Hommage à Axl Cendres

Elle nous a souvent touchés par sa sensibilité et sa mélancolie.
Autant qu’elle nous a surpris par sa singularité et sa franchise.

Elle nous a fait rire, elle nous a émus.

Elle avait cette liberté de langage et cette extravagance qui cachaient une crevasse d’amertume.

Elle gardait autour d’elle une part de mystère mais c’est à travers ses livres qu’elle se dévoilait à chaque fois un petit peu.

C’est avec une immense tristesse que nous avons appris le décès d’Axl Cendres.

A l’Ombre du Grand Arbre, nous souhaitons lui rendre hommage et vous inviter à découvrir ou re-découvrir quelques uns de ses ouvrages qui sont de véritables expériences littéraires…..

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Confessions d’un apprenti Gangster. Sarbacane, 2013.

Un roman flash-back d’un ado qui suit les traces de son père en entrant dans le banditisme. Fragments de vie, ce livre se construit comme un puzzle alors que l’enquête policière avance.

Retrouvez l’avis d’Alice

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Aimez-Moi maintenant. Sarbacane, 2008

Rencontrée à Montreuil, sur sa dédicace Axl Cendres a écrit « Les beaux mensonges valent mieux que les sales vérités ». Voilà, tout est dit.

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Mes idées folles. Sarbacane, 2009

Abel Francis Sandro est un jeune psychiatre au pavillon 43 qui s’occupe des malades chroniques. Il cherche à comprendre comment les gens marchent. Mais il se rend compte que ce n’est pas les gens qu’il comprend mais leurs maladies. Pour les grands ados.

Les avis de #Céline et Sophie

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Echecs et but ! Sarbacane, 2010.

Quand les échecs et le foot se rencontrent. Et surtout les supporteurs respectifs.

L’avis de Sophie

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Le voyage d’Esteban Sarbacane, 2012

La beauté de l’écriture d’Axl Cendres aborde ici la tauromachie, à travers le destin du jeune Esteban qui va marcher sur les pas de son grand-père, matador de grand renom et disparu mystérieusement. Ce roman-là prend des airs de légende sur fond de transmission.  Epoustouflant.

 

L’avis de Pépita

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La drôle de vie de Bibow Bradley, Sarbacane, 2012.

Juin 1964, USA. Le jeune Bibow Bradley est envoyé au Vietnam où, en toute logique, il devrait perdre un œil comme papy (en Normandie) ou une jambe comme papa (en Corée).
Sauf que Bibow a un don : il ne connaît pas la peur.

 

L’avis de Sophie

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Dysfonctionnelle, Sarbacane, 2015.

Fidèle, jeune adolescente, grandit entourée de ses six frères et sœurs dans une famille dysfonctionnelle : son père enchaîne les allers-retours en prison, sa mère est à l’asile. Dotée d’une « intelligence précoce », elle s’intègre à un lycée des beaux quartiers où les élèves la regardent comme un alien. Mais c’est là que l’attend l’amour, le vrai, celui qui transforme, celui qui sauve…

L’avis d’Alice

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Cœur battant, Sarbacane, 2018

Après avoir essayé d’éteindre son cœur, il se retrouve dans une clinique pour y être « réhabilité à la vie ». Il y rencontre Alice, aussi belle que cynique ; Victor, aussi obèse que candide ; la vieille Colette, aussi espiègle qu’élégante ; et Jacopo, aussi riche que grincheux.

À eux cinq, ils décident de s’évader de la clinique, direction le manoir de Jacopo. Le but du voyage ? Se jeter d’une falaise, tous ensemble !

Mais la route va leur réserver plusieurs surprises. Assez pour qu’Alex se demande si finalement, la vie n’en vaut pas la douleur…

L’avis de #Céline

Un entretien datant de 2010 sur le blog de Sophie, un moment drôle et complice.

Et puis les mots touchants de ses compagnons d’écriture : Antoine Guilloppé, Antoine Dole, Benoit Minville et tant d’autres sur la toile. Ses lecteurs.trices. Son éditeur Tibo Bérard et les éditions Sarbacane. Et un article du Monde.

« Vole les lumières, toutes les lumières que tu peux… Les ténèbres ont un appétit féroce, alors vole les lumières… Peut-être que le ciel réalise les rêves que la terre assassine. » Coeur Battant, Axl Cendres. 

