Lecture commune : L’honneur de Zakarya

Chaque année, nous mettons nos forces en commun et lisons toute la sélection du Prix Vendredi, équivalent du Goncourt en littérature adolescente. C’est toujours un exercice particulièrement intéressant : certains titres font l’unanimité parmi nous (généralement en bien !), d’autres provoquent des réactions contrastées autour desquelles nous aimons particulièrement échanger. Cette année, par exemple, il y avait un roman que nous étions plusieurs à avoir envie de lire mais qui a résonné de manière très différente chez chacune, provoquant chez l’une la curiosité et l’émotion, chez d’autres le malaise. Ce texte intitulé L’honneur de Zakarya nous entraîne au cœur d’un procès d’assises chargé de juger un jeune homme mutique dans le cadre d’une affaire de meurtre. Nous avons eu envie d’en parler !

L’honneur de Zakarya, d’Isabelle Panzazopoulos, Gallimard Jeunesse, 2022.

Isabelle : Comment L’honneur de Zakarya est-il arrivé dans votre bibliothèque ? Aviez-vous déjà lu l’autrice ? Ou ce roman vous-a-t-il été recommandé ? Ou peut-être aviez-vous un intérêt particulier pour le sujet du roman ?

Liraloin : Je n’ai jamais rien lu de cette autrice et pourtant elle est très active ! J’ai commandé quelques titres de la sélection du Prix Vendredi pour la médiathèque où je travaille. Le sujet m’a beaucoup intéressée, je suis toujours à la recherche de romans sociaux qui pourraient parler aux jeunes ados qui fréquentent l’établissement. J’ai vraiment été emballée par le résumé et la chronique qui en a été faite dans Télérama en mai 2022.

Linda : Je ne sais plus vraiment comment j’ai découvert ce titre. Je crois qu’au moment de sa sortie, il apparaissait souvent sur la page de suivi des amis sur Babelio, ce qui a forcément attiré mon attention. En lisant la présentation de l’éditeur et les critiques, je me souviens m’être dit que ça pouvait me plaire. Pourtant, je l’ai laissé de côté et ce n’est que récemment, avec notre volonté de lire la sélection du Prix Vendredi, que j’ai eu envie de le ressortir.

Colette : J’ai découvert L’honneur de Zakarya grâce à vous, pour notre article sur la sélection du prix Vendredi. J’avais déjà lu un livre de l’autrice, La Décision, qui m’avait beaucoup marquée à la fois par la complexité du sujet abordé et par l’écriture particulièrement froide et incisive de l’autrice.

Isabelle : Moi aussi, j’étais passée à côté de ce roman jusqu’à ce qu’il soit retenu dans la sélection du Prix Vendredi. La couverture est certes assez sobre avec ce beau visage de jeune homme qui nous regarde dans les yeux. J’aurais dû percevoir le mystère qui émane de ses lèvres serrées et de l’ombre qui tombe sur toute une partie du visage. Et vous, quel effet vous a fait cette couverture ? Qu’attendiez-vous en ouvrant ce roman ?

Liraloin : La couverture est très mystique. Est-ce un choix de l’autrice ? J’ai vu qu’elle écrivait beaucoup autour de la mythologie et ce jeune homme m’y a fait fortement penser. Héros au regard droit et fragile.

Linda : Ce choix de la photographie pour la couverture n’est-il pas surprenant ? Elle n’est plus très utilisée aujourd’hui, alors qu’elle était plus courante il y a cinq ans. C’est un choix que je trouve souvent risqué car cela donne un visage à un personnage et laisse donc moins de place à l’imagination. Dans ce cas précis, on se rend vite compte à la lecture que le jeune homme a été parfaitement choisi et vu la thématique, le sujet, c’est finalement un choix parfaitement adapté qui vient appuyer le réalisme et l’ancrer dans notre réalité. Par ailleurs, je trouve que ce jeune homme a un beau visage et j’ai été intriguée par la surprise que dégagent ses traits, et bien plus encore par le mystère que vient intensifier l’ombre qui lui cache la moitié du visage.

