Une vie d’ours… à déchiffrer

Une vie d’ours (Christophe Fourvel et Janik Coat au Baron Perché) est un album que j’avais repéré il y a quelques temps déjà sur le blog de littérature jeunesse La Mare aux mots. Je viens d’en faire la lecture et elle a soulevé tant de questions que j’ai eu envie de demander à mes copinautes leur avis dessus.

Je remercie donc Colette (La collectionneuse de Papillons), Sophie (La littérature jeunesse de Judith et Sophie), Alice (A lire au pays des merveilles), Pépita (Méli-mélo de livres) et Kik (Les Lectures de Kik) d’avoir bien voulu donner de leur temps pour partager leurs avis avec moi.

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Bouma : Votre première impression face au titre et à la couverture de cet album ? Selon vous, quelle(s) thématique(s) vont y être abordée(s) ?

Colette : Quand j’ai découvert le joli portrait de famille de la couverture d’Une vie d’ours, je me suis dit que cet album là allait parler des relations parents-enfants, du quotidien d’une famille d’animaux aux grand yeux étonnés qui dévoraient surement la vie à pleine dents. Mais j’avoue que le petit autocollant prévu par les bibliothécaires de la médiathèque où je l’ai emprunté qui annonce « A lire avec un adulte » m’a mis la puce à l’oreille, cela annonçait que la lecture ne serait peut-être pas si évidente…

Pépita : J’ai tout de suite pensé à une histoire parodie du conte Boucle d’or et les trois ours et en effet, il y a un peu de ça dans cet album mais pas que… Je te rejoins aussi Colette dans ton impression : un album sur la vie de la famille ours. Il y a de ça aussi mais pas que…
Cependant, ce titre… Les deux termes principaux pour moi : « une » et « vie ». Une pour dire qu’elle est parmi tant d’autres et vie implique un début et une fin. Et effectivement, il s’agit d’un album beaucoup plus lourd de sens qu’il n’y parait à première vue. Au final, le titre s’éclaire après la lecture et il est tout à fait bien trouvé.

Alice : Vous ne trouvez pas qu’ils sont sans expression ces ours, en fait ? Seule la main levée de l’aîné nous invite à rentrer dans le livre. Si on la cache, on a une photo de famille, presque un peu triste.
Quant au titre Une vie d’ours, il m’a évoqué l’expression « Une vie de chien », … pas terrible, hein ?
Du coup, je me retrouve avec entre les mains un album qui me donne une première impression pas très optimiste.
Heureusement, le soleil brille dans le fond de l’illustration et cette famille a l’air unie.

 

Bouma : Et maintenant que vous l’avez lu. Que raconte-t-il réellement ?

Pépita : On entre effectivement dans le quotidien d’une famille ours et le temps qui passe fait son œuvre.

Sophie : Une vie tout simplement avec les jeunes qui vieillissent, les anciens qui partent et les plus petits qui arrivent…

Colette : Une vie d’ours ne raconte rien de moins que ce que son titre laissait présager. A part qu’en fait il ne s’agit pas vraiment d’ours ici mais bien d’êtres humains. Le zoomorphisme n’est là semble-t-il que pour sublimer la finitude de toute existence humaine. Parce que c’est cela le sujet de cet album : l’humaine mortalité. Mais là où les illustrations nous permettent d’entrer émerveillés dans l’histoire, le texte lui est direct comme un le coup de poing du même nom !

Bouma : Moi j’ai été surprise par ce zoomorphisme car je m’attendais à un livre sur le rythme de la vie de l’ours avec ses périodes d’hivernation par exemple. Quelque chose de plus joyeux et plus enfantin. Je pense que cette attente m’a été induite par les illustrations de Janik Coat.

le baron perché

Que pensez-vous de ces illustrations d’ailleurs ? N’y-a-t-il pas un décalage avec le sujet de l’album ?

Pépita : Oui, complètement ! Par ces illustrations, on entre dans l’univers enfantin et on s’attend effectivement à une histoire sur les ours mais le texte est en partie en contradiction : trop explicite, trop pour « grand » et parfois très dérangeant en ce qu’il ne laisse pas libre cours à sa propre interprétation, à ce qui est dit là sur la mort, le deuil et la vie qui passe.

Sophie : C’est vrai que ces illustrations font tout de suite penser à l’univers des petits et à une histoire simple de leur quotidien. Malgré tout, plus je regarde ce livre, plus le regard des personnages laissent une sensation inquiétante, peut-être là pour avertir sur le contenu de l’histoire !

Alice : Si je re-feuillette le livre en ne tenant compte que des illustrations, je les trouvent sans âme, manquant d’expressivité.
Clairement représentatives de la technique utilisée par Janik Coat (utilisation de logiciel).
Elles ne me dérangent pas… mais n’apportent pas grand chose au texte non plus.

Colette : Comme Alice, je trouve les illustrations très représentatives du style de Janik Coat. Je ne les dirais pas sans âme mais en effet notre famille d’ours est comme figée. L’âme est ailleurs pour moi, dans la couleur, dans les formes, dans ce graphisme épuré et délicat de l’artiste. Mais comme Pépita le souligne il y a un vrai décalage entre ces illustrations et le texte si cru, si dur, presque… inapproprié !

Kik : Je suis une grande fan de Janik Coat et ces ours ne m’ont pas dérangés. Je n’ai pas senti ce décalage. Certes il existe une certaine neutralité. Côme. Quelque chose de figé mais je l’ai plutôt perçu comme des photos de famille. Vous savez comme ces portraits de famille faits chez le photographe il y a quelques décennies. Pour moi, ce livre est comme un album de famille.

Pépita : Tout comme Kik, l’univers de Janik Coat, j’entre bien dedans, le côté figé ne me dérange pas puisqu’il est effectivement renforcé par les couleurs et leurs forts contrastes. Et que de beaux albums elle a dessiné !

Bouma : Nous ne sommes donc pas toutes d’accord sur ce décalage et tant mieux puisque ma question suivante tourne autour de votre ressenti face à cette lecture.

Comment avez-vous vécu cette histoire ? Quels sentiments avez-vous ressenti une fois celle-ci terminée ?

Colette : En ce qui me concerne, le texte m’a vraiment dérangée et c’est un album que je n’ai pas eu envie de lire à mes enfants, alors que je suis vraiment absolument fan de Janik Coat comme Kik. Je trouve la thématique de la vieillesse et du cycle de la vie très importante à aborder dès le plus jeune âge mais pourquoi cette manière de numéroter les enfants de la famille au lieu de les nommer et surtout pourquoi ces intrusions de ce langage dit « des adultes » ou « des journalistes » dans un album jeunesse qui se présente comme un conte ? Ces intrusions – il me semble que le texte n’en avait pas besoin pour être clair – gâchent un peu la saveur de l’implicite propre à la lecture fictionnelle.

