De case en case, jouer le “je” – Une sélection de BD autobiographiques.

Commencer l’année avec des BD, c’est ce que le Festival International de la Bande-Dessinée d’Angoulême propose chaque année aux amatrices et aux amateurs de ce genre littéraire si particulier ! Cette année le festival fêtait ses 50 ans ! 50 ans de bulles, de vignettes, de phylactères, de planches et d’onomatopées ! C’est l’occasion pour nous de regarder ce genre à travers un prisme un peu particulier : celui de la BD autobiographique. Car des autrices et des auteurs qui ont choisi de se raconter au fil des cases, il y en a de plus en plus. On y retrouve des récits d’enfance, des histoires d’héritages, des journaux intimes, mais aussi des témoignages historiques ou autres confidences amoureuses. Un genre foisonnant dont on vous présente aujourd’hui nos titres préférés !

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Colette vous présente un premier titre, découvert à Angoulême en 2008, dont le titre est particulièrement énigmatique : Ma maman est en Amérique,elle a rencontré Buffalo Bill écrit par Jean Régnaud et Emile Bravo. On y suit une année scolaire dans la vie de Jean qui vient de rentrer au CP dans une petite ville du Périgord. On découvre au fil des pages le quotidien de Jean, ses jeux avec son petit frère, Paul, les jolis rituels de sa gouvernante Yvette et les traits tirés et tellement sérieux de son papa. On y découvre aussi sa voisine, Michèle, de deux ans plus âgée que lui, qui vient égayer ses longs après-midis libres en lui lisant notamment les cartes postales que la maman de Jean lui envoie des quatre coins du monde. Mais pourquoi la maman de Jean écrit-elle à Michèle au lieu de lui écrire à lui et à son frère, Paul ? Voilà tout le mystère de ce merveilleux récit d’enfance, raconté du point de vue d’un petit homme de 7 ans qui cette année-là va faire de terribles découvertes. Si l’on retrouve de nombreuses caractéristiques du récit autobiographiques, les choix narratifs ici sont particulièrement ingénieux car rien ne nous avertit que ce texte est le récit de l’enfance de Jean Régnaud : l’auteur en effet choisit de raconter son histoire du point de vue de l’enfant et non de l’adulte qui porterait sur sa vie un regard rétrospectif. Ce qui en fait une BD accessible des plus jeunes lecteurs et lectrices tout en donnant du grain à moudre aux plus grand.e.s.

Ma Maman est en Amérique, elle a rencontré Buffalo Bill,
Jean Regnaud et Emile Bravo, Gallimard 2007.

Cette BD a été adaptée en film d’animation en 2013 par Marc Boréal et Thibaut Châtel. Une petite merveille qui offre une autre vision de ce récit d’enfance.

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Pour les plus grand.e.s, Colette propose la lecture de Goupil ou face de Lou Lubie. L’autrice y raconte comment, adolescente, elle a découvert, après de longues phases de questionnements et d’errances thérapeutiques, qu’elle souffrait d’un trouble psychologique : la cyclothymie. Ce qui est formidable dans ce récit autobiographique, c’est que Lou Lubie nous livre un nombre incroyable d’informations sur ce trouble tout en nous confiant tout ce qu’elle a testé pour vivre avec. L’allégorie qu’elle choisit pour représenter sa maladie est vraiment judicieuse car elle permet de mettre un visage sur son trouble, une image qui sans nul doute lui a permis de s’apprivoiser elle-même. Et au delà de ce récit accès sur la psychologie de son autrice, c’est aussi son processus créatif que l’autrice nous dévoile et c’est toujours jubilatoire car Lou Lubie manie avec une véritable grâce le sarcasme et l’humour noir !

Goupil ou face, Lou Lubie, Delcourt, 2021.

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Nowhere Girl est sans doute la BD autobiographique qui a le plus touché Isabelle et ses moussaillons. La sincérité avec laquelle Magali Le Huche raconte la dureté de son quotidien de collégienne qui voulait pourtant tellement bien faire, son malaise face à l’enfance qui s’étiole, aux interpellations cassantes et au conformisme de la cour… Le propos sonne juste, nombre de nowhere people s’y reconnaîtront. Les « images » sont très parlantes aussi : ce fardeau de plus en plus lourd sur le dos ; le groupe qui s’estompe lorsque la solitude se referme sur Magali. Heureusement, il y a les Beatles et leur Ticket to Ride vers une bulle en apesanteur, éclaboussée de couleurs chatoyantes, où l’insouciance règne en maître et tout semble possible ! Mais n’allez pas imaginer qu’il s’agit d’une lecture pesante, c’est au contraire un album plein de fraîcheur. Le charme des années 1990 – doudounes Chevignon, Minitel, horloge en forme de montre XXL au mur, Bruel et Nirvana dans le top 50 –, le tempérament pour le moins entier de la narratrice et sa passion anachronique pour les Beatles sont réjouissants. Et quel réconfort on trouve dans l’amitié d’Agathe et l’amour, même maladroit, de sa famille – All you Need is Love – mais aussi et surtout dans l’exploration de mondes imaginaires qui n’appartiennent qu’à soi, auxquelles de magnifiques explosions de couleurs rendent hommage. Strawberry Fields Forever ! Une BD lumineuse et pleine d’inventivité.

Nowhere Girl, Magali LeHuche, Dargaud, 2021.

