De la Page à l’écran : La troisième vengeance de Robert Poutifard

Adaptation du roman de Jean-Claude Mourlevat, Les vengeances de Maître Poutifard par Pierre-François Martin-Laval est un film familial que Colette et Linda ont vu avec leur enfant. Théodore et Juliette ont accepté de répondre à quelques questions autour de cette adaptation d’un roman qu’ils aiment beaucoup.

La troisième vengeance de Robert Poutifard, de Jean-Claude Mourlevat, folio junior, 2009 (pour la présente édition)
  1. Pourriez-vous nous présenter ce fameux Robert Poutifard inventé par Jean-Claude Mourlevat ? 

Juliette : Robert Poutifard est un enseignant retraité qui n’a jamais aimé les enfants. Il vit encore chez sa mère d’où il élabore son plan de vengeance.

Théodore : C’est un professeur des écoles à la retraite qui n’a pas vécu sa carrière dans les meilleures conditions notamment lorsqu’une année un groupe de 4 élèves lui a mené la vie dure et au moment de sa retraite il cherche à se venger de ceux-ci. 

  1. Qu’avez-vous pensé de l’interprétation qu’en a fait Christian Clavier dans le film de Pierre-François Martin-Laval ? Correspondait-elle à ce que vous aviez imaginé ? 

Théodore : j’ai trouvé que c’était une très bonne interprétation, un personnage peu dynamique, dont toute la vie tourne autour de l’enseignement alors qu’il n’aime pas les enfants. 

  1. Outre les enfants dont nous parlerons plus tard, un autre personnage est primordial dans cette fiction, c’est la mère de Robert Poutifard : comme pour son fils, pourriez-vous nous la présenter et nous dire si le personnage interprété par Isabelle Nanty correspondait à ce que vous vous étiez imaginé ? 

Juliette : Je pense que le personnage de la mère a été assez bien interprété, cela correspond assez à ce que j’imaginais.

Théodore : la mère de Robert Poutifard est une vielle femme qui est proche de son fils qui n’a jamais quitté la maison. Elle parle souvent de son mari dont Robert semble être le portrait craché – père qui par contre dans le film n’est pas évoqué.  Dans le roman, la mère est beaucoup plus gentille que dans le film où elle apparaît au début très sarcastique avec son enfant. La comédienne a été bien vieillie – vive le maquillage – et elle m’est apparue crédible pour incarner la mère de Robert. 

  1. Comment comprenez-vous les modifications apportées au titre du roman dans le titre du film ? 

Théodore : le titre du roman met l’accent sur la dernière vengeance de Poutifard lors de laquelle il comprend que personne n’a la vie facile et que ses élèves regrettent les farces dont leur maître a été victime. 

  1. Quoiqu’il arrive, il est ici question de vengeance : mais de quoi se venge ce pauvre Robert ? Qu’avez-vous ressenti en découvrant ses stratagèmes ? Les avez-vous approuvés ? 

Juliette : Il se venge de quatre de ses anciens élèves, les plus pénibles. Les stratagèmes sont plus fous les uns que les autres, toujours autant d’excitation. Je les approuve toutes même si la deuxième vengeance n’est pas exactement la même dans le film.

Théodore : On ne peut jamais approuver une vengeance mais il y a une forme de satisfaction à voir ces petits monstres punis. Et même si Valentin et les jumelles ne sauront jamais qui leur a fait vivre ces mauvais moments, Poutifard semble comme délivré. Pour Audrey, c’est une autre histoire. 

  1. Quelle a été votre vengeance préférée ? 

Juliette : La première avec le chien dans le restaurant. Le chien ne tenait pas en place !

Théodore : comme Juliette, c’est la vengeance du chien dans le restaurant que j’ai préférée car c’est la plus drôle et la plus ridicule car un grand chef qui tenait un restaurant étoilé se retrouve à tenir un simple food truck à cause d’un animal joueur ! 

  1. Personnellement, la fin du film m’a laissé perplexe : qu’en avez-vous pensé ? 

Théodore : non, pour moi c’est comme dans le roman. 

Affiche du film de Pierre-François Martin-Laval
  1. Au final, avez-vous trouvé que le film de Pierre-François Martin-Laval était une “bonne” adaptation ? 

Juliette : Oui, c’est vraiment une bonne adaptation. Même si quelques détails changent, ce n’est pas grave, on y retrouve le plus important.

Théodore : Oui, c’est une très bonne adaptation même s’il y a des petits trucs un peu différents : la vengeance d’Anthony dure longtemps aux dépens des autres vengeances, c’est la vengeance la plus préparée et la mieux détaillées dans le film. Dans le film, la vengeance contre les jumelles est un peu expédiée. 

