Nos coups de cœur de février

Quelques primevères, des tapis de violettes et des bourgeons bien dodus qui virent au blanc, pas de doute, le printemps arrive. Quel bonheur de partager nos coups de cœur qui, encore une fois, sont très riches et diversifiés ! Voici des idées de lectures qui pourraient sans doute vous ravir.

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Parmi de jolies découvertes, deux lectures se sont nettement détachées chez Lucie. Deux coups de cœur ayant pour point commun un merveilleux bienvenu en ce mois de février !

Tout d’abord, La plus grande de Davide Morosinotto. L’auteur nous avaient séduites avec ses trois romans-fleuve dont nous avions fait une lecture commune. Il confirme avec ce roman sa capacité à faire voyager ses lecteurs dans le temps et dans l’espace, en les plongeant dans la Chine du 18ème siècle. S’inspirant librement de la figure de Ching Shih, l’auteur met en scène une femme qui va déjouer les préjugés sur son sexe et son milieu social pour parvenir à la tête de la plus grande flotte de pirates. Le personnage de Shi Yu force l’admiration avec son caractère bien trempé et sa maîtrise du wushu de l’Air et de l’Eau, un art martial légendaire. Epreuves, aventures et trahisons se succèdent sans temps mort au fil des 639 pages, laissant le lecteur à bout de souffle mais ravi !

La plus grande, Davide Morosinotto, L’école des loisirs, 2023.

Les avis d’Isabelle et de Lucie.

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Côté album, Lucie a été séduite tant par la forme que par le fond du Coffre enchanté, issu de la collaboration entre Jean-François Chabas et David Sala. L’histoire est d’une efficacité redoutable : un empereur cupide met tout en oeuvre pour parvenir à ouvrir un coffre lui semblant receler un fabuleux trésor. Mais quelle que soit la méthode employée (force, magie…) celui-ci lui résiste. Les jeux sur la répétition et le vocabulaire sont savoureux et la morale pleine de sagesse. Et comme l’écrin créé par David Sala est aussi beau de le coffre enchanté, il serait dommage de passer à côté !

Le Coffre Enchanté, Jean-François Chabas, illustrations de David Sala, Casterman, 2011.

Son avis complet ICI.

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Pour Liraloin, la douceur est au rendez-vous avec cet album dont les jeunes parents ne pourront plus se passer. Une histoire à lire et à offrir sans modération.

« Dans un coin d’herbes soyeuses, naît aujourd’hui un petit ver », si minuscule dans cet univers si grand. On pourrait croire que le monde pourrait l’absorber et pourtant… « Tout petit et tout nu » qu’il peut être, il va ouvrir un à un « ploc » les yeux et s’émerveiller de la vie qui l’entoure. Peu à peu, en grandissant, le petit ver se pare de belles couleurs, respire le doux parfum des fleurs sous les grands yeux ébahis de ces congénères.
Quelle incroyable douceur dans cet album. Le texte se lit comme une poésie, celle qui accompagne la naissance d’un petit être tout à l’écoute de la silencieuse nature. Un éveil des sens qui se fait au fur et à mesure qu’il grandit. Les illustrations sont le reflet de la quiétude que nous procure cette lecture. Le bleu nuit de la couverture intérieure va laisser place à de somptueuses couleurs allant du vert au jaune et autres belles nuances colorées habillant toute cette famille émerveillée des exploits de ce nouveau-né.

Quelque part sous les étoiles de Ramona Badescu & Amélie Jackowski – La Partie, 2023

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Pour Linda, deux titres se démarquent nettement de ses dernières lectures.
Il y a tout d’abord un classique, plutôt méconnu, d’Emile Zola, valorisé par les illustrations de Timothée Le Véel. On y rencontre un gros matou de salon fatigué du confort que lui offre sa maitresse et désireux de goûter à la liberté des chats de gouttière. Aussi prend-t-il la poudre d’escampette dès que l’occasion s’offre à lui, pour se rendre compte, lorsque son ventre crie famine, que la liberté a un prix… Le texte amène une réflexion intéressante sur la notion de liberté, tout en conservant l’authenticité d’une époque révolue qui se retrouve dans les illustrations aux crayons de couleur et le représentation de la ville de Paris. Timothée Le Véel donne vie aux divers chats du récit d’un trait précis et réaliste, emprunt de références artistiques qui donnent de l’épaisseur à l’univers créé par Zola.

Le paradis des Chats d’Emile Zola, illustré par Timothée Le Véel, L’école des loisirs, 2023.

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Mais Linda a aussi été très touchée par la lecture du premier roman d’Antonio Carmona, vainqueur du Concours premier roman jeunesse des éditions Gallimard.
Depuis la mort de la mère d’Elise, son père a enfermé la douleur et la tristesse derrière une liste de règles absurdes qui tendent à tenir cet être aimé à distance. Mais alors qu’elle grandit, Elise cherche des réponses à ses questions. Entre quête d’identité et travail du deuil, elle va devoir prendre son courage pour oser poser LA question qui occupe son esprit. Elle peut compter sur le soutien de son amie Stella, fantasque, solaire et pleine d’exubérance pour la pousser à se surpasser, et sur sa grand-mère, fraichement débarquée du Japon, pour mener une révolution.
L’écriture aborde le deuil avec une justesse touchante et utilise de nombreuses métaphores pour parler du chagrin et de la quête d’identité. Mais c’est aussi un immersion dans la culture japonaise avec ce qu’elle amène de traditions, de spécialités culinaires et de héros issus de manga.

On ne dit pas sayônara d’Antonio Carmona, Gallimard jeunesse, 2023.

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Pour sa première participation, Héloïse n’a pas su choisir un seul coup de cœur, elle a eu beaucoup de belles surprises en février ! Et notamment Noblesse Oblige, le roman Young adult de Maïwenn Alix qu’elle ne s’attendait pas à autant aimer, ou encore Nous traverserons des orages, la pépite d’Anne-Laure Bondoux…

Et finalement, son choix s’est porté sur La maison sous la maison, d’Émilie Chazerand, pour son aspect délicieusement régressif, qui l’a replongée en enfance, entre aventure et fantaisie, espièglerie et sérieux. Une lecture réconfortante et pétillante.

Une étrange annonce amène Albertine et sa famille à emménager dans une maison qui cache bien des secrets. C’est tout un monde qui s’ouvre pour la jeune fille, qui possède la capacité de dialoguer avec les plantes. Un monde d’aventure et de féerie, qui n’est pas sans dangers.

