Ces livres qui font grandir les enfants

ces livres qui font grandir les enfantsD’abord édité en 2008, l’essai de Joëlle Turin, Ces livres qui font grandir les enfants  (Didier jeunesse, collection passeur d’histoire 20 €), a été réédité dans une version augmentée en 2012. L’auteure y explore les domaines évocateurs de la vie de l’enfant : ses jeux, ses peurs, ses grandes questions, ses relations avec les autres, le monde de ses sentiments et les pouvoirs de l’imagination. Les albums qui y sont présentés sont analysés finement à la lumière des observations de terrain faites par des professionnels de la lecture aux enfants.

Si cet ouvrage s’est rapidement imposé comme une référence pour les professionnels, il est également très accessible au grand public.

A l’ombre du grand abre, nous sommes nombreuses à le feuilleter régulièrement et toujours avec plaisir. Cela méritait bien une petite lecture commune.

Chlop: Un ouvrage théorique sur la littérature jeunesse, quelle drôle d’idée, mais à qui ce livre s’adresse-t-il d’après vous ?

Pépita: Trés bonne question ! À toute personne désireuse d’accompagner l’enfant vers et avec les livres. Le titre est déjà une belle invitation et la nouvelle couverture, avec ces personnages tout droits sortis de classiques de la littérature jeunesse, comme des fées penchées sur un berceau, je la trouve bien appropriée.

Sophie: C’est un livre pour tous les professionnels de la littérature jeunesse et en particulier pour ceux qui mettent en pratique avec les enfants. Il est aussi très intéressant pour ceux qui travaillent avec des enfants sans forcément être professionnels du livre

Colette: Je pense que cet ouvrage s’adresse à tous ceux qui se passionnent pour la littérature de jeunesse, pas nécessairement des professionnels de l’enfance mais juste des lecteurs adultes qui trouvent tout leur intérêt entre les pages d’un album !

Carole: Effectivement, pour les professionnels mais aussi pour tous ceux qui s’intéressent à la littérature jeunesse, les curieux, les étudiants en formation, les parents pourquoi pas ? Personnellement je le feuillette régulièrement depuis longtemps, notamment pour y trouver des références et pour étayer un point de vue.
Ah, un livre de « spécialiste » alors, adapté aux passionnés, mais pour celui ou celle qui n’est pas dans le milieu, c’est lisible ? Ce n’est pas un peu élitiste, un bouquin qui ne parle que de livres pour enfants ?
Sophie: Je pense qu’à partir du moment où on connaît un peu ce domaine de la littérature jeunesse, on peut y trouver des choses intéressantes autour du développement de l’enfant par le livre. En tous cas, je l’ai trouvé assez accessible, avec beaucoup d’exemples donc plutôt concret.
Colette: Justement je ne le trouve pas du tout élitiste, la langue utilisée est très claire, il n’y a pas de jargon -contrairement à d’autres livres théoriques sur la littérature de jeunesse que je n’ai pas réussi à lire jusqu’au bout malgré mon engouement pour ce genre – et tous les thèmes abordés touchent à des questions qui concernent chaque humain.
Pépita: Oui, en effet, c’est le risque mais c’est toujours le risque de ce genre de livre de tomber dans cet écueil. Il n’y tombe pas complètement de par sa structure je trouve, proche des préoccupations des tout-petits. Et on peut le lire soit de façon linéaire ou en piochant dedans.
Colette: Oui Pépita c’est un aspect du livre que j’ai adoré : on peut picorer assez librement dedans ! Choisir un thème, choisir une analyse de livre en particulier, ce qui le rend encore plus accessible à un lecteur néophyte.
Carole: Idem, son organisation thématique le rend aussi ludique, le style est clair, et pas pompeux ni trop technique, et les exemples suffisamment nombreux pour que chacun s’y retrouve

Ok, alors maintenant qu’on sait que c’est un livre accessible, revenons au titre. Pépita soulignait qu’il était une belle invitation, mais encore ? Qu’est ce que ça nous inspire déjà ce titre avant même d’ouvrir le livre?

Colette: J’aime beaucoup ce titre car c’est un de mes leit motiv dans mon métier : LES LIVRES FONT GRANDIR LES ENFANTS !!! Les livres donnent du grain à moudre à chaque petit lecteur, ils les tirent vers le haut ! Le démonstratif utilisé dans le titre quant à lui nous annonce une liste de titres, ce qui pour le lecteur avide de lectures phares est un atout indéniable. Il y a un côté prescriptif dans le titre qui n’est pas pour me déplaire, j’aime beaucoup suivre les traces de lecteurs plus expérimentés que moi .

Sophie: Bien dit ! Rien à ajouter.

Pépita: Ce que j’aime dans ce titre c’est d’affirmer clairement que les livres font grandir les enfants, que c’est une nourriture aussi essentielle à leur développement. Je suis un peu plus réservée sur le démonstratif : il sous entend que ceux là sont les meilleurs en délaissant les autres …mais en fait non, c’est trompeur car le contenu prouve le contraire. Une belle accroche donc pour un livre de référence et je te rejoins Sophie dans le fait qu’il faut l’avoir à portée de main.

Carole: Le titre est effectivement une invitation. En revanche, j’ai considéré le démonstratif « ces » comme parlant de « cette » littérature jeunesse au sens large. Comme une sorte de reconnaissance de l’importance, de la richesse, de la diversité de cette vraie littérature exigeante. Et les nombreux exemples donnés en sont l’expression, il me semble.

C’est une affirmation forte quand même ! Est-ce qu’elle parvient à convaincre, après tout, Joëlle Turin est une spécialiste des albums plus que des enfants, elle n’est pas éloignée du monde de l’enfance. Elle s’appuie sur quoi pour affirmer cela ?

