Lecture commune : A(ni)mal de Cécile Alix

Cela faisait un moment que Liraloin et Lucie avaient envie de lire A(ni)mal sans trouver l’occasion de sauter le pas. Elles ont donc décidé d’en faire une lecture commune. Cette lecture les a bouleversées, en voici la discussion pleine d’émotions.

A(ni)mal, Cécile Alix, Slalom, 2022.

Liraloin : Lucie, c’est toi qui m’a conseillé ce titre (qui est plus que d’actualité, vu les évènements !). Je t’en remercie. Pourquoi ce roman plutôt qu’un autre titre de cette autrice? 

Lucie : Cela faisait un moment que je tournais autour, sans vraiment savoir quel était le sujet. Il revient souvent sur Babelio, la couverture est colorée, bref, je te l’ai proposé sans vraiment savoir dans quoi on allait s’embarquer. Merci de m’avoir suivie d’ailleurs !
Je me demandais si de ton côté tu savais à quoi t’attendre ?

Liraloin : Ce livre faisait partie de mes envies depuis un petit moment et comme d’habitude j’étais happée vers d’autres lectures ; lorsque tu m’as expliqué que Cécile Alix était d’accord pour une interview j’ai accéléré le rythme ! 
Il me semble que tout comme Annelise Heurtier, Cécile Alix s’inspire des maux de notre société. Est-ce que finalement après coup, le sujet t’as donné envie de le lire? 

Lucie : Vraiment, je n’ai pas su de quoi parlait ce roman jusqu’aux premières pages, où le sujet devient rapidement évident. Je ne savais pas trop quoi penser de cette couverture, je n’avais pas lu le résumé… Je ne savais pas trop où je mettais les pieds. Enfin, je venais de lire Guerrière de Cécile Alix, et j’ai vite compris que je me trouvais dans une thématique au long cours (les violences de la société qui se répercutent sur les enfants). Il me semble que ces deux romans se répondent sur de nombreux points !

Guerrière, Cécile Alix, Slalom, 2023.

Lucie : Quand j’ai finalement réalisé quel était le sujet, je t’avoue que j’ai un peu craint d’être bouleversée par le désespoir du personnage. Mais il me semble que les rencontres lumineuses et la fin pleine d’espoir sont un peu des « attendus » en littérature jeunesse. On peut faire subir le pire à son personnage, mais par convention le lecteur s’attend à ce qu’il survive et que son horizon s’ouvre au moins un peu à la fin.
Est-ce que cela te gêne ou tu apprécies cette lumière ?

Liraloin : Je comprends parfaitement ce que tu dis. En effet, j’avais lu il y a des années de cela Refuges et les souvenirs de cette lecture me hantent encore, un peu traumatisée aussi par la bande dessinée Droit du Sol ! Je n’avais franchement pas hâte de lire ce roman. En ce qui concerne le dénouement, je m’attendais pas du tout à cette chute. Après je remercie l’autrice d’avoir insufflé une fin positive et pleine d’espoir.

Refuges de AnneLise Heurtier, Casterman, 2015 – Droit du sol de Charles Masson, Casterman, 2009 pour la première édition.


Liraloin : J’avais une question sur la couverture justement, que tu évoques au début. As-tu fais attention aux détails? 

Lucie : Je t’avoue que non, pas au premier abord. Ces yeux m’avaient intriguée, mais j’étais trop pressée de le découvrir. Cela dit, en effet, quand on connait le sujet la couverture fait vraiment sens, non ?

Liraloin : Exactement, on y voit tout le parcours que doit mener un migrant, affronter les éléments de la nature et la cruauté des autres …
D’ailleurs pour en terminer avec la couverture, comment as-tu interprété le titre ? 

Lucie : Lui aussi m’a intriguée (décidément !). Rapidement, j’ai pensé à ce côté animal qui ressort dans les situations de danger, où l’on est prêt à tout pour survivre, mais aussi à la violence animale des passeurs, et puis ce ni entre parenthèse, je l’ai pris comme justement le refus de céder à la peur et à la douleur, pour tenir jusqu’à l’arrivée. Mais je n’ai compris la vraie signification qu’à la fin lors de la révélation (on ne va pas trop en dire mais quand même 🙂 j’avais des doutes depuis quelques chapitres, mais je n’avais pas fait le lien avec le titre. Et toi, as-tu été plus fine et trouvé le sens de ce titre ?

Liraloin : Tout comme toi, j’ai trouvé en ce titre une signification plus sur le fait de résister aux appels incessants de cette lente transformation vers le côté animal. Cette lutte perpétuelle pour rester humain et ne pas sombrer. Mais pas du tout, alors je n’ai rien vu venir, j’ai été surprise ! 
Qu’as-tu pensé des 2 citations qui ouvrent le roman?

L’instinct, c’est l’âme à quatre pattes ; la pensée, c’est l’esprit debout.

– Victor Hugo, Tas de pierres

La foule est la bête élémentaire, dont l’instinct est partout, la pensée nulle part.

– André Suarès, Voici l’Homme

Lucie : Elles sont hyper bien choisies, évidemment ! J’aime beaucoup celle de Victor Hugo, qui rejoint justement ce que l’on disait sur l’animalité. Je vois moins le rapport avec la foule de la seconde citation, mais c’est vrai que le groupe formé par les migrants perd toute humanité pendant le trajet à force de privation, de peur et de violence et on a l’impression qu’on leur a enlevé totalement leur faculté à penser, se rebeller.
Et toi, qu’en penses-tu ?

