Les métiers du livre : être libraire jeunesse

Après l’interview de Liraloin, bibliothécaire, ainsi qu’Aurélien et Héloïse, professeur(e)s – documentalistes, nous avons eu le plaisir d’interviewer Alexiane une jeune libraire dynamique pour vous partager son métier et sa passion !

Alexiane (à droite) et son employée Clara devant la superbe vitrine de la librairie les Trois Brigands

Pourquoi avoir choisi le nom des « Trois Brigands » ?
Le nom de la librairie est inspiré du titre d’un album de mon enfance, Les Trois Brigands de Tomi Ungerer. C’est un livre paru dans les années 60, qui est assez précurseur dans la littérature jeunesse. Là où aujourd’hui les propositions sont très riches, avec de nombreux illustrateurs et auteurs, c’était bien moins le cas à l’époque. C’est un album qui parle à beaucoup de gens et qui, à mon avis, est intergénérationnel. Posez la question autour de vous, je suis sûre que des personnes de votre entourage connaissent ce titre. J’avais envie de partager cela avec ma clientèle et de faire en sorte que le nom de ma boutique évoque notre enfance. Après tout, je suis spécialisée dans la littérature jeunesse.
J’ai réfléchi pendant plusieurs mois avant de choisir le nom de ma boutique. Ce n’est pas une tâche simple : tout notre entourage a ses propositions et des avis divergents. Après plus d’une centaine d’idées et de suggestions, je me suis finalement arrêtée sur celle-ci.

Le métier de libraire sonne comme la réalisation d’un rêve d’enfant, est-ce effectivement le cas pour vous ?
J’ai toujours adoré m’évader dans des mondes imaginaires, mais c’est véritablement au collège que ma passion pour la lecture s’est développée. C’est une amie qui m’a encouragée à rejoindre un club, un peu comme le vôtre. Aujourd’hui, elle aime dire que j’ai trouvé ma voie grâce à elle (et elle n’a pas tout à fait tort).
Pour la petite anecdote, je n’aimais pas particulièrement lire auparavant. Mais, comme tous les lecteurs, il y a un « livre déclic », celui qui nous fait découvrir le plaisir de la lecture. Pour moi, c’était L’Ordinatueur de Christian Grenier, un grand merci à ma professeure de français.


Bref, ma passion s’est véritablement affirmée au collège puis au lycée, et j’ai rapidement compris que je voulais que cette passion devienne bien plus qu’un simple loisir : je voulais en faire mon métier. À mon avis, pour être libraire, il faut être passionné. Sans cette passion, ce métier n’a pas de sens.

Quel a été votre parcours pour parvenir à transformer cette passion en métier ?
J’ai suivi une licence Métiers du livre, spécialisée en librairie, à Clermont-Ferrand pendant deux ans après avoir obtenu un BAC ES. Durant ces deux années, j’ai réalisé plusieurs mois de stage dans différentes librairies, ainsi que du bénévolat dans des salons du livre, comme celui dédié au carnet de voyage, qui fut une belle découverte. Cependant, après ces deux ans, je souhaitais une formation plus axée sur la pratique.
J’ai donc intégré l’université d’Aix-Marseille pour une licence professionnelle Librairie en alternance. Cette dernière s’est déroulée au café-librairie « Les Parleuses » à Nice. Ce fut une année que j’ai énormément appréciée, car je pouvais mettre en pratique la théorie apprise. On a beau posséder de nombreuses connaissances, être face à un client est bien plus formateur. À la suite de cette alternance, j’ai été embauchée en CDD pour une durée de six mois.
Malheureusement, avec la pandémie de Covid-19, les contraintes financières n’ont pas permis de prolonger mon contrat. Durant ces années d’expérience, j’ai particulièrement aimé travailler dans le rayon jeunesse, et je tenais à me spécialiser dans ce domaine.
J’ai donc recherché un poste de libraire jeunesse dans toute la France afin de trouver un emploi qui me correspondait réellement. Même si la France compte un peu plus de 3 000 librairies indépendantes, il n’est pas simple de trouver un poste vacant. Je ne pouvais donc pas me limiter géographiquement si je voulais décrocher un poste précis.
J’ai finalement été embauchée à La Maison du Livre à Rodez, dans l’Aveyron, une grande
librairie indépendante de plus de 800 m². Là-bas, je gérais le rayon jeunesse, avec plus de 16 000 références, les animations, les stocks, les rencontres et la communication, le tout avec l’aide de deux collègues.

Ce fut une expérience extrêmement enrichissante, ponctuée de magnifiques rencontres.
Cependant, après plus de trois ans passés dans cette librairie, j’ai ressenti l’envie de me lancer et de créer ma propre librairie, à mon image.

Quelle est la tâche que vous préférez dans votre métier ?
Sans hésiter, le conseil client ! J’adore raconter des histoires, partager mes lectures et donner envie de lire. J’aime particulièrement lorsque qu’un client revient me dire qu’il a adoré l’histoire, qu’on a trouvé LE livre parfait pour lui.

Celle que vous aimez le moins ?
En tant que gérante de la librairie, il y a beaucoup de paperasse à gérer et de comptabilité, qui ont toujours tendance à s’accumuler si l’on traîne. C’est indispensable, donc je le fais vite pour m’en débarrasser, mais ce n’est clairement pas une partie de plaisir.
Si je devais mentionner autre chose qui ne concerne pas directement le poste de gérante, je dirais la manutention. C’est une tâche peu visible, car elle fait partie des aspects un peu cachés du métier. Pourtant, je reçois plusieurs cartons de livres par jour, parfois même jusqu’à une tonne de livres pendant les périodes de forte activité. Je transporte donc constamment des charges lourdes sans forcément prêter attention à mes mouvements, ce qui m’a déjà valu plusieurs blessures. C’est malheureusement monnaie courante dans ce métier : aucun libraire n’y échappe !