Colette: Je ne savais pas que l’auteure n’était pas une spécialiste de l’enfance mais en tous cas, si elle n’a pas expérimenté les albums dont elle parle avec les enfants, elle est super forte pour dénicher ceux qui font mouche auprès du jeune public. Les albums dont elle parle sont quasiment devenus des « classiques » de la littérature jeunesse et pour en avoir lu pas mal à mes Petits-Pilotes, ce sont vraiment des livres qu’ils plébiscitent.

Sophie: Elle connait bien le développement de l’enfant, ses questionnements… et c’est ce qu’elle utilise pour thématiser son livre. Les jeux, la peur, les grandes questions philosophiques, le rapport à l’autre, les émotions, l’imagination : voilà autant de grands sujets qui sont abordés dans ce livre. On connaît (pas forcément d’ailleurs) l’importance de ces notions théoriques dans l’enfance, elle, elle rapporte ça aux livres, aux histoires qui s’en inspirent pour aider l’enfant à mieux les appréhender, mieux les comprendre.

Pépita : Oui elle parvient à convaincre car elle donne des exemples concrets de pratiques, des albums qui ont fait leurs preuves, qui sont devenus des classiques de par leur appropriation par des gens de terrain ( professionnels de la médiation du livre au sens large) et par les enfants eux-mêmes. Et parce que « lire c’est bon pour les bébés  » commence à faire son chemin grâce à des pionniers en la matière.

Carole : C’est par la pratique enseignante en maternelle que je l’ai trouvé ce livre, donc plutôt du côté petite enfance que littérature. Et me servant des albums notamment comme supports pédagogiques, les pratiques qu’elles proposent sont vraiment chouettes à explorer in situ.

Ah, très bien, donc une affirmation forte (à laquelle nous adhérons sans réserve sous l’arbre mais qui peut parfois étonner), qui est argumentée à la fois par la connaissance des albums et par l’expérience de terrain. C’est effectivement les deux piliers qui font la force de cet ouvrage.
Pépita soulignait que le titre suggère que tous les livres ne sont pas également porteurs pour les enfants (l’utilisation de « ces » plutôt que « les »), qu’en est- il dans le livre?

Colette: Dans le livre, tous les exemples analysés sont des albums très forts, très originaux qui ont marqué pour beaucoup l’histoire de l’édition jeunesse, tous les titres sont porteurs de sens aussi bien pour l’adulte que pour le petit qu’il accompagne.

Pépita : Dans le livre, on ressent tout le contraire : « ces » livres-là sont à prendre vraiment dans le sens d’incontournables car ils participent de facto au développement de l’enfant : le nourrir, l’interroger, le placer face à ses angoisses, lui apporter des réponses, lui permettre de revenir encore et encore tant qu’il n’aura pas terminé sa propre appropriation. Mais le plus de ce livre, c’est de permettre à l’adulte, néophyte ou pas d’ailleurs, peu importe, d’avoir des clés de lecture, voire des clés de questionnement et de se mettre à la portée de l’enfant. Et le must de ce livre est de démontrer que la littérature pour enfants est une littérature adaptée à leurs besoins et qu’il ne faut pas s’en priver.

En effet, si on n’y trouve pas de définition de ce qu’est un « bon livre », on y trouve quantités de livres qui sont bons et on découvre pourquoi ils le sont.
L’analyse du texte, de l’image, mais aussi de l’effet qu’il produit chez le jeune lecteur à qui il s’adresse est vraiment un axe parlant.

Il me semble qu’il y a aussi, en filigrane, une vision de l’enfance, très respectueuse, et de la façon dont il est bon d’apporter des livres aux bambins (en respectant leurs désirs). Vous avez aussi été sensibles à cet aspect- là?

Sophie : Oui c’est vrai, j’ai ressenti ça aussi, cette idée qu’il faut faire confiance à l’enfant, le laisser analyser son environnement et ses émotions, lui offrir son indépendance… Toutes ces choses qui peuvent être facilitées avec les livres.

Pépita : Oui complètement. Pas de côté moralisateur mais un côté  » je vous propose, à vous de disposer et de partager avec votre enfant ces livres qui ont fait leur preuves chez beaucoup d’entre eux, alors pourquoi pas le vôtre ? Essayez, vous verrez…

Colette : Absolument !!! Et une vision de la parentalité aussi peut-être. Je suis en pleine recherche sur ma manière d’être mère, comment sortir de la « violence éducative » larvée, comment se mettre à portée des enfants (les miens aussi bien que ceux que j’ai en face de moi chaque jour en classe d’ailleurs) et les exemples analysés par Joëlle Turin m’apportent des réponses. Les titres analysés dans le chapitre « venir au monde » par exemple correspondent vraiment à ce que j’ai pu vivre avec mon aîné quand nous avons parlé de la naissance, la sienne puis celle à venir de son frère : les livres cités sont des nids à eux seuls pour accueillir en douceur la parole de l’enfant.

Tiens, c’est amusant ce que tu dis Colette, je me suis fait la réflexion que dans la bibliothèque de mon quartier ce livre est classé dans les ouvrages théoriques sur la littérature jeunesse alors que moi je l’aurais mis dans ceux sur l’éducation.
Parce que après tout, la lecture et son importance, c’est des choses dont on devrait  parler davantage aux jeunes parents, parfois c’est d’un plus grand secours que des ouvrages sur le développement de l’enfant ou la « bonne façon » d’être parents.

Colette : Complètement d’accord : c’est pourquoi j’aime offrir aux jeunes parents de mon entourage des albums à partager avec leurs bébés ! Et depuis deux ans lors de notre première réunion parents-professeurs, j’offre aux parents qui se déplacent un recueil de 7 histoires pressées de Bernard Friot que je les invite à lire chaque soir de la semaine avec leur ado car je suis intiment convaincue que quand on lit, on lie !

Pépita : Exactement : dans « ma » bib, j’ai créé en jeunesse un fonds professionnels ( au sens large) avec trois thématiques larges elles aussi, et ce livre est dans « éveiller l’enfant  » et utiliser un verbe est beaucoup plus dynamique, cela incite à l’action.
Je vous rejoins à fond sur la parentalité qui est largement interrogée aujourd’hui.

