Prix Vendredi 2025

C’est reparti pour le Prix Vendredi ! Comme tous les ans, les arbronautes ont lu la sélection des romans pour se faire un avis. Et nouveauté cette année, en plus de vous présenter chaque titre elles vous dévoilent leur chouchou. Correspondra-t-il au lauréat annoncé demain ?

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Sous le Grand Arbre, nous aimons la collection L’Ardeur de Thierry Magnier qui propose aux adolescents des textes leur permettant de questionner leurs rapports aux autres et leur sexualité. À Croquer suit cette ligne en présentant Marie-Maud le jour de sa rentrée. Celle-ci en a assez d’être invisible et pour y remédier elle a décidé de changer de look. Et c’est une réussite, tous les regards sont braqués sur elle. Mais est-ce vraiment une bonne nouvelle ? Plongée dans la jungle des rapports adolescents où le titre prend tout son sens : Marie-Maud est « à croquer », mais dans l’univers encore très machiste du lycée, elle va en subir les conséquences.

Beaucoup de belles trouvailles dans ce texte en vers libres d’Anne-Fleur Multon, et des réflexions particulièrement pertinentes. On regrette juste l’absence de personnages masculins positifs qui auraient certainement permis un coup de cœur !

À croquer, Anne-Fleur Multon, Editions Thierry Magnier, 2025.

L’avis de Lucie.

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Et si votre visage était soudain affiché sur les écrans de toustes ? C’est le point de départ de Célèbre à en mourir. Pendant 44 secondes, le visage de Laura est affiché à la place de tous les autres. La jeune femme devient aussitôt célèbre. Pour le meilleur, ou pour le pire ? Qui a bien pu réaliser pareille prouesse technologique ?

Voilà un thriller ado intense et prenant, qui interpelle ses lecteurices sur l’usage de l’intelligence artificielle, le poids des images. Il nous questionne sur la célébrité, l’absence de vie privée qui en découle, cette hyper-exposition qui devient prison. Un roman intelligent, glaçant par moments – car il résonne avec nos pratiques ! -, très immersif également.

Célèbre à en mourir, Alain Gagnol, Syros, 2025.

La chronique d’Héloïse.

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Voyagez dans l’Irlande du Nord des années 1990 aux côtés d’Abigeál ! Mais attention, il faut avoir le cœur bien accroché. Car Fanny Chartres installe sa famille dans une maison qui semble encore hantée par l’un des aspects les plus sombres de l’histoire irlandaise : les couvents de Magdalenes. La personnalité de l’héroïne, coincée entre traditions étouffantes et velléités d’émancipation est particulièrement attachante. Au fil des rencontres à la maison de retraite voisine et des balades nocturnes avec son petit frère, elle va faire des découvertes qui vont changer sa vie et celle de sa famille.

Dans le ventre de Fianna Sinn est un roman qui brasse beaucoup de sujets, de la famille à la religion en passant par la vieillesse, avec une grande maîtrise et un souffle de fantastique. Les personnages, nombreux et variés, permettent de prendre véritablement conscience de la complexité de faire face à une histoire dramatique.

Dans le ventre de Fianna Sinn, Fanny Chartres, L’école des loisirs, 2025.

L’avis de Liraloin et celui de Lucie.

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Francoeur, c’est Anna Dupin, une romancière, soeur d’artistes tout aussi célèbres qu’elle. Dans des lettres quelle envoie à une mystérieuse admiratrice, elle nous narre son passé, enchaînant les descriptions de scènes champêtres et autres menues bêtises

Francoeur, c’est la vie d’une famille atypique, un recit inspiré de la vie de George Sand, de Rosa Bonheur ou encore Sarah Bernhardt. Une famille d’artistes qui mène la vie de bohème, dans une joyeuse pagaille. La richesse de ce roman épistolaire, c’est le contexte historique, particulièrement bien dépeint, entre la révolution de 1848, les descriptions de la vie à Paris, et les très nombreuses références culturelles et artistiques. Un texte original.

Francœur, à nous la vie d’artiste, Marie-Aude Murail et Constance Robert-Murail, L’école des loisirs, 2025.

La chronique d’Héloïse.

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L’avis d’Hélène

Les frontières écarlates séparent l’Empire de Thyr et le royaume de Bakara qui sont en guerre depuis de nombreuses années sans que l’on sache vraiment pourquoi au début du roman. Raïa, la fille de l’empereur de Thyr aimerait combattre et savoir davantage de choses sur la guerre, mais malgré l’autorisation pour les femmes de combattre, son père ne lui laisse qu’un rôle subalterne, les mentalités évoluant moins vite que les lois.

Cependant dès les premiers chapitres, Nyx, une membre de l’armée se révèle être une espionne bakaréenne et assassine le père de Raïa sous ses yeux avant d’enlever cette dernière pour l’emprisonner dans son royaume. De nombreuses péripéties les entraîneront à la recherche de la vérité, que chaque camp croit détenir, jusqu’à ce qu’un événement contredise ses certitudes…

Malgré l’épaisseur du livre, on est assez rapidement emporté par l’intrigue qui ne comporte pas de longueurs grâce aux nombreux rebondissements et aux personnages auxquels on s’attache rapidement. Nyx notamment, malgré sa cruauté au début du roman, semble pleine de ressources et a de multiples facettes, tout comme Raïa.

Un roman tout en nuances, qui montre que le monde est plus complexe que l’on croit et qu’il n’y a pas d’un côté les gentils et de l’autre les méchants, que j’ai beaucoup aimé, une agréable surprise ! Une suite est certainement à prévoir mais en attendant, le Prix Vendredi est l’occasion de découvrir ce titre et cette jeune autrice

Les frontières écarlates, Les empereurs, Solène Ayangma, Talents Hauts, 2025.

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Nina perd le nord, c’est le titre chouchou d’Heloïse. Un road-trip émouvant, celui d’une famille un peu dysfonctionnelle, terriblement attachante.

Nina est en troisième, et s’ennuie dans son quotidien. Elle vit seule avec son père, et c’est souvent elle qui joue le rôle de l’adulte depuis le décès de sa mère. Mais un jour, un notaire leur écrit pour leur dire que tata Suzanne leur lègue tous ses biens. Seule condition : aller déposer ses cendres en Suède, dans les mines de Falun.

De belles surprises, de jolies rencontres, un humour cassant, de beaux paysages… Ce road-trip est l’occasion pour père et fille d’affronter les démons du passé, de se retrouver, de se comprendre. Il est aussi l’occasion de découvrir un pan de la vie de cette tante, pan triste et émouvant.

Avec Nina perd le Nord, Céline Courjault aborde la thématique du deuil avec beaucoup de finesse et de sensibilité. Elle nous parle aussi de l’adolescence et de ses difficultés, de famille, d’amitié, de confiance en soi. C’est beau, c’est doux, c’est drôle, c’est fou, c’est frais, bref, on en redemande !

Nina perd le nord, Céline Gourjault, Seuil Jeunesse, 2025.

L’avis de Lucie, celui de Liraloin, et celui d’Héloïse.