Lorsque certains clients n’ont aucune idée, quels sont « vos secrets » pour conseiller LE livre qui plaira ?
Un client a toujours une petite idée, même s’il n’en a pas forcément conscience. Mon « secret », si je reprends votre terme, est de poser des questions pour comprendre ce qui pourrait lui convenir. Par exemple : Pour qui recherchez-vous un livre ? Est-ce pour vous ou pour quelqu’un d’autre ? Quels sont les goûts de cette personne ? Quel est le dernier livre qu’elle a apprécié ?
Préférez-vous partir sur un roman, une bande dessinée ou un album ?
En fonction des réponses, je me dirige vers un rayon adapté aux attentes du client pour lui présenter des ouvrages susceptibles de lui plaire. En général, on repère rapidement, à l’expression du client, si cela lui convient ou s’il faut explorer d’autres options.
Si cette méthode ne fonctionne pas, parce que le client a du mal à répondre aux questions, je lui montre une sélection de livres très variés et lui demande ce qui lui plairait le plus. Cela me permet ensuite de lui proposer d’autres ouvrages dans le même esprit.
Chaque client est unique : il n’y a jamais deux fois la même demande, et il faut savoir s’adapter à chacun. Mais c’est aussi ce qui rend le métier passionnant, car aucune journée ne se ressemble.

Quel est le livre que vous lisez actuellement ? Et votre dernier coup de cœur ? Puisqu’il est impossible de tout lire, comment choisissez-vous les titres auxquels vous accordez votre attention ?
Je reçois énormément de services de presse de la part des éditeurs : des livres qu’ils nous envoient gratuitement pour que nous puissions les lire et mieux les vendre. Pour vous donner une idée, je reçois environ 40 romans par mois (et je ne parle ici que des romans).
Heureusement, je ne reçois pas tous les livres qui paraissent, sinon je ne m’en sortirais pas.
Vous vous en doutez, il est impossible pour moi de lire 40 romans par mois, à moins de ne faire que ça de mes journées. Alors, ma règle est de lire les 50 premières pages de tous les romans que les éditeurs m’envoient. Je considère qu’ils ont fait l’effort de m’envoyer un livre
gratuitement, donc je me dois de jouer le jeu de mon côté. Je ne termine que les livres qui me plaisent vraiment et que j’ai envie de finir. Je pense que se forcer à lire tue l’envie et le plaisir de la lecture.
Je choisis donc les livres que j’ai envie de lire. Par exemple, j’adore les romans fantastiques, alors j’ai tendance à en lire davantage, contrairement aux romances, qui me plaisent moins, sauf lorsqu’elles sont tragiques. Comme tout le monde, j’ai mes propres goûts littéraires.
Ainsi, j’ai toujours plusieurs lectures en cours (environ une dizaine). Si je devais en choisir un parmi ceux que je compte terminer, je dirais Les Adelphides d’Alice Dozier. Je l’ai commencé hier [Alexiane a répondu à cet entretien en mars], et il m’a bien captivé. Enfin, même si je lis beaucoup et que j’ai aimé plusieurs livres, pour moi, un coup de cœur doit surpasser les autres. Je citerais un livre lu pendant la période de Noël : Songlight de Moira Buffini.
C’est un excellent roman de science-fiction dystopique (j’adore les dystopies) qui explore la valeur de l’authenticité et la liberté d’être soi-même.

Avez-vous un livre de chevet et si oui lequel ?
Oui, mon livre préféré est Azul d’Antonio Da Silva. J’adore la façon d’écrire de cet auteur : des chapitres courts, une lecture fluide et rapide, avec du suspense et des rebondissements à chaque page. Il nous embarque dans son univers, nous mène en bateau, et on en ressort toujours avec une multitude de questions. J’ai beau le relire, je me fais toujours happer de la même manière.
Pour vous en donner un aperçu : on suit Miguel, un jeune garçon vivant au Portugal, qui a un don un peu particulier : il peut traverser les tableaux. Son objectif est de corriger les plus petites erreurs des chefs-d’œuvre de la peinture. Mais tout ne se déroule pas comme prévu. Des événements étranges commencent à survenir dans sa vie quotidienne. Miguel en vient à se demander : si lui peut entrer dans les tableaux, est-il possible que quelque chose en sorte ?
Toute la question de ce roman est : qu’est-ce qui est réel ? C’est un récit qui mêle aventure, enquête policière, romance et suspense.
L’auteur vient de sortir un nouveau roman, Les Oublieux. Il est déjà sur ma pile à lire, et j’ai hâte de m’y plonger !

Est-ce que les chiffres de vente influencent vos commandes ?
Cela dépend si l’on parle des chiffres de vente réalisés dans ma librairie ou de ceux à plus grande échelle (mondiale, nationale, etc.). Par exemple, si un auteur que j’apprécie ou qui se vend bien dans ma librairie sort un nouveau livre, je vais plus facilement en commander
plusieurs exemplaires. En revanche, si je me base plutôt sur les chiffres de vente à l’international pour une traduction, je ne vais pas forcément en commander beaucoup. Certains livres se vendent très bien à l’étranger, car ce sont des lectures populaires là-bas, mais ce n’est pas forcément le cas chez nous. Cela dépend vraiment de l’ouvrage.
Lorsque je travaille sur un nouveau titre, j’essaie de tenir compte de ma clientèle et d’estimer le nombre de personnes qui pourraient être intéressées par le livre. Voici plusieurs critères que je prends en considération :

  • Si l’éditeur prévoit une importante campagne de presse,
  • S’il m’envoie un service de presse,
  • Si l’auteur est particulièrement populaire en ce moment,
  • Si c’est le nouveau tome d’une série qui fonctionne bien (par exemple, le prochain Hunger Games : Lever de soleil sur la moisson),
  • Si le livre est adapté au cinéma,
  • Si le sujet résonne avec une actualité récente,
  • Et également l’éditeur lui-même, car d’un éditeur à l’autre, la qualité des livres et les moyens financiers pour les promouvoir varient.

