Lecture commune : Comment jouir de la lecture, de Clémentine Beauvais

C’est une excellente question que pose Clémentine Beauvais dans ce petit essai publié l’année dernière ! À l’heure où d’aucuns déplorent que les gens ne lisent plus, comment peut-on appréhender la lecture de manière à en faire quelque chose de réjouissant, voire de jouissif ? Nous qui lisons pourtant toutes déjà beaucoup, nous avons été ravies de la fraîcheur et de la portée percutante de ces réflexions et nous sommes sous le charme du programme qu’elles dessinent. Il y avait clairement là matière pour une lecture commune !

Comment jouir de la lecture, de Clémentine Beauvais, paru en 2024 chez Alt (La Martinière).

Isabelle: Pour commencer, un petit mot sur l’autrice ! Clémentine Beauvais, c’est un peu la petite reine multi-casquettes de la littérature jeunesse. À quoi pensez-vous spontanément quand on évoque son nom ?

Sev : Je pense immédiatement aux Petites reines, même si évidemment, après, d’autres romans me viennent à l’esprit ! Finalement, je ne la connais pas si bien que ça Clémentine Beauvais… En fait, je n’ai lu que deux ou trois choses d’elle. En revanche, en temps qu’accro aux réseaux, je la suis sur Instagram et là, c’est vrai que je réalise vraiment combien elle est brillante, polyvalente, drôle, intelligente, et j’en passe…

Liraloin : Pour moi Clémentine Beauvais est d’abord une autrice sur laquelle j’ai flashé immédiatement, son humour et son écriture m’ont vraiment séduite. Puis de fil en recherche j’ai pas mal lu des articles sur ses questionnement et réponses autour de la lecture et les jeunes. J’ai apprécié qu’elle parle des livres lus pour les ados qui lisent peu ou pas. Puis je me suis emparée d’Écrire comme une abeille que je n’ai pas terminé de lire encore tellement que cet ouvrage est riche de conseils et de découvertes sur l’écriture et sans prise de tête !

Sev : Je me suis justement promis de lire Écrire comme une abeille, qui m’intéresse à plusieurs titres.

Colette : Clémentine Beauvais c’est une de mes premières rencontres littéraires à L’escale du livre à Bordeaux avec des élèves de 6e ! Et comment dire à quel point ce fut une rencontre tourbillonnante ! Pertinente, impertinente, brillante, elle a mis des paillettes dans les yeux de mes petit.e.s lecteurices ! C’était pour La Plume de Marie ! On a lu, on a débattu, on a joué. C’était magique !

Isabelle : Outre ses talents d’autrice, je la vois justement comme une avocate brillantissime de la littérature jeunesse – et en fait de la jeunesse en général. Elle a une manière hyper rafraîchissante de questionner tout ce que le monde adulte a tendance à prendre pour acquis et c’est toujours stimulant. Et, cela ressort dans ton souvenir, Colette, elle est vraiment douée aussi pour transmettre l’amour de lire à des jeunes. J’apprécie aussi son rôle de passeuse de littératures anglophones puisqu’elle trouve – on ne sait comment – le temps de traduire des textes et romans anglais et américains !

Liraloin : Mais oui, elle a traduit Emma de Jane Austen de façon divine !

Sev : Je me demande effectivement comment fait-elle pour être sur tous les fronts. Je suis d’accord avec le fait qu’elle est l’une des meilleures ambassadrices de la littérature jeunesse en France. Je trouve que contrairement à d’autres, elle est très claire, très accessible et apporte une vraie fraîcheur.

Isabelle : Ici justement, j’ai découvert cette autrice sur un registre nouveau : celui de l’essai (voire du manifeste !), publié dans la collection Alt chez La Martinière Jeunesse. Connaissiez-vous cette collection et que pensez-vous de sa démarche ?

Liraloin : En tant que bibliothécaire fouineuse et toujours à l’affût de nouveaux documentaires pour ados, j’ai découvert cette collection en librairie. Tous les titres sont sur un petit meuble et les ados peuvent piocher pour lire sur place ou emprunter. Les auteurs et autrices sont assez connus et les thèmes abordés très actuels.  

Colette : Je connaissais aussi cette collection grâce à des collègues qui m’avaient parlé du tract consacré à la langue : Le français va très bien merci. J’avais trouvé le format innovant et inspirant, provoquant le débat en quelques pages. 

Sev : J’avais découvert aussi cette collection via mon libraire jeunesse. Mais Le français va très bien, c’est Gallimard, non ? (Je l’ai, j’ai triché !)

Colette : Ah ! oui ! Merci Séverine ! J’étais persuadée que c’était dans la même collection. Shame on me !

Isabelle : En fait il y a plusieurs de ces collections qui ont fleuri en même temps et qui proposent comme ça des essais plutôt courts à destination des jeunes (ados ou jeunes adultes). Aujourd’hui même, Clémentine parlait sur les réseaux de la collection Regards qui suit le même principe. Cette offre qui se multiplie soudainement est intéressante.

Sev : Le format est tout à fait approprié, percutant, le prix n’est pas un frein : parfait comme support de réflexion et de débats. Le seul point qui m’interroge, c’est qu’il est indiqué “À partir de 15 ans”, or, je me demande s’ils ne devraient pas décliner la collection pour un public (et ses profs ? parents ?) dès le collège…

Isabelle : Justement, avez-vous de l’expérience par rapport au fait de donner à lire des essais suivant ce format à de jeunes lecteurs ?

Liraloin : Bonne question, d’ailleurs je rejoins la réflexion de Séverine. Pas évident d’avoir le retour des jeunes, pour le moment j’en ai de mes collègues seulement…

Colette : Comment jouir de la lecture ? Je ne le ferai pas lire à des collégien.ne.s à cause de l’intro. Par contre j’ai bien l’intention de faire lire Pour le droit de vote dès la naissance (là c’est la collection Tracts chez Gallimard) à mes élèves de 3e cette année, dans le cadre de notre séquence sur la littérature engagée !

Isabelle : Je rebondis sur la remarque de Colette : le titre, qui invite à découvrir comment jouir de la lecture, pourrait avoir une connotation sexuelle. La lecture, le sexe, serait-ce donc comparable ?

Sev : Le titre, épicé s’il en est, correspond bien à la personnalité de Clémentine Beauvais et, comme elle l’expose si bien pendant ces quelques pages, remet la notion de plaisir au cœur de la problématique : pourquoi lire ? Comment ?

Colette : Personnellement, je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de liens entre lecture et sexe mais son intro met clairement en avant le lien entre apprendre à jouir sexuellement et apprendre à jouir de ses lectures, ce qui sert habilement – et avec l’humour qui caractérise l’autrice – le propos qui sera ensuite développé beaucoup plus sérieusement dans le reste du texte.

Liraloin : Tout à fait, cette intro est très percutante. Elle propose une comparaison entre le sexe et la lecture avec beaucoup d’humour et une vérité directe : jouer avec le plaisir de lire comme pour le sexe finalement, en expérimentant.

Sev : Ce que je trouve, moi, particulièrement pertinent, c’est le questionnement sur l’éducation à la jouissance, enfin, au plaisir de lire. D’une part, elle rappelle qu’on ne nous apprend pas à porter un regard “indulgent” sur nos goûts littéraires et de fait, nous nous retrouvons, un peu comme dans la vie en général, à devoir choisir un camp et nous ne parvenons pas à sortir des cases dans lesquelles on nous a, ou pire, on s’est soi-même enfermé.e. D’autre part, j’ai été très touchée par sa distinction entre les deux grandes théories de discours sur le plaisir de lire car je me suis quelque peu reconnue dans l’un des deux, et cela m’a bien perturbée, sur le moment. Sauf que… Elle a bien atteint son objectif, en ce qui me concerne : j’ai pris du recul.

Isabelle : Dans vos réponses, vous commencez à esquisser là où cet essai veut en venir : une invitation à découvrir les multiples plaisirs de lire et un constat : jouir de la lecture, comme jouir sexuellement, ce n’est pas quelque chose qui coule de source mais cela se recherche. Avez-vous envie de résumer en quelques mots ce que vous avez retiré de cet essai ?

Liraloin : Que la lecture plaisir est avant tout essentielle. On ne nous apprend pas à parler de nos lectures, les termes peuvent être d’une banalité : « c’était super », « j’ai pas aimé ». D’ailleurs, j’essaie de le faire et d’inciter les collégiennes du comité de lecture à se livrer, trouver le bon terme pour parler… Les réflexions sur le Discours Réac et le Discours Plaisir de Lire m’ont beaucoup parlé. J’aime beaucoup cette citation dans laquelle je peux me reconnaître :

« Apprendre à jouir de la lecture n’a rien à voir avec s’initier à une culture dominante. Bien au contraire. C’est devenir, par la jouissance, capable de s’en libérer. »

Colette : La multiplicité des plaisirs de lecture, voilà ce que je retiendrai de cet essai. Il n’y a pas un plaisir unique, le plaisir de lecture, mais toute une potentialité de plaisirs qu’il nous faut apprendre à cerner, nommer, analyser car chacun de ces plaisirs nous ramène à une certaine conception du monde. Clairement quand j’ai lu cet essai la première fois, je me suis dit : voilà, c’est ça qu’il faut que je travaille avec mes élèves quand je leur demande d’écrire des critiques littéraires ! Il faut que je leur apprenne à cerner les plaisirs – et déplaisirs – que les livres provoquent en elleux.

Isabelle : Vous parlez toutes les deux de la manière jouissive dont l’autrice évoque mille et un plaisirs de lire et nous donne à ressentir le plaisir même de parler (précisément, voluptueusement) de ce que lire nous fait. Je te comprends, Colette, d’avoir envie de partager ça avec tes élèves.

