Adaptation du Petit Nicolas

La série du Petit Nicolas créée par Goscinny et Sempé sent bon l’enfance et les années 60. Elle fait partie de ces classiques tellement iconiques qu’il nous semble les connaître même si l’on ne se souvient plus très bien si on les a lus ou non. Pour en avoir le cœur net, Lucie et son fils ont (re)lu Le Petit Nicolas (et quelques autres).

Le Petit Nicolas, René Goscinny et Jean-Jacques Sempé, Gallimard, 1973.

Le livre
C’est toujours un grand plaisir de faire découvrir un livre que nous avons aimé enfant à notre enfant, et l’entendre rire aux éclats est un bon bonus !
Les aventures de Nicolas, Eudes, Alceste, Clotaire, Agnan et compagnie ont tapé dans le mille. Théo a adoré suivre leurs bêtises, et a beaucoup apprécié le second degré de certaines situations.
Il s’est tout de même étonné de cette classe uniquement composée de garçons, des enfants qui se promènent seuls dans la rue, de ces mamans toujours à la maison… Intéressant justement, pour évoquer l’enfance de ses grands-parents. Et si le contexte a bien changé, les carabistouilles fonctionnent toujours. Indémodable.

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Le Petit Nicolas, Laurent Tirard, 2009

Le film
Suite à ces lectures, Théo et Lucie se sont amusés à découvrir l’adaptation de Laurent Tirard sortie dans les salles à l’occasion des 50 ans du premier tome. Alors, qu’en ont-ils pensé ?

Lucie : Ça commence très fort avec un magnifique générique directement inspiré des dessins de Sempé, façon pop-up. Mais Laurent Tirard a fait le choix d’un film en prise de vues réelles avec un solide casting d’enfants, tous excellents. Les enfants sont secondés par Kad Merad et Valérie Lemercier en parents de Nicolas, mais aussi par des adultes venus faire un petit clin d’œil en passant (Louise Bourgoin en fleuriste, François Damiens en voisin envahissant, Eric Berger en majordome, Gérard Jugnot en chef de chœur) parfois à la limite de la private joke. Pas sûr que les enfants saisissent les allusions.

Théo : Non, je ne sais pas qui sont ces acteurs. Mais j’ai aimé retrouver l’univers du Petit Nicolas : l’époque, les copains et les autres personnages.

Lucie : Je suis d’accord avec toi. On est plongés dans de proprettes années 60. C’est très joli et coloré, une vraie carte postale.
Tu as trouvé que le film était fidèle au livre ?

Théo : Oui. J’étais content de retrouver les bêtises que j’avais bien aimées. Mais j’ai aussi apprécié de découvrir de nouveaux gags, comme la soupe ou la roulette. C’est bien aussi d’inventer et ça changeait un peu. Parce que même si j’aime beaucoup le Petit Nicolas, je trouve que ça manque parfois d’un peu de fantaisie.

Lucie : J’ai trouvé que certaines situations présentes dans l’œuvre originale (le bouquet de fleurs, le cours de dessin, la visite de l’inspecteur, la visite médicale…) étaient désamorcées avant la fin. Je n’ai pas compris pourquoi.
As-tu eu le même sentiment ?

Théo : Non, je ne suis pas d’accord. J’ai aimé retrouver ces situations et elles m’ont fait rire.

Pour comprendre cette divergence, Théo et Lucie sont retournés au texte et se sont aperçus que ce qui différait était le décalage entre la perception du petit Nicolas et celle de son entourage. Pour Théo, la bêtise est plus importante, mais c’est ce décalage qui amuse le plus Lucie.

Lucie : Tu as remarqué bien sûr, que pour lier les gags auxquels un chapitre est consacré à chaque fois dans le livre, deux intrigues parallèles ont été ajoutées dans le film :

  • suite à un quiproquo, Nicolas se met à craindre l’arrivée d’un petit frère. D’ailleurs, cette naissance est issue d’un autre tome que nous n’avons pas lu : Le petit Nicolas a des ennuis.
  • Et la maman de Nicolas décide d’organiser un repas avec les Moucheboume (le patron du père et sa femme).

Qu’as-tu pensé de ces deux ajouts ?

Théo : La maman est beaucoup plus agitée dans le film que dans le livre. Elle perd rarement son calme avec Nicolas dans le  livre alors qu’elle se met dans tous ses états dans le film. J’ai trouvé cette histoire de dîner plutôt rigolote.

Lucie : De mon côté (et peut-être est-ce dû à mon statut de « maman ») je n’ai pas aimé ce fil narratif. Il transforme la gentille mère de famille du roman en espèce de névrosée portée sur la boisson. D’autant plus qu’après quelques velléités d’émancipation, elle finit par retourner dans sa cuisine. J’ai préféré l’histoire du petit frère qui crée des situations amusantes et plutôt cohérentes avec le roman.

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Dans l’ensemble nous avons passé un bon moment à regarder et à discuter de cette adaptation agréable et enlevée, qui plaira certainement aux (jeunes) lecteurs du Petit Nicolas !

Entretien avec Gaël Aymon

Auteur jeunesse prolifique (38 romans et albums parus depuis qu’il s’est lancé dans l’écriture en 2010 !), et passionné par les contes, Gaël Aymon s’attache à malmener les stéréotypes et à garder une porte ouverte sur l’inconscient.

Il a gentiment accepté de répondre à nos questions. Voici ses réponses !

Gaël Aymon, photo d’Emilie Hautier. Source : gaelaymon.com

Félicitations pour votre nomination au prix Astrid Lindgren ! Quel effet cela fait-il de se retrouver en lice pour ce prix, considéré comme le « Nobel de la littérature jeunesse » ?