Cela peut paraître un peu complexe, mais c’est vraiment un travail de gestion que j’ai appris durant ma formation. Malgré tout, il reste difficile de tout anticiper. Parfois, un livre devient soudainement très populaire sur les réseaux sociaux, et cela peut être imprévisible. Dans ces cas-là, il arrive souvent que le livre tombe en rupture de stock, car même l’éditeur n’a pas pu l’anticiper. Ce fut le cas pour Mille Baisers pour un Garçon ou encore Et Ils Meurent Tous les Deux à la Fin.

Comment décidez-vous de vos vitrines ? A quelle fréquence les modifiez-vous ?
J’ai deux vitrines qui donnent sur deux rues. Je les change environ tous les mois, en fonction des thématiques actuelles, des grandes nouveautés, ou encore d’un thème que nous avons envie de mettre en avant. J’aime beaucoup faire cela, car cela nous permet de laisser parler notre créativité et nos envies.
Par exemple, en ce moment, il y a une vitrine « Team Chien ou Team Chat » et une vitrine sur les jeux. Mais j’ai déjà réalisé des vitrines sur : le chantier, la danse, les dinosaures, les cochons, l’histoire, la mer, les loups et bien d’autres encore.
Il arrive parfois qu’un éditeur lance un concours de vitrines avec des lots à gagner afin de mettre en avant ses publications.

Êtes-vous présentes sur les réseaux sociaux ? Avez-vous un site internet ? Pourquoi ?
Oui, nous sommes présents sur Instagram et Facebook. J’ai également lancé, il y a une semaine, un site internet :
www.lestroisbrigands.com
J’ai souhaité créer un site très complet. Il permet de consulter le stock de la librairie, de créer des listes d’envies, de commander les livres qui ne sont pas en magasin ou de réserver ceux qui s’y trouvent. Il est également possible de payer en ligne et de se faire expédier les ouvrages. Ce site me sert aussi de plateforme d’information et d’agenda pour ma clientèle.
J’essaie d’être très active sur les réseaux sociaux et sur le site internet, car aujourd’hui, le numérique a pris une place importante. Pour fidéliser les jeunes, il est essentiel d’être le plus visible possible sur les plateformes. C’est beaucoup de travail, car cela demande du temps : veille, tournage de vidéos, photos, montage, création d’affiches, etc. J’endosse de nombreuses casquettes, tout comme ma salariée Clara, afin d’assurer une visibilité indispensable de nos jours.

Et pour compléter cette visibilité numérique, organisez-vous des animations autour du livre et de la lecture dans et hors les murs ? Et si oui quelles sont les étapes de préparation ?
Les animations sont indispensables pour faire vivre un commerce, et encore plus dans une librairie pour enfants. En moyenne, j’organise une animation par semaine. Par exemple, nous proposons deux fois par mois des séances « bébé lecteur » pour les enfants de 6 mois à 3 ans (albums en anglais et en français). Depuis ce mois-ci, nous organisons également un atelier créatif par mois, en commençant avec un atelier de bracelets brésiliens. Il y a aussi des goûters-lecture pour les enfants de 4 à 7 ans.
Pour le reste des animations, comme les rencontres avec des auteurs et les dédicaces, cela dépend des opportunités. Soit nous démarchons un auteur, soit c’est lui qui nous contacte, et nous acceptons de le recevoir. Ces événements engendrent des frais supplémentaires à prendre en compte. Il faut donc trouver un équilibre : inviter suffisamment d’auteurs pour montrer à la clientèle que le lieu est vivant, mais pas trop pour éviter d’être à perte.
La préparation varie en fonction des animations. Pour les goûters-lecture, je sélectionne des ouvrages qui m’ont plu et m’entraîne à les lire à voix haute une fois, généralement la veille si j’ai le temps. C’est un exercice que je fais régulièrement, donc j’ai pris l’habitude et je peux improviser si besoin.
Pour les ateliers créatifs, étant plutôt manuelle, je maîtrise pas mal de techniques. Je combine généralement mes connaissances et les suggestions des éditeurs. Quant aux rencontres avec les auteurs, je m’assure de lire leurs livres au préalable. Si un échange de questions est prévu, je prépare mes questions au fur et à mesure de ma lecture pour ne rien oublier avant de faire le point.
Pour ce qui est des animations « hors les murs », j’ai participé à la Fête du Livre du Var en novembre, mais je ne considère pas cela comme une animation, plutôt comme un salon.

Travaillez-vous en partenariat avec le(s) école(s), le(s) collèges, lycée(s) de votre ville ?
Oui, je travaille avec plusieurs collectivités, le lycée Bonaparte, ainsi que les médiathèques de Sanary et de Bandol. Il est important de collaborer avec toute la chaîne du livre, car cela permet de toucher un plus grand nombre de lecteurs.
Pour certains partenariats, la librairie doit répondre à des marchés publics. Concrètement, la mairie publie une offre pour une bibliothèque donnée, et toutes les librairies peuvent y répondre afin d’obtenir ce marché. Nous devons alors proposer les meilleurs arguments pour remporter le marché. C’est encore un peu difficile pour moi de m’imposer face à un géant comme Charlemagne (librairie de taille importante sur la ville), mais je compte persévérer !