Vous comme moi étiez déjà convaincues de l’importance de la lecture aux enfants, quand vous l’avez lu, est-ce que ce livre a été pour vous une motivation supplémentaire ? Est-ce que vous avez eu envie de découvrir des albums qu’elle cite que vous ne connaissiez pas?

Colette : Oh oui oui oui !!! Le tout petit invité d’Hélène Riff a l’air d’être une merveille aussi bien sur le fond que la forme. Je ne le connais pas du tout et j’ai très envie de le manipuler, de l’expérimenter, de le toucher ! Et puis il y a beaucoup d’albums que ce livre m’a invité à retourner voir, parce que des choses m’avaient sans doute échappé.

Pépita : Oui, d’une part en découvrir qu’on ne connaît pas et d’autre part approfondir les autres. Les albums ont cette faculté qu’ils interrogent en permanence. Par contre, c’est frustrant de lire des analyses d’albums comme celui que tu cites Colette, il est épuisé.

Sophie : En lisant ce livre, j’ai redécouvert autrement des titres que je connaissais et en effet, j’en ai découvert d’autres que j’aimerais maintenant lire. J’ai surtout eu envie de pousser ma réflexion plus loin sur certains titres. Je pense par exemple à l’album « Me voici » de Friedrich Karl Waechter qu’on avait déjà lu ici, et dont on avait fait une interprétation différente.

Pépita : Oui Sophie, je me suis faite la même réflexion.

Colette : Un titre que je ne connais pas, à découvrir !

C’est vrai que outre la découverte de nouveaux titres, on pose aussi sur les albums qu’on connait déjà un œil nouveau.
J’allais justement vous demander, pour conclure, si ce livre vous avait fait changer de regard sur un album ou fait évoluer votre façon de lire aux enfants.

Pépita : Mais sur plein d’albums ça fait changer le regard… Et c’est ça qui est bien de se remettre en cause. Sur la façon de lire non, on lit avec sa personnalité, sa voix, son corps… Je dirais que c’est plus intériorisé du coup… Par contre être plus dans l’observation pour certains albums sur la façon dont les enfants les perçoivent, oui. Et c’est magique !

Sophie : Comme Pépita, je ferais plus attention à ce qu’un album apporte particulièrement aux petits. Ce livre permet de faire un peu de rangement dans ses idées : savoir que la façon d’aborder un thème à telle ou telle signification dans le développement de l’enfant par exemple. Pour ce qui est de changer sa façon de lire, ça ne changera pas fondamentalement pour les mêmes raisons que ce qui a été dit.
Une chose est sûre, j’ai quelques lectures d’albums à prévoir et à mettre en parallèle avec le contenu de ce livre !

Colette : Ce livre n’a pas changé ma façon de lire aux enfants je pense car j’étais déjà convaincue de ce qui se joue dans la lecture d’albums mais il m’a terriblement donné envie de renouer avec l’analyse littéraire !!! J’ai eu envie en le refermant d’écrire des chroniques qui soient aussi précises, aussi sensibles à l’alliance du fond et de la forme, qui traite l’album jeunesse comme une œuvre d’art à part entière, riche de sens multiples.

Pépita : Oui et je trouve que c’est très difficile….Ce type de livre nous aide justement à prendre de la hauteur, mais à hauteur d’enfant. Et c’est déjà pas mal….

Carole : Idem, après ma première lecture, j’ai changé ma façon de proposer les albums en classe, et la disposition aussi. C’est aussi pour cette raison qu’il fait partie de mes « indispensables » toujours à portée de main. Et aujourd’hui que j’enseigne aux étrangers, je le reprends souvent. Il m’aide à remettre en question mes pratiques, ce qui dans le domaine de l’éducation, au sens large, me paraît si ce n’est nécessaire, vital, pour les élèves mais surtout pour moi. Ces livres qui nous font avancer, nous bousculent, nous questionnent, nous aident à grandir aussi, non ?

Effectivement, la lecture de cet essai est stimulante, on a envie de lire tous les albums proposés et plus encore de les lire à des enfants… A ce propos, Pépita soulignait que c’est parfois frustrant de lire les analyses d’albums épuisés. Je partage pleinement cet avis, la question des livres chers à nos cœurs qui sont actuellement indisponibles doit se poser, pourquoi pas à l’occasion d’un débat prochain à l’ombre du grand arbre ? 

Collection « Bon pour les bébés »

A l’ombre du grand arbre, on lit volontiers aux bébés. Dans le cadre de notre travail, dans la sphère familiale ou les deux,  plusieurs d’entre nous ouvrent facilement un album face à un enfant âgé de quelque mois à peine. Alors quand un éditeur sort une collection qui s’appelle « Bon pour les bébés », forcément, on a envie de voir ce que ça donne.

Nous aimons, vous le savez,  croiser les regards, donner un avis pluriel, qui ne se veut pas prescripteur mais cherche à donner un ou plusieurs éclairages sur les livres. Après les avoir lus mais aussi utilisés avec des bébés, nous vous livrons donc aujourd’hui notre point de vue sur cette collection qui se veut atypique.

Voilà donc une toute nouvelle collection, dont le titre est très explicite, que vous évoque-t-il?

Pépita : Comme ça, sans réfléchir, une gourmandise, des livres qu’on a envie de mâchouiller, baver dessus, retourner dans tous les sens,…

Colette : Alors c’est mon côté « pédagogue » qui prend souvent le dessus dans mes interprétations diverses, et quand j’ai lu « bon pour les bébés » j’ai pensé livres adaptés aux compétences sensorielles et intellectuelles des bébés, c’est-à-dire des livres adaptés à leur vue, à leur motricité, à leur taille…

Sophie : Comme Pépita, je suis plus dans l’aspect ludique avec des livres bien costauds pour qu’ils puissent les manipuler, jouer avec, se les approprier.

Bouma : Moi je serais plutôt dans l’approche de Colette.