Des personnages atypiques, hauts en couleurs et délicieusement attachants, un message écologique de fraternité entre les êtres vivants, La maison sous la maison est une lecture addictive, pleine de poésie et de fantaisie !

La maison sous la maison, Emilie Chazerand, Sarbacane, Août 2023

Son avis complet ICI.

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Côté albums, Héloïse a bien ri avec Steve, un cheval exceptionnel, de Kelly Collier, réfléchi et rêvé avec le petit Barnabus, (Le projet Barnabus, des Fan Brothers), discuté bonheur et partage avec Petit Bonheur de Yue Zhang, contemplé les nuages avec le merveilleux Tête-en-l’air de Rémi Durin. Mais celui qui l’a le plus fait craquer, c’est Quand on est au milieu, d’Anika A. Denise, illustré avec brio par Christopher Denise.

C’est un album d’une grande tendresse qui nous parle de la fratrie, et plus particulièrement de l’enfant du milieu. Une place pas toujours évidente, mais qui offre aussi de jolis avantages… Entre disputes et moments de complicité, le plus important, ne serait-ce pas le fait de faire famille ?

La thématique et la délicatesse avec laquelle elle est abordée ont totalement convaincu Héloïse, qui a en outre totalement fondu devant les superbes illustrations. Des dessins pleins de lumière, au charme désuet.

Un album rempli de tendresse, de douceur et d’amour familial. Un gros coup de cœur !

Sa chronique complète à retrouver ici.

Quand on est au milieu, Anika A. Denise et Christopher Denise, Kaléidoscope, Janvier 2024

Son avis complet ICI.

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Pour Colette, coup de coeur absolu pour l’album Les Printemps d’Adrien Parlange. Dans ce bel album cartonné qui se présente à la fois comme un écrin et un berceau, c’est toute une vie qui se dessine, de l’enfance à la vieillesse. Le narrateur s’y montre particulièrement sensible à la beauté du monde, à la fois dans ce qu’il a d’intemporel et d’incroyablement mouvant. Et cet album est d’une poésie délicate non seulement dans les mots choisis par l’artiste mais aussi dans son dispositif même : en effet comme dans ses albums précédents, notamment Le Ruban, Adrien Parlange se joue de la matérialité du livre pour représenter concrètement par des découpes dans la page ces éclats de souvenirs qui rythment nos vies, éclats qui se complètent, se superposent, s’oblitèrent. Eclats dont nous sommes tout entiers constellés, au fil des printemps qui s’égrènent. Un livre qui pourrait rejoindre notre précieuse sélection « Les-livres-de-toute-une-ie, quintessence de papier ».

Les Printemps, Adrien Parlange, La Partie, 2022.

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Le coup de cœur de Blandine est une belle réussite! Adapter Au Bonheur des Dames à destination des tout-petits, tel est le pari d’Anne-Sophie Tilly et d’Amélie Videlo! Elles en ont fait un bel album cartonné et carré qui prend l’apparence d’un imagier des vêtements. Nombre de détails du roman se cachent entre les mots et dans les illustrations. L’idée est vraiment ingénieuse !

Au Bonheur des Dames. Anne-Sophie TILLY et Amélie VIDELO. Marmaille & Compagnie, août 2014

L’avis complet de Blandine.

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Le coup de cœur mensuel d’Isabelle va à une BD aussi décoiffante qu’émouvante. Quand un lapin mal en point tombe sur un loup à l’infirmerie – il leur arrive aussi de se blesser – cela devient immédiatement électrique. Mais un chasseur vient s’inviter à coups de fusil et les deux patients vont malgré eux faire équipe dans la traque impitoyable qui s’ensuit. Le loup écope d’un léporidé et de sa perfusion à roulettes, assortie d’une liste de médicaments d’un mètre de long… Ce titre se démarque par sa composition dynamique, son trait plein d’énergie, son intrigue burlesque et une sacrée dose d’humour malgré le thème. L’ingénuité désopilante du lapin et le bagout du loup sont véritablement réjouissants, mais il y a plus, on s’en rendra compte au fil du voyage. Impossible de ne pas être tourneboulée de voir les deux compères entonner « Born to be wild » alors que le dernier cheveu de Lapin s’envole et que Loup s’efforce de stabiliser le véhicule. Lire ces pages offre un chouette bol d’air et de bonnes ondes, tant il est joli de voir ces deux-là tisser des liens… et surmonter une grave maladie.

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Et comment ne pas parler du manifeste récent publié par Clémentine Beauvais dans la collection ALT chez La Martinière qui propose des essais à destination des jeunes (mais pas que ?). Clémentine Beauvais nous invite à cultiver notre plaisir de lire en questionnant nos goûts les plus évidents, en prenant conscience de ce qui les conditionne et de ce qu’on manque à cause de cela, et à tenter des choses pour découvrir ce qui nous fait vraiment prendre notre pied. Ce manifeste évoque les mille et une manières dont un texte peut nous extasie, rappelant de mémorables moments de lecture. Vous l’aurez compris, ces pages composent un réjouissant programme. Mais cela va plus loin que ce à quoi je m’y attendais – et c’est là qu’on glisse vers un terrain plus politique. Il ne s’agit pas (que) d’une quête hédoniste individuelle. D’une part, on comprend que l’initiation au plaisir de lire est un enjeu d’éducation qui ne demande qu’à être embrassé. D’autre part, on le sait, les livres ouvrent des fenêtres sur le monde. En nous libérant des conceptions dominantes de la littérature, nous nous autorisons des désirs littéraires qui ont le potentiel de repousser l’horizon des possibles et… de changer le monde. Rien que ça !

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Et vous, quelles lectures vous ont enthousiasmés en ce mois de février ?

Nos Coups de Cœur de Janvier

Janvier, premier mois de l’année, nous a réservé bien des surprises et ce n’est pas la météo qui nous aura tenu loin de la bibliothèque. Bien au contraire, la saison se prête encore idéalement à la lecture confortablement installé sous un plaid, non loin d’une source de chaleur. Nous vous présentons nos derniers coups de cœur !

