Coups de coeur de l’été

Ca y est, l’été se termine, la rentrée des classes est arrivée à vitesse grand V. Sous le Grand Arbre c’est l’occasion de partager nos lectures de l’été. Car si nous aimons voyager comme nous l’avons expliqué dans nos billets d’été, nous aimons aussi ces moments de calme à l’ombre, avec un livre et une boisson fraiche à portée de main que permet cette pause estivale.

Nous souhaitons une belle année scolaire à tous les petits, moyens et grands lecteurs ainsi qu’à leurs encadrants !

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Une fois n’est pas coutume, Lucie a sélectionné trois titres : un album, un roman et une pièce de théâtre. Il faut dire qu’il n’a pas été facile de faire un choix parmi toutes les belles découvertes de l’été…

Le cadeau est un album très touchant. Son héroïne est une petite fille accompagnée par une grande silhouette dans ses activités du quotidien et guette la lune chaque soir. Qu’attend elle avec tant d’impatience ? C’est tout l’enjeu et la beauté de cette histoire pleine d’émotions. Un album sur l’attente, la séparation et les retrouvailles illustré avec beaucoup de douceur par Barroux.

Le cadeau, Louison Nielman, illustrations de Barroux, D’eux, 2024.

Son avis complet, celui d‘Hélolitlà.

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Cela faisait longtemps que Lucie avait envie de lire NOUS, le dernier roman de Christelle Dabos. Avec, comme toujours, le risque d’être déçue. Mais une nouvelle fois, elle a été emportée par l’univers et l’imagination sans bornes (semble-t-il) de cette auteure. Dans une société dystopique régie par les « Instincts » à la fois crédible et réjouissante (le côté rétro futuriste est particulièrement maîtrisé), elle brasse tous les thèmes qui lui sont chers. Les enjeux, les personnages, l’univers… tout est surprenant, questionne, divertit. Cette lecture est de celles auxquelles on pense encore longtemps après avoir refermé le livre.

NOUS, Christelle Dabos, Gallimard jeunesse, 2024.

Son avis complet, celui d’Héloïse ici.

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Enfin, si elle ne lit pas souvent de pièce de théâtre, Lucie a été bouleversée par la Mauvaise Pichenette de Magali Mougel. Trois personnages, une cuisine, une économie de mots au service de l’efficacité. Car c’est un texte coup de poing qui traduit les revendications, les peurs, la violence aussi de certains ados qui ne trouvent pas leur place dans la société. En 48 pages, la dramaturge questionne la famille, la transmission, l’accueil de la différence et la difficulté de dialoguer lorsqu’on ne se retrouve plus sur l’essentiel. Puissant.

Mauvaise pichenette, Magali Mougel, Espaces 34, 2024.

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En juillet, Héloïse a été bouleversée par sa lecture de Nos Constellations, de Florence Quentin. une histoire qui tourne autour de deux lycéens : Maxence. Aurélien. Deux anciens amis d’enfance, à la relation fusionnelle, brutalement séparés. Après sept ans sans se voir, ils se retrouvent un été. Avec cette question, au fond d’eux : l’alchimie qu’ils ont ressenti étant enfants est-elle toujours là ?

Héloïse a été transportée, émue, bouleversée parfois par ces deux jeunes hommes et les personnages qui gravitent autour d’eux, par cet amour naissant et si profond qu’il renverse tout sur son passage. c’est un roman plein de tendresse, d’humour, d’émotions, de tristesse et de joie. Deuil, homophobie, harcèlement,… les thématiques sont difficiles, mais l’histoire est lumineuse, pleine de poésie , et terriblement romantique. Un coup de cœur, un coup au cœur.

Nos Constellations, de Florence Quentin. Edité par Didier Jeunesse, Juin 2025

Sa chronique Complète ICI.

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D’autres romans ont énormément marqué Héloïse, et elle a bien du mal à choisir ! La saga des mystères, de Jeff Wheeler, qu’elle dévore ? A season for Scandal, une douce enquête engagée de Laura Wood, qu’elle a adoré ? Hyper, le dernier roman d’Émilie Chazerand, qui l’a marqué, bouleversée, essorée ? Il faut dire qu’elle a fait d’excellentes lectures !

Mais le dernier roman ado en date qu’elle a trouvé très chouette, c’est le premier tome de L’Odyssée des Tranchevent, de Noémie Delpra. Héloïse a particulièrement apprécié l’héroïne : une héroïne en fauteuil roulant, ce n’est déjà pas très courant, et en plus, elle est très généreuse et résiliente. Et puis l’univers, ces îles perchées dans le ciel, dans lequel les gens sont « appairés » avec des créatures volantes, est particulièrement poétique, tout comme la plume de l’autrice.

Avec cet ouvrage, Héloïse a vécu une très belle aventure. Peuplée de dangers, de mystères, de découvertes hautes en couleurs, c’est une histoire envoûtante et passionnante dont elle a hâte de lire la suite !

L’odyssée des Tranchevent, tome 1 : La Dame sans déesse, de Noémie Delpra. Édité par Gulfstream éditeur, août 2025.

Sa chronique complète ICI.

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Pour Liraloin, l’été a été marquée par des lectures complétement différentes. Entre poésie et romance piquante, le voyage s’est également invité. Des coups de cœur qui font du bien pour dynamiser cette rentrée qui démarre en trompe ! Vive le plein de bonnes lectures !

Ouvrons le bal et quel bal… avec l’histoire de Blythe et Briggs. De la romance dites-vous? oui mais pas que ….Tout est électrique dans ces planètes qui ne s’alignent pas et se manquent perpétuellement. Justement parlons-en des dialogues piquants, un vrai régal à lire et on sent toute l’influence de Jane Austen. L’ensemble est frais, caustique à souhait et ne tombe jamais dans le romantisme mièvre, au contraire l’amusement est au rendez-vous.

