Notre auteure essentielle : Flore Vesco

Vous le savez, cela fait longtemps que nous sommes conquises par la plume de Flore Vesco. Et pour compléter l’interview qu’elle nous a accordée en mai 2021, nous avions très envie de consacrer un billet à son œuvre. Car oui, Flore Vesco est l’une de nos auteures essentielles. La preuve : nous avons lu la totalité de ses romans !

Voici donc les œuvres que nous avons aimées, présentées selon le goût de chacune : sous la forme de lettres, d’une liste de dix raisons, d’un ordre de mission ou d’un journal intime.

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Le choix d’Isabelle

De Cape et de Mots, Flore Vesco, Didier Jeunesse, 2015.

Chère Séraphine Marie-Geneviève Alexandrina de Notre-Dame Chancies du Jousselinier Senestre les Castiche de l’Auberivière sié l’Ostel de la Colline,

Vous m’avez accordé, chère Comtesse, la grâce de demander des nouvelles de notre province pourtant distante de plus de trois siècles. Nul doute que beaucoup des mœurs d’aujourd’hui vous siéraient : les dames portent à leur fantaisie leurs cheveux courts ou des pantalons (égayés ou non de printintailles), les filles rêvent volontiers d’étudier les matières scientifiques ou d’écrire des romans – les bibliothèques débordent d’ailleurs de titres mirifiques qui vous remuent délicieusement les méninges.

Il faut que je vous annonce que le roi est mort, nous nous en sommes débarrassés il y a quelques temps déjà. Cela dit, vous ne seriez pas dépaysée de découvrir que notre souverain habite toujours un palais coquet comme une esperlune. Les cérémonies, la distribution de bons-mots et de blâmes, la présidence des conseils des ministres et la promulgation des décisions à coups de 49.3 l’embesognent considérablement, et puis il y a les rues à traverser pour trouver un emploi aux incapables, le « pognon de dingue » les espèces sonnantes et trébuchantes à trouver pour financer la subsistance des autres… Heureusement, il ne laisse pas de s’entourer de toute une cour dont chacun des membres pourraient rivaliser de talent avec la grande demoiselle. Notre ministre de l’intérieur, par exemple, n’est pas un attrape-bernet et n’hésite pas à se retrousser les manches lorsqu’il s’agit de veiller à ce que nos jeunes lecteurs ne lisent pas de pages trop affriolantes !

N’allez tout de même pas imaginer que tout est brillant comme une lifrejole. Sans relations, parures ni maîtrise des codes des courtisans, aujourd’hui comme hier, vous avez toutes les chances de rester une personne de bas aloi. Votre parcours n’en est que plus réjouissant et invite à cultiver dès le plus jeune âge son sens de la répartie et de la justice sociale. N’auriez-vous pas de fortune envie de venir visiter le palais de l’Elysée ? Je ne doute point que vous y déchagrineriez l’ambiance.

Vous agréez que je fasse mes très humbles baisemains à Messire Léon, aux robustes lavandières ainsi qu’à tous les cubistétères de la cour.

Votre très humble et dévouée lectrice,

Isabelle

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Le choix de Colette

Louis Pasteur contre les Loups-Garous, Flore Vesco, Didier Jeunesse, 2016.

Chère Constance,

Je vous écris depuis l’an 2023 soit près de 181 ans après votre première rencontre avec Louis. Rappelez-vous c’était une nuit de septembre, vous veniez de faire votre rentrée comme préfète à l’Institution Royale Saint-Louis. Côté filles bien entendu. Une belle responsabilité qui convenait parfaitement à votre esprit solidaire et déterminé. Vous avez tout de suite apprécié, j’en suis certaine, ce jeune homme aux épaules charpentées et au regard franc dont l’entrée brutale dans votre vie fut aussitôt auréolée de mystère. Je tenais à vous écrire pour vous témoigner toute mon admiration car le mystère, vous n’avez pas eu peur de l’affronter, de le provoquer, pour mieux le déchiffrer. Et vous l’avez fait en dépassant les préjugés et les codes établis et en restant intègre à vous-même quelque que soient les obstacles qui se sont dressés devant vous.
Chère Constance, j’aimerais savoir ce que vous êtes devenue : avez-vous couru les concours d’escrime ? Obtenu un doctorat en cryptozoologie ? Découvert d’improbables vaccins dont personne n’a soupçonné l’existence puisque destinés à d’étranges créatures velues ? Et surtout, surtout, ma chère Constance, qu’en est-il la de la Société Super Secrète des Savants et Sciences Surnaturelles ? Nous sommes tellement à vouloir en savoir plus sur les aventures que vous avez pu vivre avec Louis et sans doute de nombreux autres compagnons et nombreuses autres compagnes. Pensez-vous que de là où vous êtes – Enfers, Tartare ou Paradis – vous pourriez nous conter l’histoire de votre vie ? Si vous ne vous sentez pas l’âme d’une écrivaine – oui, oui, on dit écrivaine aujourd’hui ! – n’hésitez pas à contacter Flore Vesco, c’est une autrice contemporaine à l’incroyable talent dont la plume sera sans aucun doute à la hauteur de votre intrépidité.

