Après les échappées lointaines deLiraloinet Héloïse,après les échappées graphiques deLucie, les échappées familiales de Séverine, puis les quêtes d’Héloïse,Blandine vous propose de prolonger ou préparer les prochaines échappées et vacances avec différents livres, entre albums, documentaires et guides. C’est parti !
ALBUMS
L’Imagier des Landes. Par Anna & Marion. Auto-édition, novembre 2023
Pour mettre en valeur la région du Sud-Ouest, et plus particulièrement les Landes et Capbreton dont elles sont originaires, Marion Dando et Anna Passicos ont eu la bonne idée de créer cet imagier pour les petits (et les grands !)
Sur des fonds unis de différentes couleurs, des dessins blancs et sobres représentent des éléments incontournables de la culture landaise (estacade, pignes, cèpes, fronton, pala, etc.). Un régal à découvrir puis à voir in situ.
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Ker-Is. La légende de la ville au milieu des flots. Jean-Pierre KERLOC’H et Jérémy MONCHEAUX. Albin Michel Jeunesse, 2010
La Bretagne est une terre de légendes, et l’une des plus connues, et incontournable, est celle de Ker-Is (ou Ker-Ys, ou simplement Ys), la cité engloutie du Roi Gradlon. On dit que lorsque la mer est calme, non loin des côtes de Douarnenez, on peut apercevoir dans l’eau, les reflets de la cité, et entendre dans le vent, une chanson résonner…
Et ceux qui savent dire encore la langue d’autrefois aiment à rappeler l’antique prophétie : Pa vo beuzet Paris
Ec’h advaso Ker-Is
Quand Paris sera noyé sous les eaux Alors Ker-Is ressurgira des flots.
Málaga est une ville située en Andalousie dans le sud de l’Espagne, au bord de la Méditerranée. Tentaculaire, elle s’étend jusque sur les montagnes environnantes, mais son cœur historique est très petit. Elle attire chaque année de nombreux touristes et étudiants étrangers.
Ce très bel album aux dessins faits aux crayons et aquarelles, est bilingue, espagnol et anglais . Il s’ouvre et se ferme avec un « cherche-et-trouve » regroupant les symboles et traditions de la ville. Après un plan de la ville et un bref retour chronologique, il nous fait visiter, grâce à une petite fille accompagnée de son poisson dans un aquarium à hélice, le centre historique de Málaga, admirer ses monuments, connaître sa cuisine, il nous conte sa longue histoire et son évolution au fil des siècles, entre inspirations et dominations.
Les Editions Casterman ont eu la belle idée de rééditer les albums de métropoles créés par Miroslav SASEK dans les années 1960. Et de n’en rien changer ! Le dessin, agrémenté de collages, est vintage à souhait, tout comme les descriptions des villes, des habitants (de leurs vêtements à leurs voitures), des monuments, des coutumes locales, etc. C’est un régal à observer et à comparer avec aujourd’hui !
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Les Editions Les P’tits Bérets ont édités plusieurs albums sur les voyages scolaires, et un en famille, écrits et illustrés par Laurent AUDOUIN. Sous la forme d’un journal, le lecteur est invité à découvrir un lieu, une ville, une expérience (classe verte, de neige), des histoires, des monuments, et le tout avec beaucoup d’humour ! Et en creux, de préparer ou dédramatiser cet évènement, pour les enfants comme pour les parents !
DOCUMENTAIRES
La Collection « Histoire d’un PORT » par les Editions Gulf Stream permet de découvrir et de connaître l’histoire d’une ville par un autre prisme. Et c’est passionnant. Si le texte est assez dense, il y a aussi de nombreuses illustrations, dessins, documents, photographies et reproductions de tableaux ou autres gravures, pour nous immerger totalement et nous donner à ressentir cette histoire, et son évolution, comme si nous y étions. D’ailleurs, un petit plan en loupe de la ville et de ses quartiers est souvent joint pour pouvoir ensuite se rendre sur place et découvrir de manière plus tangible encore ce qui est décrit dans ces livres.
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ANTARCTIQUE. Expéditions en Terre Inconnue. Giulia VETRI. De La Martinière Jeunesse, 2018
Si l’Antarctique fait rêver Blandine, ce n’est que par procuration ! Il y fait bien trop froid ! Mais les récits qui accompagnent sa découverte, la « course au Pôle », les différentes expéditions et ce qui le compose, la fascinent tout autant qu’ils la passionnent.
Ce documentaire, entièrement dessiné, nous en retrace les histoires, les animaux qui y résident, les mers qui le composent, les expéditions et les recherches qui y sont menées. Il s’agrémente de demi-pages ou de rabats qui se déploient pour nous dévoiler toute son ampleur et sa richesse.
GUIDES
Les guides touristiques et/ou de voyages ne sont plus totalement ce qu’ils étaient, et c’est tant mieux ! Ils se réinventent afin de donner à ressentir « l’âme » d’un lieu en plus de données pratiques, et depuis quelques années, plusieurs s’adressent aux plus jeunes. Car ce qui intéresse les adultes n’est pas forcément le cas pour des enfants. Aussi, ces guides rivalisent-ils d’ingéniosité pour rendre toute visite aussi attractive que passionnante. Et pas trop longue, surtout s’il fait chaud ! Pensez à vous munir d’un stylo et de crayons, car ils s’agrémentent de petits jeux, devinettes et énigmes qui régaleront petits et grands. Et ainsi, tout le monde apprend !
Guides ... des Enfants. Editions Bonhomme de chemin
Depuis plusieurs années, Blandine emporte systématiquement un livre-guide des Editions Bonhomme de chemin quand elle part en vacances « ailleurs ». Certains concernent un pays en entier avec quelques-unes de ses villes-phares, d’autres proposent des parcours découvertes directement dans les villes. Et c’est génial ! C’est un moyen ludique d’apprendre l’histoire d’un lieu, de regarder des bâtiments et monuments d’un autre œil pour y déceler ce que l’on ne voit pas d’ordinaire, pour passer par des rues inattendues, pour connaître une anecdote, l’origine d’un nom de quartier, d’artères. Il en existe beaucoup plus que ce que la photo montre !
Les guides Graines de Voyageurs proposent chacun plusieurs dizaines de visites à réaliser et expliquent la richesse, l’histoire, les légendes, les coutumes de chaque lieu. Ces guides sont davantage à lire qu’à compléter, même si quelques pages sur la fin permettent d’accueillir impressions et souvenirs papier à coller.
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Rome expliqué aux kids. Des histoires rigolotes pour découvrir la ville.Lonely Planet Junior.
