Nos classiques préférés : le trait léger de Serge Bloch

« A quoi bon lire ? » c’est un peu ce qui nous vient à l’esprit lorsqu’on évoque Serge Bloch. En effet, son trait semble pouvoir se passer de texte. Il a d’ailleurs accompagné jusque très récemment l’exposition installée à la médiathèque Françoise Sagan. Un bel hommage à la toute première bibliothèque jeunesse : l’Heure Joyeuse !
Très fidèle à certains auteurs comme Davide Cali, il est aussi très connu pour être le « papa » de la célébrissime série Max et Lili ou de SamSam. Sans plus attendre, voici les albums de cet illustrateur sélectionnés par vos arbonautes qui ont chacune dégotté 10 raisons pour vous convaincre !

Serge Bloch, photo issue du site des éditions Syros.

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Pour Lucie, il est impensable de ne pas aborder la collaboration de cet auteur-illustrateur avec Davide Cali. Et notamment leur album L’ennemi pour les 10 raisons qui suivent…

L’ennemi, Davide Cali, illustrations de Serge Bloch, Sarbacane, 2016.

1. Les deux trous de l’introduction qui isolent et sont pourtant similaires.
2. Le choix de Davide Cali du point de vue unique et de la narration à la première personne.
3. Ces illustrations, entre photos d’éléments réels…
4. Et traits ultra-efficaces de Serge Bloch.
5. Parce que cette idée de manuel qui explique parfaitement le concept de propagande.
6. Pour ces doutes et questionnements qui surviennent lors d’une nuit étoilée.
7. Car la prise de conscience illustre le dicton anglais invitant à ne pas juger une personne avant d’avoir « marché un kilomètre dans ses chaussures ».
8. Pour le soutien d’Amnesty International et de l’Historial de la Grande Guerre.
9. Pour le jeu des deux erreurs entre la deuxième et la troisième de couverture.
10. Et parce que le discours sur la paix, le respect de l’altérité et la compréhension de l’Autre est plus que jamais d’actualité.

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Pour Séverine, alors qu’elle connaît et apprécie tant Serge Bloch depuis des années, l’évidence fut de présenter cet ouvrage collectif de 2015, pour les 10 raisons suivantes :

  1. Pour sa couverture bouleversante et son titre le plus empathique qui soit.
  2. Pour le texte du grand Daniel Pennac, qui expose, interpelle, questionne, et en appelle à des valeurs essentielles d’humanité et de cœur, tout en rappelant rapidement l’histoire des migrations.
  3. Pour l’acrostiche créé avec les lettres du mots R.E.F.U.G.I.E.S par Jessie Magana et Carole Saturno, à la fois didactique et sensible. Très intéressant, car cela peut être exploité en classe, par exemple.
  4. Parce que les illustrations de Serge Bloch, au trait simple et épuré, offrent des gestes, des regards, des situations qui touchent au plus haut point et complètent les propos avec une grande force évocatrice.
  5. Parce qu’il ne fait pas que sensibiliser et expliquer, il propose également des pistes d’action pour améliorer le sort des personnes réfugiées, à portée de tous.te.s.
  6. Parce que 40 maisons d’édition jeunesse, fort appréciées d’ailleurs A l’ombre du grand arbre, se sont associées à ce projet pour porter ensemble un message de bienvenue et de solidarité, en partenariat avec le Salon du livre et de la presse jeunesse.
  7. Parce que les auteur.ice.s et l’illustrateur, ainsi que l’ensemble des acteur.ice.s de la chaîne du livre ont œuvré bénévolement pour que ce livre voie le jour.
  8. Pour son petit prix, qui le rend accessible au plus grand nombre.
  9. Parce que les bénéfices générés par la vente de cet ouvrage sont intégralement reversés à La Cimade, association de solidarité active avec les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile.
  10. Parce que la seconde édition du livre, en 2018 a été enrichie d’une version audio du texte de Daniel Pennac, lue par l’actrice Sandrine Bonnaire, et que des fiches pédagogiques peuvent être téléchargées.

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Hélène de son côté considère qu’on ne peut pas évoquer Serge Bloch sans s’attarder un peu sur la série Max et Lili et ceci pour (au moins) 10 raisons :

  1. Sa longévité : depuis 1992 et le premier titre Lili ne veut pas se coucher, pas moins de 135 références ont été publiées.La série traverse les générations sans prendre une ride puisque les sujets sont sans cesse renouvelés
  2. La variété des sujets abordés : petits soucis à la maison ou à l’école (se faire des amis et avoir des petites fâcheries avec eux, hospitalisation, vouloir un animal de compagnie) mais aussi problèmes de société (chômage, drogue, réfugiés)
  3. Le mélange d’intemporalité et de modernité qui s’en dégage : 1992 Lili ne veut pas dormir, 2010 Lili veut un téléphone portable, 2020 Max et Lili ont peur du noir, 2024 Max et Lili découvrent l’empathie
  4. La relation fraternelle entre Max et Lili : entre complicité et rivalité, ces deux frères soeurs sont comme chien et chat, mais toujours solidaire l’un avec l’autre en cas de vraie difficulté
  5. De manière générale, les relations avec la famille, proche et élargie, les amis, l’école, bref, tout ce qui fait le quotidien d’un enfant de l’âge des petits protagonistes 🙂
  6. La tendresse avec laquelle sont abordés les sujets les plus graves, qui se ressent dans le trait de l’illustrateur
  7. Son petit format, idéal à transporter partout
  8. La variété des supports sur lesquels on peut retrouver les petits personnages de Serge Bloch : cahiers de vacances, jeux de société, cherche et trouve, agendas, calendriers… De vrais compagnons au quotidien
  9. La qualité des histoires et l’expressivité des personnages qui permettent de faire de cette série un véritable objet littéraire, au-delà de son aspect pédagogique. Très utile pour aborder certains sujets difficiles, ils ont toute leur place dans les bibliothèques de classe depuis longtemps et peuvent être conseillés pour aborder en famille des sujets délicats
  10. Le format BD que les enfants adorent et qui permet, encore une fois, d’être réellement dans la lecture-plaisir sans avoir l’impression de lire une leçon

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Pour Liraloin, la bagarre ce n’est pas son affaire et n’a jamais bien compris quelles étaient les réelles motivations pour en finir ainsi ? Et bien voilà 10 bonnes raisons, enfin, d’en savoir un peu plus sur la bagarre et aussi pourquoi aimer cet album !