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Merci à Alexiane pour sa gentillesse et sa passion ! Nous souhaitons une longue route à sa belle librairie !

Lecture commune : dans l’univers fantastique de la Belle et la Bête

Il existe une multitude de versions de ce conte célébrissime. Depuis Madame de Villeneuve et Madame Leprince de Beaumont, il a été remanié, réécrit, adapté… C’est d’ailleurs la seconde fois que Cécile Roumiguière se prête à l’exercice : elle avait déjà travaillé sur la version de Madame de Villeneuve avec la complicité d’Aurélia Fronty en 2013. De son côté, Benjamin Lacombe avait envie de retrouver l’émotion causée par la découverte du film d’animation de Disney, et les textes originaux ne lui convenaient pas. C’est donc une toute nouvelle version, modernisée que vous proposent les éditions Albin Michel. Et Liraloin et Lucie n’ont pas pu s’empêcher d’en discuter.

La Belle et la Bête de Cécile Roumiguière, illustrations de Benjamin Lacombe, Albin Michel jeunesse, 2025.

Liraloin : Est-ce que la couverture t’a attirées ?

Lucie : En fait n’importe quel livre qui porte le titre La Belle et la Bête m’attire par principe. Je ne sais pas vraiment expliquer pourquoi mais j’ai un attachement particulier à ce conte. Sur cette couverture, l’utilisation de la lumière qui attire l’œil dans le creux du cou de la Belle et l’attitude un peu résignée de la Bête m’ont intriguée. Et toi ?

Liraloin : Mon attachement est purement enfantin car je connais mal ce conte, du moins son caractère originel. C’est le dessin animé que j’ai vu au cinéma à sa sortie qui m’a transporté : une femme, brune : ça change qui lit des livres et qui peut porter de superbes robes. Une héroïne qui lit !!! Cette couverture est très attirante, glauque à souhait ce qui tranche avec notre cerveau trop habitué à la version Disney. Il y a ce mélange gothique et tellement de tendresse dans ce couple. Oui, tu as raison nous avons là une Bête résignée.

Lucie : Mais oui moi aussi, enfin une héroïne roturière qui rejette le bellâtre de service et surtout qui lit. Joie absolue, l’adaptation de Disney ! D’ailleurs, on en parlera mais ce film fait partie des références de Benjamin Lacombe. Et alors, passée cette couverture, coup de cœur ou pas ? Je sais que tu avais quelques réserves avant de le lire et je suis aussi très curieuse de connaître ton ressenti !

Liraloin : J’aime beaucoup l’écriture de Cécile Roumiguière. J’avais eu un énorme coup de cœur pour son roman Les Fragiles. Au salon du livre SLPJ de l’année dernière elle était présente lors de la superbe dédicace pour l’album Les 9 vies extraordinaires de la Princesse Gaya. Elle est discrète, douce. Par contre voilà, je l’avoue je ne suis pas fan du travail de Benjamin Lacombe. Il y a dans ses illustrations une espèce de froideur qui me fige, je n’arrive pas à dépasser cette sensation. Après les albums proposés dans cette collection sont extraordinaires.

Liraloin : Est-ce que tu connaissais Cécile Roumiguière ? Aimes-tu le travail de Benjamin Lacombe ?

Filles de la Walïlü, Cécile Roumiguière, L’école des loisirs, 2020.

Lucie : De Cécile Roumiguière je n’ai lu que Les filles de la Walïlü qui avait été proposé une année pour le prix ALODGA. Je n’avais pas accroché, mais sans détester non plus. Quant au travail de Benjamin Lacombe, son trait est très particulier, je pense que je me souviendrai si j’avais lu quelque chose de lui. J’aime beaucoup ses décors et l’attention qu’il porte à l’éclairage de ses scènes. En revanche, j’ai un vrai problème avec les yeux de ses personnages qui me font penser aux “Big Eyes” de Margaret Keane. Cela donne un côté inquiétant qui n’est pas forcément justifié ici (alors que c’est tout à fait pertinent dans son travail sur Mercredi par exemple). C’est son style, on aime ou pas, mais je pense qu’il ne laisse pas indifférent.

Mercredi par Benjamin Lacombe sur le site 2dgalleries.com

Liraloin : Oui tout à fait je ne comprend pas ici que la Belle soit illustrée ainsi pourtant je suis capable de me détacher de toute image imprégnée par Disney ou autre…

Lucie : Puisqu’on y revient, étant toutes les deux fans du dessin animé de Disney, nous n’avons pas pu manquer les clin d’œil de Benjamin Lacombe à ce film. As-tu apprécié et si oui lequel as-tu préféré ?

Liraloin : Alors malgré mes deux lectures de ce texte et aussi à regarder attentivement à nouveau les illustrations, je n’ai pas compris pourquoi tout d’un coup, dans cet univers Freaks et gothique nous avons Madame Samovar qui apparaît !

Lucie : Je vois ce que tu veux dire. Les souvenirs du film Disney que nous avons ne correspondent pas trop au gothique sombre des illustrations. Encore que dans le dessin animé le château était pas mal inquiétant aussi. C’est ton dernier mot, Madame Samovar ?

Liraloin : Le côté inquiétant est poussé à son extrême aussi ici et du coup ça en fait un détail qui tombe un peu comme un cheveu sur la soupe si je peux dire. De ton côté, comment as-tu perçu ces détails et clins d’œil ?

Lucie : J’ai apprécié retrouver les costumes dont Lacombe a gardé les couleurs. Les autres, type les personnages Madame Samovar, Zip, Lumière, etc. ça tient plus de la blague d’initié. Pas indispensable mais pas gênante non plus pour moi.