Liraloin : J’ai adoré le passage où Clémentine Beauvais parle des différents états à travers lesquels on passe en lisant : « transports échappatoires », « chatouillis intertextuel »…

Isabelle : Ah ! J’avais prévu de vous demander si vous aviez un ou des plaisirs préférés dans la liste de ceux qui sont évoqués dans ces pages ?

Liraloin : Les « transports échappatoires », ça m’a parlé, pour les vivre plusieurs fois dans une journée. Ça me le fait moins depuis que je vis dans le Sud mais c’était nécessaire lorsque je vivais en région parisienne. Et j’aime tellement le terme de « chatouillis intertextuel » ! Je suis toujours à l’affût des références à d’autres textes, comme dans les illustrations de Gilles Bachelet.

Colette : Idem, Frede ! C’est un plaisir que j’ai découvert tardivement – je pense qu’on ne le goûte qu’avec l’expérience – et depuis je suis fan. Aussi bien dans mes lectures que dans les films, ou la peinture ! Je viens d’étudier Triple autoportrait de Norman Rockwell avec mes 3e et j’adore justement étudier ce tableau pour en éprouver le « chatouillis intertextuel » (intericonique dans ce cas). En ce moment, je suis en quête du « bien-être réconfortant » éprouvé en me plongeant dans le texte d’une autrice que j’aime tout particulièrement, je cultive le cheminement en territoire connu, une écriture qui m’enveloppe et me veut du bien, l’écriture de Marie-Aude Murail.

Sev : Comme Frede, j’ai adoré cette liste non exhaustive des différents plaisirs, avec une préférence pour la « galvanisation politique »  et le « soulagement identificatoire ». J’aime aussi les « enchantements rebelles » qui me rappellent combien certains livres, dès les premières pages, ne me semblent pas du tout faits pour moi, mais qu’en insistant, à peine, parfois, ils finissent par devenir ceux qui me marquent le plus (en bien ou en mal), dans le sens où ils se démarquent.

Isabelle : Parvenir à aimer un texte qui nous résistait pourtant, c’est effectivement très chouette !

Liraloin : Parfois c’est simplement pas le bon moment et puis un peu plus tard, dans d’autres circonstances, le texte s’ouvre à nous. Sans notre billet sur Jean-Claude Mourlevat je n’aurais sans doute pas encore lu Le chagrin du Roi Mort qui m’a bouleversée dans ma petite vie de lectrice.

Isabelle : Comme je te comprends ! Pour ma part, j’ai un très gros faible pour la « fièvre investigatrice » que Clémentine Beauvais illustre par le génial Pierre Bayard. Mais si je ne devais retenir qu’un plaisir, ce serait sans doute le bonheur du « partage », à voix haute avec mes enfants mais aussi avec mon mari, mes parents, mes ami.e.s (et notamment vous les arbronautes !), tou.te.s hyper volontaires pour les lectures communes.

Colette : Oh ! Oui ! (jouissance !!!) Le bonheur du partage ! A chaque lecture commune, il resurgit et m’emporte dans un élan d’enthousiasme que j’avais oublié !

Isabelle : Mais tout « plaisir » est-il bon à prendre ? On pouvait s’attendre à ce que Clémentine Beauvais démonte les discours réacs et élitistes de la lecture qui hiérarchisent les littératures et mettent en valeur celles qui s’inscrivent dans un canon et qui exigent un effort. Mais elle critique aussi les discours selon lesquels chacun devrait lire ce qui lui fait tout simplement plaisir. Pourquoi pas ?

Liraloin : Je pense que, par là, Clémentine Beauvais se prononce contre la littérature facile, celle des mots et des phrases fades. Elle en parlait encore lors de son intervention au SLPJ. Oui, lire, mais pas n’importe quoi finalement. 

Colette : Si j’ai bien compris son propos, elle ne critique pas la lecture plaisir mais invite à être plus exigeant.e dans l’analyse de ce plaisir, une analyse qui ne serait pas juste une opinion. Elle critique plutôt la position qui consisterait à défendre un plaisir qui ne se dit pas au nom d’une certaine liberté d’expression. 

Sev : J’ai surtout retenu qu’il ne faut surtout pas considérer comme éternelles nos habitudes et nos plaisirs de lecture mais toujours chercher à comprendre de quelles constructions sociales, sociologiques, familiales (scolaires ?) ils proviennent. Je retiens également le devoir de transmission des leçons que nous avons tirées de ces analyses. J’aime particulièrement son passage sur « l’analyse ».

Isabelle : Vous évoquez ici des points très importants : je pense qu’il s’agit de conquérir une vraie liberté en s’émancipant de tout ce que la société de consommation, les rôles sociaux (par exemple genrés) ou notre socialisation nous conduit à privilégier sans l’avoir véritablement choisi. Une sorte de manière de lire émancipée et plus active, conquise en se demandant explicitement pourquoi on a tendance à aller vers certaines lectures plutôt que d’autres !

Isabelle : Il y a beaucoup de discours souhaitant voir les enfants lire plus et s’interrogeant sur les manières de leur donner envie de se plonger dans des textes. Cet essai est-il une contribution utile de ce point de vue ?

Colette : Cet essai ne convaincra que celleux qui sont déjà expert.e.s de la lecture et qui ont éprouvé cet éventail de plaisirs de lire. Cependant je pense sincèrement qu’il peut changer la manière de parler lecture, d’enseigner, de transmettre. J’ai offert ce livre à toutes mes copines enseignantes de lettres, car je suis convaincue qu’en modifiant, précisant notre manière de parler de notre amour de la lecture, on donnera envie aux plus jeunes de se lancer dans l’aventure. 

Sev : Colette a raison, cet essai prêche un peu les convaincu.es, même si Clémentine Beauvais s’en défend. J’adore quand elle écrit :

« Laisser les jeunes choisir librement leurs lectures, ne pas juger, encourager, bien sûr, j’achète. Mais pardon, j’ai besoin d’en savoir plus.»

Cela dit, je trouve qu’il apporte quand même un éclairage nouveau, dans le sens où il souligne aussi le lien entre le politique au sens large (pas seulement la politique culturelle autour de l’enjeu de la lecture) et nos plaisirs de lecture.

Liraloin : Clémentine Beauvais donne matière à réflexion et elle n’est pas là pour conseiller ou dresser une liste de ce qu’il faut mettre en place pour faire lire les jeunes. Elle se concentre sur le plaisir de trouver du sens dans sa lecture. Comme le dit Alain Serre en parlant du plaisir de comprendre ce que nous lisons. Comme Colette, je ne pense pas que cet essai peut changer les choses par magie mais en le diffusant et en en parlant on sème des petites graines auprès des profs, des jeunes…

Isabelle : Ça me donne vraiment envie d’essayer de parler lectures avec les enfants et ados de mon entourage. De leur demander sérieusement ce qui les a branchés, voire justement d’introduire dans nos discussions familiales les plaisirs listés dans ce bouquin. Mais aussi de les encourager un peu à sortir de leur zone de confort, par exemple en leur choisissant des lectures différentes.

Liraloin : Tout à fait, Isabelle, et c’est ce que nous faisons au comité de lecture : nous sortons les collégiennes de leur zone de confort sinon on ne lirait que de la New Romance ou Dark Romance.

Colette : Je pense que c’est ce que font aussi tous.tes les enseignant.e.s de lettres – sortir les ados de leur zone de confort – et pourtant le discours sur la lecture scolaire est souvent négatif… Y compris dans la bouche des écrivain.e.s. 

Isabelle : C’est toute la difficulté du positionnement prôné ici. Arriver à rester à la lisière pour arriver à dépasser la consommation un peu passive de plaisirs pas vraiment réfléchis mais sans pour autant tomber dans la lecture-devoir. Je pense que personnellement, j’avais tendance à être très “lecture plaisir” laissant chacun.e aller vers ce qui l’attire et après avoir lu ce texte, j’essaierai au moins de lancer des perches pour tenter de proposer autre chose – mais je ne suis pas prof, j’ai à faire aux enfants de mon entourage qui aiment tous déjà la lecture.

Liraloin : Cet enjeu est de taille ! Je rencontre régulièrement des jeunes qui ne lisent pas. Ce ne sont pas ceux-là qui viendront demander conseil, par contre je leur dis : je m’engage à trouver la lecture qui te plaira ! Avec ou sans l’accompagnant.

Isabelle : Et vous-mêmes qui êtes des lectrices aguerries et qui savez jouir de la lecture, allez-vous lire (vous mêmes) différemment après avoir lu ce texte ?

Colette : Je ne pense pas que je vais lire différemment mais plutôt que je vais parler différemment de mes plaisirs notamment dans mes séances de méthodologie dédiées à la rédaction de critiques littéraires.

Liraloin : Lorsque l’on rédige une chronique ou que l’on participe à un comité BD, on s’interroge déjà sur sa façon de lire et d’appréhender le texte, et on apprend à parler des plaisirs qu’il nous procure. J’aime rester dans la neutralité tout en étant très à l’écoute des émotions, de la construction du texte, de l’intrigue… Bref, je continuerai de lire comme je l’ai toujours fait.

Isabelle : Oui, ce que nous faisons avec nos blogs, c’est déjà une manière de cultiver le plaisir de lire en le mettant en mots. Mais pour ma part, j’ai eu envie de regarder la liste des plaisirs dont on parlait toute à l’heure, d’essayer d’en trouver qui me seraient moins accessibles et que je pourrais viser à dessein, voire en imaginer de nouveaux. C’est un programme qui me fait envie.

Colette : Comme toi Isabelle, la liste de Clémentine m’a donné envie d’en inventer d’autres. 