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Pour ne pas complétement oublier que parfois c’est compliqué d’être ado, Liraloin a suivi les aventures de trois amies.

Emma est en 5ème, vit avec son papa et ses meilleures amies sont Bao et Linnéa. Après l’été, c’est l’heure de la rentrée et les trois jeunes filles aiment se retrouver pour jouer dans la forêt. Mais changement de plan pour Linnéa qui décide, soudainement, de retourner au collège sans donner d’explication à ses amies. Un peu plus tard, Linnéa avoue sortir avec un garçon. Et là, c’est parti, Emma se pose des questions sur elle : « EN TOUT CAS, il me faut un PLAN si je ne veux pas être la seule à ne pas être amoureuse ! » tandis que Bao ne comprend pas du tout le changement d’intérêt de son amie Linnéa.

Il est l’heure de se poser des questions. Trois amies unies et l’adolescence qui commence à pointer le bout de son nez. Sous forme de journal, Emma va se confier sur ses relations avec Bao, Linnéa mais aussi Mariam. Elle va essayer de comprendre pourquoi elle-même commence à changer.

Cette histoire est douce. Sa tendresse est contagieuse et emporte le jeune lecteur dans une vie d’ado aux sentiments perturbés : « Je vais arrêter d’être une gamine et commencer à être une ado. » ce qui, en soi, ne se commande pas et peut s’avérer plus compliqué que prévu. Une BD aux problématiques adolescentes menée de façon positive.

L’année où je suis devenue ado, Nora Dasnes, Casterman, 2021

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Et parce qu’être ado dans une famille recomposée est une réelle aventure, Liraloin s’est pris d’amitié pour Jen.

Jen aime dessiner, consigner dans un carnet à spirale des instants de sa vie surtout qu’en ce moment : le changement c’est maintenant visiblement !
Fini la vie new Yorkaise et welcome à la ferme Petit Pois. Alors, entre sa nouvelle vie à la campagne, à ne pas échapper aux corvées et supporter son beau-père, Jen a dû mal à trouver sa place. Son père lui manque et dorénavant il lui faut même partager sa chambre un week-end sur deux avec les deux filles de son beau-père. Vous ne trouvez pas que tous ces évènements peuvent faire beaucoup pour une seule petite fille ? De plus, à cet âge on ne peut pas dire que la confiance soit au rendez-vous. Dans cette autobiographie, l’autrice nous livre son histoire et ses difficultés pour totalement s’adapter.

La Ferme Petit Pois : la nouvelle vie de Jen de Lucy Knisley, Gallimard BD, 2021

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« En somme, je vais parler de ceux que j’aimais »

Albert Camus dans une note au sujet du Premier homme.

Plus qu’une BD autobiographique, Le premier homme est l’adaptation d’un roman largement autobiographique d’Albert Camus par Jacques Ferrandez. L’auteur y évoque ses premières années en Algérie entre sa mère et sa grand-mère, sa rencontre décisive avec monsieur Germain (modèle de tous les instituteurs) et son cheminement jusqu’à Paris et la reconnaissance.
Les thèmes sont forts : recherche des origines, amour filial, poids de la pauvreté, éducation, et cette Algérie si chère à Camus. C’est aussi l’occasion de (re)découvrir certains aspects de la colonisation.
Le personnage déambule dans son histoire, entre passé et présent sans que le lecteur ne s’y perde. Alors que les souvenirs assaillent le narrateur, Jacques Ferrandez multiplie les astuces pour que le récit reste fluide grâce à l’utilisation des couleurs et aux interventions de Jessica.

Le premier homme, Jacques Ferrandez d’après Albert Camus, Gallimard, 2017.

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Très grande fan du travail de David Sala il était tout naturel que Liraloin puisse évoquer cette BD coup de coeur !

En se rendant à l’hôpital où son grand-père est soigné, une maman raconte à son fils, encore très jeune, le passé de cet homme. Un homme né au sud de l’Espagne, engagé mais forcé de s’échapper pour ne pas sombrer sous le régime franquiste.  Un homme vieillissant et malade, refusant de mourir avant son bourreau : Franco. De repas de famille en visites d’amis, David apprendra les détails concernant la captivité de son grand-père maternel mais aussi le passé de résistant de son autre grand-père. Comment grandit-on dans une famille où les figures paternelles héroïques sont si présentes dans l’esprit d’un petit garçon ? 

Il y a un très grand respect et de la douceur dans le travail de David Sala. A travers cette vie de petit garçon et plus tard de jeune adulte et d’homme, ce dernier nous plonge dans une intimité douloureuse mais en même temps lumineuse.  Les passages évoquant la vie héroïque des deux grands-pères sont sublimes. Leur envol respectif permet au lecteur de respirer et à la fois de s’immerger dans ce passé si glauque. La guerre, fil conducteur de cette BD, nous rappelle à notre devoir de mémoire et de transmission. Elle nous démontre également la force des liens familiaux peu importe son histoire et ses engagements. Une BD émouvante et d’une sensibilité rare.