Liraloin : Tout comme toi, j’ai apprécié retrouver les costumes mais j’ai aussi été déçue (c’est assez ambivalent comme sentiment) : si nous assistons à une réécriture du conte alors autant y aller franco et imaginer d’autres visages, vêtements…

Lucie : Comme l’a magnifiquement fait David Sala, que nous aimons beaucoup toutes les deux, dans ses illustrations de la version de Madame Leprince de Beaumont, par exemple.

La Belle et la Bête, Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, illustrations David Sala, Casterman, 2014.

Lucie : De mon côté, j’étais un peu inquiète de l’annonce de la réécriture “moderne” du conte. Qu’en as-tu pensé ?

Liraloin : J’ai été très surprise et agréablement, j’ai vraiment apprécié ce travail de recherche, et que Cécile Roumiguière choisisse de s’inspirer de Madame de Villeneuve que de Madame Leprince de Beaumont. De plus, elle y ajoute l’histoire des Gonsalvus dont tu parles dans ta critique sur Babelio. Cette histoire sert de base à cette réécriture car le sort est inversé, comme c’est bien vu ! La Bête est née Bête (pilosité-maladie génétique) et c’est la mère de ce dernier qui convoque un mage pour que son fils soit “normal”.

Lucie : Oui, en fait de “modernisation”, c’est un retour aux sources pour aborder la notion de différence, celle du consentement aussi qui prend plus de place que dans d’autres versions… C’est très intelligemment fait.

Liraloin : D’ailleurs c’est intéressant ce que tu dis là car dans la version illustrée par Aurélia Fronty, Cécile Roumiguière ne se détachait pas du texte de Madame de Villeneuve. Je parle du moment où tous les soirs après le repas la Bête demande systématiquement à Belle si cette dernière accepte qu’il couche avec elle. Ici on est sur une version plus adaptée aux enfants et vue également dans le film de Cocteau.

La Belle et la Bête, Cécile Roumiguière, illustrations d’Aurélia Fronty, Belin éducation, 2013.

Lucie : Oui, ici la Bête pose une question rituelle tous les soirs mais c’est “Voulez-vous m’épouser ?” qui est quand même un peu moins direct !

Liraloin : Autre changement : de l’Europe du Nord, le conte est transposé à Venise. Ce choix t’a-t’il convaincue ?

Lucie : Honnêtement, dans la mesure où les personnages quittent à peine le château (et encore, pour aller chez la Belle), je n’ai pas bien vu l’intérêt. Mais il permet la magnifique illustration brumeuse des pages 48-49 alors… Et puis c’est la ville des amoureux, le père est un armateur, cela peut se justifier. Cécile Roumiguière avait d’ailleurs déjà fait ce choix pour sa version précédente sous titrée Rendez-vous à Venise.

Liraloin : Contrairement à toi, j’ai vraiment apprécié que l’intrigue se passe à Venise, je pense que c’est son côté vaporeux, brumeux et dédales de rues comme les pièces cachées d’un château qui m’a plu. De plus, l’eau noire sur laquelle évolue ce personnage mystère m’a interpellé, apportant un aspect magique en phase avec cette réécriture.

Lucie : Pour moi, l’élément le plus marquant de cet album, ce sont les lettres que se sont écrites la Belle et la Bête pendant leur séparation. Ils ne les ont pas envoyées mais elles sont reproduites à la fin de l’ouvrage. As-tu aimé cette idée ?

Liraloin : J’ai trouvé cette idée très originale dans le sens où notre empathie est directement mise à l’épreuve. On s’éloigne du caractère un peu froid du conte pour tomber et joliment tomber dans un échange épistolaire émouvant. Tu as ressenti la même chose ?

Lucie : Je suis d’accord avec toi, j’ai trouvé que c’était une excellente idée. Belle a déjà commencé à s’attacher à la Bête au moment où elle retourne dans sa famille, mais c’est à travers ces lettres que l’on ressent vraiment l’évolution de ses sentiments. Cela rend son amour plus crédible, d’une certaine façon. Et les lettres de la Bête montrent bien l’humanité sous l’aspect bestial.

A la suite des ces lettres, les lecteurs ont la surprise de découvrir un dossier documentaire illustré sur la famille Gonsalvus à l’origine de ce conte. Cécile Roumiguière explique qu’il s’agit d’une famille dont le père, atteint d’hypertrichose, a été considéré comme un animal de compagnie dans différentes cours d’Europe au 16ème siècle. Cela lui permet de mieux comprendre l’histoire à laquelle la Belle fait allusion dans ses lettres à la Bête (d’ailleurs c’est lui-même, qui lui donne un livre parlant de cette petite fille-animale de compagnie).

Et pour conclure, Benjamin Lacombe présente cette collection qu’il dirige et explique ses influences.

Lucie : Pour conclure, à qui conseillerais-tu cet album ?

Liraloin : Pour cet album, je pourrais le conseiller à des enfants à partir de 11 ans (bons lecteurs tout de même ou ultra fans de ce conte). Le côté angoissant n’est pas gênant car le fantastique reste une ambiance pour ma part.

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Nous espérons vous avoir donné envie de découvrir cet album, voire de relire ce conte dans différentes versions !

Prix À l’Ombre Du Grand Arbre 2025 : les lauréats !