Sev : Moi aussi, je me suis dit que j’allais tenter de découvrir des plaisirs de lecture que je ne ressens pratiquement jamais. Le « délice addictif », par exemple, ou « l’enchantement immersif ».

Isabelle : Ne trouvez-vous pas que cet essai est original dans la manière même dont il est écrit ?

Liraloin : La mise en page est intéressante, c’est le plus de cette collection. Aérée et pratique pour stopper sa lecture, noter des réflexions si besoin, y revenir… L’humour de Clémentine Beauvais facilite la lecture également.

Colette : Oui, il y a justement quelque chose de très réjouissant dans l’écriture de cet essai, la forme étant au service du fond. Encore une qualité de cette autrice incroyable que l’on retrouve aussi dans ses romans. Le ton provocateur – épicé pour reprendre le mot de Séverine –, la liste poétique, le militantisme des dernières pages, Clémentine Beauvais crée le terreau de plaisirs multiples !

Isabelle : C’est exactement là que je voulais en venir. Clémentine Beauvais a une manière littéraire de causer littérature, ça décuple le bonheur qu’on a à la lire – hyper rare pour un essai !

Sev : Je le dis tout net, j’ai joui de cette lecture (ha ha). Déjà, la première page à elle seule, vaut tous les incipits du monde, je trouve. Sans vulgarité, avec l’humour qu’on lui connaît, un décalage avec le ton trop souvent professoral (pardon les copinautes profs !).

Isabelle : Je constate souvent des tendances à vouloir dépolitiser au maximum la littérature jeunesse, en faire quelque chose qui préserve l’enfance de la politique. Mais à la fin de cet essai, l’autrice affirme que le plaisir de lire est politique. Que veut-elle dire par là ?

Colette : Personnellement, à chaque fois que je fais lire un texte à mes élèves, je fais de la politique ! Quand je fais lire Maus de Art Spiegelman, L’école est finie d’Yves Grevet ou Scarlett et Novak de Damasio, quand on discute d’Heartstopper avec Chloé et Manon, Nos étoiles contraires avec Lila ou de L’arabe du futur avec Nino, on fait de la politique. Apprendre à mettre des mots sur ce que les idées, l’univers d’un.e autre a éveillé en nous, c’est apprendre à mieux se connaître et à envisager des possibles, c’est travailler l’imaginaire, la créativité, et la résolution des problèmes, des défis de la société de demain (d’aujourd’hui ?!). Le récit nous sauvera ! Inventer des récits, c’est une compétence essentielle pour habiter le monde de manière active ! 

Liraloin : Mais oui tu as raison Colette ! D’ailleurs merci car je ne voyais pas les choses comme ça. On en parle souvent avec la professeure-documentaliste avec laquelle je bosse souvent. On déconstruit des idées reçues pour en construire des neuves à partir de la littérature.

Sev : Ah mais ce que tu dis, Colette, me parle beaucoup ! Je lis énormément d’histoires (si ce n’est toutes…) avec ma fille de 9 ans, qui nous amènent finalement à parler de « politique ». Qu’on lise, par exemple, des albums où il est question d’exil et de migration ou des romans sur la santé mentale… je pense notamment à À la poursuite des animaux arc-en-ciel, que nous avons lu il y a quelques mois et qui, de fil en aiguille, m’a amenée à lui expliquer que les maladies comme la dépression ne sont pas suffisamment bien prises en compte dans notre société où, globalement, il faut performer pour être considéré. Bref. On finit toujours par élargir aux questions de société, à réfléchir sur le monde qu’on souhaite, qu’on rêve, qu’on espère, et le rôle que l’on peut jouer pour participer. Quand le plaisir de lire s’accompagne d’une prise de conscience, ou d’une volonté d’agir, comment ne pas le considérer comme politique ? Je reconnais néanmoins que d’aucuns, dans mon entourage, considèrent que je ne l’épargne justement pas assez de la gravité. D’où notre recherche, justement, du plaisir de lire que Clémentine Beauvais appelle « bien-être réconfortant » qui autorise la politisation, sans pour autant plomber son enfance (encore heureux !). Des romans comme ceux de Myren Duval, avec sa série Mon chien, par exemple, matchent complètement avec cet objectif.

Colette : C’est super intéressant ce que tu ajoutes là car ça aussi c’est politique : tisser le lien par les rencontres entre les adultes et les jeunes, la littérature nous relie aussi au delà des générations. Merci encore pour ces échanges, c’est toujours un plaisir – on pourrait l’appeler “l’extase alogdesque” ce plaisir là !

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Et vous ? Avez-vous lu cet essai ? Si ce n’est pas encore le cas, nous espérons vous avoir donné envie de le découvrir. Merci à Clémentine Beauvais de nous avoir tendu des perches si stimulantes. La bonne nouvelle, c’est que nous resterons en sa compagnie la semaine prochaine. Alors ne manquez pas le billet que nous consacrons à cette autrice essentielle !

Femmes et filles scientifiques

En 2015, l’Assemblée générale des Nations Unies a déclaré le 11 février comme la Journée internationale des femmes et des filles de science. Pour célébrer le dixième anniversaire de cet événement, nous vous proposons une sélection de titres documentaires ou romanesques mettant en scène des femmes scientifiques.

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FICTIONS

Avec Comment fabriquer son grand frère, un livre d’anatomie et de bricolage, Anaïs Vaugelade propose un ouvrage riche et tout à fait atypique. Agacée par sa petite soeur, Zuza, son héroïne récurrente, décide de se fabriquer un grand frère. Conseillée par le crocodile et sa précieuse « Encyclopédie Crocodilis », et assistée par tous ses amis-jouets, Zuza entreprend un bricolage de génie. L’excellente idée de ce grand album, c’est de mêler les bricolages de Zuza (avec beaucoup d’humour notamment dans les petits détails des doudous) et des apports scientifiques rigoureux mais accessibles. De quoi donner envie aux petites filles (mais pas que) de découvrir les mystères de l’anatomie !

Comment fabriquer son grand frère, Anaïs Vaugelade, L’école des loisirs, 2016

L’avis complet de Lucie.

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Calpurnia nous aura toute beaucoup touchée de par sa condition de fille qui l’enferme dans un carcan rigoureux qui condamne les filles à l’esclavage domestique. Pleine de curiosité, animée par une soif d’apprendre insatiable, on prend plaisir à suivre son évolution, parallèle à celle de la société, nourrie par un grand-père heureux de trouver une personne au-moins aussi curieuse que lui.

Calpurnia de Jacqueline Kelly, l’école des loisirs, 2017.

L’avis de Isabelle, Linda et Lucie.

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Si Charity est inspirée par Beatrix Potter, surtout connue pour ses albums à destinations des enfants, il ne faut pas oublier que c’est par l’études de la nature qu’elle parvient au dessin. C’est pourquoi elle a sa place dans cette sélection.

L’enfance de Charity s’articule dans un premier temps autour de son amour pour les animaux qui la pousse à en étudier les moindres détails. Un cadavre de sera pas perdu puisqu’il sera aussi l’occasion de récupérer matière à l’étude du squelette. Après les animaux, la jeune fille s’intéressera aux végétaux et surtout à la mycologie : ses schémas détaillés des différentes espèces de champignons ne laisseront pas indifférents les spécialistes.

Son origine sociale et son genre seront des freins à sa progression et seront matière pour Marie-Aude Murail de rappeler qu’il n’était pas simple d’être une femme de sciences au dix-neuvième siècle.

Miss Charity de Marie-Aude Murail, l’école des loisirs, 2018.

Les avis de Isabelle, Linda et Lucie

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Faire figurer ce titre dans cette sélection, c’est un peu divulgâcher. Mais le genre d’Ange n’étant pas l’enjeu principal (les doutes à ce sujet sont assez rapidement résolus), il aurait été dommage que Sous ta peau, le feu ne figure pas dans cet article. Ange suit son père médecin en pleine épidémie de variole et se passionne pour sa mission : soigner les malades. Seulement, dans la France du 18ème siècle, la médecine est réservée aux garçons. Comment vivre sa passion sans subir les interdits liés à son sexe ?

Sous ta peau, le feu, Séverine Vidal, Éditions Nathan, 2021.

Roman aux accents très actuels qui avait fait l’objet d’une lecture commune un peu spéciale puisque Séverine Vidal nous l’avait envoyé avant sa parution.

Les avis d’Isabelle, Linda et Lucie.

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Alors qu’elle fait son possible pour échapper aux bals mondains et aux projets de mariage élaborés par ses parents, Agathe Langley est accueillie Sous les étoiles de Bloomstone Manor par son excentrique voisin, Lord Nathanaël Stone. Celui-ci va l’encourager à développer ses connaissances en astrophysique au mépris des convenances et préjugés et convenances de l’Angleterre victorienne. Le roman de Mary Orchard montre l’évolution des mœurs et donne envie de profiter des opportunités actuelles !

Sous les étoiles de Bloomstone Manor, Mary Orchard, Casterman, 2023

Les avis de Lucie, Linda, Héloïse et Liraloin

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INSPIRÉS DE LA RÉALITÉ

D’un combat à l’autre : les filles de Pierre et Marie Curie : voilà un court roman pour adolescent qui fera vibrer votre fibre historique ! Nous y suivons Irène et Eve Curie, les enfants de Pierre et Marie au moment de la première guerre mondiale. Les deux sœurs cherchent alors sur quels chemins s’engager à l’heure où les hommes jouent leur vie sur le front. Si pour Irène la route est toute tracée puisque depuis toujours elle marche dans les pas de sa mère, pour Eve c’est plus compliqué. En effet dans cette si prestigieuse famille de scientifiques, Eve est une exception, elle aime la musique, les langues et la littérature et ne sait pas quoi faire de son talent à un moment où l’art lui semble bien inutile. C’est en devenant marraine de guerre qu’elle s’engagera à son tour dans ce terrible conflit.