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Nathalie Bernard est une habituée des récompenses littéraires (Pépite fiction ados du salon jeunesse de Montreuil, Prix 12/14 de la Foire du livre de Brive, Prix des Incos…) pour ses romans amples, aux thématiques engagées, au style efficace. 2025 sera-t-elle l’année du Prix Vendredi ? Cela se pourrait en effet, pense Séverine, car La part du vent est une histoire forte, aux paysages époustouflants, personnages à part entière d’un récit à mi-chemin entre « nature writing », roman initiatique, ou encore roman d’aventures, ne laissant aucun répit au lectorat. Les rebondissements s’enchaînent sans temps mort, les relations entre ses différents personnages sont subtiles. Tout en déclinant des thèmes forts comme la surexploitation des terres générant une désertification progressive, le racisme anti-natifs et le Klu Klux Klan, la solidarité, au gré du passage à l’âge adulte de son héroïne June Flanagan, jeune femme courageuse, battante, passionnée, déterminée à conserver sa liberté, son indépendance, malgré les coups durs, ce récit nous emporte dans une tourbillon d’émotions. Le lire, c’est une immersion puissante, émouvante et quasi sensorielle dans l’Oklahoma des années 30, entre dust bowl (première catastrophe écologique de l’Histoire des Etats-Unis ?) et crise économique suite au Krach de 1929. C’est plonger dans un monde où la nature veut reprendre ses droits. C’est ressentir avec June des sentiments aussi fort que la peur, la solitude, mais aussi l’amitié, le respect, l’amour inconditionnel. Le talent de l’autrice y fait encore une fois merveille pour susciter réflexions et questionnements, sans jamais faire l’économie de l’intensité stylistique et narrative propre aux grands romans. Bravo.

La part du vent, Nathalie Bernard, Editions Thierry Magnier, 2025.

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L’avis d’Hélène sur Saint-Marie-des-Haines-Infinies :

Ce court roman de Louise Mey se lit assez rapidement. Il aborde dans un format court et facile d’accès beaucoup des sujets qui touchent les adolescents actuellement et que l’on retrouve très souvent dans les romans parus ces dernières années : harcèlement, homosexualité (féminine en l’occurence), regard des hommes sur le corps des (jeunes) femmes et enfin la questions incontournable à cet âge : comment trouver sa place dans un milieu parfois hostile. 

L’héroïne termine ses études au collège Sainte-Marie, établissement catholique imaginaire fréquenté par des gens très comme il faut (Sixtine, Cyprien…). Cependant sous le vernis de la morale et l’apparat de l’établissement, tout n’est pas si rose et les élèves n’ont parfois de saint que l’apparence. 

Arrivée dans ce collège après le décès de sa mère à la suite d’un cancer, l’héroïne est très mal accueillie par ses pairs et notamment par Salomé qui ne mâche pas ses mots à son égard, ne manifestant aucune compassion, se moquant d’elle et du deuil qu’elle est en train de vivre… Bref, rien de très chrétien.

L’héroïne parvient à supporter l’ambiance du collège grâce à Marwa, amie/amante qui lui fait découvrir l’amour et la raisonne parfois quand la colère la submerge en lui enjoignant de ne pas « brûler les ponts » et Matthieu, son ami de son ancien collège (nommé Aimé Césaire, comme un antonyme à Sainte-Marie), et qui fourni les élèves de Sainte-Marie en drogues…

L’écriture et les thème de ce roman sont un peu crus : vocabulaire, sexualité, l’héroïne ne mâche pas ses mots, prenant d’ailleurs un malin plaisir à renommer son établissement en « Sainte-Marie-de-mon-Cul », « Sainte-Marie-des-Filles-Sages », « Sainte-Marie-des-Faux-Semblants ». On retrouve cette colère et cette hâte que l’année se termine enfin dans le style : la ponctuation est rare, les phrases très longues, comme si la narratrice n’avait pas le temps de reprendre son souffle tant elle a à dire. Cette écriture est déroutante mais cohérente avec le propos, tout comme la couverture qui reprend la figure du blason, qui rappelle la noblesse en y incrustant la figure de deux femmes qui s’embrasent, le thème récurrent du feu symbolisant la colère…

Même si les personnages peuvent être un peu caricaturaux et la lecture dérangeante, ce roman a le mérite de mettre en lumière le fait que le harcèlement existe dans tous les milieux, et que dans tous les milieux chacun se cherche… Car les élèves populaires ne sont pas tous si heureux que cela, l’héroïne en a la preuve dans son « Dossier dernier jour »… Le compte à rebours avant la fin du collègue est lancé 3,2,1… Chaque chapitre rapproche l’héroïne d’un ailleurs où elle sera à sa place, sans doute.

Sainte-Marie-des-Haines-Infinies, Louise Mey, Editions la ville brûle, 2025.

Lire aussi l’avis de Lucie.

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L’avis d’Hélène sur Le silence est à nous :

Ce livre de Coline Pierré a fait grand bruit depuis sa sortie en mars 2025. Très actuel, sur le thème du féminisme et de la place de la parole des victimes d’agression sexuelles et de leur traitement par la communauté éducative et la société en général.

Au départ, l’héroïne, « Léo » pense s’être trouvé au mauvais endroit au mauvais moment lorsqu’elle assiste « auditivement » à une agression sexuelle… Elle se sent ensuite une responsabilité et prends contact avec la victime. Une solidarité se met en place et l’enjeu sera alors de se faire entendre… En silence. Un parti pris très intéressant, à rebours des manifestations bruyantes, qui aura des conséquences sur chacun des personnages.

Un roman écrit en vers libres qui parle de l’accueil de la parole des victimes d’agression, de la parole des jeunes en général, des filles en particulier… Au coeur du sujet, la notion de consentement, les changements de mentalité, le rôle des adultes et les revendications des plus jeunes… L’équipe du blog a aimé ce titre très actuel et vous invite à rester connecté pour lire, très bientôt, notre lecture commune !

Le silence est à nous, Coline Pierré, Flammarion Jeunesse, 2025.

L’avis de Liraloin et celui de Lucie dont c’est le titre préféré de cette sélection.

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Seul titre que nous n’avons pas réussi à nous procurer, Véda s’en va est ainsi présenté par les éditons Albin Michel : Dunkerque, Véda, 17 ans, a une bande de copains, un petit ami champion de kite-surf, une famille, modeste mais qui l’aime, et un dragon d’eau de compagnie à qui elle se confie. Mais la jeune fille rêve d’une autre vie et met de l’argent de côté afin d’intégrer une université privée à Lille. Sa rencontre avec Frankie, lesbienne extravertie fraichement arrivée de Berlin, bouleverse son existence.

Si vous avez pu le lire, votre avis nous intéresse !

Véda s’en va, Sarah Maeght, Albin Michel, 2025.

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Et vous quel titre de cette sélection avez-vous préféré ?

Lecture commune : Hyper d’Emilie Chazerand

Sous le Grand Arbre nous sommes très friandes de la plume d’Émilie Chazerand. Nous avons d’ailleurs déjà réalisé une lecture commune d’Annie au milieu et eu la chance d’interviewer cette auteure pétillante ! Aussi, réalisant que plusieurs d’entre nous avaient dévoré Hyper, nous avons eu envie d’en discuter… nous vous laissons découvrir le résultat !

Hyper, Emilie Chazerand, Pocket Jeunesse, 2025.

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Liraloin : Voici comment l’autrice présente son héroîne : « Elle écrit parce que personne ne l’écoute, chez elle, et qu’elle ne se connait pas assez pour se parler à elle-même. ». Qu’est-ce que vous pensez de cet extrait tiré de la présentation d’Emilie Chazerand placé en préambule ? Est-ce que vous connaissiez cette autrice ? Avec quelle lecture l’avez-vous découverte ?

Héloïse : Oui je la connaissais, je l’ai découverte avec Annie au milieu et depuis, je complète peu à peu en lisant ses autres textes, qui ont tous pour moi un petit quelque chose de touchant, de « bousculant », d’extra. J’ai lu La fourmi rouge aussi, tellement foufou et en même temps tellement touchant, et puis La maison sous la maison, dans un tout autre style. Côté album, j’ai eu un coup de cœur pour Lady papa, si flamboyant !