C’est aujourd’hui le grand jour de l’annonce des lauréats de notre Prix ALODGA. Vos arbronautes préférées ont individuellement sélectionné des livres parus en 2024 et les ont proposés à leurs collègues, qui, selon leurs possibilités, leurs envies ou leurs thèmes de prédilection, les ont lus à leur tour. À l’issue d’un système de notation rigoureux, un classement a été effectué afin de déterminer les 3 finalistes de chaque catégorie, regroupant des genres balayant de la toute petite enfance aux ados. Nous vous avons proposé de voter ces dernières semaines et tenons à vous remercier pour votre participation exceptionnelle, puisque nous avons décompté pas moins de 661 votes ! Un record !… Sous vos applaudissements

Catégorie Petites feuilles (albums pour les grand.e.s)

Cet adorable album de la maison d’édition indépendante Cot Cot Cot a surnagé ! Vous l’avez largement élu album de l’année, pour sa plongée… en beauté au cœur d’une histoire tendre, touchante mais aussi pleine d’humour !

A l’eau ! Heejin Park, trad. Charlotte Grison, éditions Cot Cot Cot, 2024

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Catégorie Brindilles (albums pour les petits.e.s)

Comme nous, vous appréciez de sortir des sentiers battus et vous l’avez prouvé ! Les urnes (virtuelles ;-)) ont parlé et c’est cet album original, qui invite en douceur à une réflexion sur ce qu’on ne dit pas, faisant la part belle aux images, qui a emporté vos voix.

Quand je garde le silence de Zornitsa Hristova & illustré par Kiril Zlatkov, traduit par Marie Vrinat-Nikolov – Six citrons acides, collection : Around the langue, 2024 – publié pour la première fois en 2014 en Bulgarie, 2024

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Catégorie Racines (documentaires)

Un ex-aequo inédit pour la catégorie documentaires ! Et deux merveilles, effectivement ! Nous avions sélectionné trois titres qui invitent au dialogue et à la découverte de l’Autre, pour montrer que les barrières et les conflits perdent tout leur sens dès que l’on admet cette simple vérité : nous sommes tous.te.s des humains, notre pays, c’est la Terre.

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Catégorie Branches dessinées (BD et romans graphiques)

Chez les BD et les romans graphiques, résultat sans mystère, c’est finalement un album un peu inclassable, d’une extraordinaire inventivité visuelle, à la fois enchanteur et ludique (il faut des lunettes 3D pour en profiter), ne ressemblant à aucun autre, qui a remporté les suffrages.

Jeanjambe et le mystère des profondeurs, de Matthias Picard. Ed. 4048, octobre 2024.

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Catégorie Belles branches (romans ados)

Krok a dévoré ses concurrents ! 232/416 : le record du nombre de votes a été battu, félicitations !… Qui a dit que les adolescent.e.s ne lisaient plus ? Ce roman traitant de problématiques sociétales, jonglant entre humour et mordant, mais qui sait aussi rentrer les griffes pour se faire poésie, douceur et pattes de velours, est la preuve que la littérature ado a encore de beaux jours devant elle.

Krok, d’Hervé Giraud, Thierry Magnier, 2024

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Catégorie Grandes feuilles (romans jeunesse)

On peut parler de tout aux enfants, à condition que ce soit bien fait. Comme vos abronautes, vous avez plébiscité cette belle histoire, dans laquelle le sujet sensible de la dépression d’un parent est traité avec grand talent. Ou quand l’amitié, l’amour des siens, toutes les couleurs de la vie, l’emportent sur la noirceur. Mention spéciale pour l’objet-livre magnifique, qui a tout d’un grand.

A la poursuite des animaux arc-en-ciel, de Sarah-Ann Juckes, illustré par Sharon King-Chai, Little Urban, 2024

Encore un beau succès du Prix ALODGA, pour lequel nous avons mobilisé en équipe, toute notre conviction, toute notre passion. Félicitations aux lauréats, à leurs auteur.e.s et à leurs maisons d’édition (à noter que l’édition indépendante s’est particulièrement illustrée cette année.) Mais plus qu’une compétition, ce Prix a surtout pour objectif de mettre en valeur la richesse quasi sans limites d’un pan de la littérature à part entière. Que nous soyons enfants, adolescent.e.s, parents, enseignant.e.s, la belle littérature jeunesse a quelque chose à nous dire, entre capacité à s’émerveiller et consciences à éveiller. Écoutons-la. Mieux : lisons-la.

Nos coups de cœur de mai

En attendant de connaître enfin les lauréats de notre Prix ALODGA la semaine prochaine, voici les coups de cœur de notre mois de lecture écoulé.

Rappel : vous avez jusqu’au 6 juin 20h30 pour nous indiquer vos titres préférés, n’oubliez pas de voter !

 Belles branches (romans ado), Grandes feuilles (romans jeunesse)Racines (documentaires) et Branches dessinées (BD).  Petites feuilles (albums pour les grands) et Brindilles (albums pour les petits).

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Pour Liraloin, il y a des albums qui laissent une certaine nostalgie planner lorsque la lecture se termine. C’est le cas du dernier album d’Anne Cortey, magnifiquement illustré par Hualing Xu. En effet, les illustrations nous plongent dans une atmosphère qui oscille entre rêve et réalité. Les couleurs évoluent selon les heures de la soirée et apportent ainsi une inquiétude mêlée d’aventure. A la fois complices et rassurants, Papi Toni, Marthe, Louis et Dorémus observent cette Nature et ses animaux livrer un fabuleux spectacle au crépuscule. Quel bonheur de lire une histoire de « doudou » si inventive et poétique, elle qui apprécie tant l’écriture d’Anne Cortey.

L’heure des lapins d’Anne Cortey & Illustré par Hualing Xu, Thierry Magnier, 2025

Retrouvez son avis complet ICI ainsi que celui de Séverine.