D’un combat à l’autre, Les filles de Pierre et Marie Curie, Béatrice Nicodème, Nathan, 2014.

L’avis complet de Colette par ici.

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Marie Curie a inspiré de nombreux.ses auteur.ices en littératures jeunesses et certains ont fait le choix de revenir aux origines de son parcours pour tenter de mieux en appréhender sa personnalité. Ainsi, Gertrude Dordor a choisi cette grande scientifique pour la collection Avant de devenir des éditions Belin Jeunesse.

L’histoire nous entraine en Pologne aux côtés de la famille Slodowski qui tente de préserver ses valeurs et choix éducatifs alors que la domination russe tente de restreindre les libertés. On y découvre ainsi que Marie Curie faisait montre de capacités scientifiques exceptionnelles dès l’âge de quatre ans.

Le roman se destine à un publique assez jeune, le texte est accessible dès 9/10 ans et comblera les petits curieux de grandes célébrité.es.

Marie Curie, une Scientifique de génie de Gertrude Dordor, Belin Jeunesse, 2016.

L’avis de Linda est ICI

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Marie et Bronia, le pacte des sœurs est un incroyable roman qui nous invite à découvrir la genèse de la figure scientifique qu’incarne Marie Curie en explorant son histoire familiale, et notamment la précieuse relation qui l’unit tout particulièrement à sa sœur aînée Bronia. On y découvre bien évidemment une jeune fille curieuse, combattive, persévérante et inspirée mais aussi une adolescente amoureuse, qui aime danser, patiner, s’amuser. Et surtout on y découvre une autre scientifique qui va dédier sa vie à la santé des femmes et cette femme c’est Bronia Dluska. Si vous avez envie d’en savoir plus, n’hésitez pas à vous plonger dans la palpitante lecture commune que nous avions fait du roman en 2021.

Marie et Bronia, le pacte des sœurs, Natacha Henry, 2017.

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S’inspirant de l’histoire de Hans le Malin, ce cheval allemand considéré comme supérieur intellectuellement, Natacha Henry dresse le portrait d’une jeune fille passionnée de sciences, qui a vu ses rêves d’études brisés par la perte tragique de son père. Tout juste tolérée sur les lieux de prestations de Hans, Charlotte parvient cependant à étudier le comportement de l’animal et, comme ces messieurs du cercle de scientifiques, elle tente de comprendre si ce cheval est réellement plus intelligent ou s’il y a un « truc ».

Nous sommes en 1904 et si l’on peut avoir des doutes sur l’intelligence d’un cheval, pour de nombreux hommes, il n’y en a aucun sur son absence chez la femme.  Si la science, et notamment l’intelligence animale, est au cœur de récit, l’auteure n’en profite pas moins pour intégrer une thématique que l’on retrouve dans l’ensemble de ses titres jeunesses : la place des femmes dans la société.

L’autrice intègre à son récit le présence de Bona Peiser, première bibliothécaire allemande, qui va lui ouvrir les yeux sur un monde accessible à tous : la bibliothèque municipale et ses richesses culturelles.

L’affaire du cheval qui savait compter de Natacha Henry, Rageot, 2021.

L’avis de Linda est ICI.

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Marie et Bronia sont nées en Pologne au sein d’une famille nombreuse qui vit chichement, puis pauvrement après la mort de leur mère. Ne pouvant aller à l’école car étant filles, malgré leur apprentissage en autodidactes, elles s’allient pour concrétiser leur rêve. L’une va travailler pour financer les études de l’autre à Paris, puis elles échangeront les rôles. Concernant Marie, nous savons ce qu’elle découvrit et permit avec son mari Pierre, mais moins concernant Bronia, revenue en Pologne.

Un très bel album sororal, superbement illustré !

Marie Curie et Bronia Dluska. Le pacte des deux soeurs. Linda ELOVITZ MARSHALL. Anna et Elena BALBUSSO. Circonflexe, 2023

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Parmi les femmes scientifiques, Marie Curie est sans doute la plus connue. Sylvie Baussier a rédigé sa biographie romancée dans Marie Curie, la femme de sciences, paru en 2024 aux éditions Scrineo.

Née en 1867 en Pologne, la jeune Marya Sklodowska est curieuse et intelligente. Elle aimerait faire des études, mais le pays est sous domination russe, et cela lui est impossible. C’est grâce à sa sœur, et à une détermination sans faille, qu’elle part pour la France, étudier. Elle y rencontre un certain Pierre Curie…

Dans ce court roman, nous découvrons la vie de cette scientifique que l’on cite partout en exemple. Sylvie Baussier dresse le portrait d’une femme déterminée, prête tout pour exercer le métier de ses rêves, dans une société qui condamne ses semblables aux rang d’épouse et de mère. C’est une biographie richement documentée, qui donne un très bon aperçu des découvertes et des réussites de cette scientifique aux deux Prix Nobel.

Marie Curie : La femme de sciences, de Sylvie Baussier, Scrineo destinées, Avril 2024

L’avis d’Hélolitlà ICI.

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DOCUMENTAIRES

Nous sommes ici en présence d’un documentaire sur l’eau. Pas de rapport direct avec les filles/femmes mais c’est parce que le récit est porté par une pré-adolescente et met donc en avant une représentation féminine positive dans le domaine de la vulgarisation scientifique que ce titre mérite d’être mentionné ici. Car si les récits scientifiques portés par des filles sont plus courants, c’est malheureusement encore trop souvent au travers d’un prisme émotionnel. L’auteur ici part d’un sujet d’étude scolaire et la jeune fille parcourt la nature et fait des rencontres qui éveillent son intérêt et sa curiosité à un sujet qui ne l’inspirait pas forcément au départ.

Les mystères de l’eau de Blaise Hofmann illustré par Rémi Farnos, La joie de Lire, 2019

L’avis de Linda ICI

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Côté albums, la collection Petite & Grande met à l’honneur des femmes « qui n’étaient pas destinées à entrer dans l’Histoire mais qui ont accompli des choses extraordinaires en écoutant leur cœur et en suivant leur rêve d’enfant ». C’est par exemple le cas d’Ada Lovelace. Fille du poète Lord Byron, elle est très vite délaissée par son père. Toute petite, elle se passionne pour les chiffres. Après avoir vu la machine à calculer de Charles Babbage, son mari, Ada crée le premier programme informatique, qui permettra, cent ans plus tard, de donner naissance à l’ordinateur.

Un album simple et accessible dès 4 ans, complété en fin d’ouvrage par un petit dossier scientifique. Parfait pour inspirer les plus jeunes ! Dans la même collection, on rerouve aussi Marie Curie, Dian Fossey, Hedy Lamarr ou encore Zaha Hadid.

Ada Lovelace, de Isabel Sánchez Vegara, ilustré par Zafouko Yamamoto. Ed. Kimane, coll. Petite et grande. Aout 2020.

La chronique d’Hélolitlà ICI.

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Avec Le secret de l’océan, c’est Marie Tharp, la premier femme à avoir cartographié les fonds marins, que Jess Keating met à l’honneur.

Toute petite, Marie rêve de voyager et d’en apprendre plus sur le monde. Mais à son époque, les femmes n’ont pas le droit de monter sur un bateau, ni d’entreprendre de grandes études scientifiques. C’est la seconde guerre mondiale qui lui permet d’étudier. Marie est ensuite mise à l’écart dans un bureau. Là elle entreprend de cartographier les fonds marins, à partir des relevés de ses collègues. Ce travail de titan va lui permettre de faire l’une des découvertes majeures de l’océanographie du 20e siècle…

Des pages colorées qui mettent en valeur l’océan et le travail de cette femme de génie. Un album à la fois simple et riche, qui montre toute la difficulté pour une femme de travailler dans le milieu scientifique.

Le secret de l’océan : La grande découverte de Marie Tharp, de Jess Keating, illustré par Katie Hickey. Kimane, Aout 2020

La chronique d’Hélolitlà ICI.

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Au éditions Poupe fictions, Natacha Quentin a écrit Les femmes de sciences vues par une ado, un roman instructif, féministe, qui nous présente la vie et les découvertes de femmes scientifiques, longtemps mises de côté par leurs confrères et l’Histoire.

Avec un ton très humoristique, cet ouvrage nous propose de redécouvrir ces scientifiques plus ou moins connues, Marie Curie en tête, nous montrant leurs travaux de recherche, et expliquant pourquoi elles ont été mises de côté. En bonus, une liste de noms pour élargir ses recherches et continuer à se documenter.

Un ouvrage engagé et documenté, ludique et pédagogique à mettre entre toutes les mains !

100 % bio, les femmes de sciences vues par une ado, de Natacha Quentin, Ed. Poulpe fictions, Avril 2021

La chronique d’Hélolitlà ICI.

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Si l’on connaît le nom d’Anita Conti, sait-on ce qu’elle fit et permit, et surtout quand et où? Ce petit documentaire, de cette riche collection, nous permet d’apprendre tout cela. Et c’est passionnant, mais surtout précurseur.

L’incroyable destin de Anita Conti. Pionnière de l’océanographie. Fleur Daugey et Laura Perez. Bayard Jeunesse, 2021

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Chez les éditions A pas de loup, Anne Loyer et Claire Gaudriot proposent régulièrement de mettre à l’honneur des femmes brillantes, hors norme, qui se sont distinguées dans des époques ou des sociétés très patriarcales, mais malheureusement « oubliées » par l’Histoire (Jeanne Barret, Christine de Pisan, Calamity Jane… ). Parmi elles, Ada Lovelace, au destin hors norme, de par sa parenté, d’abord, son parcours de vie, sa volonté sans faille, surtout. Destiné à un lectorat plus âgé que la collection Petite et Grande, à partir de 8 ans, cet album retrace lui aussi la vie, la carrière, l’apport scientifique d’Ada Lovelace, en quelque sorte première codeuse informatique de l’Histoire, sans qui ce blog, peut-être, n’existerait pas !