Lucie : Je trouve que cette présentation introduit bien le personnage. Miriam est effectivement très seule et je trouve que, lorsqu’on ne se connait pas bien, écrire est peut-être la meilleure façon d’avancer dans la découverte de soi, de mettre des mots sur ses pensées, de les faire évoluer…

Héloïse : C’est très juste ce que tu dis Lucie : écrire permet de se connaître, de se dévoiler, d’explorer tellement de possibles…

Lucie : Je connais bien les romans ado d’Emilie Chazerand (je crois les avoir tous lus), moins ses albums. Je l’ai découverte avec La fourmi rouge. Je trouve qu’elle parvient à se saisir de sujets graves tout en gardant une plume assez légère et surtout un humour dévastateur ! Et toi, Liraloin, comment répondrais-tu à tes propres questions ?

Liraloin : Concernant le préambule, je trouve qu’il donne le ton sur l’esprit de cette autrice qui d’ailleurs nous avait fait le plaisir de répondre très sincèrement à nos questions. Elle est caustique, avec un humour qui dédramatise les situations les plus tristes. 

Héloïse : Oui son humour, parfois bien grinçant, bien noir, est l’une de ses marques de fabrique, et j’avoue que j’en suis fan. 

Lucie : En ouvrant ce roman, nous tombons sur la date du 24/02 et on dirait que notre héroïne débute un journal qui, somme toute, n’a rien d’un acte exceptionnel. Ce que nous découvrons très rapidement c’est qu’il y a un journal bis : « journal infirme, journul, journaze ». Le double journal de ce roman est l’occasion parfaite d’utiliser cette ironie mordante. Avez-vous eu une version préférée ?

Liraloin : Le « journal infirme, journul, journaze ». J’adore je suis très fan de la version qui n’est pas destinée à la mère : “Un journal pas intime pour les yeux de votre mère. Un carnet privé pour vous et vous seulement. Si elle tombe sur le premier, elle n’imaginera pas qu’il en existe un second. Et on ne trouve que ce qu’on cherche, n’est-ce pas ? » Miriam, notre personnage principal, se lâche complètement.

Héloïse : Moi aussi, j’adore cette voix tellement extrême parfois, mais aussi criante de vérité. et ce “Je t’emmerde”, dès la deuxième ligne !!!! C’est fort, c’est trash, c’est cash, et en même temps on ressent toute la force des émotions derrière. 

Lucie : C’est vrai que je me suis plusieurs fois fait la réflexion que ce “journul” aurait pu avoir une existence propre mais que la version “officielle” a forcément besoin du “journul” pour être comprise et appréciée. C’est vraiment les écarts de ton et de contenu entre les deux qui font tout le sel de ce roman. Pour ma part, j’avoue être très fan du journal officiel, mais surtout parce qu’il permet de mesurer l’immensité des non-dits entre Miriam et sa mère, et donc de mieux cerner son mal-être.

Liraloin : Tu as complètement raison Lucie. Les non-dits sont forts et je pense tout de suite au passage qui se situe au tout début du roman où Miriam se confie à son psy est c’est d’une tristesse et surtout d’une sincérité absolue (p.38-39). Le fait que les autres ne vont jamais se souvenir d’elle comme étant la meuf aux baskets qui clignotent mais comme “Ah ouais je vois, OK : la rousse dégueulasse, obèse et moche et débile !” 

Héloïse : Ohla la oui ce passage… et son : “Je m’aime pas. Je m’aime plus. Alors je veux juste rompre.” C’est si dur, si émouvant…

Liraloin : Je suis tout à fait d’accord avec toi Héloïse, on enchaîne punchline sur punchline c’est très caractéristique de son écriture.

Héloïse : Oui, j’ai rarement relevé autant de citations sur un roman 😉

Lucie : J’avoue que ce passage m’a plombée. Miriam semble très intelligente et a un fort caractère, mais sa haine d’elle-même est tellement puissante… C’est abyssal et ça m’a un peu minée malgré les punchlines que vous évoquez. J’ai passé la totalité du roman à me demander ce qui avait pu saper à ce point son estime d’elle-même.

Liraloin : Pépita – qui est une ancienne branche du blog – a trouvé ce roman triste, c’est sans doute ce que tu ressens avec ce passage Lucie en nous disant cela ? Pour ma part, oui elle n’a aucune estime d’elle-même car elle n’est pas entourée de personnes bienveillantes et doit surmonter trop de problèmes pour une ado. Elle se persuade d’être forte !

Lucie : Oui, c’est le mot. Ça m’a rendue triste, que l’on puisse se détester et se faire du mal à cet âge-là, avec malgré tout une mère maladroite mais aimante. Elle a tellement de problèmes, cela semble insurmontable !

Héloïse : Je suis d’accord avec toi, ce n’est pas un roman facile à lire, on n’en sort pas indemne, ça bouleverse forcément, tout ce mal-être. Et elle enchaîne les “ennuis” (je reste polie, c’est bien pire). Mais je ne sais pas… l’humour peut-être, ce détachement du premier journal, l’officiel, pour sa mère, ce sarcasme omniprésent… J’ai été happée du début à la fin !

Liraloin : Je suis comme toi Héloïse, j’ai dévoré ce roman. Je suis passée du rire à de grandes émotions. J’ai rarement vu une autrice capable de traiter du dysfonctionnel comme le fait Emilie Chazerand. Il y avait Axl Cendres mais son écriture était plus noire. Je comprends ton point de vu Lucie et sans divulgâcher : son mal-être est tout de même lié à 90% à sa relation avec sa mère.

Dysfonctionnelle, Axl Cendres, Sarbacane, 2015.

Héloïse : C’est vrai qu’il y a quelque chose de Dysfonctionnelle dans ce “rien ne va”, mais en même temps, c’est différent. Le contexte déjà. clairement le manque de communication avec la mère “aggrave” son état.

Lucie : C’est sûr que la mère n’est pas aidante, elle est totalement dysfonctionnelle, mais elle fait aussi avec son histoire et sa personnalité. Heureusement, Miriam fait d’autres rencontres qui vont l’aider à avancer. Est-ce que l’un de ces personnages vous a plus touché que les autres ?

Liraloin : Ha la question piège ! je ne sais pas je n’arrive pas à choisir vraiment et c’est rare car j’ai apprécié tous les personnages qui font “avancer” Miriam dans sa propre histoire, dans son propre cheminement. Et toi Lucie ? 

Lucie : Le psy, clairement ! Déjà, un psy ne pouvant pas ressentir d’émotions il n’y a qu’Emilie Chazerand qui pouvait l’inventer. Son stoïcisme face aux provocations de Miriam et son inébranlable bienveillance en font un personnage extra. Heureusement qu’il est là. Mais Saraavanel est aussi très chou, j’avoue !

Héloïse : C’est vrai qu’ils sont tous bien campés. Le psy m’a bien plu, il est tellement.. je ne sais pas dire, mais… il est fort.  Saravanavel est très original lui aussi (et j’avoue que je n’ai pas vu venir un événement qui m’a… surprise ! choquée ?), sa mère est touchante aussi d’ailleurs. 

Liraloin : Et Manana (quel prénom d’ailleurs !)…

Lucie : Manana a un rôle que je crois n’avoir encore jamais vu en littérature jeunesse : ce n’est pas vraiment une copine, mais elle est présente. Elle pourrait être un cliché ambulant mais retourne le cliché, justement, avec l’invitation à la fête… Ce personnage est plein de facettes.

Héloïse : Oui, au début, j’avais l’impression que c’était le personnage “bouche-trou”, mais en fait non. Elle se révèle petit à petit. Le passage de la fête notamment. 

Liraloin : Je vous rejoins. Manana est une pince sans rire. D’ailleurs il y a un jeu de mot trop drôle avec son prénom. Je laisse les lecteurs découvrir ce passage.