Colette : Ayant lu ce roman en format numérique, je n’ai pas prêté attention à la couverture ! Et ça me fait un argument en faveur de l’objet-livre cette observation ! Quand on prend le livre en main, qu’on le pose sur sa table de chevet ou qu’on le glisse dans son sac, l’image de couverture va s’imprimer en nous à chaque passage. Visiblement, ce n’est pas le cas quand le livre se cache dans les dossiers de votre téléphone.

Isabelle :  Et qu’avez-vous découvert en vous plongeant dans le texte ? 

Linda :  Un jeune homme blessé par une vie de famille compliquée, rejeté par un père qui ne l’a pas reconnu, surprotégé par une mère fragile dont il se sent responsable. Un jeune homme perdu qui a fait de mauvais choix et se retrouve pris au piège de ses actions, sur le point d’être puni pour un crime qu’il crie ne pas être le sien. Mais également un jeune homme intelligent et sensible, inquiet pour sa mère bien plus que pour lui. Je le trouve très attachant dans toute sa complexité. 

Liraloin : Il y a une empathie mais assez dissolue pour Zakarya. Je m’explique : Isabelle Pandazopoulos protège son personnage par son écriture très enveloppante et pourtant page après page, détail après détail elle fait du lecteur (ou de la lectrice) un juré très spécial. J’ai vraiment beaucoup aimé cette écriture-là.

Isabelle :  Cette complexité est quelque chose qui m’a marquée aussi. L’autrice la brosse à petites touches, par des flashbacks successifs qui éclairent différents aspects de la personnalité de Zakarya. Et plus on le découvre, plus on se dit que la tâche du tribunal est ardue, plus on se dit qu’ils sont presque voués à passer à côté de ce qui s’est passé. Linda, tu dis qu’il crie son innocence, mais en réalité, au moment du roman, Zakarya reste mutique. J’ai trouvé que cela faisait terriblement monter la tension du récit du tribunal, je me demandais sans cesse : mais quand va-t-il enfin parler ? J’ai trouvé que cette construction avec d’un côté les flashbacks et de l’autre le récit éprouvant du procès était très réussie de ce point de vue. Qu’en avez-vous pensé ? 

Liraloin : Je suis d’accord avec toi. L’alternance entre les flashbacks et le récit du procès est très intense. Nous sommes à l’affût du détail qui permet de comprendre le mutisme de Zakarya. Il dit l’essentiel, il ne cherche pas à « amadouer » les jurés. Il y a des comportements qui ne s’expliquent qu’après coup, quand on lit l’enfance de Zakarya. Encore une fois, l’autrice ne cherche pas à en faire une circonstance atténuante. Le lecteur est juré. C’est fort !

Colette : J’ai trouvé tout l’intérêt du récit dans cette construction qui alterne le passé et le présent à un rythme particulièrement perturbant : les chapitres consacrés au passé de notre héros sont denses, intenses et ceux consacrés à son présent sont remplis du silence de Zakarya, presque vides me semblait-il. Par conséquent reconstruire le fil de sa personnalité semble une tâche particulièrement ardue pour le lecteur ou la lectrice, comme elle l’a été pour son avocate. Et je trouve ce dispositif particulièrement ingénieux même s’il a quelque chose de frustrant, de laborieux, de difficile. On soupçonne constamment quelque chose de beau sous le silence mais on ne l’effleure jamais qu’un tout petit peu au fil des pages.

Linda : Pour ma part, je n’ai pas réussi à finir ce roman précisément parce que j’ai beaucoup de mal avec les aller-retours dans le temps. Ça me déstabilise complètement et m’éloigne du personnage alors que j’avais espéré m’y attacher. Je comprends que ces flashbacks sont là pour nourrir notre perception de Zakarya mais je trouve que l’écriture maintient le lecteur à distance et n’en fait qu’un simple spectateur. J’aurais aimé une écriture plus sensible, plus empathique…

Isabelle : Avez-vous perçu un message, une réflexion particulière dans ces aller-retours ?