Donc vous n’y avez pas vu une référence au livre de Marie Bonnafé « Les livres c’est bon pour les bébés »? D’ailleurs, l’argumentaire qui entoure la sortie des albums  fait référence aux travaux d’ACCES (Actions Culturelles Contres les Exclusions et les Ségrégations). Cet argumentaire au fait, l’avez-vous lu avant de découvrir les albums ?

Sophie : En fait, j’ai vu cette référence indirectement puisqu’en Ille et Vilaine, la médiathèque départementale propose une exposition du même nom et c’est à ça que j’ai d’abord pensé. J’ai lu l’argumentaire de Thierry Dedieu en découvrant les livres, juste avant ou juste après, je ne sais plus. Sur le principe, je suis d’accord avec ce qu’il énonce : le très grand format, les contrastes visuels, la musicalité des mots. Sur ce qu’il en fait, c’est plus mitigé.

Pépita : oui moi aussi. j’ai lu tout ça mais quand je vois le produit final (et je parle volontairement de produit) , je ne m’y retrouve pas et cela ne colle pas vraiment avec mon expérience.

Bouma : Moi j’ai découvert cette collection avec l’argumentaire de l’éditeur qui met en avant l’expérimentation qui en a été faite par la bibliothèque départementale du Gers.
Alors forcément j’ai eu envie d’en savoir plus.

Colette : euh… alors moi, je suis une maman passionnée de livres pour bébé et j’ai une super bibliothécaire (oui oui vous savez ma-bibliothécaire-préférée !) qui m’a mis de côté deux exemplaires de cette collection un samedi aprem et c’est là que je les ai découverts après avoir été alertée par mes copinautes, c’est-à-dire : vous ! Je n’ai donc rien lu avant, ni Marie Bonafé (emprunté plusieurs fois mais jamais réussi à le lire en entier) ni l’argumentaire de Mr Dedieu !

Alors voilà donc une collection qui annonce qu’elle est bonne pour les bébés et qui apporte la caution d’ACCES pour valider cela, l’argumentaire dit aussi « bon nombre d’idées reçues vont tomber », est-ce qu’effectivement vous avez été surprises des choix de la collection?
Le grand format, le noir et blanc, les textes complexes, ce sont des choses qui vous semblaient appropriées pour les plus jeunes lecteurs ?

Pépita : Justement, c’est ça qui me gêne ce cautionnement et cet estampillage « Bon pour les bébés 0- 3 ans »…ça prouve quoi ??? C’est enfermer la capacité d’appropriation dans une tranche d’âge donnée. Et du coup, c’est trop intellectuel comme concept.
Alors le format : pourquoi pas un grand format ? Mais bon, ça demande quand même un peu de manipulation pour le tout-petit (moins de 2 ans par exemple, pas évident). Mais je veux bien.
Les contrastes : rien de nouveau sous le soleil, on le sait que les bébés sont très sensibles puisque leur vue n’est pas encore trop accommodée, si on s’intéresse un tant soit peu à leur développement.
Ensuite les textes : deux d’entre eux me vont (Tas de riz tentant et le grand cerf, quoique le chasseur…) mais les deux autres ! Si mettre en avant Cyrano et Pythagore, c’est faire tomber des barrières, qu’on m’explique ! J’ai bien peur au contraire que cela n’en rajoute. C’est pas de l’élitisme ça ?
Par exemple, je préfère nettement le travail de Pascale Estellon aux Grandes personnes avec ses deux imagiers : ils laissent la part belle à l’imaginaire et à l’appropriation par le jeu. Il n’y a pas cette volonté de vouloir affirmer que la petite enfance est un public qu’on peut facilement mettre dans sa poche avec un discours pseudo-pédagogue.

Sophie : Je ne rajoute rien, je suis totalement d’accord avec Pépita !

Pépita : et pour préciser ma pensée…
Ce cautionnement, je le trouve limite : une recherche de légitimité pour être légitime ? On se couvre du coup, une façon de parer les critiques, « ah ben non, vous voyez, on a testé et pas avec n’importe qui ! « . Ceci dit, sur le terrain avec les petits, je ne conteste absolument pas que cela soit bien fait, au contraire, mais c’est l’esprit qui me dérange.

Alors, effectivement, ce sont généralement les même titres qui font débat, mais finalement, qu’est-ce qui les distingue des deux autres titres? En quoi Pytagore ou Cyrano créent-ils plus de barrières, en quoi pour toi sont-ils plus élitistes que les deux autres titres ?

Bouma : Je dirais simplement parce qu’ils véhiculent des références que tous les parents n’ont pas tant dans la provenance de l’extrait choisi que dans la langue utilisée elle-même. Pas facile d’encourager un adulte à lire à son enfant si celui-ci se trouve en défaut devant. En tout cas, en ce qui me concerne personnellement, je ne lis pas à mes enfants (ni à ceux des autres) des livres que je ne comprends pas.

Sophie : D’accord avec Bouma, Pythagore et Cyrano, ce sont des références culturelles d’adultes qu’on maîtrise ou pas d’ailleurs. Tas de riz  et  Dans sa maison, un grand cerf , ce sont des références aussi mais bien plus ancrées dans la culture populaire commune. Donc moins à même de déstabiliser les parents et surtout qui favorisent l’échange entre petits et grands.

Pépita : C’est exactement cela. Quand on n’a pas les clés de lecture culturelles, l’adulte est mis en défaut face à son enfant. C’est élitiste car ne pourrons vraiment transmettre ces textes que ceux qui ont eu cette culture ou qui ont pu se l’approprier par leurs propres moyens (autodidacte). Personnellement, j’ai essayé de les lire à des parents en demande de conseils, et je n’y arrive pas. Paradoxalement, je connais ces références mais je suis mal à l’aise à les dire, à les porter car je ne sens pas d’adhésion de la personne à ce que je suis en train de lire, ça tombe comme un soufflé…Pour Pythagore, j’ai l’impression de réciter une leçon et pour Cyrano, ce n’est qu’un extrait enlevé de son contexte, la langue amène beaucoup d’emphase dans le ton. Après, je ne dis pas qu’il ne faille pas mettre ces textes à disposition ! Mais là, j’y ressens comme une sorte de « violence » par rapport au public ciblé.