Liraloin : Tu es trop forte ! Je n’ai pas mieux et c’est vraiment ce que je pense ! Elles sont très importantes et elles cognent bien comme ça en prologue !
Si on en vient à l’histoire, je dirais que dès le départ, tout va très vite, il y a une certaine urgence. Le corps d’un enfant tient la scène principale. Qu’en as-tu pensé? 

Lucie : Aïe, je me suis dit que l’auteure n’allait pas nous épargner. Et elle a raison, cela ne sert à rien d’aborder un tel sujet si c’est pour édulcorer. Mais la dureté de cette mère envers son enfant… On comprend bien sûr qu’elle veut l’endurcir, l’armer pour réussir cette traversée infernale. Mais la séparation est rude, c’est la première épreuve imposée à Miran et pas la dernière ! Tu as parfaitement raison sur la place du corps, et ce mantra tu es un homme qui s’oppose à la volonté de l’enfant de profiter une dernière fois de la tendresse de sa mère. C’est fort en émotion, immédiatement, non ?!

Liraloin : Oui en effet, j’ai été un peu bouleversée par cette scène où la mère est distante, pour protéger son enfant, le détourner de tout bonheur, de le forcer à oublier, de le forcer à grandir trop vite, cette accélération de tout détruit tout amour et c’est puissant !
Puis tout va très vite dans ce long et dangereux périple que vont effectuer ces personnes. Qu’as-tu pensé de cette relation qui s’installe entre le vieux et Miran malgré les recommandations de la mère du jeune homme de ne faire confiance à personne? 

Lucie : Oh, j’ai adoré ce vieux. Quelle humanité dans l’enfer ! On aimerait être capable de réagir comme lui face à l’adversité. Heureusement qu’il est là, tant pour Miran que pour le lecteur qui souffle un petit peu lors de leurs courts échanges.
Je sens que ce vieux t’a plu à toi aussi, je me trompe ? Y’a-t-il d’autres personnages qui t’ont particulièrement touchée et dont tu souhaites parler ? 

Liraloin : Oui tout comme toi, j’ai apprécié l’oxygène que le vieux apporte dans ce monde où le mal est la note principale ! Ce qui m’a aidé à trouver du positif c’est les autres rencontres que Miran peut faire et celle du fermier perdu dans sa campagne m’a vraiment émue. Sans trop en dire… les autres personnages de la fin du récit sont d’une intelligence et d’une générosité sans précédent. Malheureusement la violence des passeurs prend le dessus continuellement. Comment as-tu réagi lors des interactions entre eux et les migrants ? 

Lucie : Je suis consciente de vivre dans un monde de bisounours, et nous avons la chance d’être très protégés. On a beau voir/lire les infos, on ne ressent pas ces violences, on reste à l’extérieur. C’est là où je trouve que ce roman est très fort pour nous faire ressentir cette brutalité gratuite, et surtout la nécessité de ces gens de partir. S’ils sont prêts à vivre ces horreurs, de quel droit nous leur en imposons d’autres à leur arrivée ? 
Cela m’a fait penser à ces débats autour de l’appropriation culturelle. Bien qu’elle ne soit pas elle-même migrante, Cécile Alix parvient à nous faire ressentir au plus profond de notre être la déchéance à laquelle sont poussés les migrants. Ils ne se sentent même plus humains et ont l’impression de ne plus rien valoir. Ces passeurs… Il n’y a pas de mots pour qualifier ces gens qui profitent de la détresse des autres pour s’enrichir et passer leurs pulsions. C’est extrêmement choquant.

Liraloin : D’ailleurs il y a ce paragraphe qui m’a beaucoup touché :

“Eux, ils ont un nom, un pays, un business. Une arme et le pouvoir de donner la mort. Ils sont quelqu’un. Nous ? Nous nous renions. Plus de nom, plus de papiers, plus de patrie. Sans identité, nous ne sommes personne. Nous nous oublions.”

Aujourd’hui j’écoutais un podcast et l’invitée était Marguerite Abouet, la scénariste de Aya de Yopougon et elle racontait qu’à l’époque elle a pu venir de Côte d’Ivoire sans soucis puis avec la loi Pasqua tout c’est durcit, elle est devenue une étrangère et que ça été compliqué psychologiquement. Je te rejoins sur le fait qu’une fois en terre “ sécurisée” ces personnes doivent encore subir moultes directives qui déshumanisent toujours et encore. Les interactions que ces migrants subissent avec les passeurs sont affreuses et le passage cité veut tout dire.
Est-ce que comme moi tu as ressenti cette lutte incessante de Miran pour rester humain, comme tu le dis plus haut “Tu es un homme” ce que lui dicte sa mère avant de le préparer à partir ? 

Lucie : Oui, bien sûr. C’est un tiraillement permanent que l’on sent très bien entre la nécessité de se protéger en faisant mine de ne pas remarquer les événements traumatisants qui surgissent (comme la disparition de la fille au sac bleu) et le combat pour rester digne. Mais rester digne quand on assiste à des exécutions sommaires ou que l’on est forcé de laper de l’eau dans une chaussure pour survivre, c’est compliqué.

Liraloin : Il y a une citation qui montre cette souffrance et résume bien ce que tu as dit :

“Je me brise en deux, en trois, en quatre, en cent, en mille. Je ne veux plus rien ressentir et ne plus être en vie.”


Lucie : On a bien compris que Cécile Alix ne cache rien de l’inhumanité des passeurs, si ça te vas, laissons les lecteurs découvrir la suite l’ampleur de leur perversité. Une fois arrivé en Europe, Miran fait quelques belles rencontres.
As-tu un/une préféré(e) ?

Liraloin : Heureusement qu’il existe des personnes “humaines” pour apporter cette lumière. J’ai aimé le jeune homme que Miran rencontre à Lyon, qui lui donne des conseils, l’accueille si gentiment dans son humble habitat. Une belle preuve de solidarité !
Et toi tu as préféré quel personnage? 