Ce guide est divisé en 19 chapitres thématiques pour découvrir Rome autrement ! On y trouve bien sûr des informations comme dans tout guide, mais surtout des anecdotes, des points de détails à dénicher et observer, afin de rendre les visites le plus ludique possible. Les dessins alternent avec des photographies ou documents pour un résultat visuel très dynamique et foisonnant !
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Vous connaissez certainement la collection des Livres dont vous êtes le héros ?! Cette collection des Editions du Routard, dédiée aux enfants, s’en inspire ! Chaque guide regroupe plusieurs missions que l’enfant est invité à mener. Pour cela, il devra suivre un parcours, choisir où aller, quitte à revenir sur ses pas et pages, observer, élucider. Chaque mission s’agrémente d’un contexte et d’informations pour aider ou approfondir. C’est drôle et bien pensé. Et comme tout guide du Routard, il y a bien sûr une rubrique des bonnes adresses !
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Voyager, ce n’est pas forcément partir loin. Et souvent, ce sont les lieux qui sont les plus proches de chez nous que l’on connaît le moins, ou que l’on a vus il y a… plus ou moins longtemps. Ainsi, ces guides nous permettent de les (re)découvrir, et surtout de partager avec nos enfants et amis .
C’est dans ce but que le site Balad’Enigm propose des promenades urbaines et jeux de pistes, à Paris et en Province. Car le meilleur moyen de découvrir un lieu, une ville, un quartier, c’est en marchant, en levant les yeux, en cherchant, en scrutant, en s’en imprégnant ! Découvertes et bon temps assurés avec ces balades ! Après achat de la Balad’Enigm en ligne, il ne vous reste qu’à imprimer les supports et à partir « à l’aventure » !
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Et ainsi se terminent nos billets d’été ayant pour thème le voyage. Nous espérons qu’ils vous ont plu, enchantés et même transportés ! Et c’est à peine fini que vous voilà fin prêts à (re)partir pour votre prochaine destination de vacances ou simplement de balades !
Après les échappées lointaines de Liraloin et Héloïse, après les échappées graphiques de Lucie, à mon tour de vous parler voyage, vacances et découvertes… De lieux, de paysages, d’humains différents ? Oui, peut-être. Mais peut-être bien aussi des voyages au bout de soi, au-delà des apparences, dans les méandres du cœur, les secrets de famille, la profondeur des sentiments… Pas besoin de partir au bout du monde pour passer des vacances inoubliables ou bouleversantes. Dans la sélection que je vous propose aujourd’hui, il suffit d’être avec ou chez papi et /ou mamie ! En album, BD, premières lectures, ou roman, c’est parti !
Le premier livre que je vous présente aurait pu se glisser dans la sélection d’Héloïse. En effet, Le van de Mona, c’est l’histoire d’un jeune garçon, Liam, en vacances chez sa grand-mère, qui à l’occasion d’une partie de cache-cache, découvre dans le garage un véhicule sortant de l’ordinaire ! D’abord fâchée contre lui, mamie lui raconte qu’il s’agit du vieux van rafistolé dans lequel elle a parcouru le monde entier avec son papi aujourd’hui décédé. Cela lui rappelle des souvenirs devenus douloureux et elle n’a pas l’intention de réutiliser ce véhicule jusqu’à son propre décès. C’est sans compter le pouvoir de persuasion, l’énergie contagieuse, la curiosité de Liam ! Il n’a plus qu’une idée en tête : dormir dans cette maison roulante. S’ensuit alors un road-trip improbable, parsemé de rires et de complicité, de souvenirs et de confidences, de tendresse et beaucoup d’amour, au bout duquel chacun, en quelque sorte, ressortira grandi, ouvert à la vie qui continue. Les illustrations crayonnées apportent une touche spontanée et authentique, de type carnet de voyage, elles sont empreintes de délicatesse… J’ai été très touchée.
Le van de Mona, de Baptiste Puaud, illustré par Adèle Tariel, Editions du Père Fouettard, 2025
J’éprouve une admiration sans faille pour Rascal, qui demeure indéniablement au fil des années l’un de mes artistes jeunesse préférés, lorsqu’il illustre les mots des autres que quand il signe des albums aux textes intelligents, subtils, drôles ou émouvants. Mais aussi quand il est seul maître à bord. Je l’ai également découvert et apprécié romancier, avec ce petit roman tendre et nostalgique, qui s’éloigne sensiblement de ses thèmes habituels. Nous suivons au gré des saisons une année de la vie de Rose, une petite citadine qui passe toutes ses vacances à la campagne chez ses grands-parents. Cueillette de champignons, confection de gâteaux, promenades en forêt rythment le lien fort qui l’unit à eux, tissé de petits bonheurs et de transmission silencieuse, de joie et de confiance. Un roman tout en nuances, en contemplation et en poésie, très joliment accompagné par les illustrations sépia de Nathalie Novi, pour appréhender le temps qui passe et les souvenirs qui aident à grandir.
C’est mon père qui a choisi mon prénom. Mon père, il dit que l’on ne devrait donner aux filles que des prénoms de fleurs. Je suis heureuse que le mien porte des épines.
Les quatre saisons de Rose, de Rascal, illustré par Natahlie Novi, Rue du monde, 2004
Avec La cabane du bonheur, nous suivons également le rythme des saisons. Jaune, c’est la couleur que Papi Martin a choisi pour sa cabane de bord de mer, afin qu’elle ait toujours l’air ensoleillé. C’est là qu’à chaque période de vacances, une fratrie de trois enfants passe des moments délicieux avec leur grand-père, entre courses contre la pluie, pique-niques, jeux de cartes, contemplation des étoiles, cerf-volants et bains de mer. Des moments de partage, d’apprentissage, de joie que l’on croit éternels quand on a six ou sept ans. Mais parfois, les papis tombent malades et les cabanes ne résistent pas aux tempêtes… Après ça, « il est où, le bonheur, il est où ? » Perdu à jamais ?… à moins que l’esprit de famille et le souvenir des jours heureux ne donne le courage de retrousser ses manches et de l’emporter sur la tristesse. Très joliment illustré, avec des couleurs éclatantes et un mouvement permanent, cet album sensible et lumineux permet d’aborder en douceur des thèmes comme la maladie et la mort, tout en délivrant un message intemporel : profitons des gens qu’on aime, notamment les plus âgés, et notre joie demeurera, même après leur disparation.