Oui, je comprends, donc c’est plutôt vis-à-vis des parents que ça se joue. Les livres ont été testés avec des enfants apparemment, en l’absence de leur parents. Et, dans ce cadre, je veux bien croire que « tas de riz tentant, tas de rats tentés » ne soit pas plus parlant pour les enfants que la carré de l’hypoténuse. Concernant les enfants, la question qui se pose est « est-ce que les textes doivent être compréhensibles ? Est-ce que l’enfant doit pouvoir y mettre du sens ? »

Pépita : Oui, mais qui transmet à l’enfant, c’est l’adulte, non ? Parent ou pas d’ailleurs ! Et si l’adulte n’adhère pas ? Non, les textes ne doivent pas forcément être compréhensibles pour le petit (et je dis petit délibérément), c’est l’intention qui compte. Les tout-petits sont plus sensibles aux sons des mots plus qu’à leur sens. Mais si l’adulte qui transmet n’est pas à l’aise, que se passe-t-il ? Je m’interroge en tant que passeur mais peut-être effectivement faut-il s’autoriser à aller vers de nouvelles formes ? Je suis ouverte à tout ! Mais il y a un tel décalage dans ces quatre titres que je ne peux qu’être interpellée : pourquoi alors ne pas avoir édité les quatre sur le même modèle, celui qui se veut faire abattre des barrières, et en l’occurrence les deux titres qui posent débat ? Au moins il y aurait eu une pertinence. Ce que je crains, c’est la commande de l’éditeur auprès d’un auteur et illustrateur de renom, dans le domaine porteur de la petite enfance, avec une réflexion à la « vas-y que je te pousse », bref, un pur produit commercial.

Colette : Je suis complètement d’accord avec Pépita et comme vous je suis dubitative devant le choix des textes et j’insiste sur l’incongruité du format également très peu pratique pour des « 0-3 ans » qui aiment manipuler à pleine main ! Et vraiment je ne trouve pas la démarche très novatrice quand on pense au travail sur les contrastes de Tana Hoban dans les années 90. Bref une collection qui me laisse vraiment sceptique …

La question du sens donc… Et la question de l’aisance de l’adulte dans la lecture… Mais, finalement, quand on lit (ou dit) « am stram gram » à un bébé, sait-on vraiment ce qu’on dit ? A-t-on besoin d’y mettre du sens ? En quoi est ce différent dans ces albums ?

Sophie : Ça ne me gêne pas forcément qu’il n’y ait pas de sens tant que c’est adapté à l’enfant, qui lui en trouvera. Je pense par exemple à l’album  A ba ba  de Malika Doray, il n’est fait que de babillements et ça va être un jeu pour l’enfant qui va se reconnaître dans ces sons.
Dans cette collection, ce qui me gêne c’est la récupération de textes, sortis totalement de leur contexte et de leur sens propre. Je ne trouve pas l’intérêt, ni pour l’adulte qui ne les maîtrise pas forcément, ni pour l’enfant !

Bouma : Super bien dit Sophie, rien à rajouter pour moi.

Colette : Comme Sophie, je ne comprends pas le choix des textes, je ne pense même pas que ce soit une entrée vers des textes fondateurs de la culture humaine. Comme Pépita je trouve la démarche trop intellectualisée – et pourtant vous savez à quel point je cherche souvent aux livres un intérêt pédagogique, déformation professionnelle oblige !

Je comprends vos arguments mais quelque part ça ce sont des problèmes d’adultes. Les enfants, eux, peuvent juste voir que « hypoténuse » c’est un joli mot et les sonorités de la tirade du nez peut les laisse rêveurs, non?

Colette : Je suis d’accord avec toi Chlop mais pas la peine de rééditer les textes alors dans un format labellisé « spécial bébé » : lisons Cyrano dans le texte à nos loupiots ou un manuel de maths. C’est ce qu’à fait Papa-Poil-Pinceau pour mon aîné lorsqu’il était bébé : quand je l’allaitais il lui lisait des … Jules Verne !

Pépita : Exactement ! C’est toute l’ambiguïté de cette collection.

Je vois que clairement vous n’êtes pas convaincues par les choix des textes. A titre personnel, je lis assez facilement le carré de l’hypoténuse, que je trouve même assez drôle, j’ai plus de mal avec la tirade du nez parce que c’est vraiment long sur chaque image et que, effectivement, sorti de son contexte, ça ne veut pas dire grand chose.

Parlons du format à présent, on connaît les albums de Tana Hoban, beaucoup d’autres ont fait le même choix du petit format pour les petites mains, ici le choix est radicalement différent, qu’en pensez-vous ? Avez-vous testé avec des bébés ?

Colette :  Comme je l’ai dit plus haut pour moi le très grand format ne correspond pas aux bébés lecteurs, à leurs petites mains en tout cas, mais j’imagine que si un adulte le leur lit, en groupe d’autant plus, ces livres peuvent avoir un certain impact visuel.

Pépita : Je préfère pour ma part lire des grands formats à de plus grands enfants.

Bouma : Moi j’aime bien ce grand format même s’il sous-entend l’accompagnement d’un adulte pour le tenir debout. Après, les petits peuvent se coucher dessus pour regarder les dessins seuls, c’est une position très répandue que je vois quotidiennement.

Pépita, tu peux préciser pourquoi ? Et surtout, il me semble que tu as testé ces albums avec des bébés, tu nous raconte rapidement ce que tu as observé ?