5 ans de lecture pour Morgan

Pour cet article estival, j’ai choisi de partager avec vous les romans que j’ai envie de proposer à mon fils, Morgan, pour ces cinq prochaines années… Le CP est tout juste terminé et la lecture a pris une nouvelle place dans son quotidien. Je suis donc très impatiente de lui faire découvrir des livres que j’ai aimé dans mon enfance ou plus récemment. Voilà donc une valise de partage pour quelques années…

 

7 ans : Chien pourri de Colas Gutman et Journal d’un chat assassin de Anne Fine

Ces deux là, je les côtoie quasi quotidiennement et je les conseille très souvent aux jeunes lecteurs de la bibliothèque à la recherche de romans drôles. J’ai mis les deux parce que je ne peux pas choisir entre ce chien nigaud et cet espiègle chat. Ces livres-là, je les proposerais très prochainement à Morgan qui aura 7 ans dans quelques semaines. On commencera sûrement par une lecture à deux voix mais peut-être sera-t-il tenté pour poursuivre ces séries en solo !

Mes chroniques sur ces livres ici et

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8 ans : Matilda de Roald Dahl

Je n’ai découvert l’univers de Roald Dahl que tardivement. J’étais étudiante et j’avais une amie qui adorait ces romans. J’ai testé et adoré au point d’en lire plusieurs en peu de temps. Mon incontournable, c’est clairement celui-là et c’est le premier que je proposerais à Morgan… avant tous les autres !

Ma chronique sur ce livre

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9 ans : Chair de Poule de R. L. Stine

Je ne saurais pas dire exactement combien de livres de cette série j’ai pu lire enfant, mais on ne doit pas être loin de la cinquantaine. Jeune, j’aimais les histoires qui faisaient peur. Je me souviens avoir dévoré en une soirée plus d’un de ces livres et avoir frissonné au fil des pages. Encore maintenant, j’adore me plonger dans des histoires terrifiantes mais je n’ai jamais retrouvé les sensations que me donnaient les romans de R.L. Stine ! Je ne suis pas certaine que Morgan adhérera à cette série car actuellement les histoires qui font peur, ce n’est pas trop son truc mais je suis obligée d’au moins lui la proposer un jour…

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10 ans : Tobie Lolness de Timothée de Fombelle

Tobie Lolness fait aussi partie de ces indispensables de la littérature jeunesse que j’ai découvert après avoir passé l’âge du public cible. Mais à ma décharge, il est sorti trop tard pour que je le lise dans mon enfance. J’en garde l’image d’un superbe voyage en pleine nature et des sensations apaisantes. J’ai hâte que Morgan puisse découvrir ce chouette personnage !

Ma chronique sur ce livre

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11 ans : Sans-Atout et le cheval fantôme de Boileau-Narcejac

J’ai lu ce livre au collège et j’en ai gardé un très bon souvenir au point de le redécouvrir en livre audio plusieurs années après. C’était peut-être un livre lu pour l’école mais je n’en suis plus sûre. En tout cas, cette enquête sur fond de château hanté m’avait beaucoup plus. On verra si Morgan l’apprécie aussi à son entrée au collège !

Ma chronique sur ce livre

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Et je ne pouvais pas ne pas les mettre alors ils seront le bonus à découvrir tome par tome au fil des mois ou des années, avec ou sans moi selon son envie : Harry Potter !

En réalité, je lui ai déjà offert le premier tome Harry Potter à l’école des sorciers pour ses 6 ans l’année dernière, en version illustrée ! J’ai commencé à le lui lire mais on prend notre temps, on y revient par période et on poursuit l’aventure tranquillement…

Lecture commune : Nos éclats de miroir

On se retrouve ce lundi avec une lecture commune sur le roman Nos éclats de miroir de Florence Hinckel publié chez Nathan.

Florence Hinckel - Nos éclats de miroir.

Sophie : Ce roman raconte l’adolescence de Cléo sous forme de lettres dans son journal intime. Pouvez-vous me parler un peu de cette jeune fille ?

Pépita : Cléo est une jeune fille d’aujourd’hui mais qui est fascinée par le journal d’Anne Frank. C’est toute l’originalité de ce roman, de faire le pont entre deux journaux intimes, le second s’adressant au premier, avec le même principe que l’amie imaginaire d’Anne. Cléo raconte donc son quotidien, entre sa famille (mère et grande sœur), le collège et ses amies, les garçons, le manque de son père, les absences de sa mère. J’ai eu un peu de mal au début à entrer dans la construction mais le roman a pris de l’épaisseur au fur et à mesure.