  1. Et qu’avez-vous pensé de la brève apparition de Jean-Claude Mourlevat dans le film ? 

Théodore : Comme nous avons la chance de rencontrer Jean-Claude Mourlevat à 4 occasions, nous l’avons tout de suite identifié et nous avons apprécié cet hommage à l’auteur jeunesse à l’origine de l’histoire qui a servi de scénario au film.

Juliette : Tu as de la chance de l’avoir rencontré ! Comme je ne savais pas à quoi il ressemblait, j’aurais été bien incapable de le reconnaître. Ha ! Ha ! Mais je trouve ça sympa de l’avoir mis dans le film.

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Avez-vous vu Les Vengeances de Maître Poutifard ? Qu’avez-vous pensé de cette adaptation ?

De la page à l’écran : La fameuse invasion de la Sicile par les ours !

Publié pour la première fois en 1945, le roman jeunesse de Dino Buzzati ne sera adapté en film d’animation qu’en 2019, après que l’épouse de l’auteur se soit laissée convaincre d’en céder les droits. Franco-italien, le film reprend l’essence du roman et tente de conserver les nombreuses idées graphiques incluses dans le récit illustré par l’auteur.
Linda et Lucie vous livrent leurs échanges autour du livre et de son adaptation par Lorenzo Mattotti.

La fameuse invasion de la Sicile par les ours, Dino Buzzati, Folio junior, 2019 (pour la présente édition).

Linda : Lorsque j’ai vu le film en 2020, j’ignorais qu’il s’agissait d’une adaptation d’un conte de Dino Buzzati. Je me suis donc précipitée sur le livre après avoir adoré le film. 
Par quel format as-tu découvert cette histoire ? T’a-t-elle convaincue de poursuivre rapidement l’aventure en changeant de support ?

Lucie : J’avais retenu le titre (qui est quand même particulier !) parce que tu avais parlé de ton coup de cœur pour le film. Il se trouve que, par hasard, ce conte se trouvait dans le tome des œuvres complètes de Buzzati que j’avais emprunté pour lire le recueil Panique à la Scala que m’avait conseillé un copain. Ça a donc été un emprunt deux-en-un, et comme le film était disponible aussi ce jour-là, j’ai enchaîné les deux.

Linda : C’est vrai que son titre ne passe pas inaperçu. Pourtant le film n’a pas fait grand bruit à sa sortie en salle en octobre 2019. Cela m’avait surprise la première fois que je l’ai vu car, même s’il peine encore à sortir son épingle du jeu, le cinéma d’animation européen a su se créer une véritable identité graphique. 
Comment trouves-tu le film d’un point de vue strictement visuel : dessin des personnages, couleurs, animation…?

Lucie : Je l’ai trouvé très travaillé et très beau. Le graphisme change de ce que l’on a l’habitude de voir, les couleurs sont magnifiques, l’animation est soignée… Bref, c’est une belle représentation du cinéma d’animation européen, qui comme tu l’as dit est plutôt de qualité.
Et toi, qu’en as-tu pensé ? Et comme il n’a a pas eu beaucoup de promo, te souviens-tu comment tu l’as découvert ?

Linda : Mon mari est un grand amateur de films d’animation. Il apprécie tous les genres et cherche toujours à découvrir de nouvelles choses. Il est sensible à la diversité des styles graphiques et quand l’esthétisme est soigné, il n’hésite pas longtemps. C’est donc tout naturellement qu’il est tombé sur celui-ci et nous a proposé de le voir en famille. C’était en avril 2020, durant le confinement, une époque propice aux découvertes puisque nous étions limités dans nos activités.

Affiche du film de Lorenzo Mattotti.

Linda : Le récit se découpe en deux parties, avec une césure de plusieurs années entre les deux. Si la première est plus épique, le seconde a un côté plus politique. Peux-tu nous en dire plus ? Est-ce que cette double temporalité t’a semblée adaptée au format cinéma ?

Lucie : Cette double temporalité est nécessaire du fait de la disparition du fils du roi. Tu expliques parfaitement la différence de ton entre les deux parties, qui se complètent (et forment même une sorte de boucle) mais sont d’un ton très différent.
La première partie est consacrée à l’invasion de la Sicile par les ours au sens propre. Ils ne sont plus satisfaits de leur mode de vie et décident de descendre de leurs montagnes, ce qui va les amener à cohabiter avec les humains après moultes péripéties.
La seconde est justement le résultat de cette cohabitation, l’influence néfaste que notre mode de vie a sur les ours et particulièrement sur leur morale. J’ai nettement préféré cette seconde partie, tant du livre que du film.

Linda : Je te rejoins dans l’idée que l’ensemble forme un tout indissociable, le premier amenant inévitablement au second. Si j’ai aimé l’aspect fantastique de la première partie avec sa magie, ses rencontres improbables, j’ai aussi été plus intéressée par la seconde qui amène une réflexion sur la place de l’homme dans son environnement, son rapport à la nature et aux animaux, mais aussi aux autres humains. Mais on y dénonce aussi les travers de notre société qui offre bien des facilités. C’est un aspect du livre que le film retranscrit parfaitement d’ailleurs.
Le film introduit deux personnages qui n’apparaissent pas dans le livre, un homme et une fillette qui prennent le rôle de narrateur. Ce choix te semble-t-il pertinent ?