Graphiquement splendide, pour qui apprécie l’univers à la fois onirique et précis de Caire Gaudriot, cet album très documenté possède, grâce à la plume romanesque d’Anne Loyer, le petit truc en plus qui nous passionne.

Ada Lovelace la visionnaire, d’Anne Loyer et Claire Gaudriot, A pas de loup, 2022

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Un format carré et intimiste, une couverture à l’effet toilé et au dessin aussi vitaminé que le médaillon est sobre, pour une collection qui nous invite à (re)découvrir « les grandes vies », et ici, celle de Marie Curie. L’album allie dessin et texte, biographie et citations, pour nous permettre de la connaître.

Une récit passionnant d’une femme indépendante et impressionnante !

Marie Curie. Isabel THOMAS et Anke WECKMANN. Gallimard Jeunesse, « Les Grandes Vies », 2022

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Et vous, avec quels ouvrages mettant en scène des femmes scientifiques sensibilisez-vous les filles aux merveilles de la science ?

Nos Coups de Cœur de Janvier

L’hiver est bien installé, saison propice à la lecture au coin de la cheminée et/ou sous un plaid. Nous vous présentons nos meilleurs lectures de ce premier mois de l’année 2025.

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Pour Linda, de nombreuses lectures sont venues enrichir son début d’année mais deux titres se démarquent clairement du lot.

Tout d’abord, la bande dessinée de Gaëlle Geniller dont l’ambiance onirique amène une réflexion pertinente sur le temps qui passe et sur ce qu’il nous reste de l’enfance. Les personnages sont attachants, le mystère, emprunt de spiritisme, est parfaitement maitrisé par ce jeu du temps rythmé par le tic tac de l’horloge et les insomnies de son héros !

Minuit Passé de Gaëlle Geniller, Delcourt/Mirages, 2024.

Son avis complet est ICI.

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Et puis il y a eu le dernier roman d’Annelise Heurtier avec lequel elle confirme un peu plus son habileté à écrire des récits historiques qui dénoncent ce que l’homme peut faire de pire. Inspiré de l’histoire vraie des couvents de la Madeleine, ce très beau texte livre un récit profondément engagé, porteur d’un message féministe emprunt d’un bel élan de sororité.
Destiné à un public adolescent, le récit aborde ce sujet grave avec une certaine pudeur, l’autrice ne cherchant pas à choquer mais à sensibiliser, et elle y parvient magnifiquement.

Entre leurs mains d’Annelise Heurtier, Casterman, 2025.

Son avis complet est ICI.

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Comme Linda, lancée dans la préparation du prix ALODGA, Lucie a eu la chance de découvrir beaucoup de très beaux titres suggérés par ses copinautes ce mois-ci. Difficile de faire un choix, mais deux albums coups de cœur se détachent pourtant par leur originalité ou leur propos.

Jeanjambe et le mystère des profondeurs est une bande dessinée totalement atypique. D’abord parce qu’elle est pratiquement muette, ensuite parce qu’elle est en 3 dimensions. Le lecteur y suit le voyage de Jeanjambe, drôle de personnage mi lapin mi bonhomme bâton, dans son exploration sous-terraine à la suite d’un mystérieux fil. Lunettes bicolores sur le nez, nous voici plongés dans l’univers minéral aussi beau que poétique composé par Matthias Picard. Nul doute que cette aventure aux multiples références saura séduire petits et grands !

Jeanjambe et le mystère des profondeurs, Matthias Picard, Éditions 2042, 2024.

Son avis complet ICI et celui de Linda .

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Si elle reconnaît volontiers perdre toute objectivité quand il s’agit des albums d’Olivier Jeffers, Lucie est tombée en admiration devant Notre histoire : comment nous en sommes arrivés là, et où nous pourrions aller. Parce que sous couvert de raconter l’histoire de l’humanité, l’auteur-illustrateur d’origine irlandaise nous propose de la retrouver. En montrant l’inepsie de nos frontières et de l’opposition « eux »/ »nous », il invite ses lecteurs à prendre du recul et à proposer une nouvelle histoire, tournée vers l’autre. Un beau projet on ne peut plus d’actualité pour 2025.

Notre histoire, Olivier Jeffers, Kaléidoscope, 2024.

Son avis complet ICI.

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Pour Liraloin, un album se démarque pour ce rituel billet coup de cœur, il s’agit de Quand je garde le silence de Zornitsa Hristova & illustré par Kiril Zlatkov, traduit par Marie Vrinat-Nikolov.

« Les mots ne contiennent pas le rêve des autres que tu t’efforces d’entendre ». Peut-on toujours tout verbaliser lorsque les sentiments les plus grands envahissent un cœur ? Les mots ne sont pas suffisants et le silence exprime sans doute beaucoup de choses qui n’arrivent pas à sortir de soi. Alors oui, les mots aident et grâce à eux nous ne sommes jamais tout à fait perdus et pourtant leurs présences ne riment pas avec le silence.

Cet album est une poésie bouleversante car elle offre aux jeunes lecteurs des moments de tendresse et d’interrogation à la fois. Les illustrations en noir et blanc sont tout en finesse et complètent la richesse de ce poème qui voyagera longtemps dans son p’tit cœur de lectrice-rêveuse.

Quand je garde le silence de Zornitsa Hristova & illustré par Kiril Zlatkov, traduit par Marie Vrinat-Nikolov – Six citrons acides, collection : Around the langue, 2024 – publié pour la première fois en 2014 en Bulgarie, 2024

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Pour Séverine, le coup de cœur jeunesse de janvier, c’est Un jardin pour Maman / Dédée, paru chez les bien-aimées Editions du pourquoi pas ?, dont la ligne engagée et citoyenne la séduit chaque année un peu plus. Quatrième de leur collection Faire humanité, il aborde en douceur deux thèmes plutôt rares en littérature jeunesse, avec le juste ton, entre réalisme et délicatesse, en mots choisis, où simplicité et poésie ne sont pas antinomiques, pour sensibiliser les enfants sur des sujets graves, sans toutefois les noyer sous le sceau du pessimisme. Son format original, marque l’identité de la collection -deux textes en vis-à-vis, qui se font face, très joliment illustrés, une page centrale magnifique comme un pont entre deux rives -apporte fraîcheur et fantaisie, ingrédients essentiels de la littérature à destination du jeune lectorat. Dans les deux histoires qu’il raconte, les âmes blessées par la violence des hommes ou la société qui broie, parfois même complices, trouvent refuge et joie dans les fleurs, belles métaphores de résilience, en bleu et blanc, bleu comme confiance, blanc comme paix, ça ne peut que la toucher… Enfin, dans ces belles histoires teintées de sombre, mais qui finissent bien, en lumière et en humanité, elle y a retrouvé beaucoup de son amie Claire Beuve, l’autrice, dont c’est le premier roman.

Dédée/Un jardin pour Maman, Claire Beuve, illustré par Tildé Barbey, Editions du pourquoi pas ?, Collection Faire humanité, 2025

Sa chronique complète ICI.

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En ce mois de janvier, Héloïse – Helolitla a vibré pour le premier tome du Royaume des géants, de Dana B. Chalys. Un mélange de fantasy et de science-fiction, un monde futuriste dans lequel les terres sont en grande partie recouvertes par les eaux. Safh, qui a grandi bercée par les légendes de dragons de sa grand-mère, ne rêve que d’une chose : explorer les nuages. Pour ce faire, elle se rend à la grande ville, espérant y dénicher la personne qui pourrait l’aider à « arranger » sa Pami – son hoverboard – afin qu’elle vole plus haut. Mais un étrange nuage s’approche de la ville…

Enquête, aventure et magie sont au cœur de ce roman addictif qui a conquis Héloïse. Elle a aussi apprécié la richesse et la diversité des personnages, le mélange entre technologie, écologie et légendes, et les messages de tolérance et de partage sous-jacents.

Le royaume des géants, tome 1 : Le secret des nuages, de Dana B. Chalys, Ed. Gulf Stream. Octobre 2024.

Sa chronique détaillée ICI.

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Côté album, elle a craqué pour Lady Papa, et sa couverture si flashy.

Un enfant grandit au côté de son papa drag queen. Le matin, ce dernier porte un jean pour l’accompagner à l’école, mais le soir, de retour de l’école, sous les yeux ébahis et admiratifs de son enfants, il se transforme à l’aide de pinceau, de maquillages et de robes sublimes.
Lady Papa est un album d’Émilie Chazerand plein d’humour et de tendresse, aux couleurs chatoyantes et vibrantes, qui aborde un thème peu représenté en littérature jeunesse. Tolérance, amitié et positivité sont mis en avant, pour mieux faire fondre le lecteur devant la belle relation qui unit cet enfant et son père.
Solaire, virevoltant, profondément humain et bienveillant, Lady Papa est parfait pour déconstruire préjugés et stéréotypes !

Lady Papa, d’Émilie Chazerand, illustré par Diglee, La ville brûle, Aout 2024

Sa chronique ICI.

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Blandine a craqué pour l’album de Philippe Jalbert (un auteur qu’elle affectionne particulièrement) Il était une fois Une souris verte… lu avec sa nièce.

Il était une fois Une souris verte… Philippe JALBERT. Seuil Jeunesse, février 2023

Est-ce une histoire, la comptine… Dès le départ, on se questionne et Philippe Jalbert entend bien entretenir la confusion des genres en mélangeant aux paroles des éléments incongrus… Bien sûr, il est de bon ton de d’abord connaître la chanson pour bien se régaler des petites et même grosses incartades de l’auteur, qui nous régale également avec son trait !

