ALODGA s’engage- pour une pratique émancipatrice du net !

Après la lecture commune du roman Les Enfants sont rois de Delphine de Vigan, et parce que c’est un sujet qui nous intéresse depuis plusieurs mois, nous avons décidé de vous proposer aujourd’hui une sélection de titres qui mettent l’accent sur notre utilisation des réseaux sociaux, leurs dangers mais aussi leurs bénéfices. Parce que nous avons profité de l’espace virtuel que nous propose cette vaste toile pour faire pousser notre grand arbre, nous souhaitons nous engager pour une utilisation émancipatrice du net, une utilisation discutée, débattue, démocratique qui respecte l’intégrité de chacun.e. A notre manière à nous. Avec des livres !

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Pour aborder le sujet avec des (tout-)petits

Regarde papa ! d’Eva Montanari publié chez Thierry Magnier raconte – presque sans texte – comment un papa ours les yeux rivés à l’écran de son ordinateur puis de son téléphone loupe les aventures extraordinaires de son petit ourson embarqué par la magie d’un cirque. Il manque même de perdre son petit emporté par une énorme bulle de savon. C’est un petit album poétique qui a quelque chose d’intemporel dans le trait pour aborder cependant une réalité très moderne.

Regarde, papa d’Eva Montanari, Editions Thierry Magnier, 2020.

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C’est un livre ! de Lane Smith met en scène une discussion improbable entre un petit âne et son ami gorille. Face à face, chacun dans leur fauteuil, l’un accroc à son ordinateur, l’autre plongé dans son livre, ils se confrontent. Le petit âne ne comprend pas ce que fait son ami, il le harcèle de questions, toutes passées au filtre du seul mode de connexion au savoir et au monde qu’il connaisse : le numérique. Il lui demande par exemple : « On peut s’en servir pour chatter ? » , « On peut faire des combats entre les personnages ?  » ou encore « Ça envoie des textos ? ». Et son ami lui répond inlassablement : « Non, c’est un livre ! ». Jusqu’à ce que l’âne tente l’expérience et se plonge dans cette autre réalité virtuelle qu’il ne connaît pas. Et qu’il va savourer. Un régal d’humour et de subtilité pour discuter des supers pouvoirs de la lecture !

C’est un livre, Lane Smith, Gallimard Jeunesse, 2011.

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Par un jour où tout l’ennui du monde s’est donné rendez-vous, un petit garçon panse son vague à l’âme en jouant à la console. Lorsque le jeu se retrouve malencontreusement au fond de la mare, c’est un monde insoupçonné qui se révèle dans toute son intensité glaçante, troublante, fascinante, éblouissante. Le décor que l’enfant croyait connaître par cœur apparaît soudain sous un jour nouveau qui recèle mille et une expériences… qu’il devient urgent de partager avec un être aimé. Les fabuleuses illustrations de Béatrice Alemagna nous font ressentir le désarroi de ce petit chaperon orange fluo, puis la manière dont il s’affirme au contact de la nature. De quoi nous donner envie de lever les yeux de nos écrans et de prendre un grand bol d’air. D’empoigner de la terre humide à pleines mains. D’explorer les environs, au gré des rencontres et de son imagination, à la recherche de petits trésors. Un album aussi beau que profond !

Un grand jour de rien, de Béatrice Alemagna, Albin Michel Jeunesse, 2016.

L’avis complet d’Isabelle

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Pour aborder le sujet avec des plus grand.e.s

Documentaire sur le numérique accessible aux enfants dès 8 ans, Mission déconnection est arrivé à point nommé après la période d’école à la maison ! On y trouve un petit historique de la création d’Internet, des informations sur le coût énergétique de nos écrans, sur les données personnelles, sur les fake news et sur les effets des écrans sur notre santé. Il y a aussi quelques pages ludiques avec une BD, des tests et un jeu invitant les enfants à trouver des astuces pour se passer des écrans pour des tâches quotidiennes. Plus pratique, des règles de base sont suggérées pour permettre d’établir un contrat de confiance numérique en famille.

Mission déconnexion, Laurence Bril et Léo Louis-Honoré, Rue de l’échiquier Jeunesse, 2020.

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Pour aborder le sujet avec des adolescent.e.s

Comme des images commence comme un roman ado classique : « Il était une fois des enfants sages comme des images, dans un prestigieux lycée. » Sauf que suite à une rupture amoureuse, Tim envoie des images de Léopoldine à leurs camarades de classe pour se venger, et la machine s’emballe.
Un roman montrant la violence du harcèlement sur les réseaux sociaux, et ses conséquences.

Comme des images, Clémentine Beauvais, Sarbacane, 2014.

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Sous haute dépendance est un best-seller primé dans l’espace germanophone (un million d’exemplaires vendus). On comprend pourquoi, à la lecture de ces pages intensément addictives ! On entre avec Nick dans un jeu vidéo fantastique. Disponible seulement sur invitation, il se joue dans le plus grand secret et en respectant à la lettre les instructions du Messager dont il s’agit de relever les quêtes pour progresser rapidement. De quoi devenir complètement accro et s’agacer, avec Nick, des interruptions liées aux contraintes du quotidien et aux intrusions parentales ! Mais le jour où le Messager s’adresse directement à Nick, et non à son avatar, pour lui confier une mission dans le monde réel en échange duquel il a la surprise de recevoir le T-shirt de son groupe préféré, il devient clair qu’Erebos n’est pas seulement un jeu particulièrement réussi. Comment peut-il le connaître aussi bien ? Jusqu’où mènera-t-il ses joueurs ? Qui tire les ficelles du jeu ? Le roman se dévore et donne à réfléchir aux mécanismes qui créent l’addition, aux conséquences pour l’équilibre psychologique et à l’intrusion effrayante dans la sphère privée que permettent les usages inconsidérés des jeux vidéo et des réseaux.