J’en suis autant surpris que flatté. Même si les prix ne sont pas forcément synonymes de valeur, et bien que je n’ai pas l’esprit de compétition, cette sélection me touche.

Vous avez exercé d’autres métiers artistiques avant d’écrire pour la jeunesse : ont-ils eu une influence sur votre écriture, les thèmes que vous abordez ?

Sans doute mais ces vies antérieures sont de plus en plus anciennes ! On me parle souvent d’une écriture qui serait cinématographique, elle vient peut-être de mon expérience dans l’audiovisuel. De la même façon, l’immersion dans la psychologie, les pensées de mes personnages, tient peut-être à mon passé d’acteur. Mais ça pourrait être aussi l’inverse : tout cela était déjà là avant, et s’exprime simplement par des vecteurs différents.

Vous êtes un « auteur Babelio », quelle utilité a ce site pour vous ? Trouvez-vous important de lire des avis de lecteurs ?

Je ne savais pas que j’étais cela ! Être seul face à son manuscrit sans retours est assez angoissant. Ces avis sont précieux. Mais je sais aussi qu’ils en disent souvent plus sur les lecteur·rice·s que sur ce que j’ai voulu écrire. Les critiques positives, celles qui donnent le sentiment d’avoir été « entendu », d’avoir touché une sorte de famille, de communauté d’esprits, font toujours du bien et rassurent.

Vous rencontrez souvent vos jeunes lectrices et vos jeunes lecteurs : pourriez-vous nous raconter une de vos belles rencontres ?

J’en ai fait tellement que ça devient difficile d’en citer une ! Il y a tant de moments suspendus. Des rencontres de classes incroyablement éveillées, pas forcément au sens scolaire, avec de vraies réflexions, des débats, des échanges. Ou des élèves qu’on vous dit « très difficiles », et qui se transforment devant leur professeurs pour vous dire combien votre livre leur a plu, que c’est le premier livre qu’ils lisent vraiment. Une rencontre en prison avec des garçons de 15 ans bienveillants et touchants, ou des lycées professionnels, des Ulis qui vous sont reconnaissants de venir juste pour eux, des enseignant·e·s incroyables de foi et d’investissement… Bref, toutes les rencontres qui donnent leur sens à notre présence et qui nous confirment qu’on n’écrit vraiment pas pour la jeunesse par hasard ni pour rien.

Beaucoup de vos livres sont illustrés : comment travaillez-vous avec les artistes qui illustrent vos textes ?

Assez peu. Je valide le choix de l’équipe éditoriale, mon texte déjà finalisé. Je suis l’avancée par étapes et donne peu mon opinion. Je vois cela davantage comme le travail sur un film, où chaque corps de métier, réalisation, montage, montage son… apporte sa part pour créer l’œuvre finale, chorale. Et j’aime aussi la surprise de découvrir de quelle façon des artistes se sont emparés de mon texte. C’est presque une joie d’enfant.

Quels sont vos projets à paraître ?

Je publie de moins en moins, car je m’attaque à des romans de plus en plus conséquents et demandant de plus en plus de travail de recherches en amont. Mi-2023, ce sera un nouveau thriller ados-jeunes adultes contemporain, assez sombre, psychologique, chez Nathan. Un projet que j’ai porté près de 20 ans ! L’année suivante, ce sera un roman plus long, qui me demande un travail historique énorme mais dont je ne dirai rien de plus pour le moment.

Les contes tiennent une place importante dans votre œuvre. Est-ce pour le caractère merveilleux ? Les références qui parlent immédiatement aux lecteurs ? Quel est votre rapport à ces récits fondateurs ? Quel est votre conte préféré ?

C’est parce que je les ai toujours aimés, qu’ils constituent un des socles de mon imaginaire et de ma psyché. Ils sont communs à l’humanité entière et échappent en même temps à toute analyse excessive, à toute explication réductrice. Leur force et leur longévité résident dans ce mystère qui ne parle qu’à l’inconscient. J’en ai lu tant, dans tant de versions différentes que je n’ai plus de conte préféré.

Vous semblez aimer jouer avec les stéréotypes. Comment trouvez-vous l’équilibre entre une histoire qui permet au lecteur de réfléchir et une dénonciation pure et simple ?

Mon équilibre à moi repose sur ma sincérité et l’absence de projet politique ou prosélyte, tout comme sur un détachement par rapport aux dogmes et aux vérités absolues. Les stéréotypes, c’est surtout le public adulte ou l’éditrice qui les voit (ou pas). Moi, je pars de mon imaginaire sans tricher ni forcer les choses. J’ai simplement envie de raconter des histoires qui posent des questions, font surgir des interrogations, en fournissant suffisamment de matière aux lecteur·rice·s pour qu’ils puissent en tirer leurs propres opinions. Quand bien même elles diffèreraient beaucoup des miennes.

Vos sujets allant du très contemporain à des inspirations classiques (Perrault dans L’Apprenti conteur, Balzac dans Et ta vie m’appartiendra), qu’est ce qui détermine le choix d’une intrigue ?

Mon bon vouloir, mon ennui ? Je ne sais pas répondre.

Nous aimons beaucoup la collection « Court Toujours » à laquelle vous avez collaboré. Est-ce que l’on aborde différemment l’écriture d’un texte court et un long ?

Oui. Ce n’est pas la seul différence mais un texte long demande une endurance de coureur de fond, de surmonter bien plus de périodes de doute, de démotivation, et il exige souvent une structure plus complexe.