Kik : J’ai été surprise plutôt que gênée pour ma part. Je n’ai pas tout de suite compris où l’auteur nous emmenait. Dès la fin de la première lecture, j’ai relu l’album pour percevoir les nuances et les détails dans les illustrations.
Peu d’albums évoquent le temps qui passe de cette manière, il faut être prêt après sa lecture à un enfant à répondre à d’éventuelles questions. Pour moi, il est bon de se questionner sur la vie et la succession irrémédiable des générations.

Sophie :Comme Kik, j’ai plutôt été surprise pour finalement remarquer que je ne me retrouvais pas dans cette histoire. Il y a une structure familiale très classique mais cette succession comme si les générations ne faisait que se répéter ne me convient pas vraiment. Certes le sujet est important mais il y a une ambiance angoissante qui m’a été désagréable à la première comme aux lectures qui ont suivies.

Pépita : Je vous rejoins totalement : trop d’explications dans ce texte qui ne laissent pas la part au cheminement intérieur de chacun. J’ai été mal à l’aise à la première lecture. Je l’ai donc laissé reposer et relu. Et là, un peu d’agacement en fait. On peut parler de la mort et du deuil et du temps qui passe à travers les générations aux enfants, et je pense même qu’on peut tout aborder avec les enfants, mais pas de cette façon-là. C’est trop appuyé, trop explicatif, comme si le lecteur n’était pas capable de comprendre presque ! Et du coup, je pense que les questions de l’enfant ne peuvent plus émerger, il n’y a plus l’espace pour. Je ne l’aurais pas lu à mes enfants petits ou alors, je n’aurais pas tout lu, ce qui demande de la part de l’adulte une pré-lecture tout de même et c’est dommage.

Alice : Une lecture très distanciée pour ma part. Et je rejoins Pépita, trop de textes explicatifs et une linéarité sans surprise : ainsi va la vie …

Bouma : Moi c’est aussi cette linéarité qui m’a dérangé. Ajoutez à ça, ce non esprit de famille permanent : chacun pour sa pomme et toujours le plus fort qui se sert en premier, les enfants n’ayant que les restes… Je sais en tant qu’adulte que l’histoire est une métaphore de la vie mais je ne l’ai pas trouvée pertinente.

Au final, le recommanderiez-vous ? Pourquoi ?

Pépita : Le recommander. Je ne sais pas en fait. Ou alors avec un accompagnement, voire une mise en garde.

Sophie : J’aurais du mal à le recommander comme je n’ai pas trop accroché. Et puis même si le thème colle avec une demande, l’âge est difficile à déterminer. Les illustrations irait bien à des maternelles mais le texte est long et le contenu pas évident.

Alice : Pas tellement convaincue, j’aurais du mal à le proposer.

Colette : Au final je n’ai pas lu à mes garçons, ce qui prouve bien qu’inconsciemment je n’y ai pas trouvé de quoi nourrir leur curiosité… Dommage, j’aime tellement les dessins de Janik Coat !

Kik : Moi je le recommanderai. Un certain point de vue, à compléter avec d’autres. Il apporte quelque chose de différent.

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Et bien voilà, il ne vous reste plus qu’à trouver cet album et à vous faire votre propre avis dessus.

 

 

Lecture commune : « Le monde t’appartient »

À l’heure où la liberté, et celle d’expression en particulier, se montre comme un droit à défendre, cet album l’évoque avec douceur et poésie. Quelle meilleure façon pour vous en parler, que d’en discuter entre nous pour percevoir nos différents avis…

 Le monde t'appartient

Sophie : Avant de commencer à parler du contenu de cet album, j’aimerais savoir ce que le titre vous a inspiré ?

Alice : Wouahh un titre qui ouvre bien des perspectives et des horizons….
Un titre persuasif qui se lit comme une déclaration inéluctable.
Un titre optimiste plein de force et de promesses.

Colette : Voilà un titre très positif qui donne confiance, qui donne des ailes, qui donne envie d’observer, de s’émerveiller, de comprendre et d’avancer, parcourir, grandir au cœur de notre vaste humanité. Un titre que l’on a terriblement envie de partager avec ses enfants, comme un conseil pour les engager à aller de l’avant.

Pépita : Pour moi, c’est un titre qui entre en résonance avec mon parcours de lectrice. Lire permet d’appartenir au monde… Un titre comme une incantation toute douce et énergique à la fois comme pour prendre conscience de quelque chose d’évident et de lointain en même temps, comme respirer par exemple.  Le monde t’appartient, oui, le sais-tu vraiment que c’est à toi d’en faire quelque chose ?

Sophie : Et alors quand vous avez ouvert l’album, qu’y avez-vous trouvé ?

Pépita : Une réflexion philosophique très séduisante, à hauteur de plus grands enfants mais des illustrations un peu trop enfantines en regard de la profondeur de la réflexion. Ce décalage m’a un peu interpellée, encore plus quand je l’ai lu à haute voix à des enfants entre 8 et 11 ans, qui n’ont pas tout compris au texte à la première lecture et que les illustrations trop « bébé » n’éclairaient pas suffisamment.

Alice : A la première vue, j’ ai tourné les pages d’un album minimaliste : des illustrations simples et épurées, la plupart du temps à base de formes géométriques, et très peu de texte.
A la lecture, je rejoins Pépita, des questions et réflexions philosophiques « séduisantes ».

Colette : En ouvrant cet album, j’ai surtout été captivée par le blanc de la page, un blanc nécessaire en effet pour commencer à réfléchir à ce qu’est la liberté. Mais comme Pépita j’ai été interrogée par le décalage entre les illustrations qui référent sans cesse au monde de l’enfance, voire de la petite enfance et un sujet philosophique assez complexe.

Sophie : Des illustrations en décalage avec un contenu plutôt philosophique, des illustrations particulièrement graphiques en tout cas, vous en avez pensé quoi Pépita et Alice ?

Pépita : Le titre accroche, le texte est très bien amené dans la progression philosophique, il y a un début et une fin qui se rejoignent et l’idée est très bien déroulée, certaines illustrations sont assez symboliques aussi. C’est un album qui permet une bonne accroche en matière de philosophie.

Alice : Bien sûr, des illustrations appropriées pour les plus petits, des illustrations qui prennent leur force grâce au texte mais aussi au symbolisme qu’elles expriment. Même isolées, certaines d’entre elles peuvent se réfléchir, s’interpréter, se dicuter … Intéressant, non ?

Sophie : Revenons au texte, très court, mais comme l’a dit Pépita, pas toujours évident pour les plus jeunes. On y aborde la notion philosophique de la liberté, est-ce que vous pouvez m’en dire plus ce qu’on y met dans cet album et ce que vous en avez pensé ?

Pépita : Je l’ai trouvé particulièrement réussi ce texte car il s’attache au quotidien des enfants, à ce qu’ils peuvent vivre : petits et grands malheurs, jeux , partage…Un texte très abordable pour eux. C’est du concret donc l’adulte peut s’en saisir pour en discuter avec eux.