Sous haute dépendance, d’Ursula Poznanski, Bayard Jeunesse, 2013.

L’avis complet d’Isabelle

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Pour les parents (et les professionnels de l’enfance)

Psychiatre, chercheur en psychologie et co-rédacteur du rapport de l’Académie des sciences intitulé L’enfant et les écrans, Serge Tisseron propose avec ce petit livre des repères simples pour initier les plus jeunes aux écrans. Pas question de culpabiliser les usagers, il s’agit plutôt de réfléchir à nos modes de vie et aux maux qui conduisent à laisser trop souvent les enfants seul devant la TV ou la tablette. Et d’encourager les pratiques créatrices et socialisantes mobilisant les technologies numériques ! Sur la base d’un état des savoirs relatifs aux conséquences des écrans sur les enfants à différents âges, ce petit livre dresse une feuille de route simple et lisible, permettant d’éduquer les plus jeunes à l’auto-régulation et à la distance critique.

3-6-9-12. Apprivoiser les écrans et grandir, de Serge Tisseron. Éditions Érès, 2013 (réédité en 2017)

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Bonus !

A mettre dans vos oreilles !

Sur France Inter, si le sujet de l’influence du numérique sur la jeune génération vous intéresse, n’hésitez pas à aller faire un tour du côté du Podcast Le Code a changé de Xavier de La Porte. Une des émissions au titre provocateur – Sommes-nous vraiment en train de fabriquer des crétins digitaux ? – offre des pistes de réflexion intéressantes en nous faisant découvrir le travail d’Anne Cordier. C’est par !

Grandir connectés, les adolescents et la recherche d’informations, Anne Cordier,C&FEds, 2015.

On vous conseille également le podcast Arte Radio Vivons heureux avant la fin du monde de Delphine Satel notamment l’épisode intitulé GAFA tes gosses.

Illustration : Mathilde Rives.

Lecture commune : Les enfants sont rois.

Je préfère vous prévenir : cette lecture commune sera un peu particulière.

Pour deux raisons.

Tout d’abord parce que c’est une lecture commune d’un livre qui n’est pas explicitement destiné à la jeunesse mais publié en littérature générale. Mais ce roman a été un tel coup de cœur, que deux d’entre nous ont voulu échanger à son sujet et quoi de mieux que s’asseoir à l’ombre de notre grand arbre pour en discuter.

Et puis c’est surtout une lecture commune particulière parce que c’est la dernière que Pépita aura faite pour Le Grand Arbre. En effet en mai dernier, elle a décidé de quitter l’aventure collective après neuf ans de débats, de sélections thématiques, d’entretiens, de lectures communes, de swaps, de bookcamps… Au fil de ses milliers de messages sur le forum, Pépita a nourri nos échanges de sa vision généreuse de la littérature jeunesse, faisant découvrir à toute une génération de blogueuses les trésors de l’édition jeune public.

Pépita, si tu passes par là, pour ta présence lumineuse qui a irradié des racines au faîte de notre grand arbre, nous te remercions.

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Colette. – Quand tu as découvert ce titre Les enfants sont rois, qu’est-ce que ces mots ont convoqué en toi ? Personnellement j’ai directement pensé à cette critique qu’on a souvent faite à la pédo-psychiatre Françoise Dolto qui mettait l’enfant à l’honneur dans sa pratique, transformant selon ses détracteurs, les enfants en tyrans de leurs propres parents.

Pépita.- En fait, je me jette toujours sur les romans de Delphine de Vigan sans trop regarder de quoi ça parle ! Je l’ai pris comme un respect à avoir envers eux. Et en lisant, je te rejoins. Malheureusement, j’ai un peu deviné assez rapidement ce que cela voulait dire au fur et à mesure de cette histoire. Mais ce fut très intéressant de voir comment l’autrice en a entremêlé les fils.

Colette. – Justement avant de revenir à cette intrigue où « les enfants sont rois », est-ce que tu pourrais expliquer pourquoi tu te jettes sur les livres de Delphine de Vigan ? Je suis comme toi et je ne réfléchis pas trop avant d’acheter un roman de cette auteure. Cette fois d’ailleurs, je ne savais absolument rien du livre avant de l’acheter, une amie en a parlé en coup de vent dans un échange de SMS et hop le lendemain je l’avais sur ma table de chevet !

Pépita.- Difficile de répondre ! Je la lis depuis longtemps et je n’ai jamais été déçue. Elle a une façon d’aborder ses sujets que je trouve profonde sans juger, et surtout ses personnages sont remarquables d’exactitude, elle parle des femmes, et si bien ! Une écriture à la fois précise et simple et une construction toujours efficace. Ses romans sont sujets à discussion, au sens où ils éveillent en nous des questionnements. Elle a l’art de mettre le doigt là où ça nous titille sans vraiment se l’avouer ou se le formuler clairement

Colette. – Je savais que c’était une question difficile car moi même je ne saurais quoi répondre tellement c’est un tout, une œuvre de Delphine de Vigan. Comme tu l’as dit, c’est à la fois une structure narrative ingénieuse, des personnages féminins intenses, et des tabous, ses propres tabous, à faire exploser tout en subtilité. Bon en fait, j’avoue j’ai vécu de vraies expériences psychologiques intenses avec des livres de cette femme que ce soit avec Rien ne s’oppose à la nuit ou encore Les Loyautés. Ces livres-là ont laissé de satanées traces en moi… Du coup, sans doute que je cours après la promesse de nouvelles expériences marquantes en me plongeant dans ses livres dès qu’ils sortent. C’est un peu comme si elle m’était familière. Pas une amie. Pas une sœur. Une présence à qui j’aime croire que je ressemble. Revenons à Les enfants sont rois. A quels enfants ce titre réfère-t-il ?

