Les métiers du livre : être libraire jeunesse

Après l’interview de Liraloin, bibliothécaire, ainsi qu’Aurélien et Héloïse, professeur(e)s – documentalistes, nous avons eu le plaisir d’interviewer Alexiane une jeune libraire dynamique pour vous partager son métier et sa passion !

Alexiane (à droite) et son employée Clara devant la superbe vitrine de la librairie les Trois Brigands

Pourquoi avoir choisi le nom des « Trois Brigands » ?
Le nom de la librairie est inspiré du titre d’un album de mon enfance, Les Trois Brigands de Tomi Ungerer. C’est un livre paru dans les années 60, qui est assez précurseur dans la littérature jeunesse. Là où aujourd’hui les propositions sont très riches, avec de nombreux illustrateurs et auteurs, c’était bien moins le cas à l’époque. C’est un album qui parle à beaucoup de gens et qui, à mon avis, est intergénérationnel. Posez la question autour de vous, je suis sûre que des personnes de votre entourage connaissent ce titre. J’avais envie de partager cela avec ma clientèle et de faire en sorte que le nom de ma boutique évoque notre enfance. Après tout, je suis spécialisée dans la littérature jeunesse.
J’ai réfléchi pendant plusieurs mois avant de choisir le nom de ma boutique. Ce n’est pas une tâche simple : tout notre entourage a ses propositions et des avis divergents. Après plus d’une centaine d’idées et de suggestions, je me suis finalement arrêtée sur celle-ci.

Le métier de libraire sonne comme la réalisation d’un rêve d’enfant, est-ce effectivement le cas pour vous ?
J’ai toujours adoré m’évader dans des mondes imaginaires, mais c’est véritablement au collège que ma passion pour la lecture s’est développée. C’est une amie qui m’a encouragée à rejoindre un club, un peu comme le vôtre. Aujourd’hui, elle aime dire que j’ai trouvé ma voie grâce à elle (et elle n’a pas tout à fait tort).
Pour la petite anecdote, je n’aimais pas particulièrement lire auparavant. Mais, comme tous les lecteurs, il y a un « livre déclic », celui qui nous fait découvrir le plaisir de la lecture. Pour moi, c’était L’Ordinatueur de Christian Grenier, un grand merci à ma professeure de français.


Bref, ma passion s’est véritablement affirmée au collège puis au lycée, et j’ai rapidement compris que je voulais que cette passion devienne bien plus qu’un simple loisir : je voulais en faire mon métier. À mon avis, pour être libraire, il faut être passionné. Sans cette passion, ce métier n’a pas de sens.

Quel a été votre parcours pour parvenir à transformer cette passion en métier ?
J’ai suivi une licence Métiers du livre, spécialisée en librairie, à Clermont-Ferrand pendant deux ans après avoir obtenu un BAC ES. Durant ces deux années, j’ai réalisé plusieurs mois de stage dans différentes librairies, ainsi que du bénévolat dans des salons du livre, comme celui dédié au carnet de voyage, qui fut une belle découverte. Cependant, après ces deux ans, je souhaitais une formation plus axée sur la pratique.
J’ai donc intégré l’université d’Aix-Marseille pour une licence professionnelle Librairie en alternance. Cette dernière s’est déroulée au café-librairie « Les Parleuses » à Nice. Ce fut une année que j’ai énormément appréciée, car je pouvais mettre en pratique la théorie apprise. On a beau posséder de nombreuses connaissances, être face à un client est bien plus formateur. À la suite de cette alternance, j’ai été embauchée en CDD pour une durée de six mois.
Malheureusement, avec la pandémie de Covid-19, les contraintes financières n’ont pas permis de prolonger mon contrat. Durant ces années d’expérience, j’ai particulièrement aimé travailler dans le rayon jeunesse, et je tenais à me spécialiser dans ce domaine.
J’ai donc recherché un poste de libraire jeunesse dans toute la France afin de trouver un emploi qui me correspondait réellement. Même si la France compte un peu plus de 3 000 librairies indépendantes, il n’est pas simple de trouver un poste vacant. Je ne pouvais donc pas me limiter géographiquement si je voulais décrocher un poste précis.
J’ai finalement été embauchée à La Maison du Livre à Rodez, dans l’Aveyron, une grande
librairie indépendante de plus de 800 m². Là-bas, je gérais le rayon jeunesse, avec plus de 16 000 références, les animations, les stocks, les rencontres et la communication, le tout avec l’aide de deux collègues.

Ce fut une expérience extrêmement enrichissante, ponctuée de magnifiques rencontres.
Cependant, après plus de trois ans passés dans cette librairie, j’ai ressenti l’envie de me lancer et de créer ma propre librairie, à mon image.

Quelle est la tâche que vous préférez dans votre métier ?
Sans hésiter, le conseil client ! J’adore raconter des histoires, partager mes lectures et donner envie de lire. J’aime particulièrement lorsque qu’un client revient me dire qu’il a adoré l’histoire, qu’on a trouvé LE livre parfait pour lui.

Celle que vous aimez le moins ?
En tant que gérante de la librairie, il y a beaucoup de paperasse à gérer et de comptabilité, qui ont toujours tendance à s’accumuler si l’on traîne. C’est indispensable, donc je le fais vite pour m’en débarrasser, mais ce n’est clairement pas une partie de plaisir.
Si je devais mentionner autre chose qui ne concerne pas directement le poste de gérante, je dirais la manutention. C’est une tâche peu visible, car elle fait partie des aspects un peu cachés du métier. Pourtant, je reçois plusieurs cartons de livres par jour, parfois même jusqu’à une tonne de livres pendant les périodes de forte activité. Je transporte donc constamment des charges lourdes sans forcément prêter attention à mes mouvements, ce qui m’a déjà valu plusieurs blessures. C’est malheureusement monnaie courante dans ce métier : aucun libraire n’y échappe !

Lorsque certains clients n’ont aucune idée, quels sont « vos secrets » pour conseiller LE livre qui plaira ?
Un client a toujours une petite idée, même s’il n’en a pas forcément conscience. Mon « secret », si je reprends votre terme, est de poser des questions pour comprendre ce qui pourrait lui convenir. Par exemple : Pour qui recherchez-vous un livre ? Est-ce pour vous ou pour quelqu’un d’autre ? Quels sont les goûts de cette personne ? Quel est le dernier livre qu’elle a apprécié ?
Préférez-vous partir sur un roman, une bande dessinée ou un album ?
En fonction des réponses, je me dirige vers un rayon adapté aux attentes du client pour lui présenter des ouvrages susceptibles de lui plaire. En général, on repère rapidement, à l’expression du client, si cela lui convient ou s’il faut explorer d’autres options.
Si cette méthode ne fonctionne pas, parce que le client a du mal à répondre aux questions, je lui montre une sélection de livres très variés et lui demande ce qui lui plairait le plus. Cela me permet ensuite de lui proposer d’autres ouvrages dans le même esprit.
Chaque client est unique : il n’y a jamais deux fois la même demande, et il faut savoir s’adapter à chacun. Mais c’est aussi ce qui rend le métier passionnant, car aucune journée ne se ressemble.