Héloïse : C’est difficile de ne pas tout révéler, il y a tellement de secrets, de non-dits. Si j’ai vu venir une partie de la ”grosse”  révélation, c’est tellement bien mené ! Vous vous y attendiez, à cette confession finale ?

Liraloin : Mais pas du tout ! quelle surprise ! Elle trop balaise Emilie Chazerand !

Lucie : Il y avait “cachalot sous gravillon” mais je n’avais pensé qu’à la moitié de la révélation. C’est vrai qu’Emilie Chazerand parvient à nous surprendre tout en expliquant l’immense mal-être de son héroïne. C’est très fort. Et toi Héloïse, tu as été surprise? 

Héloïse : J’avais vu venir une partie de la résolution (l’autre partie de celle à laquelle tu avais pensé Lucie), mais là, c’est brillamment mené, et je n’étais clairement pas allée au bout !

Lucie : Pour conclure, notre question rituelle : à qui conseilleriez-vous ce roman ? 

Héloïse : Pas facile… pas avant 14-15 ans, vu la difficulté des thèmes abordés, et le cynisme…

Liraloin : Je dirais 15 ans et comme le dit Héloïse, je ne sais pas si nos ados sont dotés d’un grand sens cynique. Je vais le conseiller à plein d’adultes !

Héloïse : Effectivement, il touchera les grands ados, et les adultes plus facilement 🙂 Et il est extra pour aborder tellement de thématiques, dont la santé mentale, la grossophobie…

Lucie : Peut-être que des ados ayant dépassé l’âge de Miriam (donc en début d’études supérieures par exemple) ou des adultes seront plus facilement bienveillants avec ce personnage. Je pense aussi qu’en tant qu’adulte cela fait réfléchir aux non-dits et au mal qu’ils peuvent engendrer. C’est Hyper important de garder le dialogue avec les ados.

Héloïse : C’est ce que dit la mère de Saravanavel : “Les enfants, qu’ils aiment ou détestent leurs parents, les protègent toujours. Mais qui les protège de nous ? Qui les protège de nos silences, de nos secrets, de nos ambitions imbéciles ? “ Ca m’a personnellement beaucoup touchée, et fait réfléchir.

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Nous espérons vous avoir donné envie de découvrir le double journal à l’humour décapant de Miriam dans Hyper !

Notre sélection de séries pour ados

Parce que les thématiques sont plus difficiles ou que leur lecture est un peu plus ardue, mais aussi parce que nous avions tellement de séries dont nous souhaitions parler que nous avons décidé d’en faire deux articles, voici la sélection des séries destinée aux ados. Il vous reste deux mois pour faire votre choix et gâter vos grands lecteurs !

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À la croisée des mondes aurait pu figurer dans la sélection précédente. Mais les concepts et les enjeux assez élaborés de détonnent pas dans celle-ci. Dans un monde où chaque humain est lié à un daemon, sorte de prolongement de soi sous forme animale mais à sa personnalité propre ; le lecteur rencontre Lyra, jeune anglaise qui étudie dans une prestigieuse université. Lorsque son meilleur ami disparaît, elle se lance dans une aventure qui va mettre sa vie en danger mais aussi lui permettre de découvrir ses origines. Philip Pullman publie actuellement une trilogie qui n’est pas indispensable à la compréhension mais apporte des éléments complémentaires au lecteur curieux. Elle est composée d’un prequel intitulé La Belle sauvage, de La communauté des esprits, qui se déroule après la trilogie originale et d’un troisième ouvrage à paraître.

Les royaumes du Nord, série en 3 tomes de Philip Pullmann, Gallimard jeunesse.

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Bienvenue à Nevermoor, monde merveilleux et magique, dans lequel Morrigane Crow se retrouve soudain propulsée ! Enfant maudite, condamnée à mourir le jour de ses onze ans, elle a été sauvée de justesse par Jupiter Nord, qui la recueille dans son monde. Un monde qui recèle de surprises, bonnes … ou mauvaises !

Facéties, rebondissements, mystères et magie pour une série envoutante et addictive, qui cache une belle dose de noirceur. C’est drôle, c’est fufou, c’est sombre, et entraînant !

Nevermoor, série en cours de Jessica Townsend. 3 tomes traduits chez Pocket jeunesse

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Les chroniques de l’Érable et du Cerisier plongent le lecteur dans le Japon médiéval. Ces romans d’apprentissage sont donc dépaysants à plus d’un titre ! Car s’il s’agit pour Ichirô de découvrir d’où il vient et de comprendre les motifs de l’assassinat de son maître samouraï, Camille Monceaux prend le temps d’installer les ambiances et de mettre en place des contextes très documentés. Elle y mêle intrigues politiques, théâtre et conditions des femmes dans des aventures passionnantes.

Les chroniques de l’Erable et du Cerisier, série en 4 tomes de Camille Monceaux, Gallimard jeunesse.

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Avec L’ordre du cygne, vous plongerez dans une envoûtante trilogie de fantasy médiévale. Dans ces trois tomes, vous trouverez un ordre de chevalerie mixte qui combat pour défendre la justice, un enchanteur puissant, un ennemi terriblement malfaisant, des personnages aux caractères bien marquées, de grandes batailles, de l’aventure, des scènes pleines d’émotions et des dialogues piquants.

Le tout servi avec un beau message de fraternité, et une plume poétique et riche !

L’ordre du Cygne, série en 3 tomes de Virginie Salobir, parue chez Gulf Stream ed.

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Divergente est une dystopie qui se déroule dans une société très intéressante. Suite à un conflit mondial, la population a été divisée en cinq factions représentant les talents nécessaires à une civilisation harmonieuse : Altruistes (dirigeants), Fraternels (nourriciers), Audacieux (défenseurs), Erudits (innovations) et Sincères (justice). À l’adolescence, chacun passe un test censé déterminer la faction correspondant le mieux à sa personnalité. Mais Béatrice, l’héroïne, correspond à plusieurs catégories ce qui fait d’elle une Divergente, menace pour le système. Cette série invite à se questionner sur le poids des individus face aux règles, à la complexité des personnages et à l’engagement nécessaire pour faire changer les choses. Passionnant !

Divergente, série en 4 tomes de Veronica Roth, Nathan.

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Le postulat de Malorie Blackman dans sa série Entre chiens et loups est d’une efficacité redoutable : les Noirs dominent la société et les Blancs subissent les relents de siècles de ségrégation. Une situation inversée donc, qui invite à se questionner sur les inégalités qui perdurent et la violence qui en découle. Notamment au travers d’une histoire d’amour mixte entre Sephy et Callum digne d’une tragédie. La première trilogie se suffisait à elle-même, mais la seconde n’est pas dépourvue d’intérêt.

Entre chiens et loups, série en 6 tomes, Milan.

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Le second préquel de la saga Hunger Games est paru assez récemment, cela n’a pas dû vous échapper ! En effet, après avoir bouclé une trilogie dystopique aussi énergique que réflexive, Suzanne Collins a développé l’adolescence de deux de ses personnages phares. Mais la vraie héroïne des Hunger Games est Katniss. Courageuse, empathique, rebelle et intelligente, c’est un personnage fort auquel le lecteur ne peut que s’attacher. D’autant que la société dans laquelle elle vit est aussi injuste que crédible. L’idée même des Hunger Games, punition visant des ados pour un soulèvement ayant eu lieu 49 ans plus tôt, montre toute sa cruauté. Une série trépidante qui pose de vraies questions sur la politique sociale.

Hunger Games, série en 5 tomes de Suzanne Collins, Pocket Jeunesse.