Bouma : Cléo est un personnage intrigant. Elle est à la fois très ancrée dans les préoccupations adolescentes (amitié, romance, scolarité) et fascinée par la figure d’Anne Frank. Ajoutons par ailleurs que sa famille prend beaucoup de place par son absence. La jeune fille se sert de ce journal intime comme l’objet qu’il est : à savoir un confident, ici du nom d’Anne Frank.

Sophie : Et justement, qu’avez-vous pensé de cette idée d’entretenir une correspondance par journal intime avec Anne Frank ?

Bouma : En toute honnêteté, j’ai été complètement prise au dépourvu, ne comprenant pas la fascination de Cléo pour ce personnage historique. Je pourrais dire aussi que le procédé stylistique m’a désarçonné et qu’il m’a fallu quelques lettres avant de vraiment rentrer dans l’histoire.

Pépita : Je rejoins Bouma, au début, j’ai eu un peu de mal à m’y retrouver : Anne, son amie imaginaire, celle de Cléo, je ne savais plus très bien qui s’adressait à qui. J’ai trouvé le style d’écriture assez enfantin au départ mais peu à peu, le personnage de Cléo s’étoffe et j’y ai retrouvé les préoccupations d’une jeune fille d’aujourd’hui. À vrai dire, je ne sais pas si les jeunes filles écrivent toujours des journaux intimes… et je ne sais pas plus si elles vont s’identifier à ce journal intime via Anne Frank. J’ai eu parfois le sentiment que l’autrice voulait « caser » absolument des éléments qu’elle avait en tête au départ, du coup ça parait parfois un peu décousu. Cependant, une fois qu’on rentre dedans, il y a de très beaux passages, très touchants.

#Céline : C’est cela qui m’a aussi un peu déstabilisée. Je trouve, comme le dit Pépita, qu’on s’y perd un peu. Cléo est une jeune fille mature, curieuse et passionnée par l’histoire d’Anne Frank mais certains rappels historiques (certes intéressants) m’ont semblé un peu en décalage avec le reste. Mais au final, au fur et à mesure de l’histoire, on y prête moins attention, d’autant que l’histoire personnelle de Cléo prend le pas sur le reste. Cette forme permet de replacer le quotidien d’Anne Frank par rapport à celui des adolescents d’aujourd’hui. En cela, c’est très bien vu. Et, ça m’a amusée, car j’avoue que moi aussi j’ai tenu des journaux intimes dont un s’est appelé Kitty…

Sophie : En effet, il y a beaucoup d’émotions dans ce roman et notamment quand cela concerne la famille de Cléo. Elle vit avec sa grande sœur et sa mère, dépressive depuis la mort de son mari au point de fuguer pendant plusieurs jours parfois. Qu’avez-vous pensé/retenu de la relation entre ces trois personnages ?

Bouma : C’est une belle histoire de femmes. Chacune ressent un profond vide même s’il s’exprime de manière différente en fonction de leur âge et de leur caractère. Mon regard sur leur famille a changé au fur et à mesure des pages… Au final, je dirais que la mère est le centre de leur vie, la sœur aînée son pilier et Cléo en est le cœur : une combinaison parfois instable mais rassurante.

#Céline : Cléo est une jeune fille un peu déstabilisante qui analyse beaucoup les choses autour d’elle tout en les tenant à distance. J’ai eu du mal à voir le lien entre Cléo et sa mère. Celui avec sa sœur m’a semblé plus fort et plus net même si Cléo reconnaît qu’elle s’est aussi éloignée d’elle avec le temps. Au fur et à mesure qu’avance le récit, on saisit mieux le pourquoi de cette relation compliquée entre les trois figures féminines qui gèrent chacune la disparition du père, du mari de façon très différente. Et c’est au final très touchant et plutôt juste.

Cléo se livre à son journal mais n’a pas beaucoup d’amis au collège à part Bérénice. Cette amitié m’a beaucoup dérangée mais je l’ai trouvée très réaliste. Et pour vous ?

Pépita : Elle t’a dérangée en quel sens ? Moi pas du tout, je l’ai trouvée très réaliste au contraire. Cléo est une solitaire, Bérénice non. Leurs milieux sociaux sont différents. Mais cela n’empêche pas la rencontre et l’amitié ! Mais cela n’empêche pas non plus une prise de conscience de l’éloignement qui peut arriver aussi dans l’amitié. Pour découvrir autre chose. D’ailleurs, c’est ce qui arrive à Cléo. Quand on veut trop se conformer à quelqu’un, parfois on s’oublie soi-même.

