De l’intérêt de lire à Voix haute

Que ce soit dans l’intimité de notre foyer ou dans le cadre de notre travail, la lecture à voix haute est une activité que nous pratiquons toutes. Nous avions envie d’échanger sur ce sujet afin de savoir comment nos copinautes mettent en place cette activité dans leur quotidien, pourquoi, pour qui et ce que cela leur apporte.

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Quand est-ce que vous lisez à haute-voix ? A qui ?

Frede : J’ai lu et je lis à voix haute très régulièrement surtout dans le cadre de ma profession.
J’ai lu énormément pour les enfants et adultes en situation d’handicap, pour les personnes âgées.
Maintenant ma lecture à voix haute se fait plus pour les enfants de 0 à 14 ans et toujours dans mon boulot. Cette lecture peut être en lien avec une thématique choisie : la dernière en date était sur le développement durable. Je me suis régalée à interpréter un extrait d’une pièce et lire Forêt des frères que nous avions beaucoup aimé ici. Ayant fait du théâtre lors de ma jeunesse, j’adore interpréter et moduler ma voix sans exagérer. J’ai eu la chance d’être formée à la lecture à voix haute par une comédienne lorsque j’étais bénévole pour l’association « Lis avec moi » à Lille. Puis avec une autre comédienne qui m’a appris à me déplacer lors de mes lectures, à « s’approprier l’espace scénique ».
Parfois je lis à voix haute pour moi, pour entrer dans le texte et pouvoir le lire sans difficulté lors d’un accueil de classe. De temps en temps je kidnappe mes grands ados pour leur lire un album coup de cœur.
Pour moi, la lecture à voix haute est essentielle et comme je le dis à mes collègues que je forme aux accueils de classe : il faut vivre le texte, faire passer les mots !

Linda : La lecture à voix haute a toujours été une activité partagée entre chacun de mes enfants et moi-même, dès qu’ils ont été capable de capter leur attention quelques minutes. C’est un moment que j’associe au calme et à l’échange. Je me souviens que chacun d’eux aimaient vraiment être collé à moi durant ce moment qui leur permettait de se poser tout en se faisant câliner. Avec l’âge et l’entrée progressive dans la lecture, chacun s’est détaché au moment de son choix, parfois un peu trop tôt à mon goût, parfois pas du tout mais finalement au moins qui leur a semblé être le bon. Mes filles aiment toujours la lecture à voix haute, malheureusement les emplois du temps de chacune ne facilitent plus une disponibilité commune et nous ont contraintes à presqu’abandonner cette activité. J’essaie encore de préserver cet intérêt car, à cette étape qu’est l’entrée dans l’adolescence, la lecture à voix haute revêt un intérêt différent : partager un temps de qualité ensemble, échanger autour d’un livre, des sujets qu’il aborde, débattre et ouvrir au monde. C’est par ailleurs une activité qui rassemble, qui développe et enrichie le vocabulaire et l’imagination et c’est aussi un formidable outil pour la concentration.

Lucie : Chez nous la lecture à voix haute est une tradition familiale. Mes parents nous lisaient des histoires (je me souviens que mon père faisait des voix différentes pour chaque personnage, j’adorais ça) et je ne me suis même pas posé la question de lire à mon tour des histoires à mon fils, ou d’écouter mon mari lui en lire (lui aussi fait des voix géniales). Mais la tradition ne se limite pas aux enfants. Il est arrivé que mon mari me lise des histoires, et j’ai appris que mon grand père faisait la même chose pour ma grand mère.
Effectivement, la question de continuer ou pas se pose quand les enfants grandissent et qu’ils deviennent bons lecteurs. Il est souvent arrivé que je commence un roman à haute voix avec mon fils et que le lendemain matin il en soit trois chapitres plus loin. C’est un peu frustrant quand c’est un livre que l’on découvre ensemble ! Mais il faut saluer les auteurs qui parviennent à créer des histoires tellement prenantes que l’on ne peut pas attendre pour en lire la suite.
Ce moment de partage autour du livre est précieux et ni lui ni nous ne sommes prêts à y renoncer. Même si parfois il s’agit seulement de lire des livres différents pelotonnés tous ensemble.

Dans ma pratique de maîtresse aussi la lecture est très importante. Il y a les lectures « suivies » que je propose en épisodes, et les lectures offertes (expression que j’aime beaucoup) en lien avec un thème travaillé en classe ou juste pour le plaisir.
Je suis pour ma part totalement convaincue par le quart d’heure lecture à condition que les élèves soient libres de choisir leurs lectures. Les études montrent bien que ce moment est source d’apaisement pour les élèves comme pour les enseignants.

Isabelle : Un peu comme Linda, j’ai lu à mes garçons, nés en 2009 et 2011, dès leurs tous premiers mois. Je me souvenais de moments fantastiques de lecture avec ma mère et de lectures offertes par mon instituteur de CM1, j’avais envie de proposer de tels partages à mes enfants. Nous avons donc instauré une sorte de rituel de lecture du soir. Mes moussaillons ont longtemps aimé lire et relire les mêmes livres, puis nous avons commencé à en découvrir de nouveaux, plus longs et immersifs. Nous n’avons pas eu envie de mettre fin à ce moment quotidien quand ils ont su lire seuls. Cela s’est fait naturellement avec l’aîné, vers 10 ans, lorsqu’il était trop absorbé par son roman du moment pour interrompre sa propre lecture. Cela ne l’empêche pas de nous rejoindre de temps en temps lorsque notre lecture du moment l’intrigue et nous avons développé de nouvelles formes de partage autour de lectures communes. Je continue de lire à voix haute presque tous les jours avec son frère qui aura bientôt douze ans. Je lis aussi de temps en temps avec les autres enfants de la famille, notamment mes neveux et nièces qui aiment tous ça !

Que pensez-vous que cette pratique de la lecture partagée ait apporté à votre famille ?

Linda : Je crois que cela a développé l’esprit critique de chacun, l’amour des mots, le plaisir d’être ensemble, d’échanger, d’argumenter autour de tout un tas de sujets. La lecture à voix haute nous a aussi permis de partager des intérêts communs pour les livres que, désormais, nous choisissons ensemble ou se recommandons mutuellement.

Colette : Avant toute chose, le rituel de la lecture partagée nous a apporté un moment de disponibilité réciproque. Pendant le moment de l’histoire du soir, nous nous retrouvons VRAIMENT tous les 4, pas de compromis possible, pas de diversion négociable : comme une promesse d’être entièrement présents les uns pour les autres. C’est un RDV que nous nous offrons et que nous ne manquerions pour rien au monde !

Frede : La lecture partagée est un moment de plénitude totale. Malheureusement dans la famille, nous lisons très peu ensemble, je l’ai énormément fait avec mes fils lorsqu’ils étaient petits. Je pense que le fait de lire pour une classe, un groupe m’apporte autant de satisfaction.
De plus, je lis beaucoup à voix haute pour moi-même, pour ressentir encore plus les mots. Mine de rien cet exercice n’est pas plus mal lorsque je dois lire devant un public surtout pour les 0-3 ans.
C’est un moment où toutes les oreilles sont attentives et captent la même histoire et où l’imagination n’appartient qu’à soi.

Lucie : Je te rejoins tout à fait : ce moment est très précieux chez nous aussi, et incontournable ! Une pause pour être ensemble et partager une histoire dans un quotidien où l’on court tous tout le temps. Nous y tenons beaucoup.