Le grand livre de la bagarre de Davide Cali, illustré par Serge Bloch – Sarbacane, 2013
  1. Il n’y a pas que la bagarre qui est immense, le format de cet album l’est carrément plus. Une grande bagarre prend beaucoup plus d’ampleur dans un grand livre !
  2. Pour la première et quatrième de couverture … un personnage heureux, semble-t-il, d’avoir gagné sa bagarre avec tout de même quelques dommages physique …ouille…
  3. … « aïe – bang – ouille – clac » justement une belle bagarre digne de ce nom et rondement bien menée doit se doter de cette belle mélodie d’onomatopées.
  4. « Jeux de mains, jeux de vilains » pour ne pas être tenté par une bagarre, il suffit d’écouter les conseils des adultes même si ces derniers ne sont pas toujours des exemples à suivre.
  5. Pour ce qui nous amène à entrer en bagarre car finalement il y a toujours une bonne raison plus ou moins grave et puis cela dépend tellement de l’humeur journalière …
  6. Pour ces précieux conseils donnés afin de réussir une bagarre « équitable » : « même poids, même taille, même nombre », merci Davide Cali de nous donner de bons tuyaux.
  7. Pour que la bagarre s’arrête, il faut toujours avoir une bonne excuse : la peur de se faire prendre, maman qui appelle pour passer à table (un bon petit plat maison ne se refuse jamais, c’est un signe de paix).
  8. Pour être un bon bagarreur et surtout en cas de victoire, attention à ne pas trop en faire. Nous apprécions la modestie on vous aura prévenu !
  9. Pour le texte de Davide Cali et son humour qui nous permet de dédramatiser cette histoire de bagarre, une langue oh combien universelle.
  10. Enfin, pour le trait de Serge Bloch que l’on reconnaît entre 1000, dessinant des visages d’enfants si expressifs entre tendresse et amusement.

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Blandine est tombée sous le charme de petit album au format à l’italienne, à la couverture bleutée constellée d’étoiles et de ce petit garçon au filet à papillons.

Décrocher les étoiles et autres expressions sur la vie. Serge BLOCH. Circonflexe, 2017
  1. Parce que Serge Bloch ! Ah, il faut d’autres raisons ?! Les voici donc :
  2. Le titre, « Décrocher les étoiles et autres expressions sur la vie », est déjà une formidable invitation, n’est-ce-pas ? Et j’étais curieuse de découvrir quelles étaient les expressions choisies par Serge Bloch, comme le sens lettré et dessiné qu’il leur a attribuées
  3. Parce que l’album est bilingue, français et anglais, et qu’il est rigolo de découvrir comment chacun exprime une chose commune, que le concept soit abstrait ou concret.
  4. Pour croire en soi, tomber et se relever, avoir des rêves, compter sur ses amis, avancer, réussir et recommencer.
  5. Pour ses illustrations : des images qui combinent quelques traits minimalistes, un peu de couleurs et des objets, du quotidien, du passé, de la nature.
  6. L’illustration peut parfois sembler bien éloignée des mots, selon qu’on lit en anglais ou en français.
  7. Parce que les « conseils » donnés en image sont souvent facétieux
  8. Parce que cet album est tout simplement beau, doux, expressif, rigolo, poétique.
  9. Parce qu’il n’y aura jamais assez de livres pour insuffler confiance en eux à nos enfants, pour leur avenir, pour faire face aux épreuves de la vie et aux sentiments qui la traversent.
  10. Parce que cela peut aussi nous encourager nous, parents et adultes.

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Enfin, Séverine et Lucie vous proposent à quatre mains les dix raisons de découvrir Moi j’attends, un album cher à leur cœur.

Moi j’attends, Davide Cali, illustrations de Serge Bloch, Sarbacane, 2005.
  1. Pour son format à l’italienne très allongé, qui permet au fil de l’histoire de se dérouler . Un objet-livre qui se démarque dans la bibliothèque.
  2. Pour la couverture, imitation d’une enveloppe expédiée par l’auteur et l’illustrateur au/à la jeune lecteur.ice, les étiquettes avec le titre de l’album, cet enfant qui attend à la fenêtre (de l’enveloppe) ; les noms de l’auteur et de l’illustrateur sur les rubans brodés de notre enfance en page de garde ; pour le quatrième de couverture sous forme de dédicace à la vie, et indirectement à l’amour (dont il est beaucoup question dans l’album), grâce au cœur formé par le fil.
  3. Pour les petites et grandes attentes d’enfant et d’adulte qui ont toutes une place légitime, chaque lecteur.ice, enfant ou parent ou grand-parent, peut s’identifier – ce qui renforce le moment de partage qu’est la lecture de cet album.
  4. Pour la temporalité de l’attente, qui suit le fil de la vie de manière chronologique. Cela rend accessible le déroulé d’une existence complète, de la naissance à la vieillesse, aux enfants, même très jeunes.
  5. Pour le fil rouge (au sens propre et au figuré) qui se transforme au fil des pages : guirlande, mouchoir, cordon ombilical, écharpe… c’est le quotidien et pourtant, c’est si poétique !
  6. Pour l’exploit de traduire une vie dans toute la palette de ses émotions, en moins de 50 pages ; pour le caractère universel du message, au-delà des différences de pays, de culture, de religion, de couleur de peau…
  7. Pour l’inventivité et le travail graphique remarquables, alors que ça semble d’une simplicité confondante : ces illustrations minimalistes à l’encre noire, et ce fil rouge qui, lui, n’est pas une illustration, mais une photo. Le contraste est saisissant, il dit l’essentiel.
  8. Pour le fil de la vie qui se poursuit au-delà de l’album et cette trouvaille de remplacer le N final du mot fin en L, grâce au fil, qui renforce l’idée d’une continuité.
  9. Un album qui n’a pas pris une ride, 20 ans après sa parution (d’ailleurs, cet article pourrait-il souffler l’idée d’une réédition à Sarbacane ? 😉) et parce que l’émotion surgit même après une multitude de lectures.
  10. Emotion d’autant plus forte pour Séverine qui a découvert il y a peu de temps le principe philosophique coréen de l’Inyeon, que l’on peut traduire par « fil rouge du destin ». Ce mot désigne une connexion significative entre deux personnes, dont les chemins finissent par se croiser un jour ou l’autre. Elle a tout naturellement fait le lien avec cet album, son aventure A l’ombre du grand arbre, et sa rencontre avec Lucie