Lucie : L’italienne m’a beaucoup touchée parce que c’est la première qui tend vraiment la main à Miran. Elle donne, sans rien attendre en retour, c’est très beau. Encore une fois, on aimerait être sûr de réagir comme elle dans la même situation ! Et évidemment la famille de la fin, dont tu parlais plus tôt, est géniale.

Liraloin : Mais oui, quelle générosité de la part de cette italienne !

Lucie : Malgré ces beaux personnages, cette lecture reste très dure. Je me demandais si elle ne t’avait pas trop miné le moral. Comment en es-tu ressortie ?

Liraloin : C’était un peu particulier. J’ai commencé ma lecture durant mon trajet pour le salon du livre et puis j’ai stoppé car je n’étais pas capable d’absorber la suite (le passage de la mère préparant son fils m’a trop fait cogité). Par contre j’ai terminé le roman sur le trajet du retour, d’une traite sans m’arrêter comme ci il fallait que je puisse délivrer ce personnage en lisant sa détresse. Ensuite, j’ai repensé à toutes ces autres lectures comme la lecture commune que nous avions fait sur cet album sans texte si terrible, Migrants. Je me suis dit que j’étais totalement privilégiée et qu’il fallait, à mon niveau, continuer à promouvoir ces romans, travailler avec les personnes primo-arrivantes… 

Lucie : La plume de l’auteure a quelque chose de très particulier. Je n’ai pas vraiment réussi à mettre le doigt dessus, mais comme toi, elle a su me transmettre ce sentiment d’urgence et j’ai lu ce roman très très vite. Pratiquement dans la journée.
As-tu réussi à comprendre comme elle faisait cela ?

Liraloin : Dans ma chronique j’ai écris cela : A la fois empathique et factuelle, l’autrice nous livre une histoire où la cruauté est une sombre réalité mais au fur et à mesure des lueurs viennent atténuer la noirceur des propos.
Je trouve que son écriture se rapproche de celle d’Annelise Heurtier, peut-être parce que ces deux autrices traitent de sujets sociétaux.

Lucie : Pour finir, à qui conseillerais-tu ce roman ?

Liraloin : Je le conseillerais à des ados à partir de 13 ans, j’aimerais en lire des passages pour les inciter à regarder un peu moins leur nombril (je suis titilleuse) mais aussi je pense le conseiller à des adultes car c’est un sujet trop d’actualité et ce récit nous livre énormément de détails sur la vie des migrants.
Et toi ? 

Lucie : Oui, je dirais à partir de 13 ans aussi. Pas trop tôt et surtout de bons lecteurs, qu’ils soient un peu habitués à des lectures exigeantes. Je suis d’accord avec toi, cette lecture décentre et cela fait beaucoup de bien. Cela ne me gêne pas du tout de conseiller ce type de livres à des adultes. On en parlait tout à l’heure, je trouve que parfois un bon roman fait plus d’effet qu’un reportage. Il y a un effet d’empathie avec les personnages qui est très fort quand c’est réussi. Et je crois qu’on est d’accord pour dire que c’est le cas ici !?

Liraloin : Tu as tout dit Lucie, oui un bon roman transmet plus de sentiments et on garde ce souvenir de lecture bien ancrée quelque part dans sa tête, une lecture qui ressurgira à un moment donné ! 

Lucie : C’est vrai, je suis tout à fait d’accord avec toi, c’est un roman qui infuse longtemps, qui laisse une trace de manière durable. Ce n’est pas si fréquent.

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Avons-nous réussi à vous donner envie de découvrir A(ni)mal ? Et si vous l’avez déjà lu, qu’en avez-vous pensé ?

Si vous avez envie de découvrir d’autres titres sur le thème des migrants, vous pouvez retrouver notre sélection ICI.

Retrouvez les avis complets sur ce roman de Lucie et Liraloin.

Des livres qui se lisent dans tous les sens !

Un livre, c’est une couverture qui ouvre sur tout un monde à découvrir.
Mais certains auteurs décident de jouer avec ce support et d’en changer le sens de lecture. Dans cet article, nous vous proposons de partir à le découverte de ces drôles de livres, qui – à la manière d’un palindrome – peuvent se lire dans un sens ou dans l’autre, voire comme une boucle infinie.

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D’un côté il y a Léo. Il vit dans une ville près d’un port où les bateaux vont et viennent.
De l’autre il y a Phara, elle vit sur une île où nagent des poissons aux mille couleurs.
De l’autre coté de la mer, c’est la vision de l’un qui, en traversant l’étendue qui les sépare pousse le lecteur à se rendre compte que les choix des uns influent sur le quotidien des autres. Tout est étroitement lié, par la mer et les océans. Il est urgent d’en prendre conscience et d’adpater notre manière de consommer !

Les avis d’Isabelle, Lucie et Liraloin

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Ah la sacro-sainte histoire du soir ! Le rituel immuable tant attendu ! Voici un classique du Père Castor qui renverra petits et grands à la répétition de ce moment privilégié avec beaucoup d’humour. Car si Martin Lapin raconte à ses enfants l’histoire de Florent Eléphant, que celui-ci raconte celle de Paolo Manchot, pendant que Louis Perroquet raconte celle de d’Eloi Dauphin, que va raconter ce dernier à ses bébés ?

L’histoire du soir, Laurence Gillot et Philippe Thomine, Flammarion, Père Castor, 2008.

