La coloc’ de Jean-Philippe Blondel

Jean-Philippe Blondel, c’est un  peu le grand frère de nos ados. Il a cette capacité incroyable à les comprendre, à leur parler juste et à retranscrire  avec authenticité leurs réactions, leurs envies, leurs inquiétudes, … Autant dire que Jean-Philippe Blondel connait les ados par coeur.

Unanimement et rapidement,  A l’ombre du grand arbre nous avons décidé de parler de son dernier roman La Coloc’.

Sophie, Pépita et Bouma se sont joint à moi (Alice) avec enthousiasme pour savourer cette tranche de vie.

coloc

Alice  :  La coloc’ de Jean-Philippe Blondel : je vous ai senti rapidement partante quand j’ai proposé de discuter ensemble de ce roman. Je me trompe ou pas ? Pourquoi cet engouement ?

Pépita : Tout simplement parce que tous les romans que j’ai lu de cet auteur, je les ai tous appréciés. J’aime sa façon d’amener le réel de nos vies avec infiniment de justesse et de délicatesse mêlées. Ses personnages sont toujours très bien vus et il a un don particulier pour entrer dans la tête des adolescents. Il décrit aussi très bien leurs relations avec les adultes. Il considère les adolescents pour ce qu’ils sont, avec leur force, leurs faiblesses, leur enthousiasme, leur noirceur, leurs doutes…sans en faire trop, ni pas assez. Je pense que c’est parce qu’il les respectent. De ses romans, j’en vois des films. Pourtant, je ne suis pas cinéphile, mais son écriture me met des images illico et je les vois à la lecture. Du coup, on entre toujours très facilement dans l’univers de chacun de ses livres, sans peine, et on s’y sent toujours bien même si les thèmes sont souvent graves. Bref, quand un Blondel sort, depuis que je l’ai découvert, j’ai envie de le lire et je sais que je ne serais pas déçue. La coloc’ fait partie de ceux-là donc.

Sophie : Un peu comme Pépita, Jean-Philippe Blondel est pour moi une valeur sûre et j’aime ses histoires ancrées dans la réalité et la vie des ados.

Bouma : Blondel, c’est mon auteur chouchou, celui dont je lis rapidement chaque nouveau roman (ce qui n’est pas peu dire) alors plus on en parle mieux c’est pour moi !

Pépita : J’ajouterais que la thématique de ce roman m’a tout particulièrement attirée et à double titre : maman de deux étudiants, la coloc, ça me parle ! Et puis habitant à la campagne, je me suis retrouvée dans ce choix qu’a voulu faire Romain car cela pourrait être le choix de mes enfants. En tous cas, je me suis revue collégienne et lycéenne dans les froides nuits d’hiver attendre mon bus…ou même carrément le louper.

Alice :  Une réponse vraiment complète Pépita qui traduit effectivement tout ce que l’on peut ressentir en lisant du Blondel, tant sur le fond que sur la forme. Si on en disait un peu plus sur ce titre (déjà explicite) : un petit résumé s’impose. Qui se lance ?

Bouma : Romain n’en peut plus de l’internat. Faire les longs trajets en car jusqu’à son lycée le fatigue tout autant. Alors quand sa grand-mère décède en laissant derrière elle un appartement près de son collège, il y voit la chance d’un nouveau départ, loin du cocon familial qui l’étouffe peu à peu…

Alice : Trois ados se retrouvent à partager une colocation pendant un an : un grand changement dans leur quotidien ! Ensemble, ils vont s’apprivoiser, se construire , évoluer … et découvrir une partie du passé de la grand-mère. C’est une histoire d’amitié, mais aussi une histoire de famille et surtout …. une histoire de mecs.

Pépita : J’ajouterais une histoire d’émancipation où parfois les adultes ne sont pas ceux qu’on croit et une histoire qui envoie balader les barrières invisibles qu’on se met souvent tout seul en travers de notre route en se plaignant de ne pas pouvoir avancer alors que si, il suffit de le vouloir : donc une histoire de détermination aussi.

AliceSympas ces ados, non vous trouvez pas ? Moi j’aurais bien aimé les avoir comme « potes’. Pas vous ? Et puis, pour avoir des ados à la maison, je trouve que leur état d’esprit, leurs envies, leurs réactions correspondent complètement aux ados d’aujourd’hui. On y croit facilement à cette histoire alors qu’au début, une coloc’ à 15/16 ans, cela aurait pu déraper. Vous ne pensez pas ?

Pépita : Oui je les ai trouvé très complémentaires en fait. Oui cela aurait pu déraper mais Romain est si motivé qu’il a su de lui même établir les règles du jeu. En fait ce roman, c’est ça aussi : un roman sur la confiance. A 16-17 ans, on est grand ! Nos aïeux allaient bien travailler à 14 ans ! Faut pas trop les chouchouter non plus….faut leur laisser un espace de liberté consenti aussi. Ils en ont besoin. Nos enfants ne nous appartiennent pas !

SophieComplémentarité c’est en effet le mot qui correspond bien à ces trois garçons. Ensemble, ils pouvaient réussir ce pari de la coloc’ tout en restant des ados d’aujourd’hui avec les préoccupations actuelles.

Bouma : Moi ça m’a rappelé mes années étudiantes et toutes ces choses auxquelles il faut penser alors qu’on n’en a pas l’habitude : faire les courses, la lessive, le ménage… Et cette émulsion aussi de la vie à plusieurs, les tensions aussi, normales, sur lesquelles il faut savoir passer… La coloc, c’est un apprentissage. Un premier pas vers la vie adulte pour ses adolescents. Une reconnaissance aussi de la part des adultes.

AliceJe rebondirai bien sur le mot « complémentarité » et aussi sur le mot « adulte », que pensez-vous des adultes dans ce livre ? Peut-on parler aussi d’une certaine complémentarité avec leurs ados ?

Bouma : J’ai beaucoup aimé les adultes de ce roman, qui restent des personnages secondaires mais qui ont de l’importance dans la vie de ces ados. J’ai en particulier aimé le père de Romain. Cette colocation devait lui permettre de « se retrouver » avec sa femme, et finalement il apparaît comme un ado perdu qui ne sait pas quelle direction emprunter. J’ai aimé ce renversement de situation parce que « être adulte » ça ne veut pas dire tout savoir, ni tout bien faire, c’est aussi un apprentissage de la vie. Et les ados de ce roman vont aussi s’en rendre compte.

 Pépita : La maman de Romain aussi, elle est pas mal : elle met du temps à lâcher son fils mais elle accepte de lui faire confiance. Oui je te rejoins Bouma : le père de Romain est trés touchant dans ses confidences à son fils  » entre hommes ». L’auteur aborde par là le fait que c’est perturbant pour un couple de voir l’enfant grand s’émanciper à son tour. Cela peut révéler des failles qu’on ne voulait pas voir tant que l’enfant est là. Le couple doit réapprendre à vivre à nouveau à deux : et ça passe ou ça casse. Il faut beaucoup d’amour pour ça parce que cela renvoie à la vieillesse qui arrive peu à peu. En quelque sorte, il y a la coloc de Romain et celle de ses parents. Cela rapproche le père et le fils, il y a beaucoup de tact dans ce passage. Oui c’est aussi un roman d’apprentissage et à tous les âges de la vie. Rien n’est jamais acquis.