Pépita.- Ce titre réfère d’abord aux deux enfants de l’histoire mais il s’adresse aussi et surtout à TOUS les enfants dont les adultes manipulent le droit à l’image.

Colette. – Peux-tu nous en dire un peu plus sur Sammy et Kimmy, les enfants de l’histoire ? Sont-ils vraiment les héros de cette histoire ?

Pépita.- Sammy et Kimmy, un garçon et une fille qui depuis leur plus jeune âge sont sur les réseaux sociaux : chaque moment de leur vie est filmé, partagé. Leur mère en a fait son business. Elle-même a participé à un épisode de télé-réalité, oh ! si peu : une recherche de reconnaissance énorme pour elle puisque ce fut un fiasco, qu’elle a transposé de façon obsessionnelle dans sa vie adulte. Sa famille – son mari la suit aussi – ne vit que pour cette chaîne, en concurrence avec d’autres. Voilà pour le cadre ! Ta question Colette laisse sous-entendre que tu penses que les deux enfants ne sont pas les héros de l’histoire. Moi je pense que oui. Est-ce la mère ? Sans doute aussi. Mais je préfère me mettre du côté de la souffrance de ces enfants. On pourrait penser aussi que les gagnants – et non les héros – de cette histoire sont les réseaux sociaux. De ce point de vue là, oui, ils le sont. Une autre héroïne, et pas des moindres, c’est la policière chargée de l’enquête. Elle, c’est une héroïne invisible du quotidien.

Colette. – Et c’est mon personnage préféré, Clara. Parce qu’elle est toute petite, peut-être. Kimmy dira d’elle, devenue adulte : « Elle s’est souvent demandé pourquoi elle se souvenait de cette femme, alors que sa mémoire a effacé les autres visages […] En la découvrant ce matin, si petite et en même temps si magnétique, elle a songé que c’était peut-être parce qu’elle avait la taille d’un enfant. » – tu comprendras sans doute pourquoi ça me parle.
Si je t’ai posé la question du statut des personnages et plus particulièrement du statut des héros romanesques, c’est parce que pendant toute la première partie du roman, finalement Kimmy et Sammy, les enfants qui donnent pourtant le titre du roman, sont complètement objectivés. On ne connaît ni leurs pensées ni leurs sentiments. Ils sont sans cesse sous l’œil de la caméra de leur mère et de milliers de spectateurs et de spectatrices mais que sait-on d’eux vraiment ? Ils sont parfois décrits physiquement mais c’est tout. Il faudra attendre qu’un certain nombre d’années soient passées pour qu’enfin la romancière fasse entendre leur voix. Et je trouve ce choix narratif tellement riche de sens. Sans jamais donner de leçon moralisatrice sur ce que Mélanie a fait subir à ses enfants, Delphine de Vigan nous fait vivre à travers ses choix d’écriture la dépossession, l’asservissement, la perte d’identité de ses personnages. Et si la véritable héroïne de cette histoire, c’était Elise Favart, celle grâce à qui la voix des enfants va paradoxalement pouvoir se faire entendre ? Celle grâce à qui on va pouvoir basculer du présent vers l’avenir ?

Pépita.- C’est curieux parce que tu vois, je les voyais ces enfants, je les ressentais, surtout dans la première partie, je les ai imaginés. Beaucoup moins dans la deuxième partie dans laquelle je les ai trouvés moins vivants en quelque sorte, comme éteints. C’est certain qu’Elise a joué un rôle primordial mais elle n’est pas si valorisée que cela dans le roman. Je la vois plus comme un déclic. Elle fait le passage entre les deux parties

Colette. – En lisant ta réponse, je me disais justement que l’autrice ne semble pas valoriser un personnage plus que l’autre si ? Quel a été ton préféré, si tu en as eu un ? Et pourquoi celui-là ?

Pépita.– Tu as raison de le souligner : l’autrice a vraiment adopté un ton neutre, presque « froid »: tout est dit sur un ton égal, comme pour atteindre une certaine normalité alors qu’en fait, toute cette histoire est tout sauf normal. J’ai un petit faible pour la policière, c’est certain. Tout est droit chez elle, une abnégation sans failles. La mère m’a à la fois agacée au plus haut point mais en même temps je ne pouvais m’empêcher d’avoir une forme de compassion pour elle. Comment ne pas se rendre compte qu’on rend ses enfants malheureux ? Comment ne pas se rendre compte de cette spirale infernale ? ça frise le voyeurisme non ? Tu l’as ressenti comment toi cet aspect du roman ? Toutes ces mises en scène factices jusqu’à l’écœurement….