Vous écrivez aussi bien pour les très jeunes enfants que pour les ados. À quel moment définissez-vous l’âge auquel s’adresse votre histoire ? Des contraintes s’imposent-elles selon le type de lecteur visé ? (Sujet, vocabulaire, longueur du texte…)

Je ne répondrais jamais, comme certains confrères et consœurs, que j’écris avant tout pour moi, sans me soucier de l’âge du public. Au contraire, j’écris pour m’adresser à eux, même si c’est un « eux » flou et imaginaire. Je sais avant même d’écrire à quelle tranche d’âge sera destiné le récit. Le sujet n’en est pas modifié, mais je garde en tête les références qu’un enfant ou un ado ne peut avoir. En littérature pour grands ados et jeunes adultes, il n’y a selon moi quasiment pas de différences avec l’écriture pour des adultes. Sauf que n’écrire que pour eux ne m’intéresserait pas.

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Merci Gaël Aymon d’avoir accepté de répondre à nos questions et bonne route à vos nouveaux projets !

Pour découvrir le travail de Gaël Aymon, rendez-vous sur son site internet.

Premières lectures : notre sélection.

Pas facile de conseiller des romans aux tout jeunes lecteurs qui débutent les lectures en autonomie ! Trouver un texte à la fois intéressant et adapté du point de vue de la longueur, du vocabulaire et des thématiques est une gageure. Les maisons d’édition ont heureusement travaillé à combler le manque de lectures entre les « premières lectures » (pas toujours très passionnantes sur le fond) et les romans plus étoffés qui abordent souvent des thématiques plus adaptées à des collégiens. Quand Lucie a demandé leur avis aux arbronautes pour ses petits élèves, elles ont concocté une précieuse sélection que nous vous partageons !

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Voce Verso – Ginko

Maison d’édition jeunesse indépendante créée en 2015, Voce Verso publie des livres illustrés pour les enfants avec pour vocation affichée de porter la voix de l’enfant. La collection Ginko met en avant des textes premières lectures classés en trois niveaux de lecture représentés par une à trois feuilles de ginko.

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Pour Linda, c’est probablement Rosalie (trois feuilles de Ginko) qui fut le plus gros coup de cœur. Véritable ode à la famille, ce petit roman touche par les valeurs qu’il véhicule. Le personnage de la mère est particulièrement incroyable, prêt à tout pour que ses enfants ne souffrent pas de l’absence du père. Le texte déborde d’émotions et joue sur les mots pour dynamiser une histoire toujours plus riche d’instants partagés en famille et de voyages.

Rosalie de Ninon Dufrénois, illustré par Julien Martinière, Voce Verso, 2022.

Les avis de Linda et de Lucie.

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Dans la même collection, Lucie a aussi beaucoup aimé Petite peur (deux feuilles de Ginko). Dans ce petit roman, le narrateur parle de son émotion, des situations où elle surgit et de ses stratagèmes pour l’apprivoiser. Où comment donner quelques clés et faire surgir la discussion dans les moments de tension !

Petite peur de Cécile Emeraud, illustré par Anne-Lise Boutin, Voce Verso, 2022.

Les avis d’Isabelle et de Lucie.

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Mon poisson et moi (deux feuilles de Ginko) aborde la difficulté d’affronter le regard des autres via l’amitié entre un enfant et son poisson. Car lorsque l’on décide de ne plus se séparer de son bocal, y compris pour aller à l’école et jouer à la récré, assumer ce choix face à ses camarades est une gageure. Que faire ? Se débarrasser de son poisson ou attendre patiemment que les mentalités des élèves évoluent ? Une très belle histoire sur l’affirmation de soi.

Mon poisson et moi de Céline Claire, illustré par Marie Bretin, Voce Verso, 2019.

L’avis de Lucie.

L’avis de Liraloin sur d’autres titres de cette collection

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L’école des loisirs – Mouche

Si l’école des loisirs a eu le temps de faire ses preuves depuis sa création en 1965, cette maison d’édition continue de séduire des milliers d’enfants en proposant des textes de qualité. On trouve dans la collection Mouche, des histoires illustrées pour les enfants qui commencent à lire tout seuls, signées de grands auteurs et illustrateurs, tout en laissant leur chance à de jeunes auteurs et illustrateurs de s’associer pour inventer de nouvelles aventures.

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Pour Linda, il y a des séries qui continuent de séduire ses filles qui, du haut de leur treize ans, continuent de guetter la sortie de nouveaux titres. C’est le cas de la série suédoise Ma vie heureuse, portée par l’amitié de deux fillettes qui, séparées suite à un déménagement, tentent de se revoir le plus possible. Le texte est toujours bienveillant et richement illustré. Presque poétique, cette série est aussi un récit d’apprentissage, chaque volume apporte son questionnement et voit Dunne et Ella Frida grandir en se confrontant à la difficulté de se voir.

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C’est aussi le cas de la petite série Mousse, pleine de douceur et de poésie. Mousse vit de belles histoires d’amitié qui véhiculent des valeurs de partage et de solidarité. La douceur du texte se retrouve dans les illustrations aux couleurs pastels. Les personnages ressemblent à des doudous, ils évoluent dans un univers pacifique qui fait beaucoup de bien à la lecture. L’ensemble dégage une tendresse infini et nous renvoie littéralement dans l’imaginaire de l’enfance.

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Dans cette collection, Lucie a beaucoup aimé la série Dagfrid. Déjà parce que les illustrations d’Olivier Tallec lui ont tapé dans l’œil, mais aussi parce qu’elle présente le quotidien d’une petite fille viking et que ce n’est pas la fête tous les jours ! Entre le régime alimentaire légèrement lassant (du poisson, du poisson et encore du poisson), les injustices de traitement entre elle et son frère, l’allergie de sa maman aux animaux de compagnie et les fêtes familiales, venez découvrir l’humour mordant d’Agnès Mathieu-Daudé.