Un album vraiment drôle !

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Et vous, quelles lectures vous ont fait vibrer en ce mois de janvier ?

Nos classiques préférés : Thierry Dedieu

Faut-il encore présenter Thierry Dedieu, un auteur-illustrateur lu dans toutes les écoles, les bibliothèques ? Très prolifique, Dedieu explore des univers tous très différents étant aussi à l’aise à l’écrit qu’au dessin. Découvrez nos raisons de vous ruer sur ses albums !

Thierry Dedieu, source : Wikipedia.

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Pour Linda, la Grande Guerre est un thème majeur qui mérite sa place dans la littérature de tout âge. 14-18 – Une minute de silence à nos arrière-grands-pères courageux est un petit chef d’œuvre pour au moins ces 10 raisons…

14-18 – Une minute de silence à nos arrière-grands-pères courageux de Thierry Dedieu, Seuil jeunesse, 2014.
  1. Pour l’hommage poignant aux Poilus, victimes, héros, tombés au combat, survivants de la Grande Guerre,
  2. Pour la brièveté du texte en introduction qui exprime l’indicible : « Chère Adèle, il n’y a plus de mots pour décrire ce que je vis. Gustave« ,
  3. Pour le réalisme saisissant des illustrations, tons sépia, qui suffisent à dire, à montrer,
  4. Pour le message entièrement dessiné qui dénonce la guerre et ses atrocités,
  5. Pour la solitude et la peur que l’on ressent en feuilletant ces pages,
  6. Pour ce que sous-entend de douleurs sourdes et d’horreur chaque illustration,
  7. Pour l’originalité et la qualité de cet album presque sans texte,
  8. Pour la lettre d’Adèle, placée dans son enveloppe en fin d’ouvrage, à déplier et à lire,
  9. Pour ce qu’elle laisse entendre des craintes de ceux et celles qui sont resté.es derrière,
  10. Pour le Devoir de Mémoire, et que jamais plus…

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Pour Liraloin, il n’a pas été si évident que ça de choisir un album de cet immense auteur-illustrateur tant son graphisme et ses sujets sont variés. Toujours avide de découverte, son choix s’est porté sur un album où la contemplation est au cœur de l’histoire au moins pour 10 raisons.

Le maître des estampes de Thierry Dedieu, Seuil jeunesse, 2010
  1. Pour le titre qui engage la/le lectrice/lecteur dans une aventure où la création de l’image sera au cœur de l’album.
  2. Pour ce tampon, signe de l’estampillage appartenant à un grand nom du dessin.
  3. Pour les accessoires qui caractérisent le maître des estampes : l’encre, les pinceaux et le papier que l’on découvrira plus tard, formidable terrain d’esquisses !
  4. Pour le décor épuré qui sert l’esprit du peintre, cette contemplation du vide et de la nature nourrissant sa créativité.
  5. … justement pour cet agacement et cette colère qui caractérisent si bien le riche mandarin, impatient et hautain.
  6. Pour les couleurs choisies par Dedieu qui invitent la lectrice/le lecteur à se concentrer sur la gestuelle du personnage du maître des estampes.
  7. … pour ce geste contrôlé qui à l’inverse met hors de contrôle le mandarin.
  8. Pour cette première de couverture qui invite la future lectrice/le futur lecteur à un moment de respiration.
  9. Pour ce carnet d’études, délicieux moment d’intimité dans les recherches d’une œuvre.
  10. Pour cette phrase : « Des deux vies du papillon, ce n’est pas celle de la chenille que l’on retient, mais celle du papillon. »

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Lucie s’est aperçue qu’elle ne connaissait pas si bien l’œuvre de Thierry Dedieu en dehors de ses grands classiques et a découvert de nombreux titres géniaux en préparant cet article. Son préféré jusque-là : Va-t’en guerre. Voici pourquoi.

Va-t’en guerre, Thierry Dedieu, Seuil jeunesse, 2012.
  1. Pour ce titre accrocheur et sa définition dès la première page, « Va-t’en-guerre : personne qui pousse à la guerre, qui recherche le combat, l’affrontement« .
  2. Pour ce noir et blanc aussi franc et tranchant que le personnage principal.
  3. Pour ces illustrations de vie quotidienne dans lesquelles le roi s’imagine dans des situations très différentes de celles qu’il vit.
  4. Pour l’inventivité dont celui-ci fait preuve dans sa recherche d’adversaire et sa création d’armes.
  5. Pour l’épitaphe pleine de bon sens : « il l’a voulue, il l’a eue« .
  6. Parce que cette envie de guerre fait immanquablement penser à un enfant qui tire par la manche en demandant « tu joues avec moi ?« 
  7. Et que les jeunes lecteurs rient de l’acharnement du roi.
  8. Parce qu’avec le talent qu’on lui connaît, Thierry Dedieu parvient à amuser petits et grands avec un personnage aussi bête que cruel.
  9. En dépit du fait que l’attitude de ce roi glace les parents par sa résonance avec l’actualité.
  10. Et pour la chute, dont l’absurde est dans la parfaite lignée de l’album.

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Quoi de mieux pour une collectionneuse de papillons que les conseils d’un expert des sciences naturelles pour regarder la nature autrement ? Quand Thierry Dedieu se fait le porte parole de Tatsu Nagata, on chausse loupe et jumelles pour se lancer à l’assaut du monde des petites bêtes et des grosses bêtes. Et n’importe quel scientifique en herbe se laisse prendre au jeu. Voici pourquoi.

  1. Parce que ce sont des documentaires particulièrement accessibles aux tout-petits sans les sous-estimer, et ici on aime tellement les livres qui ont de l’ambition pour les enfants.
  2. Parce qu’à chaque page, l’enfant accède à une connaissance précise, souvent étonnante.
  3. Parce que : « Le ver de terre se déplace en rampant. Il possède des poils en soie qui lui permettent de s’agripper pour avancer. »
  4. Parce que les illustrations qui accompagnent chaque donnée scientifique ont quelque chose de très direct, de coloré, de vivant… et d’infiniment marrant !
  5. Parce que la première page de l’album est toujours un petit condensé d’humour à hauteur d’enfant.
  6. Parce qu’on y a vraiment cru, pendant plusieurs années, à l’existence de Tatsu Nagata, chercheur, expert mondial des mutations des batraciens, vivant au Japon sur la petite île de Yaku. Et c’est en cherchant un jour sur Internet de plus amples informations sur notre gentil professeur à la blouse bleue que nous avons appris que c’était Thierry Dedieu qui se cachait derrière ce visage jovial et tout rond.
  7. Parce que ces livres font partie de ceux que nous avons empruntés mille fois à la médiathèque avant de se les offrir pour pouvoir les lire, les relire à notre guise. Et peut-être un jour les transmettre aux enfants de nos enfants.
  8. Parce que « Le ver de terre est aussi appelé lombric. Il n’a ni bras, ni pattes, ni yeux, ni os, ni poumons. »
  9. Parce que ces albums, sans en avoir l’air, sont une ode au vivant, aux écosystèmes, à ce monde incroyable auquel nous appartenons et qu’il est tellement important d’apprendre à mieux connaître.
  10. Et je finirai cette humble liste avec une citation de Tatsu Nagata lui-même : « Il suffit de retourner la terre pour observer le ver de terre. »

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Pour Séverine non plus, il n’a pas été évident de choisir parmi tous les albums ou romans signés Dedieu, au texte et/ou aux illustrations. Après avoir hésité entre Le baron bleu et Un royaume sans oiseaux, elle a finalement choisi…Le cheval qui galopait sous la terre. Pourquoi ?

Le cheval qui galopait sous la terre, de Thierry Dedieu, Eiditons Thierry Magnier, collection Petite poche, 2017
  1. Parce que les albums précités ont un auteur (et quel auteur, Gilles Baum !) dont il n’est pas (encore ?) question sous le grand arbre et qu’elle aurait peut-être eu plus à dire sur le texte que sur les illustrations de Dedieu, fort réussies au demeurant.
  2. Parce que le thème de la guerre (et surtout de la paix à souhaiter plus fort que tout) est déjà traité par les albums choisis par Linda et Lucie
  3. Parce que l’amitié entre un cheval et un humain lui a (déjà) permis de vivre des moments de lectures inoubliables, ce roman lui a donné envie de relire Crin-blanc, Cheval de guerre, Mon cheval s’appelle orage/mon frère est un cheval, Pony, Mon petit cheval Mahabat, etc. et qu’il fait désormais partie des incontournables, devenus des…classiques !
  4. Parce qu’il traite de la mine, celle des «gueules noires», des «toucheurs», des «galibots», des «hercheurs», et qu’en stéphanoise pure souche (ou presque !), petite-fille de mineur, elle ne pouvait qu’être touchée par ce récit, qu’elle a évidemment proposé à sa fille de 9 ans, curieuse de ce patrimoine qu’elle commence à peine à découvrir.
  5. Parce qu’il aborde des thématiques pour, en lecture accompagnée, ouvrir le dialogue entre passé et présent, histoire et sociologie, philosophie et pragmatisme : droits acquis, travail des enfants, congés payés, déterminisme social, bien-être animal…autant de sujets dont les enfants, dès 8-9 ans, peuvent s’emparer pour dire et réfléchir.
  6. Parce qu’il s’agit d’un roman sans images court, dense, intelligent, sensible, comme la plupart de la collection Petite poche des éditions Thierry Magnier, dont elle raffole.
  7. Parce qu’elle voudrait mettre en valeur le grand talent de Dedieu auteur, dont elle avait déjà eu la preuve avec un précédent ouvrage, de la même collection (L’homme qui perd le feu et le retrouve), et quelques-uns de ses albums.
  8. Parce que le contraste entre la sensation d’oppression du fond de la mine, qui saisit le/la lecteur.ice, et la poésie vibrante des journées de liberté dans le parfum et les couleurs de la nature sont remarquablement bien écrits.
  9. Parce que le titre à lui seul convoque cette dualité : « Grand-Gris, c’est le cheval qui galope sous la terre ! Et le noir n’y peut rien. »
  10. Parce que la fin est lumineuse et pleine d’espoir, elle met en marche l’imagination, elle est tout simplement belle.