Alice : En effet il y a une certaine confiance entre les parents de Romain et leur fils et aussi une certaine confidence. Finalement,ne seraient-ce les bons ingrédients pour une entente assez harmonieuse parents/enfants ? Attention nous n’avons pas non plus affaire à des parents et des ados parfaits ! On voit que ça ne marche pas toujours. Si Jean-Philippe Blondel est plein de bienveillance pour ses personnages, il en montre aussi les faiblesses et les soucis : l’estime de soi, les difficultés scolaires, … Quel réalisme ! Mais au final, des ados bien dans leurs baskets, comme le suggère la couverture du livre, non  ?

Sophie : Les parents de Romain ont une relation assez saine avec lui je trouve. Malgré les difficultés à le lâcher, ils lui font confiance et le laisse être acteur de sa vie. J’ai bien aimé aussi voir les « effets secondaires » de cette émancipation avec la relation des parents qui doit se reconstruire autrement maintenant qu’il n’y a plus d’enfant à la maison.

Alice : Nous avons parlé de l’auteur, de son écriture fluide, réaliste, agréable, juste. Nous avons parlé du thème du livre. Pas réellement une intrigue, plutôt une tranche de vie.

Que diriez vous de la fin. Cette fin entre trahison et sans rancune. Une fin ouverte tout de même …

Pépita : Je dirais que la fin résume ce que tu dis : une tranche de vie ! La vie est ainsi faite qu’on ne peut pas tout contrôler…mais j’avoue que j’aurais aimé un roman un tout petit peu plus long…histoire justement d’en savoir un peu plus.

Sophie : Comme le dit Pépita, la fin correspond bien à cette idée de « tranche de vie », il y a eu un avant cette histoire, il y aura un après et moi aussi j’en aurais bien voulu encore un peu !

Pépita : En fait, j’ai trouvé que c’était un peu une pirouette de fin mais il en faut bien une. J’aurais bien aimé une deuxième tranche de vie comme une deuxième année de coloc où Romain tombe amoureux et décide d’installer sa dulcinée au milieu des mâles…juste pour voir le résultat :) Peut-être pas très original mais sans doute très intéressant dans le jeu des relations entre jeunes mais aussi entre jeunes et adultes.

Alice : Alors les copinautes, on est bien d’accord, il y a un petit côté nostalgique de notre plus ou moins lointaine jeunesse à la lecture de ce roman. 
Mais du coup, seriez-vous prêtes à offrir cette expérience à vos enfants ?

Sophie : C’est un peu difficile de se projeter si loin surtout qu’on a la chance de ne pas être loin d’une grande ville et donc des lycées. Mais j’espère avoir assez confiance en mon fils à ce moment là et qu’il soit aussi responsable que Romain pour pouvoir l’envisager. On en reparle dans 15 ans !

Bouma : Je n’ai pas testé personnellement la colocation mais c’est une expérience que j’aurais aimé tenter. Alors oui, je pourrais l’offrir à mes enfants, avec pour seule condition qu’ils le veulent aussi.

Pépita : oui sans problème : j’ai deux garçons étudiants (colocation entre frères ! ) et si cette solution se présentait à eux, pas de souci pour nous leurs parents sous certaines « conditions » tout de même … je pense que la confiance est la clé et puis nos enfants ne nous appartiennent pas…

converse

Ces échanges vous ont donné envie ?

Pour aller un peu plus loin :

La chronique de Pépita, Méli-Mélo de livres

Celui de Sophie, Littérature jeunesse de Judith et Sophie

Celui d’Alice, A lire aux pays des merveilles

et celui de Bouma, qui avait aussi rédigé un super article A l’ombre du grand arbre sur son auteur chouchou. En bonus : un petit jeu de question réponse avec l’auteur !

 

 

 

La Pyramide des besoins humains de Caroline Solé

Ce fut un de mes romans préférés cette année,
un de ces livres qui vous trotte dans la tête une fois refermé,
un de ceux qui posent des questions et vous laissent trouver les réponses,

alors, forcément, j’ai eu envie d’en parler à l’Ombre du Grand Arbre.

Sophie de la Littérature Jeunesse de Sophie et Judith,
Pépita de Mélimélo de livres,
Solectrice et ses lectures lutines
et Carole et ses 3 étoiles

se sont jointes à moi, Bouma et mon Petit Bout de Bib(liothèque) pour en parler.

Découvrez avec nous le roman de Caroline Solé publié à l’école des loisirs :

LA PYRAMIDE DES BESOINS HUMAINS

Bouma : Comment ce roman vous est-il tombé dans les mains ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de le lire ?

Pépita : J’ai vu passer la pyramide de Maslow et cela m’a donné envie de creuser. Et quand j’ai lu de quoi il s’agissait, je me suis dis : voilà un roman dans la veine que j’aime, du social, de la réflexion sur la société actuelle, un jeune paumé, …bref, du bien envoyé, alors j’ai foncé dans ce roman et je n’ai pas été déçue.

Carole : C’est le titre qui a attisé ma curiosité ! Je connaissais la pyramide de Maslow, étudiée à la fac. J’ai trouvé le sujet original et surprenant. Et puis un premier roman, c’est aussi l’occasion de découvrir une nouvelle plume. Bref j’étais doublement curieuse.

Solectrice : Moi aussi, c’est le titre qui m’a donné envie. Pourtant, je ne connaissais pas le concept. J’ai lu le résumé et j’ai eu envie d’entrer dans cet univers sur fond de société actuelle.

Sophie : Je l’ai vu passer sur des blogs avec l’image de la fameuse pyramide. Je ne connaissais pas ce concept et ça m’a fortement intriguée ! J’ai vu aussi l’aspect jeu télé, et je me suis dit que ça pouvait donner une réflexion intéressante.

Bouma : La Pyramide de Maslow organise les besoins humains en différente catégorie en partant des besoins physiologiques. Sa théorie affirme qu’il faut avoir rempli ces besoins de base pour passer aux suivants moins élémentaires, et ainsi de suite jusqu’aux besoins d’accomplissement de soi.

La campagne médiatique autour de ce livre mentionnait une émission de télé-réalité, des niveaux à passer, des concurrents. J’ai donc d’abord cru à une dystopie plus contemporaine et je me suis bien trompée. Que raconte donc ce roman pour vous ?

Sophie : Je pensais aussi a une dystopie plus au cœur du jeu. Finalement, cette histoire est celle d’un jeune garçon qui a fui de chez lui et se retrouve à vivre dans la rue. Un jour, il va commencer ce jeu télé qu’il peut faire caché derrière un ordinateur… mais jusqu’à quand ?

Pépita : la confrontation de deux mondes : le réel et le virtuel et au milieu un jeune garçon SDF qui en fait les frais ou au contraire en tire intelligemment les ficelles.

Carole : Je rejoins Pépita sur les limites entre réel et virtuel. C’est aussi un prétexte pour questionner la virtualité, les réseaux sociaux et plus précisément l’image de soi, celle qu’on a, celle qu’on donne à voir, celle que les autres perçoivent. A l’adolescence, cette question est cruciale il me semble, on se construit, on se cherche, on s’essaye.

Solectrice : Pour moi, ce roman raconte la fuite d’un adolescent fragile, qui se raccroche encore à une raison d’exister pour les autres en participant à ce jeu. Par défi, il participe pour montrer qu’on peut vivre autrement et donner l’illusion.

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Bouma : Et justement que donne à voir ce jeune SDF ? Sa réalité vous a-t-elle paru crédible ? Ses intentions aussi ?