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Il y a eu bien des lectures enthousiasmantes chez Linda en ce début d’année. Elle aurait pu glisser Pony de RJ Palacio ou Nous traverserons des orages d’Anne-Laure Bondoux, mais elle s’est dit qu’il serait bien de sortir de sa zone de confort en mettant en avant deux titres qui s’écartent clairement de ses lectures habituelles.
Pour commencer, Linda a donc choisi les deux premiers volumes d’une série manga qu’elle a adoré redécouvrir dans un nouveau format plus grand, plus épuré et enrobé de couvertures soignées qui viennent rehausser la beauté de chacun des tomes. Si l’histoire traite d’un premier amour entre deux adolescents que tout oppose, c’est la maitrise narrative et la complexité de ses personnages qui font l’intérêt de cette série qui reste un incontournable du genre. La force de leur attachement se fait dans la force qu’ils mettent à affronter les épreuves passées et le soutien indéfectible qui les unit et les pousse à se protéger mutuellement.

Retrouvez son avis complet ICI.

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Et parce qu’elle lit peu d’album pour les tout-petits, Linda avait envie de présenter le dernier titre d’Anne Cortey qui a su la séduire par son format, ses illustrations colorées et son écriture poétique.
Il est ici question de l’enfant qui grandit et qui, petit à petit, quitte le cocon rassurant de son foyer et des bras de sa maman, pour aller à la découverte du vaste monde. Linda aime particulièrement l’idée de jouer sur la profondeur des plans pour montrer toute l’immensité du monde au regard de l’enfant dans des collages pétillants de couleurs. Mais c’est aussi la douceur du texte, mise à hauteur d’enfant, qui a su si bien la toucher en montrant la force et le courage qu’il faut au tout-petit de s’affranchir tout en gardant à l’esprit que maman n’est jamais bien loin.

Le monde est immense d’Anne Cortey et Marion Cocklico, Grasset Jeunesse, 2024.

Retrouvez les avis de Linda et LiraLoin.

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17 millimètres, c’est minuscule mais c’est tout de même suffisamment grand pour bouleverser une vie. 17 millimètres, c’est la taille du problème de Mona, 16 ans, qui a fait l’amour avec son petit ami pour la première fois lors d’un camp de vacances. Ils ont pris leurs précautions, mais le préservatif a craqué et ils n’ont pas osé en parler. La voilà donc quelques semaines plus tard avec une dizaine de tests de grossesse positifs sur les bras, ne parvenant pas à réaliser. Mais il va falloir prendre une décision, la seule qu’elle envisage à son âge et dans sa situation : l’IVG. Où aller ? Par qui se faire conseiller et accompagner ?
Lucie a été séduite par ce texte en vers libres délicat et empathique. Refusant tout raccourci ou jugement, Florence Médina entraîne les lecteurs dans les pensées de son héroïne face à une situation douloureuse vécue par tant de femmes. Angoisses, regrets, rencontres culpabilisantes ou au contraire pleines d’humanité, le parcours est semé d’embuches, même en France. Et le passage à l’acte marque à vie. Un texte magnifique pour mieux comprendre et accompagner.

17 millimètres, Florence Médina, ScriNeo, 2024.

Son avis complet ICI.

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Pour ce mois-ci Liraloin s’est plongée dans des souvenirs d’enfance avec la série animée Juliette je t’aime. Quels merveilleux moments partagés avec les membres de la Maison Ikkoku.

Yusaku Godaï est un jeune homme d’une vingtaine d’année qui essaye, tant bien que mal, de réussir un peu ce qu’il entreprend mais toujours maladroitement. Faut dire qu’il n’est pas aidé par son entourage proche un tantinet très envahissant. Si vous vous sentez seul(e), comptez sur Akemi la barmaid dont la nuisette est la tenue préférée, Mr Yotsuya l’étrange voisin dont on ne se sait rien à part qu’il aime écouter aux murs (creusés s’il vous plait) et Mme Ichinose qui a toujours un prétexte pour danser éventails déployés. Un trio infernal qui passe son temps à « fêter » tout et n’importe quoi dans leur lieu favori : la chambre de Mr Godaï. Tout ce petit monde est pensionnaire à la Maison Ikkoku une vieille bâtisse légèrement délabrée qui va accueillir incessamment sous peu une nouvelle gardienne : Kyoko Otonsahi jeune et jolie veuve…

Durant la lecture des dix volumes la le lectrice lecteur va s’amuser grandement entre les déboires de Mr Godaï, les réflexions complétement décalées du trio de locataires mais surtout prendre plaisir à se régaler des quiproquos et des situations loufoques parfois émouvantes qui vont se glisser quotidiennement entre les personnages. Chaque épisode connaît son lot de rebondissements mais cela je vous laisse le soin de le découvrir.

Maison Ikkoku – perfect édition- de Rumiko Takahashi, Delcourt-Tonkam, 2020 – 10 volumes

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De l’aventure, des cascades spectaculaires, des secrets, des personnages délicieusement imprévisibles, des répliques cultes et un souffle épique – bref, de la fiction avec un grand « F » : La plus grande, le tout nouveau roman de Davide Morosinotto est aussi fabuleux que les précédents ! Isabelle et son moussaillon de 12 ans ont adoré voyager, par la magie des mots, dans la Chine du 18ème siècle. Une époque mouvementée où l’empereur ne règne que de loin, laissant libre-cours aux manigances des mercenaires, des « diables étrangers » et autres pirates. Dans ce monde impitoyable, l’orpheline Shi Yu semble bien vulnérable. Et pourtant… Son destin extraordinaire ressemble à une magistrale partie d’échecs qui la mènera à commander une immense flotte pirate, le tout dans un décor exotique où Hong-Kong est encore une baie sauvage, où l’on mange des racines de lotus et de la soupe de cuisse de grenouille, et où le cheongsam est la tenue de rigueur. Quel plaisir de voir Shi Yu déjouer tous les déterminismes et de se laisser porter par les ondes féministes et émancipatrices qui irriguent cette intrigue ! De quoi faire rêver d’être capable de pratique le Wushu de l’air et de l’eau, et donner envie d’en savoir plus sur Ching Shih, la pirate de légende qui a inspiré ce roman.

La plus grande, de Davide Morosinotto. Médium, L’école des loisirs, 2023.