Le poids des héros, David Sala, Casterman, 2022

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Dans L’Arabe du Futur, le célèbre auteur Riad Sattouf nous raconte ses origines et son éducation entre poids des traditions et double culture. Cette série en six volumes est d’autant plus intéressante qu’on y découvre un contexte historique fort, le petit Riad ayant passé une partie de son enfance dans la Lybie de Kadhafi et la Syrie d’Hazed Al-Assad dont l’auteur nous montre l’influence sur sa famille, notamment sur son père qui souhaite que son fils soit éduqué dans le culte des grands dictateurs. Le retour en France et la séparation de ses parents lui offriront une nouvelle liberté et allégeront en partie le récit qui reste drôle même dans les périodes difficiles…

L’Arabe du futur, série en 6 tomes, Riad Sattouf, Allary, 2014 à 2023.

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Aux Etats-Unis, depuis 1986, le mois de février est déclaré “National Black History Month” afin de (re)connaître, transmettre, se rappeler et représenter l’Histoire des Noirs au sein de leur (vaste) pays. C’est dans ce cadre que Blandine a découvert John Lewis avec la trilogie Wake Up America, qu’il a signée avec Andrew Aydin (son attaché parlementaire en communication) et Nate Powell. John Lewis était député et démocrate, ancien membre du Congrès et des « Big Six » dont faisait notamment partie Martin Luther King. Tout comme ce dernier, John Lewis prononça un discours lors de la Marche sur Washington le 28 août 1963. Il est décédé en juillet 2020.

Wake Up America. John LEWIS, Andrew AYDIN et Nate POWELL. Rue de Sèvres, Intégrale éditée en août 2021

Cette trilogie, parue intégralement en 2021, retrace une partie de la vie de John Lewis, entre 1940 et 1965, lorsqu’il prit pleinement conscience de la ségrégation et des différences de vie pour les Noirs entre les Etats du Sud et ceux du Nord. Il décrit son engagement dans la Lutte pour les Droits Civiques des Noirs en en retraçant les évènements et en présentant les grandes figures du Mouvement. Bien que se terminant en 1965 avec le Civil Rights Act et les Voting Rights Act, cet album, aussi passionnant que riche, est toujours d’une brûlante et délicate actualité.

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Damien. L’empreinte du vent. Gérard JANICHON et Vincent. Vents d’Ouest / Glénat, 2022

Avec cette BD, Gérard Janichon nous raconte l’aventure incroyable qu’il a vécue avec Jérôme Poncet à bord du Damien, voilier en bois de 10 mètres, dans les années 1970.

Adolescents grenoblois, ils ne connaissent rien à la mer, aux bateaux et pourtant, leur vient l’idée folle de faire le Tour du Monde en voilier. En cinq ans, ils se donnent les moyens financiers et matériels d’accéder à leur rêve et c’est ainsi qu’ils partent de La Rochelle en mai 1969, pour y revenir en septembre 1973. Durant ce laps de temps, ils ont subi le froid, la chaleur, le manque de vent, des tempêtes, ils ont vu des paysages magnifiques, ont eu des frayeurs angoissantes, ils ont fait des rencontres improbables ou des retrouvailles festives, franchi des Caps, dû renoncer ou bien triomphé!

Au fil de flashbacks, moments phares et dessins immersifs à l’aquarelle, leur initiation devient la nôtre et nous permet de ressentir toutes les émotions fortes et contraires, les questionnements existentiels ou ordinaires, qui les ont étreints durant ce voyage initiatique, ce voyage d’une vie !

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Dans le même esprit, Maxime de Lisle nous raconte le voyage essentiel qu’il a vécu avec ses amis, organisant une expédition en kayak pour découvrir le Passage intérieur, qui s’étend au-delà de l’Alaska jusqu’en Colombie Britannique, au Canada. Si leur objectif avoué est de voir des baleines et des ours, les trois hommes vont pourtant aller à la rencontre de leur moi intérieur et revenir transformés.

Le Passage Intérieur – Voyage essentiel en Alsaka est aussi un guide pratique à destination de tous ceux qui souhaiteraient entreprendre l’aventure. Avec ses pages informatives, la bande dessinée prend aussi la forme d’un carnet de voyage superbement illustré. Bach Mai a un trait réaliste qui semble poser sur le papier visages expressifs et paysages à couper le souffle comme s’il captait l’instant présent et le photographiait. Le choix d’utiliser le noir et blanc ponctué de couleurs renforce l’impression de journal intime tenu au jour le jour, illustré d’aquarelles à l’image de la faune et de la flore locale, de photographies et agrémenté de notes pratiques et de citations d’auteurs. Cela procure un sentiment d’intimité qui captive et entraîne dans l’immensité des paysages, desquels l’illustrateur retranscrit toute la beauté dans ces pages.

Ce voyage au bout du monde civilisé amène une réflexion écologique forte lorsque les comparses découvrent que la main de l’homme se tend aussi loin que possible, dénaturant les grandes forêts dans les coins les plus reculés et provoquant inévitablement un bouleversement des écosystèmes. Le réchauffement climatique, visible dans des lieux encore sauvage, interroge les hommes qui, soucieux de sauver ce qui peut encore l’être, en oublieraient presque le froid, la fin et la fatigue auxquels ils s’exposent par ce voyage aux limites du monde et d’eux-mêmes.

Le Passage IntérieurVoyage essentiel en Alaska, Maxime de Lisle & Bach Mai, Delcourt, 2022.

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Et vous, quelles BD autobiographiques avez-vous particulièrement aimées ?

Entretien avec Guillaume Chansarel

Guillaume Chansarel, dit Guiyome, est un artiste français qui peint de très grands paysages urbains sur des toiles recouvertes de pages de livres. Depuis longtemps, il portait en lui le personnage d’Ange Ségur. Ayant décidé de lui donner vie, dans un roman jeunesse, il nous a proposé de le découvrir.