#Céline : Bérénice est assez odieuse avec Cléo. Elle s’en sert comme faire-valoir et la rabaisse beaucoup. C’est en cela que j’ai parfois eu mal pour Cléo, même si je sais bien que l’amitié, ça peut aussi être ça. Le principal, c’est que Cléo prend peu à peu conscience de cet état de fait et finit par trouver le courage d’affronter et tenir tête à Bérénice.

Sophie : Cette amitié avec Bérénice m’a rappelé des choses que j’ai vécues plus jeune. Je pense que ça m’aurait fait du bien de lire ça à une époque donc je me dis que ça peut aider à mettre des mots sur ce genre de relation toxique.

Pépita : Leur relation ? Je ne sais pas si on peut parler de relation en fait. J’ai trouvé Cléo bien seule mais ma foi, elle s’en accommode. Son journal lui occupe l’esprit et lui permet de mettre de la distance sur cette solitude.

Bouma : Comme Céline j’ai eu du mal à comprendre cette relation amicale que je trouvais très déséquilibrée. Il y a un rapport de force qui se créer à chacune de leurs interactions, de manière très réaliste certes, mais qui est loin de l’amitié sereine que l’on pourrait attendre pour l’héroïne.

Sophie : Parlons un peu du titre, Nos éclats de miroir, il fait référence à la passion de la maman pour la mosaïque. Vous en avez pensez quoi ?

#Céline : Je l’ai trouvé assez poétique et très beau. Il fait référence à l’activité qui apaise sa mère mais aussi à cette espèce d’obsession pour son propre reflet et les miroirs. « … je n’ai pas cessé d’entretenir une relation très compliquée avec les miroirs, les vitrines, et tous les regards. » J’y ai vu cela aussi. Et puis, le côté « éclaté » qui se ressent au sein même de cette famille, brisée, en morceaux. Ce titre m’a semblé plutôt juste par rapport à mon ressenti du roman.

Bouma : C’est parce que vous venez de l’expliquer que je comprends la référence à la passion de la maman. J’étais complètement passée à côté. Pour moi on était dans quelque chose de plus métaphorique, comme si les différentes personnalités représentaient des parties qui rassemblées formaient le miroir…

Pépita : J’ai beaucoup aimé ce procédé. Justement pour sa dimension métaphorique et la beauté des mots. Je trouve qu’il colle parfaitement à la fois à la maman pour ce qu’elle renvoie à travers son échappatoire (la mosaïque) et à la recherche de Cléo de son identité. Plus profondément, c’est un roman qui en appelle l’image de soi. On a tous des faces cachées, des faces éclatées, des faces mouvantes et parfois la vie nous oblige à recoller les morceaux épars.

Sophie : Ce journal tient son originalité de sa destinatrice Anne Frank, mais il joue aussi avec la typographie comme sur cette photo. Qu’en avez-vous pensé ?

Bouma : Ça m’a surtout rappelé les romans de Clémentine Beauvais, qui joue également beaucoup avec ce procédé littéraire. Après ça ne m’a pas plus marqué que ça (je dirais même que j’avais oublié cet aspect du roman).

Pépita : J’ai bien aimé le jeu sur la typographie qui entrait en écho avec les sentiments de Cléo.

 

Pour retrouver nos chroniques, c’est par ici : Pépita, Bouma, #Céline et Sophie.

Les lauréats du Prix !

En ce jour des 7 ans de ce blog collectif,

voici donc les lauréats du Prix ALODGA (5ème édition )

avec les 5 catégories en lice :

http://alombredugrandarbre.com/wp-content/uploads/2015/06/Logoprix-300x300.jpgCatégories Brindilles (albums petite enfance)

Le Nid de Stéphane Servant et Laëtitia Le Saux Didier jeunesse

 Petites feuilles (Albums pour plus grands)

Les riches heures de Jacominus Gainsborough de Rebecca Dautremer Sarbacane

Catégories Grandes feuilles (romans jusqu’à 11 ans )

Jefferson de Jean-Claude Mourlevat Gallimard jeunesse

Belles branches (romans à partir de 12 ans)

La fille d’Avril d’Annelise Heurtier Casterman

Catégorie Branches dessinées (pour les BD)

Chaque jour Dracula de Loïc Clément et Clément Lefèvre Delcourt

Vous avez été plus de 300 à voter et nous vous en remercions.

Un grand bravo aux lauréats et rendez-vous l’année prochaine ?