A la science et à vous,

Colette.

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Le choix de Blandine

Gustave Eiffel et les âmes de fer, Flore Vesco, Didier Jeunesse, 2018.

S.S.S.S.S.S – Ordre de Mission
Gustave Eiffel

• But : Localisation du phénix
• Où : Manufacture de métallurgie Aldinni & Cie à Levallois-Perret
• Couverture : Contre-maître
• Comment : Amélioration des conditions de travail des manœuvres et augmentation de la productivité grâce aux récents progrès industriels
• Alliés : Alfred Nobel et Constance
• Contact : L’Ordinal
• Danger : le feu
• Moyens : Humour technique, aventure métallique et atmosphère steampunk
• Supérieur : Louis Pasteur

Rédigé et accepté à Paris en 1855

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Le Choix de Liraloin

226 Bébés, Flore Vesco, Didier Jeunesse, 2019.

Pour Liraloin il y a pas mal de raison d’aimer ce roman, dix points pour vous donner envie de lire ce titre c’est déjà pas mal !

  1. Pour les 126 mots différents qui désignent les bébés. Au lecteur de reconnaître les inventions et ceux qui existent parmi les petitout, angelot, minouchet, poulbot, mouflet, touchatous, katpatts, couroucouches, miochons…moultes petits sobriquets pour nommer les bébés les plus adorables de la terre.
  2. Pour ces titres de chapitres aux jeux de mots autour du bébé (embêbété, rebébelle, bébérézina, béberceuse…), simplement et tellement gouteux !
  3. Pour Bert, notre jeune homme de 76 ans qui arrive à discerner les 226 bébés et ainsi reconnaître leur petit caractère : je vous présente Claude1, Claude2, Claude3….Claude226 !
  4. Pour ce long et grand voyage que Bert va entreprendre aux pays des contes (et ainsi au passage, tenter de refiler ces 226 adorables bébés).
  5. Pour les qualités de la superbe « machine-bébé » et toutes les adorables attentions que ces derniers peuvent mettre en branle pour surprendre un éventuel ennemi. Il paraît que pour le bébé « les études montrent qu’avec ses poings, un nouveau-né exerce une force cinétique d’au moins 400 atmosphères, soit une pression supérieure à celle qu’exerce la mâchoire d’un crocodile quand elle se referme sur sa proie ».
  6. Pour la lutte entre ceux qui se font la guerre « pour ou contre les raisins secs dans le taboulé », oui il y a de quoi s’énerver ! et pour le petit clin d’œil en fin d’ouvrage sur les « guerres imbébéciles »
  7. Pour les remerciements de l’autrice en direction de son jeune lectorat. Des classes qui ont participé à la folle aventure du Feuilleton des Incorruptibles.
  8. Pour les illustrations de Stéphane Nicolet. Vraiment chapeau car mettre en image autant de bébés relève de l’exploit !
  9. Pour l’humour tant aimé de Flore Vesco !
  10. Car lire des titres de cette autrice est une entrée en littérature de jeunesse des plus appréciable.

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Le choix de Lucie

D’Or et d’Oreillers, Flore Vesco, L’école des Loisirs, 2021.

Extrait du journal intime de Mrs Watkins

Quel remue-ménage a suivi la visite de Mrs Barrett ce matin ! Bien sûr, elle a fait quantité de chichis avant de nous annoncer la nouvelle qu’elle était venue porter, mais quelle nouvelle ! Le jeune Lord Handerson est de retour dans la région, il cherche une épouse et dispose d’une rente de plus de 80 000 livres sterling. Quelle aubaine pour Margaret, Maria et May ! Quand je pense que nous nous serions contentés d’un mariage avec un homme à 20 000 livres… Heureusement que l’occasion ne s’est pas présentée !
Mrs Barrett qui soit dit en passant avait envoyé sa fille au château, seule et sous la pluie. Je me suis bien sûr empressée de la raccompagner chez elle pour laisser la place qui leur revient à mes filles. Cela m’a obligée à les laisser sans chaperon chez Lord Handerson. Mais avec 80 000 livres en jeu, certains principes méritent d’être oubliés. Quand j’y pense… La région ne parlera que de ce mariage pendant des années !
Heureusement que j’avais pris soin d’emmener Sadima pour les aider à se présenter sous leurs meilleurs atours. Jolie, cette Sadima. Un peu trop. Et un fort caractère. J’aurais peut-être dû conseiller aux filles de la confiner dans une chambre…

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Et vous, quel roman de Flore Vesco préférez-vous ?
Que pensez-vous de cette nouvelle rubrique ?

Prix A l’Ombre du Grand Arbre 2022 : Belles Branches

Comme annoncé lors de l’anniversaire de notre grand arbre, nous vous proposerons au fil de l’été notre sélection pour le prix A l’ombre du grand arbre 2022. Ainsi vous pourrez, au fil de vos lectures estivales, égrainer les petites perles de la littérature jeunesse que nous avons sélectionnées pour vous, les savourer, les humer, les caresser puis venir voter ici pour vos titres préférés ! Les votes sont ouverts à partir d’aujourd’hui et jusqu’au 20 août. Les gagnants seront annoncés dans la foulée, lundi 22 août.