La cabane du bonheur, de Tom Hopgood, traduit par Rosalind Elland-Goldsmith, Bayard, 2023
Douceur, encore… avec la réédition de cet album de 2019, publié d’abord chez Margot, ressorti cette année à l’Ecole des loisirs, avec une nouvelle couverture. Autant annoncer la couleur : il s’est immédiatement hissé dans le top 10 des plus beaux que j’aie jamais lus. L’auteur-illustrateur Thibault Prugne, que j’appréciais déjà énormément dans un registre humoristique (notamment sa série Renard jubilatoire), m’a ici bluffée par la grâce, la mélancolie, la sensibilité de son texte et de ses illustrations, évidemment, absolument somptueuses. Chaque nouvelle page est plus éblouissante que la précédente. Je défie quiconque de ne pas être touché.e par cette histoire où la noirceur de l’époque, en proie à la guerre qui fait rage, est adoucie par la relation magique entre un grand-père original et une petite fille curieuse, par cette histoire de transmission intergénérationnelle et de passion, par cette histoire mêlant écologie et pacifisme, par cette histoire où les petits riens font le grand tout… Par cette histoire d’amour. Imprégnée de tant de lumière et de beauté, la parenthèse enchantée et émouvante qu’offre cet album a tout simplement le parfum du chef-d’œuvre.
Je me souviens de sa cabane qui flottait dans les champs comme un phare sur l’océan ; des feuilles du vieux frêne scintillant au soleil, de l’odeur du linge qui séchait au fond du jardin, du bourdonnement des abeilles et du chant des mésanges. Pépé Léon faisait partie de ces gens qui aimeraient que rien ne change jamais. Qui ne veulent pas refaire le monde, juste vivre au milieu et l’écouter respirer. Je m’appelle Louise et ceci est mon histoire.
Le parfum des grandes vacances de Thibault Prugne – Ecole des Loisirs, 2019
Ces grandes vacances-là aussi se déroulent par temps de guerre, la deuxième guerre mondiale, plus précisément. L’histoire commence a l’été 1939, tandis que deux petits parisiens, Colette, 6 ans et Ernest, 11 ans, passent les vacances en Normandie chez leurs grands-parents. Mais le 3 septembre, la guerre est déclarée, leur père est envoyé au front, leur mère tombe gravement malade et ce qui ne devait être qu’un séjour estival va devoir se prolonger…. Ce seront des grandes grandes vacances ! Dès lors, nous suivons au fil des 5 tomes, leur intégration à leur nouvel environnement, leur quotidien à la ferme avec leurs aïeuls, les amitiés naissantes et les rivalités de clans, leurs prises avec le monde et les décisions des adultes, leur confrontation à la mort, etc. sous le regard toujours bienveillant et plein d’amour de leurs grands-parents. Pas sombre du tout, sans toutefois occulter les problématiques liées à la guerre mais à hauteur d’enfant (des éléments explicatifs historiques et des précisions de vocabulaire y sont intégrés), cette BD destinée aux enfants à partir de 9 ans, est très fidèle à la série TV diffusée sur Okoo dont elle est issue. Publiée au printemps 2025 dans une superbe édition collector intégrale, c’est une belle réussite car elle allie savamment fiction et Histoire. Pour ma part, les dessins signés Emile Bravo n’y sont pas étrangers.
Les grandes grandes vacances, de Gwenaëlle Boulet, illustré par Emile Bravo, BD KIDS, 2025
Pour les plus jeunes lecteur.ic.es, particulièrement friand.e.s de la collection Mouche de l’Ecole des Loisirs, Anne Cortey et Thomas Baas proposent le récit simple et doux de quelques journées d’été de Nonna et Marta, respectivement grand-mère et petite-fille. Elles se soutiennent, se transmettent mutuellement, partagent promenade et baignade, ce qui ne les empêche pas de se chamailler gentiment. Quand la fatigue de l’une et l’énergie de l’autre entrent en collision, le respect de l’altérité est la belle leçon de vie qu’en tire la petite fille. Si j’ajoute que la forêt, la rivière, omniprésentes, gracieuses et chantantes, la sérénité de ce petit coin de paradis loin des tumultes citadins, incitent aussi le.la jeune lecteur.ice à savourer le temps présent, à profiter des joies offertes par la nature et à prendre conscience de sa nécessaire protection, c’est un peu la cerise sur le gâteau… ou disons… les haricots dans le ragoût, puisque c’est le plat préféré de Marta !
Nonna et Marta, d’Anne Cortey, illustré par Thomas Baas, L’Ecole des loisirs, 2024
Les vacances qui ont tout changé, ce sont pour Gabin -situation familiale compliquée – celles qu’il a passé avec sa mamie dans un village-vacances des Vosges, parmi des personnes (âgées) bizarres, dont certaines sont en fauteuil roulant… Présentée ainsi, l’histoire ne fait pas rêver ! Mais c’est sans compter le talent de son auteur pour se glisser dans la peau de ce pré-adolescent perturbé par les disputes quotidiennes de ses parents sur le point de divorcer, et qui se cache derrière l’humour pour ne pas s’avouer qu’il a terriblement peur de l’avenir… Mais lors de son séjour, d’abord vécu comme une sinécure, il fait la connaissance de la pétillante et bavarde Manon, une jeune fille de son âge, et tout change. Dès lors, il participe aux activités proposées aux vacanciers, sans les juger, il apprend la tolérance, le respect, la générosité… et au final, il grandit et murît, il comprend…il se murmure même que… Chut ! Je vous laisse découvrir ce court roman drôle, frais, bienveillant et pas aussi léger qu’on pourrait le penser, idéal pour l’été.
Les vacances qui on tout changé, d’Arnaud Dudek, illustré par Benoît Perroud, Actes sud jeunesse, 2024
Pour les ados, j’avoue avoir eu plus de difficultés à sélectionner parmi mes lectures marquantes, des histoires mettant en scène des petits-enfants et des grands-parents.
Mon choix s’est tout d’abord arrêté sur le roman Apitoxine de Mélody Gornet. Eté 2020, post confinement. Son héroïne Gwendoline, 17 ans, quitte Paris pour échapper pendant deux mois à la pression sociale et familiale qu’elle subit. Elle décide de passer les vacances scolaires d’été dans le village de ses grands-parents maternels, qu’elle connaît peu et en profiter pour faire le point sur sa situation, ses névroses, ses aspirations… Sur place, guidée par sa cousine, elle découvre un monde rural différent du sien et surtout, s’embarque avec elle dans une enquête qui, résolue, la mènera à une vérité qu’elle n’aurait jamais imaginée… Il s’agit d’un roman où ce sont finalement moins les grands-parents que les secrets de famille et les non-dits qui tiennent le premier rôle, mais il a malgré tout sa place dans une sélection « vacances bouleversantes chez les grands-parents » ! En le lisant jusqu’au bout, on comprend évidemment pourquoi ! Bravo à l’autrice pour la justesse des personnages, les thématiques abordées (mal-être adolescent, relations familiales, engagement écologique, asexualité…) la tension palpable, l’écriture tendue, et pour ce premier voyage inattendu avec elle, en ce qui me concerne.