Colette : Ce dispositif mime celui de l’enquête qu’elle soit policière ou psychanalytique. On regarde en arrière pour expliquer le présent. Mais au cœur de ce dispositif, il y a l’amour qui fait grincer tous les rouages : l’absence d’amour paternel, l’amour débordant d’une mère, l’amour impossible pour Aïssatou. Et c’est l’amour qui empêche l’enquête d’avancer. L’amour semble ne pas pouvoir (vouloir) être sondé, psychanalysé, enquêté. L’amour ne se résout pas !

Isabelle :  Je suis d’accord avec toi, ces aller-retours soulignent à quel point les tentatives de comprendre Zakarya dans le cadre du procès sont vaines. Son histoire est brossée par petites touches, au fil des flash-backs, qui ajoutent des touches de complexité supplémentaires qui nous amènent à reconsidérer le jeune homme : ado impulsif insuffisamment cadré par sa mère ? Petite frappe ? Rebelle à la rage brûlante ? Garçon solaire, déterminé à tenir la dragée haute aux préjugés ? Manipulateur hors-pair ? Ou abîme de fragilité ? On voit bien comment la tentation de plaquer des idées toutes faites peut nous induire en erreur. Les gens entrent rarement dans une case. La tâche des membres du jury est immense, presque impossible.

Liraloin : Comment avez-vous ressenti la relation entre Zakarya et sa mère ? Et surtout celle avec son père ?

Linda : Je n’appellerai pas relation la violence qui existe entre ce jeune et son géniteur. Ce type est juste odieux, répugnant. On dirait qu’il prend plaisir à punir cet enfant juste parce qu’il existe. En ce qui concerne la mère, elle aime son fils mais ne semble pas capable de le protéger. Elle a déjà tant de mal à prendre soin d’elle. Zakarya se trouve être le fruit d’une relation adultère qui se rappelle aux parents quand ils le regardent. La père semblant le voir comme le résultat d’une erreur et la mère le percevant plutôt comme le souvenir de jours meilleurs. Au final, n’est-il pas le plus mature des trois ?

Liraloin : Je suis du même avis que Linda. Cette femme se sauve car elle ne peut plus vivre éternellement pour un homme qui ne la considère pas mais trop tard, le mal est fait. Les passages sur l’histoire de Zakarya sont tellement difficiles, cette innocence que l’on ressent en tant que lectrice, ce géniteur qui n’a aucun regard aimant pour son fils. Au départ pourtant avec ce déménagement, on se dit que OUI tout va aller mieux, comme un faux espoir, alors que l’on sait que tout est fichu. Finalement, ce jeune homme a sans doute une mère qui l’aime mais pas assez ou trop difficilement.

Colette :  Je ne sais pas si c’est lié au fait que je viens de finir un autre roman de l’autrice, mais j’ai l’impression qu’elle aime à observer un certain type de modèle parental, un modèle défaillant qui oblige l’enfant ou l’adolescent.e à une inversion des rôles. Ici notre héros se retrouve à protéger sa mère d’elle-même, de lui-même, de sa différence, de ses questions, de ses écarts. Il semble tellement conscient de la fragilité de sa mère…

Isabelle :  Oui, cette relation très particulière aux parents est fondatrice. C’est d’ailleurs une scène emblématique de l’enfance de Zakarya qui se trouve au cœur du premier chapitre ! On a d’un côté une mère aimante mais très inquiète, que Zakarya semble vouloir protéger ; de l’autre un père qui n’a pas tenu ses promesses et auquel Zakarya s’est juré de ne pas ressembler, ce qui joue un rôle important dans le roman. D’ailleurs, le roman s’ouvre sur une citation de Hannah Arendt sur les promesses. Cette citation m’a interpellée parce que les promesses (électorales, en l’occurrence), c’est mon sujet principal de recherche. Avez-vous remarqué cette citation ? A-t-elle orienté votre lecture ? 

Linda :  Je t’avouerai que je n’y ai pas spécialement prêté attention. Je l’ai lue mais je n’ai pas cherché à l’associer à ma lecture… peut-être si j’avais su finir le roman, mais en l’occurrence ce n’est pas le cas.

Liraloin : Je n’y ai pas non plus prêté attention !