Pépita : Pour la raison du besoin impérieux de manipuler les livres pour les petits. Ils sont embarrassés avec un grand format, certes, oui, ils vont se coucher dessus, essayer de le remettre debout maladroitement, se le fourrer dans l’œil, bref, pas génial. Alors qu’un plus grand enfant (niveau maternelle) va davantage apprécier ce format pour s’y immerger même totalement. J’ai un souvenir des Trois brigands en grand format de Tomi Ungerer avec des Grandes sections qui me fiche encore des frissons après plusieurs années ou Chien bleu de Nadja aussi. De grands moments de transmission réussie.
Oui, je les ai testés et ça a fait un flop complet en fait, aussi bien du côté des petits que des adultes.Mais peut-être que je n’ai pas su les porter jusqu’à eux, mon avis négatif l’emportant. Je les ai pourtant intégrés dans mes accueils, fait comme d’habitude mais les adultes ont eu par exemple un mouvement de recul avec le chasseur du grand cerf. Et je suis très mal à l’aise avec l’hypothénuse et Cyrano, je n’y arrive pas.

De mon coté, j’ai d’abord eu le même point de vue que Bouma. J’utilise régulièrement des albums en très grand format avec les bébés, en particulier les albums sur les saison de Suzan Rautrault Berner, je vois les enfants allongés dessus, qui scrutent chaque détail, ou à quatre pattes face à l’album. J’étais donc plutôt favorable à ce format en cartonné, ce qui permet de faire tenir l’album debout sur le tapis des bébés.
Mais j’avoue qu’à l’usage, je n’ai pas trouvé ça approprié. Là où les livres des saisons sont conçus pour être vus de près, les Dedieu semblent être faits pour être vus de loin, quand on les met sous le nez des bébés ça ne leur convient pas, l’image est trop grande.
Du coup, j’ai éloigné l’album de leur visage, mais un tout petit a besoin de toucher, comme l’a dit Pépita. Si le livre est trop loin pour ses bras, comment peut-il le manipuler ?
En réalité, j’ai l’impression que ces livres sont plutôt pensés pour une lecture collective. Ce qui m’étonne de la part d’ACCES, qui prône plutôt la lecture individuelle et qui, à mes yeux, ne convient pas vraiment pour des enfants de moins d’un an…

Je vois que, globalement, nous étions plutôt ouvertes et curieuses quant à cette collection et que nos observations avec les bébés ne nous ont pas totalement convaincues… Deux autres titres viennent de sortir, les avez-vous vus ? Qu’en pensez-vous?

Pépita : Je les ai vus passer, mais pas eus entre les mains. Une souris verte et Pinicho. Je ne sais pas si je vais les acheter. Je pense qu’ils sont plutôt adaptés pour après 3 ans, pour la maternelle en fait, voire plus, ce qu’ « interdit » l’estampillage 0-3 ans ainsi que le format pas adapté pour des petits par rapport aussi, comme tu le soulignes Chlop, à la grandeur de l’image.

Il semble donc que cette collection n’a pas fait ses preuves à nos yeux, peut être l’usage finira-t-il par nous convaincre par la suite ? De mon coté, je continue d’amener ces albums à l’occasion quand je fais des séances de lecture, ils sont choisis de temps en temps. J’ai tout de même noté une anecdote qui m’a beaucoup plue. Ce jour-là, à mon boulot, il y avait un couple avec un enfant d’un peu moins d’un an. La mère, qui me connait, me demande dans un français approximatif, si j’ai des nouveaux livres à montrer à son bébé. Je propose donc ceux-là. Sceptique mais ouverte, elle écoute. Elle me dit qu’elle ne comprend pas « tas de riz ». Je lui explique le principe du virelangue. Elle me dit alors qu’elle connait, qu’il y en a aussi dans son pays et m’en récite quelques-uns en arabe. Elle interpelle son mari qui dit qu’il ne connait pas cela, qu’il ne s’en souvient pas. Il est un peu en retrait de la conversation. Puis, quand je passe au titre suivant « l’hypotènuse », il s’exclame: « ah, ça oui, ça je connais, les maths il y en a chez nous ! »

Voilà qui bouscule en effet mes idées reçues, j’ai toujours tendance à penser que les mathématiques sont aussi difficiles d’accès aux autres qu’elles me le sont à moi. Ce jour-là, j’ai réalisé qu’il n’en était rien. Je vais donc continuer de travailler avec ces albums et, qui sait, peut être vais-je trouver la famille qui changera aussi mon regard sur la tirade du nez ?

En tout cas, si vous avez des expériences qui vont dans un autre sens, n’hésitez pas à nous en faire part en commentaire, nous sommes tout disposés à entendre d’autres avis.

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Coups de coeur de Septembre 2015

Cette fois c’est sûr les vacances sont bien finies.

Nous avons tous repris le chemin de notre quotidien, mais qu’importe, avec un bon livre, la route est douce. Voilà les coups de cœur qui nous ont accompagnés en ce mois de septembre.

Chez Colette:
Un très bel album autobiographique sans nul doute qui nous invite à suivre le fil de la passion d’un dessinateur de très grand talent ! Poésie, pertinence et pureté sont encore une fois au rdv !

La grande histoire d’un petit trait, Serge Bloch, Sarbacane

Chez Alice

La valise rose de Susie Morgenstern et Serge Bloch. Casterman, 2015

Quand les relations familiales sont dépoussiérées par le piquant et l’originalité de Susie Morgenstern, l’enfant grandit en toute sérénité…

La valise rose, Susie Morgenstern, Serge Bloch, Casterman

Chez Pépita

Ma Mère de Stéphane Servant et Emmanuelle Houdart, Thierry Magnier : un album d’une rare beauté et d’une rare justesse sur l’amour maternel, ses ambivalences et ses épanouissements. A offrir !

Ma mère, Stéphane Servant, Emmanuelle Houart, Thierry Magnier

Double coup de coeur chez Carole

2 premiers romans extras ! 2 auteurs à suivre !