Apitoxine, de Mélody Gornet, Thierry Magnier, 2023
Enfin, c’est tout naturellement qu’Albert s’est imposé ! Un été avec Albert, c’est un roman dans lequel on retrouve les thèmes (préservation du végétal et de la biodiversité) et les personnages (jeunes femmes ou adolescentes à personnalité affirmée, environnement familial défaillant voire toxique) chers à son autrice. Le tout saupoudré d’un style percutant, d’un humour qui fait mouche, d’une bonne pincée de mystère, d’un suspense à tendance fantastique qui pousse immanquablement à dévorer les pages jusqu’à la fin, tout en offrant ici et là des scènes ou des pensées d’une tendresse infinie, un concentré de Pavlenko en vérité. Il raconte en un peu plus de 200 pages, l’été de Soledad, fraîchement bachelière, dans le village pyrénéen de sa grand-mère qu’elle aime, mais qu’au fond, elle connaît peu… Alors qu’elle rêvait de vacances de folie entre copains, elle a atterri dans ce « trou paumé » après que ses parents lui ont annoncé leur divorce et que son père s’enfonce dans la dépression. Mais ce qui aurait pu virer au récit un peu gnangnan autour du retour aux sources, aux joies simples, au partage des souvenirs et à une nostalgie douce-amère devient, grâce au super-pouvoir de conteuse de Marie Pavlenko, une histoire virevoltante, haletante et oui, un peu effrayante parfois… L’été de Soledad avec Albert sera finalement hors du commun et inoubliable, bien plus qu’aurait pu l’être un séjour au camping avec ses ami.e.s. Mais au fait… qui est Albert ?
Un été avec Albert, de Marie Pavlenko, Flammarion jeunesse, 2021
Saisir la quintessence de ce qui fait les liens d’une fratrie, c’est le petit miracle auquel parvient l’album Frères de Marie Le Cuziat et HuaLing Xu. Un album sur lequel nous avions envie de revenir, de réfléchir et d’échanger. Et c’est ainsi qu’un soir d’été Lucie, Linda et Colette se sont retrouvées pour écouter attentivement ce que le thème de la fraternité faisait résonner en elles.
Frères, Marie Le Cuziat, illustrations de Hua Ling Xi, L’étagère du bas, 2023.
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Lucie : Pour commencer Colette, as-tu envie de nous raconter pourquoi tu as proposé une LC de ce titre?
Colette : A chaque lecture de cet album, c’est la même émotion ! C’est comme si les artistes avaient saisi la quintessence de ce qui unit des frères. Cet album résonne très fort avec ce que je peux observer à la maison quand je regarde mes deux garçons être ensemble. Quand ce titre a été proposé, c’était à l’occasion du prix A l’ombre du grand arbre et dans l’ensemble de la sélection (dans la catégorie Petites feuilles, pour laquelle il n’a finalement pas été retenu) pour moi celui-ci était vraiment le plus “poignant”, le plus poétique. Il mettait des mots simples sur quelque chose qui est pourtant ineffable.
Colette : Au seuil du texte, une magnifique couverture. Qu’y avez-vous vu ?
Linda : Cela peut paraître étrange mais j’y ai vu mes deux aînés. Un brun, un blond. Et cette mer derrière eux qui ramène aux vacances. Dans notre cas, des vacances sur la Côte d’Azur, chez leur grand-parents.
Lucie : Les deux frères du titre, que comme Linda j’ai imaginés en vacances à cause de la mer en fond. Deux frères un peu différents physiquement mais dans la même posture. Un peu comme une photo.
Colette : Comme toi, Linda, j’y ai vu mes enfants ! Même si la différence d’âge est plus prononcée chez nous ! Et dès la couverture j’ai été séduite par le style de l’illustration, il y a quelque chose de très “dense” dans le coup de pinceau de l’artiste. Mais nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir.
Linda : Oui le style forcément. C’est la première chose qui m’a attiré quand j’ai vu les premiers visuels sur les réseaux sociaux. Il y a un petit quelque chose d’Olivier Desvaux dans la technique et le style.
Colette : Justement, comment décririez-vous le style des images ?
Lucie : Comme vous j’ai été immédiatement attirée par ces illustrations. Cela ressemble à de la peinture à l’huile, on voit les coups de pinceaux, la matière, ce qui donne aux scènes un côté très vivant, presque prises sur le vif.
Linda : Je trouve le trait très réaliste et en même temps la peinture laisse apparaître les coups de pinceaux qui rappellent un peu le style impressionniste. Surtout au niveau des paysages. J’y ai trouvé une vraie profondeur. Et oui, comme le dit Lucie, cela donne l’impression de moments pris sur le vif, à l’instar d’une photographie.
Colette : Parlons plus précisément des frères dont il est question dans cet album. Pourriez-vous les présenter tels que vous les avez rencontrés ?
Lucie : On voit immédiatement le « grand » et le « petit », Arùn le brun et Rey le blond et, dans un premier temps, le texte met en évidence tout ce qu’ils font de différent.
Linda : On sait par la couverture que ces deux frères sont différents physiquement et le récit nous les décrit différent aussi en caractère. J’ai trouvé très intéressant la façon dont l’auteure, Marie Le Cuziat, a choisi de montrer ce qui les oppose pour mieux nous faire ressentir ce qui les lie.
Colette : J’ai été particulièrement sensible à cette liste de tout ce qu’ils ne sont pas pour les présenter : “Ils ne sont pas amis, ni simples copains, ils ne sont pas voisins, ni mêmes cousins. Arùn et Rey sont frères.” Je trouve ça très juste. Etre frère c’est un entre-deux, et c’est unique à la fois. Est-ce que vous avez des frères et sœurs ? Je sais que pour moi, c’était toujours un peu compliqué de définir le lien qui m’unissait à ma sœur, ça ressemblait à de l’amitié mais une amitié vraiment particulière, une familiarité, une proximité unique.
Lucie : Ce qui m’a particulièrement interpellée c’est « Ils sont si différents que les gens s’interrogent, jettent des regards en coin. – C’est impossible ! Ces deux-là ne sont pas frères ! » que nous avons aussi beaucoup entendu avec ma sœur tant nous sommes différentes physiquement et psychologiquement. Comme si être de la même famille impliquait d’être semblables. C’est aussi une réflexion que me font beaucoup les parents d’élèves dont j’ai déjà eu les aînés : « Il/elle n’est pas du tout pareil/le que son frère/sa sœur. » Oui, évidemment, c’est un autre enfant, il n’y a pas de raison qu’il/elle soit pareil/le !