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Et en BD, c’est Pépin et Olivia qui a suscité le coup de coeur de l’équipage de L’île aux trésors qui n’a pas su résister aux réminiscences de Tom-Tom et Nana ni à la fantaisie inimitable du trait de Camille Jourdy. Pépin et Olivia forment un duo frère-sœur aussi ingénu que tonique. Si vous les entendez s’animer, attendez-vous à tout. Mais si cela fait trop longtemps que vous ne les entendez plus, imaginez le pire ! L’esprit d’enfance règne en maître sur ces pages et il ne fait aucun doute que les mouflets de tous âges rigoleront, histoire après histoire, des frasques des protagonistes. En tout cas ceux qui ont eu la manie d’égarer leur cartable, ceux qui aiment jouer avec un « J » majuscule, se laisser dépasser par leur propre imagination, célébrer des fêtes de rien du tout. Les adultes sont moins outranciers que dans la famille Dubouchon, on aime quand ils déraillaient un peu, eux aussi. En même temps, ce sont aussi eux qui permettent de très jolis moments de partage intergénérationnels. Adorable !

Pépin et Olivia : La grande fête de rien du tout, de Camille Jourdy. Éditions Dupuis, 2023.

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Et vous, qu’avez-vous lu et aimé en ce mois de janvier ?

Coups de Cœur de l’Année 2023

Alors que l’année 2023 s’achève, il est venu le temps de faire le bilan de nos lectures dont nous vous proposons une sélection de nos coups de cœur de l’année, des titres qui nous ont touché et ont marqué cette année. Toute l’équipe d’A l’Ombre du Grand Arbre vous souhaite une très bonne année livresque 2024 !

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Pour Liraloin, Tu es là de Laëtitia Bourget et Joanna Concejo publié en 2022 par les éditions Les Grandes Personnes illustre parfaitement la lecture qu’un album remplit de poésie peut apporter : de l’émotion à l’état brut !
Cet album s’ouvre sur une forêt de sapins, des souliers flottent pour venir, au fil de l’égrainage des pages usant de transparence, se retrouver aux pieds d’une petite fille. Elle est seule et se souvient de cette « bulle de silence entre deux mots », de cette relation si précieuse entre deux êtres. Puis le paysage change et c’est au milieu des fleurs que les souvenirs explosent : « Je t’ai saisi, tu m’accompagnes toujours, je te transmets, je te multiplie, je te mange, je te digère. »
Un album où la poésie n’est pas seulement dans le texte mais également dans sa forme. La superposition des feuilles transparentes qui vont se poser les unes sur les autres au fur et à mesure du récit ne font qu’augmenter l’émotion transmise par l’écriture. Un effet de transparence où l’on devine la suite du souvenir où l’on voit la page se tourner sur un mot, une phrase terminée comme on essaye de clore une histoire. Un sentiment qui donne l’impression d’aller très loin en soi à la recherche de ce souvenir.

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Linda aurait pu choisir le même album que LiraLoin, mais il aurait été dommage de ne pas mettre en avant l’album d’Olga Tokarczuk illustré par Joanna Concejo tant le message lui a paru essentiel. Invitation à ralentir, Une âme égarée dresse le constat de vies humaines passées à courir pour remplir ses journées au point d’oublier de s’arrêter juste un moment pour penser à soi, faire quelque chose pour soi, voir ne rien faire du tout et juste profiter du moment qui s’offre à nous. Et l’objet-livre nous offre d’ailleurs l’opportunité de vivre l’un de ces moments où l’on prend plaisir à se poser avec un beau livre entre les mains.

Si quelqu’un pouvait nous regarder d’en haut, il verrait que le monde est rempli de gens pressés, qui courent dans tous les sens, fatigués, en sueur, mais il verrait aussi leurs âmes égarées, à la traîne…

Texte et illustrations s’entremêlent pour conter l’histoire de cet homme qui un jour décide de se poser, d’arrêté de courir. Là où l’auteure nous raconte la douleur de la perte puis la prise de conscience, l’illustratrice nous raconte le temps passé à courir, puis le temps passé à attendre le retour de cette âme égarée qui, une fois revenue, amène la couleur dans les pages en même temps que de la lumière dans la vie de cet homme.

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Mais il y a aussi le touchant roman d’Anne Cortey, Les désaccordés qui narre l’histoire de quatre adolescents, quatre tempos qui tendent à s’accorder sur un même rythme pour avancer côte à côte, car c’est bien connu, à plusieurs on est plus fort. On prend plaisir à suivre la balade de ces quatre jeunes qui se cherchent et se trouvent dans l’art. L’art qui prend différentes formes mais tient une place essentielle pour chacun d’eux, entraînant le lecteur sur son passage.
Outre la beauté du texte, Linda a aimé la justesse des émotions dépeintes dans ces figures de l’adolescence, de ces jeunes comme on aimerait en croiser plus dans la littérature jeunesse, des adolescents qui avancent malgré les coups durs, qui savent se prendre en main et s’entourer d’amis dont les notes résonnent en accords avec les leurs. L’univers artistique la touche tout particulièrement ainsi que la forme du texte qui se déroule aussi naturellement que l’attachement se fait entre les héros.
Par ailleurs, on peut aussi saluer le travail éditorial pour le choix de mettre des pages colorées, vertes en l’occurrence, pour marquer le changement de narration quand chacun des personnages se livre sur son histoire personnelle. Ca peut paraître simple mais ça fait un effet incroyable. Sans oublier les deux illustrations de Cyril Pedrosa, également artiste de la couverture, qui viennent apporter une forme de lumière artistique sur l’ensemble. L’effet est saisissant et fait de cet objet-livre une petite beauté.

Les désaccordés d’Anne Cortey, l’école des loisirs, 2023.

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Pour Colette, fidèle à celle qui l’a fait entrer en littérature jeunesse il y a maintenant un sacré bout de temps, le coup de coeur de l’année ira à l’album Une Chose formidable de Rebecca Dautremer. Dans cette nouvelle aventure de Jacominus Gainsborough, la poésie se fait petite bête, café Joliette, blagounette et vieille recette. A la manière d’un conte en randonnée, le récit de Jacominus se cogne aux petits défauts de la mémoire et aux mains tendues de l’amitié. On voyage dans le temps et son épaisseur feuilletée. Pour un juste retour à l’enfance où tant de choses se jouent. C’est un délice presque aussi gourmand que le fameux gâteau aux pommes de Beatrix, la grand-mère de Jacominus. Et pour accompagner ce voyage temporel, l’autrice nous propose une mise en voix rehaussée par la musique de Nils Le Thanh, Martin Saëz, Philipe Morino, Arnaud Guillou et Camille Tirard. Un délice, vous dis-je, un délice…

Une Chose formidable, Rebecca Dautremer, Sarbacane, 2023.