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Et toujours dans cette collection, Isabelle a fondu d’enthousiasme pour Akita et les grizzlys. Lorsque les mots de Caroline Solé rencontrent le pinceau de Gaya Wisniewski, cela donne un très joli roman initiatique auquel nous avons consacré une lecture commune. Akita nous entraîne dans un univers polaire à couper le souffle où il s’agit d’affronter les éléments, mais surtout de mystérieux grizzlys. Son histoire pleine de frissons évoque les sentiments si difficiles à dompter qu’ils peuvent terroriser, les contradictions parfois douloureuses qu’implique l’acte de grandir, et le pouvoir de l’imaginaire et (aussi lointain que le monde d’Akita puisse paraître) de la psychologie pour y faire face. Tout cela en 80 pages à peine !

Akita et les grizzlys, de Caroline Solé et Gaya Wisniewski, École des loisirs, 2019.

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Mémo – Petite Polynie

Petite Polynie est une collection des éditions Mémo, spécialement pour les jeunes lectrices et lecteurs.

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Liraloin a notamment apprécié les deux titres suivants pour leur pétillante histoire et illustration ainsi que cette belle mise en page ! Truffe et machin sont deux petits lapins, des frangins qui ne manquent pas d’imagination. Peut-être que Machin est un peu plus gourmand que son frère mais tous deux s’entendent à merveille, surtout pour s’inventer des histoires rocambolesques. Et dans ce petit roman, bande de veinards, il y a trois aventures à suivre… Ce livre est très séduisant et attire l’œil. Sa tranche jaune-luciole et l’illustration pleine page de la première de couverture donnent le ton. L’écriture d’Emile Cucherousset démontre bien le caractère espiègle des deux loustics. Quant aux illustrations de Camille Jourdy, elles sont teintées d’humour jusqu’au plus petit détail. Nos deux petits lapins ont de l’énergie à revendre. A travers le jeu et l’amusement le jeune lecteur est témoin d’une belle complicité même si cela fait parfois râler maman-lapin !

Truffe et Machin d’Emile Cucherousset & illustré par Camille Jourdy, 2017

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Pombo est un ours rêveur et profite de la vie. Sa meilleure journée consiste à ne strictement rien faire. Java, lui, préfère escalader les troncs d’arbres et profiter de la vie à 100% à fond les ballons ! Lorsque Java souhaite construire une cabane haut-perchée, Pombo trouve cela dangereux mais décide de tout de même l’aider à sa façon : « Il fut décidé que Pombo n’en ficherait pas une, mais donnerait son avis sur tout. » Java l’intrépide va grandement bouleverser le quotidien de Pombo le rêveur. Cependant, Pombo va plus d’une fois surprendre son camarade par son courage. Et oui ! on n’abandonne jamais un ami dans la difficulté. Douceur et vitalité se dégagent de cette histoire. Deux caractères d’ours complétement opposés mais au cœur rempli d’une belle amitié. J’aime énormément les illustrations de Clémence Paldacci, elles ont ce côté rétro des années 70. Les détails transportent la le jeune lectrice lecteur à s’installer moelleusement dans la maison-cocoon de Pombo… humm quel bonheur…

Pombo Courage d’Emile Cucherousset & illustré par Clémence Paldacci, 2019

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Pour Linda, c’est une aventure emprunte d’une réflexion philosophique sur la liberté et le libre-arbitre qui l’a complètement séduite. Le texte regorge d’humour et d’intelligence, les personnages, représentés par des pions d’échec, sont absolument irrésistibles et les illustrations se prêtent au jeu de la narration avec talent.

La petite épopée des pions d’Audren, illustré par Cédric Philippe, 2018.

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Dans la même veine poétique et philosophique, Isabelle a adoré Hamaika et le poisson. Hamaika est une poule plus intéressée par l’exploration du monde que par les grains à picorer dans la cour. C’est ainsi qu’elle fait la rencontre d’un poisson tout aussi singulier qu’elle : c’est le début d’une amitié qui est loin d’être une évidence, mais les deux compères débordent de créativité pour surmonter les petits obstacles pratiques ! Une fable de haute fantaisie qui concentre tout ce qu’on aime à l’ombre du grand arbre : des personnages drôles et attachants, des trésors d’imagination, des propos philosophiques à hauteur d’enfant et des aventures palpitantes. Les illustrations pleines de couleurs sont à la fois drôles et colorées. Un vrai roman arc-en-ciel !

Hamaika et le poisson, de Pierre Zapolarrua, illustrations d’Anastasia Parrotto, Éditions MeMo, 2019.

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Les éditions Seuil Jeunesse ont également lancé en 2020 la collection Le grand bain dédiée aux apprentis lecteurs qui souhaitent faire le saut dans le bain de la lecture en autonomie de textes un peu plus longs que ceux que nous avons mentionné précédemment ! Des romans courts et joliment illustrés qui se démarquent à la fois par un bel objet-livre (dont les belles jaquettes américaines se déplient en une affiche permettant de garder un souvenir de la lecture) et par des thématiques très diverses mais fortes, ancrées à la fois dans l’enfance et dans la société.

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Dans cette collection, Isabelle a particulièrement aimé Le gang des chevreuils rusés. Une histoire charmante sur la magie d’une forêt mise en péril par des promoteurs immobiliers mais ardemment défendue par une bande d’enfants. Porté par la plume vive de Corinne Morel-Darleux, ce récit donne à voir une palette de formes de mobilisation citoyennes, tout en montrant que de nouvelles formes d’expression restent à inventer et que les jeunes générations ont tout leur rôle à y jouer. Les illustrations de Marine Schneider sont désarmantes d’expressivité : une ode colorée à l’intensité de l’enfance qui donne puissamment envie d’aller jouer dans les bois.