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Après les sélections BrindillesPetites Feuilles et Grandes Feuilles présentées les semaines dernières, voici le trio de tête pour la catégorie Belles Branches qui célèbre nos romans ado préférés !

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Quelques secondes encore, de Thomas Scotto

Suite à un dramatique accident de parkour, cette activité sportive acrobatique qui consiste à franchir des obstacles urbains, Alban est en état de mort cérébrale. Les médecins pressent la famille à prendre une décision concernant un don d’organes. Anouk, seize ans, veille son frère. Anouk veille aussi sur sa mère et tente de la convaincre qu’Alban aurait souhait ce don, sauver des vies lorsque la sienne ne peut plus l’être. Comme toujours, Thomas Scotto va droit au but, pesant chaque mot pour mieux nous bouleverser. Des secondes qui relient, des secondes pour affronter l’inaffrontable noir de la perte. Une nouvelle puissante qui aborde un sujet délicat avec pudeur et sensibilité.

Quelques secondes encore, Thomas Scotto, Nathan, 2021.

Les avis de Linda et de Liraloin.

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D’or et d’oreillers, de Flore Vesco

Avec tout le talent qu’on lui connaît, Flore Vesco signe une réécriture réjouissante et subversive du conte de La princesse au petit pois ! À la lecture des aventures des prétendantes du richissime lord Henderson conviées à passer une épreuve des moins conventionnelles, on ne sait plus si on frissonne de plaisir ou d’épouvante. Blenkinsop Castle a quelque chose du manoir de Dracula, avec ses couloirs lugubres et ses mystères qui nous donneraient envie de tourner les pages plus vite. Mais pas trop vite, mais pas tout de suite : on prend le temps de profiter de tout. Délicieux dialogues sur le mariage et l’amour. Merveilleux personnage féminin qui fait voler en éclats tous les stéréotypes de genre. L’ironie qui vient décaper les contes, révélant leur saugrenuité et leur hypocrisie (les règles de bienséance passent vite à l’arrière-plan lorsqu’une fortune est en jeu). Et surtout, l’ode rare et savoureuse à la sensualité.

D’Or et d’Oreillers, de Flore Vesco, L’école des loisirs, 2021.

Les avis d’Isabelle, de Lucie, de Linda et de LiraLoin.

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L’enfant Pan, d’Arnaud Druelle

Bien sûr, vous connaissez le Pays Imaginaire, cette contrée accessible seulement par les airs, en allant vers « la deuxième étoile à droite et tout droit jusqu’au matin ». Ce lieu hors du temps où l’on joue à longueur de journée, avec quelques frayeurs délicieuses. Bien sûr, vous avez déjà croisé la boudeuse Fée Clochette, les joyeux Garçons Perdus, le cruel Capitaine Crochet et sa horde de pirates, les enchanteresses sirènes, les Indiens Peaux-Rouges… Et, évidemment, celui sans lequel rien ne serait : Peter Pan.
Mais savez-vous quand, comment et pourquoi ce garçon versatile est arrivé au Pays Imaginaire ? L’enfant Pan nous propose une origine possible qui mêle le Mythe et l’Histoire. L’auteur s’approprie les codes du roman de Barry pour les réinventer dans un récit fantastique qui joue sur le temps. Il signe un roman cohérent, aussi sensible qu’intense, puissamment sensoriel, porté par une plume délicate et immersive.

L’enfant Pan, d’Arnaud Druelle, Gulf Stream, 2021.

Les avis de Blandine, Linda et Lucie.

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Une sélection qui nous transporte vers des lieux réels et imaginaires passionnants et qui n’hésite pas à parler franchement des grandes questions !

Alors, alors !

Quel est votre titre préféré dans la sélection "Belles Branches" ?

  • L'enfant Pan, d'Arnaud Druelle, Gulf Stream, 2021. (56%, 76 Votes)
  • Quelques secondes encore, Thomas Scotto, Nathan, 2021. (32%, 43 Votes)
  • D'Or et d'Oreillers, de Flore Vesco, L'école des loisirs, 2021. (12%, 16 Votes)

Total Voters: 135

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Entretien avec Flore Vesco

Elle a plus d’un tour dans son sac pour nous surprendre avec des textes malicieux et décapants, toujours à la lisière entre les genres. Personne ne sait vraiment qui elle est, derrière son sourire sibyllin – fantasque personnage échappé d’une pièce de théâtre ? Conteuse des mille et une nuits ? Génie surgi d’une fiole de laboratoire ? Nous ne connaîtrons pas la composition chimique des romans de Flore Vesco et ne percerons pas les secrets capables de faire bruisser d’enthousiasme les branches du Grand Arbre – et pas seulement, ils ont même reçu les prix les plus fameux, dont le Prix Vendredi et le Prix Sorcières. À défaut, vous tenez ici l’occasion dont vous rêviez d’en savoir plus sur les coulisses de la création de cette autrice phénomène…