Lucie : Ha, la grande question des narrateurs qui enchassent le récit !
Je n’ai pas forcément trouvé leur présence indispensable, mais elle ne m’a pas gênée non plus (contrairement aux écureuils du Gruffalo par exemple, qui me semblent totalement inutiles). Les personnages sont bien caractérisés, ils sont sympas, font un lien avec le spectacle vivant et son artisanat. Mais ils n’apportent pas grand chose à l’histoire selon moi. Et toi, qu’en as-tu pensé ?

Linda : Je pense tout comme toi qu’ils n’apportent rien de plus rien de moins à l’histoire. J’avoue même m’être demandé si l’idée n’était pas aussi de glisser un personnage féminin car il n’y en a pas dans l’histoire… Mais quelque part ça permet aussi de créer du lien avec le spectateur et comme tu le dis, ils font un lien avec le spectacle vivant.
En parlant de personnage féminin, crois-tu qu’il soit indispensable d’en ajouter une ? N’est-ce pas simplement répondre à un courant féministe et une demande du public ?

Lucie : Très clairement l’influence de ce courant féministe sur la littérature et les films m’agace. Mais je ne suis pas certaine qu’il était si présent à ce moment là. Et autant la petite fille du duo de narrateurs n’apporte pas grand chose (tout comme l’homme, nous l’avons dit), autant la jeune complice du prince donne une vision moins négative des humains. Il y en a quand même quelques uns d’à peu près d’aplomb. Parce que le magicien est un figure très ambivalente !

Linda : Ce n’est pas faux mais je me demande si cela répond vraiment à un message que Buzzati souhaitait faire passer ou si c’est quelque chose qu’il faut montrer pour amener un regard moins manichéen. Car finalement dans le roman, les hommes ont tous les vices, alors que les ours sont bons par nature. C’est notre mode de vie qui les pervertit, notre argent. Le professeur De Ambrosiis est certes ambivalent quant à son allégeance mais n’est-ce pas surtout qu’il ne sert que ses propres intérêts ? 

Lucie : Je me faisais exactement la même réflexion. Cela correspond d’ailleurs aux nouvelles de Buzzati que j’ai pu lire. Il y épingle avec beaucoup d’acuité et d’humour les travers humains. Je dirais qu’à ce titre De Ambrosiis est tout à fait représentatif de la vision de l’humanité de Buzzati ! C’est un personnage vraiment intéressant par ses revirements… mais pas le plus aimable.
D’ailleurs, as-tu un personnage préféré ?

Linda : Le professeur De Ambrosiis sait rebondir face aux situations pour obtenir ce qu’il souhaite sans pour autant être dénué d’empathie. On sent qu’il apprécie vraiment les ours et le confort de vie qu’il a gagné à être avec eux. Mais de là à risquer tout perdre…
Autrement je n’ai pas vraiment de personnage préféré, il y a plusieurs ours que je trouve intéressants. J’aime la sagesse du vieil ours Théophile, l’objectivité et la droiture de Tonio et même Léonce est attachant. Il a certes ses faiblesses mais c’est un bon souverain qui veut ce qu’il y a de mieux pour son peuple. 
Et toi ? 

Lucie : Comme toi, je n’ai pas vraiment de préférence. Les personnages ont une caractéristique principale, un peu à la manière des contes, et il est intéressant de les voir collaborer ou se confronter. À ce titre, j’ai d’ailleurs beaucoup aimé la présentation des personnages qui ouvre le livre. Elle m’a vraiment amusée et j’ai regretté qu’elle n’ait pas été utilisée dans le film. 
Y-a-t-il d’autres éléments qui t’ont particulièrement manqués dans l’adaptation ?

Linda : Pas spécialement non. Il y a dans le roman une sorte de complicité tacite qui s’installe dès les premières lignes entre le narrateur et son lecteur, on a vraiment cette impression d’être pris à parti avec des dialogues qui nous sont clairement destinés. Ca aurait pu me manquer peut-être, si j’avais lu avant de voir… La présence de personnages « narrateurs » dans le film vient jouer ce rôle en quelque sorte.

Lucie : L’adaptation est plutôt réussie, elle ne trahit pas le roman original, le graphisme est original et les couleurs très lumineuses nous emmènent directement en Sicile. Excepté ce « doute » sur le duo de narrateurs, qui relève du pinaillage, on peut considérer que c’est une belle adaptation !