Pépita : je dirais qu’il s’empare du jeu plus par ennui que par défi au départ. Puis il est presque pris au piège de cette pyramide qui montre sous ses réponses les limites de la société et de l’image qu’elle renvoie de l’échelle sociale. Ces mécanismes du mirage aux alouettes sont très bien rendues : l’effet de la masse, du mouton de Panurge, de la manipulation sous-jacente. Oui sa réalité de SDF est plus que tangible, elle est même terrible dans le contraste des deux mondes. Ses intentions oui, elles me semblent bien réelles : il n’ a rien à perdre de toutes façons, il a tout à gagner. En tant que lecteur, on a vraiment envie qu’il aille au bout ! Comme une revanche sur la vie qu’il mérite amplement. Le plus dur, c’est qu’on perçoit d’emblée que ce jeu est factice et peut le perdre.

Sophie : Je rejoins Pépita, notamment sur l’idée de limite. En grimpant les échelons de la pyramide alors qu’il vit dans la rue, il montre la limite de ce système et il envoie dans les yeux des spectateurs ce qu’ils préfèrent ne pas voir. Il ne cherche pas à choquer, il montre juste sa réalité avec beaucoup de justesse.

Carole : Son triste quotidien est rendu avec justesse en effet. Il est d’emblée atypique, dénote, il est à part, inconnu pour la majorité, et c’est précisément ça qui va le rendre visible.

Solectrice : Les révélations de son univers sont progressives et calculées : le jeune homme ne veut pas susciter la pitié. Son quotidien dans la rue est peu décrit. J’avais du mal à imaginer que, dans cette situation, un adolescent s’opposant à cette société n’abandonne pas plus vite le jeu, cet univers virtuel où il ne cherche pas de reconnaissance particulière. J’étais étonnée aussi de la tournure que prenait l’histoire : on ne comprend pas tellement ce qu’il veut démontrer car l’adolescent ne se voit pas comme un représentant de la cause des SDF.

Bouma : Moi, j’ai beaucoup aimé l’humanité qui se dégageait de ce jeune homme. La vie ne l’a pas épargné. Il est à la fois résigné sur la société mais plein d’espoir dans ce que l’être humain peut apporter, peut surpasser.

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Caroline Solé signe avec ce titre son premier roman. Quels caractéristiques donneriez-vous à sa plume ?

Carole : une plume plutôt efficace, simple, sans détour et sans superflu puisqu’en quelques pages le lecteur a assisté à l’ascension virtuelle d’un ado en marge de la société, le tout construit de façon claire en distillant des critiques ici et là. C’est un premier roman réussi à mon sens.

Solectrice : La narration m’a semblé très construite. Le parti est pris de donner le résultat dès le départ, avec cette ambiguïté sur les craintes et les attentes du jeune homme. On découvre ensuite ses motivations et son histoire difficile. J’ai aimé l’habileté avec laquelle l’auteur donne à voir les coulisses du jeu face à la naïveté du candidat. C’est donc une plume sans apitoiements et suffisamment acerbe sur le le monde virtuel et réel.

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Bouma : Et que pensez-vous de la fin du roman (sans la dévoiler si possible) ? Je vous pose la question car c’est la seule partie de ce roman qui ne m’a pas semblé crédible.

Sophie : Effectivement, ça part dans quelque chose d’un peu (beaucoup) surréaliste et ça dénote pas mal avec le reste du roman. Pour autant, à la lecture, ça ne m’a pas choquée plus que ça. Par contre, j’aurais aimé que ce soit un peu plus approfondi.

Pépita : Oui la fin n’est pas vraiment une fin en fait : je pense que l’auteure a vraiment voulu s’attacher à démontrer sa thèse. En cela je la trouve vraiment intéressante à proposer à des adolescents cette lecture.

Carole : D’accord avec vous sur la fin pour le moins surprenante et un peu expéditive. Mon namoureux l’a même qualifiée de « fin genre super-héros » quand il a fini le livre.

Solectrice : Cette chute ne m’a pas tellement marquée non plus. Décrochée du reste de l’histoire, cette fin semble prolonger la fuite… vers l’imaginaire.

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Bouma : Dernière question façon portrait chinois, si vous deviez définir ce roman en un mot, quel serait-il et pourquoi ?

Pépita : Je dirais ACCOMPLISSEMENT DE SOI car ce roman c’est ça aussi : la recherche de l’épanouissement personnel à tout prix même si on doit se brûler les ailes.

Carole : je choisirai le mot IMAGE pour toute sa complexité et ses symboles

Sophie : Je dirais SOCIÉTÉ parce que je trouve que ça en montre pas mal d’aspect : la vie dans la rue, le pouvoir de la télé, les réseaux sociaux…

Solectrice : Moi, je retiendrais CARTON pour le double-sens de la vie du personnage : son refuge comme SDF et l’envie d’atteindre une cible.

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J’espère que cette discussion vous aura donné envie de découvrir ce roman et de vous faire votre propre avis dessus.

En attendant vous pouvez lire les avis plus détaillés de Carole, Sophie, Bouma et Pépita sur leur blog respectif.

Lecture commune : La folle rencontre de Flora et Max

Un roman écrit à quatre mains et deux voix d’adolescents qui se parlent, se confient, s’épaulent…

Il nous a beaucoup plu à Alice, Carole et moi...

Alors, voici notre échange bloguesque autour de ce roman qui fait un bien fou !

Coline Pierré et Martin Page - La folle rencontre de Flora et Max.

La folle rencontre de Flora et Max
Ecole des loisirs, paru le 11 novembre 2015

Pépita : « La folle rencontre de Flora et Max », vous vous attendiez à quoi avec ce si beau titre ?

Alice : Une fille, un garçon, une histoire à inventer…
Deux beaux prénoms, courts, poétiques, dynamiques.
Quelque chose d’improbable.

Carole : une fille, un garçon, une rencontre, un amour fou ! Et de la lumière comme sur la couverture.

Pépita : Oui tout comme vous : un joli titre pour une histoire prometteuse entre un gars et une fille …mais quand même : folle….comment cet adjectif se traduit-il dans cette histoire ?

Carole : Bonne question ! Folle parce qu’improbable, incroyable, surprenante et en même temps elle semble logique, naturelle, évidente, vous ne trouvez pas ?

Alice : Folle parce qu’imprudente et osée. Max qui engage la relation n’a aucune certitude du retour de Flora.
Mais folle aussi car intense. Max et Flora partagent une intimité très forte.
Et je rejoins Carole, folle parce qu’évidente ! Ils étaient fait pour faire un bout de chemin ensemble !

Pépita : Ce petit grain de folie, je l’ai aimé de suite. Quelle belle relation en effet et évidente ! Une authenticité aussi et une maturité hors du commun entre ces deux-là, sans arrière-pensées.
Bon, pour nos lecteurs, un petit résumé s’impose, juste pour donner envie ? Et comme dans le roman, essayons de compléter nos réponses, non pas à quatre mains mais à six.

Carole : Max et Flora fréquentaient le même lycée avant. Désormais, Flora est en prison, et Max vit reclus chez lui. Chacun enfermé dedans, chacun ses raisons. Pourtant, un jour, Max écrit une lettre à Flora. Et là commence cette folle rencontre…

Alice : Oui, c’est ça une rencontre épistolaire entre deux oiseaux en cage qui piaffent d’impatience, qui rêvent de construire une nouvelle donne, d’apporter un peu de fantaisie à la vie.

Pépita : Confiance, confidences et connivence, c’est ce que j’ai ressenti d’emblée entre ces deux-là et c’est beau leur échange !
Justement : comment vous êtes-vous senties à cette lecture ? Spectatrice, complice, impatiente, agacée, dubitative…? Personnellement, c’était comme si je recevais moi-même ces lettres avec beaucoup de fébrilité à chaque tourne de page, comme un rendez-vous attendu : avez-vous eu la même impression ou pas du tout ?