Romance à l’anglaise de Erica George – Casterman, 2025

Son avis complet ici

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Les éditions du Port a jauni est spécialisé dans la poésie et nous offre un panel de textes dont les illustrations viennent chaleureusement compléter les mots. Dans Poèmes par-dessus les toits de Pierre Soletti, illustré par Gabriella Corcione, on crie des poèmes, on murmure des poésies. On attrape des mots au vol qui tournent dans la bouche et le cœur. Attendre parfois, relire souvent. La poésie est une invitation à la lenteur. Ce n’est pas au hasard que Gabriella Corcione a choisi la samare comme illustration d’intérieure de couverture. Des petites ailes jetées, tourbillonnant par-dessus les toits. Pierre Soletti dans sa nostalgie invite son lectorat à voyager en lui pour mieux s’interroger sur autrui.

« De mon toit d’ardoises

je t’écris

des cartes postales

à la craie »

Poèmes par-dessus les toits de Pierre Soletti & illustrations de Gabriella Corcione – Le port a jauni, collection : Poèmes, 2021

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Enfin, le voyage ouvre grand ses bras pour un moment de contemplation intense et cette sensation ne se refuse pas. Il faut parfois faire des petits efforts pour être amplement récompensé !

Sac à dos, chaussures de rando, vêtements de pluie car quand elle tombe cette pluie, elle n’est pas en reste. Carnet à dessin à la main, surtout ne pas laisser passer un paysage, un visage, une rencontre entre deux arrêts de bus ou de train. Quel périple d’efforts moultes fois récompensés par l’instant présent capté à la pointe du crayon.

Au fil de son parcours, Nicolas Jolivot nous invite à filer avec lui sous les volcans de l’île du Soleil-levant. Suivre avec lui cette balade entre zone rurale et urbaine nous transporte un peu dans cette vie japonaise qui s’organise, en témoignent les somptueux dessins de ce carnet.

Japon, à pied sous les volcans de Nicolas Jolivot – HongFei, 2018

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Les coups de cœur de l’été de Séverine font partie, selon elle, de ce que la littérature pour ados produit de mieux dans cette littérature du réel qu’elle affectionne. Sujets actuels, style, ampleur. Ils sont rivés au monde d’aujourd’hui. Exigeants, on ne s’en empare pas à la légère. Mais les ados les méritent.

Dans Anse rouge, la psychologie des personnages a été fouillée de fond en comble par Sandrine Caillis, elle n’a rien laissé au hasard. Ni les regards, ni les corps qui s’expriment, ni les dialogues au couteau…Ils tendent un récit magistral sur le mépris et la domination de classe, d’autant plus violents qu’ils sont perpétrés par une jeunesse désinvolte et superficielle. On sort rincé.e de cette expérience de cruauté juvénile, où l’espoir, toutefois, se fraye un chemin. Que dire de plus, sinon que la plume de Sandrine Caillis est haletante, elle serre la gorge, les larmes ne sont jamais loin, de détresse ou de colère. Pour autant, elle est aussi d’une grande justesse, avec juste ce qu’il faut de poésie et de sensibilité. Poignant.

Anse rouge, de Sandrine Caillis, Editions Thierry Magnier, 2022

Séverine est tombée dans les magnifiques filets de Cécile Alix  il y a quelque temps déjà et, par exemple, son A(ni)mal est un des romans (ado mais pas que) qui l’a la plus marquée ces dernières années. Son dernier roman, Enragée, c’est l’histoire de Fauve, adolescente furieuse fugueuse, qui préfère vivre dans la rue, avec tout ce qu’elle comporte de dangers pour une jeune femme, plutôt que de vivre chez sa mère biologique et subir la séparation forcée d’avec sa famille de cœur. Écrits dans une langue au plus près des peurs, des doutes, des espoirs, des sentiments qui  traversent cette aventurière de l’extrême sensibilité, certains passages sont écrasants de noire tension, de désespoir, de douleur insoutenable. Pour autant, grâce aux belles rencontres qu’elle fait, à sa passion pour la danse, à l’amour qui pointe le bout du nez, le positif résiste. Un roman fort qui résonnera longtemps…

Enragée, de Cécile Alix, Slalom, 2025

Le dernier roman de Marine Carteron, Les effacées, récit d’une nuit teintée de paranormal, mêlant histoire de l’art, féminisme, sororité… invite à la réflexion, émeut, encourage, il consolide…Les femmes seraient-elles vouées éternellement à être les faire-valoir, les éphémères, celles qu’on abandonne une fois qu’on leur a tout pris ? No way ! C’est cette conviction qui guidera Joséphine, après sa nuit forcée au musée d’Orsay, au cours de laquelle elle fera une rencontre décisive pour le reste de sa vie. Tout en poésie et émotions, entre solitude et prise de conscience, Marine Carteron peint finalement, de ses vers libres et mots sensibles, un très beau portrait de fille qui grandit et s’émancipe, prête à prendre place, à s’exposer et s’encrer au monde.

Les effacées, de Marine Carteron, illustré par Mathilde Foignet, Editions du Rouergue jeunesse, 2025

Emile Chazerand peut faire pouffer de rire Séverine et lui faire verser des larmes de crocodile en lisant la même page, c’est une prouesse assez rare pour être soulignée. Son dernier roman, Hyper, traite de sujets sensibles comme le suicide, la santé mentale, la grossophobie, la solitude, les relations intrafamiliales cabossées, avec une profondeur abyssale, un style phénoménal et un sens des dialogues dinguissime. Sans pour autant faire sombrer à son tour dans une dépression irréversible, grâce à un humour féroce, décalé, qui fait sans cesse des pirouettes. Séverine vécu un grand moment de lecture. Elle n’oubliera jamais Miriam, adolescente complexée qui traîne sa carcasse et ses névroses dans un environnement hostile, héroïne hyper (il fallait bien le placer🤷‍♀️) attachante. Elle n’est d’ailleurs pas la seule à avoir été emportée, puisque prochainement, une lecture commune sous le Grand arbre, viendra détailler plus particulièrement tout ce qui touche dans ce très beau roman.