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Et vous, quelle est votre œuvre préférée de Serge Bloch ?

Notre auteure – illustratrice essentielle : Isabelle Simler

Isabelle Simler s’impose dans le paysage des auteures-illustratrices depuis quelques années et la littérature de jeunesse en est ravie. Celles qui y ont participé ont d’ailleurs un souvenir ému de la lecture commune de son album Les idées sont de drôles de bestioles. Nous apprécions grandement son trait ou plutôt ses nombreux traits qui pleuvent pour créer de magnifiques illustrations. Justement la précision vient de la pointe de sa palette de crayons qui lui permet également d’obtenir une reconnaissance à l’échelle internationale. Et comme, à notre grande joie, elle a accepté de répondre à nos questions, c’est l’occasion de présenter les titres qui nous ont le plus marquées !

Isabelle Simler lors de sa venue à la fête du livre de Villeurbanne, photo issue du site de la ville.

Le choix de Lucie

Lucie a choisi Cette nuit-là… au musée. Ce n’est pas forcément son album préféré mais il est situé dans un lieu qu’elle connaît bien : le musée des Confluences, à Lyon. C’est un papillon qui relate son aventure dans son journal.

Cette nuit-là au musée, Éditions courtes et longues, 2015.

Je voudrais me souvenir de Cette nuit-là toute ma vie… J’avais le cafard depuis notre emménagement au musée des Confluences. Notre précédent lieu d’accueil, le musée Guimet, ressemblait tellement plus à un musée d’histoire naturelle ! Arriver dans cet espace moderne, vide et froid à déprimé toute la collection.

Mais cette nuit-là, quelque chose de magique s’est produit. J’ai commencé à remuer une patte, puis une aile… et je me suis envolé ! D’abord dans les couloirs du musée, puis je suis allé saluer les copains. Et tous se sont animés à leur tour. Quelle fête ! Nous avons investi le hall, les escaliers, le toit et même le jardin. À l’aube nous étions épuisés et chacun a réintégré sa place. Ça y est, après cette nuit de déambulation nous nous sentons enfin chez nous au musée des Confluences !

Citron de Provence

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Les choix de Liraloin

Pour Liraloin, Maison et la série Une nuit... sont le reflet des moments partagés à observer la Nature. Vu que l’escargot est son « animal-totem » il fallait bien lui inventer une page. Tandis que la nuit s’annonce pour tous les habitants de cette Terre, c’était le timing parfait pour apprécier et écrire autour du manteau noir clair et obscur.

Maison, Editions Courtes et longues, 2022

Cabane en spirale
de l’escargot des champs après la pluie.

Je suis en émulation lorsque vient la pluie. Mes balades journalières sont un régal pour la terre qui s’aère à mon passage.
Le mucus brillant et visqueux apporte des bienfaits que même les humains reconnaissent, c’est pour dire son pouvoir surpuissant !

A la fois utile et gourmand je peux tout de même faire un peu de dégât dans les potagers. Fan de salades et des fraises mûries à point, lentement mais surement mon festin n’en sera plus que royal aujourd’hui. Il ne faut pas oublier que ma maison si particulière ne se partage pas mais elle peut se vider parfois.

Alors à ce moment-là, des petits doigts pourront me saisir délicatement pour contribuer à une belle collection tourbillonnante.

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Une nuit… La savane, La ville, L’Océan – la Martinière jeunesse, 2023-2024

Nuit… de ton manteau obscur, tu m’offres à la fois une enveloppe protectrice et dangereuse.

Si les prédateurs sont aux aguets, sortir de sa coquille, de son terrier ou de son repère ne peut se faire qu’en mouvements organisés et feutrés. La lune guide mon chemin parmi les étendues désertiques ou boisées vers ma nourriture essentielle.

Le bleu de mon eau turquoise se fonce lorsque les nuages cachent l’éclat lunaire. Il faut pourtant s’aventurer entre les coraux multicolores.

Alors, une nuit en ville, dans la savane ou sous l’océan n’est pas sans danger et lorsque l’aurore s’annonce c’est un soulagement.

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Le choix de Blandine

Dans les poches d’Alice, Pinocchio, Cendrillon et les autres… Editions Courtes et Longues, 2015

Cailloux, clés, roudoudous, miettes, montres, plumes, fleurs, avant chaque lessive, c’est le même rituel. Faire les poches de tous ces petits trublions et ne surtout pas mélanger ce qu’elles contiennent. C’est que chacun a ses propres trésors trouvés, ramassés, glanés… même s’ils les oublient là, il leur tient à cœur de les retrouver intacts quand ils s’en souviennent ou qu’ils leur manquent.