Pour commencer, nous nous posions beaucoup de questions sur la transition entre métier d’enseignante et celui d’auteure : comment est-ce que cela s’est passé ? Qu’est-ce qui vous a fait basculer d’une vocation à l’autre ? Avez-vous pu faire les deux en même temps ? Est-ce qu’enseigner a nourri votre inspiration d’auteure ?
Il y a beaucoup de professeurs ou d’anciens professeurs parmi les écrivains. Je crois qu’assez naturellement les élèves qui aiment lire et écrire entament des études de lettres, et l’un des débouchés le plus répandu est l’enseignement. C’est à peu près mon parcours. Cependant je ne fais pas tellement de ponts entre mes romans et mes années d’enseignante. D’abord, parce que les deux périodes ne se superposent pas, et aussi parce qu’au final, j’ai enseigné peu d’années : un an de stage, trois ans en tant que remplaçante dans le 94, et pouf ! (ce « pouf » symbolise un coup de baguette magique ou un nuage de poudre de perlimpinpin, enfin, bref, une échappée du monde magique de l’Éducation Nationale). J’ai arrêté à l’aube de mes trente ans, avec l’intention d’écrire et, si possible, d’être publiée. La transition a été assez douloureuse (en gros, imaginez quelques années de vache maigre, séjours à l’étranger, jobs alimentaires en tout genre, retour chez mes parents pour cause de finances désastreuses, le tout saupoudré de lettres de refus type régulières de la part des éditeurs – j’essayais alors de placer mon premier roman, De cape et de mots). Mais bon, je me suis acharnée, et il faut croire que tout finit par arriver, puisque me voilà à répondre à cette interview !

De Cape et de Mots, Didier Jeunesse, 2015. Un roman qui a fait l’unanimité parmi nous, en témoignent les avis de Linda, Blandine, Pepita, Lucie, Bouma et Isabelle !

Vos romans sont souvent d’originaux mélanges de genres (roman historique/roman de science-fiction par exemple). Est-ce un parti pris dès le départ ou un heureux « hasard » ?
J’aime beaucoup l’idée du heureux hasard ! C’est certainement plus élégant que « tiens, si je parlais d’un conte ? Mais aussi, hein, comme j’aime bien, je vais m’inspirer des romans de Jane Austen. Rooo, et puis, tiens, j’ajoute un peu de fantastique, de l’horreur, un château hanté. Pourquoi choisir, hein ? ALLEZ ON MET TOUT !! Avec un peu de chance, si je touille bien, ça fera un roman. »

D’or et d’Oreillers, L’école des loisirs, 2021. Les avis d’Isabelle, de Lucie, de Pépita et de Linda

Les contes forment un matériau important de vos romans, que ce soient ceux qui revisitent un conte célèbre ou les autres qui peuvent y faire des clins d’œil multiples, comme dans 226 bébés. Pourquoi ? Et comment avez-vous eu l’idée de mobiliser cet univers de références-là ?
Les contes m’intéressent pour deux raisons. D’une part, c’est un univers partagé. J’aime glisser des clins d’œil dans mes récits, et une référence à Barbe bleue ou aux trois petits cochons est reçue par tous les lecteurs. C’est un super atout en jeunesse, où les romans sont lus par un éventail d’âges très variés. Quelle que soit la génération de mon lectorat, nous avons ce terrain commun des contes.

Les avis de Pépita et d’Isabelle

D’autre part, un conte, c’est un iceberg. La partie émergée, c’est le schéma narratif, par exemple une petite fille qui va porter une galette et un pot de beurre à sa grand-mère. La partie immergée, elle, est immense et mystérieuse. Il y a le message moralisateur, il y a la lecture psychanalytique, et puis la réception qu’on en fait quand on est petit et ce qu’on en retire plus grand… J’aime l’idée de transvaser ces intrigues courtes et simples dans le moule plus large du roman, qui laisse plus de pages pour soulever et interroger les contenus cachés qu’elles recèlent. C’est sur ce principe que j’ai écrit L’estrange malaventure de Mirella ou D’or et d’oreillers.

Vous semblez aussi puiser dans des figures historiques tels Pasteur ou Eiffel : comment travaillez-vous pour nourrir vos récits de faits extrêmement précis dans des domaines pourtant très divers ?
Wikipédia.
Ah ah. Plus sérieusement, en général je fais des recherches, je lis des livres, je regarde des films sur le sujet. Je digère à peu près les infos, de manière à les ressortir plus tard au fil des lignes, l’air de rien, comme si je savais ça depuis toujours. Ensuite, bénis soient les correcteurs et premiers lecteurs qui essuient les plâtres et me signalent les erreurs. Puis vous pouvez être certain qu’une fois le roman derrière moi, je m’empresse de faire le vide dans mon cerveau. Du coup, ne me parlez pas de bactéries anaérobies ou des différents noms de poutres : j’ai déjà tout oublié.