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Lucie ne s’est pas remise de sa lecture de Guerrière, déjà présenté en coup de cœur au mois de novembre. Ce roman poignant et extrêmement bien écrit sur les enfants-soldats marque ses lecteurs au fer rouge. Il avait toute sa place dans la sélection de l’année.

Son avis complet ICI.

Guerrière, de Cécile Alix, Slalom, 2023.

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Et l’album qui l’a le plus marquée est peut-être Le destin de Fausto. Fausto, c’est l’être humain. Il arrive, sur de lui, et s’approprie tout ce qui l’entoure par la seule force de son (mauvais) caractère. Il ne connaît ni ne respecte pas les éléments qu’il rencontre ? Qu’importe, ils sont à lui.
Jusqu’à ce que l’océan lui résiste et que Fausto retrouve sa place légitime. Pour savoir où elle se situe, il faudra lire cette fable maligne qui invite à la réflexion. Lucie a aimé les illustrations minimalistes qui prennent peu à peu en ampleur et le jeu de la mise en page.
Encore une incontestable réussite d’Olivier Jeffers !

Le Destin de Fausto, Olivier Jeffers, Editions Kaléidoscope, 2020.

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La désignation des lectures de l’année est revenue à un membre de l’équipage de L’île aux trésors, moussaillon de son état. En album, son choix s’est porté sur une BD dont deux tomes (sur trois) sont parus à ce jour : Magda, cuisinière intergalactique. Ça commence comme un concours top-chef retransmis en direct dans toute la galaxie mais qui révèle très vite des enjeux géostratégiques graves quand on s’intéresse à ce qui se trame en coulisse. Nicolas Wouters et Mathilde Van Gheluwe ont su reconnaître et exploiter tout le potentiel humoristique du monde de la cuisine. Mais pas que : leur album tourne en dérision la société du spectacle, dénonce les frénésies de conquête et d’exploitation des ressources qui détraquent le monde vivant et exacerbent les tensions. Une lecture stimulante mais néanmoins 100% plaisir, pour les voyages en tracteur spatial ou à dos de coléoptère, la merveilleuse faune et flore des différentes planètes et surtout les ingrédients et ustensiles qu’on rêverait d’avoir dans sa cuisine. Tout ça illustré avec une fantaisie qui rappelle à la fois le restaurant Tom-Tom et Nana et les curiosités des Sardines de l’espace !

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Et en roman, le moussaillon de 12 ans a désigné Pony, un roman singulier qui l’a entraîné dans l’Ohio des années 1860. Pourquoi des truands sont-ils venus enlever le père de Silas ? Que lui veulent-ils, est-il en danger ? Et que fait ce poney sur le seuil du logis ? Silas n’écoute que son courage et se lance sur les traces de son père, dans un vrai décor de western. Après le magnifique Wonder, R.J. Palacio signe un texte aussi beau que singulier. La quête de Silas met l’intrigue sous tension mais, pourtant, le roman semble flotter dans une sorte de quatrième dimension qui n’appartient qu’à lui. Son étrangeté, à commencer par la présence de l’énigmatique Mittenwool aux côtés du garçon, pique la curiosité, crée une tension qui n’a rien à voir avec les cliffhangers pourtant redoutables qui ponctuent le récit. L’autre question qui nous taraude, à la lecture de ces pages, concerne ce père disparu : qui est-il vraiment ? R.J. Palacio brosse un portrait tout en facettes et nuances, celui d’un homme curieux et inventif, aimant et déterminé. L’arrière-plan historique donne de la densité, de la profondeur. Le contexte est celui des États-Unis au bord de la guerre de Sécession et à l’aube de la révolution industrielle. Chemin faisant, le garçon grandit, le mystère se dissipe et l’émotion nous étreint. Il y a des peurs terrifiantes, du rêve (imaginez avoir quelqu’un comme Mittenwool ou un animal comme Pony à ses côtés !), des tonnes de tendresse et de mélancolie, de vrais coups au cœur. Puissant !

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S’il y a vraiment un livre jeunesse qui reste au cœur de Blandine, c’est celui-ci:

L’étrange voyage de Clover Elkin. Eli BROWN. Bayard Jeunesse, 2023

XIXe siècle – États Unifiés – 20 ans après la Guerre de Louisiane (cela vous rappelle vaguement quelque chose, c’est normal!)
Clover Elkin se retrouve brutalement sur les routes après l’assassinat de son père qui lui a révélé avoir gardé une seule curiosité « neobkhodimyy » et intimé d’aller à New Manchester, pour sa protection. Toutes ses certitudes volent soudainement en éclats.
Dans le monde de Clover, il existe des Curiosités, des objets ordinaires aux propriétés extraordinaires, des particularités qui peuvent être utiles, nécessaires ou discutables, selon qui les manipulent… Clover va croiser plusieurs d’entre Elles, et notamment le Colonel Hannibal Furlong, un coq parlant, à la tête de l’Armée du Sénateur Auburn, qui a combattu Napoléon et son « Accablante »
Cette première rencontre se révélera précieuse tout du long, même s’ils seront séparés.
Lors de cette quête, éminemment initiatique, Clover, bien que déjà mûre, va apprendre à s’affirmer, va connaître la trahison, devoir faire des choix, donner le pardon. Les personnages secondaires ont aussi une vraie densité et offrent un panel intéressant des émotions et comportements humains.
Ce voyage se fait aussi dystopie avec une réflexion sur le pouvoir et le politique.
Le contexte historique remanié est un régal à (re)découvrir.
Nous évoluons dans un monde aussi familier qu’inconnu, de par les insertions fantastiques apportés par l’auteur. Elles sont formidables, nous déstabilisent et sont fortement évocatrices.
Les descriptions sont minutieuses et fascinantes, tant celles des objets que des paysages traversés par Clover. C’est très immersif et visuel.

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Et pour nous, « adultes », grands enfants que nous sommes restés, ce roman, aux chapitres courts. Un coup de cœur comme un coup au cœur, qui fait écho à Dickens, Andersen et Lindgren!

D’autres étoiles. Un conte de Noël. Ingvild H. RISHOI. Mercure de France, 2022

Ronya, 10 ans
Mélissa, 16 ans
Deux sœurs fusionnelles
Pas de mère, un père alcoolique
Veille de Noël
Une offre d’emploi pour être vendeur de sapins
Un rêve qui prend bientôt beaucoup de place
Et qui ouvre les yeux candides sur une réalité déchirante faite de précarité, d’espoirs déçus, de prises de conscience douloureuses, d’honteuses culpabilités et pourtant d’une certitude du meilleur à venir, de petits moments de joies qui illuminent un quotidien trop souvent terne
Ce conte de Noël contemporain et norvégien n’est certes pas toujours joyeux, mais il est beau, il en devient même tragique, et pourtant il est simplement magnifique !