Et si par mégarde, il m’arrivait de ne plus savoir à qui ils appartiennent, il me suffit de les observer attentivement pour aussitôt en déterminer le propriétaire. Car tous ces petits « quelques choses » reflètent leur caractère, leurs habitudes, leurs volontés et même leurs craintes. C’est amusant quand on y songe, d’ailleurs.

Oh, un bouton ! Mais à qui peut-il bien être celui-là ? Et s’il me servait à tous les lier et relier ? Une idée me vient… mais assez d’histoires à me raconter, pour le moment, il me faut poursuivre ma tâche…

« Mère l’Oye 2.0 »

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Le choix de Séverine

C’est le dernier album d’Isabelle Simler que Séverine a choisi, dont elle possède un exemplaire d’autant plus précieux qu’il est dédicacé ! Bien que charmée par la plume envoûtante, sensible et rythmée de Stéphane Servant, elle considère que les illustrations d’Isabelle Simler accompagnent merveilleusement le propos. Elles le subliment et lui apportent le supplément d’âme sans lequel l’album ne serait pas ce qu’il est. C’est l’histoire d’une vie que nous racontent nos deux artistes. La douceur, la tendresse, tout comme le mouvement, le souffle, l’élan vital, au travers les crayonnés colorés d’Isabelle Simler, nous saisissent, jusque dans le moindre détail. Et puisqu’il s’agit d’une ode poétique à la vie, c’est en acrostiche que Séverine veut lui rendre hommage.

Vivant, de Stéphane Servant et Isabelle Simler, Editions courtes et longues, 2024

Viens mon tout petit, viens ma toute petite !
Invente la danse du monde que tu habites.
Va où ton cœur te porte, où le vent t’invite,
Avance, grandis, envole-toi, sans limite
Ne crains rien, joue, ris, aime et profite
Tes racines et tes ailes sache que tu les mérites

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Et vous, quel est votre ouvrage préféré de cette auteure essentielle ? Pour en savoir plus, nous vous conseillons de visiter son site.  

Lecture commune : dans l’univers fantastique de la Belle et la Bête

Il existe une multitude de versions de ce conte célébrissime. Depuis Madame de Villeneuve et Madame Leprince de Beaumont, il a été remanié, réécrit, adapté… C’est d’ailleurs la seconde fois que Cécile Roumiguière se prête à l’exercice : elle avait déjà travaillé sur la version de Madame de Villeneuve avec la complicité d’Aurélia Fronty en 2013. De son côté, Benjamin Lacombe avait envie de retrouver l’émotion causée par la découverte du film d’animation de Disney, et les textes originaux ne lui convenaient pas. C’est donc une toute nouvelle version, modernisée que vous proposent les éditions Albin Michel. Et Liraloin et Lucie n’ont pas pu s’empêcher d’en discuter.

La Belle et la Bête de Cécile Roumiguière, illustrations de Benjamin Lacombe, Albin Michel jeunesse, 2025.

Liraloin : Est-ce que la couverture t’a attirées ?

Lucie : En fait n’importe quel livre qui porte le titre La Belle et la Bête m’attire par principe. Je ne sais pas vraiment expliquer pourquoi mais j’ai un attachement particulier à ce conte. Sur cette couverture, l’utilisation de la lumière qui attire l’œil dans le creux du cou de la Belle et l’attitude un peu résignée de la Bête m’ont intriguée. Et toi ?

Liraloin : Mon attachement est purement enfantin car je connais mal ce conte, du moins son caractère originel. C’est le dessin animé que j’ai vu au cinéma à sa sortie qui m’a transporté : une femme, brune : ça change qui lit des livres et qui peut porter de superbes robes. Une héroïne qui lit !!! Cette couverture est très attirante, glauque à souhait ce qui tranche avec notre cerveau trop habitué à la version Disney. Il y a ce mélange gothique et tellement de tendresse dans ce couple. Oui, tu as raison nous avons là une Bête résignée.

Lucie : Mais oui moi aussi, enfin une héroïne roturière qui rejette le bellâtre de service et surtout qui lit. Joie absolue, l’adaptation de Disney ! D’ailleurs, on en parlera mais ce film fait partie des références de Benjamin Lacombe. Et alors, passée cette couverture, coup de cœur ou pas ? Je sais que tu avais quelques réserves avant de le lire et je suis aussi très curieuse de connaître ton ressenti !

Liraloin : J’aime beaucoup l’écriture de Cécile Roumiguière. J’avais eu un énorme coup de cœur pour son roman Les Fragiles. Au salon du livre SLPJ de l’année dernière elle était présente lors de la superbe dédicace pour l’album Les 9 vies extraordinaires de la Princesse Gaya. Elle est discrète, douce. Par contre voilà, je l’avoue je ne suis pas fan du travail de Benjamin Lacombe. Il y a dans ses illustrations une espèce de froideur qui me fige, je n’arrive pas à dépasser cette sensation. Après les albums proposés dans cette collection sont extraordinaires.

Liraloin : Est-ce que tu connaissais Cécile Roumiguière ? Aimes-tu le travail de Benjamin Lacombe ?

Filles de la Walïlü, Cécile Roumiguière, L’école des loisirs, 2020.

Lucie : De Cécile Roumiguière je n’ai lu que Les filles de la Walïlü qui avait été proposé une année pour le prix ALODGA. Je n’avais pas accroché, mais sans détester non plus. Quant au travail de Benjamin Lacombe, son trait est très particulier, je pense que je me souviendrai si j’avais lu quelque chose de lui. J’aime beaucoup ses décors et l’attention qu’il porte à l’éclairage de ses scènes. En revanche, j’ai un vrai problème avec les yeux de ses personnages qui me font penser aux “Big Eyes” de Margaret Keane. Cela donne un côté inquiétant qui n’est pas forcément justifié ici (alors que c’est tout à fait pertinent dans son travail sur Mercredi par exemple). C’est son style, on aime ou pas, mais je pense qu’il ne laisse pas indifférent.