Quel est le livre que vous lisez actuellement ? Et votre dernier coup de cœur ? Puisqu’il est impossible de tout lire, comment choisissez-vous les titres auxquels vous accordez votre attention ?
Je reçois énormément de services de presse de la part des éditeurs : des livres qu’ils nous envoient gratuitement pour que nous puissions les lire et mieux les vendre. Pour vous donner une idée, je reçois environ 40 romans par mois (et je ne parle ici que des romans).
Heureusement, je ne reçois pas tous les livres qui paraissent, sinon je ne m’en sortirais pas.
Vous vous en doutez, il est impossible pour moi de lire 40 romans par mois, à moins de ne faire que ça de mes journées. Alors, ma règle est de lire les 50 premières pages de tous les romans que les éditeurs m’envoient. Je considère qu’ils ont fait l’effort de m’envoyer un livre
gratuitement, donc je me dois de jouer le jeu de mon côté. Je ne termine que les livres qui me plaisent vraiment et que j’ai envie de finir. Je pense que se forcer à lire tue l’envie et le plaisir de la lecture.
Je choisis donc les livres que j’ai envie de lire. Par exemple, j’adore les romans fantastiques, alors j’ai tendance à en lire davantage, contrairement aux romances, qui me plaisent moins, sauf lorsqu’elles sont tragiques. Comme tout le monde, j’ai mes propres goûts littéraires.
Ainsi, j’ai toujours plusieurs lectures en cours (environ une dizaine). Si je devais en choisir un parmi ceux que je compte terminer, je dirais Les Adelphides d’Alice Dozier. Je l’ai commencé hier [Alexiane a répondu à cet entretien en mars], et il m’a bien captivé. Enfin, même si je lis beaucoup et que j’ai aimé plusieurs livres, pour moi, un coup de cœur doit surpasser les autres. Je citerais un livre lu pendant la période de Noël : Songlight de Moira Buffini.
C’est un excellent roman de science-fiction dystopique (j’adore les dystopies) qui explore la valeur de l’authenticité et la liberté d’être soi-même.

Avez-vous un livre de chevet et si oui lequel ?
Oui, mon livre préféré est Azul d’Antonio Da Silva. J’adore la façon d’écrire de cet auteur : des chapitres courts, une lecture fluide et rapide, avec du suspense et des rebondissements à chaque page. Il nous embarque dans son univers, nous mène en bateau, et on en ressort toujours avec une multitude de questions. J’ai beau le relire, je me fais toujours happer de la même manière.
Pour vous en donner un aperçu : on suit Miguel, un jeune garçon vivant au Portugal, qui a un don un peu particulier : il peut traverser les tableaux. Son objectif est de corriger les plus petites erreurs des chefs-d’œuvre de la peinture. Mais tout ne se déroule pas comme prévu. Des événements étranges commencent à survenir dans sa vie quotidienne. Miguel en vient à se demander : si lui peut entrer dans les tableaux, est-il possible que quelque chose en sorte ?
Toute la question de ce roman est : qu’est-ce qui est réel ? C’est un récit qui mêle aventure, enquête policière, romance et suspense.
L’auteur vient de sortir un nouveau roman, Les Oublieux. Il est déjà sur ma pile à lire, et j’ai hâte de m’y plonger !

Est-ce que les chiffres de vente influencent vos commandes ?
Cela dépend si l’on parle des chiffres de vente réalisés dans ma librairie ou de ceux à plus grande échelle (mondiale, nationale, etc.). Par exemple, si un auteur que j’apprécie ou qui se vend bien dans ma librairie sort un nouveau livre, je vais plus facilement en commander
plusieurs exemplaires. En revanche, si je me base plutôt sur les chiffres de vente à l’international pour une traduction, je ne vais pas forcément en commander beaucoup. Certains livres se vendent très bien à l’étranger, car ce sont des lectures populaires là-bas, mais ce n’est pas forcément le cas chez nous. Cela dépend vraiment de l’ouvrage.
Lorsque je travaille sur un nouveau titre, j’essaie de tenir compte de ma clientèle et d’estimer le nombre de personnes qui pourraient être intéressées par le livre. Voici plusieurs critères que je prends en considération :

  • Si l’éditeur prévoit une importante campagne de presse,
  • S’il m’envoie un service de presse,
  • Si l’auteur est particulièrement populaire en ce moment,
  • Si c’est le nouveau tome d’une série qui fonctionne bien (par exemple, le prochain Hunger Games : Lever de soleil sur la moisson),
  • Si le livre est adapté au cinéma,
  • Si le sujet résonne avec une actualité récente,
  • Et également l’éditeur lui-même, car d’un éditeur à l’autre, la qualité des livres et les moyens financiers pour les promouvoir varient.

Cela peut paraître un peu complexe, mais c’est vraiment un travail de gestion que j’ai appris durant ma formation. Malgré tout, il reste difficile de tout anticiper. Parfois, un livre devient soudainement très populaire sur les réseaux sociaux, et cela peut être imprévisible. Dans ces cas-là, il arrive souvent que le livre tombe en rupture de stock, car même l’éditeur n’a pas pu l’anticiper. Ce fut le cas pour Mille Baisers pour un Garçon ou encore Et Ils Meurent Tous les Deux à la Fin.

Comment décidez-vous de vos vitrines ? A quelle fréquence les modifiez-vous ?
J’ai deux vitrines qui donnent sur deux rues. Je les change environ tous les mois, en fonction des thématiques actuelles, des grandes nouveautés, ou encore d’un thème que nous avons envie de mettre en avant. J’aime beaucoup faire cela, car cela nous permet de laisser parler notre créativité et nos envies.
Par exemple, en ce moment, il y a une vitrine « Team Chien ou Team Chat » et une vitrine sur les jeux. Mais j’ai déjà réalisé des vitrines sur : le chantier, la danse, les dinosaures, les cochons, l’histoire, la mer, les loups et bien d’autres encore.
Il arrive parfois qu’un éditeur lance un concours de vitrines avec des lots à gagner afin de mettre en avant ses publications.