Isabelle : Ce n’est pas crucial, je dirais. Mais cela cadre un peu ce qui suit, entre la citation en incipit relative aux promesses et cette première scène qui montre la souffrance causée par un père qui ne tient pas ces promesses, je pense que l’autrice a voulu nous dire que cette expérience est vraiment fondatrice pour Zakarya. Lui est prêt à tout sacrifier pour tenir sa parole. C’est peut-être difficile d’en parler sans trop en dévoiler, mais avez-vous été convaincues par la résolution de l’intrigue ? L’essentiel est-il là ?

Liraloin : Je ne m’attendais pas à cette fin et en même temps, comme tu le demandes, l’essentiel est-il là ? Pour moi non justement, l’essentiel est dans le fait que Zakarya soit honnête avec lui-même, je pense que c’est un peu « la leçon » que nous donne ce livre.

Colette : Il me semble me souvenir que la fin du roman est un peu décevante, dans le sens où l’intrigue n’y trouve pas d’élément de résolution. Mais Zakarya reste fidèle à lui-même coûte que coûte et ça, c’est éminemment romanesque. Une intégrité exemplaire qui a valeur de morale peut-être.

Isabelle : Je n’ai pas trouvé la fin décevante – nous avons le fin mot de l’affaire et connaissons les faits – mais elle est profondément dérangeante. Isabelle Pandazopoulos nous confronte à la difficulté de la justice, malgré tous ses gages d’apparence, de respectabilité et d’expertise, de prendre les décisions justes. Les gens entrent rarement dans une case, c’est troublant d’en peser les implications mais encore plus de prendre conscience que des jugements, justes ou pas, tombent tous les jours.

6ème édition du Prix Vendredi !

C’est maintenant une tradition, nous avons lu (presque toute) la sélection du Prix Vendredi ! Alors que le lauréat sera annoncé ce lundi 7 novembre, voici nos avis subjectifs sur ces romans destinés aux adolescents.

******

Bayuk, Justine Niogret, 404 éditions, 2022.

Présentation de l’éditeur :
On raconte que c’est arrivé un soir sans Lune, au village de Coq-Fondu, dans l’endroit le plus reculé du bayou. Qu’une jeune fille a été maudite pour les crimes de sa mère, la pirate la plus redoutée des mers, qu’elle n’a jamais connue. Où qu’elle aille, les esprits iront aussi, la traquant sans merci.
On raconte encore que pour briser cette malédiction, elle devra dire adieu à tout ce qu’elle a toujours connu pour partir en quête de l’épave du Mermaid’s Plague, le légendaire pavillon de la cruelle capitaine.
Cette histoire, c’est celle de Toma. Mais c’est aussi celle de Boone et celle de Roi-Crocodile, qui l’accompagneront dans sa quête de vérité.

******

Et le ciel se voila de fureur, Taï-Marc Le Thanh, L’école des loisirs, 2022.

Et le ciel se voila de fureur est un pur western, genre peu fréquent en littérature jeunesse. Paysages, voyages, poussière, rencontre avec des rustres, dangers… Ce récit est d’autant plus dépaysant qu’il est illustré de magnifiques croquis réalisés par l’auteur. La violence annoncée par le titre est omniprésente : tous les personnages sont animés par la vengeance, à tel point qu’elle étouffe tous les autres enjeux. Taï-Marc Le Thanh en esquisse pourtant certains que l’on aurait aimé voir développés comme la place des femmes, les relations dans une famille recomposée, la résilience… Ils auraient permis d’étoffer l’histoire et d’apporter de la profondeur aux personnages. Car malgré la plume toujours impeccable de l’auteur, leur côté un peu monolithiques peut finir par lasser.

L’avis de Lucie.

******

L’honneur de Zakarya, Isabelle Pandazopoulos, Gallimard Jeunesse, 2022.