Mercredi par Benjamin Lacombe sur le site 2dgalleries.com

Liraloin : Oui tout à fait je ne comprend pas ici que la Belle soit illustrée ainsi pourtant je suis capable de me détacher de toute image imprégnée par Disney ou autre…

Lucie : Puisqu’on y revient, étant toutes les deux fans du dessin animé de Disney, nous n’avons pas pu manquer les clin d’œil de Benjamin Lacombe à ce film. As-tu apprécié et si oui lequel as-tu préféré ?

Liraloin : Alors malgré mes deux lectures de ce texte et aussi à regarder attentivement à nouveau les illustrations, je n’ai pas compris pourquoi tout d’un coup, dans cet univers Freaks et gothique nous avons Madame Samovar qui apparaît !

Lucie : Je vois ce que tu veux dire. Les souvenirs du film Disney que nous avons ne correspondent pas trop au gothique sombre des illustrations. Encore que dans le dessin animé le château était pas mal inquiétant aussi. C’est ton dernier mot, Madame Samovar ?

Liraloin : Le côté inquiétant est poussé à son extrême aussi ici et du coup ça en fait un détail qui tombe un peu comme un cheveu sur la soupe si je peux dire. De ton côté, comment as-tu perçu ces détails et clins d’œil ?

Lucie : J’ai apprécié retrouver les costumes dont Lacombe a gardé les couleurs. Les autres, type les personnages Madame Samovar, Zip, Lumière, etc. ça tient plus de la blague d’initié. Pas indispensable mais pas gênante non plus pour moi.

Liraloin : Tout comme toi, j’ai apprécié retrouver les costumes mais j’ai aussi été déçue (c’est assez ambivalent comme sentiment) : si nous assistons à une réécriture du conte alors autant y aller franco et imaginer d’autres visages, vêtements…

Lucie : Comme l’a magnifiquement fait David Sala, que nous aimons beaucoup toutes les deux, dans ses illustrations de la version de Madame Leprince de Beaumont, par exemple.

La Belle et la Bête, Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, illustrations David Sala, Casterman, 2014.

Lucie : De mon côté, j’étais un peu inquiète de l’annonce de la réécriture “moderne” du conte. Qu’en as-tu pensé ?

Liraloin : J’ai été très surprise et agréablement, j’ai vraiment apprécié ce travail de recherche, et que Cécile Roumiguière choisisse de s’inspirer de Madame de Villeneuve que de Madame Leprince de Beaumont. De plus, elle y ajoute l’histoire des Gonsalvus dont tu parles dans ta critique sur Babelio. Cette histoire sert de base à cette réécriture car le sort est inversé, comme c’est bien vu ! La Bête est née Bête (pilosité-maladie génétique) et c’est la mère de ce dernier qui convoque un mage pour que son fils soit “normal”.

Lucie : Oui, en fait de “modernisation”, c’est un retour aux sources pour aborder la notion de différence, celle du consentement aussi qui prend plus de place que dans d’autres versions… C’est très intelligemment fait.

Liraloin : D’ailleurs c’est intéressant ce que tu dis là car dans la version illustrée par Aurélia Fronty, Cécile Roumiguière ne se détachait pas du texte de Madame de Villeneuve. Je parle du moment où tous les soirs après le repas la Bête demande systématiquement à Belle si cette dernière accepte qu’il couche avec elle. Ici on est sur une version plus adaptée aux enfants et vue également dans le film de Cocteau.

La Belle et la Bête, Cécile Roumiguière, illustrations d’Aurélia Fronty, Belin éducation, 2013.

Lucie : Oui, ici la Bête pose une question rituelle tous les soirs mais c’est “Voulez-vous m’épouser ?” qui est quand même un peu moins direct !

Liraloin : Autre changement : de l’Europe du Nord, le conte est transposé à Venise. Ce choix t’a-t’il convaincue ?

Lucie : Honnêtement, dans la mesure où les personnages quittent à peine le château (et encore, pour aller chez la Belle), je n’ai pas bien vu l’intérêt. Mais il permet la magnifique illustration brumeuse des pages 48-49 alors… Et puis c’est la ville des amoureux, le père est un armateur, cela peut se justifier. Cécile Roumiguière avait d’ailleurs déjà fait ce choix pour sa version précédente sous titrée Rendez-vous à Venise.

Liraloin : Contrairement à toi, j’ai vraiment apprécié que l’intrigue se passe à Venise, je pense que c’est son côté vaporeux, brumeux et dédales de rues comme les pièces cachées d’un château qui m’a plu. De plus, l’eau noire sur laquelle évolue ce personnage mystère m’a interpellé, apportant un aspect magique en phase avec cette réécriture.

Lucie : Pour moi, l’élément le plus marquant de cet album, ce sont les lettres que se sont écrites la Belle et la Bête pendant leur séparation. Ils ne les ont pas envoyées mais elles sont reproduites à la fin de l’ouvrage. As-tu aimé cette idée ?

Liraloin : J’ai trouvé cette idée très originale dans le sens où notre empathie est directement mise à l’épreuve. On s’éloigne du caractère un peu froid du conte pour tomber et joliment tomber dans un échange épistolaire émouvant. Tu as ressenti la même chose ?

Lucie : Je suis d’accord avec toi, j’ai trouvé que c’était une excellente idée. Belle a déjà commencé à s’attacher à la Bête au moment où elle retourne dans sa famille, mais c’est à travers ces lettres que l’on ressent vraiment l’évolution de ses sentiments. Cela rend son amour plus crédible, d’une certaine façon. Et les lettres de la Bête montrent bien l’humanité sous l’aspect bestial.