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Et vous, connaissiez-vous ces titres ? Quelle est votre œuvre préférée de ce grand auteur-illustrateur ?

Lecture commune : Charbon bleu d’Anne Loyer

Chaque année vos arbonautes préférées s’engagent avec beaucoup de joie et d’empressement à lire les romans en lice pour le Prix Vendredi. Lucie et Liraloin ont profité de cette sélection 2024 pour lire Charbon bleu et en faire une lecture commune pour votre plus grand plaisir. Un roman justement récompensé par un jury de sept jeunes adultes âgés de 15 à 19 ans pour le Prix Vendredi.

Charbon bleu, Anne Loyer, illustrations de Gérard DuBois, éditions D’Eux, 2023.

Liraloin : Est-ce que tu connaissais Anne Loyer avant de te lancer dans cette lecture ? 

Lucie : En regardant sa bibliographie je me rends compte qu’elle a écrit 105 livres ! J’ai lu Bamba, et certaines des aventures de Kimamila parce que c’est la méthode de lecture que j’utilise avec mes CP. Donc j’ai beaucoup aimé Charbon bleu mais on ne peut pas dire que ce soit une auteure dont je suis le travail. Je vais être nettement plus attentive dorénavant !

Liraloin : De mon côté, je connais bien cette autrice notamment à travers des albums publiés chez A pas de loup : Christine de Pizan, Calamity Jane. J’ai également lu son roman adulte La petite coriace que j’ai bien apprécié. Anne Loyer est très prolifique et autant à l’aise dans l’écriture des romans que des albums.

Liraloin : Même question pour l’illustrateur Gérard DuBois ? Nous reviendrons plus tard sur la pertinence de ses dessins.

Lucie : J’ai un peu honte de l’avouer : non, je ne connaissais pas du tout de Gérard DuBois mais j’aime beaucoup. Je me suis un peu renseignée sur ce qu’il a fait depuis, et je trouve notamment son travail sur Moby Dick magnifique ! 

Liraloin : C’est au SLPJ que j’ai découvert cet illustrateur, il y avait une exposition de ses illustrations et je trouve son procédé très intéressant. Je l’ai découvert tardivement et c’est seulement l’année dernière que j’ai réalisé que je le connaissais à travers une illustration tirée de son livre Enfantillages. Et puis, j’ai lu la chronique de Linda sur l’album On aurait dit qui m’a donné envie de le découvrir.

Liraloin : Parlons de la couverture : qu’en as-tu pensé ? Est-ce que cette illustration te touche ? 

Lucie : Oui, je dois avouer que c’est ce qui m’a attirée vers ce roman. Ce noir et blanc un peu brut, et le regard de cette jeune fille qui se détache d’une foule. C’est très puissant je dois dire, et tout à fait en accord avec le texte. Uniquement sur la base de la couverture, c’est vers ce titre de la sélection du Prix Vendredi que je serais allée le plus spontanément.

Liraloin : Contrairement à toi je n’ai pas été attirée de suite par cette couverture surtout que nous sommes plutôt – et depuis un moment – sur des couvertures de romans pour ados un peu “clinquantes”. Le sujet m’a intéressé sans doute car j’ai vécu à Lille… et comme j’aime Anne Loyer, hop je l’ai emprunté. L’illustration est très forte et il y a quelque chose de magnétique dans ce visage féminin. On est obligé de s’attarder sur ce regard je trouve.

Liraloin : Entrons dans le vif du sujet. Le livre commence avec ce texte en préambule, écrit en italique : « Elle ferme les yeux, c’est l’appel du néant. Son corps, pris en tenaille par des milliers de mains – celles de ceux qui l’ont précédée, celles de ceux qui lui succéderont – s’enfonce sans fin, aspiré par les entrailles avides de la terre. Il est englouti par une force supérieure qui ne lui laisse aucune chance. Une chute invincible qui l’entraîne, poids mort avant l’heure, direction l’abîme. »
Que t’évoque ce texte ? 

Lucie : Ce préambule donne immédiatement le ton. Il est question de déterminisme, de tradition pesante, de quelque chose de très organique aussi il me semble et de dramatique. On sent tout de suite que le texte ne va pas enjoliver la réalité du destin de ces mineurs, et c’est précisément ce pourquoi j’ai eu envie de le lire. Mais je me dis en le relisant que c’est “gonflé” de la part de l’auteure car cela peut aussi rebuter certains jeunes lecteurs.
Qu’en as-tu pensé, toi ?

Liraloin : En relisant ce préambule je trouve qu’il est complètement raccord avec l’illustration de première de couverture. On sent ce moment compliqué de se rendre dans cet ascenseur qui “aspire vers les entrailles avides de la terre”. Comme toi, et ton terme est bien trouvé, il y a quelque chose d’organique, cette terre broie les mineurs, les rend malades et les tue. Après j’ai été très étonnée que ce roman remporte le Prix Vendredi des jeunes lecteurs, je m’y attendais pas du tout car tout comme toi je ne pensais pas que ce sujet plairait autant aux jeunes. Comme quoi….

Lucie : C’est une très bonne surprise cependant, et c’est très positif que des jeunes lecteurs acceptent de découvrir un milieu et une époque qui est éloignée d’eux. Qu’ils adhèrent à un texte qui fait la part belle à la poésie et à un certain lyrisme.

Liraloin : Oui effectivement il y a une poésie que l’on retrouve dans cette écriture. D’ailleurs on en parlait avec une collègue, et finalement on en a conclu que ce sont les auteurs-autrices qui écrivent sur des sujets sociétaux très actuels qui emportent pas mal de prix et des mises en avant… D’ailleurs, petite parenthèse, La Chasse a reçu le Prix Cendres en plus du Prix Vendredi.

La Chasse, Maureen Desmailles, Thierry Magnier, 2023.

Liraloin : L’histoire débute avec la perte du père de cette famille. Outre le chagrin de Gervaise, sa femme enceinte, cette mort impose à Ermine une analyse de la situation très lucide. Est-ce que tu te rappelles de la dureté de cette ouverture ?

Lucie : Je me souviens en effet avoir été saisie par le désespoir d’Ermine. Elle a cru pouvoir échapper à son destin de mineur car son instituteur, convaincu par ses capacités, avait insisté auprès de ses parents pour qu’elle poursuive ses études. Mais voilà qu’un double drame la cueille : le décès de son père signifie aussi qu’elle va devoir travailler pour aider sa mère car il n’y a plus que le salaire de son frère pour nourrir la famille. Au passage : que la maman s’appelle Gervaise est un joli clin d’œil à Zola !

Germinal, Emile Zola, Pocket, 2018 pour cette édition.

Liraloin : Oui, merci Anne Loyer pour ce joli clin d’œil à Germinal. Ce passage est vraiment terrible et très noir. Le chagrin accable toute cette famille et on sait que peu d’espoir est envisageable. Je trouve que ce n’est pas évident en tant que lectrice de se dire qu’à un moment la “lumière” viendra !
Il y a ce paragraphe qui m’a marqué. Ermine doit aller travailler pour la survie du foyer et voici le regard de Gervaise sur sa fille :

« Gervaise lève péniblement les yeux vers sa fille. Elle voudrait lui dire un mot gentil, un encouragement quelconque. Mais rien ne sort. Elle a honte. Honte de lui avoir promis la lune, honte de lui avoir fait entrevoir l’impossible, honte de lui avoir fait miroiter un autre destin. Ernest et elle l’ont trompée. L’ont même trahie. Ils ne cherchaient qu’à la protéger et ils n’ont rien fait que retarder l’échéance. Juste au moment où elle allait décrocher le certificat d’étude, ce sésame pour un autre futur, tout se brise… »

Comment analyses-tu ce paragraphe ? 

Lucie : En tant que lecteur, on se met très facilement à la place de Gervaise. Ou peut-être est-ce parce qu’on est mamans aussi ? Cette honte, même si elle n’y est pour rien, est parfaitement compréhensible. C’est un peu comme si elle avait trahi sa fille en lui laissant apercevoir un avenir différent de la mine. Avenir dont elle va finalement être privée à cause de la disparition de son père. Est-ce que la situation aurait été “moins pire” si Ermine était allée à la mine dès le début ? C’est vraiment une ouverture de roman très dure et très noire, tu le disais. Et c’est d’autant plus courageux de la part d’Anne Loyer d’oser y aller franchement et de proposer un texte sans concession à ses jeunes lecteurs.

Liraloin : Oui et d’ailleurs ta question rejoint celle-ci. J’ai trouvé que le destin d’Ermine était fragile dès le départ, pas franchement net concernant ses projets d’études comme si l’autrice voulait nous préparer à cette chute. Ta vision est juste car nous sommes bouleversées par la honte qui saisit Gervaise, cette culpabilité envahissante. C’est d’autant plus difficile à “digérer” car pour une fois, un membre de cette famille aurait connu autre chose que la mine. Pour moi il y a cette prise de conscience de cette mère complètement atterrée par la perte de son mari et ce destin qu’elle brise malgré elle. Le champ lexical de la lumière est pourtant présent et sera le fil conducteur tout le long du récit. Pour le moment la lumière est juste atténuée et forcément pas franche (lune, miroir…).