Alice : Oui, un texte court mais clair et réussi. A noter aussi l’emploi de la 2°personne du singulier qui interpelle directement le lecteur et l’associe à la réflexion en s’adressant directement à lui.

Sophie : Finalement, un texte assez simple pour une notion philosophique, des illustrations enfantines et graphiques mais aussi assez conceptuelles, bref un livre pour les enfants qui mérite la présence d’un adulte pour éclaircir l’ensemble. Avez-vous un dernier mot à dire sur cet album ?

Colette : Je trouve que c’est un album qui malgré la simplicité des illustrations qui évoquent de manière pertinente le monde enfantin mérite vraiment un accompagnement, c’est un album qui -d’après moi- ne peut pas exister sans un prolongement, sans une discussion entre l’adulte qui le lit et l’enfant qui l’écoute, peut-être pas pour éclaircir la notion qui nous dépasse même nous adultes mais pour la débattre tout simplement. Écouter ce que l’enfant en pense, ce qu’il en dit, ce qui l’interroge, sans juger, ni prescrire mais juste en confrontant nos définitions. Je m’intéresse beaucoup à la question du débat philosophique avec les plus jeunes, et cet album est selon moi un bon déclencheur mais qui ne peut se suffire à lui même. Ce qui en fait d’ailleurs un objet tout à fait passionnant parce qu’ouvert à autre chose qu’à l’imaginaire.

Pépita : Un album pertinent en tous cas, qui constitue une approche séduisante et subtile de la philosophie. Il implique fortement la personne qui le lit comme celle qui le reçoit. J’ai aimé son côté très concret sans tomber dans le fait d’asséner des vérités toutes faites. Un album sur la liberté au sens large qui laisse une grande liberté. C’est suffisamment rare pour le souligner. Une réussite. Je regrette seulement le côté trop enfantin des illustrations qui sont en trop grand décalage avec le discours très profond. Cependant, leur côté figuratif équilibre bien et s’accorde avec le texte. Effectivement, il nécessite un accompagnement et constitue un excellent point de départ pour aborder la philosophie avec des enfants, mais de mon point de vue, pas avant 8 ans.

Retrouvez les avis complets de Alice, Pépita, Colette et Sophie.

Pour poursuivre la réflexion philosophique, voilà un excellent documentaire qui explique de nombreuses notions simplement : Les P’tits philosophes de Sophie Furlaud et Jean-Charles Pettier, Dorothée de Monfreid et Soledad Bravi.

Si on faisait un caprice ?

Caprices , C’est fini !

de Pierre DELYE chez  Didier jeunesse
Un premier roman pour ce conteur…

 Un beau mélange de conte aux codes bien bousculés et de thèmes actuels bien épinglés, et quelle rigolade et régalade ! 

On est plusieurs à l’avoir lu quasiment en même temps.

En voici la lecture commune !

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Pépita : Il s’agit là du premier roman de Pierre Delye. Le connaissiez-vous ?

Kik : Le nom de cet auteur m’était complètement inconnu avant de lire ce roman.

Nathan : Tout comme Kik, je l’ai connu et ai appris ce qu’il avait fait avant seulement au moment où la communication autour du roman a commencé !

Bouma : Je venais juste de lire un de ses derniers albums Ferme ton bec, qui ne m’avait pas du tout convaincu. Pourtant, il est aussi l’auteur du presque classique Le Petit Bonhomme des Bois, alors je voulais tenter sa prose en roman.

Ferme ton bec !Le p'tit bonhomme des bois

Céline : Je connaissais La grosse faim du petit bonhommeLes aventures de P’tit Bonhomme et La Petite Poule rousse, dont mes papooses et moi sommes assez fan !

La grosse faim de P'tit BonhommeLa petite poule rousseLes aventures de P'tit Bonhomme  avec 1 CD audio

Pépita : Je vois qu’il y a des connaisseurs ! Bien sûr, je pense que le clin d’œil du titre ne vous a pas échappé non plus ! A quoi vous vous attendiez comme histoire par rapport à ce titre et à cette couverture au logo flashy et tonique ?

Céline : Personnellement, je n’ai pas trop aimé le titre (j’ai vraiment un problème avec les jeux de mots faciles). Du coup, je m’attendais à une comédie un peu facile justement, et c’est un peu comme ça que ça commence, sauf que le récit se développe vraiment de façon intéressante et inattendue, et que si le côté caricatural est bien là, il y a je trouve, une certaine finesse dans l’écriture que je n’attendais pas forcément.

Nathan : Je ne connaissais pas la chanson, c’est ma mère qui a saisi le jeu de mots … ! Mais avec cette couverture et la communication qui en avait été faite, je m’attendais à une histoire déjantée qui revisiterait le monde des contes avec un regard neuf et plein de fraîcheur ! C’est vrai qu’au début, comme Céline, j’ai été dérouté parce que justement ça partait un peu trop dans tous les sens … mais finalement, il s’est révélé plus profond que prévu.

Bouma : Le clin d’œil du titre parle finalement plus aux parents des enfants auxquels est destiné le roman à ce que je vois !
Pour la couverture, j’en ai aimé le ton flashy et le graphisme. Retrouver la patte d’Albertine était aussi une bonne surprise.

Pépita : Alors, comme je vois que vous n’y tenez plus, un petit résumé de l’histoire ?

Bouma : C’est l’histoire d’un père, un roi, qui ne supporte plus les caprices de sa fille de princesse et qui décide de la marier pour refiler le bébé (excusez l’expression) à un autre…

Céline : Et la princesse capricieuse imposant une condition éliminatoire, la sélection est rude… et le vainqueur n’étant pas à son goût, ni à celui du roi, des épreuves insurmontables lui sont imposées… mais le prétendant a plus d’un tour dans son sac !

Pépita : Comme vous le soulignez, Pierre Delye a une façon bien originale de traiter cette histoire à première vue classique. Beaucoup de modernité dans son approche. Comment l’avez-vous perçue ?

Bouma : En ce qui me concerne, le début de ce roman m’a irrémédiablement fait penser à La Princesse élastique de Bernard Friot, un petit roman que j’adore et que je prends beaucoup de plaisir à raconter. Il y est aussi question de princesse refusant de se marier et de père autoritaire. J’ai donc eu du mal à rentrer dans ce texte mais une fois cette première impression dépassée, j’ai été très intriguée par le décalage entre les codes du conte classique (roi et princesse, épreuve de courage, mariage princier…) et les questions de société qui y étaient associées (richesse/pauvreté, politique…).

Kik : Lors de ma lecture, j’ai perçu ce décalage, c’est ce qui m’a plu d’ailleurs. Une histoire classique avec un je-ne-sais-quoi de dépoussiéré et dans l’air du temps. C’est subtil, c’est discret, mais c’est comme ça que je l’ai apprécié. Des références aux enfants-rois, cette nouvelle génération d’enfants qui font ce qu’ils veulent quand ils veulent, à cette princesse aux allures féministes, au décalage richesse/pauvreté…

Nathan : Personnellement j’ai eu du mal au début, j’ai trouvé que cette modernité était traitée de façon un peu brouillon : un ton léger et impertinent mais trop enlevé et des personnages un peu volatiles, mal ancrés dans l’histoire. Puis, ils sont réellement approfondis et l’auteur va au-delà des codes classiques du conte pour s’attarder sur leur psychologie, leur évolution et c’est sans doute là, il me semble, qu’il est le plus moderne.