Les avis d’Isabelle et de Pépita sur Louis Pasteur contre les loups-garous (Didier Jeunesse, 2016) et à propos de Gustave Eiffel et les âmes de fer (Didier Jeunesse, 2018), ceux de Blandine, Pépita et Isabelle.

Comment en êtes-vous venue à écrire dans une langue qui évoque le français médiéval dans De Cape et de Mots et L’Estrange Malaventure de Mirella ? Et comment l’avez-vous composée ?
La langue de L’estrange malaventure de Mirella est faussement médiévale. D’un point de vue lexical, le texte est chargé de mots anciens, certains connus (« ouïr », « trépasser »…), d’autres reconnaissables (« coutel », « mantel », « ce jour d’hui », « iceux », « maugré »…), et quelques-uns sans doute un peu moins répandus, comme « s’esbaudir ». D’un point de vue syntaxique, je me suis aussi amusée à casser un peu la structure moderne de la phrase, par exemple en antéposant l’adjectif (« une fille si belle » devient « une tant belle garce »).
De cape et de mots est moins marqué stylistiquement, je pense. Le roman se situe dans un passé de conte, farfelu et inventé, qui peut rappeler, sans doute, le 17e ou le 18e siècle. Comme les personnages ont des tenues et des coiffures abracadabrantesques, j’ai voulu assortir le fond et la forme, que la langue ait quelque chose d’apprêté et fantasque, comme le monde dans lequel l’héroïne évolue. Le récit est donc truffé de mots jolis-longs-rares, comme « sirénomèle » et autres « bourdalou ». Mais ce ne sont pas spécialement des mots anciens, d’ailleurs : autant pour L’estrange malaventure de Mirella, il s’agissait de donner une couleur archaïque au texte, autant pour De cape et de mots, c’était plutôt un côté fantasque. En fait, le défi, c’est de trouver le style le mieux adapté à chaque nouvelle histoire.

Vous aimez les mots incongrus et biscornus, ceux qui roulent sur la langue et stimulent l’imagination, mais qu’on n’a pas forcément l’habitude de croiser souvent – surtout en littérature jeunesse. Avez-vous des retours du jeune public par rapport à cela ?
Je rencontre régulièrement des jeunes lecteurs, mais ils réagissent beaucoup plus à l’histoire, aux personnages, qu’à l’écriture. Les questionnements sur le style, ce sont bien plus souvent les adultes qui me les posent ! Or il me semble qu’en réalité, on joue beaucoup avec la langue en littérature jeunesse… dans l’album. C’est même une tradition, et un trait reconnaissable de la littérature pour l’enfance. Mais en effet, les jeux langagiers sont sans doute moins fréquents dans le roman. Je ne comprends pas pourquoi. Si on estime que cela plaira au lecteur de 5 ans, pourquoi pas à celui de 8 ou 12 ou 14 ans ? Il cesse d’aimer les mots nouveaux ou rigolos en grandissant ? J’ai l’impression que ce qui est considéré comme un amusement pour le lecteur de 5 ans est devenu une « difficulté de lecture » pour celui de 10 ans. C’est là où je me bats. J’aimerais bien qu’un mot inconnu ne soit pas vu comme un obstacle, mais plutôt une trouvaille. Souvent, ceux que j’emploie sont intégrés à l’histoire de manière à ne pas entraver la compréhension de l’action. Ils créent une ambiance ou donnent un ton.

Est-ce que l’humour et le détour par le passé permettent d’évoquer des réalités dures et tout à fait actuelles, qu’il serait difficile d’aborder de front avec de jeunes lecteurs ?
C’est une très bonne question… que j’élude (ah ben oui, fallait pas me laisser tout pouvoir dans cette interview). En gros, j’élude parce que je pense qu’il est tout à fait possible d’aborder des questions difficiles de front avec des lecteurs jeunes, mais tout autant que de le faire par le biais de l’humour et du décalage historique (ça, c’est une belle réponse de Normand !).
Et dans tous les cas, je fonctionne pour ma part dans l’autre sens : j’ai d’abord envie de situer mon récit dans le passé, je ne peux pas m’empêcher de faire des blagues… Ensuite, oui, derrière l’humour, dans cet univers historique, imaginaire et fantastique, l’intrigue peut évoquer des comportements misogynes ou violents, ou parler d’intimité. Mais je ne pars pas de ces thèmes, ils s’agrègent naturellement à la construction narrative.
En résumé : je me mets devant l’ordinateur avec l’ambition d’écrire une bonne-histoire-qui-se-tient-pas-trop-rebattue, pas avec celle de faire passer un message. Ensuite, en bâtissant le récit, j’y glisse mes valeurs, forcément, mais en effet, elles apparaissent par un biais, qui peut être l’humour, le décalage historique, le fantastique…

Interroger la place du féminin aussi dans vos romans, est-ce un cheval de bataille ?
Je ne sais pas si j’enfourche ma monture telle une walkyrie (sans doute pas), mais ça reste un sujet, et surtout un motif narratif, qui me plait. Du coup je l’ai tricoté sous divers angles… Dans De cape et de mots, je trouvais intéressant de donner le pouvoir de la parole à une jeune fille : encore aujourd’hui, on sait que les femmes sont plus souvent interrompues ou corrigées quand elles parlent. Dans L’estrange malaventure de Mirella, l’héroïne apprend à libérer son corps, danser et aussi sortir, s’approprier la ville. Et dans mon dernier roman, D’or et d’oreillers, j’ai raconté une histoire d’amour, et mis en scène un personnage féminin désirant et entreprenant.