Colette. – En fait, ce que j’ai trouvé très fort c’est d’avoir introduit le récit à l’époque où la téléréalité a commencé en France, comme pour « justifier » ce que vont être les choix de vie de Mélanie. Ce moment là, je m’en rappelle comme si c’était hier. J’étais une jeune adulte et avec ma sœur, encore adolescente, on regardait régulièrement Loft story. Et je me souviens très bien de ce sentiment totalement paradoxal qui m’envahissait alors : le sentiment de faire quelque chose de mal – comme un.e enfant qui fait une bêtise – et en même temps l’envie irrépressible de voir jusqu’où ça pouvait aller, ces relations forcées. Il y avait quelque chose de fascinant, qui tenait sûrement de l’aspect expérimental du projet : des humains dans une sorte de laboratoire, à la vue de toutes et de tous. Mais le XXIe siècle est allé encore plus loin que ces émissions de télé-réalité, le XXIe siècle a réussi à produire des personnages capables de vouloir mettre en scène eux-mêmes leur propre vie, avec leurs propres moyens, grâce à un média bien plus invasif que la télévision : j’ai nommé le dieu de notre époque, Internet. Il n’y a qu’à nous écouter. Tu cherches comment aller d’un point A à un point B ? Demande à Internet ! Tu veux savoir quoi faire pour le dîner ? Demande à Internet ! Un petit résumé du roman à lire en cours de Français ? Demande à Internet ! Tu veux prendre RDV pour te faire vacciner contre le coronavirus ? Demande à Internet ! Aujourd’hui, la Pythie des temps modernes, c’est Internet. D’ailleurs souvent mes élèves me parlent d’Internet comme si c’était quelqu’un, quelqu’un d’omniscient et d’omnipotent. Quelqu’un à qui elles et ils délèguent leur savoir, soit dit en passant. Tout ça pour dire que l’autrice a tellement bien introduit l’histoire de Mélanie que finalement, je n’ai pas été écœurée, ni choquée, ni étonnée. Et c’est peut-être ça le pire avec cette histoire : je ne connaissais pas du tout les chaînes Youtube au cœur de la narration, et bien ça ne m’a pas étonné. Que des gens choisissent d’utiliser leurs enfants comme outil de publicité permanente et bien, oui, c’est vraiment désolant, mais ça ne m’a pas étonné. Par contre comme toi, en tant que parent, je me suis demandée comment on pouvait se détacher à ce point de ses enfants. Au point de ne plus savoir s’ils vont bien. Au point de ne plus même y penser. Mais ce qu’interroge Delphine de Vigan, c’est comment, nous, en tant que société, on peut laisser faire ça au vu et au su de tout le monde. Est-ce que comme moi, tu t’es sentie interrogée, notamment dans ta propre utilisation des réseaux sociaux ?

Pépita. – Je ne me suis pas du tout sentie interrogée dans mon utilisation des RS ! Je n’y mets jamais ma photo ni celle de ma famille par exemple. Mais plutôt comment la société pourrait prendre du recul par rapport à cette utilisation. Quels garde-fous ? Quelles limites ? Quels avertissements ? Quelle formation citoyenne ? C’est surtout ça qu’interroge ce roman.

Colette. – Je me suis sentie interrogée non en tant que productrice de contenus mais comme utilisatrice. Si les gens se sont mis à exposer leur vie, c’est que d’autres gens les regardent faire. Je t’avoue que sur Instagram c’est ce qui me dérange toujours : montrer ce qu’on mange, montrer où on part en vacances, montrer où on vit. Ce n’est pas juste une question de montrer les visages de sa famille, il me semble que ça va plus loin. Pourquoi on fait ça ? Comme Mélanie, je crois qu’on court après les likes.
Mais tu as complètement raison, la question la plus intéressante, c’est celle des garde-fous. Tu sais combien cette question m’intéresse depuis que j’ai décidé de quitter les réseaux sociaux suite à la mort de Samuel Paty et aux horreurs que mes élèves me racontaient. Le garde-fou le plus évident pour moi, c’est la morale. Mais visiblement la morale n’est pas la même pour tous. Alors il y a la loi. Mais encore faut-il qu’elle soit appliquée… Concernant la structure du roman en deux parties. J’ai trouvé ce choix très surprenant par rapport aux autres romans de Delphine de Vigan. Qu’en as-tu pensé ?

Pépita. – Oui c’est vrai que ses romans sont bien plus linéaires d’habitude. Comme je le disais plus haut, cette césure en deux parties, c’est comme si il y avait deux côtés d’une réalité. La première une réalité virtuelle et la seconde la réalité réelle. La première enjolivée et la deuxième réaliste. C’est l’arrestation de la kidnappeuse qui fait la césure. Ce n’est pas ça qui l’intéresse l’autrice : c’est montrer ce décalage entre ces deux réalités très différentes. Et cela a pour effet d’amplifier davantage les dégâts causés.

Colette. – Et le fait que la deuxième partie nous propulse en 2031, dans le futur, est-ce que cela ne donnerait pas un petit côté science-fiction à ce roman ? Est-ce que tu y as vu un sens particulier au choix de cette date ?

Pépita.- Elle veut simplement montrer ce que sont devenus ses personnages. Je n’y ai pas vu de la science fiction, mais juste la continuité de la vie.

Colette. – Oui, tu as sans doute raison, peut-être que 2031 est une date choisie simplement pour que toute l’histoire « colle » avec la seule date réelle du roman qui est la première de Loft Story en 2001. J’y ai vu aussi une manière de nous interroger sur ce que nous allons faire des 10 années qui nous séparent de cette échéance pour mieux protéger nos jeunes, notamment, sur les réseaux sociaux. Au fait, est-ce que tu es allée voir des vidéos sur Youtube d’enfants influenceurs ? Et si oui, qu’as-tu éprouvée ?