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Lucie doit son roman coup de cœur du mois à sa bibliothécaire. En effet, elle n’aurait probablement jamais emprunté L’année perdue sur son titre ou sa couverture tristounette. Et cela aurait été vraiment dommage de passer à côté ! Alors que Matthew, 13 ans est confiné avec sa mère et son arrière-grand-mère, il se voit contraint d’aider cette dernière à trier ses cartons de souvenirs. Une photo va attirer son attention et révéler un secret de famille caché depuis près d’un siècle. Entre les États-Unis d’aujourd’hui et l’Ukraine des années 1930, Katherine Marsh tisse des liens entre les personnages inspirés de sa famille en prenant comme contexte l’épisode dramatique mais méconnu de l’holodomor. Les chapitres sont courts, la reconstitution historique implacable et l’émotion au rendez-vous.

L’année perdue de Katherine Marsh, Gallimard jeunesse, 2023.

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L’autre coup de cœur de Lucie n’est pas une surprise. En lien avec la lecture commune qu’elle a partagée avec Liraloin de La Belle et la Bête revisité par Cécile Roumiguière et Benjamin Lacombe (qu’elles publieront sous peu), elle a lu d’autres versions de ce conte qu’elle adore. Et notamment celle illustrée par David Sala mentionné par Liraloin au détour d’une conversation. Si le texte de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont n’est pas son favori à cause de son côté un brin moralisateur, les illustrations de David Sala ont été à la hauteur de ses attentes. Quelle splendeur dans les arabesques, les motifs floraux et les détails signifiants ! Cet album a pris une place de choix dans sa collection. Merci Liraloin pour cette magnifique découverte !

La Belle et la Bête, Madame Leprince de Beaumont, illustrations de David Sala, Casterman, 2014.

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Pour ce joli mois de mai, Helolitla a été merveilleusement émue par les mots de Marie Pavlenko, avec Un si petit oiseau. Dans ce roman pour adolescents, Abi, une jeune femme de vingt ans, amputée à la suite d’un accident de voiture. Une jeune femme qui voit sa vie et ses rêves brisés en en instant.

Une tante un peu fofolle, un chat-dorable, des recueils de Blaise Cendrars, et des oiseaux, beaucoup d’oiseaux. Entre humour décapant et drame, Marie Pavlenko a une fois de plus touché Héloïse avec cette histoire de reconstruction, bouleversante, abrupte, parfois, poétique, aussi. Elle a été émue par cette héroïne en colère, qui souffre le martyre, dans sa chair comme dans son cœur. Elle a été émue par cette famille haute en couleur, cette amitié avec Aurèle, passionné d’ornithologie.

Un si petit oiseau, de Marie Pavlenko. Ed. Flammarion, mars 2022

Son avis ICI.

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Helolitla a également craqué pour un autre roman ado, Julien de la révolte, d’Elise Fontenaille. Dans un style plus court mais tout aussi poétique et engagé, l’autrice raconte la rencontre entre une jeune fille perdue et un fermier amoureux de la littérature. Elen et Julien. Deux âmes qui apprennent à s’apprécier au cœur de la nature, au milieu des vaches et des livres.

Ce roman, bref, intense, a beaucoup plu à Héloïse, pour ses belles réflexions sur le vivant, sur cette vie en harmonie avec la nature. Un roman poétique, mais aussi terriblement dramatique, qui pointe du doigt les conditions de travail, la lourdeur de l’administratif pour les agriculteurs, et les absurdités du système.

Julien de la révolte, d’Elise Fontenaille. Ed. Du Rouergue jeunesse. Janvier 2025

Sa chronique ICI, celle de Linda.

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Pour Séverine, le coup de cœur du mois de mai est une superbe réédition de l’album Julie capable de Thierry Lenain, illustrée par Laurent Pinabel, dont elle découvre le travail très graphique, poétique et percutant, entre profondeur, trouble, douceur et éclat. Son rouge au cœur du noir en est l’incarnation. Il s’agit en fait de la troisième version de son album préféré de cet auteur qu’elle vénère, qui raconte Julie qui casse tout, qui rate, qui perd, qui subit, Julie capable de rien, sauf, pense-t-elle, d’avoir échoué à sauver sa maman de son histoire-poison… »Si je l’avais aimée plus fort, elle ne serait morte« , pense-t-elle. Bouleversant. Mais l’histoire bouleverse tout autant quand la lumière rejaillit, quand Julie capable de rien devient Julie capable de tout, après une nuit passée auprès des chats du cimetière, qui vont lui apprendre à comprendre et accepter le passé, pour, enfin, vivre une vie d’enfant apaisée. Lumineux.

Sa chronique complète : ICI.

Julie capable, de Thierry Lenain, illustré par Laurent Pinabel, Editions Les 400 coups, 2025

Séverine a également eu deux autres coups de cœur pour deux albums, en écho, car ils sont chacun une libre déclinaison de la célèbre citation de Martin Niemöller : « Quand ils sont venus chercher les socialistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas socialiste. Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste. Quand ils sont venus chercher les Juifs, je n’ai rien dit, je n’étais pas juif. Puis, ils sont venus me chercher. Et il ne restait personne pour protester. »

Quand l’un, « Quand ils sont venus »(Editions de l’Isatis, 2024), traite très directement des totalitarismes et de la lutte nécessaire contre les intolérances en tous genre, l’autre « Jusqu’au dernier » (Balivernes, 2025), a pour thème le respect des espèces animales menacées et leur préservation.

Le premier est rude dans son propos, mais son traitement sous forme de conte animalier et des illustrations douces au crayon de couleur, ainsi qu’un dossier pédagogique en fin d’ouvrage, en font néanmoins un livre bien adapté au jeune public. Le second, quant à lui, d’un duo dont c’est la première collaboration, est enchanteur de par son texte tout en rimes, simple et rythmé, du grand Michael Escoffier, associé aux merveilleuses illustrations de Romain Lubière.