Carole : oui comme toi Pépita, j’étais impatiente de « recevoir » la prochaine lettre ! Ce qui explique certainement que je l’ai lu d’une traite. A la fois spectatrice et complice. Et en même temps la pudeur pousse le lecteur à être patient, empathique, à prendre le temps de la lecture aussi.

Alice : Tout à fait d’accord ! On plonge complètement dans cet échange épistolaire et on trépigne comme si on recevait une lettre dans sa propre boîte ! Pari réussi par les auteurs de nous impliquer autant !

Pépita : Et cette forme épistolaire, qu’apporte-t-elle en plus à ce roman du coup ?

Carole : Pour moi, c’est la forme épistolaire qui apporte toute la crédibilité à cette histoire. On connaît les bienfaits de l’écriture, la pudeur et la distance des mots, le recul aussi qu’on peut avoir sur les événements. Je la lis encore une fois comme une évidence. Ce n’est d’ailleurs pas sans rappeler le Manuel d’écriture et de survie de Martin Page…

Alice : En effet, elle apporte tout, à la fois la distance et la proximité entre Flora et Max.
Le rythme du livre aussi, parfois des lettres trés courtes justes informatives, parfois d’autres plus longues avec plus de contenu.
C’est un genre assez formel malgré tout, mais le ton employé donne de la dynamique et de la vivacité à cette « folle rencontre ».
Le tout donne une certaine unité au livre et chaque lettre reçue s’accueille comme un véritable cadeau.

Pépita : J’ai été très touchée que des jeunes passent par ce mode d’expression à l’heure des nouvelles technologies. Et combien on perçoit une évolution dans leur relation au fur et à mesure des échanges sans voyeurisme mais en toute simplicité. L’avez-vous perçue aussi ? De manière égale chez chacun des deux protagonistes ou pas ?

Carole : oui Pépita, j’ai senti beaucoup d’empathie, de retenue et surtout de la douceur. Et bordel que ça fait du bien !

Pépita : J’ai vraiment trouvé une évolution dans leur échange, plus du côté de Flora qui se livre davantage peu à peu et j’ai été très touchée par la poésie qu’elle tente de mettre dans le milieu carcéral, son côté très manuel et pragmatique. Quant à Max, malgré sa peur de sortir à l’extérieur, je l’ai trouvé très mature, tres déterminé, trés adulte. Leur envie de prendre mutuellement en main leur avenir est comme une lumière dans ce tunnel qu’on leur impose.

Pépita : « Mais alors, dit Alice, si le monde n’a absolument aucun sens, qui nous empêche d’en inventer un ? » Je reprends délibérément cette phrase à Lewis Carroll car je trouve qu’elle illustre à merveille ce roman. Avez-vous été surprise de la tournure que prennent les choses dans ce roman ? Trop d’idéalisme ou au contraire une suite logique pour vous ?

Alice : Surprise n’est pas le terme approprié pour ma part, je dirais plutôt « enchantée ».
Enchantée de cette bouffée d’air et d’optimisme.
Enchantée de voir qu’il était encore possible de croire en ses rêves.
Et enfin, enchantée de croire en une jeunesse courageuse qui à l’inverse de se plaindre propose, avance, innove, créé… Aaaaah, comme ce livre fait du bien !

Carole : Comme Alice, je dirai plutôt « rassurée » de lire un peu de douceur, de voir du lien se tisser, de comprendre l’autre sans juger, d’essayer d’autres choses, de proposer des alternatives, de ne pas avoir peur de l’autre. Par les temps qui courent, ça rassure je trouve, non ?

Pépita : Oh que oui Carole, ça rassure ! J’ai trouvé cette fin magnifique. Deux ados enfermés pour différentes raisons et qui s’ouvrent par leur envie ce chemin de liberté, j’ai trouvé cela, comment dire ? Comme une bouffée d’air pur anti-conformiste et on en a bien besoin ! Puisqu’on aborde la fin :  que vous a apporté la lecture de ce roman épistolaire ? Et juste un mot pour le définir ?

Alice : Ma réponse précédente répond déjà pas mal a cette question… Alors juste un mot : sincère.

Carole : Le mot qui me vient à l’esprit, c’est possible. Une rencontre, c’est toujours l’occasion de créer des possibles.

Pépita : Le mot que je choisirais : lumière. Ils s’éclairent chacun et c’est vraiment très beau.

Un roman à lire !

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Coline Pierré et Martin Page nous ont fait l’honneur de répondre à nos questions.

Leurs réponses : demain sur ce blog !

Nos chroniques respectives sur ce roman :

Alice : A lire aux pays des merveilles

Pépita : Méli-Mélo de livres

Lecture commune : Janis est folle

Janis est folle par Olivier KA

Paru le 9 septembre 2015 au Rouergue

Collection Doado noir

©Méli-Mélo de livres

 Un roman que j’ai lu à sa sortie…

Attirée par l’auteur qui est aussi un formidable conteur avec son accordéon…

Un roman que j’ai eu envie de partager…

Un roman qui nous a secouées…

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Un roman au titre explicite, une collection qui met le ton, mais quand même, vous attendiez-vous à cette histoire sombre, très très sombre ?

Alice : Vous voulez rire ? Lors de la parution du titre dans le catalogue du Rouergue, sans lire le communiqué de presse, je pensais que ce serait une autobiographie ou un docu-fiction autour de Janis Joplin ! On est loin du compte, hein ?

Carole : ahahah Alice, j’ai pensé la même chose !!! Du coup, étant assez fan de Miss Joplin et ne connaissant pas l’écriture d’Olivier Ka, c’était l’occasion ! Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ma curiosité est amplement récompensée !

Pépita : C’est marrant parce que moi, le titre ne m’a rien évoqué d’emblée…C’est l’auteur qui m’a accrochée en fait : j’ai eu la chance de le voir sur scène en tant que conteur et du coup, j’ai eu envie de découvrir son écriture et je n’ai pas été déçue non plus.

Alors, cette histoire : Janis est-elle folle ?

Alice : Janis est-elle folle ? Je ne crois pas. Janis déraille parce qu’elle porte en elle une trop grande douleur, un drame et un mensonge sur lesquels elle a essayé de se construire un avenir tout en essayant d’en préserver son fils. A cela s’ajoute un non-dit qui lui occupe l’esprit et tout ça mis bout a bout, Janis sombre dans un autre monde. Un monde parallèle auto-destructeur dans lequel elle finit par embarquer son fils.

[A ce stade de la conversation, Alice nous confie : Article sur mon blog planifié pour demain après un mois de gestation…].

Carole : La folie se définit dans une certaine mesure dans son rapport à la normalité. Chacun sait que la normalité est finalement subjective et surtout sociale. Alors oui Janis est hors normes sociales (pas de logement, pas de travail, son fils pas scolarisé). Elle a un comportement excessif, soit dans l’euphorie, soit dans la dépression. Janis est surtout sensible, blessée, et incapable de gérer ses émotions, enfouie sous son passé et les non-dits. Perso, j’ai ressenti beaucoup d’empathie pour elle. Envie de l’aider, de lui prendre la main parfois.

Pépita : Moi aussi, j’ai ressenti beaucoup d’empathie pour Janis, j’avais envie de lui tendre la main, de lui dire d’arrêter, que Titouan son fils avait besoin d’elle autrement…Mais quand j’ai pris en pleine figure le secret qui la consume de l’intérieur-et le mot n’est pas assez fort-je me suis dit lâchement que c’était perdu. D’ailleurs, le roman prend une tournure encore plus radicale après [On reviendra sur ce point].

Ce roman est très entier sur les sentiments et émotions entre cette mère et son fils. Et Titouan là-dedans ? Comment l’avez-vous perçu ?