DeCapesEtDeMots-204x300

De cape et de mots, Flore Vesco, Didier Jeunesse

sauvage

Coeur Sauvage, Fabien Fernandez, Oskar

Chez Bouma

Une claque, ce roman. Moi je vous le dis. Mais ne dirais rien de plus car en reparlera bientôt A l’ombre du Grand Arbre.

pyramide des besoins humains

La Pyramide des besoins humains, Caroline Solé

Dans le flacon de Céline

Ce sera les trois premiers tomes d’une nouvelle série BD de Dupuis signée Munuera : Les Campbell, une histoire de pirates, une histoire de famille où se mêlent aventure, humour et une touche d’anachronisme qui donne un coup de modernité à l’ensemble !

Les campbell, Munuera, Dupuis

Dans le tiroir

Une parenthèse de liberté dans la lumière changeante du soir… le bruissement des feuillage, l’air fraîchissant et la chaleur d’une maison. Que de belle sensations dans cet album magnifique qui prolonge le souvenir des belles soirées d’été

Aventuriers du soir

Les aventuriers du soir, Anne Brouillard, Les éléphants

C’est d’ailleurs un coup de cœur que je partage avec elle, et que vous pouvez donc retrouver aussi sur littérature enfantine.

Chez les lutines, coup double aussi:
#Bleue de Florence Hinckel. Syros.
Un coup de cœur partagé entre mère et fille. Beaucoup d’émotion dans ce roman d’anticipation. Et une bonne réflexion sur notre monde tout proche.

#Bleue, Florence Hinckel, Syros.

Boule à zéro de Ernst et Zidrou. Bamboo.
Ça fait du bien de rire sur l’hôpital, la maladie ou la mort. C’est une série de BD audacieuse avec des personnages bien trouvés.

Boule à zéro, Ernst et Zidrou, Bamboo.

Chez Sophie

Un album cartonné parfait pour le temps du coucher. Le petit lecteur reproduit le rituel du soir pour le livre, c’est amusant et ludique. Chez nous, on adore !

Le livre qui dort, Cédric Ramadier et Vincent Bourgeau, L’école des loisirs, 2015

Lectures d’enfants #20, « Il était deux fois dans l’ouest »

– Alors Mouflette, qu’est ce que tu as choisi comme livre aujourd’hui ?

Il était deux fois dans l’ouest!

– Ah, bonne idée, et pourquoi celui là ?

– Parce que je l’aime bien !

– Ah, c’est une bonne raison, mais il y a plein de livres que tu aimes bien, pourquoi celui là plus qu’un autre ?

– Parce que tu as dit qu’il fallait en choisir un seul !

– Je vois… Bon, alors, par quoi on commence… Un petit résumé rapide peut-être ?

– Oui, alors c’est l’histoire d’une petite fille qui a presque mon âge (10 ans donc) et qui part en vacances avec sa mère et sans son petit frère, mais bon, ça c’est un détail. Sa mère, elle est maquilleuse et elle amène Luna sur un tournage de film dans Monument Valley.

Au début, je me suis dis que c’était, un peu comme les livres que j’aime bien, une histoire d’une fille et, tu sais, ses copines, ses parents, sa vie quoi.

– Un livre sur les relations entre l’héroïne et les autres personnages tu veux dire ?

– Heu, oui, voilà, une histoire heu, je sais pas comment dire, une histoire qui pourrait arriver quoi, une histoire normale.

– Et c’est pas une histoire normale en fait ?

– Ben ce que je veux dire c’est que quand je l’ai lu, j’ai pas pensé que c’était… Une aventure, voilà, c’est une aventure qui fait peur. Bon, c’est vrai aussi que j’avais pas lu la quatrième de couverture. Donc, j’ai cru que c’était une simple histoire, peut être que ça allait parler surtout des vacances avec juste la mère alors que le père et le petit frère étaient restés en France. Mais non, ça, on n’en parle qu’au tout début, le petit frère pleure quand elles partent, et après on n’en parle plus.

il était deux fois dans l'ouest intérieur

– Mais il n’y avait pas d’autres indices qui pouvaient t’indiquer de quoi ça allait parler ?

– Ah, tu veux dire le dessin sur la couverture ? Oui, mais on ne voit pas trop l’aventure dessus, enfin, c’est vrai qu’on ne voit pas la mère. Mais on ne se doute pas de tout ce qui va leur arriver, avec Sloppy Joe, le scorpion et tout le reste.

– Non, c’est vrai… Qu’est ce qu’on voit dessus alors ?

-Oui, je vois où tu veux en venir. On voit Luna sur le cheval, avec Josh.

– Ah tiens, mais qui est ce Josh ?

– Josh, c’est le garçon qu’elle rencontre dans Monument Valley. Un indien (maman, ça existe vraiment la langue qu’ils parlent dans le livre ?)

– Oui, les navajos existent vraiment, leur langue aussi.

– Et c’est la vraie langue ? Dans le livre je veux dire, ils parlent la vraie langue les personnages navajos.

– Comment veux tu que je le sache ? Mais à mon avis oui, je pense qu’ils se sont renseignés avant d’écrire le livre…

– Je pense aussi… Elle est indienne l’auteure?

– Je ne crois pas, non.

– Alors, comment elle a fait pour savoir tout ça sur les indiens ?

– Sans doute qu’elle s’est documentée mouflette, qu’elle a fait des recherches.

– Ah… Ben c’est chouette en tout cas.

– Oui ? Ça t’a plu d’apprendre au passage des choses sur la culture Navajos ?

– Oui, et j’aime bien les bonus qui expliquent par exemple la fête Kinaalda ou d’autre petites choses sur les navajos.

– Moi aussi, j’aime bien.

Bon, reprenons, donc il y a Luna et sa mère, qui sont venues pour un tournage à Monument Valley, et Josh, rencontré sur place, et des éléments de la culture indienne. Quoi d’autre ?

– Ben, l’aventure comme je disais.

– Oui ?

– Je raconte tout ?

– Non, juste un peu, ce que tu raconterais pour donner envie à quelqu’un de le lire.