Isabelle : Je me retrouve dans vos réponses : ces moments d’attention exclusive dont tu parles, Colette, sont hyper précieux ! Je pense que c’est LA manière privilégiée de cultiver son goût de lire et de le transmettre à ses enfants. On s’extrait aussi, pour quelques minutes, du train-train de nos journées trop chargées. L’évasion dans un livre permet souvent de désamorcer les tensions et de prendre un peu de distance vis-à-vis des petits soucis du quotidien. C’est véritablement stupéfiant de voir à quel point quelques minutes de lecture permettent aux enfants les plus vifs et turbulents (et je sais de quoi je parle !) de se poser et de retrouver le calme avant d’aller dormir : cela vaut vraiment le coup d’essayer ! Comme le dit Linda, ces lectures donnent aussi souvent lieu à des confidences, des questions et des moments privilégiés d’échange que nous n’aurions pas forcément eus sinon. Il est parfois plus facile d’aborder certaines questions de façon indirecte, voire implicite, à travers une histoire que de manière frontale. Jour après jour, on apprend à mieux se connaître. Quand le goût de la lecture se transmet de génération en génération, cela peut enfin contribuer à créer une belle complicité autour de certains livres qui finissent par composer un univers de références partagées par toute la famille… Chez nous, nombreux sont les repas de famille où nous parlons de Karlsson sur le toit ou encore de Willy Wonka. Ces personnages ont presque partie de la famille, tout le monde les connaît ! 

Quelles sensations et quelles émotions apporte la lecture à haute voix ? Quel est le « supplément d’âme » de cette pratique d’après votre expérience ?

Lucie : En réalité, si j’aime ce moment je n’aime pas beaucoup lire à voix haute. Je le fais pour le partage du moment, mais je préfère nettement écouter !
Mais je suis curieuse de lire les réponses de celles qui sont à l’aise dans cet exercice.

Colette : Personnellement, j’aime beaucoup devoir moduler ma voix, jouer avec les différents personnages pour captiver mon petit public. Mais comme toi Lucie je préfère écouter les autres lire. J’ai découvert depuis peu la lecture audio. Nous avons écouté lors de longs trajets L’Ickabog lu par Aïssa Maïga ou encore Jefferson lu par JC Mourlevat et vraiment ce fut un régal. J’avoue que Jean-Claude Mourlevat lit vraiment bien ses textes : sa voix est riche des émotions de ses personnages, je ne sais pas si c’est lié à sa formation de comédien ou encore au fait qu’il connaisse parfaitement bien ses personnages, mais l’écouter lire est très enthousiasmant.

Et je rajouterai que « le supplément d’âme » que je trouve à cette pratique c’est la sensation de vivre une expérience collective à travers une activité qui est sinon très individuelle. Les échanges que l’on peut faire en classe après une lecture à haute voix sont très intéressants pour comprendre tous les mécanismes qu’implique la lecture qui est un acte tellement complexe. Et puis le silence qui règne dans un groupe à l’écoute d’une lecture à haute voix, c’est un silence magique !

Linda : Comme Colette, j’aime beaucoup devoir moduler ma voix, c’est une façon de s’approprier les personnages et de les rendre vivants et accessibles au petit public attentif. Je trouve aussi que cela donne vie aux mots, les fait danser, et puis cela dynamise la lecture et la rend tellement plus intéressante pour l’auditeur.
J’aime aussi, en tant que lectrice, observer les réactions que provoque la lecture, cela donne à réfléchir sur ce qu’elle apporte à chacun et facilite ensuite les échanges, à exprimer son ressenti et ses émotions. 

Frede : Je dirais que cette sensation est unique et apporte beaucoup de quiétude, de bien-être. J’aime ce moment où toutes les oreilles et les yeux sont rivés sur le livre que je suis entrain de lire. Peu importe la technique employée à ce moment là c’est véritablement un instant de véritable communion.

Isabelle : L’histoire du soir permet de redécouvrir la lecture, car on lit différemment quand on le fait à haute voix pour quelqu’un d’autre. Moi qui lis beaucoup et de manière un peu compulsive, j’ai redécouvert certains livres en les parcourant plus lentement, en prenant le temps de me représenter pleinement le texte afin de mieux le transmettre, de respecter les silences (voire les faire durer pour entretenir le suspense !), d’adapter mon intonation, de théâtraliser un peu la lecture où jouant sur des mimiques et des expressions, un ton ironique, des voix plus aiguës ou plus graves, voire même des accents ! Cela demande une concentration exclusive et a l’effet de me calmer. Rétrospectivement, j’ai le sentiment d’une qualité de lecture différente pour les livres lus comme cela. 

Pour vous, y a-t-il des supports qui se prêtent mieux à la lecture à haute voix que d’autres ? Vous est-il arrivé de tomber sur un livre particulièrement difficile à lire à haute voix ? Et, au contraire, avez-vous des « chouchous » que vous aimez lire à haute voix ?

Colette : Oui, clairement il faut des textes qui alternent récit et dialogues régulièrement. Les textes de théâtre se prêtent bien évidemment à la lecture à haute voix mais à peine ouverts, ils appellent à être joués et ils seront bien plus savoureux à plusieurs lecteurs, lectrices. J’aime beaucoup lire des albums, car on peut ménager de longues pauses de silence pour montrer les images qui les illustrent. Je n’ai pas beaucoup d’expérience de lectures à haute voix de textes longs. Quant aux BD c’est vraiment compliqué en groupe mais en tête à tête avec mon fils de 9 ans, c’est un genre qu’on adore lire ensemble. Les documentaires sont d’après moi les livres les plus difficiles à lire à haute voix mais certains s’y prêtent vraiment. Il faut une mise en page simple avec un objet par page ou double-page, au delà on s’éparpille. Pour la pratique de lecture à haute voix, ce que j’aime le plus, c’est ressortir le butaï que mon père a fabriqué à mon grand garçon pour ses 5 ans et lire des kamishibaï à ma petite famille. Le kamishibaï est une sorte de théâtre d’images où la voix accompagne les images que le public voit défiler devant ses yeux. Pour le baptême de mon filleul, j’ai lu « Il faudra » d’Olivier Tallec et Thierry Lenain en version kamishibaï et ce fut vraiment un très beau moment. Des phrases courtes. Poétiques. Percutantes. Qui touchent en plein coeur. Pour moi la poésie est le genre par excellence de la lecture à haute voix et certains albums sont de pures merveilles de poésie.

Lucie : Tous les supports type kamishibaï, tapis à histoire etc. sont extra pour la lecture à voix haute. Mais quand on n’a pas la chance d’avoir ce matériel, je trouve que l’album est le livre idéal. Nous n’avons jamais lu de poésie en famille, tu me donnes envie d’essayer.
En réalité, en posant cette question je pensais à un roman en particulier que nous avons arrêté car trop compliqué à lire à haute voix : « Réseaux » de Vincent Villeminot. En revanche, les auteurs qui jouent avec les mots et les sonorités (J.K. Rowling, Timothée de Fombelle, Flore Vesco, Roald Dahl ou Jean-Claude Mourlevat pour ne citer qu’eux) sont géniaux à lire à haute voix, même sur de longs textes.