Intriguées tant par sa démarche artistique que par son passage à l’écriture, nous avons décidé de lui poser quelques questions auxquelles il a gentiment accepté de répondre.

source : artistics.com

Vous souvenez-vous de ce qui vous a amené à peindre sur des pages de livres ?

J’ai toujours crobardé sur des petits carnets, notamment lors de mes voyages, et j’ai toujours recherché des papiers originaux. Des papiers qui aient une matière et une teinte.
J’aime ajouter moi-même le blanc et l’utiliser comme une couleur.
Un jour, n’ayant rien d’autre sous la main qu’un vieil ouvrage imprimé, j’ai commencé à dessiner directement sur le texte, comme s’il s’agissait d’un support vierge.
L’interaction avec l’encre de chine m’a immédiatement séduit. Je suis rapidement passé aux grands formats pour approfondir cette technique, qui ne cesse d’évoluer depuis.

Est-ce qu’en utilisant des pages de livres comme support vous considérez que vous leur offrez une seconde vie ?

Lors de ma première exposition, en 2001, il y avait pas mal de réflexions sur le fait que je détériorais les livres. Aujourd’hui 20 ans plus tard, tout le monde, instinctivement, y voit une démarche écologique de recyclage…

Récup, Guillaume Chansarel, 2012.

Comment choississez-vous les livres sur lesquels vous peignez ?

Je choisis mes livres non pas en fonction de leur thème, mais de leur papier ; la qualité de leur patine et de leurs caractères d’imprimerie. Je discerne, avec l’expérience, ceux qui me permettront d’appliquer au mieux ma technique.
Cependant certains livres me surprennent encore et me forcent à m’adapter. Les matières et les gris colorés changent d’une exposition à l’autre.

Récemment, afin de répondre à une commande grand format d’un architecte, j’ai recherché et travaillé sur un vieux dictionnaire qui traite de l’histoire de Paris.

Arches Landscape, Guillaume Chansarel, 2019.

Comment vivez-vous le fait que quelqu’un puisse peindre sur votre livre dans quelques années ?

Je n’ai pas réfléchi à l’idée que quelqu’un puisse peindre sur Ange Ségur… Il faudrait que je lui en parle ! 🙂

Est-ce qu’en avoir écrit un vous-même a changé votre rapport aux livres ?

C’est uniquement pendant la phase d’écriture que mon rapport aux livres a changé. Difficile de se laisser embarquer dans une histoire sans essayer de savoir comment c’est fichu. Sans chercher à tout décortiquer… Fort heureusement, après, c’est passé.
Mais je suis encore plus admiratif aujourd’hui lorsque je tombe sur une formule qui fait mouche !

Quand on vit déjà de son art, qu’est-ce qui pousse à se “mettre en danger” en s’essayant à un autre support d’expression ?

La mise en danger, c’est tout le paradoxe de la création. Vitale, mais potentiellement destructrice. « Créer, c’est vivre deux fois », disait Camus.
Je ne me sens jamais aussi vivant que lorsque je crée. Et rien à part cette « rencontre » avec Ange ne m’a porté aussi haut. C’est quelque chose d’inexplicable.
La vraie mise en danger serait de renoncer à cela.

L’écriture et le dessin sont les deux modes de communication graphique de l’être humain. De ce fait, je pense qu’il y a, au-delà de l’aspect pictural, quelque chose d’universel et de rassurant dans mes peintures. Peut-être un écho aux romans illustrés de notre enfance ? …

Un exemple des illustrations d’Ange Ségur

Comment est né le projet Ange Ségur ?

Je ne sais pas exactement… Je crois qu’il toquait à ma porte depuis longtemps, et qu’il fallait juste que je lui ouvre.

Ange Ségur, Guillaume Chansarel, Imprimerie solidaire, 2022.

De quel manière le partenariat avec le Secours Populaire est-il apparu ?

Comme une mise en abime, comme si Ange, par un lien direct avec son histoire, avait dégagé la voie et m’avait montré le chemin, j’ai décidé de reverser les bénéfices au Secours Populaire : un coup de fil, une rencontre, des sourires, une évidence, et voilà le logo du SPF apposé aux côtés d’Ange Ségur.
Chose incroyable, le logo du Secours Populaire, c’est une main tendue qui vole… avec des ailes d’ange !

Quels sont vos prochains projets ?

Je suis en train de travailler sur ma prochaine exposition, mais pour tout vous dire, je viens de recevoir un mail d’une certaine A.S., qui est visiblement quelque part à New-York…

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Merci à Guillaume Chansarel pour sa disponibilité et son enthousiasme !

Vous pouvez vous procurer ce roman sur le site dédié, retrouver Ange Ségur sur Instagram.

La lecture d’enfant de Théo est ICI, et le site du Secours Populaire LA.

Lecture d’enfant # 41 : Ange Ségur

Guillaume Chansarel a gentiment proposé aux arbronautes de découvrir Ange Ségur, son premier roman jeunesse.

A peine était-il arrivé que Théo, 10 ans, s’en est emparé. Il faut dire qu’entre les illustrations pleines de vie, le personnage de son âge et l’histoire qui tourne autour de l’entrée au collège, il s’est senti concerné !
Et il a eu envie de partager ses impressions.