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Les Editions du pourquoi pas ? proposent les collections « Faire Société » et « Faire humanité » composées de textes narratifs ​et d’illustrations contemporaines, pour amener le lecteur à réfléchir sur le vivre ensemble. La plupart des titres sont composés de deux textes en recto-verso, deux regards croisés sur une même thématique.
Les livres peuvent se lire indépendamment dans un sens ou dans l’autre. Les deux parties se complètent ou se répondent. Elles invitent à multiplier les points de vues et aiguisent l’esprit critique.

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Peu importe si nous prenons l’album par le début ou la fin, il y a LA question que vont se poser les ours de cette aventure : « Qu’est-ce qu’il y a derrière ce mur ? ». Le jeu de la première et quatrième de couverture peut éventuellement donner un petit indice. Cette histoire tient sur le suspens : d’un côté un ours solitaire aperçoit un trou dissimulé dans le mur puis un ballon bleu flottant au-dessus de ce dernier. D’observation en exploration l’ours va faire une jolie découverte. A vous de deviner laquelle ? De l’autre côté, deux ours peureux vont tomber sur un œil les observant par un trou dissimuler dans le mur. A partir de là, ils vont imaginer le pire… « Au secours ! Il arrive ! C’est un très très grand monstre ! »

Un album pour les petits qui se régaleront, eux aussi, à se faire peur !

D’un côté…et de l’autre de Gwendoline Raisson et Ella Charbon – Ecole des Loisirs, collection : Loulou et Cie, 20

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Les livres de « couleurs » d’Hervé Tullet utilisent cette particularité! Leur auteur aime le jeu, le contact et l’espièglerie, ce qu’il glisse dans ses albums que les enfants sont invités à manipuler, tourner, secouer, à souffler ou appuyer dessus… et quand la dernière page est tournée, on renverse le livre et on recommence! Des albums colorés et joyeux pour des moments d’échanges, de rires et de partages garantis!

Présentation de Blandine ici.

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Les éditions « Le port a jauni » proposent des albums de poésie illustrée pour la jeunesse tous bilingues, en français et en arabe. Les textes écris en français sont traduits vers l’arabe mais aucun sens de lecture n’a plus de valeur que l’autre ni même de sens. Les illustrations sont d’ailleurs très bien agencées, de façons à convenir à la lecture dans les deux sens.

Tisser un projet éditorial en deux langues, sans se soucier des cartes d’identités, en cherchant une résonance dans les thèmes poétiques. Donner à voir et à entendre les deux langues ensemble dans un contexte artistique, loin des poncifs idéologiques attendus. C’est proposer un autre accès au monde, c’est entrer en poésie…

lE PORT A JAUNI

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S’il y a bien une artiste dont nous adorons le travail destiné à la petite enfance, c’est Lucie Felix ! Que de malice, d’ingéniosité, d’espièglerie dans ses albums à manipuler dans tous les sens ! Avec Prendre & donner, l’artiste réinvente l’imagier pour égrener des verbes qui prennent corps grâce à la matérialité du livre. L’enfant est invité à saisir des formes dans la chair même de la page et à les déplacer au fil de mots qui s’opposent. Et à la fin, surprise : on peut faire le chemin en sens inverse !

Prendre & donner, Lucie Felix, Les Grandes personnes, 2014.

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En 1980, paraît aux Etats-Unis The turn about, think about, look about book. Il faudra attendre 2022 et l’audace des éditions Les Grandes personnes, pour que cet album cartonné de Beau Gardner soit enfin publié en Français.

Tourne, pense, regarde, Beau Gardner, Editions Les Grandes personnes, 2022.

Et quel plaisir de découvrir le travail de cet artiste qui nous invite à travers un éventail de formes épurées à changer de point de vue au fil des quatre côté de la page. Rien de mieux pour comprendre le fonctionnement de ce petit bijou que les mots du préambule :

« Tu peux lire ce livre de plusieurs façons. Comme son titre l’indique, plus tu le tournes, plus il y a de choses à voir. Tiens-le à l’endroit, et tu verras une image… tourne le livre sur le côté, à l’envers, à gauche, à droite et la même image sera complètement différente ! Tu peux donc regarder chaque illustration de quatre points de vue… ou faire appel à ton imagination et voir encore autre chose. »

Voilà un album qui agit sur le regard à la manière d’une baguette magique !

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Aimez-vous ce genre de livres ? Avez-vous des titres préférés ?

Pour un Noël décalé

Cette année, nous vous proposons une sélection de Noël avec des titres, des personnages ou des points de vues inattendus. Parce que le Père Noël et les lutins, c’est sympa mais heureusement les auteurs de littérature jeunesse fourmillent d’idées qui sortent des chemins battus. Voici nos préférés !

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Nous en avons déjà fait une lecture commune l’année dernière, mais Jack et la grande aventure du cochon de Noël entre évidemment dans cette sélection. Car si Jack profite de la magie de la nuit de Noël pour s’introduire dans le pays des objets perdus, il n’est nullement question du Père Noël dans ce roman. Qui propose au passage une vraie réflexion sur la valeur que nous accordons aux objets.

Jack et la grande aventure du Cochon de Noël, J. K. Rowling, Gallimard Jeunesse, 2021.

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Michael Morpurgo aussi s’est prêté au jeu de réinventer un conte de Noël avec son Bonhomme de neige, inspiré par le classique de Raymond Briggs. Il est une nouvelle fois question de la magie de la nuit de Noël, mais c’est un bonhomme de neige qui prend vie pour entraîner James, petit garçon solitaire qui peine à s’exprimer, à la découverte de son univers. Un voyage qui changera sa vie.

Le bonhomme de neige, Michael Morpurgo, Gallimard Jeunesse, 2019.