Hyper, d’Emilie Chazearnd, PKJ, 2025

Sa chronique groupée ICI. Celle de Liraloin

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pour Blandine, l’été fut autant propice à de belles et nombreuses lectures qu’à de chouettes balades forestières, maritimes et même citadines !

Dans nos maisons. Nancy GUILBERT et Séverine DUCHESNE. Alice Editions, 2024

Nos maisons disent beaucoup de nous-mêmes. Elles nous ressemblent et sont refuges, aussi faut-il les choisir avec soin, même si cela prend du temps. Après « Sur mon chemin », Nancy Guilbert et Séverine Duchesne se retrouvent pour nous offrir ce très bel album, aux mots-poésies et aux illustrations combinant objets réels, dessins, découpes et collages. Une jolie merveille !

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L’apprentie cartomancienne. Aurélie CROIZÉ. Gulf Stream Editeur, 2024

Paris, 1803. Auparavant diseuse de bonne aventure, Louise travaille, et habite, désormais, avec la célèbre Marie-Anne Lenormand, cartomancienne et nécromancienne, chez qui le beau monde accourt. Mais un jour, Marie-Anne est arrêtée et emprisonnée pour « trahison ». Résolue à aider sa mentore, Louise va mener l’enquête avec l’inspecteur Brandicourt. Elle sollicite l’aide de l’Impératrice Joséphine elle-même et n’hésite pas à se mettre en danger pour résoudre une mystérieuse affaire de meurtre, qui pourrait bien être liée à ce qui est reprocher à Marie-Anne.

L’apprentie cartomancienne est un thriller historique haletant qui nous plonge avec réalisme dans le Parie et la société d’alors; nous décrivant ses bas-fonds, ses croyances, ses rouages et ses complots à tous niveaux.

Amnesia. Juan ECHEVERRIA. Actes Sud Jeunesse, 2024

Ibrahim vit dans une cité du nord de Paris. Les tours, les habitudes, les deals en tout genre, les codes à respecter, Ibrahim veut voir autre chose. Alors il prend son vélo pour remonter le canal et aller pêcher, au milieu de la nature, et du silence surtout. Pour oublier la mort de son frère aîné et ce que ça a entraîné dans sa famille, pour faire silence, pour réfléchir à Chéryne. Mais chaque nuit, un cauchemar plus réaliste que la réalité l’assaille et le questionne. Et si il y avait un message à comprendre ?

Ce court roman nous offre une immersion dans une cité, avec sa culture et ses lois, tout comme une réflexion sur nos lignées et choix de vie ; sommes-nous condamnés à suivre nos ascendants, sommes-nous conditionnés, ou pouvons-nous faire des choix qui nous ressemble, pour s’accomplir individuellement, tout en faisant société? Tout sonne juste, terrible ou beau.

Le Jardin dans le ciel. Romain POTOCKI. Albin Michel, 2025

pour les plus grands, une lecture intense, immersive, réelle, tour à tour joyeuse et grave, qui nous emmène dans une cité du 9-3, auprès d’un ado de 17 ans, qui vit seul avec sa mère, avec qui il ne partage rien, car elle ne l’aime pas et lui reproche le départ de son père plus de dix ans auparavant. Malade, elle est hospitalisée. Notre ado en profite pour se rendre sur le toit de sa tour et cultiver de l’herbe. Mais comme rien ne peut se faire sans l’accord du caïd des lieux, El-Ghaib, il va lui demander l’autorisation de cultiver des fleurs. Ce dernier accepte tout en lui ordonnant d’offrir chaque jour un bouquet à une personne différente. Sinon… En parallèle, ses livraisons personnelles l’amènent à passer le seuil d’une librairie atypique, tenue par Sophie.il va y découvrir le pouvoir des mots, l’amour des livres, la préciosité de l’amitié, la valeur de la vie.

Le Jardin dans le ciel est un roman au ton faussement léger, écrit dans une langue très orale, au phrasé de cité, à l’argot des rues, qui nous plonge instantanément dans le quotidien de notre ado, pour qui on se prend très vite d’affection. C’est qu’il est tendre ce jeune homme, et sa vie pas facile. Ce roman c’est un concentré d’émotions, de sensibilités, de subtilités aussi. Outre les débats littéraires et poétiques, on y découvre différentes variétés de fleurs, ce que signifie prendre soin des autres et comment. C’est un roman de vie, de la vie, avec ses rencontres, ses joies, ses difficultés, et son métissage. Un vrai bonheur de lecture !

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Si l’été et les vacances tournent la page, celles des livres demeurent, et n’ont pas besoin de saisons pour se laisser lire ! Partagez-vous nos Coups de Cœur ? Quels ont été les vôtres ? Bonne Rentrée !

Billet d’été : mes vacances inoubliables auprès de mes grands-parents

Après les échappées lointaines de Liraloin et Héloïse, après les échappées graphiques de Lucie, à mon tour de vous parler voyage, vacances et découvertes… De lieux, de paysages, d’humains différents ? Oui, peut-être. Mais peut-être bien aussi des voyages au bout de soi, au-delà des apparences, dans les méandres du cœur, les secrets de famille, la profondeur des sentiments… Pas besoin de partir au bout du monde pour passer des vacances inoubliables ou bouleversantes. Dans la sélection que je vous propose aujourd’hui, il suffit d’être avec ou chez papi et /ou mamie ! En album, BD, premières lectures, ou roman, c’est parti !