Pépita. – Non je ne suis pas allée voir des vidéos d’enfants influenceurs car déjà les vidéos de youtubeurs, j’ai beaucoup de mal. Il y a un truc dont j’aurais souhaité qu’il soit approfondi : c’est la loi ! J’ai trouvé ça incroyable qu’elle soit autant balayée ou contournée plutôt. S’agissant d’enfants, tout de même ! Faut que je prenne le temps de creuser. Tu as été interpellée aussi j’imagine ?

Colette. – J’ai surtout été dégoûtée d’apprendre que cette loi existe et que simplement – comme tant d’autres censées nous protéger – elle n’est pas appliquée, il n’y a pas assez de professionnels employés pour vérifier qu’elle est respectée. C’est comme pour les contenus irrespectueux sur internet, sur les réseaux notamment, la loi existe mais encore faut-il qu’elle soit faite respecter par des forces de l’ordre dédiées à cette tâche (et je ne sais pas si ça existe).

Colette. – Des deux citations mises en exergue de chaque partie du livre, laquelle préfères-tu ?
« Nous avons eu l’occasion de changer le monde et nous avons préféré le télé-achat. » Stephen King.

ou
 » On pressentait que dans le temps d’une vie surgiraient des choses inimaginables auxquelles les gens s’habitueraient comme ils l’avaient fait en si peu de temps pour le portable, l’ordinateur, l’iPod ou le GPS » Annie Ernaux.

Pépita. – Je préfère celle d’Annie Ernaux car elle englobe le sujet plus largement je trouve. Ce roman, ce n’est pas que sur le télé-achat mais sur les RS et ce que nous en faisons.

Colette. – Pour conclure, à qui conseillerais-tu ce roman ? Avec des amies enseignantes, on en a un peu discuté : certaines, très emballées, le proposeraient à des élèves de 3e, d’autres non. L’une d’elles hésitait à le proposer à ses parents qui ne sont pas du tout connectés.

Pépita. – Je le conseillerais à des adultes mais aussi et surtout à des ados ! Je rejoins tes collègues ! Pour ceux qui ne sont pas connectés, ils risquent d’halluciner et de prendre les connectés pour des zombis ! Mais c’est peut-être pour ça qu’ils ne le sont pas justement. Ce roman est d’utilité publique !

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Et pour continuer de nourrir vos réflexions sur l’utilisation d’internet notamment par nos jeunes, la semaine prochaine, nous vous proposons une sélection thématique sur une pratique émancipatrice du net !

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Et n’oubliez pas que vous pouvez toujours lire Pépita sur son blog MéLi-MéLo de LIVRES et sur les réseaux sociaux associés pour profiter autrement de son regard amoureux de la littérature jeunesse et continuer de suivre avec elle le précieux précepte de Julien Green :

« Un livre est une fenêtre par laquelle on s’évade. »

Billet d’été : cartographier nos âmes.

Il est un endroit où il est heureux de se réfugier quand le monde entier semble hostile à l’escapade. Et ce monde c’est notre âme. Car notre âme est un labyrinthe incroyable, un dédale formidable, une jungle insondable. Et quoi de mieux pour tenter cet exil improbable que d’essayer d’en cartographier les contours ?

Cartographie créative, manuel d’illustration, Helen Cann, Eyrolles, 2018.

C’est à ce projet insensé que le magnifique album Museum, petite collection d’ailes et d’âmes trouvées sur l’Amazone de Frédéric Clément, nous invite.

Museum, petite collection d’ailes et d’âmes trouvées sur l’Amazone,
Frédéric Clément, Ipomée, Albin Michel, 1999.

Soulever le couvercle de la boîte en carton. Y découvrir un carnet orange, aux coins abîmés, à l’étiquette déchirée, à la couverture égratignée. Un carnet qui aurait beaucoup voyagé. L’ouvrir. Y lire un texte tapé à la machine à écrire. Une lettre datée du 4 janvier 1996. Une lettre écrite à Tabatinga au Brésil. Une lettre qui annonce une incroyable découverte : sur les ailes des papillons d’Amazonie, on pourrait lire les cartes des âmes de femmes et d’hommes du temps passé.

L’entomologiste de l’album découvre tour à tour la carte de l’âme de Kubilaï Khan, empereur mongol ; de Yoshe, jeune immigré russe ; de Zygaena, écuyère tzigane ; d’Itzpapatotl, artisan plumassier aztèque ; d’Utamaro, peinte des beautés d’Edo ; de Photinoula et Kassandrea, deux soeurs grecques ; de Marco Polo ; de Lola, demoiselle d’Avignon ; de Tashi, Tibétain, tailleur de pierres ; d’Anko, pêcheur de perles en mer rouge ; de Jacaouna, chaman indien ; et de Vladimir Nabokov. 12 papillons, 12 cartes, 12 âmes à explorer. Ce livre a complètement influencé ma vision de l’âme humaine, il m’a permis de l’incarner à travers ce symbole poétique de la carte géographique miniature, visible seulement à la loupe binoculaire. Visible seulement à qui prend le temps de l’observer. Et c’est ainsi que commença ma collection de papillons.