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La petite souris s’interroge, que de changements dans la ville ce matin ! Des lumières, des odeurs, des objets sont sortis de nulle part et transforment totalement son environnement. Quel mystère se cache derrière tout cela ? Noël approche est un album qui enchante les petits car eux savent bien à quoi correspondent ces changements. Et quel plaisir de découvrir avec la petite souris toutes les merveilles qui permettent d’attendre Noël !

Noël approche, Andréa Leonelli, illustrations de Philippe Carme, Callicéphale, 2001.

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Ici le Père Noël s’est carapaté, envolé, piuffffffffffff (alerte FBI porté disparu)… et lorsque Noël approche c’est un peu la panique à bord. Heureusement que l’élégant Professeur Goupil n’a pas froid aux yeux et accepte de remplacer le gros bonhomme à la barbe blanche. Est-ce que nous sommes réellement certain(e)s que Mister Santa Claus a réellement rendu son tablier? Cet album est un formidable cherche-trouve et nous sommes heureuses-heureux de retrouver notre héros Professeur Goupil. Quel régal que de parcourir toutes ces immenses pages qui regorgent de mille détails et de clins d’œil destinés au plus grands (si si les parents soyez un peu attentifs s’il vous plaît). Bravo Anne Montel pour ce beau et long travail, car cet album nous réconcilie avec la magie de Noël et puis le puzzle doit être bien amusant à faire également !

A la recherche du Père Noël de Loïc Clément et Anne Montel – Little Urban, 2022

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Pour un Noël décalé, rien de mieux que les albums de Thierry Dedieu, un auteur que nous chérissons à l’ombre du grand arbre pour sa créativité et son engagement.

Dans la foisonnante collection d’immenses albums consacrés à cette période festive créés par l’auteur, il en est un où Noël est littéralement dé-ca-lé : en effet nos cinq comparses, la chouette, le rouge gorge, la souris, l’écureuil et le hérisson adorent « l’ambiance féérique, les promesses de cadeaux et les batailles de boules de neige… » mais voilà qu’à l’approche de Novembre, l’un des leurs doit partir hiberner. Après plusieurs tentatives pour célébrer Noël avec leur ami le hérisson coute que coute, la petite troupe doit se résoudre à l’évidence : l’hiver, leur ami hérisson n’est pas disponible.

Alors un matin enneigé, les amis ont une idée :

 » Et si on décidait de fêter Noël au printemps ? Nous serions tous enfin réunis ! « 

Et voilà comment Noël fut littéralement décalé !

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Inspiré d’un conte de Noël de Tove Jansson, Noël dans la vallée des Moomins est parfaitement décalé puisqu’on y suit une famille qui ignore tout de ce jour et de cette fête de Noël. Espèce hibernant, le Moomin n’a pas l’habitude de sortir de son lit à cette époque de l’année mais, fait exceptionnel, cette année un de leur voisin a décidé qu’il serait trop triste qu’ils passent à côté de ce grand jour. Mais alors que chacun se prépare activement, les Moomins décident de suivre le mouvement comme s’ils s’apprêtaient à affronter quelque créature terrifiante. Quiproquos et situations insolites font de cet album un récit drôle et amusant qui interroge sur le sens de Noël.

Noël dans la Vallée des Moomins de Cecilia Davidsson & Alex Haridi, illustré par Filippa Widlund, Cambourakis, 2018.

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Lorsque Tolkien s’empare de Noël, ce n’est pas pour nous raconter une histoire ordinaire et classique du vieux bonhomme rouge. Ecrite sur une vingtaines d’années au travers d’une correspondance mise en place pour ses enfants, il se met dans la peau du Père Noël pour raconter ses aventures empruntes de magie et du fantastique si cher à l’auteur. Tradition familiale, histoire originale richement illustrée, Les lettres du Père Noël nous entraîne au Pole Nord où vit le vieil homme et son ami Ours Polaire. D’une année sur l’autre l’histoire évolue et prend différentes formes, il n’est parfois question que de la préparation des cadeaux mais certaines années seront marqués par l’effondrement d’un toit et un déménagement précité ou encore d’une guerre avec les gobelins des cavernes. Chaque Noël dans la famille Tolkien est une fête et un événement unique.

Les lettres du Père Noël de JRR Tolkien, Christian Bourgois éditions, 2022.

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Une ville enneigée, un Monsieur en costume qui avance tant bien que mal, et des exclamations deci-delà. « Il est arrivé », « Il est arrivé »… D’accord, mais qui donc est arrivé? Un album tout en hauteur et perspectives pour le découvrir ! C’est astucieux, foisonnant, et très cocasse !

Il est arrivé! Christophe PERNAUDET et Sébastien CHEBRET. La Joie de Lire, 2019

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Et si l’on regardait un peu du côté de l’Italie? Là-bas, Noël se fête au passage de la Befana. Une sorcière qui vient, dans la nuit du 5 au 6 janvier, apporter des présents ou du charbon noir. En France, on trouve peu d’albums sur Elle, en voici deux qui se complètent parfaitement, entre vision traditionnelle et vision plus contemporaine. De quoi donner envie de prolonger les Fêtes jusqu’à cette date!

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On connaît Olivier Tallec pour son trait inimitable et son humour noir. Il va de soi que son album de Noël est résolument décalé ! Décalé car l’histoire de Sapi, le sapin qui rêvait de devenir un arbre de Noël révèle les facettes sombres de cette fête. On aime y voir un tourbillon de flocons, de lumière et d’amour, la destinée de Sapi pointe les travers consuméristes de cette fête. L’adorable Sapi, qui a extrait ses racines du sol pour échapper à la perspective de fournir le bois des meubles IKEA ou de cercueils, est pris de court par la brièveté et l’hystérie du moment. Rapidement délaissé une fois le fameux déballage des cadeaux passé, l’arbre se retrouve planté dans la cour où il attend le retour de la saison des guirlandes. Il ne verra que l’arrivée d’un nouveau sapin, planté à ses côtés. Un album qui a sa place dans les lectures de Noël pour décaler un peu notre regard et réfléchir à ce que nous souhaitons faire de cette fête. Nous vous souhaitons de chaleureux moments de partage avec vos proches !