Êtes-vous présentes sur les réseaux sociaux ? Avez-vous un site internet ? Pourquoi ?
Oui, nous sommes présents sur Instagram et Facebook. J’ai également lancé, il y a une semaine, un site internet :
www.lestroisbrigands.com
J’ai souhaité créer un site très complet. Il permet de consulter le stock de la librairie, de créer des listes d’envies, de commander les livres qui ne sont pas en magasin ou de réserver ceux qui s’y trouvent. Il est également possible de payer en ligne et de se faire expédier les ouvrages. Ce site me sert aussi de plateforme d’information et d’agenda pour ma clientèle.
J’essaie d’être très active sur les réseaux sociaux et sur le site internet, car aujourd’hui, le numérique a pris une place importante. Pour fidéliser les jeunes, il est essentiel d’être le plus visible possible sur les plateformes. C’est beaucoup de travail, car cela demande du temps : veille, tournage de vidéos, photos, montage, création d’affiches, etc. J’endosse de nombreuses casquettes, tout comme ma salariée Clara, afin d’assurer une visibilité indispensable de nos jours.

Et pour compléter cette visibilité numérique, organisez-vous des animations autour du livre et de la lecture dans et hors les murs ? Et si oui quelles sont les étapes de préparation ?
Les animations sont indispensables pour faire vivre un commerce, et encore plus dans une librairie pour enfants. En moyenne, j’organise une animation par semaine. Par exemple, nous proposons deux fois par mois des séances « bébé lecteur » pour les enfants de 6 mois à 3 ans (albums en anglais et en français). Depuis ce mois-ci, nous organisons également un atelier créatif par mois, en commençant avec un atelier de bracelets brésiliens. Il y a aussi des goûters-lecture pour les enfants de 4 à 7 ans.
Pour le reste des animations, comme les rencontres avec des auteurs et les dédicaces, cela dépend des opportunités. Soit nous démarchons un auteur, soit c’est lui qui nous contacte, et nous acceptons de le recevoir. Ces événements engendrent des frais supplémentaires à prendre en compte. Il faut donc trouver un équilibre : inviter suffisamment d’auteurs pour montrer à la clientèle que le lieu est vivant, mais pas trop pour éviter d’être à perte.
La préparation varie en fonction des animations. Pour les goûters-lecture, je sélectionne des ouvrages qui m’ont plu et m’entraîne à les lire à voix haute une fois, généralement la veille si j’ai le temps. C’est un exercice que je fais régulièrement, donc j’ai pris l’habitude et je peux improviser si besoin.
Pour les ateliers créatifs, étant plutôt manuelle, je maîtrise pas mal de techniques. Je combine généralement mes connaissances et les suggestions des éditeurs. Quant aux rencontres avec les auteurs, je m’assure de lire leurs livres au préalable. Si un échange de questions est prévu, je prépare mes questions au fur et à mesure de ma lecture pour ne rien oublier avant de faire le point.
Pour ce qui est des animations « hors les murs », j’ai participé à la Fête du Livre du Var en novembre, mais je ne considère pas cela comme une animation, plutôt comme un salon.

Travaillez-vous en partenariat avec le(s) école(s), le(s) collèges, lycée(s) de votre ville ?
Oui, je travaille avec plusieurs collectivités, le lycée Bonaparte, ainsi que les médiathèques de Sanary et de Bandol. Il est important de collaborer avec toute la chaîne du livre, car cela permet de toucher un plus grand nombre de lecteurs.
Pour certains partenariats, la librairie doit répondre à des marchés publics. Concrètement, la mairie publie une offre pour une bibliothèque donnée, et toutes les librairies peuvent y répondre afin d’obtenir ce marché. Nous devons alors proposer les meilleurs arguments pour remporter le marché. C’est encore un peu difficile pour moi de m’imposer face à un géant comme Charlemagne (librairie de taille importante sur la ville), mais je compte persévérer !

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Merci à Alexiane pour sa gentillesse et sa passion ! Nous souhaitons une longue route à sa belle librairie !

Nos coups de cœur de mai

En attendant de connaître enfin les lauréats de notre Prix ALODGA la semaine prochaine, voici les coups de cœur de notre mois de lecture écoulé.

Rappel : vous avez jusqu’au 6 juin 20h30 pour nous indiquer vos titres préférés, n’oubliez pas de voter !

 Belles branches (romans ado), Grandes feuilles (romans jeunesse)Racines (documentaires) et Branches dessinées (BD).  Petites feuilles (albums pour les grands) et Brindilles (albums pour les petits).

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Pour Liraloin, il y a des albums qui laissent une certaine nostalgie planner lorsque la lecture se termine. C’est le cas du dernier album d’Anne Cortey, magnifiquement illustré par Hualing Xu. En effet, les illustrations nous plongent dans une atmosphère qui oscille entre rêve et réalité. Les couleurs évoluent selon les heures de la soirée et apportent ainsi une inquiétude mêlée d’aventure. A la fois complices et rassurants, Papi Toni, Marthe, Louis et Dorémus observent cette Nature et ses animaux livrer un fabuleux spectacle au crépuscule. Quel bonheur de lire une histoire de « doudou » si inventive et poétique, elle qui apprécie tant l’écriture d’Anne Cortey.

L’heure des lapins d’Anne Cortey & Illustré par Hualing Xu, Thierry Magnier, 2025

Retrouvez son avis complet ICI ainsi que celui de Séverine.

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Lucie doit son roman coup de cœur du mois à sa bibliothécaire. En effet, elle n’aurait probablement jamais emprunté L’année perdue sur son titre ou sa couverture tristounette. Et cela aurait été vraiment dommage de passer à côté ! Alors que Matthew, 13 ans est confiné avec sa mère et son arrière-grand-mère, il se voit contraint d’aider cette dernière à trier ses cartons de souvenirs. Une photo va attirer son attention et révéler un secret de famille caché depuis près d’un siècle. Entre les États-Unis d’aujourd’hui et l’Ukraine des années 1930, Katherine Marsh tisse des liens entre les personnages inspirés de sa famille en prenant comme contexte l’épisode dramatique mais méconnu de l’holodomor. Les chapitres sont courts, la reconstitution historique implacable et l’émotion au rendez-vous.

L’année perdue de Katherine Marsh, Gallimard jeunesse, 2023.

Son avis complet ICI.