Linda : Complètement d’accord avec toi. Je me souviens aussi avoir lu que les ayants-droits de Buzzati ont longtemps refusé toutes adaptations et qu’il a vraiment fallu à l’équipe du film expliquer le projet qu’ils avaient pour que son épouse accepte. Il était essentiel pour elle que les valeurs transmises par son mari soient respectées.

Lucie : La relation père-fils est centrale dans cette histoire. 
Qu’as-tu pensé de la réaction du roi à la disparition de son fils ? Et de la réparation de leur lien au moment où ils se retrouvent ?

Linda : C’est assez surprenant car on sent combien Léonce est inquiet de la perte de son fils, il le cherche pendant un moment mais est finalement tellement honteux de ne pas avoir su protéger son enfant qu’il finit par rentrer chez lui sans vraiment expliquer ce qui s’est passé. Finalement il va se contenter d’attendre qu’on lui propose d’aller chez les hommes pour se remettre à espérer. Leurs retrouvailles sont bouleversantes parce qu’elles sont brutales, mais en même temps la scène permet de montrer combien Léonce aime son fils. Le problème est que l’on découvre rapidement qu’en grandissant parmi les hommes, Tonio a une perception du monde différente de celle de son père dont les œillères définissent une limite erronée entre les hommes et les ours.
Au final, Léonce ne demandera qu’une seule chose à son fils. Qu’as-tu pensé de ce retour à la nature ?

Lucie : Tout d’abord, cette différence de point de vue entre le père et le fils m’a semblée vraiment intéressante. Il est normal que Tonio, ayant grandit parmi les hommes, soit moins choqué par leur comportement. Et dans le même temps, la demande de Léonce est celle d’un bon souverain. Il a entrainé son peuple dans la quête de son fils, a pu constater les dégâts de la cohabitation entre ours et hommes et a l’intelligence de revenir sur sa décision. Pour moi, c’est la preuve qu’il place le bien des ours avant tout. Cela montre bien, comme nous le disions au début de cette discussion, que Buzzati place la nature au-dessus de l’espèce humaine.
Et toi, qu’as-tu pensé de cette fin ?

Linda : Ca semble une fin logique, un retour nécessaire à la nature où finalement l’animal est à sa place. Par extension, l’homme étant un animal, y a sa place également, mais son évolution a fait qu’il ne peut plus y vivre sans éprouver le manque de ce que la civilisation lui apporte. Comme tu le dis, Buzzati place la nature au-dessus de l’espère humaine, cela se ressent dès le début de son récit c’est pourquoi cette fin m’a semblé naturelle.
Merci pour cet échange !

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Avez-vous lu et/ou vu La fameuse invasion de la Sicile par les ours ? Qu’en avez-vous pensé ?

Adaptation du Petit Nicolas

La série du Petit Nicolas créée par Goscinny et Sempé sent bon l’enfance et les années 60. Elle fait partie de ces classiques tellement iconiques qu’il nous semble les connaître même si l’on ne se souvient plus très bien si on les a lus ou non. Pour en avoir le cœur net, Lucie et son fils ont (re)lu Le Petit Nicolas (et quelques autres).

Le Petit Nicolas, René Goscinny et Jean-Jacques Sempé, Gallimard, 1973.

Le livre
C’est toujours un grand plaisir de faire découvrir un livre que nous avons aimé enfant à notre enfant, et l’entendre rire aux éclats est un bon bonus !
Les aventures de Nicolas, Eudes, Alceste, Clotaire, Agnan et compagnie ont tapé dans le mille. Théo a adoré suivre leurs bêtises, et a beaucoup apprécié le second degré de certaines situations.
Il s’est tout de même étonné de cette classe uniquement composée de garçons, des enfants qui se promènent seuls dans la rue, de ces mamans toujours à la maison… Intéressant justement, pour évoquer l’enfance de ses grands-parents. Et si le contexte a bien changé, les carabistouilles fonctionnent toujours. Indémodable.

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Le Petit Nicolas, Laurent Tirard, 2009

Le film
Suite à ces lectures, Théo et Lucie se sont amusés à découvrir l’adaptation de Laurent Tirard sortie dans les salles à l’occasion des 50 ans du premier tome. Alors, qu’en ont-ils pensé ?

Lucie : Ça commence très fort avec un magnifique générique directement inspiré des dessins de Sempé, façon pop-up. Mais Laurent Tirard a fait le choix d’un film en prise de vues réelles avec un solide casting d’enfants, tous excellents. Les enfants sont secondés par Kad Merad et Valérie Lemercier en parents de Nicolas, mais aussi par des adultes venus faire un petit clin d’œil en passant (Louise Bourgoin en fleuriste, François Damiens en voisin envahissant, Eric Berger en majordome, Gérard Jugnot en chef de chœur) parfois à la limite de la private joke. Pas sûr que les enfants saisissent les allusions.