Pépita : Tout comme vous, j’ai été très séduite par ce mélange de conte classique et de modernité dans les thématiques actuelles. Pensez-vous que ce mélange puisse séduire les enfants ? Dites pourquoi.

Céline  : Oui, tout à fait, tout simplement parce qu’on se laisse emporter dans ce récit drôle et virevoltant, sans vraiment se poser plus de questions. La thématique des disparités sociales n’est quand même pas une nouveauté. Pour reprendre l’expression de Kik, il y a en effet « un je-ne-sais-quoi de dépoussiéré », ce qui en fait un récit atemporel et incroyablement vivant, avec des personnages hauts en couleurs. Oui, un plaisir de lecture à tous les âges (même si effectivement, la longueur pourrait intimider les plus jeunes des lecteurs).

Bouma : C’est une thématique très porteuse je trouve ce mélange de conte et de modernité. Les jeunes lecteurs que je côtoie aiment vraiment ce genre avec Cendorine contre les dragons ou Les Sœurs Grimm par exemple.

Nathan : Je suis d’accord avec vous toutes. Je ne suis pas sûr d’être le mieux placé pour savoir ce qui séduira les enfants ou non, mais je pense qu’ils aiment bien être capables de retrouver des références à leur hauteur dans un texte et de les voir détournées et moquées !

Pépita : Qu’avez-vous pensé des illustrations ?

Céline  : Elles sont parfaites ! Justement, elles apportent cette touche de grâce burlesque dont Albertine a le secret (J’adoOOOre !). Elles habillent parfaitement le texte, tout à fait dans le même registre, et avec ce regard tout à fait décalé. Je sais que les auteurs n’ont pas forcément leur mot à dire quant aux illustrations de leurs textes. Je ne sais pas comment ça s’est passé chez Didier jeunesse, mais en l’occurrence ça me parait être un excellent choix éditorial.

Bouma : Exactement du même avis que Céline.

Pépita : Les illustrations apportent en effet juste ce qu’il faut de légèreté et d’impertinence. Un côté désuet et moderne, tout comme le texte. Et elles sont très bien placées en regard de ce texte, ce qui relève d’un vrai travail éditorial. Une réussite !

Pépita : J’aimerais, pour finir, revenir vers le public cible de ce roman : bien que très aéré, j’ai peur que la grosseur du livre ne le desserve un peu. L’avez-vous aussi perçu comme tel ?

Nathan : Il y a des lecteurs gourmands, et Didier jeunesse a tendance, il me semble, à se mettre à leur hauteur avec de beaux objets et des textes à dévorer, regardez JONAH !

Bouma : Honnêtement je ne pense pas que le nombre de pages rebutent les lecteurs qui auraient envie de le lire. Comme tu le dis, le texte est aéré et les illustrations apportent une légèreté à l’ensemble. Je pense que ce texte pourrait au contraire permettre à des « petits lecteurs » (dans le sens pas habitués aux gros pavés) de passer à des choses plus consistantes.

Pépita : Les enfants sont très sensibles à la grosseur du livre et ils s’arrêtent souvent à ça avec tort d’ailleurs (comme la couverture aussi). Je suis d’accord avec toi Bouma sur le fond mais quand même : les plus grands lecteurs iront vers ce type de romans sans problème mais les moins dévoreurs, sans intermédiaire, je ne pense pas. C’est ce que je constate tous les jours.

Un petit mot de la fin pour chacun sur cette lecture qui nous a unanimement plu ?

Kik : Une princesse qui fait des caprices, c’est commun, mais une princesse qui se fait avoir, c’est plus original. Un conte contourné, modernisé, avec une princesse à marier, un vieux roi, et un jeune homme sans peur prêt à affronter toutes les épreuves, mais en nettement plus drôle.

Bouma : Un roman dans l’air du temps…

Nathan : Un conte déformé pour trouver le chemin de l’humain au fond de ses personnages.

Pépita : Une histoire pleine de pep’s et de vérités bien assénées qui a beaucoup plu aussi à mes filles ados !

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Pour aller plus loin…

-La chronique de Nathan

-La chronique de Céline-Le tiroir à histoires

-La chronique de Bouma

-La chronique de Pépita

**BONUS**

Lundi Pierre Delye était l’invité du journal télévisé de France 3 pour son roman « Caprices? C’est fini! », coup de coeur de la rédaction. Si vous l’avez raté, (et Pierre, et le roman) il est encore temps de le découvrir…

Posted by DIDIER JEUNESSE on mercredi 13 mai 2015 :

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Les albums de Fanny Ducassé

Fanny DUCASSE est une nouvelle auteure et illustratrice d’albums jeunesse, publiés chez Thierry Magnier, qui ne nous ont pas laissé indifférents.

C’est toujours émouvant d’assister à l’émergence d’un nouveau talent.

©Méli-Mélo de livres

Elle vient de remporter pour son album « Louve » le prix du premier album Sorcières.

Nous nous sommes donc penchés sur son univers et elle a aussi gentiment accepté de répondre à nos questions et nous la remercions.

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Pépita : Fanny Ducassé est une toute nouvelle illustratrice qui pour l’instant a publié deux petits albums chez Thierry Magnier.
Quelle a été votre première « rencontre » avec son univers ? Quelle a été votre toute première impression en le découvrant ? 

Colette : J’ai poussé la porte de l’univers de Fanny Ducassé en flânant sur le blog de Céline du Tiroir à histoires, j’ai beaucoup aimé l’expression « talent insolent » pour parler de ses images dans l’album Louve. Alors j’en ai parlé à mon loup à moi et à Noël, il l’avait glissé sous notre sapin ! Et j’ai adoré ses illustrations qui ont de suite évoqué pour moi l’univers de Klimt (tableau comme Wasserschlangen : On y retrouve la rousseur, et tous ces motifs qui parcourent aussi l’oeuvre de Fanny Ducassé, en moins abstraits mais tout de même ) par l’abondance de motifs et en même temps celui des préraphaélites à travers son personnage féminin (qui me rappelle la Lilith de Rossetti ou la Lady of Shalott de Waterhouse) . La chevelure féminine est vraiment mise à l’honneur dans les albums de Fanny Ducassé et j’adore cette thématique.

Céline du Tiroir : Je suis heureuse Colette de t’avoir donné envie de le découvrir ! Louve a vraiment été un choc esthétique ! Oui, son univers m’a aussi immédiatement rappelée Klimt, The Lady of Shalott, tout à fait. Et j’ai vraiment été charmée par ses motifs végétaux, ce côté enluminure, ce travail d’orfèvre ! Et puis cette histoire de femme un peu sauvage qui se révèle en trouvant celui qui parvient à la faire exprimer ses sentiments, ça m’a beaucoup émue.