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Hypallage est une série qui brasse des sujets contemporains. Sexualité, rascisme, sport, drogue, amitié mais aussi influence des mauvaises fréquentations sont au coeur du parcours des personnages. Sylvain Pattieu met en lumière certains d’entre eux selon les tomes, mais tous se croisent et se connaissent. Les ados trouveront forcément au moins un personnage auquel s’identifier, et les autres leur permettront de s’interroger sur les choix et le poids de la société.

Hypallage, série en 4 tomes de Sylvain Pattieu, L’école des loisirs.

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Dystopie ou anticipation ? Marion Brunet laisse cette inquiétante question en suspens. Car on reconnaît bien la France d’aujourd’hui dans l’univers d’Ilos. Sauf que le dérèglement climatique est à son paroxysme, tout comme les inégalités sociales. Ce qui crée des tensions effroyables dans le quotidien la population. Montée des eaux à Marseille, pluies diluviennes à Paris, corruption et violence… L’auteur crée une intrigue prenante autour d’un groupe de personnages adolescents qui refuse de baisser les bras. Amitié, amour, entraide, engagement, écologie et justice sociale sont au coeur de cette série riche en aventures et en personnages attachants.

Ilos, série en 3 tomes de Marion Brunet, Pocket Jeunesse.

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Difficile de présenter Méto sans trop en dévoiler. Car Yves Grevet a créé un univers complexe qu’il ne dévoile qu’au fil des tomes. Ce n’est pas un hasard si les titres des tomes successifs annoncent des zones de plus en plus étendues (La maison, L’île, Le monde). Ainsi, c’est aux côtés de Méto, cloitré avec 63 autres enfants dans une Maison dirigée d’une main de fer par les César que le lecteur va se questionner, chercher des indices et se lier d’amitié. Roman d’anticipation a forte connotation politique, Méto est une série stimulante qui pousse à s’interroger sur les limites du pouvoir et la nécessité de prendre des risques pour bousculer l’ordre établi. En 2022, l’auteur a publié Zone noire, un quatrième tome pouvant être lu indépendamment des précédents.

Méto, série en 3 tomes d’Yves Grevet, Syros

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Si vous aimez l’histoire et les univers steampunk, Les mystères de Larispem sont faits pour vous ! Lucie Pierrat-Pajot fait dévier le destin de la France à partir de la Commune : les communards ont gagné et fait sécession avec le reste du territoire français. La société se veut plus égale, Jules Verne a inspiré nombre d’inventions facilitant le quotidien… mais tout n’est pas si rose. Les aristocrates déchus préparent leur retour, et les bouchers sont devenus la classe dirigeante. L’auteure s’est d’ailleurs inspirée de l’étonnante construction des mots propre à ce métier pour asseoir leur autorité. Là encore, les héros adolescents sont particulièrement attachants et les enjeux prenants.

Les mystères de Larispem série en 3 tomes de Lucie Pierrat-Pajot, Gallimard jeunesse.

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Pallas est une série qui s’adresse aux amoureux de la mythologie. Marine Carteron propose une fresque sur 30 ans brassant personnages mythiques, guerre de Troie et féminisme. Car les femmes sont bien les premières victimes des folies de grandeur des hommes et de leur violence. Mais l’histoire est suffisamment prenante pour que le lecteur oublie le travail (pourtant conséquent) de recherche, les messages et le fait qu’il connaît l’issue du combat. Ici les intrigues sont politiques, elles impliquent des dieux, des héros et de simples mortels et chacun lutte pour sa survie. Grandiose.

Pallas, série en 3 tomes de Marine Carteron, Le Rouergue.

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Avec La Passe-miroir, Christelle Dabos propose un univers aussi foisonnant qu’ambitieux. Ophélie, son héroïne est maladroite, courageuse et très attachante. A son grand désarroi, elle fait l’objet d’un mariage arrangé qui l’oblige à quitter sa famille pour la très complexe Citacielle. Le lecteur suit ses aventures en écarquillant de grands yeux devant les trouvailles et les références de l’auteure. Difficile de réaliser que c’est un premier roman tant la société est bien construite. D’autant qu’il y a aussi un vrai travail sur le rythme, la langue et une réflexion poussée sur l’identité. Très fort et très prenant !

La Passe-miroir, série en 4 tomes de Christelle Dabos, Gallimard jeunesse.

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Le royaume de Pierre d’Angle est peuplé de personnages aux nombreuses facettes. Pascale Quiviger prend un malin plaisir à laisser le lecteur s’interroger sur les motivations et l’honnêteté de chacun d’entre eux aux côtés son héroïne Ema. Passagère clandestine sur le bateau du prince Thibault, elle fuit l’esclavage et va rencontrer l’amour. Loin du conte de fée, elle va découvrir les enjeux, les jalousies et les croyances du royaume de Pierre d’Angle. L’intrigue gagne en ampleur et en tention au fil des tomes et si le fantastique n’est jamais loin il ne prend pas le dessus sur les décisions humaines. Deux romans reprennent certains personnages mais peuvent être lus indépendamment : La dernière saison de Selim et H, mort ou vif.

Le Royaume de Pierre d’Angle, série en 4 tomes de Pascale Quiviger, Le Rouergue.

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Dans cette série qui a presque 20 ans, Patrick Ness invite ses lecteurs dans un monde post-apocalyptique. La voix du couteau c’est un monde d’où les femmes sont absentes et où chacun entend les pensées des autres. L’enfer ! Alors qu’il s’apprête à devenir un homme, Todd va faire une rencontre qui va bouleverser sa vie. La langue utilisée par l’auteur est très étonnante. Il faut un moment pour s’y faire : les phrases sont hachées, il y a des fautes de grammaire… les personnages étant dans la survie, l’éducation n’est pas une priorité et cela se lit. Rien que pour cela cette saga est intéressante. Mais elle brasse aussi des sujets comme l’altérité, l’amour, le respect de la différence et le courage. Passionnant.

Le chaos en marche, série en 3 tomes de Patrick Ness, Gallimard jeunesse.

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La saga des mystères de Jeff Wheeler, aux sublimes couverture colorées, mélange avec brio intrigues politiques, fantasy et steampunk. Deux héroïnes d’origine diverse, Cettie et Séra, y luttent pour défendre les opprimés, dans une société dans laquelle les privilèges sont bien ancrés. C’est riche, dense, passionnant, et on s’attache très vite aux personnages !

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Eragon, célèbre série de Chrisopher Paolini, a tout à fait sa place dans cette sélection ado.

Qui n’a jamais entendu parler de l’épopée d’Eragon, jeune humain qui découvre un jour un dragon, et vous son destin basculer du jour au lendemain ? Une quête initiatique, de l’aventure, des elfes, des nains, des orques, des dragons, des alliances à construire et un ennemi presque invincible, on retrouve les ingrédients classiques de la fantasy, et c’est très plaisant à lire !

Eragon, série de C. Paolini, éditée par Bayard Jeunesse

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Non, les licornes ne sont pas toujours associées aux paillettes. En tout cas, pas dans Skandar, la série en cours d’AF Steadman. Ici, elles sont au contraire carnivores et destructrices, et seuls quelques élus apprennent à les chevaucher. Skandar en rêve mais n’est pas choisi. Qu’importe, il force le destin…

Combats, quêtes héroïques, épreuves dangereuses et amitié au menu de cette série particulièrement addictive et dynamique (qui n’est pas sans rappeler parfois Harry Potter ou encore Gardiens des cités perdues), qui nous parle aussi de confiance en soi et de différence.

Skandar, série en cours d’AF. Steadman, 4 tomes traduits, Hachette jeunesse

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Et pour les plus jeunes, notre sélection pour les pré-ados de la semaine dernière !