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Et vous, quels sont les livres qui ont marqué votre année 2023 ?

Nos coups de cœur de novembre

Novembre et la course aux cadeaux peut débuter ! Mieux vaut ne pas trop tarder pour dégotter de belles lectures à offrir aux personnes que l’on aime le plus et à soi-même également ! En toute modestie, voici de quoi piocher des belles idées…

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Après avoir lu Incroyable ! c’est tout naturellement que Mademoiselle Sophie ou la fable du lion et de l’hippopotame ait élu ses quartiers dans la zone coup de cœur. Pour Liraloin ce titre est LE cadeau idéal !
Romain va bientôt pouvoir traverser la rue et ainsi se rendre au collège. En effet son école élémentaire se trouve juste en face mais en attendant il a encore une toute petite année à passer avec son institutrice Mademoiselle Sophie. Sauf que cette dernière a changé physiquement durant les vacances, en prenant beaucoup de poids, et cela inquiète Romain qui supporte mal les moqueries de ses camarades sur son institutrice préférée. Le jeune garçon a envie de la défendre et en même temps il se sent incapable d’accomplir cette action : « Punaise ! Je voudrais comprendre ce qui arrive à Mademoiselle Sophie pour l’aider… et je ne suis pas capable de comprendre ce qu’il m’arrive à moi… ». L ’adolescence pointe le bout de son nez avec, dans son sillage, son lot de changements. Heureusement que Romain peut compter sur sa grande sœur pour y voir plus clair dans ce monde d’adulte et bien évidemment enquêter sur l’état de santé de Mademoiselle Sophie.
Cette BD joue subtilement sur différentes préoccupations qu’un enfant pré-adolescent peut ressentir, le fait de grandir et d’entrer dans le monde « adulte ». Parallèlement, elle nous montre aussi la fragilité des adultes, qui eux aussi, ont des démons à combattre. « Moins on la voit plus elle prend de la place », le mal-être peut s’avérer compliqué pour un jeune garçon de 11 ans et pourtant…
Après le fabuleux titre Incroyable ! le duo Zabus & Hippolyte reprend du service pour aborder le mal-être, une souffrance compréhensible grâce à un scénario d’une belle finesse que les illustrations illuminent.

Mademoiselle Sophie ou la fbale du lion et de l’hippopotame de Zabus & Hippolyte, Dargaud, 2023

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Le mois a été très faste sur L’île aux trésors mais il y a un album qui a fait particulièrement forte impression à Isabelle et ses moussaillons : La maison au bord du canal. Ce documentaire consacré à la maison d’Anne Frank se démarque par la puissance du message et la beauté de l’objet-livre. L’histoire par les lieux de vie se prête très bien à aborder une mémoire des plus douloureuses à hauteur d’enfant. Le temps long, restitué avec un sens aigu de l’atmosphère, permet de poser sur un regard plutôt optimiste sur l’Histoire. Il y a quelque chose d’émouvant à prendre conscience que tant de personnes ont existé, aimé et lutté dans ces murs au fil des siècles. Ces pages le montrent : aux temps durs ont succédé des jours meilleurs, les arbres ont continué de s’épanouir, les enfants de jouer, l’église de sonner tous les quarts d’heure. Si rien ne pouvait malheureusement rendre ses proches au père d’Anne, seul survivant, ce dernier a travaillé à ce que le monde n’oublie pas, faisant de la maison un musée visité chaque année par un million de personnes. Puisse ce livre contribuer à entretenir cette mémoire !

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Et en roman, c’est l’imaginaire sidérant de Pascal Quiviger qui a eu les faveurs de l’équipage de L’île aux trésors. Elle nous entraîne dans un univers de mille et une nuits d’une densité incroyable, déchiré entre un pouvoir spirituel, un tyran et un vizir savant. Et donc truffé d’espions ! De sa plume vive, l’autrice déploie son intrigue tambour battant, distillant au passage de subtiles réflexions sur les fondements du pouvoir, la prédation des ressources naturelles, les dilemmes éthiques, l’amour et l’émancipation féminine. Un roman généreux et envoûtant, à proposer aux lecteurs et lectrices déjà aguerris !

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Le mois a aussi été faste chez Lucie, notamment grâce aux suggestions des branches du Grand Arbre ! Deux ouvrages très différents parus ce mois-ci se distinguent pourtant.
Bien qu’abordant un thème « peu aimable », celui des enfants-soldats, pour Guerrière, Cécile Alix a su transcender la difficulté de son sujet.
Par sa délicatesse, le point de vue qu’elle adopte et son travail sur la langue, l’auteure parvient à insuffler des miettes de douceur, puis d’espoir au fil du parcours de ses personnages, grâce aux liens qui se tissent entre eux, au rapport à la nature (les chapitres chez le peuple des arbres sont merveilleux), les rencontres, et le bouleversant duo formé par les jumeaux Nekeli et Soulaï. Les expressions qu’elle a choisies pour les passages les plus terribles comme le « coucher-obligé » sont remarquables de justesse. Ils disent la violence avec des expressions enfantines, laissant le lecteur comprendre par lui-même l’horreur de l’acte. Car si l’auteure se met à hauteur d’enfant, elle ne cache rien des sévices subis.
Guerrière est un roman que l’on lit comme en apnée tant il est difficile de s’en échapper, et tout autant d’y revenir. Une expérience de lecture qui bouscule, interroge et pousse à remettre en question ses valeurs. Car si le meurtre ne peut être toléré, qu’en est-il de la responsabilité de ces enfants endocrinés ?

Guerrière, de Cécile Alix, Slalom, 2023.