Lecture commune : Brexit Romance, de Clémentine Beauvais

Avec Brexit Romance, Clémentine Beauvais a signé l’un des romans les plus attendus de l’automne. Ce livre à mi-chemin entre roman, théâtre et opéra, sur un sujet d’une actualité brûlante, avait tout pour faire parler de lui ! Ce que nous avons fait, bien entendu, à l’ombre de notre grand arbre. Et comme nos avis divergeaient, la discussion a été animée ! N’hésitez surtout pas à prolonger ces échanges en nous faisant part de vos ressentis…

 

Brexit Romance, de Clémentine Beauvais. Éditions Sarbacane, 2018

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Pepita : Brexit Romance et Clémentine Beauvais + Sarbacane : vous vous attendiez à quoi en ouvrant ce roman ?

Hashtagcéline : J’ai beaucoup aimé les autres titres de Clémentine Beauvais donc j’y allais plutôt de façon assez enjouée. En revanche, non pas que je ne m’intéresse pas à l’actualité, le sujet du Brexit ne m’attirait pas particulièrement. J’avais un peu peur que cela rende l’histoire indigeste. Surtout qu’il fait tout de même 450 pages… Après, si je l’ai ouvert c’est que je faisais confiance à Clémentine Beauvais pour rendre le tout intéressant et surtout amusant. Et vous 450 pages sur le Brexit, ça vous tentait ?

Isabelle : De mon côté, le sujet du Brexit me parle énormément puisque je suis amenée professionnellement à travailler sur la politique européenne. Pour changer des publications scientifiques que je côtoie toute la journée au travail, j’essaie généralement, quand je lis pour le plaisir, de choisir des choses qui me changent les idées, surtout lorsque le contexte est particulièrement déprimant, comme en ce moment. Et je dois dire que je n’y connais rien en « romances » car je n’en lis jamais ! Mais là, j’étais très intriguée : la couverture suggère quelque chose de léger et joyeux, et même le titre est presque un oxymore… Comment Clémentine Beauvais pouvait-elle bien s’y être prise pour associer romance, humour et Brexit ? C’est donc avec énormément de curiosité que j’ai ouvert le livre !

Carole : J’attends toujours avec impatience un roman de Clémentine Beauvais. Celui-ci peut être avec une certaine appréhension, après le sublime Songe à la douceur. Quant au thème du Brexit, j’observe la politique européenne en général, et sachant que Clémentine vit en Angleterre où elle y enseigne, son sens de l’humour, et sa maîtrise des deux langues, je me doutais du ton de ce roman. Il n’en reste pas moins que j’ai été très agréablement surprise du fond (social pour résumer) qui cette fois a vraiment pris le dessus sur la forme !

Pepita : Alors justement, il parle de quoi ce fond ? Un petit résumé à plusieurs mains s’impose !

Isabelle : Il me semble qu’il s’agit avant tout d’une génération que Clémentine Beauvais croque à merveille : celles des « millenials » qui, de part et d’autre de la Manche, sont complètement pris de court par le vote pour le Brexit. Étudiants, fondateurs de start-ups, militants féministes, végétariens-écolos ou conservateurs, d’origine modeste ou aisée, ils sont surtout profondément ouverts sur le monde et attachés à leur liberté de circuler à travers le continent européen. L’une d’entre eux, la jeune et pétillante Justine Dogson, imagine un complot complètement farfelu : marier ensemble des Français et des Anglais pour permettre à ces derniers de conserver un passeport européen – tout en faisant « un gros fuck au gouvernement et aux abrutis qui ont voté Brexit » (et au passage à l’institution du mariage !). Mais rien ne se passe évidemment comme prévu…

Hashtagcéline : Pour ma part, j’ai eu du mal à entrer dans l’histoire… Il m’a fallu une centaine de pages pour me faire aux personnages et à l’univers. Une fois lancée, en revanche, j’ai vraiment apprécié ma lecture. Avez-vous eu ce même ressenti ?

Isabelle : Je me demande si cette difficulté à garder le fil n’est pas lié au fait que l’autrice jubile tellement à incarner ces personnages et leurs échanges que l’intrigue semble parfois passer au second plan… J’ai parfois eu l’impression qu’avec cette intrigue loufoque qui ne semble pas se prendre au sérieux, Clémentine Beauvais voulait surtout évoquer notre époque et une certaine génération.

Pepita : Oui, tout à fait, c’est bien le ton de ce roman, une génération décomplexée, qui ne souhaite pas que le politique empiète sur sa liberté.