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L’autre coup de cœur de Lucie n’est pas une surprise. En lien avec la lecture commune qu’elle a partagée avec Liraloin de La Belle et la Bête revisité par Cécile Roumiguière et Benjamin Lacombe (qu’elles publieront sous peu), elle a lu d’autres versions de ce conte qu’elle adore. Et notamment celle illustrée par David Sala mentionné par Liraloin au détour d’une conversation. Si le texte de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont n’est pas son favori à cause de son côté un brin moralisateur, les illustrations de David Sala ont été à la hauteur de ses attentes. Quelle splendeur dans les arabesques, les motifs floraux et les détails signifiants ! Cet album a pris une place de choix dans sa collection. Merci Liraloin pour cette magnifique découverte !

La Belle et la Bête, Madame Leprince de Beaumont, illustrations de David Sala, Casterman, 2014.

Son avis complet ICI.

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Pour ce joli mois de mai, Helolitla a été merveilleusement émue par les mots de Marie Pavlenko, avec Un si petit oiseau. Dans ce roman pour adolescents, Abi, une jeune femme de vingt ans, amputée à la suite d’un accident de voiture. Une jeune femme qui voit sa vie et ses rêves brisés en en instant.

Une tante un peu fofolle, un chat-dorable, des recueils de Blaise Cendrars, et des oiseaux, beaucoup d’oiseaux. Entre humour décapant et drame, Marie Pavlenko a une fois de plus touché Héloïse avec cette histoire de reconstruction, bouleversante, abrupte, parfois, poétique, aussi. Elle a été émue par cette héroïne en colère, qui souffre le martyre, dans sa chair comme dans son cœur. Elle a été émue par cette famille haute en couleur, cette amitié avec Aurèle, passionné d’ornithologie.

Un si petit oiseau, de Marie Pavlenko. Ed. Flammarion, mars 2022

Son avis ICI.

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Helolitla a également craqué pour un autre roman ado, Julien de la révolte, d’Elise Fontenaille. Dans un style plus court mais tout aussi poétique et engagé, l’autrice raconte la rencontre entre une jeune fille perdue et un fermier amoureux de la littérature. Elen et Julien. Deux âmes qui apprennent à s’apprécier au cœur de la nature, au milieu des vaches et des livres.

Ce roman, bref, intense, a beaucoup plu à Héloïse, pour ses belles réflexions sur le vivant, sur cette vie en harmonie avec la nature. Un roman poétique, mais aussi terriblement dramatique, qui pointe du doigt les conditions de travail, la lourdeur de l’administratif pour les agriculteurs, et les absurdités du système.

Julien de la révolte, d’Elise Fontenaille. Ed. Du Rouergue jeunesse. Janvier 2025

Sa chronique ICI, celle de Linda.

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Pour Séverine, le coup de cœur du mois de mai est une superbe réédition de l’album Julie capable de Thierry Lenain, illustrée par Laurent Pinabel, dont elle découvre le travail très graphique, poétique et percutant, entre profondeur, trouble, douceur et éclat. Son rouge au cœur du noir en est l’incarnation. Il s’agit en fait de la troisième version de son album préféré de cet auteur qu’elle vénère, qui raconte Julie qui casse tout, qui rate, qui perd, qui subit, Julie capable de rien, sauf, pense-t-elle, d’avoir échoué à sauver sa maman de son histoire-poison… »Si je l’avais aimée plus fort, elle ne serait morte« , pense-t-elle. Bouleversant. Mais l’histoire bouleverse tout autant quand la lumière rejaillit, quand Julie capable de rien devient Julie capable de tout, après une nuit passée auprès des chats du cimetière, qui vont lui apprendre à comprendre et accepter le passé, pour, enfin, vivre une vie d’enfant apaisée. Lumineux.

Sa chronique complète : ICI.

Julie capable, de Thierry Lenain, illustré par Laurent Pinabel, Editions Les 400 coups, 2025

Séverine a également eu deux autres coups de cœur pour deux albums, en écho, car ils sont chacun une libre déclinaison de la célèbre citation de Martin Niemöller : « Quand ils sont venus chercher les socialistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas socialiste. Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste. Quand ils sont venus chercher les Juifs, je n’ai rien dit, je n’étais pas juif. Puis, ils sont venus me chercher. Et il ne restait personne pour protester. »

Quand l’un, « Quand ils sont venus »(Editions de l’Isatis, 2024), traite très directement des totalitarismes et de la lutte nécessaire contre les intolérances en tous genre, l’autre « Jusqu’au dernier » (Balivernes, 2025), a pour thème le respect des espèces animales menacées et leur préservation.

Le premier est rude dans son propos, mais son traitement sous forme de conte animalier et des illustrations douces au crayon de couleur, ainsi qu’un dossier pédagogique en fin d’ouvrage, en font néanmoins un livre bien adapté au jeune public. Le second, quant à lui, d’un duo dont c’est la première collaboration, est enchanteur de par son texte tout en rimes, simple et rythmé, du grand Michael Escoffier, associé aux merveilleuses illustrations de Romain Lubière.

Et vous, quels jolis titres avez-vous découverts en ce mois de mai ?

La cuisine qui nous anime !

Pour être tout à fait honnête, ici écrivent neufs blogueuses gourmandes de mets sucrés et salés ! Dans nos gigantesques bibliothèques certains titres nous apportent réconfort mais pas autant qu’un gâteau à la crème ou une bonne crêpe bretonne ! Voici quelques titres qui vous donneront sûrement envie de vous ruer dans vos cuisines et de satisfaire votre palais exigeant…

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Il suffit d’une nuit un peu agitée pour se retrouver bien malgré soi dans le pétrin d’une cuisine tenue par trois compères bien en chair. Ce grand classique de la littérature de jeunesse, réédité moultes fois, nous plonge au milieu de tours new-yorkaise aux publicités vantant des ingrédients de tout genre. Et pour sortir de ce pétrin, Mickey n’a pas d’autre choix que de sculpter un engin volant à la pâte briochée. Quelle aventure n’est-ce pas ? Et gare à la chute… elle est croustillante !

Cuisine de nuit de Maurice Sendak, Ecole des loisirs, 1972

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A partir d’un an, 10 chansons au répertoire original ou traditionnel vont se succéder pour une durée d’environ 14 minutes. A la fois rythmée et bien orchestrée, chaque comptine donne envie de battre le fouet énergiquement dans une bonne confection de pâte à gâteau. Les petites oreilles vont adorer !