Linda : Pour ma part j’aime lire tous les supports à voix haute, à l’exception de la bande dessinée. Je n’aime pas partager ce format de texte « fractionné » que j’aime pourtant lire en solo. Je lis des romans à voix haute et je les trouve tout aussi savoureux, voir plus parfois, que les albums. Peut-être justement car pour ces derniers, il faut régulièrement marquer une pause pour regarder les images et laisser la place à chacun de le faire dans le temps qui lui convient.
Dans les romans, c’est plus l’écriture qui va avoir un rôle dans le plaisir de lire. J’aime particulièrement la poésie et la musique des mots que certains auteurs savent poser sur le papier. Spontanément je pense à Flore Vesco, Bertrand Santini, Jean-Claude Mourlevat ou encore Roald Dahl… Mais parfois c’est plus le rythme de l’action et l’écriture qui est un véritable plaisir pour l’oreille ; ici je pense à des titres plus classiques comme Les aventures d’Arsène Lupin, la saga de Anne de Green Gables ou encore La ferme des Animaux. Sans oublier les textes qui font voyager au sens propre, comme au sens figuré. Pourtant parfois, alors que le sujet est intéressant et le livre vraiment bien écrit, ça fait flop. Je me souviens avoir vraiment peiné sur Le baron perché d’Italo Calvino, la faute aux phrases interminables qui faisaient trembler ma voix de fatigue. C’est pourtant un livre que nous avons aimé, les filles et moi, mais j’en suis ressortie épuisée.
Donc pour moi, tout livre vaut le coup d’être lu à voix haute, chacun trouvera ceux qui lui conviennent.

Frede : Je ne lis jamais de documentaires ou de BD en lecture à voix haute. Par contre j’adore lire du théâtre à plusieurs voix. Je me souviens encore du bonheur de lire Roméo et Juliette avec mon cadet en se répartissant les rôles à chaque début d’acte. Comme je lis l’histoire avant mon accueil je n’ai jamais de mauvaise surprise car il faut « maîtriser » son texte pour y mettre la tonalité et captiver son public. Mes chouchous sont essentiellement des albums comme De la petite taupe qui voulait savoir qui lui avait fait sur la tête, La souris et le voleur, tous les albums de Christian Voltz (je les connais presque par cœur), La moufle, le bateau de Mr Zouglouglou… mais j’ai un souvenir ému de ma lecture du petit roman La bergère qui mangeait ses moutons, lu sur scène pour les 20 ans de la médiathèque où je travaillais. Quel régal ! une comédienne nous avait aidé à « nous mettre en scène ».

Isabelle : Pas de support privilégié, même si comme Linda, je n’aime pas trop lire de BD à haute voix. Pour moi, cette mode de lecture est un test clé. Il y a les textes dans lesquels on entre tout de suite. C’est notamment le cas de ceux de Roald Dahl ou de Jean-Claude Mourlevat dont vous avez parlé. Ils ont un rythme et coulent de manière évidente, déployant dans nos imaginaires un univers dans lequel on se repère aisément, des personnages palpables dont on perçoit la consistance et qu’on a l’impression de connaître, des intrigues qui nous enveloppent et nous accrochent à tel point qu’il est difficile d’interrompre la lecture. Il nous est arrivé de lire plus d’une heure à la suite ! Les choses sont différentes avec les albums mais là aussi (encore plus, je trouve), on voit tout de suite comment fonctionnent les mots. D’autres textes sont plus durs à lire et à suivre, souvent c’est sans appel et tout le monde est d’accord ! À mon sens, la lecture à voix haute est aussi un moyen privilégié de faire découvrir des textes plus difficiles d’accès à ses enfants. Au fil des années, nous avons lu de nombreux classiques qui comportent des mots plus rares et exigent de connaître certains éléments de contexte : les romans de Stevenson par exemple (L’île au trésor, L’étrange cas du Dr. Jekyll et de Mr. Hyde), Moby Dick, Dracula ou le splendide Watership Down. Les enfants étaient super heureux mais ne se seraient sans doute pas lancés seuls.

Sur la base de vos expériences respectives, avez-vous des conseils particuliers à adresser à celles et ceux qui aimeraient se lancer dans la lecture à voix haute en famille ou dans un autre cadre ? Des trucs qui auraient bien marché chez vous ?

Isabelle :  Pour ma part, je conseillerais d’essayer de ménager ce moment qui n’a pas besoin d’être très long en veillant si possible à ne pas être dérangé. Et aussi de ne pas se formaliser si un enfant ne parvient pas à rester immobile en écoutant. Mes moussaillons ont souvent eu besoin de rester libres de leurs mouvements, de manipuler un objet… J’ai pris le parti de les laisser s’installer ou bouger comme ils le souhaitaient, tant que cela ne perturbait pas la lecture. Il leur est par exemple arrivé de faire des coloriages ou des perles à repasser pendant la lecture du soir, mais ils savent qu’ils ne peuvent pas faire de bruit ou s’agiter.

Linda : Je rejoins assez ce que dis Isabelle sur la disponibilité de l’enfant, l’importance de le laisser libre de ses mouvements. J’ajouterai qu’il ne faut pas se forcer à le faire ou s’imposer un moment précis, le plus important est que chacun soit disposé à partager ce moment ensemble.

Lucie : L’idéal est bien sûr de commencer avec un enfant tout petit. Mais ne pas l’avoir fait ne veut pas dire qu’il ne faut pas se lancer !
Nous avons vécu des moments de « pause » de ce rituel, qui m’ont chaque fois fait un pincement au cœur. Mais nous l’avons chaque fois relancé grâce à une lecture qui nous donnait envie, suite à un passage en librairie par exemple. Ne pas être trop rigide sur la forme (liberté de mouvement, durée…) pour garder le plaisir, partir de l’envie de l’enfant aussi, pour ne pas perdre son attention en route. Et s’autoriser à abandonner une lecture trop compliquée, contraignante en lecture à haute voix, ou finalement décevante.
Je crois en revanche qu’il est important de ritualiser, d’avoir un moment de la journée dédié pour lequel nous sommes totalement disponibles les uns et les autres.

Colette : Comme Lucie, je pense que la mise en place d’une lecture ritualisée est vraiment primordiale quand on veut instaurer un moment de lecture à haute voix dans le cercle familial. Pour ce qui est de la lecture devant un public, je conseillerai de se préparer à l’avance en s’enregistrant par exemple pour essayer de théâtraliser au mieux sa lecture. Ce sont deux types de lecture à voix haute assez différentes me semble-t-il : si la lecture à haute voix dans la sphère privée me semble pouvoir exister en toute liberté, dans la sphère professionnelle, elle n’en sera que plus savoureuse si la lectrice, le lecteur s’est bien entraînée avant.

Frede : L’important c’est de commencer avec un livre que l’on aime car c’est à ce moment là que tout va se faire : le plaisir de l’écoute et le plaisir de lire. Comme vous l’avez très bien dit, même si l’enfant bouge où n’est pas à 100% à votre écoute, il est tout de même attentif. Le plus beau est de transmettre par cette lecture peu importe le moment. Il faut juste être disponible en tant que lecteur et spectateur.

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Et vous, lisez-vous à voix haute ? Quels bénéfices y trouvez-vous pour vous et pour ceux à qui vous faites la lecture ?

De l’intérêt d’adapter des livres de jeunesse au cinéma ou en série

En 2022, nous avons envie de lancer une nouvelle rubrique intitulée « Du blanc de la page au bleu de l’écran » consacrée aux adaptations de livres jeunesse.

Mais pour commencer, nous nous sommes interrogées sur l’intérêt de ces adaptations. Qu’est-ce qu’un film peut apporter à un livre ? Quel format nous semble le plus adapté ? Vaut-il mieux avoir lu le livre avant ? Voici quelques unes des questions autour desquelles les arbronautes ont partagé leurs ressentis.

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Quel est, d’après vous, l’intérêt d’adapter des livres jeunesse au cinéma ?