Théo : Non, je ne sais pas qui sont ces acteurs. Mais j’ai aimé retrouver l’univers du Petit Nicolas : l’époque, les copains et les autres personnages.

Lucie : Je suis d’accord avec toi. On est plongés dans de proprettes années 60. C’est très joli et coloré, une vraie carte postale.
Tu as trouvé que le film était fidèle au livre ?

Théo : Oui. J’étais content de retrouver les bêtises que j’avais bien aimées. Mais j’ai aussi apprécié de découvrir de nouveaux gags, comme la soupe ou la roulette. C’est bien aussi d’inventer et ça changeait un peu. Parce que même si j’aime beaucoup le Petit Nicolas, je trouve que ça manque parfois d’un peu de fantaisie.

Lucie : J’ai trouvé que certaines situations présentes dans l’œuvre originale (le bouquet de fleurs, le cours de dessin, la visite de l’inspecteur, la visite médicale…) étaient désamorcées avant la fin. Je n’ai pas compris pourquoi.
As-tu eu le même sentiment ?

Théo : Non, je ne suis pas d’accord. J’ai aimé retrouver ces situations et elles m’ont fait rire.

Pour comprendre cette divergence, Théo et Lucie sont retournés au texte et se sont aperçus que ce qui différait était le décalage entre la perception du petit Nicolas et celle de son entourage. Pour Théo, la bêtise est plus importante, mais c’est ce décalage qui amuse le plus Lucie.

Lucie : Tu as remarqué bien sûr, que pour lier les gags auxquels un chapitre est consacré à chaque fois dans le livre, deux intrigues parallèles ont été ajoutées dans le film :

  • suite à un quiproquo, Nicolas se met à craindre l’arrivée d’un petit frère. D’ailleurs, cette naissance est issue d’un autre tome que nous n’avons pas lu : Le petit Nicolas a des ennuis.
  • Et la maman de Nicolas décide d’organiser un repas avec les Moucheboume (le patron du père et sa femme).

Qu’as-tu pensé de ces deux ajouts ?

Théo : La maman est beaucoup plus agitée dans le film que dans le livre. Elle perd rarement son calme avec Nicolas dans le  livre alors qu’elle se met dans tous ses états dans le film. J’ai trouvé cette histoire de dîner plutôt rigolote.

Lucie : De mon côté (et peut-être est-ce dû à mon statut de « maman ») je n’ai pas aimé ce fil narratif. Il transforme la gentille mère de famille du roman en espèce de névrosée portée sur la boisson. D’autant plus qu’après quelques velléités d’émancipation, elle finit par retourner dans sa cuisine. J’ai préféré l’histoire du petit frère qui crée des situations amusantes et plutôt cohérentes avec le roman.

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Dans l’ensemble nous avons passé un bon moment à regarder et à discuter de cette adaptation agréable et enlevée, qui plaira certainement aux (jeunes) lecteurs du Petit Nicolas !

De la page à l’écran : Fantastique Maître Renard !

L’automne c’est la saison de la rousseur, rousseur des arbres, des sols jonchés de feuilles mortes et aussi rousseur des renards qui se nichent dans nos forêts. Et parmi les renards (auxquels nous avons consacré un article l’année dernière), un de nos préférés c’est celui de Roald Dahl : le bien nommé Fantastique Maître Renard !
Colette et Lucie vous livrent leur discussion sur le livre du célèbre auteur anglais et son adaptation par Wes Anderson.

Fantastique Maître Renard, Roald Dahl, Gallimard, 2018 pour la présente édition.

Colette. – Du livre ou du film, lequel as-tu découvert en premier ? Te souviens-tu de ce qui t’avait donné envie de le lire ou de le voir ?

Lucie. – C’est drôle que tu poses la question parce que la réponse n’est pas si évidente. En voyant le film – parce que je suis fan de l’univers de Wes Anderson -, l’histoire me disait fortement quelque chose, j’avais des flashs de la suite de l’intrigue. Je me suis aperçue après coup que j’avais la version audio (lue par Daniel Prévost, extraordinaire !) du roman de Roald Dahl quand j’étais enfant. Le passage des années et le changement de langue (nous regardons les films en VO) m’avaient empêchée de faire le lien. Finalement, ça a été version audio, puis film, puis version papier.
Et toi, quelle version as-tu découverte en premier ?

Colette. – Et bien il y a plusieurs années, dans le cadre de « collège au cinéma », le film de Wes Anderson a été proposé pour les niveaux 6e-5e. J’avais adoré cet univers à la fois décalé, cynique et merveilleux. J’ai revu le film plusieurs fois avec mes enfants notamment et cet été, au hasard d’une promenade dans une jolie librairie de Bayonne, mon Nathanaël m’a demandé de lui offrir Fantastique Maître Renard de Roald Dahl. C’est au fil de la lecture à haute voix que nous en avons faite que je me suis dit « mais je connais cette histoire, elle me rappelle quelque chose ! » et au bout de quelques pages, j’ai fait le lien entre le livre et le film. Finalement pour toi comme pour moi, le texte a fait résonner quelque chose dans notre mémoire !
Mais même si les deux versions résonnent, le Maître Renard d’Anderson et celui de Roald Dahl m’ont semblé très très différents. Qu’en dis-tu ?