Sapin le sapin, d’Olivier Tallec. L’école des loisirs, 2023.

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Et vous, quelles histoires de Noël décalé préférez-vous ?

Notre auteure essentielle : Flore Vesco

Vous le savez, cela fait longtemps que nous sommes conquises par la plume de Flore Vesco. Et pour compléter l’interview qu’elle nous a accordée en mai 2021, nous avions très envie de consacrer un billet à son œuvre. Car oui, Flore Vesco est l’une de nos auteures essentielles. La preuve : nous avons lu la totalité de ses romans !

Voici donc les œuvres que nous avons aimées, présentées selon le goût de chacune : sous la forme de lettres, d’une liste de dix raisons, d’un ordre de mission ou d’un journal intime.

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Le choix d’Isabelle

De Cape et de Mots, Flore Vesco, Didier Jeunesse, 2015.

Chère Séraphine Marie-Geneviève Alexandrina de Notre-Dame Chancies du Jousselinier Senestre les Castiche de l’Auberivière sié l’Ostel de la Colline,

Vous m’avez accordé, chère Comtesse, la grâce de demander des nouvelles de notre province pourtant distante de plus de trois siècles. Nul doute que beaucoup des mœurs d’aujourd’hui vous siéraient : les dames portent à leur fantaisie leurs cheveux courts ou des pantalons (égayés ou non de printintailles), les filles rêvent volontiers d’étudier les matières scientifiques ou d’écrire des romans – les bibliothèques débordent d’ailleurs de titres mirifiques qui vous remuent délicieusement les méninges.

Il faut que je vous annonce que le roi est mort, nous nous en sommes débarrassés il y a quelques temps déjà. Cela dit, vous ne seriez pas dépaysée de découvrir que notre souverain habite toujours un palais coquet comme une esperlune. Les cérémonies, la distribution de bons-mots et de blâmes, la présidence des conseils des ministres et la promulgation des décisions à coups de 49.3 l’embesognent considérablement, et puis il y a les rues à traverser pour trouver un emploi aux incapables, le « pognon de dingue » les espèces sonnantes et trébuchantes à trouver pour financer la subsistance des autres… Heureusement, il ne laisse pas de s’entourer de toute une cour dont chacun des membres pourraient rivaliser de talent avec la grande demoiselle. Notre ministre de l’intérieur, par exemple, n’est pas un attrape-bernet et n’hésite pas à se retrousser les manches lorsqu’il s’agit de veiller à ce que nos jeunes lecteurs ne lisent pas de pages trop affriolantes !

N’allez tout de même pas imaginer que tout est brillant comme une lifrejole. Sans relations, parures ni maîtrise des codes des courtisans, aujourd’hui comme hier, vous avez toutes les chances de rester une personne de bas aloi. Votre parcours n’en est que plus réjouissant et invite à cultiver dès le plus jeune âge son sens de la répartie et de la justice sociale. N’auriez-vous pas de fortune envie de venir visiter le palais de l’Elysée ? Je ne doute point que vous y déchagrineriez l’ambiance.

Vous agréez que je fasse mes très humbles baisemains à Messire Léon, aux robustes lavandières ainsi qu’à tous les cubistétères de la cour.

Votre très humble et dévouée lectrice,

Isabelle

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Le choix de Colette

Louis Pasteur contre les Loups-Garous, Flore Vesco, Didier Jeunesse, 2016.

Chère Constance,

Je vous écris depuis l’an 2023 soit près de 181 ans après votre première rencontre avec Louis. Rappelez-vous c’était une nuit de septembre, vous veniez de faire votre rentrée comme préfète à l’Institution Royale Saint-Louis. Côté filles bien entendu. Une belle responsabilité qui convenait parfaitement à votre esprit solidaire et déterminé. Vous avez tout de suite apprécié, j’en suis certaine, ce jeune homme aux épaules charpentées et au regard franc dont l’entrée brutale dans votre vie fut aussitôt auréolée de mystère. Je tenais à vous écrire pour vous témoigner toute mon admiration car le mystère, vous n’avez pas eu peur de l’affronter, de le provoquer, pour mieux le déchiffrer. Et vous l’avez fait en dépassant les préjugés et les codes établis et en restant intègre à vous-même quelque que soient les obstacles qui se sont dressés devant vous.
Chère Constance, j’aimerais savoir ce que vous êtes devenue : avez-vous couru les concours d’escrime ? Obtenu un doctorat en cryptozoologie ? Découvert d’improbables vaccins dont personne n’a soupçonné l’existence puisque destinés à d’étranges créatures velues ? Et surtout, surtout, ma chère Constance, qu’en est-il la de la Société Super Secrète des Savants et Sciences Surnaturelles ? Nous sommes tellement à vouloir en savoir plus sur les aventures que vous avez pu vivre avec Louis et sans doute de nombreux autres compagnons et nombreuses autres compagnes. Pensez-vous que de là où vous êtes – Enfers, Tartare ou Paradis – vous pourriez nous conter l’histoire de votre vie ? Si vous ne vous sentez pas l’âme d’une écrivaine – oui, oui, on dit écrivaine aujourd’hui ! – n’hésitez pas à contacter Flore Vesco, c’est une autrice contemporaine à l’incroyable talent dont la plume sera sans aucun doute à la hauteur de votre intrépidité.