Lecture commune : Lonely Club

Il y avait un moment que les membres du blog ne s’étaient pas connectées pour parler bande dessinée. Lucie, Blandine et Liraloin se sont bien amusées à lire cette BD qui véhicule de nombreux messages sur le milieu du livre… vous allez vite comprendre en lisant cette lecture commune !

Lonely Club de Pelle Forshed, L’Agrume, 2025

Lucie : Connaissiez-vous le travail de Pelle Forshed ?

Liraloin : Pas du tout, je ne connaissais pas cet auteur alors que je participe tous les mois à un comité BD ! Je n’ai pas pris le temps de me renseigner sur ses autres publications par contre… Et vous ? 

Blandine : Non, je ne connaissais absolument pas. J’ai entendu parler de l’album grâce à une publication du rendez-vous BD auquel je participe en ligne quasi tous les mercredis. Et lorsque j’ai vu que vous souhaitiez lire cette BD, forcément, ça m’a donné envie de vous rejoindre. Et j’aime bien le titre en oxymore !

Lucie : Moi non plus. Mais je me suis aperçue depuis que Pendant ce temps était à la bibliothèque, je l’emprunterai certainement.
La couverture a un côté « super héros » avec ce titre qui fait penser à la typo de Superman, la posture typique de Batman du personnage sur le côté… si je n’avais pas lu la présentation, je me serais attendue à un comic. Et vous, quelles étaient vos attentes ? à quoi vous a fait penser cette couverture ?

Blandine : Alors je ne m’attendais à rien du tout. J’avais même plutôt pensé à une femme voilée dans un pays du Moyen-Orient, plus qu’à autre chose, ou à un déguisement.  Je pensais, avec ce titre, à un club littéraire clandestin, de résistance. Impression d’autant plus renforcée que je ne lis que très rarement les 4ème de couverture ! J’aime être surprise, et là, ce fut clairement le cas !

Lucie : C’est amusant les écarts d’interprétation, je n’aurais pas du tout pensé à la résistance Blandine, mais c’est très pertinent !

Liraloin : Moi non plus ! mais je comprends pourquoi tu as eu cette impression. 

Liraloin : La couverture est très bien choisie, attirante et vraiment typique du roman graphique. Comme tu le dis Lucie, c’est trompeur avec ce personnage sur le toit mais le côté comics aurait été le personnage accompagnée de la faux de la Mort. La typo du titre fait un rappel au cinéma. On verra par la suite que finalement le titre est une référence à la musique. Je n’avais pas d’attente particulière mais en lisant la 4ème de couverture je me suis dit : j’espère que c’est un peu barré et absurde. 

Blandine : Effectivement, c’est barré, un peu absurde concernant le milieu littéraire, ses surprises, ses éclats, ses rendez-vous aussi ! Et les interconnexions qui peuvent exister au sein de ce milieu, mais aussi avec d’autres, et ici, la publicité, et la cartomancie. Toute la couverture est en oxymore, dès le titre. Avec une typo très vintage, très cinématographique comme l’a bien remarqué Liraloin, très occidentale. Si je reste sur mon impression première de résistance, ça prend sens aussi. 

Lucie : Niveau absurde, c’est vrai que nous avons été servies ! Justement, L’Agrume publie des albums jeunesse mais celui-ci n’est pas particulièrement dédié aux jeunes lecteurs. Il aborde des thèmes difficiles comme la dépression, l’alcoolisme, la tentation du suicide… En quoi ce roman graphique peut être intéressant pour eux, selon vous ?

Liraloin : Bizarrement tous les sujets que tu évoques sont indéniablement présents mais ils sont traités de telle façon que cela passe car, que ce soit l’alocoolisme, la dépression ou la tentative de suicide, et bien il y a une certaine légèreté dans les propos de manière à ce que le lecteur ne soit pas forcement “atteint” à la première lecture. Pour moi, il peut trouver son public auprès des ados sans problème mais je crains malheureusement que ces derniers n’y soient pas ou peu sensibles.

Blandine : De mon côté, et peut-être parce qu’en tant que libraire j’appartiens à ce “milieu littéraire”, ce qui m’a immédiatement percutée, c’est justement ce milieu-là. L’attente pour un auteur de voir son “bébé de papier” publié, puis lu, puis encensé, ou tout du moins apprécié par les “professionnels”, ici un libraire, mais surtout LE critique BD DU journal. Cela devient risible car l’auteur, évidemment subjectif, ne mise que sur cette reconnaissance. Et dans ce milieu hyper concurrentiel, une critique, même négative, est attendue car synonyme d’intérêt du lectorat qui, sans cela, ne pourrait, ou ne saurait, s’y retrouver dans ce flot de publications continuel.

Lucie : C’est justement une question que je voulais vous poser : pensez-vous, comme semble le dénoncer l’auteur, que le monde de l’édition est profondément arbitraire ?L’anecdote du critique sur la pile de C.V. dont le patron jetterait la moitié à la poubelle en se disant « ça c’est ceux qui n’ont pas de bol, je n’en veux pas dans mon entreprise » est assez parlante à ce niveau-là !

Liraloin : Mais complètement ! Il y a énormément de publications et sortir du lot de la P.A.L devient un enjeu de taille d’où le comportement de Benedikt. Tout est bon pour se faire reconnaître dans ce flot de BD publiées chaque année ! Dernièrement nous avons eu un débat avec un membre de mon comité de BD qui expliquait qu’il ne comprenait pas pourquoi A l’intérieur de M. Sapin était dans notre PAL de ce mois-ci (ouvrage de commande – hyper politisé…)

Blandine : En effet, le monde de l’édition croule sous les publications (même s’il tend à en réduire le nombre – en tout cas en France). Cette BD ne vise pas seulement ce monde-ci mais aussi, avec beaucoup de dérision, voire de sarcasme, les critiques littéraires comme les auteurs eux-mêmes. Arbitraire, je ne saurais dire, mais dans la maison d’édition de Benedikt, Grunk, la ligne éditoriale semble très floue lorsqu’on compare le livre de Benedikt et celui de Boel Flood.

Liraloin : En effet Blandine, le critique littéraire est aussi très mal en point dans cette BD. Visiblement toute la chaîne du livre souffre.

Lucie : Je rebondis sur le terme “sarcasme” utilisé par Blandine, tellement adapté au ton de ce roman graphique ! L’auteur pousse le curseur assez loin, l’humour (noir) est très présent. Vous a-t-il séduit ?

Blandine : J’ai été totalement séduite par cet humour noir. Il me semble aussi juste qu’attractif.

Liraloin : J’adore ! Je suis fan surtout quand l’auteur se compare à Paul Auster ! Il est à fond et il a raison de croire en sa BD, il se fait son cinéma seul, c’est très drôle. Je trouve que le scénario est fin (un gros travail de traduction). 

Lucie : Cela ne m’étonne pas que ça t’ai fait rire. De mon côté, je l’ai pris comme une farce, un moyen d’exorciser la peur de l’échec que ressent tout auteur, impression renforcée par la ressemblance physique entre le personnage et l’auteur, d’autant que la mise en abîme est jouée jusque dans le titre de l’œuvre. Mais Benedikt peut aussi sembler assez égocentrique et prétentieux : comme tu l’évoquais il se compare successivement à Paul Auster, Baudelaire…(!) Qu’avez-vous pensé de lui ?

Liraloin : Il ne supporte pas le succès de Boel Flood au point d’en faire des rêves complètement barrés ! (les seules planches couleurs d’ailleurs). Il n’est plus du tout connecté à sa famille tellement il est mégalo.