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Un nouvel album de François Place est forcément un évènement. Et quand en plus il aborde le thème de la peinture, autant se préparer à être ébloui !
Inspiré par Ricardo Cavallo, peintre qui compose des paysages gigantesques à partir d’une multitude de carrés, L’enfant, le peintre et la mer est – évidemment – somptueux.
Au départ, il y a la belle rencontre entre l’enfant et le peinture, qui va permettre d’aborder l’importance du regard de l’artiste et la transmission. Car Ricardo accueille petits et grands dans l’école d’art qu’il a créée, où il les encourage et les invite à se plonger dans l’histoire de l’art en leur prêtant ses livres. Un beau projet, qui existe réellement à Saint-Jean-du-Doigt.
Lucie a été particulièrement sensible au discours sur le rôle de l’art dans la vie. Ainsi, alors que le papa de Paul pense que le monde serait toujours le même sans art, sa maman pense que « [le monde] serait bien triste sans la poésie, la peinture, la photographie, la sculpture, la musique, la danse, le cinéma, le théâtre…« , vision que nous partageons totalement sous le Grand Arbre !

L’enfant, le peintre et la mer, de François Place, L’école des Loisirs, 2023.

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Linda a eu un mois de novembre plutôt léger en lecture, mais l’album d’Angélique Villeneuve, Je suis ton manteau, l’a particulièrement touchée. Le texte amène une réflexion très intéressante sur le rôle des parents dans l’accompagnement de l’enfant pour l’aider à affronter ses peurs et à grandir en volant de ses propres ailes. La métaphore du manteau est particulièrement pertinente car, en plus de faire le lien entre le père et son fils, elle offre à ce dernier la confiance nécessaire à l’acquisition de l’autonomie dont il a besoin pour oser aller vers l’inconnu.
Sublimé par les illustrations de Julien Martinière, un brin rétro et aux douces couleurs de l’automne, l’album figure également la liberté par une nature prépondérante, presque sauvage, dans laquelle les personnages vivent comme isolé du reste du monde.

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En France, il est rare de trouver des albums (et livres) sur La Befana, la Sorcière italienne « de Noël » qui endosse à la fois le rôle de Père Noël et de Père Fouettard, et qui passe dans la nuit du 5 au 6 janvier. Aussi quand Blandine a vu ce nouveau titre, n’a-t-elle pas hésité!
Dans une lettre adressée aux enfants, La Befana se présente par des mots tout en poésie et métaphores. Elle nous raconte d’où elle vient et quand elle vient, ce que cette Nuit apporte, d’abord aux enfants, ensuite à la Nature. Ses dires sont accompagnés et portés par des illustrations hybrides, combinant plusieurs styles et techniques, fortes de couleurs pimpantes qui mettent en avant l’élément végétal. L’album se clôt sur une présentation des sorcières, entre origines, particularités et liens avec la Nature, tout à fait dans l’air du temps, puisque cela vise à réhabiliter la place de la sorcière (et femme) dans la société. Cette présentation est donc très contemporaine tout en s’inscrivant dans une lignée et une histoire séculaires.

Befana la sorcière. Barbara CUOGHI et Elenia PERETTA. Cambourakis, octobre 2023

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Quel plaisir pour Colette de retrouver au hasard des étagères de sa médiathèque préférée, les illustrations si particulières de Gérard DuBois dont elle avait adoré l’album Un pommier dans le ventre ! Cette fois, l’illustrateur s’allie à André Marois pour nous raconter une après-midi de jeu comme on les rêve quand on a vécu son enfance à une époque où les smartphones et autres tablettes ne rythmaient pas le temps libre des enfants… Avec un album intitulé On ferait comme si, c’est la malle aux trésors qui s’ouvre grand, là dans la tête, sous les paupières à demi-closes ! « Tu veux jouer à faire semblant ? » demande à son amie un petit garçon. Et voilà les deux acolytes emportés dans une aventure des plus rocambolesques à travers le potager, en passant par le clapier et les toilettes au fond du jardin. Si tout est complètement rétro dans cet album, c’est pour mieux nous saisir, là, à l’endroit où nostalgie et innocence forment un immense pays des merveilles jamais complètement désolé.

On ferait comme si, André Marois et Gérad DuBois, Grasset Jeunesse, 2022.

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Et vous, quelles lectures ont enchanté votre mois de novembre ?

Nos coups de cœur d’octobre

Ca y est, l’automne est là. Sous le grand arbre, la grisaille nous donne envie de bouquiner bien au chaud. Mais que lire ? Voici les suggestions inspirées de nos récentes découvertes !

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Beaucoup de lectures enthousiasmantes chez Lucie ce mois-ci. Outres les découvertes dûes aux conseils avisés de ses copinautes déjà évoquées par ici (Combien de Terre faut-il à un homme ?, Pallas, La ville grise…), deux titres ont retenu son attention.

Les goûters philo : La tolérance et l’intolérance pour commencer. A la recherche de titres pouvant servir de support pour aborder les drames de l’actualité, et notamment à la commémoration du 16 octobre, Lucie s’est tournée vers cette collection qui trouve le juste ton entre réponse et invitation à la réflexion personnelle. Cet opus est un modèle du genre et semble particulièrement adapté aux élèves de primaire. Un vrai soutien pour faire face aux questions délicate des enfants !

Les goûters philo : La tolérance et l’intolérance, Brigitte Labbé, illustrations de Pierre-François Dupont-Beurier, Milan, 2019.

Son avis ICI.

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Pour une lecture « plaisir » non dénuée de réflexion, le troisième tome des aventures de Jefferson : Jefferson se fâche. La plume de Jean-Claude Mourlevat est toujours aussi délicieuse, mais invite tout de même à réfléchir sur le handicap et l’écologie. Car Jefferson a des raisons de se fâcher : son ami Emile a été renversé par une déneigeuse. A moins que cet accident ne cache une réalité plus complexe ? Quoiqu’il en soit, aidé de son ami Gilbert, le petit hérisson va mener l’enquête. Pour le plus grand plaisir de ses fans !

Jefferson se fâche, Jean-Claude Mourlevat, illustrations de Antoine Ronzon, Gallimard Jeunesse, 2023.

Son avis ICI.

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Pour Liraloin, partager les aventures d’Agathe jeune fille pétillante et forte tête n’a été que source d’inspiration ! Lorsque vous entrez au Bloomstone Manor, les codes de la haute société n’existent plus. Libre et considérée, Agathe va découvrir un lieu bien loin de celui qu’elle a toujours connu. Obstinée, la jeune femme, un brin maladroite et ignorante des rudiments de l’Amour, va peu à peu s’épanouir. L’écriture de Mary Orchard nous transporte dans une Angleterre patriarcale, celle qui fait de l’ombre au bon fonctionnement du domaine de Bloomstone. Un roman qui se dévore tant que les personnages sont attachants, sensibles, justes et si actuels !