Alice : Titouan ? Il suit le mouvement. Il manque à la fois de repères et porte un amour fou à sa mère. Il ne comprend pas toutes ses réactions, il essaye de la rejoindre dans son univers, il peut à la fois être patient et s’agacer de ses coups de folie. Il subit mais il ne se laissera pas manipuler ou entraîner dans un monde meilleur pour lui. Il veut être acteur de sa propre vie et de ses propres choix. C’est un gamin élevé dans de la violence psychologique, qui a pris tellement de claques qu’il ne pourra que se relever.

Carole : Titouan, il fait ce qu’il peut avec ce qu’il a et il s’en sort plutôt bien je trouve. Il connaît sa mère, il arrive à anticiper les crises, il joue son jeu parfois pour mieux la maîtriser. Mais on sent aussi sa fragilité, ses moments de flottement, ses peurs. Fort et fragile à la fois, très sensible. Perso, il m’a bluffée par moments par sa volonté, sa maturité, son sens de la répartie aussi.

Pépita : Je vous rejoins complètement : c’est lui au final qui protège sa mère et bon sang ! Ce qu’il endure ! Il m’a bluffée aussi par sa maturité, sa volonté d’aller au bout, de se mettre à la limite du danger alors que sa mère fonce tête baissée sans mesurer les conséquences de ses actes, à force de trop aimer. Autant on perçoit que Janis part à la dérive, autant on perçoit chez Titouan une force indicible.

C’est donc un roman qui parle de dérive mais aussi, à sa manière, d’amour au sens large. C’est un roman aussi sur un secret familial terrible. Avez-vous ressenti aussi cette radicalisation dans l’histoire au moment où Janis tente de révéler la source de sa « folie » à son fils ? Qu’auriez-vous à en dire ?

Alice : C’est ça, après avoir posé les personnages, nous être familiarisé avec leur univers, tout d’un coup, il y a un changement de cap. La tension monte d’un cran (pas qu’un seul d’ailleurs) et on sait que l’on part à la recherche de la raison pour laquelle mère et fils, unis à jamais, fuient la société. D’ailleurs, le comportement de Janis change aussi radicalement : elle devient plus responsable. Elle sait qu’elle doit la vérité à Titouan. Pour tout l’amour qu’elle lui porte, elle veut désormais le protéger de son passé. Une vérité tellement terrifiante, qu’elle ne nous est pas révélé dans son entièreté d’ailleurs. Et on ne sait plus ce qui nous bouscule dans ce livre, la folie ou l’effroi ?

Pépita : Alice, pourquoi dis-tu que la révélation n’est pas faite entièrement, je ne l’ai pas compris comme tel pour ma part ?

Alice : C’est d’abord la grand-mère de Titouan qui lui raconte ce secret de famille si lourd à porter. Mais alors même que les relations avec sa fille sont « pourries », elle donne une explication pas tout a fait exacte. Elle prend la responsabilité de l’acte mais Titouan soupçonne rapidement que tout ne lui a pas été dit ou, tout du moins, que ca sonne faux. Et une nouvelle fois, le récit s’accélère et, de révélation en révélation, on tourne les pages encore plus vite.

Alice, continuant dans son élan :  (n’y tenant plus, question qui lui vient en écho de sa lecture de Pourquoi j’ai tué Pierre du même auteur chez Delcourt, bande dessinée illustrée par Alfred ). : C’est bouleversant tous ces destins malheureux d’enfants dans ce livre ! Je pense à la sœur de Janis qui vit dans l’ombre de sa soeur , à Titouan, bien sûr, à Janis rejetée à l’annonce de sa grossesse, à l’enfant décédé dans l’incendie, à Janis qui perd son fœtus … Est ce que comme moi c’est ce qui vous a le plus remué ?

Pépita : Bien sûr que la grand-mère prend sur elle : elle veut surtout sauver les apparences ! Pour ma part, j’ai trouvé sa façon de faire vis-à-vis de son petit fils ( qu’elle rencontre pour la première fois tout de même ) et de sa fille ( qu’elle n’a pas revu depuis des années) particulièrement cruelle. Elle met Janis devant le mur sans se préoccuper une fois encore, comme dans son enfance et adolescence, de ce qu’elle ressent vraiment. Et la sœur de Janis, je n’ai éprouvé aucune sympathie pour elle. Cette famille ne sait pas aimer. C’est cela qui m’a le plus remuée. Alors que Janis déborde d’amour à un point qu’elle ne sait plus où le mettre. Et elle veut être aimée en retour. Elle est brisée dans cet élan-là. D’où cette folie liée aussi à l’acte qu’elle regrettera toute sa vie et qu’elle porte comme une croix. Tous ses malheurs viennent de cette béance d’amour. J’ai trouvé cela terrible. Cette froideur qu’on a voulu lui inculquer à la place de son feu d’amour. Révéler à Titouan ce très lourd secret lui arrache le cœur. Une famille qui n’est pas capable de crever l’abcès des non-dits ne fait que les amplifier pour les faire porter à ceux et celles qui suivent, comme une sorte de malédiction. Titouan le pressent. Il a peur. De savoir. Mais quand il l’accepte, il sait que son salut viendra de là, mais à quel prix !

Quant aux destins malheureux des enfants de ce roman, oui, je pense que ce n’est pas un hasard : ce roman, c’est l’enfance bafouée puissance 10. Il n’y a pas de place pour l’enfant. Il dérange. Le père fait-il quelque chose pour rattraper le geste de colère de sa fille, geste certes impardonnable ? Non. La sœur de Janis ne s’occupe pas bien de son fils, enfin de l’idée que je me fais de s’occuper d’un enfant. La mère a -t-elle seulement un geste envers eux à leur arrivée ? Non.
Dans ces conditions, comment pour Janis devenir mère à nouveau ? D’autant qu’elle a en plus sur la conscience la mort de l’enfant dans l’incendie. Elle sait qu’elle n’ira pas plus loin. Elle met Titouan sur son chemin pour qu’il puisse prendre son chemin à lui, sans elle. Son ultime preuve d’amour. Sans doute la seule que Titouan n’aura jamais eu de sa part. Une sorte de sacrifice. Il y a de ça dans ce roman. Un sacrifice expiatoire.

Carole : Je suis d’accord avec vous. Le malheur qui se transmet aussi, comme l’amour, l’empathie, la confiance. Oui il y a des gens qui ne savent pas aimer. Il y a surtout des gens qui ne savent pas se parler ni verbaliser, et tout se compresse à l’intérieur, et fatalement tout explose un jour, tout sort dans une violence inouïe. Le temps joue des tours aussi. Quand on est dans un déni fort, tout se brouille, les souvenirs, les circonstances exactes, l’exactitude des faits. La grand-mère et la soeur en témoignent. Ce roman aussi sombre soit-il dit aussi l’humain, ses perceptions, ses sentiments confus et ingérables. Et il dit également l’intuition, le pressentiment, la survie, notamment à travers Titouan. Janis c’est l’amour inconditionnel, extrême, sans fin. En ça, c’est un roman fort, puissant, violent, et touchant, surtout.

On sent à nos réponses combien ce roman est lourd de sens, et c’est peu dire. Comment vous-êtes vous senties à cette lecture : happées, angoissées, sans souffle, révoltées,…?

Alice : Oui, oui tout cela à la fois, happée, dérangée, bousculée, écœurée, révoltée …Bref, mal à l’aise et envoûtée.

Carole : Exactement, impossible d’arrêter la lecture et à la fois bouleversée, redoutant le dénouement, le pourquoi. Une lecture addictive en somme. Le style et les personnages aidant.