Isabelle : Comment caractériseriez-vous les personnages principaux ?

Pepita : Il y en a tellement je trouve ! Je dirais que pour certains ils sont complètement à l’opposé. Si certains vivent pleinement leur époque, d’autres semblent d’un autre temps, ce qui donne des situations parfois loufoques.

Isabelle : C’est vrai qu’il y a beaucoup de personnages qui forment une sorte de kaléidoscope de notre époque qui est à la fois celle de la modernité, de l’ouverture sur le monde et des flux de communication perpétuels, et celle d’une société de plus en plus polarisée… J’ai trouvé que Clémentine Beauvais faisait preuve d’un énorme talent pour brosser ces différents portraits – celui des startupers « bobos », de l’intellectuel de gauche français, de l’avocate féministe américaine, des militants anticapitalistes, des dirigeants de UKIP… Ils sont décrits de façon très juste.

Pepita : Du coup, tu me permets de rebondir Isabelle : je te rejoins mais en même temps cela donne un côté artificiel qui m’a un peu agacée, du coup. A trop vouloir tout démontrer, on en devient superficiel.

Isabelle : Je pense que la réaction dépendra un peu des affinités du lecteur ou de la lectrice : personnellement, j’ai beaucoup ri des dialogues, des idées bien trempées et de l’excentricité des personnages (qui m’ont pour beaucoup évoqué des personnes rencontrées dans la vraie vie). J’ai donc pris du plaisir à me laisser promener au fil de ces digressions… Mais je peux concevoir que d’autres lecteurs puissent perdre un peu le fil de l’intrigue.

Pepita : Un peu compliqué à appréhender pour des 13 ans, la cible affichée de ce roman par Sarbacane non ?

Isabelle : Je suis complètement d’accord avec toi. La collection et la couverture bleu layette visent un lectorat jeune. Il me semble que rares sont les lectrices et lecteurs de cet âge-là qui pourront saisir l’ensemble du propos et vu que la dimension sociale et politique est ce qui donne l’essentiel de la chair de ce roman, je le destinerais plutôt à des adultes – jeunes ou moins jeunes !

Un mot sur la forme ? Le roman est original aussi de ce point de vue, non ?

Carole : Comme toi, j’ai vraiment ri sur les dialogues, et notamment la repartie de Kamenev (certainement plus du même âge que moi que les autres personnages). Les dialogues sont quasi théâtraux en fait, hyper rythmés, inclus dans le récit par le retrait des tirets et le choix de guillemets simples. C’est assez surprenant d’ailleurs, mais la lecture reste fluide. Il oscille vers le vaudeville et l’opéra par moments. L’écriture inclusive et le bilinguisme y sont maîtrisés et élégamment distillés je trouve. Tous ces éléments lui confèrent une forme stylistique assez originale et discrète (par rapport à Songe à la douceur notamment, beaucoup plus visuel).

Isabelle : Oui, j’ai moi aussi trouvé cette forme très rafraîchissante. Clémentine Beauvais navigue entre théâtre, opéra et roman, mais avec une bande-son et des incursions de conversations par SMS et des échanges parallèles sur les réseaux sociaux ! Je n’avais jamais rien lu de tel !

Si vous deviez résumer ce roman en un seul mot, quel serait-il ?

Pepita : Audace !

Isabelle : Oui, je te comprends ! Pour ma part, je dirais peut-être modernité… Je n’ai pas pu m’empêcher de me demander si Clémentine Beauvais n’avait pas fait un pari risqué, en proposant un roman qui risque de paraître daté lorsque Facebook, Twitter, Uber et le UKIP seront passés de mode et lorsque les innombrables allusions à notre époque seront devenues difficiles à décrypter pour celles et ceux qui ne l’auront pas vécue. Mais en attendant, cela fait sacrément du bien de rire de tout cela…

Un mot de la fin ?

Pepita : Un roman qui pour ma part ne m’a pas laissé beaucoup de souvenirs,j’admire profondément l’intelligence de l’autrice, sa verve, sa vivacité mais j’ai eu du mal à adhérer au sens politique de ce roman.

Isabelle : Nos avis divergent là-dessus, j’ai trouvé que la génération au cœur du roman et ses multiples paradoxes y étaient évoqués avec beaucoup d’intelligence… Mais ce sont aussi les différences de sensibilité et de lecture que nous pouvons avoir qui font la richesse des lectures communes à l’ombre du grand arbre !

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