Comptines pour petits marmitons, illustré par Cécile Hudrisier, Didier jeunesse, collection : éveil musical, 2017

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Dans cette famille, tout le monde aime cuisiner ou contribuer à la confection de délicieuses recettes. Lorsque la nostalgie envahit Loïc Clément et Anne Montel, c’est pour mieux nous partager leurs souvenirs de gourmandises. Ah nostalgie quand tu nous tiens, merci de ne plus nous lâcher. Comme il serait plaisant de déguster tous ces jolis plats dans ces restaurants imaginaires au moins une toute petite fois…

Les restaurants imaginaires, 25 recettes à réaliser en famille de Loïc Clément et Anne Montel, illustrations – Little Urban, 2022

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Candy adore sa grand-mère, et les pâtisseries que celle-ci lui concocte. Miam ! Mais sa grand-mère n’est pas une cuisinière ordinaire… Un jour, celle-ci lui dévoile son secret : ses gâteaux possèdent des propriétés magiques ! Et si Candy avait hérité de se dons de pâtissienne ?

Gourmandise et gags à gogo pour cette série de courts romans jeunesse qui met en scène une grand-mère un peu magicienne et sa petite-fille. Une histoire dynamique, de illustrations colorées et gourmandes, une belle complicité grand-mère/petite-fille, on en redemande !

Aux douceurs enchantées, tome 1 : Les sablés de métamorphose, d’Aurélie Gerlach, illustré par Maud Begon. Gallimard Jeunesse. Septembre 2022

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Quel ingrédient magique et secret rend si merveilleuse la soupe de Monsieur Lepron ? Le monde entier en raffole ! Bientôt, grisé par le succès, le cuisinier amateur ouvre une gigantesque usine, d’où il contrôle et dirige la production destinée à être exportée aux 4 coins du globe. Mais l’angoisse et les cauchemars sont récurrents ! Alors un jour, il rend son tablier, ferme l’usine et retrouve sa vie paisible. La langue est drôle et poétique. Clins d’œil et apartés ajoutent une touche complice au récit, pour notre plus grand plaisir. L’histoire vient nous rappeler en douceur ce qui compte vraiment : adieu gloire, richesse… pression ! Vive les bonheurs en famille, la douceur de vivre, la simplicité, le partage ! Les illustrations toute douces, un peu vintage, chaleureuses et tendres, accompagnent magnifiquement le propos, impossible de résister à La soupe Lepron !

La soupe Lepron, de Giovanna Zoboli, illustré par Mariachiara DiGiorgio, Les fourmis rouges, 2022

L’avis de Séverine ICI.

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Dannbi est coréenne et elle vit en France avec sa famille. Elle adore l’école, mais depuis que Lucas, un de ses camarades de classe s’est moqué d’elle et de ses traditions culinaires, elle est triste. Sa maman a alors une idée qui pourrait tout arranger. Et si la cuisine devenait l’instrument de la réconciliation ? Avec Dannbi- La recette magique- the Magic recipe, Yeong-hee Lim, Claudine Morel et les Éditions Bluedot proposent une recette trois étoiles pour un album jeunesse : un beau message de tolérance et d’ouverture aux différentes cultures, des illustrations malicieuses et expressives, des émotions d’enfant, à hauteur d’enfant. Le caractère bilingue et la version audio de l’album, disponible sur le site internet de l’éditeur, ajoutent la touche finale à ce cocktail pimenté savoureux.

Dannbi La recette magique-the Magic recipe, de Yeong-hee Lim, illustré par Claudine Morel, Éditions Bluedot, 2021

L’avis de Séverine LA.

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Dans Le tour du monde en 24 marchés, Maria Bakhareva vous propose de découvrir deux marchés par pays, tous très différents. C’est l’occasion de découvrir les aliments les plus courants, mais aussi un petit lexique, une recette typique et d’avoir une idée du niveau de vie dans le pays grâce à l’encadré qui explique ce que l’on peut acheter avec le plus petit billet. Les dabo kolos éthiopiens, les pâtisseries du marché Levinsky de Tel Aviv, les variétés de cookies du marché d’Oxford, les crêpes de riz farcies à la noix de coco qui se dégustent au marché flottant d’Amphawa en Thaïlande ou les poissons fumés d’Astrkhan, en Russie donnent l’eau à la bouche. De quoi provoquer l’envie de bourlinguer, de cuisiner et surtout d’aller au marché !

Récompensé par Prix Sorcières Non-fiction en 2023, cet album russe mêle mivre de recettes, guide de voyage, documentaire et cherche-et trouve.

Le tour du monde en 24 marchés, Maria Bakhareva, illustrations Anna Desnitskaya, traduction Margaux Rochefort, La Partie, 2022

L’avis de Lucie ICI et celui d’Isabelle LA.

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Un an à Fleurville, voilà un drôle d’album, mêlant brèves de quartier, recettes et astuces de jardinage, le tout rehaussé d’illustration colorées. Chaque page est consacrée à un mois de l’année (en commençant par avril, premier mois complet du printemps) et à un légume phare de la saison. Asperge, petit pois, poivron, betterave, haricot… Chacun a droit à sa recette, et toutes donnent envie de se mettre aux fourneaux. Les plantations sont aussi l’occasion d’échanges et de partage en famille ou entre voisins. Et l’album se termine sur des conseils et trois imagiers : les semences, les outils et les fruits et légumes au fil des saisons. Un shoot de nature qui fera rêver les citadins en mal de jardin, et leur donnera envie de se lancer ?

Un an à Fleurville, recettes de nos balcons, toits et jardins, Felicita Sala, traduction de Géraldine Chognard, Cambourakis, 2021.

L’avis de Lucie ICI.

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Si les titres précédents donnaient envie de tester quelques recettes, nous déconseillons de tenter celle du gâteau de Monsieur Anatole. Il est plein de bonne volonté, prêt à tout pour éblouir Mademoiselle Blanche. Mais ses commis ont des goûts… spéciaux. L’humour et la créativité de Christian Voltz tourne à plein et les petits lecteurs en redemandent. Parce que même quand le résultat est raté, l’essentiel est d’avoir essayé et passé un bon moment en cuisine !

Un gâteau au goûter, Christian Voltz, L’école des loisirs, 2019.

L’avis de Lucie ICI.

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Un petit album délicieux pour apprendre à faire des gyôza en compagnie d’un petit garçon malicieux et de sa grande soeur : les voilà dans la cuisine, armé.e.s de leur tablier à carreaux bleus pour pétrir, malaxer, modeler la pâte à raviolis du mercredi midi ! A la fin de l’album, on retrouve la recette précise des gyôzas qu’on ne manquera pas d’essayer pour offrir à toute la famille un repas japonais.