Lucie. – Oui, tout à fait, Wes Anderson a ajouté l’intrigue parallèle du neveu un peu étrange, en pleine tourmente familiale. Cela correspond aux types de personnages qu’il affectionne, décalés, à la marge. Il est très proche de ceux de La Famille Tenenbaum par exemple. Maître Renard et sa famille sont bien trop « normaux » pour lui !
Il me semble que c’est vraiment la différence principale entre le livre et le film, mais as-tu remarqué d’autres éléments notables dont tu souhaites discuter ?

Colette. – Pour moi la principale différence est le genre dans lequel a choisi de s’inscrire Wes Anderson. Dans le livre de Roald Dahl, on est vraiment dans le conte merveilleux, court, rythmé par la comptine qui revient régulièrement dans le texte et des personnages construits autour de quelques traits de caractère presque caricaturaux. Le personnage de Renard par exemple est surtout caractérisé par sa ruse, caractéristique traditionnelle de l’animal dans l’histoire littéraire. Wes Anderson, quant à lui, en fait un personnage très ambivalent, dès le début. C’est cette ambivalence qui le caractérise tout au long du film, et qu’on ne retrouve pas du tout me semble-t-il sous la plume de Roald Dahl. De même pour le personnage de la Renarde, beaucoup plus présente dans le film que dans le livre, ainsi que les renardeaux dont il ne reste plus qu’un représentant dans le film. D’ailleurs, il me semble que le film raconte plus l’histoire de Kristofferson et Ash que de Mr Fox. C’est une oeuvre beaucoup plus foisonnante du côté des personnages que construit Wes Anderson.
Que dirais-tu des personnages d’ailleurs ? Je n’ai pas réussi à m’attacher aux personnages du livre mais ceux du film m’ont paru bien familiers.

Lucie. – Et bien oui, étonnamment les personnages sont plus complexes dans le film que dans le livre. Tu as raison, c’est suffisamment rare pour le souligner ! La famille Renard est somme toute assez « banale », avec une mère de famille qui tient à la sécurité des siens pendant que le père est prêt à prendre des risques pour réaliser ses rêves de grandeur (la crise de la quarantaine ?). Ils m’ont semblé plus « humains » que dans le livre, qui est effectivement plus proche du conte : un peu caricatural pour faire rire.
Mais peut-être songeais tu à autre chose avec cette question ?

Colette. – Non je pensais exactement à ça et justement je trouve que le film de Wes Anderson est beaucoup plus riche que le conte de Roald Dahl et c’est assez rare comme tu le soulignes ! Par conséquent, il me semble que les deux oeuvres ne s’adressent pas tout à fait au même public. Qu’en penses-tu ? T’es-tu posée la question de la réception des oeuvres ?

Lucie. – Oui, il me semble que le roman de Roald Dahl est accessible bien avant le film, en effet. Du fait de sa complexité (relative : si les parents saisissent les clins d’œil, ils ne gênent pas nécessairement la compréhension des enfants) mais surtout en raison des choix esthétiques du film. Les personnages sont presque inquiétants, je trouve. Le côté vieillot, très stylisé, peut rebuter les enfants. De fait, j’ai été confrontée à la différence de réception avec Théo, qui a adoré le livre mais n’a pas terminé le film.
Il y a aussi un aspect très travaillé, symétrique, chez Wes Anderson, auquel les enfants ne sont peut être pas habitués. Nous avons eu la chance de voir les maquettes et les figurines des personnages du film en vrai, les marottes du réalisateur se retrouvent partout ! D’ailleurs les maquettes étaient de la même taille que celles du Budapest Hotel, qui est un film en prises de vues réelles. Étonnant !
Est-ce que ce ne serait pas l’adaptation parfaite : celle qui s’inspire mais réinvente ? Ou au contraire la pire trahison ? Qu’en penses-tu ?

Colette. – Spontanément, je dirai que c’est l’adaptation parfaite ! Quand on parle adaptation souvent c’est pour constater « l’infériorité » du cinéma sur le littéraire. Ici, il me semble que ce n’est pas le cas. Mais ce n’est pas pour autant que Wes Anderson écrase le texte de Roald Dahl, au contraire, c’est comme s’il le prolongeait, qu’il lui donnait une autre dimension pour un autre public, pas un public en concurrence avec celui du livre, un autre, peut-être plus âgé comme tu l’as souligné.
Et toi quel est ton avis ?