Isabelle : J’adore lire et j’aime aussi beaucoup le cinéma, même si j’y consacre moins de temps. Mais je dois constater que j’ai rarement été enthousiasmée par les adaptations à l’écran de livres, y compris ceux que j’ai aimés. Il y a, bien sûr, des impératifs de format qui font qu’on est forcément frustré.e des raccourcis qui donnent l’impression que le propos a été réduit à la substantifique moelle – la première réaction de mes enfants en découvrant les films de Harry Potter (J. K. Rowling) ou celui des Royaumes du Nord (Philip Pullman) était indignée de voir qu’autant de choses étaient passées à la trappe. Parfois, le scénario s’écarte pour mieux coller aux attentes en ajoutant par exemple une romance qui n’était pas du tout dans le livre de départ – est-ce que, par exemple, vous avez vu Brisby, adaptation contestable d’un superbe roman de Robert C. O’Brien ? Ou l’adaptation en série Netflix de Watership Down de Richard Adams ? De manière plus générale, le ressenti est moins riche qu’à la lecture, peut-être aussi parce qu’on perd la singularité de la plume. Et il peut y avoir des décalages liés au fait que le « film » qui s’imprime dans notre esprit à la lecture des mots est singulier, unique, et donc différent de celui qu’un réalisateur nous montre. Mais justement, sans doute cela représente-t-il un intérêt important de l’adaptation : nous permettre de revisiter un texte en nous invitant dans une autre lecture, tout aussi personnelle que la nôtre. 

Linda : Je pense qu’une adaptation vise un public plus large. Le réalisateur se fait généralement plaisir en adaptant un livre qu’il a aimé, qu’il a partagé avec ses enfants, peut-être. Il en propose une interprétation personnelle qui, offerte à un plus large public, sera soumise à la critique. Or, cette vision est personnelle en ce qu’elle ne pourra séduire tout le monde. Les critères d’adaptation semblent suivre un code précis qui vise à garder la substance de base. Le scénario se concentre donc sur l’intrigue principale et occulte tout ce qui la nourrit car cela devient superflu. J’avoue préférer le format « série » qui laisse plus de place (plus de temps) et permet donc de suivre plus fidèlement un récit. Adapter pour un public jeunesse me semble aussi être une manière d’inviter les parents à découvrir des univers que leurs enfants apprécient. Car beaucoup de parents ne lisent pas de littérature jeunesse. Je pense donc qu’un film peut rapprocher les membres d’une même famille et leur offrir un sujet de discussion intéressant. 

Colette : Je pense qu’il faut distinguer les adaptations de romans jeunesse et les adaptations d’albums ou de BD. En effet si je suis complètement d’accord avec vous concernant l’inévitable appauvrissement de l’œuvre romanesque (même si j’ai une exception en tête, La Vague de Todd Strasser, que Gabrielle a présenté récemment sur le blog), pour ce qui est de l’adaptation de BD ou d’albums, la plupart du celles que j’ai pu voir, sont vraiment formidables et enrichissent véritablement le texte initial. Je pense à La Chasse à l’ours d’Helen Oxenbury et Michael Rosen notamment, un classique de la littérature enfantine adapté par Johanna Harrison et Robin Shaw en 2018. Cet album qui m’était restée complètement énigmatique prend un sens tout nouveau grâce à la narration beaucoup plus explicite du dessin animé. De même pour Le Gruffalo, Le Petit Gruffalo, Mr Bout de bois ou encore Zébulon le dragon et les médecins volants de Julia Donaldson et Alex Scheffler. Leurs adaptations en dessins animés sont vraiment des petits bijoux de délicatesse, de sensibilité, d’humour tendre et de poésie. Le trait de l’artiste y est parfaitement respecté et on prolonge concrètement le plaisir de la lecture à travers elles.

Lucie : Je suis d’accord avec ce que vous dites : on perd souvent en profondeur lors d’une adaptation de roman par manque de temps, forcément ! Et je rejoins Linda sur la vision personnelle du réalisateur. Il y a, je pense, une distinction à faire entre le projet personnel d’un cinéaste qui retrouve ses préoccupations dans un roman jeunesse et souhaite l’adapter (je pense à Hugo Cabret par Martin Scorsese par exemple, dans lequel on retrouve nombre de ses thèmes de prédilection) et un studio qui décide d’adapter un succès pour profiter de sa notoriété. Ce deuxième cas ne fait pas nécessairement des navets mais on perd souvent quelque chose en route. C’est amusant Colette, si le graphisme du Gruffalo et du Petit Gruffalo sont extrêmement fidèles, personnellement je n’ai pas vu l’intérêt d’ajouter l’introduction des écureuils. J’espère que l’on aura l’occasion d’en discuter plus en détail dans un article !

Isabelle : C’est vrai que l’adaptation de Hugo Cabret est très réussie. Ce roman graphique hors-classe de Brian Selznick offrait aussi un terrain de jeu privilégié pour Martin Scorsese, puisque l’intrigue évoque les débuts du cinéma et l’objet-livre jouait sur les codes du film avec ses fondus au noir, ses passages aux airs de folioscope, ses illustrations en noir et blanc et ses multiples clins d’œil aux premiers films.

Linda : Il y a effectivement de très bonnes adaptations romanesques. Je pense aussi à La Fameuse invasion des ours en Sicile. C’est un film vraiment superbe avec une animation originale qui sort des sentiers battus. Le film s’écarte un peu du roman de Dino Buzzati mais en conserve l’essence. Et pourtant c’est un film qui a fait très peu parler de lui, ce qui est dommage.

Quant à la question de l’adaptation en séries, qui est très riche aussi, à laquelle pensais-tu Linda ?

Linda : His Dark Materials (adaptation des Royaumes du Nord) va bien plus loin que le film proposé quelques années plus tôt (A la croisée des mondes : La boussole d’or de Chris Weitz). Le texte de Philip Pullman est tellement riche et complexe qu’un film de deux heures ne saurait en restituer toutes les subtilités. Je ne dis pas que l’adaptation est parfaite mais on ne peut nier que le résultat est très satisfaisant et plus près du texte de départ.

Isabelle : Tout à fait d’accord avec toi, Linda, sur cette adaptation que nous avons énormément appréciée également ! Je pense aussi que le format de la série permet une expérience immersive plus proche de celle que l’on vit quand on se plonge dans un pavé que ne le permet un film. Comme dans un livre, on finit par avoir l’impression de connaître les personnages et le format permet de développer des intrigues secondaires au sein d’une trame plus complexe. Et de faire la part belle au décor et à l’univers, ce qui est essentiel pour une série comme Les Royaumes du Nord. C’est étonnant, à cet égard, que les adaptations à l’écran de livres ne fassent pas plus souvent le choix de la série plutôt que du film.

Pour rebondir que ce que disait Linda un peu plus tôt, préférez-vous qu’une adaptation soit fidèle au texte, ou cela ne vous gêne pas forcément que le réalisateur prenne des libertés du moment que l’esprit est respecté ?

Linda : Tout dépend des libertés prises. Je trouve que parfois cela dynamise le récit ou dépoussière un texte désuet. A partir du moment où l’on n’occulte pas le message que l’auteur.e a voulu faire passer, ou ne dénature pas l’histoire et les personnages, ça ne me gène pas outre mesure.