Ange Ségur, Guillaume Chansarel, Editions Du Cerny, 2021.

Peux-tu résumer l’histoire ?

C’est l’histoire d’Ange Ségur qui va rentrer en 6ème. Ses deux meilleurs amis vont dans le même collège, et Ange dans un autre. Ce roman raconte comment ça se passe dans son nouveau collège.

Qu’est-ce qui t’a donné envie de lire ce livre ?

Guillaume Chansarel a proposé de l’envoyer par un commentaire sur le blog A l’ombre du grand arbre. En attendant de le recevoir, on a regardé ce qu’il faisait dans la vie et j’ai adoré ses tableaux. Ça m’a donné envie de découvrir son livre.

Pourquoi as-tu choisi de parler de ce livre ?

J’ai trouvé qu’il était bien écrit et très différent de ce que j’ai l’habitude de lire. L’histoire est inhabituelle, on ne trouve pas des livres comme ça dans la bibliothèque au coin de la rue.

Qu’as-tu aimé dans ce livre ?

Il y a de l’aventure et beaucoup de rebondissements. Les personnages sont sympas, ils ont du caractère ! Il y a beaucoup d’imaginaire, c’est un peu fantastique.
J’ai aussi aimé que l’auteur joue avec le livre : il y a une fausse fin, les illustrations sont soi-disant des dessins réalisés par Ange, il y a un flip book en bas des pages…
Ange parle vraiment comme un enfant de 10 ans, il y a de l’argot et du verlan.

Parle-nous un peu d’Ange, qu’as-tu pensé de ce personnage ?

Il fait quand même pas mal de bêtises. Il est imprévisible et prend de mauvaises décisions. Mais c’est pour être gentil !
C’est un personnage plein d’énergie qui passe son temps à courir et à sauter. Il a tout le temps des idées, et est très créatif. Ange adore les super-héros et les comics. Ça m’a plu.

Peux-tu présenter les autres personnages ?

J’ai trouvé ses camarades de collège très désagréables. Ses parents sont vraiment sévères alors qu’ils ne sont pas très présents. Heureusement, Ange va rencontrer Joey, un SDF, et ils vont devenir amis.

A qui conseillerais-tu ce livre ?

Je le conseillerais à toute personne qui aime la BD, les super-héros et les histoires pleines de rebondissements.

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Merci Théo d’avoir partagé ton coup de cœur ! Vous pouvez retrouver Ange sur Instagram (@ange.segur) et vous procurer son roman depuis le 20 septembre sur le site dédié. Tous les bénéfices sont reversés au Secours Populaire.

Prix A l’Ombre du Grand Arbre 2022 : Branches dessinées

Comme annoncé lors de l’anniversaire de notre grand arbre, nous vous proposerons au fil de l’été notre sélection pour le prix A l’ombre du grand arbre 2022. Ainsi vous pourrez, au fil de vos lectures estivales, égrainer les petites perles de la littérature jeunesse que nous avons sélectionnées pour vous, les savourer, les humer, les caresser puis venir voter ici pour vos titres préférés ! Les votes sont ouverts à partir d’aujourd’hui et jusqu’au 20 août. Les gagnants seront annoncés dans la foulée, lundi 22 août.

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Après les sélections BrindillesPetites Feuilles, Grandes Feuilles et Belles Branches présentées les semaines dernières, voici le trio de tête pour la catégorie Branches Dessinées qui célèbre nos bandes dessinées préférées !

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Le jardin secret

Adaptation du roman éponyme de Frances H. Burnett, Le jardin secret est l’histoire d’une jeune orpheline déracinée de son Inde natale pour venir vivre chez un oncle dans son manoir situé en plein cœur de la lande anglaise. Dans cette première partie, la jeune Mary découvre son nouvel univers aux personnages attachants et où la nature tient une place prépondérante. La découverte d’un mystérieux jardin la pousse à en apprendre plus sur la nature. Avec l’aide ses nouveaux amis, elle tente de redonner vie à ce morceau de terre auréolé de mystères.

Le jardin secret – Première partie de Maud Begon, Dargaud éditions, 2021.

Les avis de Blandine et Linda.

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Jours de Sable

Aimée de Jongh signe un roman graphique qui témoigne d’une des catastrophes écologiques les plus importantes qu’aient connu les Etats-Unis : les tempêtes de poussières de la région du Dust Bowl. Jours de Sable est l’histoire de John Clark, photographe de 22 ans, engagé par la FSA (Farm Security Administration) et envoyé faire un reportage dans cette région, une liste de suggestions dans la main. Sur place, il découvre une situation pire qu’il ne le pensait et, face à une population qui se questionne sur ses intentions réelles, il remet en question son métier autour d’un questionnement sur le pouvoir des images et leur utilisation.

Jours de Sable d’Aimée de Jongh, Dargaud éditions, 2021.

Les avis de Blandine, LiraLoin et Lucie.

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Alicia Prima Ballerina Assoluta

Ce roman graphique se déroule sur deus époques différentes intrinsèquement liées. De 1943 à 2011, Eileen Hofer revient sur la Révolution cubaine et la politique de Fidel Castro : de comment il utilisa la danseuse étoile Alicia Alonso comme outil de propagande aux conséquences de la révolution sur les générations futures. Si l’histoire d’Alicia montre comment un visage artistique à pu devenir une figure politique, celle de la jeune Amanda Maestra, nous montre la misère à laquelle sont encore confrontées les populations contemporaines et les moyens qu’elles mettent en place pour garder la tête hors de l’eau.