Mutisme tête baissée, nom arabe, précédents multiples : Zakarya n’est-il pas le coupable idéal ? Mais qui est-il vraiment ? C’est ce que les jurés appelés à délibérer sur une affaire de meurtre vont devoir déterminer. Cette tragédie entre trois actes – JUGER, PROUVER, CONDAMNER – nous entraîne au cœur d’un procès d’assises. Les faits et la personnalité de Zakarya sont passés au crible pour aboutir à un jugement. Le récit du procès est ponctué de flash-backs de la jeunesse de l’accusé et du soir des faits. Ces fragments entretiennent le doute, dessinent un portrait complexe. Ado impulsif insuffisamment cadré par sa mère ? Petite frappe ? Rebelle à la rage brûlante ? Garçon solaire, déterminé à tenir la dragée haute aux préjugés ? Manipulateur hors-pair ? Ou abîme de fragilité ? Le mystère reste entier puisque Zakarya se tait. On brûle de le percer et le roman se dévore. La construction par flash-backs est impeccable et montre magistralement comment la tentation de plaquer des idées toutes faites peut nous induire en erreur. Les tentatives de comprendre Zakarya ont beau s’adosser à tous les gages d’apparence, de respectabilité et d’expertise, elles semblent irrémédiablement vouées à l’échec. Un roman « coup de poing » tout en subtilité et en sensibilité.

Les avis de Liraloin et d’Isabelle

******

La Dragonne et le Drôle, Damien Galisson, Sarbacanne, 2022.

L’univers et les personnages de La Dragonne et le Drôle sont cohérents, ce qui est toujours appréciable dans un roman fantasy. Le Drôle est un héros particulièrement touchant et son rapport aux animaux apporte un peu de douceur dans un univers plutôt brutal. Le moyen de communication entre les deux personnages principaux donne lieu à des passages très poétiques. Car Damien Galisson propose un vrai parti pris formel : entre les vers libres et les jeux de mise en page, son texte n’est pas banal ! Au lecteur de décider s’il accepte ou non de consacrer à ce roman exigeant l’attention constante que sa lecture requiert.

L’avis de Lucie.

******

Les Errantes, Jo Witek, Actes Sud Junior, 2022.

Trois jeunes filles, tourmentées par des apparitions surnaturelles, s’allient pour retrouver le cours de leur existence en affrontant leur peur, et pour venir en aide aux âmes tourmentées de femmes venues d’un autre temps. Des femmes ayant réellement existées ou inspirées par d’autres et qui interrogent sur l’héritage reçu de toutes celles qui nous ont précédées, sur la place à leur rendre pour gommer les inégalités et les erreurs qui leur ont portées préjudice pour avoir osé aller à contre-courant de croyances ou de codes sociaux en vigueur à leur époque.

Les errantes est un roman féministe, qui emprunte au fantastique et à l’historique pour rendre hommage à des femmes restées longtemps oubliées, porté par trois jeunes filles fortes et déterminées qui font preuve d’un magnifique esprit de sororité.

L’avis complet de Linda.

******

Les histoires des autres, Muriel Zürcher, Thierry Magnier Editions, 2022.

Présentation de l’éditeur : Une petite fille vivant dans un appartement empli jusqu’au plafond de sacs de croquettes pour chien. Un jeune à la dérive, le cœur brisé par le long silence de son ami, qui s’accroche à son rêve d’escalader avec lui les plus beaux ponts de la planète. Un vieux sans-abri découpant inlassablement des magazines pour reconstituer le visage d’une femme au fil des pages de ses cahiers d’écolier. Une lycéenne que son chien entraîne dans une drôle d’histoire qui n’a rien d’une histoire drôle. Et si la fantaisie et l’innocence de l’une transformait la vie des autres ? Lilibelle, Soan, Hector, Aricia et les autres, une petite troupe d’humanité cabossée dans un roman teinté d’humour où la vie déborde de partout.

******

Les Longueurs, Claire Castillon, Gallimard Jeunesse, 2022.

« Outre : peau d’animal cousue en forme de sac et servant de récipient. »
Simplement une peau et plus personne, aucune âme, aucune vie, aucun souffle pour l’habiter. Cette peau est celle d’Alice au doux diminutif de Lili 15 ans. Avant Lili a eu 7 ans puis 8 ans et c’est à ce moment-là que son tout s’est changé en noir, dans cette vie sans papa juste maman. Un papa qui vit aux USA mais il y a un homme Georges dit Mondjo toujours présent jouant le rôle du confident, du père absent, de l’amant de sa maman, de l’homme destructeur : « -Mais non, me répond-il, quand on se dit je t’aime avec le corps, on peut s’appeler autrement, tu veux bien t’appeler Anna, dans notre secret ? je réponds oui parce que j’adore la Reine des Neiges. »
Alice se rend compte que Mondjo fait tout pour l’éloigner de ses ami(e)s et de son père : «… J’ai quinze ans et j’ignore donc que les personnes comme Mondjo sont des hors-la-loi ? Je le sais, alors pourquoi je ne le dis pas ? Parce que lui et moi c’est l’amour, ou c’était. Ces jours-ci, je ne l’aime plus, mais si on retire le sexe, peut-être que je l’aimerais encore ? »