Colette : L’adaptation que je prends souvent en exemple pour démontrer que parfois elle peut dépasser l’œuvre originale est celle que Dennis Gansel a faite du roman La Vague de Todd Strasser que nous présentait récemment Gabrielle. En effet le réalisateur transpose le récit de Todd Strasser dans un tout autre contexte historique et géographique mais cela renforce complètement le message de l’auteur : l’expérience pédagogique du professeure d’histoire qui est le héros du récit redouble de sens en se situant dans l’Allemagne contemporaine. La réécriture de la fin – qui pouvait sembler insipide dans le roman – gagne en profondeur en devenant particulièrement tragique. J’aime d’ailleurs beaucoup travailler la comparaison entre le roman et le film avec mes élèves tellement les partis-pris du réalisateur sont riches. Cette comparaison permet de souligner à quel point le travail de l’adaptation est un travail de création à part entière.

Isabelle : Je n’ai pas de position de principe, il me semble que tout dépend de la démarche. Dans certains cas, on sent que l’on s’éloigne de l’œuvre de départ pour des raisons contestables liées aux contraintes pratiques du format du film ou des attentes du public anticipées par les producteurs du films – par exemple la manie de vouloir mettre de la romance ou du sensationnalisme là où il n’y en avait pas, de caricaturer les personnages ou de privilégier le happy-end. Si la démarche est de revisiter sur un mode personnel ou sous la forme d’une nouvelle proposition, ou de dépoussiérer comme dit Linda, je dirais que tout dépend du résultat. Je me suis beaucoup posé la question à propos du classique canadien Anne de Green Gables de Lucy Maud Montgomery, récemment réédité par Monsieur Toussaint Louverture et adapté sous forme de série par Netflix. Les connaissez-vous ? La série s’éloigne pas mal du propos initial et y importe des problématiques contemporaines (autour du féminisme, des sexualités, du racisme) qui n’auraient pas été formulées ainsi au début du 20e siècle, lorsque joue l’histoire. Cela dit, replacé dans le contexte de l’époque, le roman était probablement déjà subversif et progressiste sur ces questions et la série ne me semble donc pas le dénaturer. Nous avons adoré la regarder en famille.

Linda : Je n’ai pour ma part pas du tout apprécié cette adaptation (je me suis arrêtée à la saison 1) qui importe des questionnements d’aujourd’hui sur la place de la femme dans la société et sur sa sexualité, et s’éloigne du roman sur bien des aspects. La question du racisme est, cela dit, déjà abordée dans un des volumes de la série. Je trouve que cette adaptation dénature l’œuvre originale car elle en enlève bien des caractéristiques pour les remplacer par d’autres… Cela m’a fait penser à une commande pour répondre à des attentes commerciales et non à une adaptation. Mais je suis sans doute peu objective sur ce livre que j’adore tout particulièrement. Je suis par ailleurs très attachée à la série de téléfilms de Kevin Sullivan réalisée dans les années 80. Megan Follows fait une Anne Shirley parfaite. Pour le coup, j’ai préféré l’adaptation Little Women par Greta Gerwig qui choisit aussi de l’aborder par le prisme du féminisme, un thème déjà très ancré dans Les filles du docteur March, de Louisa May Alcott.

Lucie : Pour moi deux points s’opposent sur le sujet : la possibilité d’approfondir vraiment l’univers dans une série est intéressante. Mais dans le même temps, regarder une série demande vraiment beaucoup de temps, bien plus qu’un film. Cela demande un investissement que l’on est peut-être pas toujours prêt à mettre quand on connaît déjà l’histoire, les personnages, les rebondissements, etc. Personnellement, il faudrait vraiment que j’ai adoré le livre pour m’engager dans une série, alors que je regarde volontiers les adaptations en films.
Par ailleurs, pour rebondir sur la remarque d’Isabelle, autant qu’un auteur s’approprie l’œuvre ne me gêne pas, autant quand on sent les thèmes à placer pour satisfaire le plus grand nombre, j’ai facilement le sentiment que le roman original est trahi. Je déteste ça !

Dans quel cas trouvez-vous que l’œuvre originale se prête plus à une adaptation en film en prises de vues réelles ou en film d’animation-dessin animé ?

Linda : Et bien si on part d’un album, les personnages existent déjà visuellement et il me parait difficile de ne pas reprendre leurs traits si on veut toucher le jeune public. En revanche, pour les romans, c’est autre chose. Quand les personnages sont des animaux, c’est probablement plus facile de passer par l’animation ou le stop motion comme dans l’adaptation Fantastic Mr Fox de Wes Anderson par exemple. Je me suis souvent imaginée une adaptation en série d’animation pour Harry Potter. Je trouve que l’histoire s’y prêterait bien et qu’il serait assez facile de représenter les personnages car J.K. Rowling les décrit vraiment très précisément.

Isabelle : Je ne me suis jamais posé la question, mais je suis plutôt d’accord avec Linda. Peut-être que moins l’histoire est réaliste, moins elle se prête aux prises de vue réelles ? Après, je dirais que c’est une question de projet et que les deux sont souvent envisageables, question de goût. Je pense que pour ma part, je trouverais plus facile de me tourner vers le dessin-animé ou l’animation. Un autre excellent exemple est l’adaptation de Souvenirs de Marnie (roman réédité récemment par les éditions Monsieur Toussaint Louverture), par les studios Ghibli. C’est une histoire qui pourrait très bien être filmée avec les acteurs, mais le film d’animation rend magnifiquement le côté onirique, tout en transportant l’intrigue dans un décor japonais qui donne quelque chose de très différent.

Qu’est-ce qu’un film peut apporter à un livre ?

Lucie : La musique est particulièrement importante pour moi. C’est elle qui va me permettre d’être immergée dans l’histoire. Pour les lecteurs manquant d’imagination, les effets visuels sont aussi l’occasion de voir des éléments imaginés par l’auteur. Je pense par exemple au plafond de la grande salle de Poudlard dans Harry Potter, ou à l’arbre dans Quelques minutes après minuit que j’avais beaucoup de mal à me représenter à la lecture.

Colette : Comme toi Lucie, je pense que pour les univers particulièrement merveilleux, comme celui d’Harry Potter, la vision du réalisateur ou de la réalisatrice va permettre la découverte d’un imaginaire supplémentaire. De même pour la science-fiction : des choses difficiles à imaginer comme les districts et le fonctionnement des jeux dans Hunger Games ou les catégories de la société de Divergente vont être rendues tangibles grâce à l’adaptation cinématographique.

Isabelle : Ça sera aussi une représentation différente de celle qui s’était projetée dans notre esprit à la lecture. En ce sens, le film peut être une façon plaisante de prolonger l’immersion dans un univers ou une histoire que l’on a particulièrement aimé.

Linda : Je vous rejoins tout à fait. Mais je dirai qu’un film apporte généralement une notoriété supplémentaire à un récit, ce qui va booster les ventes et donc enrichir bien du monde… C’est une vision assez négative du monde cinématographique, mais malheureusement pas complètement fausse.

Isabelle : C’est vrai que certains livres vont trouver leur public (ou trouver un public incomparablement plus large) suite à leur adaptation à l’écran.

Hésitez-vous avant d’aller voir une adaptation ?

Linda : Si le roman m’a vraiment plu, je ne me pose pas de questions et je vois son adaptation. Probablement par simple curiosité, mais aussi parce que j’espère retrouver le plaisir que j’ai ressenti à la lecture. C’est aussi une façon de prolonger l’aventure, comme tu le disais Isabelle.

Lucie : Tout à fait d’accord avec toi. Mais c’est aussi prendre le risque de sortir très énervé si l’adaptation est loupée !

Colette : Moi non plus, je n’hésite jamais, je trouve que c’est toujours un chouette défi intellectuel ! Une sorte de « jeu des 7 différences » en taille réelle ! Mon mari est passionné de Dune depuis qu’il a vu le film de Denis Villeneuve et depuis il s’est lancé à corps perdu dans la lecture des livres de Franck Herbert pour le plaisir de retourner vers le film et d’y retrouver les éléments de réécriture du réalisateur.