Alicia Prima Ballerina Assoluta d’Eileen Hofer & Mayalen Goust, Rue de Sèvres, 2021.

Les avis de Blandine et Linda.

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Une sélection qui fait voyager entre poésie de l’imaginaire et écriture de l’histoire.

Alors, alors !

Quel est votre titre préféré dans la catégorie Branches Dessinées ?

  • Jours de Sable d'Aimée de Jongh, Dargaud éditions, 2021. (70%, 14 Votes)
  • Le jardin secret - Première partie de Maud Begon, Dargaud éditions, 2021. (25%, 5 Votes)
  • Alicia Prima Ballerina Assoluta d'Eileen Hofer & Mayalen Goust, Rue de Sèvres, 2021. (5%, 1 Votes)

Total Voters: 20

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Lecture commune : Nowhere girl

Attirées par cette BD et son sujet principal, Nowhere girl a enchanté trois de nos arbonautes au point d’en faire une lecture commune sous le signe de l’adolescence, bercé par le rythme de la musique des Beatles ! Bonne lecture !

Nowhere girl de Magali Le Huche, Dargaud, 2021

Liraloin
Que pensez-vous de la couverture. Quelle histoire nous raconte-elle?

Colette
Quelle couverture incroyable : une toute petite fille, des géants colorés, une rue à traverser ! J’ai tout de suite reconnu la citation de la pochette du disque Abbey Road des Beatles – même si je ne suis pas du tout une adepte du groupe, ma culture musicale étant limitée à la chanson française contemporaine – mais une citation plus joyeuse et dynamique de la pochette d’origine. Le titre m’a particulièrement intriguée : une fille de nulle part, qu’est-ce que cela signifie ?

Isabelle
“He’s a real nowhere man
Sitting in his nowhere land
Making all his nowhere plans for nobody.”

Connaissais-tu la chanson des Beatles ? J’aime beaucoup ce texte sur les phases de suspens dont on ne voit pas bien sur le moment où elles vont bien pouvoir nous mener… Comme toi Colette, j’ai tout de suite été attirée par la fantaisie joyeuse de ces Beatles. Intriguée aussi par leur lien avec cette petite fille qui mène son chemin comme si de rien n’était : sait-elle qu’ils sont là ? Est-elle la seule à le savoir ?

Liraloin
Je ne connaissais pas cette chanson, si finalement en l’écoutant, comme vous deux, j’ai été attiré par cette couverture. On y retrouve le fameux passage clouté “Abbey Road”, normal que les Beatles y soient aussi. J’aime cette représentation colorée, très festive qui invite à s’enthousiasmer et pourtant ce titre évoque tout autre chose.
Tout comme dans la BD Incroyable !, il y a un préambule. D’après vous quel message Magali Le Huche a souhaité nous faire passer ?

Isabelle
C’est drôle que tu parles d’Incroyable ! Frédérique, j’y ai beaucoup pensé en lisant cette BD. Les parallèles sont nombreux, on y reviendra peut-être ! Cet avant-propos qui arrive avant la page de titre fait un peu figure de bande-annonce. La protagoniste s’y présente, Magali, 11 ans, manifestement fan des Beatles, omniprésents dans la chambre – chanson qui passe, affiches, CD, noms griffonnés compulsivement… Comme dans Incroyable !, on ne sait pas trop sur quel pied danser. Cette vénération obsessionnelle donne envie de rire et en même temps, le visage de Magali est grave.
Avez-vous, pour votre part, vu un message dans ce préambule ?

Colette
Pour moi, je lis ce préambule comme un pacte autobiographique avec le lecteur, la lectrice (tel que Philippe Lejeune l’a défini) : c’est l’endroit au seuil du livre où l’autrice nous certifie que tout ce qui se trouvera dans ce livre sera la vérité car il y aura dans le récit que nous allons lire adéquation entre la narratrice, le personnage principal et l’autrice. Et d’entrée de jeu cela influence notre regard.

Liraloin
Je vous rejoins sur ce que vous avez écrit plus haut, ma première impression a été celle d’Isabelle. Je n’y ai vu que le comportement d’une jeune demoiselle très fan d’un groupe : un peu compulsif c’est en cela que j’ai tout de suite vu le parallèle avec la BD Incroyable !. Mais ce préambule est trompeur et on ne s’attend pas du tout aux événements qui vont suivre.
…d’où cette question : Au départ tout semble “ordinaire” dans la vie de cette jeune collégienne rentrant en 6ème et puis le stress pointe le bout de son nez. Comment l’avez-vous s’installer. Et comment l’avez-vous ressenti ?

Colette
En effet l’angoisse arrive assez vite dans la vie de collégienne de Magali : j’ai eu l’impression que c’était cette ignoble sorcière de professeure de Français qui était l’élément déclencheur : figure revêche et autoritaire, elle met la pression sur ses élèves dès la première rencontre. Notre héroïne ne semble pas prête à affronter ce type de comportement.