Pour finir, il fallait bien que nous demandions : quel est le secret de votre malice toujours pétillante et votre irrésistible dynamisme ?
L’alcool ? Le sucre ? L’absence égoïste d’enfants ? Le vélo ? Le fait que je possède un robot–aspirateur qui nettoie tout seul et passe même la serpillère ? Je vous laisse choisir.

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Un immense merci à Flore Vesco d’avoir accepté de répondre à nos nombreuses questions ! On espère que cet échange vous donnera envie de découvrir ses romans, n’hésitez pas à nous dire en commentaire lesquels vous avez préférés…

Lecture commune : L’Estrange Malaventure de Mirella

L’Estrange Malaventure de Mirella, paru à l’école des loisirs, est un roman qui ne peut pas laisser complètement indifférent. Flore Vesco y joue avec les mots et ses lecteurs, les entraînant dans le tourbillon d’une malaventure moyenâgeuse réjouissante.

Et forcément, nous avons eu envie d’en discuter.

HashtagCéline : Pour commencer, simple curiosité : je voudrais savoir ce qui vous a décidé à ouvrir ce roman… Sa couverture ? Son autrice ? Son sujet ? Personnellement, depuis son premier roman De cape et de mots, je suis de près Flore Vesco. Et vous, quel a été le déclic ?

Bouma : Flore Vesco, c’est pour moi un gage de qualité ET d’originalité. Je trouve qu’elle arrive toujours à trouver une idée qui sort de l’ordinaire. Et en plus j’adore quand les contes sont revisités (que ce soit sous forme d’album ou de roman). Je ne pouvais donc qu’avoir envie de découvrir ce nouveau texte.

Isabelle : Pour ma part, je connaissais Flore Vesco de nom, mais je ne l’avais jamais lue. Sans doute parce que mes garçons sont encore un peu jeunes pour ses livres. Je suis tombée sur la couverture que j’ai trouvée très intrigante, à la fois sombre et brillante, moyenâgeuse et moderne… Quand la quatrième m’a appris qu’il s’agissait de revisiter un célèbre conte allemand, en mettant en avant une jeune héroïne, j’ai su que nous le lirions dès sa sortie ! Et ça a été un vrai coup de cœur. Maintenant, il va falloir absolument découvrir les autres romans de Flore Vesco !

Pépita : Flore Vesco ! J’ai tout lu d’elle avec un plaisir toujours renouvelé. Je trouve qu’elle a réussi à se frayer un chemin original dans ses romans qu’on ne trouve nul part ailleurs. Surtout c’est une jongleuse de mots hors pair. Concernant ce roman en particulier, basé sur le conte revisité du joueur de flûte de Hamelin, j’avoue que comme ça, ça ne me disait pas plus que ça car ce conte était enfoui dans les limbes de ma mémoire. Mais en fait, il n’est qu’un prétexte pour faire passer d’autres messages. Et cette langue moyenâgeuse, quel régal ! On s’y fait très bien.

HashtagCéline : Parlons-en, du style de Flore Vesco… Si vous avez lu ses autres romans, vous savez qu’effectivement elle s’amuse (et nous avec) en jouant avec la langue française. Ici, dès les premières phrases, on se rend compte qu’un cap a été passé et que l’on s’apprête à lire quelque chose de complètement… quoi, d’ailleurs ? Quelle a été votre réaction ? Vous attendiez vous à ça ? Est-ce que cela vous a immédiatement séduit ou plutôt mises en difficulté ?

Bouma : J’ai été séduite dès les premiers mots par l’utilisation de cette langue pseudo-moyenâgeuse. Avec ce langage dont on n’a pas l’habitude, on est obligé de faire travailler notre esprit pour bien tout comprendre et j’adore ce type de stimulation. Mais surtout, cela permet une immersion immédiate et totale dans l’histoire !

Pépita : Je te rejoins Bouma ! Passée la première adaptation à cette langue, on s’habitue très vite et on rentre dans le jeu de ses sonorités et de plus, cela sied fort bien à l’histoire. Quelle cohérence ! Quelle gouaille ! Quel humour ! Et surtout quelle maîtrise : Trop forte Flore Vesco, parce que franchement essayez pour voir, ce n’est pas si facile (et j’ai adoré la perche tendue au lecteur à la fin mais je n’en dis pas plus !).