Sous les étoiles de Bloomstone Manor de Mary Orchard, Casterman, 2023

Son avis complet ICI

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Reconnaître un bon album pour les tout-petits n’est pas toujours simple. Voici une lecture qui devrait ravir les enfants et les parents par la même occasion. Miracle de la nature, dans ce jardin trois petites tortues sont nées et quelle n’est pas la surprise des autres animaux ! Papillon, grenouille, souris, chat, lapin et oiseau sont drôlement intrigués et se demandent si ces trois-là sont dotés de belles qualités tout comme eux, bien évidemment.

« Mais les trois petites tortues, TAPETI TAPETA marchent à tout petits pas. » et c’est déjà très bien non ? Cette histoire en randonnée est un petit régal à raconter et à observer. Les situations sont amusantes et le rythme invite l’enfant à prendre conscience de la qualité de chaque animal. Le graphisme coloré fait ressortir les éléments qui composent cette généreuse nature et incite l’enfant à compter les trois tulipes et les pétales du trèfle. Nul doute qu’elle ou il s’apercevra de la balade des trois mini chenilles tout le long de la page et de l’histoire.

Tapeti Tapeta de Corinne Dreyfus, Seuil jeunesse, 2023

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Pour Linda, une plongée dans l’Amérique rurale de 1943 fut une découverte des plus jouissive malgré la dureté du monde dans lequel la jeune Annabelle doit faire le dure apprentissage de la vie. Sa maturité et le regard qu’elle pose sur le monde lui donne la force d’affronter ses peurs et de prendre des décisions sans trahir ses convictions.
Harcèlement scolaire, traumatismes de guerre et conséquences de nos choix sont des éléments majeurs de ce roman d’apprentissage dans lequel on découvre également la vie de famille et d’une communauté dans l’Amérique profonde des années quarante.

L’année où j’ai appris à mentir de Lauren Wolk, l’école des loisirs, 2021.

Son avis complet est ICI.

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Isabelle et son moussaillon de douze ans se sont laissé happer par la trilogie Black Cloud. Entre récit d’aventures et roman apocalyptique, cette série commence très fort ! Trois frères essaient de survivre alors qu’un mystérieux nuage prive soudainement le monde de jour. Dans un monde où on ne peut plus se fier à personne (pas même au voisin ou à la camarade de classe), la solidarité et la perspicacité de la fratrie va être mise à rude épreuve… Vincent Villeminot sait comme personne passer à la moulinette les dilemmes hobbesiens pour en faire des intrigues palpitantes qui donnent à réfléchir sans en avoir l’air. Quel goût auraient les relations humaines dans une obscurité qui ne serait plus régulée ? Que resterait-il, d’ailleurs, de notre humanité ? Ces questions donnent de la profondeur au roman mais il n’en reste pas moins un récit d’aventures haletant. Comme on ne peut que deviner les menaces tapies dans l’obscurité, notre imagination s’emballe avec celle du narrateur qui nous propulse à la lisière du fantastique. Le tome 2 sort en ce mois de novembre !

L’avis complet d’Isabelle est ICI.

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Et en album, l’équipage de L’île aux trésors a eu le coup de cœur pour le nouveau titre de Judith Chomel. On y farfouille dans une mystérieuse boîte métallique contenant les carnets d’observation et la correspondance d’un gardien de phare, peuplée d’espions anglais, de naufragées bretonnes ou de graines mystérieuses… On adore se laisser surprendre par cet album épistolaire enchâssé dans l’enquête menée par l’autrice qui a trouvé la fameuse boîte, le tout efficacement mise sous tension par la tempête qui monte à l’horizon (c’est d’actualité !). On ne sait pas trop si on peut croire tout ce qu’écrit Léon. Mais il s’est forcément passé quelque chose de spectaculaire pour que toutes ses lettres se soient retrouvées dans la fameuse boite en fer ! N’auraient-elles pas dû parvenir à leurs destinataires ? On passe de la tendresse à la curiosité, du rire au frisson, tout ça dans une irrésistible atmosphère iodée. Un album qui va faire des vagues !

L’avis complet d’Isabelle est ICI.

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Blandine et ses garçons se sont régalés à la lecture des 3 Contes Cruels de Perceval Barrier et Matthieu Sylvander.

Dans le potager, il se passe bien plus de choses qu’on pourrait le croire! Et ces trois récits, à la fois indépendants et liés, nous le démontrent. Il y a des poireaux qui s’ennuient et qui voudraient voir le monde. Naïfs, ils se laissent berner. Il y a des carottes moqueuses, mais qui ne font pas mieux. Et si l’Amour, c’est peut-être beau, ça ne protège pas non plus. Spéciale dédicace à Roméo et Juliette ! En même temps, on était prévenu dès le titre: « 3 Contes cruels ». Alors on se régale, et puis, on ne sait pas pour vous, mais nous, on aime bien la macédoine de légumes 😉

3 contes cruels. Perceval BARRIER et Matthieu SYLVANDER. Ecole des Loisirs, 2013

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This is not a love letter… A partir du moment où l’expéditrice de la lettre en question souligne d’un geste rageur que celle-ci n’est pas une lettre d’amour alors immanquablement tous nos sens sont en alerte ! On se doute bien que si, si, ceci est une lettre d’amour ! Mais une lettre d’amour pour qui ? Et quelles sont ces « 10 règles du sexe et du surf » qui ont l’air d’être au cœur de cette correspondance non amoureuse ? Oui, quel peut bien être le lien entre surf et sexe ? Les sensations fortes ? Et bien, non, le récit d’Anouk Filippini est bien plus subtil que le baiser en gros plan sur la couverture ne l’annonce. Dans ce roman là, il est question de surf certes, de sexe aussi, mais surtout d’amitié, de confiance, de mort, de violence, de famille, d’amour et de soutien. Dans ce roman là, c’est la voix d’une adolescente en construction qu’on entend, une adolescente qui doit se battre contre vents et marées pour ne pas sombrer. Et c’est à cet endroit là, à l’endroit où la vague pourrait la submerger, que la symbolique du surf trouve toute sa place. This is not a love letter, c’est vrai, c’est tout autre chose et c’est rudement bien trouvé !

This is not a love letter, Les 10 règles du sexe et du surf, Anouk Filippini, Auzou, 2023.

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Et vous, quelles ont été vos lectures d’octobre? Vous ont-elles autant embarqués que les nôtres?