A la suite des ces lettres, les lecteurs ont la surprise de découvrir un dossier documentaire illustré sur la famille Gonsalvus à l’origine de ce conte. Cécile Roumiguière explique qu’il s’agit d’une famille dont le père, atteint d’hypertrichose, a été considéré comme un animal de compagnie dans différentes cours d’Europe au 16ème siècle. Cela lui permet de mieux comprendre l’histoire à laquelle la Belle fait allusion dans ses lettres à la Bête (d’ailleurs c’est lui-même, qui lui donne un livre parlant de cette petite fille-animale de compagnie).

Et pour conclure, Benjamin Lacombe présente cette collection qu’il dirige et explique ses influences.

Lucie : Pour conclure, à qui conseillerais-tu cet album ?

Liraloin : Pour cet album, je pourrais le conseiller à des enfants à partir de 11 ans (bons lecteurs tout de même ou ultra fans de ce conte). Le côté angoissant n’est pas gênant car le fantastique reste une ambiance pour ma part.

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Nous espérons vous avoir donné envie de découvrir cet album, voire de relire ce conte dans différentes versions !

Notre autrice essentielle : Clémentine Beauvais

On ne présente plus Clémentine Beauvais ? Ben si faisons-le à la sauce A l’Ombre du Grand Arbre ! Grande prêtresse de la littérature de jeunesse, sa cible favorite est bien évidement les plus jeunes mais aussi les adolescents. En plus de sa casquette d’autrice, Clémentine s’amuse à écrire et donne des conférences sur l’écriture, plutôt chouette comme job non ? Attendez ce n’est pas tout, elle défend superbement bien le fait de livrer ses émotions de lectrices et lecteurs. D’ailleurs, retrouvez notre lecture commune de Comment jouir de la lecture pour prolonger le plaisir que vous aurez à la lecture de ce billet. Elle est belle la lecture, n’est-ce pas ?

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Le choix de Liraloin

La Plume de Marie de Clémentine Beauvais – couverture illustrée par Anaïs Bernabé, Talents Hauts, 2011

Lettre à Marie, 1653

« Chère Marie, j’ose espérer que cette missive vous parviendra… je suis admirative de vos écrits depuis que j’ai découvert vos pièces de théâtre par le plus grand des hasards, ma mère m’a souvent parlé de votre voix et de votre plume. Laissez-moi vous conter comment votre âme résonne dans les murs de ce château que vous avez jadis connu.  Mademoiselle Margot et Mademoiselle Sophie n’ont jamais cessé de chanter vos louanges et vos mérites depuis votre départ. Malheureusement, elles ont toutes deux épousés des hommes dénués d’esprits. Très liées, elles n’ont jamais cessé de se voir pour évoquer vos admirables écrits, incitant leurs propres enfants à écrire et jouer à leur tour la comédie. Vous avez ouvert une page d’un livre qu’il ne faudrait jamais fermer, une page écrite en alexandrins invoquant l’espoir de réussir lorsque l’on naît femme et fille du peuple. »

Eleanor Fergusson

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Le choix de Lucie

Va jouer avec le petit garçon !, Clémentine Beauvais, illustrations de Maisie Paradise Shearring, Sarbacane, 2016.

(air connu)
Ah te dirai-je maman
Ce qui cause mon tourment ?
Dès que nous allons au square
Recommence le même cauchemar
Tu t’installes sur un banc
Et cherches des yeux un enfant.

« Va jouer avec celui-ci »
Et si je n’ai pas envie ?
Je connais bien les dangers,
Le risque de me faire croquer.
Va lire à l’ombre du tilleul
Laisse-moi jouer tout seul !

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Le choix de Colette

Pour le droit de vote dès la naissance de Clémentine Beauvais, Gallimard – Tracts, 2024.

J’ai 14 ans, et aujourd’hui je vais participer à un référendum sur l’adhésion de mon pays à une organisation internationale en charge d’organiser la solidarité entre les générations pour lutter contre les effets du changement climatique. J’ai 14 ans, et depuis que je suis née mes parents me lisent les histoires des hommes et des femmes qui ont permis aux sociétés d’élaborer des textes collectifs pour protéger les droits des êtres vivants. J’ai 14 ans et je suis une citoyenne à part entière, je participe à la vie collective de mon pays et je connais son histoire. J’ai 14 ans et je suis fière de pouvoir défendre les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité de mon pays de naissance à chaque consultation citoyenne. J’ai 14 ans, et j’ai voté toute mon enfance aux élections présidentielles, aux législatives, aux européennes, aux municipales. J’ai 14 ans et ma voix compte. C’est comme ça que j’ai grandi. J’ai grandi avec une voix qui compte dans un pays où chaque femme et chaque homme politique se soucie de rendre accessible chaque proposition de loi aux enfants. On se retrouve en assemblée générale parents-enfants un soir par mois dans les jardins et les médiathèques de nos écoles, les élu.e.s viennent à notre rencontre et on discute ensemble leurs propositions politiques. J’ai 14 ans et j’existe de mille manières mais celle que je préfère c’est celle qui m’unit à des millions d’autres à chaque fois que je me rends aux urnes. J’ai 14 ans et j’ai le droit de vote depuis la naissance.

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Le choix de Séverine

Les Petites reines de Clémentine Beauvais, Gallimard jeunesse – Pôle Fiction, 2019

Le périple de ces 3 filles
Ensemble dans l’adversité ?
Super roman, les yeux qui brillent !

Physique ingrat, puberté au taquet,
Elles subissent l’intolérance, le mépris.
Trio improbable, cible de quolibets
Il n’en fallait pas plus pour les challenger,
Toutes trois désignées boudins de l’année.
Elles décident de partir pour Paris
S’inviter à l’Elysée, le 14 juillet.

Rien ne les arrêtera, pas d’obstacle fatal
Elles en ont sous la pédale !
Incroyable, à l’arrivée, elles auront gagné
Ni gloire, ni beauté, futilités de pacotille !
En revanche, un trésor précieux pour les filles, capital :
SORORITÉ.

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Le choix d’Heloïse – ileautresor

Écrire comme une abeille, Clémentine Beauvais, Gallimard jeunesse, 2023.