Bouma : Moi, j’ai découvert Fanny Ducassé avec la présentation de la rentrée littéraire 2014 à Paris par Thierry Magnier. Il n’y avait alors que quelques illustrations et un petit résumé mais ces petits morceaux d’albums m’avaient déjà donné envie de voir le livre dans son entier. Pour les références aux peintres, je n’y vois pas Klimt, et découvre avec vous The Lady of Shalott, et effectivement il y a quelque chose…

Carole : Comme Bouma, j’étais à la présentation et les quelques planches découvertes ce jour-là m’ont complètement séduite ! J’avais donc hâte de le découvrir en intégralité. Et le titre ! J’aime les louves.

Sophie : J’ai découvert ces albums au milieu des nouveautés de Thierry Magnier et bien que le style de la couverture de « Louve » ne semblait pas trop me correspondre, j’ai eu envie de découvrir cette toute jeune artiste qualifiée de prometteuse par l’éditeur.
En ouvrant « Louve » et plus tard  » De la tarte au citron… », je ne peux pas dire que j’ai été emballée au premier regard. J’étais admirative du style d’illustrations très minutieux mais les couleurs et le texte très proche du conte ont mis du temps avant de me plaire. Car oui, après plusieurs relectures motivées par nos échanges et vos articles sur « Louve », un peu d’épluchage des images et du texte, je peux maintenant dire que j’apprécie mais j’ai eu besoin de digérer ce style totalement original.

Pépita : Pour en dire un peu plus sur ces deux albums : Louve est sorti en premier alors que chronologiquement, De la Tarte au citron, du thé et des étoiles est le premier album de l’auteure-illustratrice. 
Un petit aperçu de chacun s’impose : pouvez-vous les résumer en essayant de compléter vos réponses ?

Colette : Louve est une femme, une femme passionnée qui couve ses petits d’un amour brûlant. Louve est une femme ardente : quand elle brûle d’amour pour quelqu’un c’est son corps tout entier qui la trahit ! Alors quand elle rencontre un homme-loup, sobre, élégant, attentionné elle ne peut que s’enflammer…

Carole : J’ajoute que Louve vit dans la forêt, une forêt d’automne semble-t-il, aux couleurs chatoyantes et chaudes. Et comme les louves, elle protège et chérit sa tribu d’animaux de feu, les renards, roux comme sa chevelure.

Céline du Tiroir : De la tarte au citron, du thé et des étoiles : C’est l’histoire d’une lectrice d’histoires (à dormir debout), qui un jour s’évade dans une histoire … (à dormir debout, elle aussi !). Une ode à l’imagination… et aux histoires évidemment !

Sophie : De La tarte au citron, du thé  et des étoiles pour suivre Céline : C’est un rêve éveillé ! Un univers onirique dans lequel on plonge sans savoir où l’on va. Tout ça grâce à un petit magicien qui voyage sur une météorite et qui va croiser le chemin de Mustella… qui adore vraiment les histoires à dormir debout !

Pépita : Un univers graphique en effet semblable mais deux histoires différentes mais néanmoins avec un point commun : un personnage principal dans le tourbillon de ses émotions. Mais on est toujours plus sensible à une histoire qu’à une autre. Laquelle vous a le plus touchée et pour quelles raisons ?

Céline du Tiroir : Moi j’ai préféré Louve, comme Colette, mais les deux albums ont chacun leur charme, et sont très différents au delà des similitudes graphiques, et ça m’a plu. Louve m’avait émerveillée et émue : plus sombre, plus profond, plus symbolique aussi. Mais j’aime aussi la légèreté du second, son côté gourmand et ensoleillé.

Pépita : Je préfère De la tarte au citron, du thé et des étoiles. Je n’ai pas accroché au texte de Louve à tel point que je ne connais pas la fin de l’histoire, pas eu envie de le finir… Les illustrations oui ça me transporte par contre. J’aime leur côté désuet et cette profusion de détails si bien qu’il n’y a plus de blanc du tout sur aucune des pages ! Curieusement ce plein me vide la tête et me happe si bien que l’histoire devient secondaire du coup. J’ai particulièrement aimé ce côté très imaginaire de l’enfance de De la tarte au citron, du thé et des étoiles. J’ai aimé suivre ce cheminement, me laisser porter sans réfléchir.

Bouma : Ma préférence va à Louve. J’ai définitivement été touchée par la grâce de ce personnage. Quand j’ai lu cet album, le temps s’est mis entre parenthèse, j’ai été emportée dans cette forêt automnale, je suis redevenue enfant. J’ai aussi aimé De la tarte, du citron… mais j’ai moins été subjuguée… Je ne saurais dire vraiment pourquoi. Je trouve que cela tient plus du ressenti que de l’analyse.

SophieContrairement à la majorité je crois, c’est la seconde qui m’a le plus touchée De la tarte au citron, du thé et des étoiles. J’ai préféré cet univers un peu déjanté, plus coloré aussi. C’est une histoire dont j’ai aimé ce côté « on y va, on sait pas où mais on y va », un peu comme l’imaginaire enfantin capable de partir dans des délires surprenants. Même si « Louve » m’a plu pour son côté conte moderne, peut-être que c’était encore un peu trop conte pour moi qui ai du mal avec ce genre.

Colette : Quant à moi, c’est le personnage de Louve qui m’a le plus touchée parce qu’elle cristallise tout ce qui me fascine chez la femme passionnée : le feu, la bienveillance permanente à l’égard des siens, la petite robe noire et la chevelure flamboyante ! Je trouve que ce personnage de femme est à la fois un archétype et un OVNI dans la littérature jeunesse. Pour une fois voilà l’histoire d’une femme qui n’est pas qu’une mère -même si elle l’est mais de façon tellement étrange !- qui n’est pas une princesse, qui ne renie pas sa féminité pour exister, qui assume son côté sauvage et qui tombe sous le charme de son autre sans se poser 10 milliards de questions : une grande leçon de sagesse pour moi qui suis si compliquée  Je pourrais en parle des heures de ce personnage en fait alors que les personnages de De la Tarte au citron, du thé et des étoiles me semblent beaucoup moins profonds et puis j’avoue que le prénom « Mustella » m’a rappelé une marque de produits de soin pour bébé et c’est vraiment bête mais cela a parasité ma lecture du début à la fin.

Carole : Pour ma part, chacune des histoires est venue titiller différentes choses. Difficile de choisir ! Alors disons que De la tarte au citron, du thé et des étoiles m’a davantage faite rêver et sourire, et soupirer de surprise ! J’ai aimé l’idée du cheminement à plusieurs, le partage, les différents décors, et puis il y a des étoiles, alors forcément !