Durant la lecture de ce roman il est compliqué de se défaire de cette boule au ventre, de cette gorge serrée. Parfois et même souvent on oublie de respirer, on est juste le témoin du drame qui se joue dans la tête et le corps d’Alice. Lili lutte en permanence entre ses sentiments de soumission, de compréhension et d’acceptation. Claire Castillon réussit à écrire avec grande intelligence sur un sujet trop peu présent en littérature surtout dans celle destinée aux adolescents. A l’image de la couverture du livre, de cet homme prenant le contrôle sur cette jeune fille aux yeux fermés tout comme Mondjo prend le contrôle d’Alice et de sa mère, marionnettes aux fils cassants et fragiles.

L’avis d’Isabelle

******

On a supermarché sur la Lune, Sébastien Joanniez, Joie de Lire, 2022.

Au hasard des moments volés au train-train de l’existence, Rosa écrit son journal. La collégienne extériorise en les écrivant les milliers de choses qui bouillonnent en elle : scènes du quotidien, poèmes, réflexions, ressentis bruts, coups de gueule, déclarations d’amour… Tout cela forme une sorte de kaléidoscope assez déstabilisant. Les personnages sont nombreux à graviter autour de la protagoniste, leurs apparitions sont trop fugaces pour nous laisser le temps de nous attacher et leurs dialogues sont minimalistes, à la limite de la caricature. Le fil conducteur ne se révèle qu’à petites touches : il faut s’accrocher, se laisser porter par le texte pour voir où il nous mène. Mais il y a un rythme, un flow dans les mots de Rosa, une poétique de l’adolescence. Une fougue pour dire le mal-être et les révoltes, la famille qui devient trop étroite, les rêves, les fulgurances, l’intensité des émotions avec force points d’exclamation. Sous nos yeux, Rosa se cherche et se trouve. C’est chaotique, parfois douloureux, joli aussi. Et finalement, la forme éclatée de ce roman est à l’image de la manière dont on grandit.

L’avis complet d’Isabelle

******

Rien nous appartient, Guillaume Guéraud, Pocket Jeunesse, 2022.

Dans Rien nous appartient, Guillaume Guéraud se met dans la peau de Malik, un jeune en rupture sociale qui s’apprête à commettre l’impassable. Critique sociale, le texte prend la forme d’un témoignage, un testament dans lequel le jeune homme raconte sa famille, ses amis, la cité, […] son parcours atypique pour expliquer son geste et dire sa vérité d’un monde qu’il rêve plus juste, plus égalitaire. Par ailleurs, le texte soulève de nombreuses questions sur notre société et son fonctionnement, mais on retiendra principalement celle de l’accompagnement, de l’écoute et de la prise en charge des personnes (des jeunes) en situation d’échec ou de fracture sociale.

L’avis complet de Linda.

******

Ton absence, Guillaume Nail, Rouergue, 2022.

Pour valider son BAFA, Léopold participe à un stage d’approfondissement avec sa nouvelle bande de potes, La Coterie.
Le jour du départ, un garçon solitaire et solaire le trouble et l’attire, Matthieu.
Il n’est pas le seul. Damien, le chef autoproclamé de la bande, a pris le jeune homme en grippe et enchaîne remarques et comportements, aussi humiliants que vulgaires, pour l’ostraciser. Et pire, le groupe le suit.
Léopold est offusqué, blessé même. Pourtant, par peur du rejet, il ne fait rien et se soumet même.
Pourtant, dorénavant, il y a « son absence » et Léopold en est forcément transformé.

