long, 800 km, mais il va en sortir transformé.
Seul face à lui-même, il repasse le film de sa vie, ses échecs surtout, et fait des rencontres mémorables et empreintes d’humilité.
En parallèle, nous sommes aussi avec sa femme, laissée ainsi. Et nous comprenons comment ils en sont arrivés à vivre dans un quotidien sans aucun éclat, minuté, triste.

Jim Broadbent (qui a incarné le Professeur Horace Slughorn dans Harry Potter) livre ici une magnifique, émouvante et sincère prestation.

Son article complet sur le roman ICI

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La semaine prochaine, c’est Colette qui vous emmènera en voyage. D’ici là, retrouvez les billets de Linda qui prend le train, de Liraloin qui nous invite au voyage intérieur, et de Lucie qui nous emmène en Amazonie.

Billet d’été : En train… jusqu’au bout du monde !

Pour aborder les vacances par le biais des voyages, Linda vous propose une sélection d’ouvrages qui emmènent au bout du monde et mettent les sens en éveil, à bord de trains exceptionnels. Embarcation immédiate !

The Hogwart Express, Jim Kay Illustration pour Harry Potter and the Goblet of Fire.

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Des trains incroyables

Pour commencer notre voyage, voici des albums pour découvrir cette incroyable invention qui a permis aux foules de se déplacer et, tout spécialement, des trains célèbres de part le monde, sorte de catalogue pour les amoureux des transports ferroviaires et les curieux de tout âge.

Les trains racontés aux enfants, Philippe Godard, La Martinière jeunesse, 2022.

Voilà le livre idéal pour tout connaître de la grande histoire du chemin de fer et des trains depuis leur invention jusqu’aux toutes dernières modernisations technologiques qui en font des moyens de transports rapides, confortables et plus écologiques. On appréciera le format richement illustré de gravures, peintures, photographies et autres schémas qui mettent en lumière cette invention extraordinaire qui a changé la vie des travailleurs pour devenir un moyen de se déplacer sur de très longues distances. Passionnant !

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Trains Mythiques autour du Monde, Olivier-Marc Nadel, La Martinière jeunesse, 2012.

De l’Orient-Express au Shinkansen, en passant par le Rovos Rail, le Canadien ou encore El Chepe, Trains mythiques autour du monde propose de découvrir dix trains exceptionnels. Que ce soit pour leur confort, la distance qu’ils parcourent chaque année ou leur parcours improbables, chacun de ces trains a quelque chose d’unique et offre un voyage stupéfiant.
Cet album propose par ailleurs l’avantage d’être accessibles aux plus jeunes grâce à ses pages cartonnées. Le texte est assez succinct et présente chaque train au travers de sa localisation, son parcours, sa mise en circulation tout en proposant des anecdotes telles que les personnalités célèbres qui ont pu voyager à bord ou un accident survenus, les haltes ou encore le nombre du tunnels traversés…

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Des trains autour du monde…

… dans des albums qui invitent au voyage et à la découverte.

Le Transsibérien – Départ immédiat pour l’autre bout du monde, Alexandra Litvina & Anna Desnitkaïa, Rue du Monde, 2021.

Le transsibérien est le train qui parcourt le plus grand trajet du monde en reliant Moscou à Vladivostok en six jours. 9000 km ! Un voyage unique en son genre ponctué de cent-quarante-six étapes réparties sur quatre continents. Les autrices proposent de découvrir trente-six villes étapes pour mieux nous faire découvrir la richesse de la Russie au travers de son histoire, sa culture, ses paysages, sa cuisine, etc. Le tout du point de vue de soixante-seize personnes avec qui elles ont entretenu une correspondance de deux ans faites d’échanges d’informations, d’anecdotes et de photographies. Le tout venant nourrir leur créativité et donnant la forme à ce voyage peu ordinaire.

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Ces deux albums très grand format sont une véritable invitation au voyage à travers un Japon dont la culture se reflète au fil des pages dans la vie du train, véritable ville roulante. Trains imaginaires, ces transports sont d’une richesse graphique incroyable, attirant l’œil par la multitude d’objets et personnes. Chaque wagon est comme une petite maison, un magasin, un restaurant où tradition et modernité se côtoient pour notre émerveillement. Ces trains avancent au fil des saisons dans des illustrations à la végétalisation éclatante et s’achèvent dans une véritable explosion de couleurs !

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Des trains qui font voyager leurs héros

Parce que les héros prennent aussi le train et qu’il est plaisant de pouvoir s’imaginer à leur place ou de les aider à y résoudre des énigmes, voici des romans pour les plus grands.

Le tour du monde en quatre-vingts jours de Jules Verne, Mame, 2023 (pour la présente édition)

Le tour du monde prend la forme la plus complète dans ce classique de Jules Verne, incontournable parmi les incontournables. Le voyage ne se fait pas essentiellement en train mais c’est un moyen de transport pourtant mis en avant dans cet aventure. Le texte met en avant une course contre la montre pour boucler un voyage autour du monde qui, pour l’époque, est une véritable révolution. La Révolution Industrielle a apporté son lot d’innovation et le chemin de fer fait parti de celles qui ouvrent le monde aux hommes, leur permettant de parcourir des distances importantes en peu de temps. Par ailleurs, l’aventure de Phileas Fogg et Passepartout est palpitante et ne manque pas de rebondissements, elle ouvre par ailleurs sur le monde et fait voyager !