Ecrit avec un esprit vif, léger et pertinent,
Ce guide de lecture et d’écriture
Rend accessible la littérature jeunesse :
Intéressant, il tient des propos intelligents et amusants ;
Répond à de multiples questions (comme : est-ce un genre littéraire ?)
Enlevé, plein d’humour, il explique l’intérêt des procédés littéraires.

C’est un livre pertinent : il éclaire toute belle
Oeuvre… qui sera désormais lue autrement.
Mais l’analyse d’albums, de romans, de nouvelles
Magiquement devient un jeu plaisant… sous la plume de l’auteure…
Ecrit avec répartie, ce guide est vraiment passionnant !

Un livre agréable à lire, comme un roman…
Notamment grâce à ses explications sur la façon de construire un récit
Elle fait naître le plaisir de lire en se glissant dans sa peau d’écrivaine …

Avec ses anecdotes sur ses débuts dans l’écriture… de fait Clémentine
Beauvais est une auteure virtuose en la matière de techniques littéraires.
Elle use de procédés pour rendre les personnages vivants, rythmer un récit.
Ironiquement, elle nous fait rire, et nous instruit avec plaisir
Là, elle nous convie à la découvrir avec légèreté, originalité et créativité
Le livre est désormais vu dans toute sa complexité.
Ecrire comme une abeille… Ce guide est une petite merveille !

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Et vous, quel est votre ouvrage préféré de cette auteure essentielle ?

Nos classiques préférés : Thierry Dedieu

Faut-il encore présenter Thierry Dedieu, un auteur-illustrateur lu dans toutes les écoles, les bibliothèques ? Très prolifique, Dedieu explore des univers tous très différents étant aussi à l’aise à l’écrit qu’au dessin. Découvrez nos raisons de vous ruer sur ses albums !

Thierry Dedieu, source : Wikipedia.

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Pour Linda, la Grande Guerre est un thème majeur qui mérite sa place dans la littérature de tout âge. 14-18 – Une minute de silence à nos arrière-grands-pères courageux est un petit chef d’œuvre pour au moins ces 10 raisons…

14-18 – Une minute de silence à nos arrière-grands-pères courageux de Thierry Dedieu, Seuil jeunesse, 2014.
  1. Pour l’hommage poignant aux Poilus, victimes, héros, tombés au combat, survivants de la Grande Guerre,
  2. Pour la brièveté du texte en introduction qui exprime l’indicible : « Chère Adèle, il n’y a plus de mots pour décrire ce que je vis. Gustave« ,
  3. Pour le réalisme saisissant des illustrations, tons sépia, qui suffisent à dire, à montrer,
  4. Pour le message entièrement dessiné qui dénonce la guerre et ses atrocités,
  5. Pour la solitude et la peur que l’on ressent en feuilletant ces pages,
  6. Pour ce que sous-entend de douleurs sourdes et d’horreur chaque illustration,
  7. Pour l’originalité et la qualité de cet album presque sans texte,
  8. Pour la lettre d’Adèle, placée dans son enveloppe en fin d’ouvrage, à déplier et à lire,
  9. Pour ce qu’elle laisse entendre des craintes de ceux et celles qui sont resté.es derrière,
  10. Pour le Devoir de Mémoire, et que jamais plus…

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Pour Liraloin, il n’a pas été si évident que ça de choisir un album de cet immense auteur-illustrateur tant son graphisme et ses sujets sont variés. Toujours avide de découverte, son choix s’est porté sur un album où la contemplation est au cœur de l’histoire au moins pour 10 raisons.

Le maître des estampes de Thierry Dedieu, Seuil jeunesse, 2010
  1. Pour le titre qui engage la/le lectrice/lecteur dans une aventure où la création de l’image sera au cœur de l’album.
  2. Pour ce tampon, signe de l’estampillage appartenant à un grand nom du dessin.
  3. Pour les accessoires qui caractérisent le maître des estampes : l’encre, les pinceaux et le papier que l’on découvrira plus tard, formidable terrain d’esquisses !
  4. Pour le décor épuré qui sert l’esprit du peintre, cette contemplation du vide et de la nature nourrissant sa créativité.
  5. … justement pour cet agacement et cette colère qui caractérisent si bien le riche mandarin, impatient et hautain.
  6. Pour les couleurs choisies par Dedieu qui invitent la lectrice/le lecteur à se concentrer sur la gestuelle du personnage du maître des estampes.
  7. … pour ce geste contrôlé qui à l’inverse met hors de contrôle le mandarin.
  8. Pour cette première de couverture qui invite la future lectrice/le futur lecteur à un moment de respiration.
  9. Pour ce carnet d’études, délicieux moment d’intimité dans les recherches d’une œuvre.
  10. Pour cette phrase : « Des deux vies du papillon, ce n’est pas celle de la chenille que l’on retient, mais celle du papillon. »

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Lucie s’est aperçue qu’elle ne connaissait pas si bien l’œuvre de Thierry Dedieu en dehors de ses grands classiques et a découvert de nombreux titres géniaux en préparant cet article. Son préféré jusque-là : Va-t’en guerre. Voici pourquoi.

Va-t’en guerre, Thierry Dedieu, Seuil jeunesse, 2012.
  1. Pour ce titre accrocheur et sa définition dès la première page, « Va-t’en-guerre : personne qui pousse à la guerre, qui recherche le combat, l’affrontement« .
  2. Pour ce noir et blanc aussi franc et tranchant que le personnage principal.
  3. Pour ces illustrations de vie quotidienne dans lesquelles le roi s’imagine dans des situations très différentes de celles qu’il vit.
  4. Pour l’inventivité dont celui-ci fait preuve dans sa recherche d’adversaire et sa création d’armes.
  5. Pour l’épitaphe pleine de bon sens : « il l’a voulue, il l’a eue« .
  6. Parce que cette envie de guerre fait immanquablement penser à un enfant qui tire par la manche en demandant « tu joues avec moi ?« 
  7. Et que les jeunes lecteurs rient de l’acharnement du roi.
  8. Parce qu’avec le talent qu’on lui connaît, Thierry Dedieu parvient à amuser petits et grands avec un personnage aussi bête que cruel.
  9. En dépit du fait que l’attitude de ce roi glace les parents par sa résonance avec l’actualité.
  10. Et pour la chute, dont l’absurde est dans la parfaite lignée de l’album.