Colette : C’est tellement intéressant ce que tu dis Lucie ! Avec ma sœur, c’est le contraire, on nous dit souvent qu’on se ressemble beaucoup et je ne trouve pas forcément ça facile à entendre non plus ! Quant aux sempiternelles comparaisons entre les enfants, j’avoue qu’hélas je ne peux m’empêcher de comparer moi aussi mes garçons (même si je ne le fais pas à voix haute !)
Linda : Je suis fille unique… Je ne connais donc ce sentiment de différence et d’appartenance qu’au travers de mes enfants. L’aîné me ressemble, les quatre suivants ressemblent à leur père mais chacun avec des particularités qui lui sont propres (yeux bleus pour l’un, cheveux bouclés pour l’autre)… et avec les jumelles, le besoin de se distinguer est encore plus marqué par un fort désir de ne pas être comparées.
Lucie : Probablement parce que je n’ai qu’un enfant, j’ai plus pensé à mon enfance qu’à celle de mon fils en lisant cet album. J’imagine que cela a été le contraire pour toi Linda !
Linda : Oui absolument ! J’ai grandi entouré de nombreus.es cousin.es qui avaient tous une fratrie. C’est quelque chose qui m’a manqué. Vraiment. J’aimais l’attachement qu’il y avait entre eux, malgré les disputes, j’étais jalouse de cet autre qu’ils avaient. Alors qu’eux me jalousaient les privilèges matériels de l’enfant unique.
Colette : Ce qui est intéressant aussi dans cet album, c’est que les différences entre les deux frères vont au-delà du physique, ils ont aussi des activités, des comportements très différents.
Lucie : C’est aussi ce qui m’a plu : que Marie Le Cuziat ne s’arrête pas au physique, car la même éducation peut donner des personnalités très différentes. On le voit bien ici ! L’un semble beaucoup plus dans l’action et le mouvement que l’autre. Encore que dans ce passage on ne sache pas qui est “l’un” ou “l’autre”, donc les rôles sont peut-être susceptibles d’être parfois inversés…
Linda : Oui et elle parvient à montrer que même s’ils aiment passer du temps ensemble, ils apprécient aussi ces moments sans l’autre.
Colette : Et là où je trouve que l’album réussit à dire des choses particulièrement sensibles, c’est que ce qui va unir les deux frères c’est leur colère face à la remise en question de leur lien : sur ce point là ils se ressemblent. Ils revendiquent leur lien à l’unisson. Je trouve que l’autrice a réussi à créer un rythme particulier dans cet album qui n’est pourtant pas narratif : d’abord souligner les différences pour ensuite faire surgir la définition plurielle de ce qu’est la fraternité.
Lucie : J’ai beaucoup aimé ce moment où les frères échangent sur leur vision de la fraternité. Qu’ils partagent leur vision de ce qu’est un frère.
L’avantage d’un album qui n’est pas narratif c’est qu’on peut parler de la fin sans craindre de divulgâcher. J’ai évidemment très envie de connaître vos réactions aux deux dernières pages qui voient le soir tomber sur cette journée de vacances des deux frères. Avez-vous envie de partager ce que vous en avez pensé ?
Colette : Ce sont justement ces deux dernières pages qui me bouleversent à chaque lecture parce que c’est exactement comme ça que ça se passe à la maison. La question du lit partagé est une question centrale, qui revient sans cesse depuis que Nathanaël a 6 ans. Pour lutter contre ses terreurs nocturnes, on a demandé à son frère s’il accepterait de dormir dans la même chambre que lui et si ça rassurerait Nathanaël que son frère dorme dans la même chambre. Ils ont accepté et pendant presque 4 ans ils ont dormi dans la même chambre dans des lits superposés. Et encore aujourd’hui, mon grand garçon de 15 ans accepte ponctuellement de dormir avec son petit frère quand il le lui demande. Sans entrer dans tous les détails de l’histoire des 2 frères, l’autrice et l’illustratrice arrivent en quelques mots, quelques images à saisir la beauté de ce qui unit des frères. Jusque dans leur sommeil.
Linda : Nos jumelles dorment ensemble. On a tenté la séparation mais ça n’a pas tenu longtemps… Juliette a par ailleurs besoin d’être rassuré en permanence et Gabrielle prend souvent le temps d’attendre qu’iel dorme pour poser son livre. Donc forcément ça me parle beaucoup ! Et je trouve que cela suffit à montrer l’attachement qui existe entre ces deux frères de façon intrinsèque.
Colette : Quelle définition donnée par les garçons de la fraternité avez-vous préférée ?
Linda : “Frères, c’est se ressembler et parfois pas du tout. C’est s’éloigner pour mieux se retrouver. Frères, c’est puissant.” Car elle s’appuie sur la force du lien plus que sur sa fragilité. Et parce que c’est ce que j’observe chez mes enfants mais aussi dans la fratrie de mon mari (il est l’aîné de quatre enfants). Ils vivent tous loin les uns des autres et ne se voient pas souvent mais quand ils sont ensemble, c’est naturel, comme s’ils s’étaient quittés la veille. Je trouve ça vraiment beau et puissant !
Lucie : Je crois que c’est cette fin de paragraphe justement « Etre frères c’est puissant« . Le qualificatif « puissant » dans son acceptation la plus large. Parce que les émotions qu’apporte la fraternité sont puissantes quand elles sont positives mais aussi quand elles sont négatives. Ton frère/ta sœur te connaît tellement bien qu’il a la possibilité de t’élever comme de t’abimer. Il me semble que le côté “fragile” évoqué dans la page suivante apparaît plus à l’âge adulte. Comme tu le disais Linda, parfois la vie nous éloigne et il faut alors créer les occasions de se retrouver et d’entretenir ce lien. Et toi Colette, quelle est ta définition préférée ?
Colette : “Frères, c’est être avec ou être à côté”. J’aime beaucoup cette définition. Il n’y a pas d’obligation à partager des confidences, des secrets, pour être intimes, quand on est frères. Parfois juste être assis l’un à côté de l’autre pendant des heures dans une voiture nourrit le lien de fraternité.
Linda : En effet. Mais je crois que les parents ont un rôle à jouer là aussi. Ils sont le lien qui les lie, ils doivent tenter de le préserver, de le rendre fort, pour que même quand ils ne seront plus là, les enfants-adultes prennent le temps de se retrouver.
Colette : Tu remarqueras Linda que les parents sont complètement absents de l’album. Et je trouve que ça renforce le discours des enfants. Qu’en pensez-vous ?