Le gang des chevreuils rusés, de Corinne Morel-Darleux et Marine Schneider, Seuil Jeunesse, 2021.

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Les éditions Hatier ont une collection Première lectures assez riche, composée de plusieurs séries pour séduire un public assez large. Ce la va des contes à des histoires dont « vous êtes le héros », en passant par la mythologie, des enquêtes ou encore des histoires du quotidien. Le tout décliné en trois niveaux de lecture et enrichi d’un lexique.

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Les petites demoiselles de Linda ont particulièrement aimé les histoires de Gérard Moncomble, Moi, Thérèse Miaou qui racontent, non sans humour, les aventures d’une chatte auprès de ses humains. Les amoureux des chats s’y retrouveront sans aucun doute entre le caractère, le choix du meilleur coin de la maison, la visite chez le vétérinaire ou encore le départ en vacances… Le tout magnifiquement illustré par Frédéric Pillot.

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Et vous, quelles sont vos premières lectures préférées ?

Nos coups de cœur de l’année 2022 !

Bonne année 2023 à tous !

Ca y est, l’année 2022 est terminée. A l’ombre du grand arbre, elle aura été riche en découvertes et en partage. Aussi, pour bien commencer 2023, nous vous proposons une sélection de nos plus belles lectures !

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Pour Linda, le choix a été assez difficile car, même si elle a moins lu en 2022, ses lectures ont souvent été de qualité. Aussi son choix s’est finalement arrêté sur un roman illustré qui réunit tout ce qu’elle aime dans un livre : une belle histoire, un texte classique et des illustrations somptueuses. Finalement, ce titre s’est imposé, comme une évidence.

Princesse Sara de Frances Hodgson Burnett, illustré par Nathalie Novi, Albin Michel, 2021.

Son avis complet.

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Lucie a eu un véritable coup de cœur pour Ma petite bonne de Jean-François Chabas. Ce roman est de ces lectures qui marquent, auxquelles on pense encore longtemps après avoir tourné les dernières pages.
Pour commencer, c’est un voyage dans le temps et dans l’espace comme sait en proposer la belle littérature. Jean-François Chabas emmène ses lecteurs dans le Liban des années 1990, et le choc des cultures est brutal. D’autant qu’il les confronte à l’arrivée de la « petite bonne », sorte d’esclave légale dans la famille de la narratrice. Bouleversant.

Ma petite bonne de Jean-François Chabas, talents hauts, 2022.

Son avis complet ICI.

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Le petit écureuil d’Oliver Tallec allait forcément être présent dans les coups de cœur de l’année pour Lucie. Son choix aurait pu se porter sur un autre tome. Mais J’aurais voulu est le plus récent, et il épingle avec tellement d’humour notre difficulté à choisir et à affirmer ce que l’on est dans une société aux multiples sollicitations ! On peut faire confiance à l’auteur pour amener les enfants à réfléchir, sans les brusquer.
Cet album est aussi le souvenir d’une belle rencontre avec l’auteur-illustrateur.

J’aurais voulu d’Olivier Tallec, l’école des loisirs, 2021.

L’avis complet de Lucie ICI.

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Une des lectures qui a le plus « bouleversifié » notre collectionneuse de papillons cette année, sur les conseils toujours aussi formidables de ses arbronautes préférées, ce fut Annie au milieu d’Emilie Chazerand dont Lucie et Frédérique vous ont livré une lecture commune par ici.

Je vous livre ici les mots que j’avais écrits à mes copinautes sur le forum pour leur faire part de mon émerveillement après la lecture de ce roman coup de cœur : « Que j’ai pleuré en lisant l’histoire de cette famille bancale et si lumineuse ! J’ai pleuré quand Camille arrive chez les Desrochelles pour l’entraînement et qu’il est accueilli comme un membre de la famille tant attendu, j’ai pleuré quand Del et tous les réfugiés du camp où elle travaille font la chorégraphie d’Annie et les barjorettes, j’ai pleuré quand Solange propose à Velma de s’inscrire au stage de dessin… Que j’ai pleuré ! Parce que quand même ce bouquin, au delà du handicap, il nous parle surtout de la FAMILLE, de ce qui la compose, des liens qui se tissent souvent silencieusement, au fil du quotidien mais aussi à travers générations. La relation entre Solange et Del est tellement puissante. J’ai beaucoup apprécié la manière dont l’auteure fait ressurgir implicitement ce que les personnes étaient avant, ce que cet avant a laissé de traces sur leur corps, leurs cheveux, leur regard et que les autres membres de la famille perçoivent parfois comme dans un éclair lumineux et parfaitement éphémère. Bien sûr ce roman est un incroyable conte de fée, tout va très vite, des magiciennes et des magiciens interviennent spontanément de manière peut-être un peu surnaturelle (je pense à Dolorès qui accepte de faire la coach sportive alors qu’elle connaît à peine Velma, je pense à la mère de Hui, incroyable costumière, qui réalise sans poser de question les improbables tenues de la tribu, je pense au patron de la brasserie qui embauche Harold sans trop poser de questions) mais c’est un conte de fée qui célèbre la solidarité et que ça fait du bien ! »

Annie au milieu d’Emilie Chazerand, Sarbacane, 2021.

Pour les curieux, nous avons aussi eu la chance d’interviewer Emilie Chazerand.

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Pour Liraloin c’est une BD lue en musique qui a emporté le coup de cœur de l’année 2022. Il s’agit de Blue aux Pays des songes, une série en 3 volumes.

Blue au Pays des Songes de Davide Tosello, Vent d’Ouest, 2021.