Lucie. – Je suis d’accord avec toi. L’adaptation parfaite c’est celle qui garde l’esprit de l’œuvre tout en apportant la patte du réalisateur. Cela donne une dimension différente au texte original, sans pour autant le trahir.

Colette. – Tu as remarqué à quel point Roald Dahl a été adapté au cinéma ?

Lucie. – Oui, je pense à Matilda, James et la pêche géante, Le Bon Gros Géant

Colette. – Charlie et la chocolaterie, Un conte peut en cacher un autre

Lucie. – Ce sera l’occasion d’autres articles alors ! Même si la meilleure adaptation est très clairement Fantastic Mr Fox selon moi !

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Et vous, avez-vous aimé Fantastique Maître Renard ? Quelle est votre adaptation de Roald Dahl préférée ?

De la page à l’écran : Hugo Cabret

Pour faire suite à la discussion sur l’intérêt d’adapter des livres de jeunesse au cinéma ou en série et inaugurer une nouvelle rubrique, Linda et Lucie ont souhaité discuter de l’adaptation du roman graphique Hugo Cabret par Martin Scorsese.

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L’Invention de Hugo Cabret, Brian Selznick, Bayard Jeunesse, 2008.

Lucie : Hugo Cabret est le premier roman graphique de Brian Selznick que j’ai découvert. Je me souviens d’avoir été immédiatement conquise. Je l’avais trouvé très visuel, presque entre le storyboard et le flipbook. La maîtrise de l’alternance entre récit et images et la beauté des illustrations m’avaient scotchée.
Te souviens-tu de ta première réaction en découvrant ce livre ?

Linda : Ma découverte du roman est toute récente et ma plus grande surprise a été de constater que cet énorme pavé contenait bien plus d’illustrations que de texte. Surprise agréable, car non seulement les dessins sont magnifiques mais surtout, le procédé utilisé pour le cadrage de l’image donne l’impression de regarder un film avec ces travelling avant et arrière. C’est assez bluffant car cela rend très bien sur le papier, donne un effet très visuel comme je n’avais jamais encore vu utilisé dans un livre.

Lucie : Justement, le fait que ce roman soit si visuel rend-il l’idée de l’adaptation évidente ?

Linda : Avant de voir le film, je pensais que oui, notamment parce que l’auteur utilise des plans cinématographiques. Pourtant après l’avoir vu, j’ai trouvé que l’alternance texte-images, qui m’avait vraiment plu à la lecture, apportait quelque chose de plus que le film qui ne peut que jouer sur l’image. Le texte devient le jeu des acteurs et des dialogues. Quelque part je trouve que cela appauvrit l’histoire.

Lucie : C’est sûr que le cinéma ne peut pas jouer sur cette alternance texte-image. Ou alors avec une voix off, mais cela alourdi considérablement le film.
Mais comme la quête d’Hugo l’amène à Georges Méliès, j’ai trouvé que la version cinéma apportait un vrai « plus » à ce niveau-là, avec des extraits des films originaux en couleurs. Une véritable plongée dans l’histoire du cinéma, puisque la plupart des spectateurs ne connaissent pas cet artiste.
Et, en parallèle, j’ai apprécié le flashback mettant en scène Méliès réalisant ses films. Cela permet de voir comment se faisaient les effets spéciaux (déjà !) à l’époque.
Il me semble que c’est aussi un clin d’œil au travail du cinéaste, clin d’œil accentué par le caméo de Scorsese qui photographie Méliès et sa femme devant leur studio !

Martin Scorsese en photographe dans Hugo Cabret

Linda : Il est certain que l’histoire étant celle de Méliès, le support cinéma apporte forcément quelque chose. Bien que le livre apporte également un témoignage intéressant et propose quelques photogrammes (photos issues d’un film), ce n’est pas la même chose.

Lucie : Les illustrations du livre sont en noir et blanc, avec de très forts contrastes. Martin Scorsese aurait pu faire le choix de conserver ce parti pris (ses premiers courts-métrages et son premier film Who’s That Knocking at My Door sont en noir et blanc), mais il a fait le choix de tourner en couleurs. Je dois dire que si le noir et blanc va très bien avec l’histoire dans le livre, j’étais contente que le film soit en couleurs. Cela apporte de la lumière. Parce qu’entre le deuil, la solitude et le danger permanent, le livre est tout de même assez sombre. 
Et toi, qu’as-tu pensé de cette couleur et des changements entre le livre et le film ?