Linda : C’est un jeu que j’aime beaucoup pratiquer aussi, je peux lire un roman, voir son adaptation et relire, et revoir, pour être sûre de n’avoir rien manqué.

Isabelle : Mes moussaillons sont très forts à ce jeu-là, ce qui peut être assez pénible lors du visionnaire où ils vont toujours trouver à déplorer des écarts et des raccourcis. Eux préfèrent clairement la fidélité à l’œuvre d’origine !

Lorsque l’on n’a pas eu l’opportunité de lire le livre avant son adaptation, vaut-il mieux lire le livre ou voir le film avant ?

Linda : J’ai découvert Harry Potter par le cinéma. J’avais déjà testé le livre plusieurs fois et j’avais du mal à dépasser les premiers chapitres que je trouvais particulièrement longs. J.K. Rowling répète plusieurs fois chaque étape de mise en situation avant d’enfin envoyer Harry à Poudlard. J’avoue que ça m’ennuyait profondément. Et finalement une fois vu le film (et après coup je dois dire que l’adaptation du premier volet n’est pas exceptionnelle), j’ai eu envie de lire ces livres qui figurent aujourd’hui dans ma top list, quoi que je n’aime toujours pas beaucoup le premier tome.
De même, j’ai découvert Orgueil et Préjugés et Jane Austen par la série TV de 1995 (avec Colin Firth et Jennifer Ehle). Et c’est une chance car je serais probablement passée à côté de quelque chose d’assez exceptionnel. J’imagine que l’on a moins d’attentes quand on commence par le support visuel et le risque d’être déçu est donc moins important que si l’on commence par la lecture. Cela dit, et ce n’est pas du « jeunesse », j’ai préféré le film Le journal de Bridget Jones à son livre, que je n’ai même pas su finir. 

Lucie : Une fois que l’on a vu le film, il est difficile de se défaire des images. Je pense à Mary Poppins, que j’ai regardé de nombreuses fois enfant. J’ai été déroutée par la lecture du roman de Pamela L. Travers car le personnage est très différent et je ne retrouvais pas les scènes clés du film. Et quand le film ne fonctionne pas, cela ne donne pas envie de découvrir le livre alors qu’il peut-être beaucoup plus réussi. Par exemple, j’ai vu Sublimes créatures à l’époque de sa sortie en salles (sans même savoir que c’était une adaptation) et, ne l’ayant pas aimé du tout, je n’ai pas envie de découvrir l’œuvre originale !

Colette : Je dirai qu’il vaut mieux lire le livre après finalement ! C’est ce qui m’est arrivé avec Harry Potter et j’ai été ravie de découvrir tant de choses insoupçonnées alors que j’avais l’impression que le film était très riche.

Isabelle : Une fois n’est pas coutume, je ne suis pas d’accord ! Le plaisir de l’intrigue et de la tension narrative sont pour moi quelque chose de très important à la lecture. Hors de question de laisser un film me divulgâcher le dénouement ! Surtout, j’aime découvrir le texte sans image préconçue et me faire mon propre film, si je puis dire, avant de découvrir celui de quelqu’un d’autre.

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Et vous, aimez-vous voir des adaptations ? Laquelle vous semble la plus réussie ? N’hésitez pas à partager vos commentaires et vos coups de cœur pour nous aider à lancer cette nouvelle rubrique !

« Pourquoi lire les classiques ? »

Ici on vous parle beaucoup des nouveautés qui nous ont questionnées, bouleversées, bousculées. Et on vous parle un peu moins de ces livres que l’on peut sans doute considérer avec le temps comme des classiques de la littérature jeunesse. Alors on a décidé d’instaurer un nouveau rendez-vous sur le blog dédié à l’évocation de ces fameux classiques. De nombreux noms d’auteur.e.s nous sont tout de suite venus à l’esprit : Jeanne Ashbé, Jean-Claude Mourlevat, Marie-Aude Murail, Claude Ponti… Notre premier rendez-vous aura lieu la semaine prochaine, on vous laisse découvrir avec qui. Mais avant tout, nous désirions nous mettre d’accord sur ce que c’était un « classique », un débat vieux comme le monde mais qui méritait qu’on s’y intéresse pour être certaines de partager quelques éléments de définition. Alors à la suite d’Italo Calvino qui y a beaucoup réfléchi dans Pourquoi lire des classiques et La Machine littérature, nous nous sommes posées la question et voilà le résultat de nos cogitations.

Pour Pépita : « un classique, c’est de l’intemporel et de l’universel. Au début, il est contemporain de l’époque dans lequel il est apparu. Il devient un classique quand sa lecture traverse les époques et qu’il arrive à rester dans l’actualité, à résonner encore et toujours, malgré les changements de mentalités et de la société. C’est quand il nous parle, nous remue et cela d’autant plus quand on connaît sa date de parution. Moi, ça m’épate toujours. Il y a aussi des albums ou romans ou… actuels dont on pressent qu’ils vont devenir des classiques tant leur portée est forte et qu’elle reste inépuisable. »

Pour Ada : « un classique c’est une œuvre que l’on va avoir plaisir à relire à n’importe quel âge de notre vie, tout-petit, enfant, adolescent.e, adulte, âgé.e, parce que son sens est inépuisable, parce que son sens déborde le livre lui-même, parce qu’il ouvre à chaque fois en nous de petites portes secrètes qu’on avait oubliées ou à peine soupçonnées. Et c’est ce pouvoir du classique qui va nous donner l’envie impérieuse de le partager avec toutes celles et tous ceux qui tissent du lien autour de nous.  »

Pour Bouma : « un classique c’est une œuvre dont on se souvient toute sa vie car il fait écho à un moment de notre existence… que cela soit des souvenirs d’enfance, de jeunesse, de vieillesse aussi… un classique est à la fois personnel et universel tant on a envie qu’il le devienne pour les autres… »

Pour Isabelle : « À quels textes pense-t-on quand on parle « classiques » en littérature jeunesse ? Les références sont arrivées, toujours plus nombreuses : les contes traditionnels, des romans comme L’île au trésor de Stevenson, Tom Sawyer de Marc Twain, Sa Majesté des Mouches de William Golding, Le livre de la jungle de Kipling, Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll, La Belle et la Bête, de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, Pierre et le loup, les romans de Jack London et Jules Vernes, puis les histoires de Roald Dahl, de Pierre Gripari… Évidemment, je pense aussi à des auteurs et des œuvres plus récentes. En albums, avant tout (à chaud) Maurice Sendak, Leo Lioni, Beatrix Potter, Tomi Ungerer, Claude Ponti. En romans récents, peut-être d’abord J.K. Rowling et P. Pullmann… J’arrête de lister, il y en aurait beaucoup trop !

Qu’est-ce que ces livres ont en commun ? D’abord, ce sont des livres « connus », célèbres, qui offrent un univers de références partagées assez largement, au-delà des milieux sociaux, des générations… Qui deviennent de ce fait des « valeurs sûres » que l’on peut recommander les yeux fermés ! Cela implique implicitement que nous ayons un certain recul sur le livre et que celui-ci ait en quelque sorte déjà « vécu » suffisamment longtemps. Et pourtant, quand je dis ça, je me dis aussitôt que certains livres deviennent rapidement des « classiques » (ou peuvent très vite être perçus comme des « classiques potentiels »). Personnellement, je classerais par exemple déjà Rebecca Dautremer, Hervé Tullet ou Timothée de Fombelle comme des auteurs de « classiques ».