Son avis complet ici

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Pour Blandine, le point commun de ses coups de cœur qui ont émaillé 2022 est l’émerveillement! Pour un récit intemporel, pour une relation particulière, pour un graphisme exceptionnel ou pour une douceur candide essentielle. Certains de ses coups de cœur ont déjà été partagés ici au fil des mois, aussi, pour ne pas les remettre, en voici un nouveau qui regroupe tout cela!

Magic really can happen… When it Snows. Richard COLLINGRIDGE.

Tout est déjà dans le titre (et le sous-titre)!! Il y a de la magie et de la féérie, du merveilleux et du fantastique, une quête et une mise en abyme fabuleuse qui fait la part belle aux livres, à l’imaginaire et à la transmission. Le tout servi par des illustrations (de peinture?) fascinantes, douces et immersives, qui jouent sur les luminosités et les clair-obscur! juste magnifique!

Son avis complet ICI!

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En refermant Zephyr, Alabama cet été, Isabelle avait l’impression de connaître cette bourgade comme sa poche : ses églises et ses ragots, son supermarché flambant neuf, ses contrebandiers et ses attaques racistes, le quartier noir où la conquête des droits civiques s’organise. Et quels mystères renfermés derrière les portes des petites maisons, au fond de la rivière ou du lac profond ! Témoin d’un crime, le jeune Cory mène l’enquête…

Le récit se nourrit de la toile de fond sociale de l’enquête : des indices sont distillés à chaque chapitre sous la forme d’indices à première vue anodins mais qui finissent par prendre tout leur sens. Cory recoupe des éléments stupéfiants, faisant la rencontre d’une reine noire de cent six ans, d’un as de la gâchette, d’un monstre de rivière et même d’un tricératops. Son regard enfantin donne au roman une fraîcheur irrésistible. Cory et ses copains rappellent les aventures de Tom Sawyer, mais avec en plus le rythme scandaleux des tubes des Beatles et des Beach Boys. Et un soupçon de magie. Ils savent lire les rêves, la forme des nuages et les grains de sable. On ne sait pas toujours si Cory en rajoute un peu (il a l’étoffe d’un écrivain, voyez-vous), si l’imagination de sa bande la dépasse un peu ou s’il y a vraiment un solide cœur de magie à Zephyr.

Tout cela semble un peu foisonnant, mais tout finit par s’imbriquer parfaitement en un tout cohérent qui a beaucoup ému Isabelle. Ce livre est un univers à lui tout seul, un roman à remonter le temps porté par une plume vive qui trace son sillon propre à la lisière de la tranche de vie, de l’enquête policière, du thriller et du réalisme magique.

Zephyr, Alabama, de Robert McCammon, Monsieur Toussaint Louverture, 2022.

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Et vous, quels ont été vos coups de cœur en 2022 ?

Lecture commune : Jack et la grande aventure du Cochon de Noël

Cette année, pour Noël, nous avons eu envie de nous retrouver pour discuter de Jack et la grande aventure du Cochon de Noël de la grande J. K. Rowling. Un conte qui, par ses thématiques, rejoint notre envie d’un Noël généreux présenté lors de la sélection de la semaine dernière !

Jack et la grande aventure du Cochon de Noël, J. K. Rowling, Gallimard Jeunesse, 2021.

Blandine : L’an passé, quelle a été votre réaction première à l’annonce du nouveau roman à paraître de J. K. Rowling ?

Lucie : Youpi ! Bien sûr, pour commencer. Nous sortions juste de l’Ikabog que nous avions adoré et j’avais hâte de me laisser entraîner dans un nouvel univers par cette auteure fabuleuse.

Isabelle : Tout comme Lucie ! Nous n’allions pas manquer ça, je n’ai même pas regardé le résumé avant de l’acheter.

Linda : A ce moment-là je crois que je pensais surtout qu’il plairait à mes filles, mais je ne me souviens plus vraiment ce que j’ai pu ressentir à l’annonce. J’ai sans doute dû me dire : « Tiens, un nouveau J. K. Rowling »… Pour cette auteure, je ne me pose pas trop de question. Je me souviens juste que je ne me suis pas précipitée, j’ai attendu le moment propice pour me le procurer et l’Avent s’est révélé être ce moment-là !

Blandine : Que pensez-vous du titre et de la couverture ? Quelles sont les idées, thématiques qui vous sont venues à leur découverte ?

Isabelle : C’est une couverture qui joue sur le kitsch de Noël, avec ses branches de sapin et ses couleurs rouges et dorées. Je pense que je n’aurai pas été la seule à penser spontanément au film Toy Story en la découvrant ! Je ne suis pas forcément hyper fan de ce type de graphisme digital dans les livres mais qu’importe : mes moussaillons et moi avons aimé que le titre promette de l’aventure et depuis Harry Potter, nous lisons tout ce que publie J. K. Rowling.

Linda : La couverture et son titre sont pleins de promesses d’une aventure merveilleuse au cœur de la magie de Noël. Bien sûr, comme Isabelle, j’ai aussi pensé à Toy Story avec ce jouet qui s’anime. Je suis très fan de ce cochon qui semble entrainer Jack sous le sapin. Regardez son regard pétillant, son bras tendu vers ce qui semble être quelque chose d’extraordinaire. Il nous invite nous aussi à venir découvrir ce qui se cache sous ce sapin en tournant la couverture.

Lucie : Le titre m’a étonnée. Je ne voyais pas bien le lien entre un cochon et Noël. Du coup, je ne savais pas du tout à quoi m’attendre. Et c’est aussi bien ! Comme Isabelle je ne suis pas hyper fan de la couverture. Cela fait très film d’animation, et pas le genre que j’aime.
Et toi Blandine, te souviens-tu de tes premières impressions ?