Linda : Oui, c’est un très bon choix d’autant que les rétrospectives et autres flashbacks sont en noir et blanc. Cela encre d’avantage l’histoire dans le présent du récit et permet de mettre l’accent sur deux époques différentes : celle de Méliès et celle de Hugo. Je suis d’accord avec toi pour dire que l’histoire aborde de nombreux thèmes assez sombres mais je trouve qu’il y a quand même de la lumière au fil de l’histoire. La rencontre d’Hugo avec Isabelle en est un bel exemple. Sa spontanéité, sa joie de vivre et sa témérité attirent Hugo comme une lumière dans la nuit attire un papillon.
Pourtant Martin Scorsese a choisit de transformer la personnalité d’Isabelle, comme si elle n’était pas assez lisse et proprette, pas assez sage pour une fille. Je trouve ça dommage et cela va à l’encontre des idées féministes de notre époque. De fait, Isabelle n’apporte plus grand chose à Hugo ou à l’histoire, elle devient juste un faire valoir au héros masculin. C’est quelque chose que j’ai trouvé assez dérangeant en fait… 
Que penses-tu de ce choix ?

Lucie : Je suis d’accord, le personnage d’Isabelle est plus lisse. Mais il me semble que celui d’Hugo aussi. Dans le livre, il est vraiment sur la défensive, beaucoup plus agressif que dans le film.
Je me dis que Scorsese ayant fait ce film pour sa fille, lui dont les films sont habituellement si violents (violence tant physique que morale), il a peut-être voulu adoucir les personnages et les rendre plus « aimables » ? Mais je suis d’accord avec toi, j’aime quand les personnages ont plus d’aspérités, y compris les enfants. C’est ce qui les rend intéressants.
Je pense que l’on rejoint ici ce que nous disions dans notre discussion sur les adaptations : l’intrigue et les personnages sont simplifiés parce que le support laisse moins de temps pour les installer et que l’enjeu financier implique de plaire au plus grand nombre.
Cela dit, je trouve que le personnage d’Isabelle garde son rôle principal : celui de réparer le lien entre Hugo et les autres humains, son histoire personnelle l’ayant rendu particulièrement méfiant.

J’aime beaucoup ce motif de la réparation, justement, qu’on retrouve tant dans le livre que dans le film : concrètement il s’agit de réparer des objets (Hugo avec son automate, Méliès avec les jouets cassés) mais les rencontres vont permettre de réparer des liens et des injustices. J’ai trouvé cette métaphore plutôt jolie.

Linda : C’est vrai que c’est joli !
Le temps est également un élément majeur de l’histoire. Déjà parce que Hugo s’occupe de l’horloge de la gare mais aussi parce qu’au travers de son histoire personnelle il est question du temps qui passe et, par association avec la « réparation » dont tu parles, du temps qui aide à panser les plaies et les blessures. A l’inverse de Méliès, qui a vu sa vie basculer quand il n’a pas su suivre les progrès du cinéma, restant figé dans une forme d’art et une époque révolue, Hugo, lui, tente de reconstruire son passé (le pantin) pour redonner sens à son présent et, par extension, à son avenir.

Hugo Cabret, Martin Scorsese, 2011.

Lucie : Ta réflexion sur le temps est très intéressante : temps concret avec les multiples horloges et temps subjectif qui permet d’avancer et d’envisager l’avenir.
J’aime aussi l’idée que les deux personnages se réparent l’un l’autre : Hugo en permettant la reconnaissance du travail de Méliès (qui a vécu une longue « traversée du désert ») et Méliès et sa femme en offrant (enfin !) un lieu de vie stable et aimant à Hugo.
Il y a aussi une dimension patrimoniale dans cette reconnaissance. Scorsese étant un excellent connaisseur (et ardent conservateur) de l’histoire du cinéma, cette thématique prend tout son sens.
Cela compense un peu la quasi éviction du libraire, bien plus présent dans le livre. Comme si chaque support mettait en avant son patrimoine, les deux se complétant.

Georges Méliès devant son magasin de jouets.

Linda : Il y a eu une reconnaissance de l’œuvre de Méliès, mais elle est essentiellement posthume. Il a été décoré de la légion d’honneur par Louis Lumière quelques années avant sa mort. Et puis il ne faut pas oublier Henri Langlois, créateur de la Cinémathèque française, qui a sauvé une partie de ses films. Avec ce film, Scorsese participe aussi à cette reconnaissance…
Je vois aussi un lien entre la façon qu’a Hugo d’observer le monde, à la manière d’un cinéaste peut-être, à travers des petits trous, des fentes dans les murs… Une façon pour lui d’être observateur d’un monde dans lequel il n’a pas vraiment sa place, mais aussi et surtout de se protéger, assurer ses arrières pour éviter de perdre la liberté. Là encore le travail d’illustrations du l’auteur joue avec les codes du cinéma et Scorsese reprend ça très bien dans son film.

Hugo observe Méliès et Isabelle.

Lucie : On peut d’ailleurs y voir une mise en abime : Hugo prend la place de l’auteur et du réalisateur, qui observent, s’inspirent et « commentent » les comportements des gens qui les entourent.

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Et vous, avez-vous lu / vu Hugo Cabret ? Qu’avez-vous pensé de ce roman graphique et de son adaptation ?