Blandine : Benedikt ne m’a pas paru spécialement sympathique. Il est tellement obnubilé par sa BD qu’il estime géniale et incontournable, comparant – comme vous le disiez – sa “flânerie” à Paul Auster (un auteur que j’aime énormément) et à Baudelaire, qu’il m’a paru très égocentrique, évidemment pas objectif, et absolument pas ouvert d’esprit. Sa femme, Frida, ne semble même pas (ou plus) s’en émouvoir. Est-ce parce qu’elle a l’habitude de ce genre de comportement chez son mari ou par simple désintérêt ? Elle semble quand même beaucoup porter la stabilité de la famille (j’imagine financièrement si les livres de Benedikt sont des flops – d’autant qu’il a mis 5 ans à écrire et faire publier celui-ci ; parentalement avec leur fils, dans leurs loisirs de couple…) Benedikt semble être un homme très passif dont l’humeur est invariablement liée à l’opinion qu’ont les autres de lui, donc de son œuvre. Il n’a rien d’indépendant, alors que son métier l’y obligerait..
Quant à Magnus Kjellander, l’éditeur, il semble n’en avoir rien à faire du raté de Benedikt et être totalement assujetti à Boel Flood (financièrement, le succès de l’une peut peut-être compenser le flop du premier). 

Liraloin : Ce qui est assez extra c’est que Mathias Ortiz le critique littéraire est également égocentrique et complètement dépressif alors que Benedikt le porte “aux nues” ! c’est très bien vu. 

Blandine : Tout à fait Liraloin ! L’imagination, les fantasmes, les craintes sont portés à leur paroxysme concernant les autres. Chacun estime les autres, les imagine tellement mieux et plus qu’ils ne sont en réalité. Et chacun se trompe sur la réalité de ce que chacun est et surtout ressent. Serait-ce une invitation à davantage et mieux communiquer?

Liraloin : C’est pas faux ce que tu évoques Blandine, oui mieux communiquer pour mieux saisir les intentions de l’autre. Ici les intentions d’un auteur.

Lucie : Oui, tout à fait : le Club Lonely ce sont tous ces personnages seuls même si entourés (d’une famille, de sollicitations, de collègues…), essentiellement par manque de communication, d’écoute, de temps partagé (vraiment partagé, la séance d’escalade en amoureux vaut son pesant de cacahuètes !). En tout cas, c’est ainsi que je l’ai compris.

Blandine : Pelle Forshed joue avec ses personnages en nous dévoilant, à nous lecteurs, leurs pensées, nombreuses et très diverses, quand leurs dialogues se résument souvent à des phrases laissées en suspens.

Liraloin : Oui je l’ai vu comme toi Lucie. Il ne reste plus qu’à Benedikt d’incarner la Mort et ainsi faire “peur” à son pire ennemi LE critique littéraire. Il pousse le bouchon un peu loin Maurice.

Blandine: Je vous rejoins totalement. Ce que tu dis Liraloin est très juste : on vit dans une crainte permanente, qui est devenue l’unique moyen de dialogue et de communication.

Lucie : Les personnages ne sont pas très attachants, on l’a compris, et c’est ce qui me rend curieuse : quel personnage avez-vous préféré ?

Liraloin : Mon personnage préféré c’est Oddie j’adore cette planche très borderline. Blague à part, je dirais que je n’ai pas de personnage préféré. Tous les protagonistes se ressemblent un peu. La voisine de Mathias Ortiz est aussi gratinée que les autres. Sans doute Frida me semble garder les pieds sur terre en prenant un grand recul, Blandine en a bien parlé plus haut.

Blandine : Je ne crois pas avoir de personnage préféré. Peut-être Frida, mais elle me semble assez froide tout de même.

Lucie : De mon côté, la figure du critique Mathias Ortiz que tu évoquais Liraloin m’a beaucoup plue : il est complexe à souhait. Pédant mais terriblement seul et triste, conscient de son pouvoir sur la carrière des auteurs mais lassé d’une production homogène… Il est aussi perclus de doutes que les autres mais veut le cacher à tout prix, je trouve ce type de personnage très intéressant.

Blandine : Ton analyse de Mathias Ortiz est très pertinente ! Effectivement, son “pouvoir” lui pèse terriblement. Tandis que l’éditeur n’endosse absolument pas son rôle, il a fait parvenir le livre au critique mais ne s’assure pas de sa lecture, ne s’occupe pas de son auteur oublié, ne s’offusque qu’en privé du faux-bond de sa star d’autrice à une dédicace…

Liraloin : L’éditeur joue les faux-jetons, il n’est pas crédible pour un sou ! Ton analyse est juste Blandine.

Blandine : Selon vous, qu’est-ce qui fait le succès d’un livre? 

Liraloin : Je dirais que certaines critiques littéraires sont pour beaucoup dans le succès d’un livre ou plutôt dans la recommandation. La meilleure et plus belle façon d’obtenir du succès est le bouche à oreille, enfin je pense…

Lucie : Je dirais la chance de sortir au bon moment, l’écho dans les médias, certainement (et donc en partie l’investissement financier de l’éditeur dans la communication), et le rôle des libraires qui vont (ou non) le mettre en avant sur leurs présentoirs. J’aimerais pouvoir répondre « simplement le talent de l’auteur » mais j’avoue que je n’y crois pas.

Blandine : Nombreux sont les auteurs à s’être vus refuser la publication de leur manuscrit ici ou là, et tout d’un coup, voir le succès leur sourire. Les prescripteurs sont nombreux, et  chaque tranche d’âge a le sien. Et comme toi Lucie, je pense que chaque maillon est important. C’est une coordination, une collaboration même. En tout cas, cela devrait.

Liraloin : J’aimerais avoir votre ressenti sur le personnage de Maria ?

Blandine : Mère célibataire qui habite un appartement grâce à son père dans un quartier cossu (en tout cas couru), absolument pas à l’aise dans son métier de publicitaire (voire même carrément à côté de la plaque), et qui trouve son épanouissement dans la cartomancie, dont elle délivre les significations et pouvoirs dans des vidéos en ligne, pour lesquelles elle se grime.
Elle ne semble pas du tout à l’aise dans sa peau, ni dans ses goûts, n’ose pas dévoiler son amour (ou son attirance) pour Mathias, n’ose pas affronter son père. Elle semble très fade en comparaison des autres qui, par leur mal-être et égocentrisme, sont des personnages marquants. Et puis la cartomancie passe pour une activité au mieux ludique, en tout cas pas sérieuse. Je ne suis pas d’accord puisque je la pratique. Mais au fond, n’est-elle pas celle qui cherche le plus à s’en sortir, en tout cas, à chercher des solutions ?

Liraloin : J’avoue que ce personnage ne m’a pas paru essentiel sauf pour une chose, rendre Mathias Ortiz doté de sentiments.

Lucie : En tout cas, dans une BD où les situations gênantes ne manquent pas, c’est elle qui a la palme avec la scène de la salle de bain. Pour moi elle est spectatrice de sa vie (c’est peut être pour cela qu’elle s’intéresse à la cartomancie, pour ne pas se sentir responsable de ses choix) et le peu d’initiatives qu’elle prend tournent systématiquement à l’échec. On peut comprendre qu’elle peine à s’y résoudre. Même si elle essaye, parfois…

Blandine : Ton analyse de l’usage de la cartomancie par Maria est totalement contraire à la mienne, c’est intéressant ! Et la salle de bains, oui mais par gêne, ou pudeur, ou culpabilité, elle n’est pas totalement passive, elle s’en va, tandis que Mathias se lamente (sur son propre sort).