C’est pourquoi quand quelques années plus tard, un ami m’a offert Notre continent intérieur, l’atlas imaginaire de Louise Van Swaaij et Jean Klare, il m’a semblé enfin trouver l’outil idéal pour partir à la conquête de cette âme qui m’habite et m’échappe tout à la fois. Au gré de 21 cartes, nous parcourons la mer des possibles, le pays du secret, le marais de l’ennui, l’archipel de l’oubli, les montagnes de travail, la capitale du changement et tous ces endroits qui émergent au fil des années, là, quelque part, en nous. Quel ravissement de pouvoir donner à ce « quelque part » une forme, des reliefs, des rivages.

Notre continent intérieur, l’atlas imaginaire, Louise Van Swaaij et Jean Klare, Autrement, 2000.

Alors, avec ce billet d’été, je vous invite à cartographier votre âme. Pour partir en voyage là où vous seul.e.s pouvez vous rendre.

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Et pour vous aider à vous lancer, ouvrons le livre Cartographie créative d’Helen Cann.

Cartographie créative, manuel d’illustration, Helenn Cann, Eyroles, 2018.

Analysons d’abord l’anatomie d’une carte : la rose des vents, les lettrages, le cartouche, la légende et les symboles et puis le plan. Puis choisissons notre type de carte : carte illustrée, carte textuelle, plan axonométrique, plan en espace négatif, plan d’architecte, carte de jeu de plate-forme. Et lançons-nous ! Pourquoi ne pas tenter, pour commencer, une carte inspirée de la phrénologie, théorie scientifique en vogue au XIXe siècle selon laquelle la personnalité d’un individu pouvait être déterminée par la mesure des zones de son crâne correspondant à différents tempéraments ?

Cartographie créative, Helenn Cann, Eyrolles, 2018, p. 98-99.

Je vous laisse donc avec ces quelques indications, et si vous vous lancez, n’hésitez pas à partager vos créations sur nos réseaux sociaux en indiquant #alodgamap

Il me tarde de suivre du doigt les fleuves, les rivières et les ruisseaux qui irriguent vos coeurs.

Nos classiques préféré.e.s : Anthony Browne.

Anthony Browne est un auteur-illustrateur d’origine anglaise particulièrement déroutant. Ses albums sont peuplés de chimpanzés et de gorilles aux regards troublants, si expressifs que c’est tout un imaginaire, qui à travers eux, est à portée de main. Le zoomorphisme y est une porte d’entrée, mais pas que. Des portes d’entrée dans l’univers de cet auteur prolifique, il y en a beaucoup. L’art y tient une place primordiale. Et pour un collectif qui ne cesse de plaider en faveur de la culture, faire découvrir Anthony Browne est une manière de la soutenir encore et encore ! Alors promenons-nous dans les albums du lauréat 2000 du Hans Christian Andersen Award !

Déclinaison du jeu des formes, Anthony Browne, avec Joe Browne © éditions Kaléidoscope, 2011.

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C’est grâce à Colette que Lucie a découvert l’univers d’Anthony Browne. Voici les raisons qui l’ont convaincue de présenter Les histoires de Marcel !

Les histoires de Marcel d’Anthony Browne, éditions Kaléidoscope, 2014.

1- Parce que cet album est une ode à la lecture et à l’imagination,
2- Qu’il multiplie les références et donne envie de (re)découvrir ses classiques.
3- Pour le jeu sur les capitales d’imprimerie qui marque l’ampleur des émotions.
4- Parce que chaque aventure reste en suspens, interpelle le lecteur et l’incite à être acteur, à chercher, à être curieux.
5- Pour les indices cachés dans les illustrations qui les transforment en véritable jeu de piste.
6- Parce qu’Anthony Browne a la gentillesse de nous souffler les réponses à la fin de l’album.
7- Et qu’il n’est jamais superflu de rappeler les trésors que recèlent les bibliothèques !

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C’est grâce à une lecture commune avec Lucie que vous découvrirez bientôt, que Colette s’est replongée dans Les Tableaux de Marcel. Voici les dix raisons qui expliquent pourquoi.

Les Tableaux de Marcel , Titre de l’oeuvre originale : Willy’s Pictures,
Kaléidoscope, 2015.

1.Parce que mon fils cadet a redécouvert le personnage de Marcel dans la bibliothèque de sa classe et que nous venons de passer plusieurs semaines en compagnie de ce petit chimpanzé qui le fascine.

2. Parce que la couverture de cet album est une formidable mise en abîme : c’est le personnage fétiche d’Anthony Browne qui est représenté en artiste ; et que peint-il ? Le portrait de son auteur vêtu de son incontournable chandail. J’y vois un clin d’œil au Triple autoportrait de Norman Rockwell qui interroge le lien entre le vrai et le faux dans toute œuvre d’art, notamment autobiographique.

Triple autoportrait, Norman Rockwell, 1962.

3. Parce qu’Anthony Browne y interroge l’art de la seule manière qui le rende vraiment accessible : « Marcel aime peindre et regarder les tableaux. Il sait que chaque image raconte une histoire. »

4. Parce qu’au fil des pages, l’artiste revisite des tableaux incontournables de l’Histoire de l’art mondiale, de Léonard de Vinci à Frida Kahlo en passant par Ingres ou Vermeer.

5. Et non seulement, il les revisite mais en plus il le fait avec humour en y intégrant les personnages de ses albums dans des situations saugrenues.

6. Et non seulement, il le fait sur un registre léger, mais en plus dans chaque tableau, il interroge le processus artistique en y intégrant des références à l’acte de peindre.