Lucie : Je me demandais justement : trouves-tu que le supplément d’instruction qu’a reçu Ermine apporte quelque chose au roman ? 

Liraloin : Oui énormément, cette instruction lui permet de supporter sa nouvelle vie à la mine en s’échappant dans ses rêveries. Elle est complètement à part et les autres lui font bien sentir sauf un personnage…
C’est justement là qu’apparaît Firmin. Est-ce que ce personnage t’as plu ? 

Lucie : Je ne vois pas comment on peut ne pas aimer Firmin. Il apporte tellement de lumière (on y revient, je n’avais pas conscience du champ lexical de la lumière mais maintenant que tu le dis ça me saute aux yeux) et de douceur dans ce monde noir, étouffant, sans espoir… Un phare dans la nuit ! J’adore son surnom de Firmament d’ailleurs, quelle trouvaille ! Je suis curieuse de savoir ce que tu as ressenti lors de la première rencontre entre le jeune homme et Ermine ?

Liraloin : Il est le rayon d’une lumière qui n’existe plus, son intelligence se caractérise par sa poésie, cela touche également Ermine qui est transporté ailleurs d’où l’illustration (p.53). J’aime beaucoup ce personnage, d’une grande sensibilité. Ermine le surnomme Firmament rien que pour elle et comme toi j’ai trouvé que ce surnom était une belle trouvaille. Il y a une alchimie qui se fait très vite et naturellement. 

Lucie : Je me disais que c’était peut être grâce à son « instruction » qu’Ermine était si rapidement touchée par cette rencontre. Car Firmin n’est pas vraiment le mineur typique. Leur lien se crée au niveau intellectuel : ils aiment les mots, les sonorités, cela les anime et les aide à supporter leur quotidien. Qu’en penses-tu ?

Liraloin : Tout à fait ! je suis d’accord avec toi en ajoutant que le lien que le jeune homme établit avec les animaux ajoute à son empathie. 
Mais le rêve n’est pas la vie. Même si Ermine parle de Firmin et de son caractère à sa mère, cela fait rêver également sa petite sœur de 4 ans, Martine. Que penses-tu de l’autre membre de cette fratrie, le frère aîné d’Ermine ? 

Lucie : Guy… Lui pour le coup c’est la caricature du mineur. Brutal, rugueux, il n’est pas très aimable. Heureusement qu’Anne Loyer prend le temps de nous expliquer le ressentiment qu’il a pour Ermine, et ainsi de le rendre plus humain. Parce qu’il aurait le profil idéal pour être le “méchant” de l’histoire. On comprend tout de même qu’il a été forcé de grandir très vite, d’assumer des responsabilités très jeune et qu’il s’est forgé une “carapace” pour s’en sortir. Mais il reste extrêmement désagréable.

Liraloin : Tout à fait, et ce n’est pas un exercice facile pour une autrice d’échapper à la caricature car Guy en a tous les aspects. Cette profonde tristesse qu’il a en lui se transforme en brutalité, il ne sait réagir autrement. Oui, tu as raison, il est imbuvable. 

Lucie : A propos de la famille d’Ermine,que penses-tu de son rôle dans l’évolution de ce personnage ? 

Liraloin : Dans cette famille, Martine la petite sœur apporte du bonheur et permet à Gervaise de garder le sourire, l’innocence de la petite est palpable. Cette joie enfantine permet à Ermine de sortir un peu la tête de son quotidien harassant. Elle aime le rire grelot de sa petite sœur. Pourtant c’est tout de même Guy qui est pour moi comme une ombre qui s’étend de plus en plus sur ces femmes, le patriarcat est présent et il n’est pas atténué. Le foyer et donc la famille n’est plus un refuge pour Ermine, les obligations ont noyé le reste. 

Lucie : Tu as raison, ce patriarcat est très net et correspond évidemment à l’époque puisque ce roman se passe au 19ème siècle. Quand le père meurt, Guy prend le pouvoir sur la famille. Pouvoir dont il se passerait bien à mon avis mais qu’il assume avec la dureté qui le caractérise.

Liraloin : Oui merci de le préciser. L’époque est importante. Il en veut à cette famille, la mort de son père retarde aussi sa vie et son avenir.

Lucie : Nous avons une fois de plus utilisé le champ lexical de la lumière avec cette ombre que Guy étend sur la famille. C’est le moment de parler des illustrations qui répondent parfaitement au contraste entre ombres et lumières qui irrigue le texte, non ?

Liraloin : Ce contraste est très puissant et les 12 illustrations sont bien choisies. Elles alternent entre le rêve et la réalité. Il y a des planches qui apportent cette note d’espoir et en même temps quelques pages après on redescend du terre avec un dessin qui accentue la dureté de la vie. C’est une belle idée que d’avoir choisi d’illustrer ce roman. 

Lucie : La technique utilisée est particulièrement pertinente je trouve. Ces aplats noir qui laissent filtrer le blanc… cela correspond tellement bien à l’histoire d’Ermine et Firmin !

Liraloin : Puis tout s’accélère lorsqu’on approche de la fin. D’après toi, pourquoi Anne Loyer a choisi de précipiter (dans le bon sens du terme), son histoire ? D’ailleurs qu’en as-tu pensé de cette chute ? 

Lucie : Cette fin. On la voit venir, elle est annoncée et pourtant qu’il est difficile de s’y résoudre ! Une nouvelle fois, je trouve Anne Loyer courageuse d’avoir assumé jusqu’au bout sa résolution de véracité. Au risque de décevoir les lecteurs fleur bleue, la réalité de la mine était difficile, exigeante, et nous l’avons bien dit l’auteure ne cache rien des douleurs physiques, ni de la fatigue ou de la peur de ses personnages lorsqu’ils sont sous terre. La fin est donc triste, mais logique. 

Liraloin : Je suis complétement raccord avec toi et je trouve également qu’Anne Loyer y ajoute de la poésie malgré tout. C’est cela que je trouve très fort chez elle, la dernière illustration y est pour beaucoup. Est-ce que la liberté n’est pas justement dans cette fin et cette tragédie? 

Lucie : Oui, tu as raison. Ce roman ne fait pas dans l’optimisme forcené mais Anne Loyer parvient malgré tout à insuffler de l’espoir quelque soit la situation – aidée par Gérard DuBois et notamment comme tu le disais de sa magnifique dernière illustration. C’est très fort. Et c’est peut-être aussi ce qui a plu aux jeunes lecteurs ? Cet espoir dans une situation qui semble désespérée cela peut faire écho à ce qu’ils ressentent face à l’actualité ?

Liraloin : Oui car après tout cette histoire parle de cette liberté d’aimer.
Pour terminer, à qui conseillerais-tu ce roman ?

Lucie : Et bien sans surprise, parce que c’est toujours le cas des bons romans, à plein de lecteurs très différents. Je suis persuadée qu’il plairait à mon fils de 13 ans, mais aussi à des copines et je suis presque certaine que ma mère va me demander de le lui prêter. Le panel de lecteurs est donc étendu : ceux qui aiment l’histoire, qui veulent en apprendre plus sur l’univers minier, qui ont envie de découvrir un texte poétique et nuancé, avec une jolie histoire d’amour entre deux âmes blessées… J’ai oublié quelqu’un ? 

Liraloin : Ahahaha non, tu n’as oublié personne. Tout comme toi je pense que ce roman peut attirer un large lectorat. Je le conseillerais autant aux adultes qu’aux ados !

Lucie : Pour les plus curieux de nos lecteurs, je trouve que Charbon Bleu fait fortement écho à un autre titre de la sélection du Prix Vendredi : Vindicte met aussi en scène une femme dans une situation désespérée (c’est l’une des “tondues” de la Libération) confrontée au regard et au jugement des autres et particulièrement des hommes. Je les ai lus à la suite et j’ai trouvé ce parallèle stimulant.

Vindicte, Gildas Guyot, In8, 2024.

Liraloin : Je n’ai pas encore lu ce roman. Justement je trouve que c’est essentiel que des autrices et auteurs s’emparent de faits historiques pour ce devoir de mémoire que nous devons transmettre de génération en génération… Et le fait qu’ils plaisent comme nous avons pu le voir avec l’attribution du prix Vendredi des jeunes est très chouette !

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Pour conclure, la réaction à notre discussion de deux copinautes originaires de régions minières.

Linda : En bonne nordiste que je suis, j’avais envie de dire que la mine fait partie intégrante de notre patrimoine et les enfants grandissent avec des histoires de la mine. Les mineurs n’existent plus et il n’en reste guère de survivants aujourd’hui mais la mémoire collective est entretenue par les associations et les récits des enfants et petits-enfants de mineurs. Tous les enfants d’ici visitent au moins une fois dans leur vie le musée de la mine de Lewarde qui marque les esprits et donne vraiment à réfléchir sur cette vie, cette époque. Je ne connais pas un enfant ou ado qui soit ressorti déçu de cette visite et cela ne m’a donc pas étonné que les jeunes aient choisi ce titre…

Séverine : Je pourrais très exactement reprendre le propos de Linda en remplaçant Lewarde par « Puits Couriot » à Saint -Etienne ! Ici, c’est exactement cela aussi. En ce qui me concerne, j’essaie de transmettre à ma fille un bout de l’histoire locale, grâce notamment aux livres, mais c’est vrai qu’il me semble que la littérature jeunesse pèche un peu en la matière, en particulier pour les plus jeunes. Dernièrement, un album pour petit.e.s s’est démarqué : Mille mineurs, écrit et illustré magnifiquement par Evelyne Mary.

Nous espérons vous avoir donné envie de découvrir l’histoire d’Ermine, d’autres romans d’Anne Loyer et, pourquoi pas, de visiter ces lieux d’histoire !