Pépita : En ce qui me concerne, je ne pouvais plus respirer par moment, le souffle coupé. Et presque incapable de me demander comment cela allait bien pouvoir se terminer, tellement on n’y voit aucune issue possible, sinon une pire même que ce qui est déjà donné à lire.

Et justement qu’avez-vous pensé de cette fin ? En est-ce une d’ailleurs ?

Carole : Concernant la fin, je ne sais pas quoi en penser pour être honnête. Je la trouve terrible et inéluctable, terrifiante et lumineuse, ouverte et sans issue à la fois. Titouan paye toute sa vie au prix fort, il est sacrifié. On lui voudrait une nouvelle route, on lui souhaite de s’en sortir. Je crois en la résilience, mais là je suis perplexe quant à son avenir. C’est je crois la première fois qu’un roman me laisse sur un sentiment d’impuissance magistrale…Et la suite de sa vie, comment construire du lien avec quelqu’un avec un tel passé, une telle enfance ? Tout dire et prendre le risque de faire fuir ou tout garder pour soi et perpétuer le déni familial.

Pépita : Pour ma part, c’est tout le contraire. C’est comme si Titouan avait toujours été attendu. Et il pourra essayer de se construire enfin. Quel regard lumineux sur lui ! Et combien Titouan a perçu ce que sa mère voulait lui dire en lui avouant ce secret déchirant : ouvrir un autre chemin pour son fils, la confiance absolue en lui pour qu’il y arrive. Pour qu’il se lave de toute cette déchéance subie. C’est comme une évidence cette fin. Mais voilà, frustrée je suis : j’aurais bien aimé 3 à 4 pages supplémentaires genre « 3 ans plus tard », pour avoir de leurs nouvelles. Mon côté maternel qui ressort. Il a l’âge de mes fils ce jeune homme !

Alice : un peu de vos avis à toutes les deux : cette fin me laisse sur ma faim. J’y crois pas trop, je la trouve un peu trop parfaite et, comme Pépita, j’aurais bien aimé retrouver Titouan quelques années plus tard. Une fin, qui pour moi, a beaucoup moins de puissance que l’ensemble du texte.

Une lecture bouleversante…
Si forte que Céline du Tiroir à histoires, qui a lu aussi le roman et partante pour participer à cet échange, a finalement laissé tomber. Elle nous dit pourquoi :
Que dire de plus. A vrai dire, Janis est folle est un roman qui m’a secouée, mais je me rend compte qu’il m’est en fait assez pénible de me repencher sur ce roman.
En tant que lecteurs, on attend beaucoup de la rencontre de Titouan avec sa grand mère, et en fait on reste un peu sur notre faim je trouve, et la relation de Janis avec sa famille, et notamment entre les deux soeurs m’a mise très mal à l’aise. Entre autres. Parce qu’en fait, quand je repense à ce roman, j’ai vraiment un sentiment de malaise. C’est quand même très déprimant. A tel point que j’ai eu beaucoup de mal à croire à cette fin un peu trop lumineuse, d’un coup, comme ça, alors que tout le reste du roman est si noir.

Il est temps de terminer cet échange avec cette dernière question : cette lecture vous donne -t-elle envie de lire d’autres romans de cet auteur qu’apparemment nous connaissons peu ?

Alice : J’ai déjà lu Pourquoi j’ai tué Pierre, je lirai avec plaisir des titres de cet auteur en étant prête à affronter son écriture, un peu comme une « lectrice-avertie ».

Carole : oui ça me donne envie de découvrir d’autres romans d’Olivier Ka ! J’ai vu qu’il y en avait quelques-uns chez Grasset et pourquoi pas en adulte aussi.

Pépita : pour l’instant, je n’ai lu que ses contes et la bande dessinée dont tu parles Alice et je l’ai entendu comme conteur et c’était chouette ! C’est un homme de scène aussi et musicien. Oui, j’espère qu’il y aura d’autres romans et je les lirais !

Pour éclairer cette lecture, Olivier Kâ a accepté de répondre à nos questions…
Ses réponses très bientôt…

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En attendant, vous pouvez aller lire nos chroniques sur nos blogs,

dont voici des extraits :

A lire aux pays des merveilles pour Alice : « Si la relation mère/fils est parfois dérangeante et que le texte est tout en dureté et en noirceur, cet amour inconditionnel n’en est pas moins touchant et parfois délicat. Ce lien qui les unit, si authentique et excessivement dévastateur. Un roman sombre, très sombre mais d’une grande beauté. Un roman qui ne laisse pas de répit. Un roman difficile à digérer. »

Méli-Mélo de livres pour Pépita : « Voici un roman d’une fougue tragique comme un tsunami sur l’amour maternel et filial d’une très grande sensibilité.Certains passages sont d’une violence noire, d’un désespoir infini, d’une impossibilité à vivre, de murs dressés devant vous et dans lesquels il faut coûte que coûte trouver la faille pour s’en sortir, c’en est presque incantatoire. Mais une fin apaisée, pleine d’espoir et de rire. »

Blog 3 étoiles pour Carole

Et consulter le tout nouveau site des Editions du Rouergue

Collection « Bon pour les bébés »

A l’ombre du grand arbre, on lit volontiers aux bébés. Dans le cadre de notre travail, dans la sphère familiale ou les deux,  plusieurs d’entre nous ouvrent facilement un album face à un enfant âgé de quelque mois à peine. Alors quand un éditeur sort une collection qui s’appelle « Bon pour les bébés », forcément, on a envie de voir ce que ça donne.

Nous aimons, vous le savez,  croiser les regards, donner un avis pluriel, qui ne se veut pas prescripteur mais cherche à donner un ou plusieurs éclairages sur les livres. Après les avoir lus mais aussi utilisés avec des bébés, nous vous livrons donc aujourd’hui notre point de vue sur cette collection qui se veut atypique.

Voilà donc une toute nouvelle collection, dont le titre est très explicite, que vous évoque-t-il?

Pépita : Comme ça, sans réfléchir, une gourmandise, des livres qu’on a envie de mâchouiller, baver dessus, retourner dans tous les sens,…

Colette : Alors c’est mon côté « pédagogue » qui prend souvent le dessus dans mes interprétations diverses, et quand j’ai lu « bon pour les bébés » j’ai pensé livres adaptés aux compétences sensorielles et intellectuelles des bébés, c’est-à-dire des livres adaptés à leur vue, à leur motricité, à leur taille…

Sophie : Comme Pépita, je suis plus dans l’aspect ludique avec des livres bien costauds pour qu’ils puissent les manipuler, jouer avec, se les approprier.

Bouma : Moi je serais plutôt dans l’approche de Colette.

Donc vous n’y avez pas vu une référence au livre de Marie Bonnafé « Les livres c’est bon pour les bébés »? D’ailleurs, l’argumentaire qui entoure la sortie des albums  fait référence aux travaux d’ACCES (Actions Culturelles Contres les Exclusions et les Ségrégations). Cet argumentaire au fait, l’avez-vous lu avant de découvrir les albums ?

Sophie : En fait, j’ai vu cette référence indirectement puisqu’en Ille et Vilaine, la médiathèque départementale propose une exposition du même nom et c’est à ça que j’ai d’abord pensé. J’ai lu l’argumentaire de Thierry Dedieu en découvrant les livres, juste avant ou juste après, je ne sais plus. Sur le principe, je suis d’accord avec ce qu’il énonce : le très grand format, les contrastes visuels, la musicalité des mots. Sur ce qu’il en fait, c’est plus mitigé.

Pépita : oui moi aussi. j’ai lu tout ça mais quand je vois le produit final (et je parle volontairement de produit) , je ne m’y retrouve pas et cela ne colle pas vraiment avec mon expérience.