HashtagCéline : Le langage utilisé rend l’immersion totale, ça, personne ne peut le nier. Mais ce que j’ai trouvé plutôt fort aussi, c’est la façon dont Flore Vesco nous plonge au cœur du Moyen-Âge grâce à des descriptions très, très détaillées… Et vous, qu’en avez-vous pensé ? Sa vision de l’époque vous semble-t-elle juste ?

Pépita : Oui, tu as raison de le souligner : on s’immerge totalement dans l’époque et sa vision me semble juste. Ce qui est fort, c’est qu’elle le met à la portée du lecteur tout en remettant au goût du jour le conte. On ne peut s’empêcher de penser sur certains points à un parallèle évident avec notre époque.

Bouma : J’ai beaucoup souri avec sa vision franchement très juste de l’hygiène et des mœurs du Moyen-Âge (ou tout du moins l’idée que je m’en fais). Il y a quelque chose d’assez dégoûtant pour nous, lecteurs du XXIème siècle, à lire ces descriptions ; on peut froncer le nez devant certains passages. Et je rejoins Pépita, l’autrice arrive malgré tout à insuffler une certaine intemporalité à l’histoire, par le biais des préoccupations de son héroïne notamment.

Isabelle : Je suis entièrement d’accord avec vous ! Ce Moyen-Âge prend vie grâce aux mots de Flore Vesco, dans ce qu’il a de plus sombre et rétrograde. L’autrice étoffe son décor avec beaucoup de pertinence (lorsqu’elle parle de l’hygiène, de la chasse aux sorcières ou de la structure de la société), mais aussi et surtout avec un humour décapant. Certaines scènes sont si repoussantes que quand j’ai lu le livre à mes enfants, nous en avons ri !
Je vous rejoins complètement aussi sur la modernité du roman : beaucoup de situations renvoient avec force à des problématiques actuelles, même si elles ne se posent pas exactement de la même manière de nos jours. Cela m’a particulièrement frappée concernant ce que subissent les jeunes femmes, mais aussi la recherche de boucs émissaires à qui attribuer la responsabilité des problèmes.

HashtagCéline : Et Mirella, l’héroïne de cette estrange malaventure, on en parle ? Pour ma part, je l’ai trouvée fascinante : très humaine, très étonnante, très courageuse mais d’un autre côté, un peu inquiétante. Et vous ?

Isabelle : Mirella est une belle héroïne, qui a appris « à la dure » à survivre et à mener sa barque dans le monde hostile qu’est le Moyen-Âge pour une jeune femme située tout en bas de l’échelle sociale. Elle est un vrai rayon de soleil flamboyant dans la noirceur de Hamelin, sa personnalité, sa liberté et sa générosité suscitent immédiatement la sympathie ! En même temps, comme tu le suggères Céline, elle est mystérieuse et déroutante : d’où tient-elle sa détermination féroce et sa capacité étonnante à s’affirmer ? Son courage ne serait-il pas de la témérité ? Et qui est-elle vraiment ? On en vient presque à se demander s’il faut croire les villageois qui la pensent un peu sorcière !

Pépita : Je l’ai effectivement trouvée fascinante ! Mais pas du tout déroutante. Elle est incroyable de détermination et d’altruisme aussi. Avec un destin hors norme. Une héroïne quoi !

Bouma : Mirella est une héroïne comme je les aime. Elle a de la gouaille, du tempérament et ne se laisse dicter sa conduite ni par les hommes ni par le destin. A côté de ça, elle est aussi très généreuse et ouverte aux autres (la preuve étant le nouveau porteur d’eau qu’elle a pris sous son aile et qu’elle a soigné, tout comme les lépreux qu’elle considère comme des hommes « normaux »). Le côté magique de son personnage apparaît au fil du temps et on se dit que finalement cela lui permet d’être celle qu’elle veut être dans ce monde où on veut lui imposer son image.

HashtagCéline : Nous l’avons déjà évoqué plus haut, L’Estrange Malaventure de Mirella est adapté d’un conte, Le joueur de flûte de Hamelin. Pour ma part, cette revisite est une réussite. Et pour vous?

Isabelle : Je suis tout à fait d’accord, cette idée de revisiter ce conte célèbre des frères Grimm est géniale ! Le format du roman permet de donner de la chair à l’histoire et au décor, nous donnant ainsi un plaisir de lecture complètement différent. J’ai adoré le côté irrévérencieux. Flore Vesco prend des libertés avec le conte d’origine, en donnant le rôle principal à une jeune fille. Mais surtout, puisque les contes ont toujours une morale, il y en a bien une, mais concoctée à la sauce spéciale de l’autrice !

Bouma : Une réussite, bien évidemment ! Le conte n’est pas si connu en France par les ados (en tout cas de ceux que j’ai autour de moi). Peut-être est-ce l’occasion de leur faire découvrir, de titiller leur curiosité ? En tout cas, moi j’ai bien retrouvé les grandes lignes de l’histoire originale dont l’autrice s’empare pour mieux les détourner. Et c’est un vrai régal !

Pépita : Oui, une réussite ! Je ne peux m’empêcher de penser : mais comment Flore Vesco a-t-elle eu cette idée ?