Et vous, quels jolis titres avez-vous découverts en ce mois de mai ?

Prix ALODGA – catégories Petites feuilles et Brindilles

Vous connaissez les sélections des catégories Belles branches (romans ado), Grandes feuilles (romans jeunesse), Racines (documentaires) et Branches dessinées (BD). Voici les deux dernières : Petites feuilles (albums pour les grands) et Brindilles (albums pour les petits). Rappel : vous avez jusqu’au 6 juin 20h30 pour nous indiquer vos titres préférés !

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Catégorie Petites feuilles

En lisant Notre histoire – comment nous en sommes arrivés là et où nous pourrions aller, on se surprend à rêver, réfléchir, interroger, et imaginer de nouveaux horizons. Ce n’est vraiment pas un album comme les autres, c’est à la fois un voyage dans le temps et une conversation existentielle entre adultes et enfants soucieux des futurs qui se profilent à l’horizon. Cet album nous a particulièrement interpellées à l’ombre du grand arbre, nous en avions d’ailleurs livré une lecture commune par ici.

Notre histoire – Comment nous en sommes arrivés là, et où nous pourrions aller, Oliver Jeffers, L’école des loisirs/Kaléidoscope, 2024

Quelle idée extravagante que de transformer une croûte en personnage de fiction ! D’une extravagance dont seule Béatrice Alemagna a le secret ! On admirera notamment avec quelle poésie – improbable, mais n’est-ce pas toute la beauté de la poésie ? – l’héroïne de l’album se lie d’amitié avec ce bout d’elle-même un peu dérangeant qui lui est poussé sur le genou. Se lier d’amitié au point de se détester, puis de s’adorer puis de se séparer. Et vivre ainsi jusque dans sa chair l’histoire éternelle du deuil et de la disparition.

Bertha et moi, Béatrice Alemagna, L’école des loisirs, 2024.

En voilà un album savoureux, joyeux, jubilatoire ! Que ce soit le texte ou les illustrations, tout y est vibrant, vivant, pétillant ! On y suit une enfant qui insiste pour que sa grand-mère l’accompagne à la piscine municipale. Et au fil des pages, ce n’est plus l’enfant qui est au coeur de la narration, mais bien la vieille femme qui traîne des pieds comme cela peut nous arriver si souvent quand il s’agit de se mettre en maillot de bain, d’enfiler son bonnet en plastique et de se glisser sous les douches collectives ! Mais une fois dans l’eau, voilà notre grand-mère mé-ta-mor-pho-sée ! Que de sensations agréables ! Légèreté, souplesse, énergie, élégance retrouvée ! Qu’il est bon d’être dans l’eau ! Si bien que…

A l’eau, Heejin Park, trad. Charlotte Grison, éditions Cot Cot Cot, 2024

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À vous de voter pour départager ces titres !

Quel titre de la sélection "Petites feuilles" préférez-vous ?

  • À l'eau (56%, 20 Votes)
  • Bertha et moi (28%, 10 Votes)
  • Notre Histoire (17%, 6 Votes)

Total Voters: 36

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Catégorie Brindilles

Dans ce recueil la poésie s’écrit, se picore sans attente de la rime parfaite. Le rythme, la musicalité sont présents et invitent le jeune enfant à l’écoute de cette langue qui l’emmène à partager un moment délicieux. Alors quoi de mieux que d’apprécier des poèmes du quotidien, des poèmes de l’ordinaire, ponctué aussi d’extraordinaire, des poèmes débordants de sentiments et d’émotions pour pouvoir les exprimer, des encouragements et des explications, simplement.

Petits poèmes pour toi et moi de Milja Praagman, Gallimard jeunesse, 2024

Peut-on toujours tout verbaliser lorsque les sentiments les plus grands envahissent un cœur ? Les mots ne sont pas suffisants et le silence exprime sans doute beaucoup de choses qui n’arrivent pas à sortir de soi. Dans une société où nous avons l’habitude de valoriser la parole, le vocabulaire, la discussion quel place donner au silence ? Dans ce bel album, le très jeune enfant exprime les « vides » du langage. Parce que si tout le monde parle, de moins en moins de personnes écoutent. Certaines choses sont indicibles et ne peuvent être perçues qu’en prenant le temps.

Quand je garde le silence de Zornitsa Hristova & illustré par Kiril Zlatkov, traduit par Marie Vrinat-Nikolov – Six citrons acides, collection : Around the langue, 2024 – publié pour la première fois en 2014 en Bulgarie, 2024

Cet album doté de ses pages rigides et rabats, se destine clairement aux petites mains. Mais cela ne l’empêche pas de plonger le tout-petit dans des questions philosophiques. Qu’est-ce qui fait que je suis moi ? Qu’est-ce qui me différencie des autres mais fait tout de même de moi un être humain ? Ici les questions que cet enfant peut se poser le défini à part entière et c’est une belle approche sur l’identité. Un livre qui invite à réfléchir sans donner de leçon.

Qui suis-je de Stéphane Servant et illustré par Aurore Petit, Didier jeunesse, 2024

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À vous de voter pour départager ces titres !

Quel titre de la sélection "Brindille" préférez-vous ?

  • Quand je garde le silence (37%, 7 Votes)
  • Qui suis-je ? (32%, 6 Votes)
  • Petits poèmes pour toi et moi (32%, 6 Votes)

Total Voters: 19

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C’était notre dernière sélection, vous espérons que ces titres sauront vous séduire autant que nous, et nous avons hâte de découvrir les lauréats. Votez pour vos favoris jusqu’au vendredi 6 juin à 20h30, annonce des gagnants lundi 9 juin à 8h !