Pépita : Des avis partagés mais motivés donc ! Comme vous l’avez toutes si bien souligné dans vos réponses précédentes, les illustrations de ces albums ne laissent pas du tout indifférents. Vous évoquez les couleurs et la minutie des détails, un univers onirique particulier. Qu’auriez-vous à dire sur le format de ces petits livres ? Un plus, un moins ?

Céline du Tiroir : Beaucoup apprécié le joli album carré qu’est Louve, avec ses dessins imprimés en taille réelle, un bel écrin aux couleurs automnales. En revanche, le format de De la tarte au citron… m’a gênée. Certes, le format « livret de famille » donne un côté petit objet précieux, mais du coup ce sont les illustrations qui ne sont pas mises en valeur ! Les planches sont souvent coupées en deux, ce qui pose parfois problème. J’ai vraiment regretté de ne pas pouvoir profiter des planches en entier.

Colette : Je suis complètement d’accord avec Céline, j’aime beaucoup le format carré de Louve, quant au format du deuxième album en effet il ne permet pas toujours de mettre en valeur les illustrations, même s’il est très original pour un album, il me rappelle le joli format des romans d’Actes Sud.

Sophie : Je rejoins les réponses précédentes, pas de soucis avec Louve et son format carré. Par contre c’est vrai que j’ai été surprise du format de De la tarte au citron, du thé et des étoiles, en ayant vu la photo de la couverture, je m’étais imaginé un grand livre tout en hauteur et en fait il est petit. Je pense en effet que les illustrations auraient gagné à être plus grandes et la prise en main aurait aussi été meilleure.

Bouma : Moi j’ai bien aimé le petit format dans les deux livres. Pour le deuxième (De la tarte au citron…) j’ai trouvé que la reliure tombait plutôt joliment même dans les illustrations en double page. Et puis, le côté écrin m’a définitivement séduite.

Carole : Pour le coup, le format de Louve m’a surprise et un peu déçue je crois. En revanche, je suis fan du format du second. Je lui trouve un côté précieux indéniable, j’adore le grain de la couverture, il est posé debout sur ma bibliothèque, comme un trésor !

Pépita : Juste un mot pour finir sur ces deux albums et sur ce qu’ils vous ont procuré ?

Colette : Je ne sais pas ce que ces albums vont procurer aux enfants. A la maison, ce ne sont pas des albums plébiscités par mon Grand-Pilote-de-Balançoire (trop jeune sans doute ?) mais je n’ai pas eu l’occasion de les lire à d’autres enfants. Peut-être vais-je essayer lors de mon prochain « p’tit déj’ philosophique » de le montrer à mes élèves de 6e, pour voir ce qu’ils provoquent chez des plus grands ! Mais je pense que ces deux albums permettent un vrai moment de poésie pour qui se laisse emporter par l’univers délicat, foisonnant et coloré de Fanny Ducassé !

Bouma : Je rejoins Colette dans son avis. Mon grand bout n’a pas adhéré à l’univers graphique de l’auteur par contre il a beaucoup aimé l’histoire, et l’aurait même aimé un plus longue.En tout cas, pour moi, Fanny Ducassé est une auteure ET une illustratrice à suivre à l’avenir, en espérant que toute sa production soit aussi inventive que ses deux premiers albums.

Céline du Tiroir : Moi ma grande papoose a beaucoup aimé, avec une nette préférence pour De la tarte au citron, du thé et des étoiles. Difficile de prévoir ce que suscitera une lecture chez les autres, mais ce sera en tout cas une un voyage dans l’imaginaire et une évasion dans un univers graphique riche et merveilleux.

Sophie : Même si la première lecture n’a pas été évidente pour moi et que je n’ai pas accroché tout de suite, avec du recul, c’est un univers que j’aime beaucoup et que je compte bien tester sur de petits lecteurs un de ces jours !

Carole : Fanny Ducassé a un univers graphique particulièrement joli, sensible et original. La minutie des détails invite à la relecture avec plaisir, et les objets-livres sont beaux. J’aime aussi l’utilisation des mots. Je serai curieuse de savoir si elle compte travailler dans le futur avec un/une auteur(e), ou si elle souhaite continuer à illustrer et écrire.

Pépita : Je vous rejoins :  je trouve que cette illustratrice est à encourager car de mon point de vue, elle peut aller plus loin encore….J’ai aimé son univers graphique qui emmène loin avec subtilité et humilité.

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BONUS : Interview de l’auteure ET illustratrice

Fanny DUCASSE

Source : Site Editions Thierry Magnier

Fanny Ducassé est née en 1986.
Elle suit des études de Lettres modernes jusqu’à l’obtention d’une licence. Bien qu’elle s’épanouisse dans ce domaine, elle éprouve le besoin d’exercer son goût pour le dessin, et pour le vêtement. Aussi entame-t-elle des études de stylisme-modelisme à la Chambre syndicale de la Couture parisienne.
Elle y développe un attrait certain pour l’illustration et pour l’univers de l’enfance. Peu à peu, ses dessins isolés représentant de petit  personnages se transforment en une première histoire biscornue. Source : Site Editions Thierry Magnier

Quel est votre parcours, votre formation ? Et pourquoi et comment êtes-vous venue à la littérature jeunesse ?

Après le bac, j’ai fait une Licence de Lettres modernes, puis j’ai suivi une formation de Styliste Modéliste à l’école de la Chambre syndicale de la Couture parisienne.

Au fil de ces études, j’ai développé un intérêt certain pour l’univers de l’enfant, j’ai recherché des postes de styliste dans ce domaine sans grand résultat. Parallèlement, je donnais des cours particuliers de français, et dessinais de plus en plus. Mes images devenaient de plus en plus narratives (de moins en moins « dessins de mode »), et à partir de l’une d’elles j’ai décider de construire une petite histoire, ce qui a donné Du thé, de la tarte au citron et des étoiles. Cette aventure m’a tellement plu que j’ai recommencé avec Louve.

Combien de temps la réalisation d’une illustration vous prend-t-elle ? Et comment vous viennent ces idées pour ses histoires ?

Je dessine pour le moment sur des petits formats (environ 20X20 cm), et mets un ou deux jours à  terminer une image. Les histoires que j’imagine sont intimement liées à la mienne. C’est très personnel et je m’identifie totalement à mes personnages principaux.

Quels sont les artistes qui vous inspirent ou les objets peut-être (votre travail est riche en motifs alors peut-être vous inspirez-vous de tissus, de la mode, du design ?)

Je ne m’inspire pas d’artistes en particulier. Mes inspirations viennent plutôt d’objets ou de motifs que j’ai pu voir chez mes grands-parents. J’ai une affection particulière pour les intérieurs au décor désuet ou carrément kitch. Et sûrement de la campagne qui m’environnait quand j’étais petite.

Comment vivez-vous ce début de cette carrière ? Avez-vous d’autres projets en cours ?

Je suis très surprise que mes petits dessins aient pu être publiés et faire des livres ! Je n’aurais jamais pu imaginer une chose pareille et n’en reviens toujours pas. Je suis donc partagée entre une joie vive et un sentiment d’incompréhension.