Le premier livre que je vous présente aurait pu se glisser dans la sélection d’Héloïse. En effet, Le van de Mona, c’est l’histoire d’un jeune garçon, Liam, en vacances chez sa grand-mère, qui à l’occasion d’une partie de cache-cache, découvre dans le garage un véhicule sortant de l’ordinaire ! D’abord fâchée contre lui, mamie lui raconte qu’il s’agit du vieux van rafistolé dans lequel elle a parcouru le monde entier avec son papi aujourd’hui décédé. Cela lui rappelle des souvenirs devenus douloureux et elle n’a pas l’intention de réutiliser ce véhicule jusqu’à son propre décès. C’est sans compter le pouvoir de persuasion, l’énergie contagieuse, la curiosité de Liam ! Il n’a plus qu’une idée en tête : dormir dans cette maison roulante. S’ensuit alors un road-trip improbable, parsemé de rires et de complicité, de souvenirs et de confidences, de tendresse et beaucoup d’amour, au bout duquel chacun, en quelque sorte, ressortira grandi, ouvert à la vie qui continue. Les illustrations crayonnées apportent une touche spontanée et authentique, de type carnet de voyage, elles sont empreintes de délicatesse… J’ai été très touchée.

Le van de Mona, de Baptiste Puaud, illustré par Adèle Tariel, Editions du Père Fouettard, 2025

J’éprouve une admiration sans faille pour Rascal, qui demeure indéniablement au fil des années l’un de mes artistes jeunesse préférés, lorsqu’il illustre les mots des autres que quand il signe des albums aux textes intelligents, subtils, drôles ou émouvants. Mais aussi quand il est seul maître à bord. Je l’ai également découvert et apprécié romancier, avec ce petit roman tendre et nostalgique, qui s’éloigne sensiblement de ses thèmes habituels. Nous suivons au gré des saisons une année de la vie de Rose, une petite citadine qui passe toutes ses vacances à la campagne chez ses grands-parents. Cueillette de champignons, confection de gâteaux, promenades en forêt rythment le lien fort qui l’unit à eux, tissé de petits bonheurs et de transmission silencieuse, de joie et de confiance. Un roman tout en nuances, en contemplation et en poésie, très joliment accompagné par les illustrations sépia de Nathalie Novi, pour appréhender le temps qui passe et les souvenirs qui aident à grandir.

C’est mon père qui a choisi mon prénom. Mon père, il dit que l’on ne devrait donner aux filles que des prénoms de fleurs.
Je suis heureuse que le mien porte des épines.

Les quatre saisons de Rose, de Rascal, illustré par Natahlie Novi, Rue du monde, 2004

Avec La cabane du bonheur, nous suivons également le rythme des saisons. Jaune, c’est la couleur que Papi Martin a choisi pour sa cabane de bord de mer, afin qu’elle ait toujours l’air ensoleillé. C’est là qu’à chaque période de vacances, une fratrie de trois enfants passe des moments délicieux avec leur grand-père, entre courses contre la pluie, pique-niques, jeux de cartes, contemplation des étoiles, cerf-volants et bains de mer. Des moments de partage, d’apprentissage, de joie que l’on croit éternels quand on a six ou sept ans. Mais parfois, les papis tombent malades et les cabanes ne résistent pas aux tempêtes… Après ça, « il est où, le bonheur, il est où ? » Perdu à jamais ?… à moins que l’esprit de famille et le souvenir des jours heureux ne donne le courage de retrousser ses manches et de l’emporter sur la tristesse. Très joliment illustré, avec des couleurs éclatantes et un mouvement permanent, cet album sensible et lumineux permet d’aborder en douceur des thèmes comme la maladie et la mort, tout en délivrant un message intemporel : profitons des gens qu’on aime, notamment les plus âgés, et notre joie demeurera, même après leur disparation.

La cabane du bonheur, de Tom Hopgood, traduit par Rosalind Elland-Goldsmith, Bayard, 2023

Douceur, encore… avec la réédition de cet album de 2019, publié d’abord chez Margot, ressorti cette année à l’Ecole des loisirs, avec une nouvelle couverture. Autant annoncer la couleur : il s’est immédiatement hissé dans le top 10 des plus beaux que j’aie jamais lus. L’auteur-illustrateur Thibault Prugne, que j’appréciais déjà énormément dans un registre humoristique (notamment sa série Renard jubilatoire), m’a ici bluffée par la grâce, la mélancolie, la sensibilité de son texte et de ses illustrations, évidemment, absolument somptueuses. Chaque nouvelle page est plus éblouissante que la précédente. Je défie quiconque de ne pas être touché.e par cette histoire où la noirceur de l’époque, en proie à la guerre qui fait rage, est adoucie par la relation magique entre un grand-père original et une petite fille curieuse, par cette histoire de transmission intergénérationnelle et de passion, par cette histoire mêlant écologie et pacifisme, par cette histoire où les petits riens font le grand tout… Par cette histoire d’amour. Imprégnée de tant de lumière et de beauté, la parenthèse enchantée et émouvante qu’offre cet album a tout simplement le parfum du chef-d’œuvre.

Je me souviens de sa cabane qui flottait dans les champs comme un phare sur l’océan ; des feuilles du vieux frêne scintillant au soleil, de l’odeur du linge qui séchait au fond du jardin, du bourdonnement des  abeilles et du chant des mésanges. Pépé Léon faisait partie de ces gens qui aimeraient que rien ne change jamais. Qui ne veulent pas refaire le monde, juste vivre au  milieu et l’écouter respirer. Je m’appelle Louise et ceci est mon histoire.