On oppose souvent les « classiques » et les « modernes », les premiers correspondant aux œuvres respectant les codes établis, les seconds s’inscrivant en rupture. Mais en réalité, comme tu le dis, Pepita, les classiques auxquels on pense ont souvent marqué une rupture en proposant quelque chose de nouveau, ils sont devenus « classiques » en proposant de nouvelles manières de faire qui se sont établies à leur tour…

Il y a, d’ailleurs, un enjeu symbolique fort à qualifier une œuvre de « classique » : un « classique » fait partie du canon des œuvres conventionnellement jugées incontournables, que l’on est censé connaître et qui font autorité, d’une certaine manière. On voit bien ce que cette qualification a de social lorsque l’on passe d’un pays à l’autre. Des livres qui sont des « classiques » chez nous restent relativement méconnus ailleurs, et inversement. En Allemagne, par exemple, absolument tout le monde lit tous les livres de Michael Ende et d’Astrid Lindgren alors que tous ne sont même pas disponibles en traduction française… Une amie américaine m’a fait lire (avec bonheur) My father’s dragon, qu’elle a présenté comme un classique, mais dont je n’avais jamais entendu parler !

Quelles sont les qualités qui font qu’un livre pourra être qualifié de « classique » ? Difficile à dire comme ça, mais pour parler à un lectorat diversifié sur le temps long, j’ai l’impression, comme Pepita, qu’un texte doit avoir un côté universel… même si cela ne veut pas forcément dire qu’il soit consensuel !

Pour Solectrice : « un classique, pour moi, c’est une icône, un livre qui a peut-être jauni sur l’étagère de la bibliothèque mais que l’on aime ouvrir, relire, conseiller. C’est une référence que l’on partage avec connivence. Un titre qui nous a nourris petit.e.s et que l’on a plaisir à ressortir, à transmettre. Des textes fondateurs… de nos sociétés, de notre enfance, de notre imaginaire ou de notre entrée en littérature.

En bref, un classique, où que l’on aille, quoi que l’on feuillette, quelles que soient les découvertes que l’on puisse faire, on ne va pas le retirer de l’étagère. On souffle sur la tranche pour en chasser la poussière et on a toujours envie d’y revenir, un peu comme la maison de ses grands-parents, parce qu’on aime tant les histoires qu’ils nous racontent. »

Après les attentats

Après les attentats, je voulais seulement rêver que cela ne s’était pas produit.

Après, j’ai pensé à ce que l’on pourrait lire, dire ou écrire pour apaiser les peines.

Après, des mois après, j’ai voulu lire ce que des auteurs avaient écrit pour les jeunes sur les attentats.

J’ai lu Samedi 14 novembre de Vincent Villeminot. Editions Sarbacane

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J’ai d’abord trouvé que ce roman portait un regard détaché sur les attentats mais j’ai ensuite été saisie par ce que la victime décidait de faire du terroriste qui était à sa merci, même si l’histoire se « finit bien », même si on ouvre des portes sur un dialogue, une réconciliation.

L’avis de Lucie, par ici.

 

Après, j’ai eu envie de poser des questions à l’auteur, Vincent Villeminot, qui m’a aimablement répondu :

Le récit, qui m’a semblé pudique et même poétique, dans le premier acte laisse place à une violence déboussolée. Ce contraste est-il un effet recherché ?

Le livre commence juste après les tirs, par un silence, une stupéfaction. B. a besoin de temps, où il répète ce qu’il a vu, vécu, sans y croire. La violence, oui, il était nécessaire qu’elle survienne ensuite. Avec brutalité, comme une explosion – et comme une perte. Une perte qu’on ressent chez chacun dans les entractes, et une défiguration de B. dans les actes. C’est d’ailleurs ce qu’il reproche dans l’acte 4 au terroriste, Abdelkrim – de l’avoir déshumanisé.

La confrontation imaginée entre une victime et un terroriste était-elle un préambule nécessaire au pardon et au dialogue ? 

Quand j’ai commencé ce roman, c’était à cause d’une question : « Après ça, comment on continue, ensemble? Est-ce qu’on peut continuer? » Moi, je n’étais pas en situation de me poser la question du pardon, même si je suis convaincu que le pardon libère. Je ne fais pas partie de ceux qui pouvaient éventuellement choisir de pardonner, on ne m’avait rien fait à moi – et je ne voulais pas « me mettre à la place de… » Ce que je voulais, c’est savoir si quelque chose « entre nous » était encore possible. Mettre une victime en face d’un des tueurs, les enfermer dans la même pièce, et voir ce qu’ils auraient à se dire, me semblait une façon de répondre à cette question. Et puis, je me suis rendu compte à l’écriture que ce que le tueur avait à dire ne m’intéressait pas. La confrontation qui m’intéressait, c’était celle de B. et Layla, le frère de la victime et la sœur du terroriste. Deux innocents. Parce que c’est eux qui vont devoir continuer, ensemble ou l’un contre l’autre.

Comment vous est venue l’idée de la poursuite et du passage à l’acte insensé de B. ? Est-elle l’expression d’une sourde colère ?

Ce qui se passe entre B. et Layla, c’est d’abord l’expression et les conséquences de la violence du vendredi, elle engendre d’autres violences. C’est le programme absurde fixé par la phrase : « nous sommes en guerre ». On pourrait en rester là, dans ce cycle, indéfiniment. Mais dans le roman, de la part des deux jeunes gens, il y a un ressaisissement. Un dialogue, oui, et au-delà, même.

La composition en cinq actes fait-elle écho au genre de la tragédie ?

Oui, c’est une tragédie, et j’en rappelle d’emblée les règles – cinq actes, unité de temps, presque de lieu, trois protagonistes, pas de « deus ex machina ». La mécanique semble en place dès le début. Mais la tragédie s’enraye, s’inverse, on échappe à la fatalité, et parce qu’on a besoin de plus d’un jour pour solder certaines choses (parce que c’est une illusion de penser que tout se résout rapidement, aisément), le dernier acte s’écrira au futur. Comme une profession de foi sur l’avenir.

Pourquoi avoir confié le sort de l’assassin à l’imagination du jeune lecteur ?

Parce que c’est une façon de dire: très sincèrement, ce qu’il va devenir est sans intérêt. Après les attentats, on a beaucoup parlé d’embrigadement, de déradicalisation, on s’est en un sens laissé fasciner par les tueurs, on leur a donné le nom qu’ils revendiquent, « djihadistes », au lieu de les appeler simplement des tueurs… Ici, dans ce livre, on ne parle ni des raisons d’agir des terroristes, ni des moyens de les neutraliser. Mais simplement des moyens de continuer ensemble, entre personnes qui désirent ne pas se tuer. Et des obstacles qu’on nous met dans les jambes quand nous prétendons nous rencontrer.

Les remerciements font corps avec le roman. Cette mise en page était-elle décidée dès le début de l’écriture du roman ? Les scènes finales, qui apparaissent comme des scènes coupées ou un épilogue, vous semblaient-elles facultatives pour le lecteur ? 

Non, cette idée s’est improvisée en cours de route. Pour moi, les remerciements étaient une façon de parler de la façon dont le livre s’est construit, de dire « d’où je parlais », ce qui me paraissait important. Je ne suis pas un témoin, ni une victime, juste un romancier qui s’est mis au travail quelques jours après les attentats, grâce à des gens qui m’ont « mis en route », à d’autres qui m’ont accompagné. J’avais confiance dans le pouvoir qu’a la fiction d’éclairer l’avenir. 