Isabelle
Dès le jour de la rentrée, le ventre de Magali (et le nôtre avec) se noue assez vite. Elle est forte de sa complicité avec Agathe, mais tout de même, le bâtiment est imposant, le dress code implacable dans la cour et… personne ne joue. Beaucoup de bruit et un pion despotique qui gesticule et parle très fort. On ressent vite la crainte de se faire remarquer mêlée à la volonté très forte de devenir une bonne élève. Ça m’a beaucoup parlé, ma rentrée de 6e a été l’un des jours les plus terrifiants de ma vie. Mais le stress monte encore en grade par la suite et tu as raison, la professeure de français joue un rôle déclencheur. Malheureusement, cela arrive…

Une professeure pas commode…

Liraloin
Je suis plutôt d’accord avec Colette, cette BD faisait partie de la sélection de mon comité BD il y a 1 mois et un des intervenants nous a expliqué que ce collège n’était pas facile. De belles “performances” d’élèves sont attendues. Comme Magali Le Huche possède cette fibre artistique, elle n’a pas su s’intégrer dans ce moule si particulier. L’angoisse monte et tout comme Isabelle, j’ai été traumatisée par ma rentrée en 6ème, petite campagnarde perdue à la ville.

Isabelle
Après, la famille de Magali est aussi un peu écrasante (même si elle est aimante), non ?

Liraloin
Tout à fait, la mère est hyper occupée, à toujours analyser les faits et gestes de toute la famille ainsi que le père. D’ailleurs s’est assez flippant, les paroles sont représentées par des bulles « brouhaha ».

Colette
La fameuse entrée en 6e… Je ne comprends pas que l’on n’ait toujours pas réussi à adoucir ce moment de transition depuis le temps qu’on peut recueillir des témoignages sur la violence de ce moment.
Très bonne observation Isabelle ! Je n’ai pas su quoi en penser de cette famille… En effet, les parents sont particulièrement attentifs à leur fille et à son malaise mais le point de vue “psychologisant” à travers le prisme duquel ils observent les évènements ne semble pas faciliter le retour à la confiance de Magali.

Isabelle
Et l’exemple de cette sœur qui réussit tout, pas facile à gérer !

Liraloin
Et encore, je ne pense pas que notre petite jeune fille soit en difficulté face à sa sœur. C’est un modèle mais dans le bon sens ! et puis c’est elle qui lui fait découvrir, sans le vouloir, les Beatles.

Colette
La grande sœur quant à elle m’a semblé plutôt incarner une figure rassurante – j’ai particulièrement apprécié la scène où elle accueille sa petite sœur dans son lit, le soir du jour où Magali a eu ses règles pour la première fois : sororité for ever !

Isabelle
Oui, c’est un beau personnage. Mais les succès de toute la famille – la sœur forte en tout, les parents “super-héros du rétablissement”, tous éloquents et sûrs d’eux – semblent placer la barre très haut.

Liraloin
Revenons aux caractéristiques de la BD : comment avez-vous perçues les doubles pages représentant les Beatles et toutes ces couleurs si changeantes du rose et noir dominant?

Colette
Je trouve que c’est toute l’originalité de cette BD, une magnifique marque d’ingéniosité ! Ce flot de couleur nous emporte littéralement avec Magali ! C’est une allégorie particulièrement réussie du pouvoir de l’art, de la musique en particulier, musique évanescente, invisible rendue si concrète à travers ces vagues de couleur.

Liraloin
C’est bien vu effectivement, un monde intérieur et extérieur très coloré rien que pour soi, c’est tout ce changement qui s’opère durant l’adolescence aussi, on se rassure comme on peut. J’ai contemplé ces pages longuement, je les trouve apaisantes avec ce petit personnage qui change de position comme si elle suivait le son de la musique.

Isabelle
Tout à fait ! Autant il y avait peu de couleurs dans le quotidien de la jeune fille, autant les ondes chatoyantes qui viennent l’envelopper aux notes des Beatles semblent déployer une bulle en apesanteur où on peut se laisser aller et tout semble possible ! Ces pages sont merveilleuses.

Un monde intérieur rien qu’à soi…

N’avez-vous pas eu envie urgemment de plonger à votre tour de cet univers – et donc d’écouter les Beatles ? 

Colette
Je ne connais pas du tout les Beatles mais ces pages souvent énigmatiques, quelque peu surréalistes m’ont donné envie en effet de me plonger dans les textes du célèbre groupe pour “déchiffrer” ces pages poétiques.

Isabelle
Suite à cette lecture, par curiosité, mon mari et moi, nous avons vraiment passé plusieurs soirées à écouter les albums que nous ne connaissions pas (notamment ceux dont Magali s’indigne quelque part que personne ne les estime à leur juste valeur !). Et ça a été une vraie révélation, leur musique est vraiment fascinante dans sa créativité et sa capacité à faire vibrer différentes cordes en nous.

Liraloin
J’ai beaucoup écoute les Beatles lorsque j’étais plus jeune et ma chanson préférée était I am the Walrus que je passais en boucle. Très sensible à ces couleurs qui rappellent le psychédélisme, j’y ai vu comme une paix intérieure, un cocon…
Justement, comment repartir vers “la vraie vie” lorsqu’on est déconnecté de tout comme l’est Magali?

Isabelle
Grâce à l’amitié et l’amour de ses proches – All you Need is Love – mais aussi et surtout grâce à la force puisée dans l’exploration de mondes imaginaires qui n’appartiennent qu’à soi et où on est libre de se trouver soi plutôt que de chercher à entrer dans un moule auquel personne ne correspond vraiment. C’est quelque chose que j’ai trouvé très réconfortant : un jour, Magali ne cherche plus à se couler dans le rôle de la bonne élève, mais a identifié avec certitude ce qui la fait vibrer. C’est très inspirant !