Mercredi, c’est raviolis ! Setsuko Hasegawa, Makito Tachibana, Ecole des loisirs, 2008.

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Récit d’apprentissage dans lequel Ulysse, dix-sept ans, cherche à tracer son propre chemin malgré la pression paternelle pour reprendre l’entreprise familiale. Alors qu’il découvre la cuisine et le monde des concours, sa famille affronte la justice pour suspicion de collaboration avec les allemands.
De magnifiques illustrations qui mettent en valeur la Bourgogne et sa cuisine de terroir dont les amateurs prendront plaisir à trouver quelques idées recettes en fin d’ouvrage !

Avertissements aux végétariens, végans et autres amoureux des animaux vivants : ici on chasse, on prépare la viande qui est servie à toutes les sauces…

Ulysse & Cyrano de Stéphane Servain, Antoine Cristau & Xavier Dorison, Casterman, 2024.

L’avis de Linda est ICI.

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Avec Jean, petit marmiton, c’est tout une chouette série de courts romans qui cultive notre gourmandise ! Chaque tome nous présente une aventure du quotidien d’un jeune marmiton, au dix-septième siècle. Facile à lire, cette nous plonge dans l’ambiance de l’époque, avec toute la passion que Jean ressent pour la préparation des repas. Les illustrations rondes et colorées d’Ariane Delrieu en font une lecture gourmande, et la recette présente en fin d’ouvrage est à la fois simple et délicieuse. Miam !

Jean, petit marmiton : le concours de la reine, d’Annie Jay, illustré par Ariane Delrieu. Albin Michel jeunesse. 2017.

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Un album gourmand et kawaii qui vous plonge dans un univers chinois craquant, cela vous tente ? Lisez Petit Bonheur, cet album ravissant de Yue Zhang, qui nous narre les aventures d’un petit bonheur bien triste : il a manqué la fée de la Lune… Mais les effluves d’un bon restaurant et la rencontre avec un adorable petit renard vont tout changer !

Petit Bonheur, de Yue Zhang, l’école des loisirs, Janvier 2024.

L’avis d’Helolitla ICI et celui de Lucie .

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Un bon chocolat chaud, rien de tel pour se réconforter, non ? C’est en tout cas l’addiction d’un ours très gourmand, qui ne peut s’en passer. Que faire quand la boute de chocolat est vide ?

Tendresse et partage autour d’une bonne boisson chaude, qui fait du bien au moral et réchauffe les cœurs. Voilà le programme de ce superbe album qui magnifie l’amitié et le plaisir d’être ensemble.

L’ours très très câlin, de Jee-Hyon Park, L’élan vert. Janvier 2020

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Si le cœur vous en dit, une sélection thématique autour de soupes hautes en couleur vous attend dans les anciens articles du blog ! C’est par !

Et vous, quelles lectures vous donnent envie de vous mettre aux fourneaux en famille ?!

Notre autrice essentielle : Clémentine Beauvais

On ne présente plus Clémentine Beauvais ? Ben si faisons-le à la sauce A l’Ombre du Grand Arbre ! Grande prêtresse de la littérature de jeunesse, sa cible favorite est bien évidement les plus jeunes mais aussi les adolescents. En plus de sa casquette d’autrice, Clémentine s’amuse à écrire et donne des conférences sur l’écriture, plutôt chouette comme job non ? Attendez ce n’est pas tout, elle défend superbement bien le fait de livrer ses émotions de lectrices et lecteurs. D’ailleurs, retrouvez notre lecture commune de Comment jouir de la lecture pour prolonger le plaisir que vous aurez à la lecture de ce billet. Elle est belle la lecture, n’est-ce pas ?

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Le choix de Liraloin

La Plume de Marie de Clémentine Beauvais – couverture illustrée par Anaïs Bernabé, Talents Hauts, 2011

Lettre à Marie, 1653

« Chère Marie, j’ose espérer que cette missive vous parviendra… je suis admirative de vos écrits depuis que j’ai découvert vos pièces de théâtre par le plus grand des hasards, ma mère m’a souvent parlé de votre voix et de votre plume. Laissez-moi vous conter comment votre âme résonne dans les murs de ce château que vous avez jadis connu.  Mademoiselle Margot et Mademoiselle Sophie n’ont jamais cessé de chanter vos louanges et vos mérites depuis votre départ. Malheureusement, elles ont toutes deux épousés des hommes dénués d’esprits. Très liées, elles n’ont jamais cessé de se voir pour évoquer vos admirables écrits, incitant leurs propres enfants à écrire et jouer à leur tour la comédie. Vous avez ouvert une page d’un livre qu’il ne faudrait jamais fermer, une page écrite en alexandrins invoquant l’espoir de réussir lorsque l’on naît femme et fille du peuple. »

Eleanor Fergusson

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Le choix de Lucie

Va jouer avec le petit garçon !, Clémentine Beauvais, illustrations de Maisie Paradise Shearring, Sarbacane, 2016.

(air connu)
Ah te dirai-je maman
Ce qui cause mon tourment ?
Dès que nous allons au square
Recommence le même cauchemar
Tu t’installes sur un banc
Et cherches des yeux un enfant.

« Va jouer avec celui-ci »
Et si je n’ai pas envie ?
Je connais bien les dangers,
Le risque de me faire croquer.
Va lire à l’ombre du tilleul
Laisse-moi jouer tout seul !

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Le choix de Colette

Pour le droit de vote dès la naissance de Clémentine Beauvais, Gallimard – Tracts, 2024.

J’ai 14 ans, et aujourd’hui je vais participer à un référendum sur l’adhésion de mon pays à une organisation internationale en charge d’organiser la solidarité entre les générations pour lutter contre les effets du changement climatique. J’ai 14 ans, et depuis que je suis née mes parents me lisent les histoires des hommes et des femmes qui ont permis aux sociétés d’élaborer des textes collectifs pour protéger les droits des êtres vivants. J’ai 14 ans et je suis une citoyenne à part entière, je participe à la vie collective de mon pays et je connais son histoire. J’ai 14 ans et je suis fière de pouvoir défendre les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité de mon pays de naissance à chaque consultation citoyenne. J’ai 14 ans, et j’ai voté toute mon enfance aux élections présidentielles, aux législatives, aux européennes, aux municipales. J’ai 14 ans et ma voix compte. C’est comme ça que j’ai grandi. J’ai grandi avec une voix qui compte dans un pays où chaque femme et chaque homme politique se soucie de rendre accessible chaque proposition de loi aux enfants. On se retrouve en assemblée générale parents-enfants un soir par mois dans les jardins et les médiathèques de nos écoles, les élu.e.s viennent à notre rencontre et on discute ensemble leurs propositions politiques. J’ai 14 ans et j’existe de mille manières mais celle que je préfère c’est celle qui m’unit à des millions d’autres à chaque fois que je me rends aux urnes. J’ai 14 ans et j’ai le droit de vote depuis la naissance.