Un autre projet est prévu pour début 2016 à priori : Une histoires d’ours et de grands-papis.

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Pour poursuivre, nos billets respectifs sur nos blogs :

-Bouma-Un petit bout de Bib(liothèque) : Louve – Du thé , de la tarte au citron et des étoiles

-Céline-Le tiroir à histoires : Louve – De la tarte au cirtron, du thé et des étoiles

-Pépita-Méli-Mélo de livres : De la tarte au citron, du thé et des étoiles

-Sophie-La littérature de jeunesse de Judith et Sophie : Louve – De la tarte au citron, du thé et des étoiles

-Carole-3 étoiles : Louve

Colette-le blog de la collectionneuse de papillons

Qui donc ? Le merveilleux-dodu-velu- petit de Béatrice Alemagna

 Parce que rien n’arrête les enfants,

Parce que tout est possible quand on à 5 ans et un peu d’imagination,

Béatrice Alemagna nous offre un album coloré et poétique, dont nous sommes tombées sous le charme.

Un album magique que nous avons voulu partager avec vous .

Alice, Pépita, Chlop, Colette et Sophie.

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« C’est mieux que les petits enfants vivent une vie ordonnée. Notamment s’ils peuvent l’ordonner eux-mêmes « .

Fifi Brindacierdodu

  Bande annonce du Merveilleux dodu-velu-petit :  ici

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Alice : Vous avez cet album dans vos mains, vous le tournez, le retournez, le regardez, l’observez…. Quelle est votre première impression ? Que vous inspire -t-il sans l’avoir ouvert?

Sophie : Quel joli bazar ! Parce que c’est un peu ça cette vitrine. Mais moi,  étant très curieuse, j’avais bien envie de passer la porte. Et puis ce titre, ça donne envie d’en savoir plus.

Chlop : Avant même de l’avoir en main, quand je sais que je vais lire un album de Béatrice Alemagna, je suis déjà de bonne humeur. Pour l’instant elle ne m’a jamais déçue ! Là, le format, le grain du papier, le petit côté désuet du bric-à-brac dans la vitrine qui contraste avec ce rose fluo a piqué ma curiosité. Même contraste dans la typo du titre d’ailleurs, serons-nous dans un album suranné ou très moderne ? Il fallait que je l’ouvre pour en savoir plus.

Colette : Quant à moi, dès que Pépita nous en a parlé, c’est le titre de cet album qui m’a intriguée : le merveilleux dodu-velu-petit… Mais qu’est-ce que c’est « un merveilleux dodu-velu-petit » ? Moi qui adore les mots composés farfelus, j’avoue que celui-là me laissait perplexe. Et puis quand j’ai eu le livre entre les mains mercredi, je me suis d’abord dit que j’avais de la chance car j’étais la première lectrice de la médiathèque a pouvoir l’emporter à la maison  et puis j’ai adoré le bric-à-brac de la boutique de couverture parce que c’est totalement mon univers (cf. Le magasin zinzin de F. Clément ou les valises-collections de Mr Perle). Et puis j’ai craqué pour la bouille échevelée de l’enfant assis sur les marches de cette étrange boutique. Il me fallait donc franchir le seuil de ce lieu insolite…

Pépita : Tout comme vous ! Mais c’est le titre d’abord qui m’a beaucoup plu…Mon côté nounours à serrer dans ses bras. J’en savais un peu plus sur le contenu puisque j’ai rencontré Béatrice Alemagna à Montreuil pour Petit grand Boubo et le dodu-velu-petit venait juste de sortir, elle avait la peluche avec elle et elle est craquante ! Et cette couverture en effet : pas de décalage avec le contenu en plus, elle traduit bien l’univers désuet et charmant de l’histoire. Avez-vous essayé de mettre l’album à plat, côté couverture ? C’est chouette !

Alice : C’est vrai, tout interpelle sur cette couverture : le titre, les couleurs, le fourmillement de détails… Tout un panel de contrastes !
Allons un peu plus loin et découvrons de plus prés l’histoire de cette petite fille au manteau rose fluo. Qui se lance dans un petit résumé de l’histoire ?

dodu1Pépita : Il semblerait que la petite héroïne de l’histoire, Edith (Eddie pour les intimes), cinq ans et demi, développe un petit complexe d’infériorité…Dans son entourage proche, ils savent en faire des choses, pense-t-elle ! Mais un matin, il semblerait que le destin lui lance un appel à travers ces mots : « anniversaire-maman-dodu-velu-petit ». Ni une, ni deux, habillée de son petit manteau rose fluo, elle part à la recherche dans son quartier de ce machin chose bien farfelu. Un petit point rose à suivre alors dans cette quête déterminée et ô combien symbolique.

Alice : Tout est dit ! Je rebondirai bien sur les deux mots employés par  Pépita : une quête « déterminée » et « symbolique » ? Pourquoi ces deux qualificatifs ? Chlop, Sophie, Colette auriez-vous employé les mêmes ?

Sophie : Pas sûre que ce soit ces mots qui me seraient venus pour qualifier cette histoire mais c’est bien adapté en effet. Eddie ne se laisse pas désarçoner par les échecs et persévère pour trouver ce dodu-velu-petit dont elle-même ignore tout.

Chlop : Déterminée, sans aucun doute. Cette détermination tranquille dont fait preuve dodu2la petite Eddie est d’ailleurs touchante, je retrouve bien là un trait de l’enfance, cette capacité à essayer encore quand on n’y arrive pas du premier coup.
Symbolique, ça vient plus tard, quand on a refermé l’album peut être. On se dit alors en effet qu’il s’agit pour Edith à la fois de satisfaire sa mère et de (se) prouver qu’elle aussi à un talent, comme les autres membres de la famille.

Colette : Déterminée, non je n’aurais pas choisi cet adjectif. Le hasard a vraiment un rôle fondamental dans la quête d’Eddie qui avance selon moi « au petit bonheur la chance » (une expression presque aussi jolie que le titre de cet album, non ?). Par contre, symbolique en effet, une fois le livre refermé, on peut le relire comme un conte dont il possède la trame, et tous les objets que grapillent Eddie au fur et à mesure de sa quête sont autant d’objets magiques tels ceux qu’utilisera la petite fille dans le conte de Baba Yaga pour surmonter les obstacles que la vieille sorcière mettra sur sa route.

Alice Symbolique aussi cette quête du cadeau idéal. Ce petit rien dont on sait à coup sûr qu’il fera plaisir au destinataire, même s’il n’a pas de haute valeur aux yeux des autres. Et pourtant ! Entre celui qui offre et celui qui reçoit, ce cadeau représente tellement d’amour et d’intérêt mutuel !!!
Vous ne trouvez pas ?