HashtagCéline : En en discutant un peu autour de moi, j’ai eu des avis très enthousiastes. Cependant, certaines personnes ont émis une petite réserve sur la facilité à proposer ce roman à un lectorat adolescent. Qu’en pensez-vous ?

Bouma : Je pense que c’est le genre d’ouvrage qui mérite une véritable médiation car le sujet n’est pas forcément de ceux qui attirent l’attention des ados. Mais le bouche à oreille fonctionnant à merveille à cet âge, il devrait rapidement conquérir son public. Tout du moins je l’espère.

Isabelle : Pourquoi ces réserves ? Peut-être que le clin d’œil au conte pourrait donner à penser à certains ados que ce roman s’adresse à des lecteurs plus jeunes, mais je suis certaine que celles et ceux qui franchiront le pas seront emportés par le talent de conteuse et l’écriture réjouissante de Flore Vesco, mais aussi par le côté moderne dont nous avons déjà parlé. Il est finalement question de beaucoup de choses qui préoccupent encore les ados d’aujourd’hui, comme les transformations du corps à l’adolescence, l’obscurantisme, l’envie d’envoyer bouler le mythe du prince charmant et les formes de domination sociale et genrée. Je n’aurais donc aucune réserve à la recommander à un public adolescent, je l’ai même conseillé à plusieurs adultes !

Pépita : L’éternelle question ! Laissons donc les livres aller là où ils doivent aller… Ils trouvent leur public. Et pourquoi toujours se poser la question de l’adolescent ? Il est universel ce roman.

HashtagCéline : Quoi de mieux pour terminer cette lecture commune que laisser parler Flore Vesco ? Citez moi un passage qui vous a interpellées dans ce roman. Même si on est bien d’accord que ce n’est pas facile de choisir…

Isabelle : « Partout ailleurs dans le Saint Empire germanique, les incendies dévoraient des quartiers entiers une fois par mois, car les bâtisses en bois, entassées les unes contre les autres, s’enflammaient promptement.
Alors qu’à Hamelin, les incendies étaient tout aussi fréquents. Mais les habitants les éteignaient bien vitement, le bourgmestre ayant fait installer l’eau courant.
Cette eau courante était sans conteste l’invention dont le bourgmestre était le plus fier. Il avait eu l’idée voilà sept années. Pour cela, il avait nommé dix porteurs d’eau, choisis par les enfants trouvés d’Hamelin. »
mais aussi
 » Et le prêtre de raconter les vies et les exploits de saint Hilarion et sainte Rictrude, qui fatiguaient leurs bourreaux, pouvant passer des heures à endurer les coups de pique en gardant le sourire, soupirant d’aise lorsqu’on les rôtissait sur le grill, changeant eux-mêmes de côté afin que leur chair soit partout dorée et craquante. »

Bouma : « Au Moyen Âge, la nudité était fort commune. On prenait son bain en compagnie, on se dévêtait en famille ou devant moult domestiques. Pourtant, en dépit de la cohérence historique, Mirella se sentit rougissante et gênée.
– Mirella ! gria Gastun avec un grand sourire. Comment vous en va ?
Le jeune homme était fort aise, et bien riant de l’embarras de la jouvencelle. Sans la moindre clémence, il poursuivit ses ablutions. Puis il se tourna vers elle, les poings sur les hanches, dos au soleil pour se bien sécher, et entreprit de faire causette. »

HashtagCéline : « Pan venait d’entrer chez le chirurgien-barbier-arracheur de dents. Au Moyen-Age, n’importe quel quidam doté d’une solide membrature et de quelques notions d’anatomie pouvait se faire chirurgien. Le chirurgien d’Hamelin était fort réputé : il arrachait d’un coup les dents pourrissantes, savait extirper le poulain des entrailles d’une jument qui peinait à mettre bas et avait même, en une occasion, effectué une trépanation, creusant le crâne d’une femme folle à l’aide d’un énorme tourne-bouchon de son invention. Parfois, il rasait les hommes et leur coupait les cheveux. »

Pépita : « Mirella ferma les yeux et s’emplit les oreilles. Elle se sentit emportée par la musique, laquelle l’emmenait loin du bourg, de ses rues bruyantes et encombrées, de ses habitants hargneux, de la poigne de Guerric, des menaces de Lottchen. A l’abri des regards, elle se reprit à tournoyer, toute joyante de se laisser enfin aller, volant presque, tant ses pieds étaient légers. Son talon tambourinait sur le pavé, la vibration saisissait ses cuisses, entraînait ses hanches, faisait s’élever ses bras. Elle voltigeait au-dessus de Hamelin. »

 

Pour conclure, nous ne pouvons que vous recommander d’aller lire ce formidable roman de Flore Vesco dont nous n’avons pas fini d’entendre parler.

L’Estrange Malaventure de Mirella est d’ailleurs sélectionné pour le Prix Vendredi 2019 qui sera décerné le 14 octobre prochain.

Et pour finir de vous en convaincre, vous pouvez lire nos chroniques par ici :  Pépita, Bouma, Isabelle et HashtagCéline.