Bouma : Moi j’ai découvert cette collection avec l’argumentaire de l’éditeur qui met en avant l’expérimentation qui en a été faite par la bibliothèque départementale du Gers.
Alors forcément j’ai eu envie d’en savoir plus.

Colette : euh… alors moi, je suis une maman passionnée de livres pour bébé et j’ai une super bibliothécaire (oui oui vous savez ma-bibliothécaire-préférée !) qui m’a mis de côté deux exemplaires de cette collection un samedi aprem et c’est là que je les ai découverts après avoir été alertée par mes copinautes, c’est-à-dire : vous ! Je n’ai donc rien lu avant, ni Marie Bonafé (emprunté plusieurs fois mais jamais réussi à le lire en entier) ni l’argumentaire de Mr Dedieu !

Alors voilà donc une collection qui annonce qu’elle est bonne pour les bébés et qui apporte la caution d’ACCES pour valider cela, l’argumentaire dit aussi « bon nombre d’idées reçues vont tomber », est-ce qu’effectivement vous avez été surprises des choix de la collection?
Le grand format, le noir et blanc, les textes complexes, ce sont des choses qui vous semblaient appropriées pour les plus jeunes lecteurs ?

Pépita : Justement, c’est ça qui me gêne ce cautionnement et cet estampillage « Bon pour les bébés 0- 3 ans »…ça prouve quoi ??? C’est enfermer la capacité d’appropriation dans une tranche d’âge donnée. Et du coup, c’est trop intellectuel comme concept.
Alors le format : pourquoi pas un grand format ? Mais bon, ça demande quand même un peu de manipulation pour le tout-petit (moins de 2 ans par exemple, pas évident). Mais je veux bien.
Les contrastes : rien de nouveau sous le soleil, on le sait que les bébés sont très sensibles puisque leur vue n’est pas encore trop accommodée, si on s’intéresse un tant soit peu à leur développement.
Ensuite les textes : deux d’entre eux me vont (Tas de riz tentant et le grand cerf, quoique le chasseur…) mais les deux autres ! Si mettre en avant Cyrano et Pythagore, c’est faire tomber des barrières, qu’on m’explique ! J’ai bien peur au contraire que cela n’en rajoute. C’est pas de l’élitisme ça ?
Par exemple, je préfère nettement le travail de Pascale Estellon aux Grandes personnes avec ses deux imagiers : ils laissent la part belle à l’imaginaire et à l’appropriation par le jeu. Il n’y a pas cette volonté de vouloir affirmer que la petite enfance est un public qu’on peut facilement mettre dans sa poche avec un discours pseudo-pédagogue.

Sophie : Je ne rajoute rien, je suis totalement d’accord avec Pépita !

Pépita : et pour préciser ma pensée…
Ce cautionnement, je le trouve limite : une recherche de légitimité pour être légitime ? On se couvre du coup, une façon de parer les critiques, « ah ben non, vous voyez, on a testé et pas avec n’importe qui ! « . Ceci dit, sur le terrain avec les petits, je ne conteste absolument pas que cela soit bien fait, au contraire, mais c’est l’esprit qui me dérange.

Alors, effectivement, ce sont généralement les même titres qui font débat, mais finalement, qu’est-ce qui les distingue des deux autres titres? En quoi Pytagore ou Cyrano créent-ils plus de barrières, en quoi pour toi sont-ils plus élitistes que les deux autres titres ?

Bouma : Je dirais simplement parce qu’ils véhiculent des références que tous les parents n’ont pas tant dans la provenance de l’extrait choisi que dans la langue utilisée elle-même. Pas facile d’encourager un adulte à lire à son enfant si celui-ci se trouve en défaut devant. En tout cas, en ce qui me concerne personnellement, je ne lis pas à mes enfants (ni à ceux des autres) des livres que je ne comprends pas.

Sophie : D’accord avec Bouma, Pythagore et Cyrano, ce sont des références culturelles d’adultes qu’on maîtrise ou pas d’ailleurs. Tas de riz  et  Dans sa maison, un grand cerf , ce sont des références aussi mais bien plus ancrées dans la culture populaire commune. Donc moins à même de déstabiliser les parents et surtout qui favorisent l’échange entre petits et grands.

Pépita : C’est exactement cela. Quand on n’a pas les clés de lecture culturelles, l’adulte est mis en défaut face à son enfant. C’est élitiste car ne pourrons vraiment transmettre ces textes que ceux qui ont eu cette culture ou qui ont pu se l’approprier par leurs propres moyens (autodidacte). Personnellement, j’ai essayé de les lire à des parents en demande de conseils, et je n’y arrive pas. Paradoxalement, je connais ces références mais je suis mal à l’aise à les dire, à les porter car je ne sens pas d’adhésion de la personne à ce que je suis en train de lire, ça tombe comme un soufflé…Pour Pythagore, j’ai l’impression de réciter une leçon et pour Cyrano, ce n’est qu’un extrait enlevé de son contexte, la langue amène beaucoup d’emphase dans le ton. Après, je ne dis pas qu’il ne faille pas mettre ces textes à disposition ! Mais là, j’y ressens comme une sorte de « violence » par rapport au public ciblé.

Oui, je comprends, donc c’est plutôt vis-à-vis des parents que ça se joue. Les livres ont été testés avec des enfants apparemment, en l’absence de leur parents. Et, dans ce cadre, je veux bien croire que « tas de riz tentant, tas de rats tentés » ne soit pas plus parlant pour les enfants que la carré de l’hypoténuse. Concernant les enfants, la question qui se pose est « est-ce que les textes doivent être compréhensibles ? Est-ce que l’enfant doit pouvoir y mettre du sens ? »

Pépita : Oui, mais qui transmet à l’enfant, c’est l’adulte, non ? Parent ou pas d’ailleurs ! Et si l’adulte n’adhère pas ? Non, les textes ne doivent pas forcément être compréhensibles pour le petit (et je dis petit délibérément), c’est l’intention qui compte. Les tout-petits sont plus sensibles aux sons des mots plus qu’à leur sens. Mais si l’adulte qui transmet n’est pas à l’aise, que se passe-t-il ? Je m’interroge en tant que passeur mais peut-être effectivement faut-il s’autoriser à aller vers de nouvelles formes ? Je suis ouverte à tout ! Mais il y a un tel décalage dans ces quatre titres que je ne peux qu’être interpellée : pourquoi alors ne pas avoir édité les quatre sur le même modèle, celui qui se veut faire abattre des barrières, et en l’occurrence les deux titres qui posent débat ? Au moins il y aurait eu une pertinence. Ce que je crains, c’est la commande de l’éditeur auprès d’un auteur et illustrateur de renom, dans le domaine porteur de la petite enfance, avec une réflexion à la « vas-y que je te pousse », bref, un pur produit commercial.

Colette : Je suis complètement d’accord avec Pépita et comme vous je suis dubitative devant le choix des textes et j’insiste sur l’incongruité du format également très peu pratique pour des « 0-3 ans » qui aiment manipuler à pleine main ! Et vraiment je ne trouve pas la démarche très novatrice quand on pense au travail sur les contrastes de Tana Hoban dans les années 90. Bref une collection qui me laisse vraiment sceptique …

La question du sens donc… Et la question de l’aisance de l’adulte dans la lecture… Mais, finalement, quand on lit (ou dit) « am stram gram » à un bébé, sait-on vraiment ce qu’on dit ? A-t-on besoin d’y mettre du sens ? En quoi est ce différent dans ces albums ?

