Jusqu’ici on donnait la parole aux enfants de mes chères collègues qui sont pour la plupart mamans … aujourd’hui on innove avec une nouvelle catégorie jumelle des lectures d’enfants: les lectures d’ados ! Et pour pousser l’innovation jusqu’au bout, ce ne sera pas un dialogue de mère à enfant … mais de frère à frère ! J’ai le bonheur d’accueillir aujourd’hui à l’ombre de notre grand arbre un blogueur qui a failli nous rejoindre définitivement. Du coup, le voici qui débarque ponctuellement, mon frère jumeau, Tom, de lavoixdulivre, pour vous parler de l’un de ses derniers coups de coeur !
Place au dialogue …
Nathan: Pourquoi as-tu choisi de présenter Gaspard des profondeurs ?
Tom: Il y a des livres qu’on sait qu’ils vont nous marquer, et la surprise est de savoir comment. Celui-là fait partie de ces livres… c’est ce genre d’appel muet d’un livre à son lecteur, qui promet beaucoup mais sans le dire clairement. Gaspard m’appelait, des profondeurs de ses mots, il a su me toucher. C’est une histoire joviale – au départ – pleine d’imagination faites de non-dits qui fragilisent le tout. A la fin ces non-dits ressurgissent d’un seul coup et tout s’effondre vers une atmosphère sombre et terrifiante, jusqu’à nous ébranler le coeur, le corps, les mots… c’est un livre incroyablement bien construit qui nous parle de l’enfance, de la parte, de la conscience… voilà pourquoi !
Nathan: Donc il raconte quoi exactement ce roman ?
Tom: Le héros, Gaspard, qui a treize ans, fugue un matin pour retrouver son père qui est parti mais n’est toujours pas revenu… Il a une piste, un prospectus d’un théâtre dans lequel sa troupe devait passer, trouvé dans le sac de sa mère. Il part donc avec son sac à dos et quelques provisions, et entame la route comme un gamin se lance dans la vie un peu trop tôt… Quand il s’endort, durant ce voyage, il se met à rêver dans de drôles d’endroits avec d’étranges personnages trop réels pour n’être que le fruit de son imagination. Quand il rencontre Néné, un peu comme lui, rêveur et bousculé par la vie, tout change, et tout va bousculer…
Nathan: Et c’est à partir de là que la fragilité commence à effriter l’ensemble ? Tu as une partie préférée ?
Tom: Pas tout de suite mais on sent que le point où tout s’effrite arrive. Au début c’est l’émulation, c’est la découverte de l’autre, l’amitié… J’ai retenu une citation du livre : « Vous êtes tous les deux en quête. Chacun d’une chose différente, mais en vous épaulant l’un l’autre. C’est cela, la définition exacte de l’amitié. » C’est ça au départ : ils se savent chacun en quête mais peu importe de quoi ils sont chacun là pour l’autre. Puis après une des deux quêtes commence à prendre beaucoup d’importance tandis que l’autre va attendre la fin pour révéler son dénouement, qui prend en parallèle de l’autre une étoffe bien différente de ce qu’on aurait imaginé. Si je peux le dire comme ça ma partie préférée ce sont les 100 dernières pages : toute la tension est à son comble, on avale toutes les pages d’un coup et ça fait trembler, ça fait presque pleurer…
Nathan: L’amitié, la paternité, les rêves … il semble il y a avoir une multitude de thèmes dans ce roman ! Tu peux nous dire quels sont les principaux, et lesquels t’ont le plus touché ?
Tom: Il y a l’amitié, le principal sûrement, qui touche beaucoup parce que c’est la naissance d’une grande amitié qui nous rappelle ce que c’est avec beaucoup de fantaisie et aussi de justesse. Après il y a l’Intérieur Extérieur des rêves, qui nous montre qu’on a chacun nos deux mondes qui se superposent, et qu’on refoule tout plein de choses dans notre intérieur (c’est très freudien tout ça) qui ressortiront forcément à un moment… Finalement, c’est aussi des thèmes dont je ne peux pas parler que l’on comprend à la fin mais qui sont réunis en un seul. Yann Rambaud nous montre qu’on a chacun notre « Bêtimonde », qu’on doit affronter. Il y a une phrase de ma chronique que je trouve essentielle : « Yann Rambaud nous ramène à nos peurs et à l’horreur humaine avec le regard d’un enfant sur un monde qu’il ne comprend plus.«
Nathan: Et les personnages ? Y en a-t-il d’autres que ces deux amis ? Y en a-t-il un qui t’a plus marqué ?
Tom: Peu de personnages si ce n’est deux ou trois qui surviennent légèrement : la sœur de Néné, l’incarnation féminine par excellence, la mère de Gaspard ou son petit frère trop mignon, mais sinon il y a tous les personnages de l’univers rêvé de Gaspard : une grand-mère farfelue, un pélican médecin, une oie guerrière… et puis celui qui m’a le plus touché dans tous ces « seconds rôles » c’est un « touchécorce », très sympa, qui, vous le comprendrez en le lisant, incarne l’amitié à forte dose !
Nathan: C’est quoi qui t’a le plus touché dans ce roman ? L’univers farfelu, l’émotion, les personnages, la fin, … ?
Tom: La fin et l’émotion : tout est léger et fantaisiste au départ, mais on sent le plomb derrière, et tout d’un coup tout dégringole, s’effrite, et ça prend vraiment aux tripes. Ce qui m’a touché en fait c’est cette enfance confrontée à un monde trop dur qui essaye juste de lutter contre sa Bétimonde.
Nathan: Un livre pour les enfants à partir de quel âge ? Les adultes aussi peuvent s’y retrouver ?
Tom: A partir de quel âge ? C’est difficile comme question mais pas trop tôt non plus parce qu’il y a de l’émotion brute et pure qui peut dérouter l’enfant. Peut-être 11,12 ans, mais je ne suis pas un expert de l’enfance. Les adultes s’y retrouveront parce que comme je l’ai déjà répété ça fait écho à tout le monde : c’est l’idée qu’on lutte contre quelque chose de bien trop grand pour nous mais qu’on peut en être capable si on n’est pas seul, du moins c’est ce que j’ai ressenti…
Nathan: Un mot pour décrire le roman ?
Tom: Un mot : profond.
Nathan: Et si tu devais le rapprocher d’autres lectures ce seraient lesquelles ?
Tom: Maintenant qu’il fait tout le temps nuit sur toi, de Mathias Malzieu, sans hésiter. C’est aussi l’enfance qui souffre et se reconstruit par l’imaginaire. Et peut-être pour les plus grands Love Letters to the dead, qui conte un deuil et une renaissance par les mots.
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