Colette : Une bille, un gland, un caillou, une fleur, combien de fois les enfants savent nous gâter avec un rien. Un rien qui symbolise en effet les sentiments qui nous relient si fort. Mais ce qui est original ici c’est que ce n’est rien de tout « ce petit bazar enfantin » qu’Eddie offre à sa mère mais carrément un merveilleux-dodu velu-petit et ça c’est vraiment extraordinaire et c’est ce qui fait d’Eddie une véritable petite héroïne !

Alice : Oui, c’est vrai que nous sommes en plein cœur de l’univers enfantin comme le soulignent Chlop et Colette. Ce qui m’amène logiquement à parler des illustrations de Béatrice Alemagna. Je trouve qu’elles renforcent complètement cet univers : le gras du crayon, le trait parfois de guinguois, la colorisation, … on plonge directement dans un monde merveilleux proche de l’imaginaire. Parlez-moi un peu de votre approche, de votre ressenti face à ces tableaux uniques qui nous étonnent à chaque page tournée…

dodu4Colette : Par rapport aux autres albums de Béatrice Allemagna que j’ai pu lire, je trouve que celui-là présente des illustrations très riches, qui fourmillent de détails : les vitrines de la boulangerie, de la modiste, de la fleuriste abondent. On sent une réelle gourmandise de l’artiste à représenter cet univers un peu désuet des magasins de quartier. En mélangeant différentes techniques, Béatrice Allemagna se livre non seulement à une subtile narration par l’image mais à un jubilatoire exercice artistique. J’adore tout particulièrement les collages que l’on retrouve de ci-delà et qui évoquent pour moi les exercices dadaïstes auxquels j’aimais tout particulièrement me livrer adolescente ! Et puis le choix des couleurs, quand même, là aussi on est dans la gourmandise et presque dans la provocation avec ce rose fluo qui jalonne tout l’album et qui contraste avec les autres teintes plus classiques. Quant à l’alternance des plans généraux dont j’ai déjà souligné la profusion de détails et les plans moyens qui permettent de magnifiques portraits d’Eddie, elle donne à l’album un rythme équilibré qui ne peut qu’entraîner le lecteur.

Alice : Une analyse très pointue et assez exacte. J’aime beaucoup l’emploi du mot « gourmandise ».
Et nos autres copinautes, que rajouteraient-elles ? Sophie, Chlop, Pépita ?

Pépita : Les visages représentés par l’illustratrice sur certains de ses albums peuvent surprendre…mais là, pas du tout : on est dans un quartier au charme désuet, avec ses commerçants bien identifiés dans leur métier, comme dans un autre temps. Et puis, l’image qui met le lecteur en position de hauteur pour suivre les pérégrinations de la petite héroïne m’a beaucoup plu : on suit ce petit point rose, on pourrait presque la suivre du doigt et même avoir envie d’en faire une maquette…Et puis cette boule rose de dodu-velu-petit,  je craque ! Rose lui aussi…comme s’il faisait partie de la petite fille ou sorti d’elle-même ? Il y a de la vie, de la générosité à la pelle dans cet album que rendent très bien ces couleurs soutenues et chaudes. Une merveille pour les yeux !

Sophie : En général, les illustrations de Béatrice Alemagna, ce n’est pas le genredodu5 qui attire mon œil au premier regard mais je finis toujours pas les lire. Je crois que j’ai une certaine curiosité pour son univers même si ça ne colle pas toujours à l’esthétique que j’aime habituellement. Dans cet album en particulier, j’ai aimé ce côté bric à brac bien rempli des vitrines. Ça m’a rappelé ces magasins où j’ai envie de tout acheter ou tout offrir sauf que quand j’ai justement besoin d’un cadeau, je ne sais plus quoi prendre !

Chlop  : Il y a quelque chose de  désuet dans les images comme dans l’histoire. Les rues pavées, les enseignes écrites en cursive, les maisons à colombage. On a envie de toucher et même de sentir, chaque boutique semble dégager une ambiance, une odeur qui lui est propre. Alors, effectivement, ce rose fluo, qu’on retrouve à chaque page, il tranche. Il tranche sans être  brutal, il trouve sa place, c’est étonnant.

Alice : Dans vos réponses, ressort l’opposition entre le charme désuet et le rose flashy. Alors finalement, ce Merveilleux-dodu-velu-petit, un album suranné ou bien relativement moderne ?

Colette : Je dirai qu’il a les deux qualités nécessaires à toutes les œuvres artistiques de qualité : c’est un récit intemporel et universel ! Parce qu’il suit cette structure si particulière de la quête initiatique et du conte et parce que les valeurs transmises par son personnage principal sont des valeurs profondément humaines que je souhaiterais résolument modernes même si là en effet j’ai un doute face à cette montée de l’individualisme qui caractérise tant notre époque.

Pépita : Cet album touche par ce qu’il a d’universel en effet et d’intime à la fois car quel plus merveilleux message d’amour que ce qu’il nous livre ? Ce dodu-velu-petit symbolise la recherche du cadeau idéal, faire plaisir à celui ou celle qu’on aime par-dessous tout. Peu importe l’objet (d’ailleurs la maman en fait un multiple usage), c’est l’intention qui compte. Alors oui suranné et moderne à la fois car j’ose espérer que cela, nous ne le perdrons pas.

Chlop : Ni l’un ni l’autre, ou alors les deux à la fois, un album qui ne rentre pas dans les cases en somme, ce qui est toujours une qualité.

Sophie : Une chose que j’ai aussi trouvé très réussie, c’est ce mélange d’ancien avec la vitrine de l’antiquaire et plus généralement avec des couleurs un peu sombres et le manteau d’Eddie rose flashy. Ça ne me semble pas rendre l’album suranné mais plutôt assez original quand la tendance actuelle est aux couleurs vives pas toujours bien mariées.

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Alice : Alors ce dodu-velu-petit, une merveille, non ?

Chlop : J’ajouterais juste que Béatrice Alemagna créé une double attente. on se demande pendant tout l’album si Eddie va trouver le merveilleux doudou-velu-petit mais on se demande aussi à quoi il ressemblera si elle y parvient. Et la surprise est au rendez-vous, alors même que pendant tout le livre l’élément clef est montré en permanence. Je reviens alors sur l’adjectif symbolique :le cadeau idéal pour la mère d’Edith est un cadeau qui lui ressemble.

Pépita : Oui, une merveille de poésie…et je suis certaine que cette expression de dodu-velu-petit va entrer dans le vocabulaire courant !

Sophie : J’ai adoré ce dodu-velu-petit ! Pour moi aussi ça aurait été un superbe cadeau.

Colette : Je collectionne les merveilleux-dodus-velus-petits depuis que mon Grand-Pilote-de-Balançoire sait découper, coller, assembler ! Ce bel album est donc en soi un merveilleux-dodu-velu-petit à s’offrir et à partager sans modération !

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Retrouvez une vidéo de Béatrice Alemagna qui parle de son Merveilleux-dodu-velu-petit : ici.

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Retrouvez nos chroniques sur nos blogs :

Pépita : Meli-Melo de livre

Alice : A lire aux pays des merveilles