Colette
Par contre ce qui m’interroge, c’est qu’elle ne peut mener cette quête qu’en s’éloignant des autres… Ce qui est intéressant chez notre adolescente c’est ce coup de foudre complètement à contre-courant des goûts de sa génération. Il y a parfois des scènes assez drôles qui le soulignent comme la confrontation Bruel / Beatles. Il me semble que malgré le pathétique de la situation d’isolement de Magali, l’auteure réussit à ménager de petits moments d’humour voire d’ironie.

Isabelle
Je suis contente que tu en parles, Colette, car je me dis que le sujet de la BD pourrait faire craindre quelque chose de pesant. Or, il y a beaucoup de moments très drôles. Magali Le Huche manie particulièrement bien l’autodérision quand elle parle de sa propension à vénérer différentes idoles ou de sa passion dévorante pour les Beatles, à contre-courant de son époque. Par exemple quand elle s’indigne que sa mère ait vécu à l’époque des Beatles mais ait préféré écouter Johnny Halliday !

Liraloin
Tout à fait Isabelle ! Quelle belle conclusion que de voir que Magali a réussi à s’exprimer et finalement elle n’a plus aussi besoin des Beatles pour mieux se comprendre, mieux “armée” pour appréhender le monde qui l’entoure. Cet éloignement est nécessaire tant pour respirer un peu car on l’attend au tournant. Et puis Magali est à contre-courant comme le reste de sa famille finalement, ce qui dénote une grande ouverture d’esprit tout comme l’humour.

Isabelle
Tu as raison. Ce n’est pas toujours le cas mais pour y avoir été confrontée de façon proche, j’ai l’impression que les problèmes d’inadaptation comme ceux qu’elle rencontre sont souvent stigmatisants, voire honteux. Cela ne facilite pas toujours les choses pour proposer ou demander de l’aide.
Il me semble que les multiples clins d’œil aux années 1980 alimentent ce registre plus léger, ça m’a amusée de reconnaître les modes et petits accessoires de l’époque un peu partout !

Liraloin
Oui en effet ! j’ai beaucoup apprécié. J’ai la même sensation nostalgique lorsque je regarde les illustrations de Camille Jourdy ! aller simple en enfance !

Colette
Moi aussi, j’ai adoré ces clins d’œil qui ne peuvent parler qu’aux personnes de la même génération que l’auteure ! J’adore cette sensation de découvrir des choses que j’avais complètement oubliées, que je ne savais plus avoir en mémoire !

Liraloin
Quelles sensations garderez-vous de votre lecture ?

Colette
Je crois que c’est ce précieux équilibre des différents registres qui m’a le plus convaincue. Le sujet de la phobie scolaire est un sujet qui me touche de plus en plus directement – au passage, cri d’alerte : la pandémie de Covid-19 a eu un effet dévastateur sur la confiance de nos ados en l’école me semble-t-il, et les “cas” de phobies scolaires semblent se multiplier – c’est un sujet qui aurait pu très vite tourner au tragique mais l’auteure a réussi à y déchiffrer une toute autre partition.

Liraloin
Tout à fait Colette mais je dirais aussi que l’adolescence y est pour beaucoup aussi. Il y a tellement de changements d’ordre physique et psy. Magali Le Huche a bien réussi son exercice, créer une Bd dont le sujet principal est la phobie scolaire en y ajoutant les préoccupations d’une ado comme on en rencontre ou côtoie chaque jour.
J’ajouterais que j’ai beaucoup apprécié la mise en page de cette Bd. Le lecteur passe du roman graphique à des pleines pages de couleurs … quel bel exercice!

Isabelle
Je me suis dit que tout cela faisait de cette BD un formidable support de partage intergénérationnel : une ode à la musique des années 1960 qu’ont vécues nos parents, des clins d’œil à nos années 1990 et un propos intemporel sur l’adolescence et l’école qui a, en tout cas, beaucoup parlé à mes enfants.

Colette
Intergénérationnelle, intemporelle, cette BD a tout d’une grande ! C’était quand même étrange de retrouver Magali Le Huche dans ce genre de littérature. Chez nous on l’aime beaucoup pour des œuvres beaucoup plus légères comme Non-non ou Jean-Michel Le Caribou. Cette BD ouvre peut-être la voie à un nouveau public ?

Liraloin
J’ai eu la même sensation que toi Colette, je ne l’attendais pas du tout sur ce genre connaissant un peu ses autres titres. C’est un bel hommage à son enfance et surtout à cette vocation naissante qui l’appelle…

Pour terminer, le mot de la fin revient à Colette

On a eu la chance de rencontrer Magali Le Huche en 2019 à Angoulême dans le cadre d’un atelier pour apprendre à dessiner Jean-Michel Le Caribou. Et puis on a nos exemplaires de son adaptation de Verte dédicacés !
C’est étrange parce que par rapport au personnage décrit dans la BD, il y a quelque décalage (mais en même temps, elle n’avait plus 11 ans lors de notre rencontre) c’est une adulte confiante, à l’aise à l’oral, très élégante.

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Pour en savoir plus, retrouvez une revue de presse très détaillée ici et les avis de Colette, Isabelle et Liraloin.