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Le choix de Séverine

Les Petites reines de Clémentine Beauvais, Gallimard jeunesse – Pôle Fiction, 2019

Le périple de ces 3 filles
Ensemble dans l’adversité ?
Super roman, les yeux qui brillent !

Physique ingrat, puberté au taquet,
Elles subissent l’intolérance, le mépris.
Trio improbable, cible de quolibets
Il n’en fallait pas plus pour les challenger,
Toutes trois désignées boudins de l’année.
Elles décident de partir pour Paris
S’inviter à l’Elysée, le 14 juillet.

Rien ne les arrêtera, pas d’obstacle fatal
Elles en ont sous la pédale !
Incroyable, à l’arrivée, elles auront gagné
Ni gloire, ni beauté, futilités de pacotille !
En revanche, un trésor précieux pour les filles, capital :
SORORITÉ.

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Le choix d’Heloïse – ileautresor

Écrire comme une abeille, Clémentine Beauvais, Gallimard jeunesse, 2023.

Ecrit avec un esprit vif, léger et pertinent,
Ce guide de lecture et d’écriture
Rend accessible la littérature jeunesse :
Intéressant, il tient des propos intelligents et amusants ;
Répond à de multiples questions (comme : est-ce un genre littéraire ?)
Enlevé, plein d’humour, il explique l’intérêt des procédés littéraires.

C’est un livre pertinent : il éclaire toute belle
Oeuvre… qui sera désormais lue autrement.
Mais l’analyse d’albums, de romans, de nouvelles
Magiquement devient un jeu plaisant… sous la plume de l’auteure…
Ecrit avec répartie, ce guide est vraiment passionnant !

Un livre agréable à lire, comme un roman…
Notamment grâce à ses explications sur la façon de construire un récit
Elle fait naître le plaisir de lire en se glissant dans sa peau d’écrivaine …

Avec ses anecdotes sur ses débuts dans l’écriture… de fait Clémentine
Beauvais est une auteure virtuose en la matière de techniques littéraires.
Elle use de procédés pour rendre les personnages vivants, rythmer un récit.
Ironiquement, elle nous fait rire, et nous instruit avec plaisir
Là, elle nous convie à la découvrir avec légèreté, originalité et créativité
Le livre est désormais vu dans toute sa complexité.
Ecrire comme une abeille… Ce guide est une petite merveille !

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Et vous, quel est votre ouvrage préféré de cette auteure essentielle ?

Nos classiques préférés : Thierry Dedieu

Faut-il encore présenter Thierry Dedieu, un auteur-illustrateur lu dans toutes les écoles, les bibliothèques ? Très prolifique, Dedieu explore des univers tous très différents étant aussi à l’aise à l’écrit qu’au dessin. Découvrez nos raisons de vous ruer sur ses albums !

Thierry Dedieu, source : Wikipedia.

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Pour Linda, la Grande Guerre est un thème majeur qui mérite sa place dans la littérature de tout âge. 14-18 – Une minute de silence à nos arrière-grands-pères courageux est un petit chef d’œuvre pour au moins ces 10 raisons…

14-18 – Une minute de silence à nos arrière-grands-pères courageux de Thierry Dedieu, Seuil jeunesse, 2014.
  1. Pour l’hommage poignant aux Poilus, victimes, héros, tombés au combat, survivants de la Grande Guerre,
  2. Pour la brièveté du texte en introduction qui exprime l’indicible : « Chère Adèle, il n’y a plus de mots pour décrire ce que je vis. Gustave« ,
  3. Pour le réalisme saisissant des illustrations, tons sépia, qui suffisent à dire, à montrer,
  4. Pour le message entièrement dessiné qui dénonce la guerre et ses atrocités,
  5. Pour la solitude et la peur que l’on ressent en feuilletant ces pages,
  6. Pour ce que sous-entend de douleurs sourdes et d’horreur chaque illustration,
  7. Pour l’originalité et la qualité de cet album presque sans texte,
  8. Pour la lettre d’Adèle, placée dans son enveloppe en fin d’ouvrage, à déplier et à lire,
  9. Pour ce qu’elle laisse entendre des craintes de ceux et celles qui sont resté.es derrière,
  10. Pour le Devoir de Mémoire, et que jamais plus…

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Pour Liraloin, il n’a pas été si évident que ça de choisir un album de cet immense auteur-illustrateur tant son graphisme et ses sujets sont variés. Toujours avide de découverte, son choix s’est porté sur un album où la contemplation est au cœur de l’histoire au moins pour 10 raisons.

Le maître des estampes de Thierry Dedieu, Seuil jeunesse, 2010
  1. Pour le titre qui engage la/le lectrice/lecteur dans une aventure où la création de l’image sera au cœur de l’album.
  2. Pour ce tampon, signe de l’estampillage appartenant à un grand nom du dessin.
  3. Pour les accessoires qui caractérisent le maître des estampes : l’encre, les pinceaux et le papier que l’on découvrira plus tard, formidable terrain d’esquisses !
  4. Pour le décor épuré qui sert l’esprit du peintre, cette contemplation du vide et de la nature nourrissant sa créativité.
  5. … justement pour cet agacement et cette colère qui caractérisent si bien le riche mandarin, impatient et hautain.
  6. Pour les couleurs choisies par Dedieu qui invitent la lectrice/le lecteur à se concentrer sur la gestuelle du personnage du maître des estampes.
  7. … pour ce geste contrôlé qui à l’inverse met hors de contrôle le mandarin.
  8. Pour cette première de couverture qui invite la future lectrice/le futur lecteur à un moment de respiration.
  9. Pour ce carnet d’études, délicieux moment d’intimité dans les recherches d’une œuvre.
  10. Pour cette phrase : « Des deux vies du papillon, ce n’est pas celle de la chenille que l’on retient, mais celle du papillon. »

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Lucie s’est aperçue qu’elle ne connaissait pas si bien l’œuvre de Thierry Dedieu en dehors de ses grands classiques et a découvert de nombreux titres géniaux en préparant cet article. Son préféré jusque-là : Va-t’en guerre. Voici pourquoi.