7. Les titres eux-mêmes sont modifiés, de manière à créer un lien entre ces œuvres universelles et l’intériorité du personnage principal, Marcel.

8. Parce qu’à la fin de l’ouvrage, on trouve un dépliant qui aurait pu être très didactique où le lecteur et la lectrice retrouvent les œuvres « citées » dans l’album mais en fait Anthony Browne y livre ses émotions personnelles face aux tableaux choisis. Passer par les émotions étant, selon moi, le seul moyen d’entrer de plein pied dans le monde de l’art.

9. Parce que l’avant dernière page de l’album confirme la mise en abîme de la couverture par un habile jeux de références : Anthony Browne joue sans cesse avec nos capacités d’analyse et, j’avoue, j’ai un faible pour ces artistes qui osent sans cesse mettre au défi leur lectorat, dès le plus jeune âge !

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A chaque (re)lecture, Blandine (re)découvre Une histoire à quatre voix. Voici pourquoi en dix raisons:

Une histoire à quatre voix. Titre original: Voices in the park. Kaléidoscope, 1998
  1. Pour son titre qui attire et interroge
  2. Parce que d’un évènement banal, Anthony Browne en a fait un exercice de style
  3. Pour les différentes graphies utilisées, une pour chaque voix
  4. Pour le dessin au trait vintage et les gorilles emblématiques d’Anthony Browne
  5. Pour les ambiances chromatiques propres à chaque personnage
  6. Pour les références, clins d’œil et illusions d’optique qui parsèment chaque illustration
  7. Parce que ces détails racontent l’histoire, les peurs et espoirs de chacun
  8. Pour ses différents niveaux de lectures
  9. Parce que ça résonne en nous et nous questionne, nous invite à réfléchir à nos propres façons de voir
  10. Parce que tout est affaire de perspectives

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Pour Liraloin c’est les détails des illustrations qui retiennent son souffle ! Et du détail il y en a énormément dans cet album !

Hansel et Gretel de Jakob et Wihem Grimm, illustré par Anthony Browne, Kaleidoscope, 1981
  1. Car c’est une adaptation du célébrissime conte des frères Grimm complètement modernisé dans un monde ouvrier.
  2. Car Anthony Browne invite le lecteur dans son univers aux illustrations marquantes et aux détails qui n’échappent pas à l’œil du jeune lecteur ou de la jeune lectrice.
  3. Justement ces détails dès l’entrée de l’histoire : le rose, les bijoux, la belle lingerie, le maquillage de la méchante belle-mère contrastant avec la pauvreté de famille et de la maison.
  4. Pour ce chapeau de forme conique projeté sur l’ombre de la belle-mère…. Et son visage si similaire à celui de la méchante sorcière ….hahaha … le suspens monte d’un cran !
  5. Pour cette maison en biscuit pas très appétissante (contrairement à d’autres versions) mais assez pour attirer et apaiser la gourmandise retenue d’Hansel et Gretel.
  6. Pour cette forêt lugubre aux arbres fantomatiques et parfois droits comme des barreaux d’une prison. Ces visages sur les troncs me donnent la pétoche …
  7. Pour ce faisceau de lumière qui jaillit d’entre les arbres laissant présager, sans doute, un espoir de s’échapper.
  8. Pour cette petite pousse de bonheur dans son pot qui grandira en se reflétant dans la porte vitrée bleutée de la maison
  9. Car nous avons suivi ces deux enfants voulant à tout prix revenir chez eux. Hansel et Gretel, deux enfants libres et à la fois prisonniers, je vous laisse le découvrir tranquillement…
  10. Car il faut continuer à lire et présenter les albums d’Anthony Browne, lui seul adapte et voit le quotidien comme personne d’autre.

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Et pour boucler la boucle, jetons notre dévolu avec Isabelle sur une nouvelle histoire de singe signée Anthony Browne : Petite Beauté, qui célèbre la rencontre entre un gorille esseulé et un malicieux chaton. Quel plaisir de se regarder dans les yeux, de partager chaque moment, d’être ensemble ! Mais les humains seront-ils capables d’y croire et de laisser les deux compères ensemble ? Cet album est depuis de nombreuses années l’un des livres fétiches des moussaillons de L’île aux trésors. Voici pourquoi !

Petite Beauté, de Anthony Browne, L’école des loisirs, 2008.
  1. Pour l’univers toujours délicieusement vintage d’Anthony Browne qui fait se retrouver plusieurs générations !
  2. Pour l’art de dessiner les singes d’un trait méticuleux et délicat, représentant chaque poil de la fourrure du gorille…
  3. … et surtout ce regard tellement expressif et bouleversant.
  4. Pour le décor qui, à l’image du protagoniste, se situe à mi-chemin entre mondes humains et sauvages, avec ce salon aux motifs luxuriants.
  5. Et pour les petites surprises glissées ici et là, que l’on découvre au fil des relectures.
  6. Pour le petit clin d’œil à King Kong.
  7. Pour découvrir la magie de l’expression par la langue des signes.
  8. Parce que cet album évoque à hauteur d’enfant des sentiments qui parleront à chacun.e : la solitude, la tendresse, le bonheur, la colère et la peur.
  9. Parce qu’il montre si joliment les charmes de l’amitié et des moments partagés…
  10. … et à quel point les plus grands peuvent avoir besoin des petits.

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Et vous ? Avez-vous lu et aimé Anthony Browne ? Lesquels de ses livres aimeriez-vous partager ?