Le parfum des grandes vacances de Thibault Prugne – Ecole des Loisirs, 2019

Ces grandes vacances-là aussi se déroulent par temps de guerre, la deuxième guerre mondiale, plus précisément. L’histoire commence a l’été 1939, tandis que deux petits parisiens, Colette, 6 ans et Ernest, 11 ans, passent les vacances en Normandie chez leurs grands-parents. Mais le 3 septembre, la guerre est déclarée, leur père est envoyé au front, leur mère tombe gravement malade et ce qui ne devait être qu’un séjour estival va devoir se prolonger…. Ce seront des grandes grandes vacances ! Dès lors, nous suivons au fil des 5 tomes, leur intégration à leur nouvel environnement, leur quotidien à la ferme avec leurs aïeuls, les amitiés naissantes et les rivalités de clans, leurs prises avec le monde et les décisions des adultes, leur confrontation à la mort, etc. sous le regard toujours bienveillant et plein d’amour de leurs grands-parents. Pas sombre du tout, sans toutefois occulter les problématiques liées à la guerre mais à hauteur d’enfant (des éléments explicatifs historiques et des précisions de vocabulaire y sont intégrés), cette BD destinée aux enfants à partir de 9 ans, est très fidèle à la série TV diffusée sur Okoo dont elle est issue. Publiée au printemps 2025 dans une superbe édition collector intégrale, c’est une belle réussite car elle allie savamment fiction et Histoire. Pour ma part, les dessins signés Emile Bravo n’y sont pas étrangers.

Les grandes grandes vacances, de
Gwenaëlle Boulet, illustré par Emile Bravo, BD KIDS, 2025

Pour les plus jeunes lecteur.ic.es, particulièrement friand.e.s de la collection Mouche de l’Ecole des Loisirs, Anne Cortey et Thomas Baas proposent le récit simple et doux de quelques journées d’été de Nonna et Marta, respectivement grand-mère et petite-fille. Elles se soutiennent, se transmettent mutuellement, partagent promenade et baignade, ce qui ne les empêche pas de se chamailler gentiment. Quand la fatigue de l’une et l’énergie de l’autre entrent en collision, le respect de l’altérité est la belle leçon de vie qu’en tire la petite fille. Si j’ajoute que la forêt, la rivière, omniprésentes, gracieuses et chantantes, la sérénité de ce petit coin de paradis loin des tumultes citadins, incitent aussi le.la jeune lecteur.ice à savourer le temps présent, à profiter des joies offertes par la nature et à prendre conscience de sa nécessaire protection, c’est un peu la cerise sur le gâteau… ou disons… les haricots dans le ragoût, puisque c’est le plat préféré de Marta !

Ma chronique complète ICI.

Nonna et Marta, d’Anne Cortey, illustré par Thomas Baas, L’Ecole des loisirs, 2024

Les vacances qui ont tout changé, ce sont pour Gabin -situation familiale compliquée – celles qu’il a passé avec sa mamie dans un village-vacances des Vosges, parmi des personnes (âgées) bizarres, dont certaines sont en fauteuil roulant… Présentée ainsi, l’histoire ne fait pas rêver ! Mais c’est sans compter le talent de son auteur pour se glisser dans la peau de ce pré-adolescent perturbé par les disputes quotidiennes de ses parents sur le point de divorcer, et qui se cache derrière l’humour pour ne pas s’avouer qu’il a terriblement peur de l’avenir… Mais lors de son séjour, d’abord vécu comme une sinécure, il fait la connaissance de la pétillante et bavarde Manon, une jeune fille de son âge, et tout change. Dès lors, il participe aux activités proposées aux vacanciers, sans les juger, il apprend la tolérance, le respect, la générosité… et au final, il grandit et murît, il comprend…il se murmure même que… Chut ! Je vous laisse découvrir ce court roman drôle, frais, bienveillant et pas aussi léger qu’on pourrait le penser, idéal pour l’été.

Les vacances qui on tout changé, d’Arnaud Dudek, illustré par Benoît Perroud, Actes sud jeunesse, 2024

Pour les ados, j’avoue avoir eu plus de difficultés à sélectionner parmi mes lectures marquantes, des histoires mettant en scène des petits-enfants et des grands-parents.

Mon choix s’est tout d’abord arrêté sur le roman Apitoxine de Mélody Gornet. Eté 2020, post confinement. Son héroïne Gwendoline, 17 ans, quitte Paris pour échapper pendant deux mois à la pression sociale et familiale qu’elle subit. Elle décide de passer les vacances scolaires d’été dans le village de ses grands-parents maternels, qu’elle connaît peu et en profiter pour faire le point sur sa situation, ses névroses, ses aspirations… Sur place, guidée par sa cousine, elle découvre un monde rural différent du sien et surtout, s’embarque avec elle dans une enquête qui, résolue, la mènera à une vérité qu’elle n’aurait jamais imaginée… Il s’agit d’un roman où ce sont finalement moins les grands-parents que les secrets de famille et les non-dits qui tiennent le premier rôle, mais il a malgré tout sa place dans une sélection « vacances bouleversantes chez les grands-parents » ! En le lisant jusqu’au bout, on comprend évidemment pourquoi ! Bravo à l’autrice pour la justesse des personnages, les thématiques abordées (mal-être adolescent, relations familiales, engagement écologique, asexualité…) la tension palpable, l’écriture tendue, et pour ce premier voyage inattendu avec elle, en ce qui me concerne.

Apitoxine, de Mélody Gornet, Thierry Magnier, 2023

Enfin, c’est tout naturellement qu’Albert s’est imposé ! Un été avec Albert, c’est un roman dans lequel on retrouve les thèmes (préservation du végétal et de la biodiversité) et les personnages (jeunes femmes ou adolescentes à personnalité affirmée, environnement familial défaillant voire toxique) chers à son autrice. Le tout saupoudré d’un style percutant, d’un humour qui fait mouche, d’une bonne pincée de mystère, d’un suspense à tendance fantastique qui pousse immanquablement à dévorer les pages jusqu’à la fin, tout en offrant ici et là des scènes ou des pensées d’une tendresse infinie, un concentré de Pavlenko en vérité. Il raconte en un peu plus de 200 pages, l’été de Soledad, fraîchement bachelière, dans le village pyrénéen de sa grand-mère qu’elle aime, mais qu’au fond, elle connaît peu… Alors qu’elle rêvait de vacances de folie entre copains, elle a atterri dans ce « trou paumé » après que ses parents lui ont annoncé leur divorce et que son père s’enfonce dans la dépression. Mais ce qui aurait pu virer au récit un peu gnangnan autour du retour aux sources, aux joies simples, au partage des souvenirs et à une nostalgie douce-amère devient, grâce au super-pouvoir de conteuse de Marie Pavlenko, une histoire virevoltante, haletante et oui, un peu effrayante parfois… L’été de Soledad avec Albert sera finalement hors du commun et inoubliable, bien plus qu’aurait pu l’être un séjour au camping avec ses ami.e.s. Mais au fait… qui est Albert ?