A la science et à vous,

Colette.

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Le choix de Blandine

Gustave Eiffel et les âmes de fer, Flore Vesco, Didier Jeunesse, 2018.

S.S.S.S.S.S – Ordre de Mission
Gustave Eiffel

• But : Localisation du phénix
• Où : Manufacture de métallurgie Aldinni & Cie à Levallois-Perret
• Couverture : Contre-maître
• Comment : Amélioration des conditions de travail des manœuvres et augmentation de la productivité grâce aux récents progrès industriels
• Alliés : Alfred Nobel et Constance
• Contact : L’Ordinal
• Danger : le feu
• Moyens : Humour technique, aventure métallique et atmosphère steampunk
• Supérieur : Louis Pasteur

Rédigé et accepté à Paris en 1855

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Le Choix de Liraloin

226 Bébés, Flore Vesco, Didier Jeunesse, 2019.

Pour Liraloin il y a pas mal de raison d’aimer ce roman, dix points pour vous donner envie de lire ce titre c’est déjà pas mal !

  1. Pour les 126 mots différents qui désignent les bébés. Au lecteur de reconnaître les inventions et ceux qui existent parmi les petitout, angelot, minouchet, poulbot, mouflet, touchatous, katpatts, couroucouches, miochons…moultes petits sobriquets pour nommer les bébés les plus adorables de la terre.
  2. Pour ces titres de chapitres aux jeux de mots autour du bébé (embêbété, rebébelle, bébérézina, béberceuse…), simplement et tellement gouteux !
  3. Pour Bert, notre jeune homme de 76 ans qui arrive à discerner les 226 bébés et ainsi reconnaître leur petit caractère : je vous présente Claude1, Claude2, Claude3….Claude226 !
  4. Pour ce long et grand voyage que Bert va entreprendre aux pays des contes (et ainsi au passage, tenter de refiler ces 226 adorables bébés).
  5. Pour les qualités de la superbe « machine-bébé » et toutes les adorables attentions que ces derniers peuvent mettre en branle pour surprendre un éventuel ennemi. Il paraît que pour le bébé « les études montrent qu’avec ses poings, un nouveau-né exerce une force cinétique d’au moins 400 atmosphères, soit une pression supérieure à celle qu’exerce la mâchoire d’un crocodile quand elle se referme sur sa proie ».
  6. Pour la lutte entre ceux qui se font la guerre « pour ou contre les raisins secs dans le taboulé », oui il y a de quoi s’énerver ! et pour le petit clin d’œil en fin d’ouvrage sur les « guerres imbébéciles »
  7. Pour les remerciements de l’autrice en direction de son jeune lectorat. Des classes qui ont participé à la folle aventure du Feuilleton des Incorruptibles.
  8. Pour les illustrations de Stéphane Nicolet. Vraiment chapeau car mettre en image autant de bébés relève de l’exploit !
  9. Pour l’humour tant aimé de Flore Vesco !
  10. Car lire des titres de cette autrice est une entrée en littérature de jeunesse des plus appréciable.

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Le choix de Lucie

D’Or et d’Oreillers, Flore Vesco, L’école des Loisirs, 2021.

Extrait du journal intime de Mrs Watkins

Quel remue-ménage a suivi la visite de Mrs Barrett ce matin ! Bien sûr, elle a fait quantité de chichis avant de nous annoncer la nouvelle qu’elle était venue porter, mais quelle nouvelle ! Le jeune Lord Handerson est de retour dans la région, il cherche une épouse et dispose d’une rente de plus de 80 000 livres sterling. Quelle aubaine pour Margaret, Maria et May ! Quand je pense que nous nous serions contentés d’un mariage avec un homme à 20 000 livres… Heureusement que l’occasion ne s’est pas présentée !
Mrs Barrett qui soit dit en passant avait envoyé sa fille au château, seule et sous la pluie. Je me suis bien sûr empressée de la raccompagner chez elle pour laisser la place qui leur revient à mes filles. Cela m’a obligée à les laisser sans chaperon chez Lord Handerson. Mais avec 80 000 livres en jeu, certains principes méritent d’être oubliés. Quand j’y pense… La région ne parlera que de ce mariage pendant des années !
Heureusement que j’avais pris soin d’emmener Sadima pour les aider à se présenter sous leurs meilleurs atours. Jolie, cette Sadima. Un peu trop. Et un fort caractère. J’aurais peut-être dû conseiller aux filles de la confiner dans une chambre…

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Et vous, quel roman de Flore Vesco préférez-vous ?
Que pensez-vous de cette nouvelle rubrique ?

Nos classiques préféré.e.s : l’humour de Gilles Bachelet

Cela faisait longtemps que nous souhaitions vous partager nos albums favoris de Gilles Bachelet. Sous le grand arbre, nous sommes particulièrement friandes de son humour et des clins d’oeil qui parsèment ses illustrations. Nous nous étions d’ailleurs régalées en discutant de sa Résidence Beau Séjour.

Plus le propos est fantaisiste, plus le réalisme et le soin apportés aux détails me paraissent indispensables.

GIlles BAchELET, La ReVue Des Livres pour enfants N°301 (juin 2018)
Gilles Bachelet. source : site de son éditeur Seuil Jeunesse.

Si cet auteur illustrateur est surtout connu pour la série d’albums qu’il a consacré à son chat, voici ceux que nous préférons et pourquoi !

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Pour Colette et ses Petits-Pilotes, XOX et OXO est vraiment l’album-remède-en-cas-de-coup-de-mou tellement il est jubilatoire !