– Alors Josh emmène Luna sur son cheval, pour une promenade. Et en chemin, il espère que tout va bien se passer. C’est là qu’on comprend que ça va devenir une histoire d’amour. Parce qu’il croise les doigts pour qu’il n’y ait aucun problème et qu’elle lui prenne la main. Pas de chance, il y en a plein des problèmes qui arrivent, tous ceux auxquels il a pensé arrivent en fait ! Et ça fait peur !

– Ah, et ça c’est chouette, d’avoir peur ? 

– Ah oui, c’est chouette ! Parce qu’on se doute bien que ça va bien se terminer, et puis en plus, c’est Josh et Luna qui racontent l’histoire donc c’est qu’ils sont pas morts. Moi j’aime bien, quand ça fait peur, lire très vite pour arriver à quand ça va mieux. Et après, relire tout lentement, quand je sais qu’ils vont bien mais que eux, ils ne le savent pas. Alors le scorpion, Sloppy Joe, le coyote, tout ça, on n’a plus peur.

– Je comprends. Tiens, tu dis que c’est eux qui racontent l’histoire, tu veux dire quelque chose là-dessus ?

– Ils racontent chacun leur tour un bout. Au début c’est elle, et puis lui, et puis elle et puis…

– Ok, je crois qu’on a compris le principe. Et t’en pense quoi de ça ?

– Ben… c’est bien ?

– C’est tout ? Quel effet ça fait ?

– ?

– On a leur point de vue à tous les deux…

– ?

– On peut s’identifier aux deux du coup, non ? Ou avoir de l’empathie pour les deux ?

– Oui, voilà…

(bon, je vous l’accorde, je lui ai un peu arraché de la bouche, cet aspect qui me semble important n’a pas l’air de l’être pour elle…)

– Un dernier mot sur ce livre ? Quelque chose que tu dirais à quelqu’un qui se demande s’il a envie de le lire ?

– C’est pas une histoire d’amour, tu sais, gnian-gnian, fleur bleue, eau de rose tout ça. C’est une aventure avec dedans un peu une histoire d’amour. Pas nunuche.

– Ah, c’est vrai que c’est important de le souligner. Autre chose ?

– Il est gros mais il se lit franchement vite.

– Oui, c’est le cas de tous les livres de cette collection.

– Et aussi y’a des dessins sympa dedans, et puis des bonus entre les chapitres, qu’on peut ne pas lire (mais on les lit, parce qu’ils sont rigolos). Et puis, ben, j’ai bien aimé quoi.

il était deux fois dans l'ouest intérieur1

– Moi aussi Mouflette, j’ai bien aimé.

Ce sera donc le mot de la fin.

Il était deux fois dans l’ouest est un livre de Séverine Vidal, illustré par Anne-Lise Combeaud, édité par Sarbacane, collection Pépix. Vendu dans toutes les bonnes librairies au prix de 10€90.

Carte postale basque

Mes très chers copinautes,

Je vous écris de la côte Basque, tantôt côté espagnol tantôt côté français, où nous passons des vacances en famille dans les petits campings du coin.

On se balade pas mal, au gré de la météo surtout, le camping sous la pluie n’étant pas notre tasse de thé.

la vague

La vague, Suzy Lee, Kaléidoscope

Ma mouflette s’éclate dans l’eau, on la croirait tout droit sortie d’un album de Suzy Lee, face à la mer, elle rugit, saute, se cache et recommence. Ici les vagues sont énormes, d’ailleurs l’une d’entre elle m’a surprise et l’eau est rentrée dans mes chaussures. Ce qui a bien fait rire toute ma famille.

Ma cadette, elle, est plus prudente, elle a compris que la mer ne se laissait pas dompter comme ça. Elle s’agrippe à nos bras dans l’eau ou préfère rester à fabriquer des châteaux de sable, bien vite rejointe par sa sœur d’ailleurs, il n’y a pas d’âge pour patouiller dans le sable humide.

Elles fredonnent des chansons de Bulle et Bob à la plage en faisant leur ouvrage.

Bulle et Bob à la plage, Nathalie Tual, Gilles Belouin, Ilya Green, Didier jeunesse

Le soir, on se régale de fruits de mer (enfin, surtout moi, les autres membres de la famille sont plus attirés par la charcuterie ou le fromage du coin, fort bons il faut l’avouer) avant de rentrer sous la tente. Ma cadette n’est pas peu fière de pouvoir affirmer, comme Nao « Je peux faire du camping comme une grande! » en se tenant bien droite, face à nous pour bien montrer toute sa force. Et effectivement, elle peut même aller faire pipi toute seule, la nuit, dans le noir.

Nous n’avons pas tiré de feu d’artifice mais nous avons fait griller des chamallows, ce qui est presque aussi bien parait- il (critère moufletesque).

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Le premier camping de Nao, Akiko Hayashi, école des loisirs

Vous me connaissez depuis un peu plus d’un an maintenant donc vous n’ignorez plus ma tendance à faire les choses au-dernier-moment-limite-trop-tard, donc vous ne serez pas surpris d’apprendre que ma carte postale arrivera après mon retour en France.

Pour prolonger le plaisir du voyage, nous avons écouté sur la route du retour les comptines basques, du très bel album CD « Lo Hadi », les images de Lucille Placin nous ramenant un peu sur le chemin des vacances.

Lo hadi, Comptines et berceuses basques

Lo Hadi, comptines et berceuses basques Chantal Grosléziat, Jean-Christophe Hoarau, Lucile Placin, Didier jeunesse

Et c’est presque a regret que nous sommes rentrés à Paris. Mais la très jolie carte postale reçue de Nathan m’a rappelé à quel point j’aime ma ville et c’est finalement le cœur léger que nous sommes rentrés (mais la jambe lourde, avec une attelle au pied gauche, une vilaine entorse étant venu assombrir un peu la fin de mes vacances).

Je vous souhaite à toutes et au seul des vacances aussi agréables que les miennes et un retour au travail dans la douceur.

Bises à vous.

Chlop