Blandine : Un nouveau J. K. Rowling = je le veux. Elle fait partie de ces auteurs pour lesquels je ne me pose même pas la question du sujet. Et puis, il y avait « Noël » dans le titre. Cela ne pouvait être que merveilleux ! !
Comme Linda, je me suis questionnée sur ce cochon tout rose « de Noël » qui est écrit bien en gros sur la couverture et qui figure au premier plan, bien devant Jack. On devine de suite que c’est lui le véritable héros de cette aventure. Au-delà, il me semble que c’est un joli pied-de-nez à certaines traditions alimentaires de Noël qui servent encore du porc rôti lors de ce repas festif. Ici, le cochon est bien vivant et actif ! La couverture m’a immédiatement attirée avec ses couleurs et ce cochon qui nous tend la patte, comme pour nous rejoindre, ou nous appeler à l’aide. Côté graphisme, j’aime beaucoup ! Et bien sûr, le parallèle avec Toy Story (que j’aime beaucoup aussi) a été instantané.

Linda : Je n’avais pas du tout pensé au côté « alimentaire » du cochon, peut-être parce que je ne mange pas de viande et que je ne perçois plus les animaux comme tels depuis longtemps. Mais c’est peut-être tout simplement parce que je suis restée dans le côté fantastique avec le jouet qui prend vie. C’est cependant une réflexion intéressante et j’aimerais bien savoir ce qu’en pensent Isabelle et Lucie ?

Lucie : Je n’y ai pas pensé non plus. Pour moi il a tout de suite été évident que ce cochon était un jouet, alors je ne me suis pas posé la question. Mais c’est une remarque pertinente, et vu l’expérience de J. K. Rowling je pense que le choix de cet animal n’est pas anodin.

Isabelle : Moi non plus, ça ne pas traversé l’esprit d’imaginer que ce cochon aurait pu être sur la table !

Blandine : Je trouve intéressant, intriguant, que ce soit le cochon qui soit mis en avant, avant l’humain (même s’il est vrai qu’on va beaucoup suivre Jack).

Lucie : Avant d’être plongés dans le merveilleux avec le Pays des choses perdues, nous rencontrons Jack et sa famille. Il me semble que c’est la première fois que J. K. Rowling décrit une famille si « normale » et contemporaine, telle que nous en connaissons tous. 
Qu’avez-vous pensé d’eux et de leurs relations ?

Linda : Normale et contemporaine dans le sens « famille recomposée » ? Elle est en effet à l’image des familles d’aujourd’hui, une famille à l’image de celle de J. K. Rowling elle-même d’ailleurs. Je pense que c’est avant tout une famille qui cherche son équilibre et que cela passe par celui des enfants. Holly étant à cet âge où le besoin de s’affirmer se développe, elle devient l’élément perturbateur, l’épine dans le pied de cette famille. De plus, elle ne vit avec eux qu’un week-end sur deux ce qui fait qu’elle a, je suppose, besoin de plus de temps pour s’adapter à cette nouvelle vie. Sa relation à Jack est clairement dictée par la jalousie de partager un père qu’elle aimerait voir plus souvent. Tout cela me semble plutôt crédible… Maintenant, je perçois la famille de Jack comme une façon d’asseoir l’histoire et son contexte, pas comme élément essentielle à l’histoire donc je ne me suis pas trop attardée sur ce point du livre. J’avoue par-ailleurs que, grande romantique et mère de famille nombreuse, je me sens plus proche, dans l’univers de cette auteure, de la famille Weasley…

Isabelle : D’accord avec toi, Linda. C’est une famille comme il y en a tant, ni parfaite, ni horrible comme celle de Harry Potter. Elle illustre à quel point, même quand on a des parents aimants qui font de leur mieux, la vie et l’enfance peuvent présenter des passages difficiles, liés dans l’histoire au divorce des parents suivis d’un déménagement et d’une cohabitation compliquée avec la famille du nouveau conjoint de la mère. Du point de vue narratif, cela permet d’introduire le cochon de Jack, qu’il aime tant même s’il est délavé et rapiécé. Cela parlera à tous ceux qui, comme mon moussaillon cadet, sont irrémédiablement attachés à un animal en peluche élimé ou à certaines reliques de tranches de vie dont il est hors de question de se séparer. Cet attachement est d’autant plus fort chez Jack qu’il a l’impression que son existence tombe en lambeaux. Il est évident que lorsque le cochon disparaît, Jack est prêt à aller jusqu’au pays des Choses perdues pour le retrouver.

Blandine : Dans cette grande aventure promise par le titre, nos héros passent par différents mondes, tour à tour merveilleux et terrifiants. Comment avez-vous trouvé leurs enchaînements et descriptions ?

Linda : J’ai aimé la façon de pénétrer chaque nouveau monde par des « portes » différentes qui confrontent les héros à différentes difficultés. J.K. Rowling est assez méticuleuse dans son travail de création et ça se ressent vraiment à la lecture. Rien n’est jamais laissé au hasard, elle donne un maximum d’informations pour qu’à la lecture on puisse visualiser l’univers qu’elle a créé. Son écriture est très visuelle et immersive. De même, la succession de ces mondes semble rythmer vers la fin de vie d’un produit : de la perte à la destruction en passant par les différentes étapes de l’oubli. J’ai trouvé cela très intéressant car cela questionne réellement notre rapport aux objets et met en relief les effets de l’obsolescence programmé d’un point de vue économique et écologique.