Un été avec Albert, de Marie Pavlenko, Flammarion jeunesse, 2021

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Et vous, quels titres auriez-vous sélectionnés ?

Lecture commune : Fin d’été

Pour finir l’été, nous avons préparé une lecture commune autour d’un album qui respire la fin des vacances et le désir de les prolonger encore un peu. Le très doux Fin d’été de Stéphanie Demasse-Pottier, illustré par Clarisse Lochmann.

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Fin d’été, Stéphanie Demasse-Pottier et Clarisse Lochmann, L’Etagère du bas, 2021

Lucie : J’avais envie de commencer en vous demandant comment vous aviez découvert le travail de Clarisse Lochmann, et sa collaboration avec Stéphanie Demasse-Pottier ?
Comme pour ma part c’est grâce à Colette, je suis curieuse de savoir ce qui la touche particulièrement ?

Linda : J’ai pour ma part découvert Clarisse Lochmann grâce à Colette qui nous a proposé son titre La passoire pour le prix ALODGA 2021. J’ai été séduite par son univers graphique et depuis je la suis de près. C’est sur son compte instagram qui j’ai eu vent de la sortie de Fin d’été que je me suis empressée d’acheter. L’occasion de découvrir la magnifique association de ces deux artistes talentueuses. Je viens d’ailleurs de me procurer leur dernier travail en commun Même les crocodiles n’ont pas sommeil !

Colette : Clarisse Lochmann a un style bien particulier, un univers à la fois flou et intense, que j’ai tout de suite reconnu quand j’ai vu la couverture de Fin d’été sur les rayonnages des nouveautés de ma médiathèque préférée ! C’est le bleu qui m’a fasciné, comme la première fois. Quand on a aimé un album à la folie comme j’ai aimé La Passoire, je ne pouvais résister à la tentation de m’agripper à cette fin d’été prometteuse. Et puis le titre de cet album a ouvert la porte des possibles et des souvenirs. Une porte qu’il me fallait plus qu’entrebâiller.

Blandine : C’est grâce à Colette, et sa proposition pour La Passoire, que j’ai découvert le travail de Clarisse Lochmann. Son univers graphique m’a immédiatement séduite et emportée. Pour Fin d’été, j’ai acheté l’album sans hésiter une seconde. La couverture est magnifique, et quel titre ! S’y entremêlent mélancolie, renouveau, transmission.
Quant à Stéphanie Demasse-Pottier, je la découvre avec cet album – et j’aime !

Lucie : Ce que dit Blandine au sujet du titre est très juste : trois mots, une petite fille qui ferme un parasol et nous voilà immédiatement renvoyées à nos propres souvenirs de départ. En tout cas ça a été très efficace pour moi. 
Avez-vous eu la même sensation ?

Linda : Je ne l’ai pas abordé sous l’angle du départ. Je pensais que l’album parlerait des vacances et des derniers instants que l’on savoure. Bien entendu cela a éveillé des souvenirs de ma propre enfance. Nous partions en juillet avec mes parents mais ils nous arrivaient souvent, jusque fin août, de goûter encore aux plaisirs des plages du nord avant de retrouver le rythme plus effréné qu’amène la rentrée scolaire.

Colette : Moi non plus, je n’ai pas du tout imaginé qu’il s’agirait d’un album sur le départ. J’étais tellement imprégnée encore de ma lecture de La Passoire que j’ai cru que l’album raconterait un évènement imaginaire, un mécanisme psychologique. Je ne m’attendais pas à une narration réaliste. Pourtant le titre aurait du me guider !

Lucie : Qu’ils relatent un mécanisme psychologique ou une narration réaliste, les deux albums que j’ai pu lire m’ont laissée avec une tristesse latente. 
Avez-vous ressenti la même chose ?

Blandine : Tristesse non, mais mélancolie oui. L’album, les illustrations « non figées » grâce à l’encre, nous transportent auprès des personnages, et nous emportent dans nos propres souvenirs, à la fois vrais et idéalisés. J’aimerais cette douceur de fin d’été/vacances, cette possibilité de prendre encore un peu le temps, de s’affranchir encore un peu des contraintes que la Rentrée entraîne.

Linda : J’ai pour ma part ressenti un profond sentiment de nostalgie, une volonté de retenir quelque chose, de faire durer un plaisir : les souvenirs de la nuit ou la joie des vacances.

Colette : J’ai tellement souffert de ce sentiment que la fin de l’été marquait : la fin de quelque chose de tellement plus grand et plus fort que simplement « la fin des vacances » que j’ai proposé à ma famille de ne plus laisser finir les vacances. Maintenant fin août, quand la rentrée approche, nous partons en vacances, au fil du rasoir, les jours juste avant de retourner à l’école. Une toute petite escapade mais qui nous fait nous sentir « rebelles et biens vivant.e.s » ! En fait le plus insupportable ce sont les quelques jours qu’on a tendance à prévoir pour reprendre les « bonnes habitudes » comme pour faire tampon entre deux vies, l’une de liberté, l’autre de contraintes. D’ailleurs ce sentiment en dit long sur les mécanismes qui régissent nos sociétés occidentales contemporaines dans lesquels le travail est encore très au cœur de notre existence, jusque dans son intime temporalité.