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Le crime de l’Orient-Express, Agatha Christie, Le livre de poche jeunesse, 2014.

Amateurs d’enquêtes policières, ce voyage à bord de l’Orient-Express ne te laissera pas indifférent. Alors que le célèbre Hercule Poirot voyage à bord de ce train de luxe, un crime est commis. La victime a été poignardé et les douze passagers à bord semblent suspects. Le train se retrouve bloqué par la neige, laissant le temps au détective belge de tout faire pour démasquer le coupable.
L’un des romans les plus célèbres d’Agatha Christie prend place dans un train célèbre qui parcoure l’Europe. Malgré la tournure macabre des événements, l’écriture reste accessible aux lecteurs de plus de dix ans, qui ne manqueront pas de chercher de démêler les nœuds de cette affaire !

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Bonnes vacances !

Billet d’été : A la découverte de l’Amazonie

Cette année, les arbronautes ont envie de vous emmener en voyage !

Les séjours en littératures ont le grand avantage d’être peu couteux, tant économiquement qu’écologiquement. Cela nous laisse donc la possibilité de vous proposer des destinations lointaines, voire même imaginaires.

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C’est Lucie qui inaugure le carnet de voyage du Grand arbre en vous proposant quelques livres pour partir à la découverte de l’Amazonie.

L’Amazonie, pour l’Etat brésilien, c’est le bassin versant de l’Amazone. Soit une immense région de 6,1 millions de km² qui renferme 40% des forêts tropicales de la planète, tout en incluant d’autres écosystèmes : en amont, la haute montagne où pas un arbre ne pousse ; près des cours d’eau, de vastes prairies inondables ; le long de l’Atlantique, une impénétrable mangrove, et au sud, les vastes savanes arborés du Cerrado, déjà en grande partie transformées en culture de soja.

L’Amazone, Fleuve de la biodiversité de Marie Lescroart, illustrations de Catherine Cordasco, Editions du Ricochet, 2021.

Pour mieux connaître la région et ses spécificités, l’idéal est de commencer par la lecture d’un documentaire. L’Amazone, Fleuve de la biodiversité de Marie Lescroart a le mérite d’aborder tous les aspects du fleuves, que ce soit son histoire, sa géographie, la faune, la flore, mais aussi les traditions des peuples qui vivent sur ses rives. Un peu à la manière d’un guide de voyage, une présentation riche qui donne les clés de la régions.

L’Amazone, Fleuve de la biodiversité de Marie Lescroart, illustrations de Catherine Cordasco, Editions du Ricochet, 2021.

Son avis complet ICI.

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Une fois les éléments concrets découverts, partons pour une aventure trépidante comme sait si bien en écrire Davide Morosinotto ! La fleur perdue du Chaman de K appartient à la trilogie des romans-fleuve dont nous avons déjà parlé lors d’une lecture commune. S’il commence dans les Andes, une grande partie prend place en Amazonie et utilise à plein sa culture et ses mystères.
En plus de nous replonger dans les années 80 et de jouer sur la typographie, l’auteur nous entraine dans une quête passionnante aux côtés de Laila et de El Rato. Un incontournable !

La fleur perdue du chaman de K, Davide Morosinotto, L’école des loisirs, 2021.

Les avis d’Isabelle, de Linda et de Lucie.

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Avec La sentinelle, Claire Clément choisit de mettre en lumière un fait peu connu des habitants de métropole : en Guyane française, le taux de suicide des collégiens est dramatique. Ses deux héros sont issus d’un village du Haut Maroni, au cœur de la forêt amazonienne. Le collège étant trop éloigné de leur habitation, ils sont forcés de s’installer en ville dans une famille d’accueil le temps de poursuivre leurs études, et ne peuvent rentrer chez eux que lors des vacances. Cette situation, subie, entraine en déracinement et une perte de repères qui influe fortement sur leur moral. Le rôle des sentinelles est de prévenir les situations pouvant mener au drame.

La sentinelle de Claire Clément, illustrations de Alca, Editions du pourquoi pas, 2023.

L’avis complet de Lucie ICI.

La plupart des scientifiques, eux, nomment « Amazonie » la forêt tropicale humide d’Amérique du Sud. Sa superficie […] atteint 7,7 millions de kilomètres carrés, soit la surface de l’Australie !

L’Amazone, Fleuve de la biodiversité de Marie Lescroart, illustrations de Catherine Cordasco, Editions du Ricochet, 2021.

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Enfin, c’est le mystérieux chamanisme (aussi présent dans La fleur perdue du chaman de K, comme son titre l’indique) qui est au cœur de L’enfant-jaguar d’Anne Sibran. Il faut laisser de côté son esprit rationnel et sa culture occidentale pour apprécier cet album aux illustrations envoutantes. Car, comme c’est la tradition dans sa famille, un enfant de huit ans est laissé un mois seul dans la forêt pour apprendre ses secrets et ses ressources.

L’enfant jaguar de Anne Sibran, illustrations de Benjamin Bachelier, Gallimard Jeunesse, 2022.

L’avis de Lucie.

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Nous espérons que cette première étape vous a plu. La semaine prochaine, Liraloin vous proposera un voyage intérieur !