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Quoi de mieux pour une collectionneuse de papillons que les conseils d’un expert des sciences naturelles pour regarder la nature autrement ? Quand Thierry Dedieu se fait le porte parole de Tatsu Nagata, on chausse loupe et jumelles pour se lancer à l’assaut du monde des petites bêtes et des grosses bêtes. Et n’importe quel scientifique en herbe se laisse prendre au jeu. Voici pourquoi.

  1. Parce que ce sont des documentaires particulièrement accessibles aux tout-petits sans les sous-estimer, et ici on aime tellement les livres qui ont de l’ambition pour les enfants.
  2. Parce qu’à chaque page, l’enfant accède à une connaissance précise, souvent étonnante.
  3. Parce que : « Le ver de terre se déplace en rampant. Il possède des poils en soie qui lui permettent de s’agripper pour avancer. »
  4. Parce que les illustrations qui accompagnent chaque donnée scientifique ont quelque chose de très direct, de coloré, de vivant… et d’infiniment marrant !
  5. Parce que la première page de l’album est toujours un petit condensé d’humour à hauteur d’enfant.
  6. Parce qu’on y a vraiment cru, pendant plusieurs années, à l’existence de Tatsu Nagata, chercheur, expert mondial des mutations des batraciens, vivant au Japon sur la petite île de Yaku. Et c’est en cherchant un jour sur Internet de plus amples informations sur notre gentil professeur à la blouse bleue que nous avons appris que c’était Thierry Dedieu qui se cachait derrière ce visage jovial et tout rond.
  7. Parce que ces livres font partie de ceux que nous avons empruntés mille fois à la médiathèque avant de se les offrir pour pouvoir les lire, les relire à notre guise. Et peut-être un jour les transmettre aux enfants de nos enfants.
  8. Parce que « Le ver de terre est aussi appelé lombric. Il n’a ni bras, ni pattes, ni yeux, ni os, ni poumons. »
  9. Parce que ces albums, sans en avoir l’air, sont une ode au vivant, aux écosystèmes, à ce monde incroyable auquel nous appartenons et qu’il est tellement important d’apprendre à mieux connaître.
  10. Et je finirai cette humble liste avec une citation de Tatsu Nagata lui-même : « Il suffit de retourner la terre pour observer le ver de terre. »

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Pour Séverine non plus, il n’a pas été évident de choisir parmi tous les albums ou romans signés Dedieu, au texte et/ou aux illustrations. Après avoir hésité entre Le baron bleu et Un royaume sans oiseaux, elle a finalement choisi…Le cheval qui galopait sous la terre. Pourquoi ?

Le cheval qui galopait sous la terre, de Thierry Dedieu, Eiditons Thierry Magnier, collection Petite poche, 2017
  1. Parce que les albums précités ont un auteur (et quel auteur, Gilles Baum !) dont il n’est pas (encore ?) question sous le grand arbre et qu’elle aurait peut-être eu plus à dire sur le texte que sur les illustrations de Dedieu, fort réussies au demeurant.
  2. Parce que le thème de la guerre (et surtout de la paix à souhaiter plus fort que tout) est déjà traité par les albums choisis par Linda et Lucie
  3. Parce que l’amitié entre un cheval et un humain lui a (déjà) permis de vivre des moments de lectures inoubliables, ce roman lui a donné envie de relire Crin-blanc, Cheval de guerre, Mon cheval s’appelle orage/mon frère est un cheval, Pony, Mon petit cheval Mahabat, etc. et qu’il fait désormais partie des incontournables, devenus des…classiques !
  4. Parce qu’il traite de la mine, celle des «gueules noires», des «toucheurs», des «galibots», des «hercheurs», et qu’en stéphanoise pure souche (ou presque !), petite-fille de mineur, elle ne pouvait qu’être touchée par ce récit, qu’elle a évidemment proposé à sa fille de 9 ans, curieuse de ce patrimoine qu’elle commence à peine à découvrir.
  5. Parce qu’il aborde des thématiques pour, en lecture accompagnée, ouvrir le dialogue entre passé et présent, histoire et sociologie, philosophie et pragmatisme : droits acquis, travail des enfants, congés payés, déterminisme social, bien-être animal…autant de sujets dont les enfants, dès 8-9 ans, peuvent s’emparer pour dire et réfléchir.
  6. Parce qu’il s’agit d’un roman sans images court, dense, intelligent, sensible, comme la plupart de la collection Petite poche des éditions Thierry Magnier, dont elle raffole.
  7. Parce qu’elle voudrait mettre en valeur le grand talent de Dedieu auteur, dont elle avait déjà eu la preuve avec un précédent ouvrage, de la même collection (L’homme qui perd le feu et le retrouve), et quelques-uns de ses albums.
  8. Parce que le contraste entre la sensation d’oppression du fond de la mine, qui saisit le/la lecteur.ice, et la poésie vibrante des journées de liberté dans le parfum et les couleurs de la nature sont remarquablement bien écrits.
  9. Parce que le titre à lui seul convoque cette dualité : « Grand-Gris, c’est le cheval qui galope sous la terre ! Et le noir n’y peut rien. »
  10. Parce que la fin est lumineuse et pleine d’espoir, elle met en marche l’imagination, elle est tout simplement belle.

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Et vous, connaissiez-vous ces titres ? Quelle est votre œuvre préférée de ce grand auteur-illustrateur ?