Va-t’en guerre, Thierry Dedieu, Seuil jeunesse, 2012.
  1. Pour ce titre accrocheur et sa définition dès la première page, « Va-t’en-guerre : personne qui pousse à la guerre, qui recherche le combat, l’affrontement« .
  2. Pour ce noir et blanc aussi franc et tranchant que le personnage principal.
  3. Pour ces illustrations de vie quotidienne dans lesquelles le roi s’imagine dans des situations très différentes de celles qu’il vit.
  4. Pour l’inventivité dont celui-ci fait preuve dans sa recherche d’adversaire et sa création d’armes.
  5. Pour l’épitaphe pleine de bon sens : « il l’a voulue, il l’a eue« .
  6. Parce que cette envie de guerre fait immanquablement penser à un enfant qui tire par la manche en demandant « tu joues avec moi ?« 
  7. Et que les jeunes lecteurs rient de l’acharnement du roi.
  8. Parce qu’avec le talent qu’on lui connaît, Thierry Dedieu parvient à amuser petits et grands avec un personnage aussi bête que cruel.
  9. En dépit du fait que l’attitude de ce roi glace les parents par sa résonance avec l’actualité.
  10. Et pour la chute, dont l’absurde est dans la parfaite lignée de l’album.

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Quoi de mieux pour une collectionneuse de papillons que les conseils d’un expert des sciences naturelles pour regarder la nature autrement ? Quand Thierry Dedieu se fait le porte parole de Tatsu Nagata, on chausse loupe et jumelles pour se lancer à l’assaut du monde des petites bêtes et des grosses bêtes. Et n’importe quel scientifique en herbe se laisse prendre au jeu. Voici pourquoi.

  1. Parce que ce sont des documentaires particulièrement accessibles aux tout-petits sans les sous-estimer, et ici on aime tellement les livres qui ont de l’ambition pour les enfants.
  2. Parce qu’à chaque page, l’enfant accède à une connaissance précise, souvent étonnante.
  3. Parce que : « Le ver de terre se déplace en rampant. Il possède des poils en soie qui lui permettent de s’agripper pour avancer. »
  4. Parce que les illustrations qui accompagnent chaque donnée scientifique ont quelque chose de très direct, de coloré, de vivant… et d’infiniment marrant !
  5. Parce que la première page de l’album est toujours un petit condensé d’humour à hauteur d’enfant.
  6. Parce qu’on y a vraiment cru, pendant plusieurs années, à l’existence de Tatsu Nagata, chercheur, expert mondial des mutations des batraciens, vivant au Japon sur la petite île de Yaku. Et c’est en cherchant un jour sur Internet de plus amples informations sur notre gentil professeur à la blouse bleue que nous avons appris que c’était Thierry Dedieu qui se cachait derrière ce visage jovial et tout rond.
  7. Parce que ces livres font partie de ceux que nous avons empruntés mille fois à la médiathèque avant de se les offrir pour pouvoir les lire, les relire à notre guise. Et peut-être un jour les transmettre aux enfants de nos enfants.
  8. Parce que « Le ver de terre est aussi appelé lombric. Il n’a ni bras, ni pattes, ni yeux, ni os, ni poumons. »
  9. Parce que ces albums, sans en avoir l’air, sont une ode au vivant, aux écosystèmes, à ce monde incroyable auquel nous appartenons et qu’il est tellement important d’apprendre à mieux connaître.
  10. Et je finirai cette humble liste avec une citation de Tatsu Nagata lui-même : « Il suffit de retourner la terre pour observer le ver de terre. »

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Pour Séverine non plus, il n’a pas été évident de choisir parmi tous les albums ou romans signés Dedieu, au texte et/ou aux illustrations. Après avoir hésité entre Le baron bleu et Un royaume sans oiseaux, elle a finalement choisi…Le cheval qui galopait sous la terre. Pourquoi ?

Le cheval qui galopait sous la terre, de Thierry Dedieu, Eiditons Thierry Magnier, collection Petite poche, 2017
  1. Parce que les albums précités ont un auteur (et quel auteur, Gilles Baum !) dont il n’est pas (encore ?) question sous le grand arbre et qu’elle aurait peut-être eu plus à dire sur le texte que sur les illustrations de Dedieu, fort réussies au demeurant.
  2. Parce que le thème de la guerre (et surtout de la paix à souhaiter plus fort que tout) est déjà traité par les albums choisis par Linda et Lucie
  3. Parce que l’amitié entre un cheval et un humain lui a (déjà) permis de vivre des moments de lectures inoubliables, ce roman lui a donné envie de relire Crin-blanc, Cheval de guerre, Mon cheval s’appelle orage/mon frère est un cheval, Pony, Mon petit cheval Mahabat, etc. et qu’il fait désormais partie des incontournables, devenus des…classiques !
  4. Parce qu’il traite de la mine, celle des «gueules noires», des «toucheurs», des «galibots», des «hercheurs», et qu’en stéphanoise pure souche (ou presque !), petite-fille de mineur, elle ne pouvait qu’être touchée par ce récit, qu’elle a évidemment proposé à sa fille de 9 ans, curieuse de ce patrimoine qu’elle commence à peine à découvrir.
  5. Parce qu’il aborde des thématiques pour, en lecture accompagnée, ouvrir le dialogue entre passé et présent, histoire et sociologie, philosophie et pragmatisme : droits acquis, travail des enfants, congés payés, déterminisme social, bien-être animal…autant de sujets dont les enfants, dès 8-9 ans, peuvent s’emparer pour dire et réfléchir.
  6. Parce qu’il s’agit d’un roman sans images court, dense, intelligent, sensible, comme la plupart de la collection Petite poche des éditions Thierry Magnier, dont elle raffole.
  7. Parce qu’elle voudrait mettre en valeur le grand talent de Dedieu auteur, dont elle avait déjà eu la preuve avec un précédent ouvrage, de la même collection (L’homme qui perd le feu et le retrouve), et quelques-uns de ses albums.
  8. Parce que le contraste entre la sensation d’oppression du fond de la mine, qui saisit le/la lecteur.ice, et la poésie vibrante des journées de liberté dans le parfum et les couleurs de la nature sont remarquablement bien écrits.
  9. Parce que le titre à lui seul convoque cette dualité : « Grand-Gris, c’est le cheval qui galope sous la terre ! Et le noir n’y peut rien. »
  10. Parce que la fin est lumineuse et pleine d’espoir, elle met en marche l’imagination, elle est tout simplement belle.

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Et vous, connaissiez-vous ces titres ? Quelle est votre œuvre préférée de ce grand auteur-illustrateur ?