Sophie : Ça ne me gêne pas forcément qu’il n’y ait pas de sens tant que c’est adapté à l’enfant, qui lui en trouvera. Je pense par exemple à l’album  A ba ba  de Malika Doray, il n’est fait que de babillements et ça va être un jeu pour l’enfant qui va se reconnaître dans ces sons.
Dans cette collection, ce qui me gêne c’est la récupération de textes, sortis totalement de leur contexte et de leur sens propre. Je ne trouve pas l’intérêt, ni pour l’adulte qui ne les maîtrise pas forcément, ni pour l’enfant !

Bouma : Super bien dit Sophie, rien à rajouter pour moi.

Colette : Comme Sophie, je ne comprends pas le choix des textes, je ne pense même pas que ce soit une entrée vers des textes fondateurs de la culture humaine. Comme Pépita je trouve la démarche trop intellectualisée – et pourtant vous savez à quel point je cherche souvent aux livres un intérêt pédagogique, déformation professionnelle oblige !

Je comprends vos arguments mais quelque part ça ce sont des problèmes d’adultes. Les enfants, eux, peuvent juste voir que « hypoténuse » c’est un joli mot et les sonorités de la tirade du nez peut les laisse rêveurs, non?

Colette : Je suis d’accord avec toi Chlop mais pas la peine de rééditer les textes alors dans un format labellisé « spécial bébé » : lisons Cyrano dans le texte à nos loupiots ou un manuel de maths. C’est ce qu’à fait Papa-Poil-Pinceau pour mon aîné lorsqu’il était bébé : quand je l’allaitais il lui lisait des … Jules Verne !

Pépita : Exactement ! C’est toute l’ambiguïté de cette collection.

Je vois que clairement vous n’êtes pas convaincues par les choix des textes. A titre personnel, je lis assez facilement le carré de l’hypoténuse, que je trouve même assez drôle, j’ai plus de mal avec la tirade du nez parce que c’est vraiment long sur chaque image et que, effectivement, sorti de son contexte, ça ne veut pas dire grand chose.

Parlons du format à présent, on connaît les albums de Tana Hoban, beaucoup d’autres ont fait le même choix du petit format pour les petites mains, ici le choix est radicalement différent, qu’en pensez-vous ? Avez-vous testé avec des bébés ?

Colette :  Comme je l’ai dit plus haut pour moi le très grand format ne correspond pas aux bébés lecteurs, à leurs petites mains en tout cas, mais j’imagine que si un adulte le leur lit, en groupe d’autant plus, ces livres peuvent avoir un certain impact visuel.

Pépita : Je préfère pour ma part lire des grands formats à de plus grands enfants.

Bouma : Moi j’aime bien ce grand format même s’il sous-entend l’accompagnement d’un adulte pour le tenir debout. Après, les petits peuvent se coucher dessus pour regarder les dessins seuls, c’est une position très répandue que je vois quotidiennement.

Pépita, tu peux préciser pourquoi ? Et surtout, il me semble que tu as testé ces albums avec des bébés, tu nous raconte rapidement ce que tu as observé ?

Pépita : Pour la raison du besoin impérieux de manipuler les livres pour les petits. Ils sont embarrassés avec un grand format, certes, oui, ils vont se coucher dessus, essayer de le remettre debout maladroitement, se le fourrer dans l’œil, bref, pas génial. Alors qu’un plus grand enfant (niveau maternelle) va davantage apprécier ce format pour s’y immerger même totalement. J’ai un souvenir des Trois brigands en grand format de Tomi Ungerer avec des Grandes sections qui me fiche encore des frissons après plusieurs années ou Chien bleu de Nadja aussi. De grands moments de transmission réussie.
Oui, je les ai testés et ça a fait un flop complet en fait, aussi bien du côté des petits que des adultes.Mais peut-être que je n’ai pas su les porter jusqu’à eux, mon avis négatif l’emportant. Je les ai pourtant intégrés dans mes accueils, fait comme d’habitude mais les adultes ont eu par exemple un mouvement de recul avec le chasseur du grand cerf. Et je suis très mal à l’aise avec l’hypothénuse et Cyrano, je n’y arrive pas.

De mon coté, j’ai d’abord eu le même point de vue que Bouma. J’utilise régulièrement des albums en très grand format avec les bébés, en particulier les albums sur les saison de Suzan Rautrault Berner, je vois les enfants allongés dessus, qui scrutent chaque détail, ou à quatre pattes face à l’album. J’étais donc plutôt favorable à ce format en cartonné, ce qui permet de faire tenir l’album debout sur le tapis des bébés.
Mais j’avoue qu’à l’usage, je n’ai pas trouvé ça approprié. Là où les livres des saisons sont conçus pour être vus de près, les Dedieu semblent être faits pour être vus de loin, quand on les met sous le nez des bébés ça ne leur convient pas, l’image est trop grande.
Du coup, j’ai éloigné l’album de leur visage, mais un tout petit a besoin de toucher, comme l’a dit Pépita. Si le livre est trop loin pour ses bras, comment peut-il le manipuler ?
En réalité, j’ai l’impression que ces livres sont plutôt pensés pour une lecture collective. Ce qui m’étonne de la part d’ACCES, qui prône plutôt la lecture individuelle et qui, à mes yeux, ne convient pas vraiment pour des enfants de moins d’un an…

Je vois que, globalement, nous étions plutôt ouvertes et curieuses quant à cette collection et que nos observations avec les bébés ne nous ont pas totalement convaincues… Deux autres titres viennent de sortir, les avez-vous vus ? Qu’en pensez-vous?

Pépita : Je les ai vus passer, mais pas eus entre les mains. Une souris verte et Pinicho. Je ne sais pas si je vais les acheter. Je pense qu’ils sont plutôt adaptés pour après 3 ans, pour la maternelle en fait, voire plus, ce qu’ « interdit » l’estampillage 0-3 ans ainsi que le format pas adapté pour des petits par rapport aussi, comme tu le soulignes Chlop, à la grandeur de l’image.

Il semble donc que cette collection n’a pas fait ses preuves à nos yeux, peut être l’usage finira-t-il par nous convaincre par la suite ? De mon coté, je continue d’amener ces albums à l’occasion quand je fais des séances de lecture, ils sont choisis de temps en temps. J’ai tout de même noté une anecdote qui m’a beaucoup plue. Ce jour-là, à mon boulot, il y avait un couple avec un enfant d’un peu moins d’un an. La mère, qui me connait, me demande dans un français approximatif, si j’ai des nouveaux livres à montrer à son bébé. Je propose donc ceux-là. Sceptique mais ouverte, elle écoute. Elle me dit qu’elle ne comprend pas « tas de riz ». Je lui explique le principe du virelangue. Elle me dit alors qu’elle connait, qu’il y en a aussi dans son pays et m’en récite quelques-uns en arabe. Elle interpelle son mari qui dit qu’il ne connait pas cela, qu’il ne s’en souvient pas. Il est un peu en retrait de la conversation. Puis, quand je passe au titre suivant « l’hypotènuse », il s’exclame: « ah, ça oui, ça je connais, les maths il y en a chez nous ! »

Voilà qui bouscule en effet mes idées reçues, j’ai toujours tendance à penser que les mathématiques sont aussi difficiles d’accès aux autres qu’elles me le sont à moi. Ce jour-là, j’ai réalisé qu’il n’en était rien. Je vais donc continuer de travailler avec ces albums et, qui sait, peut être vais-je trouver la famille qui changera aussi mon regard sur la tirade du nez ?

En tout cas, si vous avez des expériences qui vont dans un autre sens, n’hésitez pas à nous en faire part en commentaire, nous sommes tout disposés à entendre d’autres avis.

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