Blandine : Qu’avez-vous pensé du style graphique de Pelle Forshed ? Personnellement, je l’ai trouvé à la fois épuré et sobre, mais aussi très particulier. Il m’est difficile de le qualifier de “beau” mais il sert très bien le propos, car il n’y a pas de fioritures, de décors ou de détails. D’autant que le découpage des cases et les cadrages sont quasi uniformes tout du long. Son usage de la couleur, tout en bichromie peut sembler monotone mais sert la détresse psychologique de ses personnages. Les couleurs, plus vives, sont utilisées pour le spectaculaire ou le rêve. Il y en a donc peu.

Lucie : Pelle Forshed va à l’économie et l’efficacité. Son trait semble simple, même s’il ne l’est évidemment pas, et va à l’essentiel. Comme vous l’évoquez, il utilise très peu de couleurs pour un rendu aussi gris que le moral de ses personnages principaux. Le lecteur est plongé dans le doute et la tristesse des personnages mais, rappelons-le, avec beaucoup de recul et d’humour !

Liraloin : Son style est assez classique. Le découpage est linéaire sans inventivité. Oui parfaitement cet usage de la couleur bichromie est le reflet de cette détresse psychologique. 

Lucie : Aucun extrait de la fameuse œuvre « maudite » n’est dévoilée au lecteur, au contraire de celle de sa concurrente. Elle est en revanche souvent qualifiée par l’auteur lui-même et parfois de manière très différente. Je trouve ce parti-pris très pertinent, cela laisse le lecteur s’imaginer un chef d’œuvre – ou non – mais au moins pas de déception à ce niveau-là, contrairement à La vérité sur l’affaire Harry Quebert par exemple dans lequel les extraits de la « Grande Œuvre » m’ont tellement déçue que j’ai décroché. Et vous, qu’avez-vous pensé de ce choix ?

Blandine : Tu as tout à fait raison. Sur ce “chef d’œuvre”, nous n’avons que le point de vue de son auteur et le silence, l’absence, criants, des critiques (de tout le monde autour de Benedikt). Et j’aime ce parti-pris. On ne peut en effet qu’imaginer. Et je reconnais que sa comparaison avec Paul Auster m’a rendue plus que circonspecte. A relativiser tout de même, car lorsqu’on lit les planches de Boel Flood, on peut se questionner sur la qualité et la qualification d’un “chef d’œuvre”. Et c’est justement ce à quoi veut nous mener Pelle Forshed, je pense : nous forger nous-mêmes, en tant que lecteur.ice.s, nos propres avis, indépendamment de tous les acteurs du monde du livre. Sans influences, sans parti-pris, en toute honnêteté et conscience. Est-ce seulement possible ?

Liraloin : Je comprends tout à fait le point de vu de Blandine sur les intentions de Pelle Forshed. Il y a tout de même un passage très intrigant qui nous en dit un peu plus sur Benedikt. Ce que j’aime c’est que dans son inconscient il puisse donner le titre de sa BD qui était le nom d’un DJ Crew d’un ancien camarade de classe (p.105). Personnellement, je pense que sa BD n’est pas terrible enfin c’est cela à quoi je m’attendrais pour finir sur une note très absurde bien évidemment ! 

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Nous espérons vous avoir donné envie de découvrir cette BD et que vous prendrez autant de plaisir que nous à découvrir cette histoire. Merci à l’Agrume de nous avoir envoyé ce titre auquel nous souhaitons plus de succès que son double de papier !

Prix À l’Ombre Du Grand Arbre 2025 : les lauréats !

C’est aujourd’hui le grand jour de l’annonce des lauréats de notre Prix ALODGA. Vos arbronautes préférées ont individuellement sélectionné des livres parus en 2024 et les ont proposés à leurs collègues, qui, selon leurs possibilités, leurs envies ou leurs thèmes de prédilection, les ont lus à leur tour. À l’issue d’un système de notation rigoureux, un classement a été effectué afin de déterminer les 3 finalistes de chaque catégorie, regroupant des genres balayant de la toute petite enfance aux ados. Nous vous avons proposé de voter ces dernières semaines et tenons à vous remercier pour votre participation exceptionnelle, puisque nous avons décompté pas moins de 661 votes ! Un record !… Sous vos applaudissements

Catégorie Petites feuilles (albums pour les grand.e.s)

Cet adorable album de la maison d’édition indépendante Cot Cot Cot a surnagé ! Vous l’avez largement élu album de l’année, pour sa plongée… en beauté au cœur d’une histoire tendre, touchante mais aussi pleine d’humour !

A l’eau ! Heejin Park, trad. Charlotte Grison, éditions Cot Cot Cot, 2024

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Catégorie Brindilles (albums pour les petits.e.s)

Comme nous, vous appréciez de sortir des sentiers battus et vous l’avez prouvé ! Les urnes (virtuelles ;-)) ont parlé et c’est cet album original, qui invite en douceur à une réflexion sur ce qu’on ne dit pas, faisant la part belle aux images, qui a emporté vos voix.

Quand je garde le silence de Zornitsa Hristova & illustré par Kiril Zlatkov, traduit par Marie Vrinat-Nikolov – Six citrons acides, collection : Around the langue, 2024 – publié pour la première fois en 2014 en Bulgarie, 2024

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Catégorie Racines (documentaires)

Un ex-aequo inédit pour la catégorie documentaires ! Et deux merveilles, effectivement ! Nous avions sélectionné trois titres qui invitent au dialogue et à la découverte de l’Autre, pour montrer que les barrières et les conflits perdent tout leur sens dès que l’on admet cette simple vérité : nous sommes tous.te.s des humains, notre pays, c’est la Terre.

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Catégorie Branches dessinées (BD et romans graphiques)

Chez les BD et les romans graphiques, résultat sans mystère, c’est finalement un album un peu inclassable, d’une extraordinaire inventivité visuelle, à la fois enchanteur et ludique (il faut des lunettes 3D pour en profiter), ne ressemblant à aucun autre, qui a remporté les suffrages.

Jeanjambe et le mystère des profondeurs, de Matthias Picard. Ed. 4048, octobre 2024.

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Catégorie Belles branches (romans ados)

Krok a dévoré ses concurrents ! 232/416 : le record du nombre de votes a été battu, félicitations !… Qui a dit que les adolescent.e.s ne lisaient plus ? Ce roman traitant de problématiques sociétales, jonglant entre humour et mordant, mais qui sait aussi rentrer les griffes pour se faire poésie, douceur et pattes de velours, est la preuve que la littérature ado a encore de beaux jours devant elle.

Krok, d’Hervé Giraud, Thierry Magnier, 2024

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Catégorie Grandes feuilles (romans jeunesse)

On peut parler de tout aux enfants, à condition que ce soit bien fait. Comme vos abronautes, vous avez plébiscité cette belle histoire, dans laquelle le sujet sensible de la dépression d’un parent est traité avec grand talent. Ou quand l’amitié, l’amour des siens, toutes les couleurs de la vie, l’emportent sur la noirceur. Mention spéciale pour l’objet-livre magnifique, qui a tout d’un grand.

A la poursuite des animaux arc-en-ciel, de Sarah-Ann Juckes, illustré par Sharon King-Chai, Little Urban, 2024

Encore un beau succès du Prix ALODGA, pour lequel nous avons mobilisé en équipe, toute notre conviction, toute notre passion. Félicitations aux lauréats, à leurs auteur.e.s et à leurs maisons d’édition (à noter que l’édition indépendante s’est particulièrement illustrée cette année.) Mais plus qu’une compétition, ce Prix a surtout pour objectif de mettre en valeur la richesse quasi sans limites d’un pan de la littérature à part entière. Que nous soyons enfants, adolescent.e.s, parents, enseignant.e.s, la belle littérature jeunesse a quelque chose à nous dire, entre capacité à s’émerveiller et consciences à éveiller. Écoutons-la. Mieux : lisons-la.