Blandine : Comme tu as raison Colette !! Cette habitude de « tout » prévoir, d’être constamment dans l’anticipation, dans le « au cas où », et qui finalement, nous empêche d’être dans le présent, dans l’instant, de vivre pleinement les moments qui s’offrent à nous, avec ceux qui nous entourent, eux-mêmes peut-être accaparés par leurs propres anticipations, parce qu’il faut se préparer, être prêts à … »
Quant au travail, il faut savoir couper, mettre de la distance, car il est facile de le laisser s’infiltrer à tous les moments de notre vie, par le biais des téléphones (surtout) qui nous servent à être joignables à tout moment et partout par les mails, messages, appels. Ou « simplement » pensées.

Lucie : Tu as raison Blandine, « mélancolie » est le terme juste.
Quant à la fin des vacances, ce petit moment volé m’a fait penser à ce que Timothée de Fombelle raconte dans Neverland : le départ du dimanche soir, à contre courant des vagues de retour pour un dîner-pique-nique à Fontainebleau (de mémoire). Cette capacité à saisir l’opportunité, à offrir des moments inattendus et précieux à ses enfants… C’est rare !

Blandine : Je vais faire remonter Neverland sur le dessus de ma PAL moi ! Ce qui empêche, ce sont des mécanismes ancrés d’habitudes, de transmission familiale, de craintes diverses. Il faudrait oser, oser oser même !

Linda : Oui c’est tout à fait ça ! Il est important de vivre l’instant présent, d’être spontané et de toujours laisser de la place à l’imprévu. Il y a toujours un plaisir immense à organiser les vacances, cela permet de se projeter. Mais une fois sur place, j’aime que nous ne fassions pas ce qui était prévu pour nous laisser porter par nos envies du moment. Au final nous savourons vraiment plus ces instants, pour la liberté qu’ils nous donnent de vivre pleinement une journée déconnectée de la rigidité du calendrier.

Lucie : Dans l’album, cette manière de retarder le retour m’a vraiment plu. Stéphanie Demasse-Pottier pousse plus loin que le traditionnel pique-nique sur la route. Cette nuit à la belle étoile est très jolie idée. Cela m’a donné l’impression que les parents n’avaient pas perdu leur âme d’enfant. Qu’ils sentaient la peine de leur fille et qu’ils décidaient de faire à leur famille un dernier cadeau, souvenir précieux, de leurs vacances. J’ai vraiment aimé que l’enfant semble associé à la décision de dormir dehors, au choix du lieu de campement…
Le souvenir et le temps (qui passe, que l’on décide de prendre ou non) me semble central dans cet album. Qu’en pensez-vous ?

Colette : Le temps en effet est au cœur de cet album : il y est question du temps que l’on prend, en famille, pour écouter ses émotions, les accompagner, leur trouver une manière de s’exprimer, de se transformer. On en parle souvent pour la colère mais plus rarement pour le chagrin, la mélancolie. Et puis dans cet album, c’est fait avec beaucoup de délicatesse, une certaine économie de mots, une forme de pudeur qui fait toute la beauté de l’écoute des parents. La tristesse de l’enfant résonne beaucoup en moi, j’imagine en vous aussi. Elle résonne sans doute d’autant plus que, souvent chez moi, elle n’a non seulement pas été entendue mais je n’ai jamais eu l’idée de l’exprimer. Peut-être vivions-nous cette mélancolie chacun.e de notre côté alors qu’il y a quelque chose de profondément joyeux à la vivre ensemble, à la célébrer ensemble.

Linda : Le temps rythme l’album de la même manière qu’il rythme nos vies. Que ce soit le temps que l’on prend, celui qui nous pousse à aller plus vite ou à ralentir, ici il est connecté aux émotions de chacun des personnages et c’est probablement pour cela que cet album nous touche autant. C’est aussi parce qu’ici les parents sont bienveillants, écoutent et accueillent les émotions de leur enfant avec délicatesse. Comme Colette, c’est quelque chose qui me touche intimement car mes émotions, surtout si elles étaient négatives, n’étaient pas entendues et il était même préférable de les taire. J’imagine que cela est lié à l’évolution du regard que l’on a sur l’enfant… Toujours est-il que je me demande également s’il ne serait pas plus agréable de partager notre mélancolie pour la rendre plus agréable.

Blandine : Je vous rejoins complètement sur le rapport au temps. Prendre le temps de faire les choses, comme de (re)connaître nos ressentis.
Je crois aussi qu’il y a quelque chose de générationnel dans l’expression possible des émotions et de leurs diversités. Pour preuve l’incroyable production (et pas seulement littéraire) autour d’elles. Ce qui était auparavant tu, indéterminé, non nommé ou réduit est désormais recherché dans toutes ses nuances. Être mélancolique, ce n’est pas forcément être triste ; être contrarié, ce n’est pas être en colère, etc. Parents et enfants sont encouragés à identifier les émotions. Cela crée ou renforce des liens, favorise des échanges et discussions. Mais il faut aussi garder de la spontanéité, de la surprise. Ce que font les parents de cet album. Et j’aime ça !

Lucie : Pour conclure, je vous propose de revenir un instant sur l’univers graphique de Clarisse Lochmann. Comme vous le disiez au début de cette discussion, c’est en grande partie ce qui vous a attirées vers cet album. J’ai eu la chance de rencontrer Clarisse Lochmann dans un festival, et elle plaisantait en disant qu’elle faisait des tâches et qu’elle débordait. Ces illustrations un peu floues sont en effet une marque de fabrique immédiatement reconnaissable. Que vous inspirent-elles ?

Blandine : Des tâches peut-être, mais avec un très fort pouvoir évocateur. J’aime qu’il n’y ait pas de contours, pas de limites, que ça déborde. La base est commune mais chacun y voit, y trouve, y ressent ce qu’il veut, ce qui s’impose. De fait, l’expérience de lecture est unique et sans cesse renouvelée. C’est très poétique. Paradoxalement, cette « liberté » peut aussi en dérouter certains.