Xox et Oxo, Gilles Bachelet, Seuil Jeunesse, 2018.

Et voilà pourquoi :

  1. Pour son titre imprononçable et tellement visuel !
  2. Pour ses personnages extra-terrestres à l’étrange visage bleu, aux yeux transparents comme le verre des billes avec lesquelles hélas on ne joue plus dans les cours de récréation.
  3. Pour sa fascisante double page documentaire sur la machine à Glimouilles et puis oui, tiens d’ailleurs, pour toutes les glimouilles qui rythment cet album réjouissant !
  4. Pour la personnalité de XOX et OXO qui ont trouvé en eux les ressources pour ne plus s’ennuyer sur leur planète où résonne la solitude.
  5. Pour son discours joyeux et enthousiasmant sur la créativité.
  6. Pour son discours tout aussi joyeux et enthousiasmant sur l’inspiration, celle qui vient d’ailleurs, celle qui se nourrit de l’autre, des œuvres du passé, des œuvres contemporaines, cette inspiration que nourrit l’incroyable curiosité de nos protagonistes et que l’on souhaite à tous les enfants qui passeront le seuil de la planète Ö !
  7. Et en parlant d’art, quel plaisir de jouer à « Cherche-et-trouve-des-oeuvres-d’art-célèbres-qui ont-été-glimouillisées » dans l’atelier de XOX et OXO ! Dali, Rodin, Duchamp, De St Phalle, Degas… Nos extra-terrestres ont autant de génie que tous.tes nos artistes humain.e.s réuni.e.s.
  8. Pour le questionnement philosophique qui parcourt le livre jusqu’à la dernière page : mais à quoi sert l’art ? L’art peut-il nous rendre heureux, heureuse ? Faut-il qu’il ait un public pour que l’art soit reconnu ?
  9. Et bien sûr pour l’incroyable humour qui jalonne tout cet album, qui parvient à aborder tant de sujets en quelques pages colorées d’une extrême précision !
  10. Sans parler de l’invitation finale qui nous invite à « mettre le cap sur la constellation du Beignet aux Pommes » pour retrouver XOX et OXO et leur incroyable musée ! En avant toute !

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Le choix de Liraloin s’est porté sur cette épopée qu’est Chevalier de ventre-à-terre. Et pourquoi aime-t-elle autant cette histoire à lire et à raconter ? C’est par ici…

Le chevalier de ventre-à-terre, Gilles Bachelet, Seuil Jeunesse, 2021.
  1. Parce que je parie que vous n’avez jamais assisté à une bataille aussi inattendue qu’imprévisible
  2. Pour cette couverture à faire pâlir plus d’un auteur de saga chevaleresque. Quelle somptueuse armure dont est doté notre Chevalier de Ventre-à-Terre.
  3. Pour cette vie d’escargot-chevalier qui exige une stricte discipline de vie pour autant que l’on y ajoute le bisou baveux. D’ailleurs le lectorat, un tantinet très observateur, remarquera à quelle grande vitesse se prépare un chevalier prêt à en découdre !
  4. Pour toutes les références à la littérature de jeunesse, et il y en a un paquet : comment ça vous n’êtes pas jalouse de cette merveilleuse glacière à l’effigie d’Hello Kitty !! Petit indice : la chambre d’enfants en est truffée.
  5. Pour cette affiche, que personnellement, j’aimerais voir dans ma cuisine « 5 salades et champignons par jour ». N’est-ce pas la base d’une excellente alimentation d’escargot ?
  6. Pour l’illustration représentant le bureau du Chevalier, son équipement tout dernier cri afin de répondre en temps réel sur les réseaux sociaux. Tiens donc Saint-Procrastin a quitté mon foyer pour échouer ici… quel joli clin d’œil à l’auteur lui-même.
  7. Pour cette gigantesque épopée qui se trame sous vos yeux ébahis et qui se retrouvera surement gravé sur un champignon au détour d’un chemin.
  8. Pour ce suspens insoutenable : Chevalier de Ventre-à Terre va-t-il enfin croiser le fer avec ce malotru de voisin baveux grignoteur de fraises : le Chevalier de Corne-Molle ?
  9. Pour ce dénouement parfait et cette chute vertigineuse !
  10. Pour l’humour si particulier de Monsieur Gilles Bachelet. Des albums aux références qui parlent autant aux grands qu’aux petits.

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Le choix de Lucie s’est rapidement porté sur Une histoire d’amour, voici pourquoi :

Une histoire d’amour, Gilles Bachelet, Seuil Jeunesse, 2017.

1- Parce que cette histoire d’amour, comme celle de tous les couples heureux, est d’une banalité exemplaire…
2- Jusqu’à ce que l’on découvre ses personnages principaux !
3- Pour le voyage de noces exotique.
4- Pour cette brosse à ongles – chien, qui compte parmi les meilleures trouvailles.
5- Pour la réplique de Georges : « Des enfants ? Mais… nous avons déjà un chien ! »
6- Et l’illustration de la page suivante mettant en scène des familles d’objets usuels, du papier toilette au sèche cheveux.
7- Parce que Gilles Bachelet réussi le pari de faire vivre ses personnages dans un monde à échelle humaine, au milieu des objets du quotidien à taille réelle.
8- Pour les petits (ou gros) détails hilarants que recèlent les illustrations.
9- Parce que chez Georges et Josette, le partage des tâches semble fonctionner à merveille.
10- Et parce que le couple traditionnel n’est peut-être pas à la pointe de la modernité, mais que (comme le montre le doigt qui leur sert de tête) Georges et Josette s’en moquent.

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Et vous, quel est votre album préféré de cet auteur fantastiquement fantasque ?