Lucie : Je rejoins Linda : les parents bien qu’absents de cet album ont un rôle très important à jouer dans la construction du lien, notamment en évitant de comparer leurs enfants, en n’insistant pas sur les différences, et en ne les mettant pas en concurrence (par exemple sur les résultats scolaires).
Linda : En effet. L’absence des parents permet aux enfants d’exprimer leur ressenti et de parler de leur lien sans avoir à sentir « peser » le regard critique de l’adulte. D’ailleurs le seul moment où on mentionne les adultes c’est bien pour mettre en avant l’aspect comparatif.
Colette : En tout cas je pense pouvoir dire qu’une des forces de cet album c’est qu’il fait résonner en nous nos histoires familiales, aussi bien celles de notre enfance que celles de notre vie de parent !
Linda : Oui, c’est certain ! Comme quoi le sujet s’adresse à un public large, probablement parce que la fratrie est un peu le cœur de la famille.
Lucie : C’est ce que je me disais aussi : cet album a vraiment été source de discussions et de partage de souvenirs. Je pense que c’est parce que la fratrie est quelque chose de très vivant, mouvant dans le temps et qui prend une grande place dans nos relations familiales. Je suis sûre que vous aussi vous reconnaissez des choses de vos (beaux-)frères et sœurs dans vos enfants, ce qui alimente encore cette relation (parfois à notre corps défendant !)
Colette : Et je pense que cette universalité du sujet abordé est renforcée par l’environnement qui accueille l’histoire de nos deux garçons, la nature, l’horizon, la petite maison chaleureuse… il y a quelque chose d’intemporel dans cet album, quelque chose de “déconnecté” de notre époque (si vous voyez ce que je veux dire !)
Lucie : Tu as raison Colette. C’est un choix très pertinent de l’illustratrice car, comme nous le disions, la relation évolue dans le temps mais tous les frères – et sœurs – sont passés et passeront par là. J’aime aussi que cela se déroule pendant les vacances, moment où les liens se resserrent grâce au temps retrouvé et partagé.
Linda : Oui. Avez-vous aussi ressenti ce sentiment de nostalgie en observant les illustrations ?
Colette : Exactement ! Le temps partagé est un temps de jeux, de lecture, un temps de baignade, d’exploration dans la nature… Sans écrans !!! Ça m’a frappée, cette absence des écrans et par effet boomerang j’ai pris conscience de la place que les écrans avait pris dans la vie de nos enfants (et dans la nôtre aussi !) quitte à empêcher les liens de se nourrir de notre vraie présence au monde et à l’autre.
Lucie : Oui, j’ai moi aussi ressenti cette nostalgie. Avez-vous une idée de l’origine de ce sentiment ?
Linda : C’est probablement lié à cette “déconnection” dont parle Colette. Les activités des enfants nous ramènent à notre propre enfance, nos propres activités de vacances… Et puis il y a l’absence de véhicules, cela donne aussi un sentiment de calme et de reconnection à la nature tout en nous renvoyant l’image d’un monde plus désuet.
Colette : J’ai une dernière question : est-ce que vous pensez que le genre des personnages influe sur la réception de l’album, est-ce que des sœurs pourront se reconnaître ?
Linda : Sincèrement, je ne suis pas sûre que cela soit gênant. Les enfants voient ce qu’ils veulent dans les personnages, non ?
Colette : Je pense comme toi, c’est ce qui est beau dans le lien de fraternité, c’est vraiment un lien universel, qui n’est pas différent selon le genre.
Lucie : Je ne pense pas que le genre influe, en revanche j’ai personnellement immédiatement pensé à ma sœur plutôt qu’à mon frère. Peut-être que l’on est plus tenté de penser à un frère ou une sœur du même sexe que soi ?
Linda : Oui, comme toi, en ramenant le sujet à mes enfants, j’y ai vu soit mes fils, soit mes filles… Mais jamais les deux.
Lucie : Peut-être parce que sinon la différence saute tellement aux yeux que l’on ne comprendrait pas l’agacement des enfants face aux réflexions des adultes ? Mais je pense que le lien fraternel parlera de toute manière à ceux qui en ont fait l’expérience.
Linda : Je ne sais pas. J’ai un.e enfant qui est souvent pris.e pour un garçon, tout en ne s’identifiant à aucun genre, et pourtant jamais je n’aurais pensé à la.le comparer à un de ses frères. Finalement ce sont les autres, ceux qui ne sont pas de la famille, qui vont se permettre des réflexions. Donc oui, j’imagine que chacun peut s’y retrouver à partir du moment où il.elle a vécu l’expérience de la fraternité que ce soit en tant que frère.sœur, ou en tant que parent.
Lucie : Concluons si vous le voulez bien avec la question traditionnelle : à qui recommanderiez-vous cet album ?
Colette : Suite à nos échanges précédents, je recommanderai ce livre à des enfants entre 5 et 10 ans. Mais comme toujours il me semble qu’adolescent.e.s ou adultes pourront y trouver leur “compte”.
Lucie : Tout à fait d’accord avec toi. Comme on a pu le dire, cet album peut entretenir ou rappeler des souvenirs à tous ceux et celles qui ont des frères et sœurs et aux parents de fratries. Il prend aux tripes et parle directement à l’enfant en nous.
Linda : Je crois qu’il peut être intéressant de recommander cet album à des enfants encore jeunes mais suffisamment grands pour se retrouver dans les deux frères de l’histoire. Des enfants d’une même fratrie, mais aussi des parents, des adultes…
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Avez-vous lu cet album ? Vous a-t-il, comme nous, plongés dans les souvenirs de vacances de votre enfance tout en jetant un regard ému sur vos enfants ?
Pour finir l’été, nous avons préparé une lecture commune autour d’un album qui respire la fin des vacances et le désir de les prolonger encore un peu. Le très doux Fin d’été de Stéphanie Demasse-Pottier, illustré par Clarisse Lochmann.
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Fin d’été, Stéphanie Demasse-Pottier et Clarisse Lochmann, L’Etagère du bas, 2021
Lucie :J’avais envie de commencer en vous demandant comment vous aviez découvert le travail de Clarisse Lochmann, et sa collaboration avec Stéphanie Demasse-Pottier ? Comme pour ma part c’est grâce à Colette, je suis curieuse de savoir ce qui la touche particulièrement ?
Linda : J’ai pour ma part découvert Clarisse Lochmann grâce à Colette qui nous a proposé son titre La passoire pour le prix ALODGA 2021. J’ai été séduite par son univers graphique et depuis je la suis de près. C’est sur son compte instagram qui j’ai eu vent de la sortie de Fin d’été que je me suis empressée d’acheter. L’occasion de découvrir la magnifique association de ces deux artistes talentueuses. Je viens d’ailleurs de me procurer leur dernier travail en commun Même les crocodiles n’ont pas sommeil !