Lucie : Je te rejoins Linda, ces différents « mondes » m’ont surtout intéressée pour ce qu’ils disent de notre rapport aux objets. La salle des Egarés dans laquelle les objets attendent dans l’espoir d’être retrouvés, puis ce tri entre les différents objets selon leur valeur pécuniaire mais aussi affective.
J’ai beaucoup aimé cette nuance qui montre bien qu’un objet peut avoir une valeur affective énorme en dépit de son faible coût. Le fait que les objets chers comme les bijoux se croient supérieurs aux autres aussi… Tout cet aspect est vraiment traité de manière très fine.

Isabelle : Effectivement, ce pays des Choses Perdues, c’est une idée géniale pour nous donner à réfléchir à tout ce qui peut se perdre ! Des objets utiles ou superflus, ceux qui ont une valeur surtout sentimentale comme tu le dis Lucie ou absolument vitale. En imaginant un univers où toutes ces choses prendraient vie, J. K. Rowling nous interroge sur le consumérisme ambiant. Les différents mondes dont tu parles, Blandine, soulignent l’ampleur de ce qu’on peut perdre (et remplacer en un clin d’oeil) au quotidien, les Objets Sans Valeur, les affaires égarées de Zutcéouça, les Regrettés… Alors, le procédé peut avoir quelque chose de répétitif, on passe d’un monde à l’autre, il y a chaque fois de belles rencontres, des dangers et des péripéties jusqu’au passage vers la contrée suivante et on se doute bien qu’elles seront toutes explorées. Mais l’autrice réalise la prouesse de susciter l’attachement vers des objets, mon moussaillon s’est passionné pour le destin d’un ange fabriqué en papier toilette. On voit, au passage, que les Objets « gentils » sont ceux qui ont été perdus par inadvertance et regrettés (Ange brisé, Boussole, Poésie ou Lapin bleu), alors que les « méchants » comme par exemple Râpe-Fromage ont été abandonnés à dessein. Après, l’autrice s’amuse en réfléchissant à la perte de choses plus abstraites, comme les principes, les ambitions ou l’inspiration. C’est hyper malin et amusant.

Blandine : J’ai moi aussi beaucoup aimé ces portes qui permettent de passer d’un monde à l’autre, comme des sas de décompression, pour avancer dans notre réflexion quant aux objets, leur utilité, leur valeur émotionnelle et pécuniaire.
J. K. Rowling use de beaucoup de jeux de mots dans ses romans, cela semble enfantin, presque trop facile. Et pourtant cela a un impact à la fois amusant et percutant. 
Aimez-vous ce genre d’écriture ? Pensez-vous que cela soit percutant ou au contraire préjudiciable ?

Lucie : J’adore les inventions de J. K. Rowling. Son travail sur le vocabulaire est génial. En revanche, je pense toujours au traducteur avec compassion !
Quand c’est bien fait (ce qui est toujours le cas chez cette auteure) ces trouvailles sont très ludiques. J’aime bien chercher ce qui a servi à composer le mot, le sens qu’elle a voulu y mettre en plus des mots originaux. Comme les univers qu’elle crée sont très créatifs, pour moi la forme rejoint « simplement » le fond.

Linda : Je suis d’accord avec Lucie. Ces jeux de mots sont un peu la marque de fabrique de J. K. Rowling et je trouve que cela apporte une certaine richesse à ses textes ainsi qu’à ses univers. Cela donne aussi du sens à ses créations et permet parfois un double niveau de lecture qui permet de toucher un public plus large. Quelque part je trouve que son écriture est fédératrice de lien entre les parents et leurs enfants.

Isabelle : Qu’avez-vous pensé du dénouement du roman ? Trouvez-vous aussi qu’il s’agit d’un roman initiatique et, le cas échéant, qu’auriez-vous retiré de cette initiation ?

Linda : La fin de l’histoire est l’aboutissement de ce voyage initiatique au cours duquel Jack a appris que la perte fait partie des étapes de la vie et que les accepter nous fait grandir. La perte est un thème récurent dans la bibliographie de J. K. Rowling et elle est généralement associée à un changement important dans l’évolution, la construction de ses personnages. Ici la fin apporte la lumière et l’espoir dont avaient besoin Jack et Cochon de Noël dans leur vie, mais c’est aussi une fin lumineuse pour Lo Cochon, et je trouve que c’est vraiment fort de la part de l’auteure de finir son récit de cette façon si lumineuse.

Lucie : Je qualifierais cette fin de douce-amère. Elle est à la fois apaisée, car effectivement Jack est prêt à laisser cette part de son histoire derrière lui, il accepte de grandir et d’avancer. Mais je crois beaucoup à la conservation de la part d’enfance, et je suis sûre que vous êtes d’accord avec ça ! Alors j’avoue avoir tout de même été peinée de cette séparation. Séparation inenvisageable pour mon loulou, qui a tout bonnement refusé de lire ce roman à cause de la fin.

Linda : Il est certain que la séparation est difficile mais on ne peut nier que cela fait partie de la construction de l’enfant (et de l’adulte) et qu’elle nous fait avancer, grandir.

Isabelle : Je vous rejoins toutes les deux. Comme ton loulou, Lucie, mon moussaillon a eu une réaction très forte face à la séparation que tu évoques. Mais comme tu le soulignes, Linda, ce dénouement n’est pas triste – et in fine, mon fils a vraiment adoré lire (et terminer) ce roman. Jack a traversé énormément d’épreuves au pays des Choses perdues, il a grandi et s’est affirmé comme un jeune héros courageux qui apprend à lâcher prise et finit par faire son deuil.

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Merci à Blandine d’avoir initié cette lecture commune ! Et vous, avez-vous lu Jack et la grande aventure du Cochon de Noël ? Qu’en avez-vous pensé ?