Quant aux scènes finales, elles sont nées dans le dialogue avec mon éditeur : envie, de sa part, de cette scène d’enfance sur la plage dont nous avions parlé ; envie, quant à moi, de la scène sur les planches de théâtre. Elles sortaient toutes deux du cadre de la tragédie, et c’est là que l’idée de bâtir un post-générique s’est imposée. C’était cohérent avec B., qui est étudiant en cinéma, et pense en plan-séquence, parfois. Mais elles sont partie intégrante du roman, une sorte de conclusion et de déclaration.

 

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Après la lecture de ce roman et de quelques autres sur les attentats, je me suis posé des questions et je les ai posées aux copinautes d’A l’Ombre du Grand Arbre où elles ont fait naître d’autres questions. Alors, un petit échange est né de ces mots :

Peut-on parler des attentats en littérature jeunesse ? N’y a-t-il pas un côté malsain à exploiter cette terrible actualité pour attirer des lecteurs ? Est-il indispensable de construire des fictions autour de ces événements funestes ?

Pépita

« D’emblée je dirais oui et non :

oui parce que rien ne devrait être interdit en littérature jeunesse

et non parce que tout dépend de l’approche.

Une autre question me vient à l’esprit : est-il nécessaire d’aller au devant des questions des enfants ? J’ai eu le sentiment sur ce sujet en particulier de la précipitation à éditer sans trop de recul. Le risque est de rajouter de l’angoisse là où il n’y en avait peut-être pas. »

Sophie LJ

« Il faut voir l’approche des auteurs. Je trouve ça un peu difficile d’écrire un roman sur ce sujet précisément, en effet, est-ce que ça ne rajoute pas de l’angoisse, des questions ?

Je trouve ça plus pertinent de montrer comment on peut apprendre et continuer à vivre dans ce contexte plutôt que de se replonger dans l’horreur avec un manque de recul certain. Marie-Aude Murail le fait aussi dans Sauveur et fils mais c’est très léger. »

Colette

« Aller au devant des questions des enfants, n’est-ce pas créer un problème inutile ? Surtout que personne n’est capable de répondre à cette angoisse sourde qui peut naître dans le coeur des enfants… »

 

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Après, nous avons pensé proposer quelques titres sur cette thématique. Les voici :

Alice d’A lire au Pays des Merveilles a lu :

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La fille quelques heures avant l’impact d’Hubert Ben Kemoun. Flammarion

Un concert qui tourne mal et un épilogue de l’auteur disant qu’il avait fini de l’écrire avant la folie du Bataclan.

Son avis par ici.

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Little sister de Benoit Séverac. Syros

Une fille qui part sur les traces de son frère, parti vers la Syrie…

Son avis par ici.

 

Sophie de la Littérature Jeunesse a lu :

9782221193334

A la place du cœur d’Arnaud Cathrine. Robert Laffont

J’aime bien l’idée de l’auteur qui a voulu placer son histoire dans ce contexte sans en faire le thème principal.

 

Lucie des Lectures lutines a lu :

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Maman aime danser de Didier Pobel. Bulles de savon

Un enfant découvre l’absence de sa mère et se raconte.

Son avis par ici.

9782352901624

Après l’orage d’Hélène Romano et Adolie Day. Editions Courtes et Longues

Dans cet album, un enfant raconte l’orage des fusillades et la tristesse qui a envahi son quartier, jusqu’à ce que ses parents lui expliquent. Enfin un rayon de soleil !

 

 

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Pour conclure, j’ai trouvé que le poème de Gilles Brulet illustré par Anne Laval, nous donnait un bel espoir et laissait place à la vie. Le voici :

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Publié par Bayard-Presse, novembre 2015.

Ce qui fait qu’un livre nous plaît pour finir

Tout l’été, nous avons tenté de caractériser ce qui fait un bon livre. Pas de recette magique mais une exploration de ce qui nous fait vibrer, lectrices passionnées, quand on aime un livre et que l’on a envie de vous en parler.

Au fil de la réflexion, nous sommes allées plus loin qu’on ne l’imaginait, nous avons repensé les frontières de nos attirances : est-ce plutôt ceci ou cela qui me séduit dans les pages, dans les mots, sur la couverture ? On s’est rendu compte que l’on est sensible aussi bien à l’ « essentiel et au dérisoire ».

Chlop a considéré les livres qui font penser, sources d’échange et de questionnements. Pépita nous a donné envie de relire les livres aimés. Sophie a retenu les sentiments que nous éprouvons en lisant un bon livre. Colette s’est penchée sur les livres qui nous bousculent et la dimension poétique d’un récit. Bouma a regardé du côté des personnages, ces êtres de papier que l’on aime rencontrer.  Enfin, Carole a interrogé des auteurs et des éditeurs pour découvrir ce qui nous fait aimer les titres et les couvertures.

Sans prétention, juste pour échanger sur ce qui nous attire ou nous plonge dans ces lectures, en évoquant des extraits mémorables ou en invoquant des auteurs adorables, nous avons ainsi touché du doigt ou juste effleuré l’indéfinissable plaisir de lire.

Avant de faire une synthèse de tous ces avis, je vous livre à mon tour ce qui me fait aimer un livre.

Je craignais d’abord d’appauvrir en la décomposant la magie des mélanges qui nous fait apprécier une lecture. Alors j’ai pris quelques exemples pour tenter de m’approprier la notion personnelle de « bon livre ».

Si je réfléchis à ce qui m’attire vers un livre que je ne connais pas, ces qualités premières vont se trouver dans le titre, la couverture, les illustrations ou l’accroche sur la quatrième de couverture. Ensuite, je me laisse aussi envahir par les sentiments, les émotions.

Evidemment, les personnages peuvent également m’emporter, au point de ne pas vouloir les quitter à la fin d’un livre. C’est le cas de Vango, par exemple.

J’aime beaucoup les albums qui reprennent un « thème », comme « donne-moi de la farine que je donnerai au boulanger qui me donnera du pain, parce que j’ai faim ! » dans « la Grosse Faim de P’tit Bonhomme » (lu, relu et adoré en famille). Ces savoureuses répétitions donnent l’occasion au lecteur de participer, la possibilité d’anticiper sur les prochaines étapes de l’histoire, un peu comme le refrain d’une chanson que l’on fredonne.

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J’aime encore les chutes et les parodies qui établissent une connivence avec le lecteur ou lui font au contraire un pied de nez (comme dans « La Petite grenouille qui avait mal aux oreilles »).

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Mais je me rends compte que je suis surtout sensible au style d’écriture, une fois plongée dans ma lecture. Ce qui me donne envie de corner une page pour ne pas laisser échapper un passage qui m’a fait voyager, sourire ou pleurer, ce sont souvent les images inventées par l’auteur. J’aime à découvrir des associations d’idées surprenantes. Comme il est délicat d’en parler de façon abstraite, j’emprunte une phrase à Clémentine Beauvais : « L’absence d’Eugène s’assied, éléphantesque, sur une chaise de jardin. Tatiana n’a d’autre choix que de prendre le thé avec elle. »

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Je voulais aussi partager ces mots de Cassie Beasley (même s’ils sont traduits) : « Grand-père Ephraim disait toujours des choses qui semblaient si importantes aux yeux de Micah qu’il voulait toutes les enfermer dans des boîtes et les conserver ainsi à jamais. »

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J’espère toujours que ces mots continueront à m’habiter une fois le livre refermé…

Pour conclure, voici une affiche qui résume ce qui nous fait aimer un livre à l’Ombre du Grand Arbre.

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Belles lectures de fin d’été ou de rentrée !