Colette : Clarisse Lochmann a un style bien particulier, un univers à la fois flou et intense, que j’ai tout de suite reconnu quand j’ai vu la couverture de Fin d’été sur les rayonnages des nouveautés de ma médiathèque préférée ! C’est le bleu qui m’a fasciné, comme la première fois. Quand on a aimé un album à la folie comme j’ai aimé La Passoire, je ne pouvais résister à la tentation de m’agripper à cette fin d’été prometteuse. Et puis le titre de cet album a ouvert la porte des possibles et des souvenirs. Une porte qu’il me fallait plus qu’entrebâiller.
Blandine : C’est grâce à Colette, et sa proposition pour La Passoire, que j’ai découvert le travail de Clarisse Lochmann. Son univers graphique m’a immédiatement séduite et emportée. Pour Fin d’été, j’ai acheté l’album sans hésiter une seconde. La couverture est magnifique, et quel titre ! S’y entremêlent mélancolie, renouveau, transmission. Quant à Stéphanie Demasse-Pottier, je la découvre avec cet album – et j’aime !
Lucie : Ce que dit Blandine au sujet du titre est très juste : trois mots, une petite fille qui ferme un parasol et nous voilà immédiatement renvoyées à nos propres souvenirs de départ. En tout cas ça a été très efficace pour moi. Avez-vous eu la même sensation ?
Linda : Je ne l’ai pas abordé sous l’angle du départ. Je pensais que l’album parlerait des vacances et des derniers instants que l’on savoure. Bien entendu cela a éveillé des souvenirs de ma propre enfance. Nous partions en juillet avec mes parents mais ils nous arrivaient souvent, jusque fin août, de goûter encore aux plaisirs des plages du nord avant de retrouver le rythme plus effréné qu’amène la rentrée scolaire.
Colette : Moi non plus, je n’ai pas du tout imaginé qu’il s’agirait d’un album sur le départ. J’étais tellement imprégnée encore de ma lecture de La Passoire que j’ai cru que l’album raconterait un évènement imaginaire, un mécanisme psychologique. Je ne m’attendais pas à une narration réaliste. Pourtant le titre aurait du me guider !
Lucie : Qu’ils relatent un mécanisme psychologique ou une narration réaliste, les deux albums que j’ai pu lire m’ont laissée avec une tristesse latente. Avez-vous ressenti la même chose ?
Blandine : Tristesse non, mais mélancolie oui. L’album, les illustrations « non figées » grâce à l’encre, nous transportent auprès des personnages, et nous emportent dans nos propres souvenirs, à la fois vrais et idéalisés. J’aimerais cette douceur de fin d’été/vacances, cette possibilité de prendre encore un peu le temps, de s’affranchir encore un peu des contraintes que la Rentrée entraîne.
Linda : J’ai pour ma part ressenti un profond sentiment de nostalgie, une volonté de retenir quelque chose, de faire durer un plaisir : les souvenirs de la nuit ou la joie des vacances.
Colette : J’ai tellement souffert de ce sentiment que la fin de l’été marquait : la fin de quelque chose de tellement plus grand et plus fort que simplement « la fin des vacances » que j’ai proposé à ma famille de ne plus laisser finir les vacances. Maintenant fin août, quand la rentrée approche, nous partons en vacances, au fil du rasoir, les jours juste avant de retourner à l’école. Une toute petite escapade mais qui nous fait nous sentir « rebelles et biens vivant.e.s » ! En fait le plus insupportable ce sont les quelques jours qu’on a tendance à prévoir pour reprendre les « bonnes habitudes » comme pour faire tampon entre deux vies, l’une de liberté, l’autre de contraintes. D’ailleurs ce sentiment en dit long sur les mécanismes qui régissent nos sociétés occidentales contemporaines dans lesquels le travail est encore très au cœur de notre existence, jusque dans son intime temporalité.
Blandine : Comme tu as raison Colette !! Cette habitude de « tout » prévoir, d’être constamment dans l’anticipation, dans le « au cas où », et qui finalement, nous empêche d’être dans le présent, dans l’instant, de vivre pleinement les moments qui s’offrent à nous, avec ceux qui nous entourent, eux-mêmes peut-être accaparés par leurs propres anticipations, parce qu’il faut se préparer, être prêts à … » Quant au travail, il faut savoir couper, mettre de la distance, car il est facile de le laisser s’infiltrer à tous les moments de notre vie, par le biais des téléphones (surtout) qui nous servent à être joignables à tout moment et partout par les mails, messages, appels. Ou « simplement » pensées.
Lucie : Tu as raison Blandine, « mélancolie » est le terme juste. Quant à la fin des vacances, ce petit moment volé m’a fait penser à ce que Timothée de Fombelle raconte dans Neverland : le départ du dimanche soir, à contre courant des vagues de retour pour un dîner-pique-nique à Fontainebleau (de mémoire). Cette capacité à saisir l’opportunité, à offrir des moments inattendus et précieux à ses enfants… C’est rare !
Blandine : Je vais faire remonter Neverland sur le dessus de ma PAL moi ! Ce qui empêche, ce sont des mécanismes ancrés d’habitudes, de transmission familiale, de craintes diverses. Il faudrait oser, oser oser même !
Linda : Oui c’est tout à fait ça ! Il est important de vivre l’instant présent, d’être spontané et de toujours laisser de la place à l’imprévu. Il y a toujours un plaisir immense à organiser les vacances, cela permet de se projeter. Mais une fois sur place, j’aime que nous ne fassions pas ce qui était prévu pour nous laisser porter par nos envies du moment. Au final nous savourons vraiment plus ces instants, pour la liberté qu’ils nous donnent de vivre pleinement une journée déconnectée de la rigidité du calendrier.
Lucie : Dans l’album, cette manière de retarder le retour m’a vraiment plu. Stéphanie Demasse-Pottier pousse plus loin que le traditionnel pique-nique sur la route. Cette nuit à la belle étoile est très jolie idée. Cela m’a donné l’impression que les parents n’avaient pas perdu leur âme d’enfant. Qu’ils sentaient la peine de leur fille et qu’ils décidaient de faire à leur famille un dernier cadeau, souvenir précieux, de leurs vacances. J’ai vraiment aimé que l’enfant semble associé à la décision de dormir dehors, au choix du lieu de campement… Le souvenir et le temps (qui passe, que l’on décide de prendre ou non) me semble central dans cet album. Qu’en pensez-vous ?