Linda : De bien jolies tâches alors ! C’est un style graphique que j’apprécie énormément car ce flou laisse place à l’imagination de chaque lecteur et permet de laisser s’exprimer ses propres représentations. C’est vraiment poétique ! Comme le dit Blandine, ce style propose une expérience de lecture qui se renouvelle, ce qui est toujours très plaisant.

Colette : Ce que j’aime aussi dans le style de Clarisse Lochmann c’est qu’elle laisse les traces de ses esquisses, que l’on devine le crayon à papier. Je suis toujours pleine de gratitude pour les artistes qui nous montrent comment ils/elles travaillent, je trouve que c’est très généreux de partager avec nous, même implicitement, leurs secrets de fabrication.

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Nous espérons vous avoir donné envie de découvrir les albums de Clarisse Lochmann, qu’elle les ait réalisés seule comme La Passoire ou avec sa complice Stéphanie Demasse-Pottier comme Fin d’été ou Même les crocodiles n’ont pas sommeil ! Pour notre part, vous l’aurez compris, nous sommes sous le charme !

Billet d’été : Flânez, c’est l’été !

Voici l’été. Le moment des congés qui permettent (parfois) de se retrouver et d’arrêter la course folle de l’année pour enfin prendre le temps. Pour soi, pour ses proches, et… pour la lecture !

Il s’agit à la fois de mon premier billet d’été et de mon premier SWAP. Ces premières fois, suite à mon arrivée à l’ombre du grand arbre et des échanges qui en ont découlé, sont assez émouvantes.

Les lectures se mettent au vert

Et l’émotion était justement au cœur du magnifique colis envoyé par Alice, notamment avec le très touchant En émois de Anne Cortey.

En émois, Anne Cortey, L’école des loisirs, 2019

Les émotions adolescentes exacerbées sont au cœur de ce roman se déroulant pendant les vacances d’été en Provence. Mon avis complet ici.

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Anne Cortey toujours, avec la complicité de l’illustratrice Anaïs Massini, partage dans Le souffle de l’été quatre instantanés, quatre moments qui semblent anodins mais qui sont les précieux  indices de vacances réussies. Un rêve de douceur et de simplicité qui rappellent de beaux souvenirs d’enfance. Mon avis complet ici.

Le souffle de l’été, Anne Cortey et Anaïs Massini, Grasset Jeunesse, 2017

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Ce SWAP se voulait aussi « écolo » et source de réflexion sur « l’après ». Et c’est avec Je suis l’arbre d’Eric Singelin que le pont s’est fait naturellement.

Je suis l’arbre, Eric Singelin, Gallimard Jeunesse, 2017

Un tout petit livre pop-up aux couleurs éclatantes, qui montre de manière très poétique et singulière les ressources infinies de la nature face aux agressions humaines. La vie d’un arbre évoquée en douze pages avec une rare sensibilité. Mon avis complet ici.

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Ce discours est aussi au cœur du combat de Greta Thunberg dont le livre Rejoignez-nous a été l’un des succès de ce SWAP.

Si cet « impératif » me met mal à l’aise et que certaines méthodes me semblent assez démagogiques (la grève du vendredi pour les adolescents), les initiatives et les prises de conscience se multiplient et c’est bien l’essentiel !

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Merci encore à Alice pour ce colis plein d’attentions.

Entre émotion, vacances de rêve et réflexions écologiques, il me reste à vous souhaiter un bel été !

Billet d’été : Dans la valise de la sœur de Yokolulu

Ma sœur, Adèle, a 14 ans et aime lire. Mais on part bientôt en voyage et elle ne sait pas quel livre emmener ! En tant qu’aînée, je lui promets de résoudre son problème en lui proposant cinq livres qu’elle pourrait aimer.

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Pour commencer, je te conseille un album, parce que les ados peuvent aussi les apprécier. Tohu Bohu m’a été offert par Céline Alice, pour le swap de Noël, et je l’en remercie vivement. Musique, jeux de mots et dessins amusants s’y mêlent harmonieusement. Tout ce qu’on aime !

Tohu Bohu, Rémi Courgeon, album Nathan

L’avis d’Alice ici, de Pépita là.

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Comme premier roman, je t’en propose un d’Annelise Heurtier, parce que j’adore cette auteure et que j’ai tout autant aimé ce livre. Il est émouvant à souhait et il donne envie de voyager et de s’engager dans une association humanitaire.

Là où naissent les nuages, Annelise Heurtier, Casterman

L’avis de Pépita ici,

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Le roman suivant, je l’ai lu ce roman lorsque j’avais à peu près ton âge (treize ans) et il me faisait passer du rire aux larmes en quelques minutes. L’innocence du petit Babar et l’humour de Ben m’ont beaucoup plu ! On se demande par exemple, avec le petit frère de Camille, si on continue à fêter son anniversaire au paradis lorsqu’on est mort.

Qui décide, tous les soirs, d’allumer les étoiles ?, Carine Bausière, Ravet-Anceau

Mon avis sur notre blog ici.

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Une fois n’est pas coutume, je te conseille un livre de science-fiction ! Je sais que ses cinq cent dix-sept pages te font peur mais je t’assure qu’elles se lisent très vite ! J’avais dévoré avec passion ce (petit) pavé et j’avais rêvé dans « le monde d’après », au milieu d’animaux inventés.

Les Eveilleurs, Livre 1, Pauline Alphen, Hachette

L’avis de Céline du Flacon ici et mon avis sur notre blog là.

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Tu vas entrer en troisième et donc étudier la shoah, c’est pour cela (notamment) que je te conseille ce roman qui aborde ce sujet avec une touche romantique. Le début peut être long mais la suite est bien plus intéressante et émouvante.

Les valises, Sève Laurent-Fajal, Gallimard Scripto

L’avis d’Alice ici.

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J’espère que cette sélection de livres va aussi vous inspirer pour cet été !

Bonnes vacances à tous ceux qui en ont ! Belles évasions littéraires aux autres !