Des figures paternelles enthousiasmantes.

A quelques jours de la fête des pères, en cette année qui verra à partir du 1er juillet 2021 le congé paternité enfin allongé, passant de 11 à 25 jours, nous avions envie de partager avec vous une sélection d’albums et de romans qui mettent en avant des personnages de pères curieux, ouverts, bienveillants et attentifs.

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Pour les plus petits, Alain Le Saux décline toutes les potentialités d’un papa attentif et drôle dans sa fameuse Boîte des papas. Quatre titres en format cartonné idéal pour que les petites mains découvrent au fil des verbes un papa joueur et câlin qui a su soigner son âme d’enfant.

La Boîte des papas, Alain Le Saux, École des loisirs, 2009.

L’avis de Colette.

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Ecrire permet souvent de déclarer son amour et cela fonctionne parfaitement dans cet album qu’Oliver Jeffers a écrit pour sa fille. Au fil des pages, il parle de transmission, des souvenirs que l’on se crée ensemble, du chemin que l’on parcourt côte à côte, main dans la main. Tout n’est pas toujours facile, mais à deux il est plus facile de se relever et d’avancer.

Toi et Moi – Ce que nous construirons ensemble, Oliver Jeffers. L’école des loisirs, 2020.

L’avis de Lucie.

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Pour Liraloin c’est Papa ! ce grand classique de Philippe Corentin qui montre une figure paternelle très sympathique.

Ce que l’on remarque tout de suite c’est le visage transit de peur (bouche grande ouverte, cheveux dressés sur la tête) d’un petit garçon criant « Papa ! ». Une peur provoquée par cet étrange animal aperçu au dos du livre.

« Au lit, on lit » c’est bien connu qu’une bonne lecture est propice à un bon endormissement. Cependant, le réveil peut être brutal surtout lorsqu’un étrange petit garçon se retrouve dans le même lit. Quel est le monstre finalement ? Et si ce dernier était le fruit de notre imagination ?

Dans cet album, Philippe Corentin exploite la figure paternelle de façon très simple. Le papa est celui qui est appelé pour secourir ou éventuellement pour chasser l’horrible monstre du lit. C’est à lui qu’incombe le rôle salvateur alors que la maman est là pour rassurer et consoler ou pour faire la morale. Et oui, ce petit garçon s’est couché le ventre trop plein entrainant une mauvaise digestion et donc… Boum ! Cauchemar en action !

Papa ! est un album intemporel que les enfants ne cessent de réclamer. Cette histoire est drôle, rassurante et douillette. Après tout, il n’y a pas que le papa et la maman qui s’inquiètent du petit garçon mais tous les invités également.

Papa ! de Philippe Corentin. Ecole des loisirs, 1995

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Si Roald Dahl s’amuse souvent au dépend des adultes en soulignant leurs travers et leurs contradictions pour notre plus grand plaisir, la figure paternelle de Danny champion du Monde est pour le moins enthousiasmante. Aimant, attentif, valorisant et plein d’humour, Lucie vous invite à (re)découvrir le papa de Danny !

Son avis ICI.

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Le père de Coyote, c’est tout un poème. Pieds nus, look de hippie, regard désarmant, tendresse infinie pour sa fille. Leur bus, qui leur sert de maison nomade, les transporte d’un bout à l’autre des États-Unis au gré de leurs inspirations. Rodéo partage avec sa fille le goût des livres et des histoires, l’envie de laisser des inconnus monter à bord et l’amour des sandwiches du Montana ! Mais il a aussi ses failles qui le rendent d’autant plus attachant. Si Coyote est le personnage principal du roman, son père reste une figure paternelle inoubliable parmi celles que l’on rencontre en littérature jeunesse.

L’incroyable voyage de Coyote Sunrise, de Dan Gemeinhart, PKJ, 2020.

Les avis d’Isabelle, Linda et Lucie

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La forme du roman choral se prête également à évoquer une relation père-fils. Madeline Roth nous donne à entendre la voix de Lucas, seize ans, et de son père, qui ne se parlent plus depuis longtemps. Ce n’est pas qu’ils soient fâchés, mais les silences, leurs différences et le temps qui voit Lucas grandir et son père vieillir ont distendu le fil de leurs liens. Rassemblés pour une semaine de vacance dans un chalet perdu dans la montagne, ils n’ont guère le choix d’autre choix que de se faire face. S’ils ne pourraient guère être plus différents – l’un posé, habile de ses mains, taiseux, solitude, l’autre avide de vivre, de bruit, de contacts – ils se manquent l’un à l’autre et partagent plus qu’ils ne le pensent. Un beau texte sur le pouvoir qu’a l’amour de transcender les différences et sur l’urgence d’entretenir, mot après mot, geste après geste, les liens qui nous tiennent à cœur.

Mon père des montagnes, de Madeline Roth. Éditions du Rouergue, 2019.

L’avis d’Isabelle

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En bonus, on vous conseille un film magnifique, captivant, déroutant, enthousiasmant qui dresse le portrait d’un père de 6 enfants parfaitement incroyable. Un Captain Fantastic qui sait nous interroger sur notre rapport à indépendance, aux savoirs, à la transmission, à l’amour.

Captain Fantastic, Matt Ross, 2016.

La bande annonce si ça vous tente !

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Et vous, quel livre auriez-vous ajouté à cette sélection ? Quel livre a su témoigner du bonheur d’être parent ?