Colette : Le temps en effet est au cœur de cet album : il y est question du temps que l’on prend, en famille, pour écouter ses émotions, les accompagner, leur trouver une manière de s’exprimer, de se transformer. On en parle souvent pour la colère mais plus rarement pour le chagrin, la mélancolie. Et puis dans cet album, c’est fait avec beaucoup de délicatesse, une certaine économie de mots, une forme de pudeur qui fait toute la beauté de l’écoute des parents. La tristesse de l’enfant résonne beaucoup en moi, j’imagine en vous aussi. Elle résonne sans doute d’autant plus que, souvent chez moi, elle n’a non seulement pas été entendue mais je n’ai jamais eu l’idée de l’exprimer. Peut-être vivions-nous cette mélancolie chacun.e de notre côté alors qu’il y a quelque chose de profondément joyeux à la vivre ensemble, à la célébrer ensemble.
Linda : Le temps rythme l’album de la même manière qu’il rythme nos vies. Que ce soit le temps que l’on prend, celui qui nous pousse à aller plus vite ou à ralentir, ici il est connecté aux émotions de chacun des personnages et c’est probablement pour cela que cet album nous touche autant. C’est aussi parce qu’ici les parents sont bienveillants, écoutent et accueillent les émotions de leur enfant avec délicatesse. Comme Colette, c’est quelque chose qui me touche intimement car mes émotions, surtout si elles étaient négatives, n’étaient pas entendues et il était même préférable de les taire. J’imagine que cela est lié à l’évolution du regard que l’on a sur l’enfant… Toujours est-il que je me demande également s’il ne serait pas plus agréable de partager notre mélancolie pour la rendre plus agréable.
Blandine : Je vous rejoins complètement sur le rapport au temps. Prendre le temps de faire les choses, comme de (re)connaître nos ressentis. Je crois aussi qu’il y a quelque chose de générationnel dans l’expression possible des émotions et de leurs diversités. Pour preuve l’incroyable production (et pas seulement littéraire) autour d’elles. Ce qui était auparavant tu, indéterminé, non nommé ou réduit est désormais recherché dans toutes ses nuances. Être mélancolique, ce n’est pas forcément être triste ; être contrarié, ce n’est pas être en colère, etc. Parents et enfants sont encouragés à identifier les émotions. Cela crée ou renforce des liens, favorise des échanges et discussions. Mais il faut aussi garder de la spontanéité, de la surprise. Ce que font les parents de cet album. Et j’aime ça !
Lucie : Pour conclure, je vous propose de revenir un instant sur l’univers graphique de Clarisse Lochmann. Comme vous le disiez au début de cette discussion, c’est en grande partie ce qui vous a attirées vers cet album. J’ai eu la chance de rencontrer Clarisse Lochmann dans un festival, et elle plaisantait en disant qu’elle faisait des tâches et qu’elle débordait. Ces illustrations un peu floues sont en effet une marque de fabrique immédiatement reconnaissable. Que vous inspirent-elles ?
Blandine : Des tâches peut-être, mais avec un très fort pouvoir évocateur. J’aime qu’il n’y ait pas de contours, pas de limites, que ça déborde. La base est commune mais chacun y voit, y trouve, y ressent ce qu’il veut, ce qui s’impose. De fait, l’expérience de lecture est unique et sans cesse renouvelée. C’est très poétique. Paradoxalement, cette « liberté » peut aussi en dérouter certains.
Linda : De bien jolies tâches alors ! C’est un style graphique que j’apprécie énormément car ce flou laisse place à l’imagination de chaque lecteur et permet de laisser s’exprimer ses propres représentations. C’est vraiment poétique ! Comme le dit Blandine, ce style propose une expérience de lecture qui se renouvelle, ce qui est toujours très plaisant.
Colette : Ce que j’aime aussi dans le style de Clarisse Lochmann c’est qu’elle laisse les traces de ses esquisses, que l’on devine le crayon à papier. Je suis toujours pleine de gratitude pour les artistes qui nous montrent comment ils/elles travaillent, je trouve que c’est très généreux de partager avec nous, même implicitement, leurs secrets de fabrication.
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Nous espérons vous avoir donné envie de découvrir les albums de Clarisse Lochmann, qu’elle les ait réalisés seule comme La Passoire ou avec sa complice Stéphanie Demasse-Pottier comme Fin d’été ou Même les crocodiles n’ont pas sommeil ! Pour notre part, vous l’aurez compris, nous sommes sous le charme !
Voici l’été. Le moment des congés qui permettent (parfois) de se retrouver et d’arrêter la course folle de l’année pour enfin prendre le temps. Pour soi, pour ses proches, et… pour la lecture !
Il s’agit à la fois de mon premier billet d’été et de mon premier SWAP. Ces premières fois, suite à mon arrivée à l’ombre du grand arbre et des échanges qui en ont découlé, sont assez émouvantes.
Les lectures se mettent au vert
Et l’émotion était justement au cœur du magnifique colis envoyé par Alice, notamment avec le très touchant En émois de Anne Cortey.
En émois, Anne Cortey, L’école des loisirs, 2019
Les émotions adolescentes exacerbées sont au cœur de ce roman se déroulant pendant les vacances d’été en Provence. Mon avis complet ici.
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Anne Cortey toujours, avec la complicité de l’illustratrice Anaïs Massini, partage dans Le souffle de l’été quatre instantanés, quatre moments qui semblent anodins mais qui sont les précieux indices de vacances réussies. Un rêve de douceur et de simplicité qui rappellent de beaux souvenirs d’enfance. Mon avis complet ici.
Le souffle de l’été, Anne Cortey et Anaïs Massini, Grasset Jeunesse, 2017
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Ce SWAP se voulait aussi « écolo » et source de réflexion sur « l’après ». Et c’est avec Je suis l’arbre d’Eric Singelin que le pont s’est fait naturellement.
Je suis l’arbre, Eric Singelin, Gallimard Jeunesse, 2017
Un tout petit livre pop-up aux couleurs éclatantes, qui montre de manière très poétique et singulière les ressources infinies de la nature face aux agressions humaines. La vie d’un arbre évoquée en douze pages avec une rare sensibilité. Mon avis complet ici.
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Ce discours est aussi au cœur du combat de Greta Thunberg dont le livre Rejoignez-nous a été l’un des succès de ce SWAP.
Si cet « impératif » me met mal à l’aise et que certaines méthodes me semblent assez démagogiques (la grève du vendredi pour les adolescents), les initiatives et les prises de conscience se multiplient et c’est bien l’essentiel !
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Merci encore à Alice pour ce colis plein d’attentions.
Entre émotion, vacances de rêve et réflexions écologiques, il me reste à vous souhaiter un bel été !