Dans un récit multiforme qui joue sur les dualités, Guillaume Nail explore, non pas le désir homosexuel, mais la force du groupe sur ce désir. Cette force qui peut rassurer mais aussi étouffer et enfermer, quitte à se détester soi pour ne pas être détesté, pour ne pas être délaissé par les autres.
Un roman qui ne laisse pas indifférent.

******

Hors compétition (puisque Vincent Mondiot a déjà été lauréat du Prix Vendredi)

Emergence 7, Vincent Mondiot et Enora Saby, Actes Sud Junior, 2022.

Vingt ans l’Émergence 7, Léon peut enfin retourner sur les lieux. Il y trouve le cimetière de sa jeunesse et des réminiscences traumatisantes, celles de cette journée qui a vu son enfance voler en éclats… On peut être frustré par rapport à ce qui semble au départ se dessiner comme l’intrigue principale : Que sont les Émergences et que dissimule l’État à leur sujet ? Qui a survécu parmi les protagonistes ? L’essentiel est finalement ailleurs. Les aller-retours entre le temps de la narration, les souvenirs du jour de l’Émergence, des années antérieures et postérieures permettent de varier les rythmes et les perspectives sur la catastrophe, alternant récit de survie et méditation sur la fin de l’enfance, la fragilité des liens humains, les traumatismes des survivants. On navigue ainsi entre teen novel, thriller post-apocalyptique et drame. Surtout : c’est un nouveau format au croisement du roman et de l’album qu’inventent Vincent Mondiot et Enora Saby, leur permettant de jouer sur les deux tableaux. L’ampleur du texte en surimpression sur des illustrations pleine page permet de développer une intrigue nourrie. Mais la narration portent le récit au moins autant que les mots. C’est hyper réussi, haletant et très original, bien que très sombre. Ce titre fondera-t-il un genre à la croisée entre roman et album ? Pour sa part, Isabelle adorerait retrouver ce format.

L’avis complet d’Isabelle

******

Pour savoir qui succèdera à Amour Chrome, Les derniers branleurs, L’Estrange aventure de Mirella, Les amours d’un fantôme en temps de guerre et L’aube sera grandiose, rendez-vous sur le site du prix !

Et vous, lequel avez-vous préféré ?

Le Prix Vendredi, la cinquième édition

Le Prix Vendredi récompense chaque année un roman destiné aux adolescents. Une sorte de Goncourt pour ce public qui le mérite bien ! Le 8 novembre 2021, il a été attribué à Amour Chrome, de Sylvain Pattieu, tandis que deux mentions spéciales ont récompensé Joëlle Ecormier pour et Nastasia Rugani pour Je serai vivante. Bravo aux lauréat.e.s ! Pour prolonger l’expérience et continuer de célébrer la littérature ado, nous avons eu envie comme l’année dernière de partager nos impressions sur les dix titres de la sélection 2021.

******

J’ai 14 ans et ce n’est pas une bonne nouvelle de Jo Witek, Actes Sud junior, 2021.

J’ai 14 ans et ce n’est pas une bonne nouvelle est un roman porté par le souffle de son héroïne, Efi, 14 ans, qui va devoir affronter une terrible épreuve : celle que ses parents lui ont préparée au début des vacances scolaires, celle du mariage forcé avec Soan, de 15 ans son aîné. Efi résiste mais qui peut résister à la horde sauvage qui unit tant de gens autour de certaines traditions ? Seule, c’est impossible. Alors il faudra compter sur Atâ, son grand frère, sur Mme Gatzea , son enseignante passionnée de littérature, sur Emily Dickinson, sur Petite Fleur, la chèvre apprivoisée et surtout sur Mme Renata, membre d’une ONG qui lutte contre le mariage forcé.
Si ce roman n’a pas été sans rappeler à Frédérique Les Impatientes de Djaïma Amadou Amal, prix Goncourt des lycéens en 2020, il offre cette originalité de ne se situer nulle part, ce qui lui confère une dimension – tristement – universelle.
Et puis il rappelle, dès le titre, ce que devrait être toute adolescence : une lumineuse et extraordinaire bonne nouvelle !

L’avis de Frédérique.

******

La Gueule-du-Loup d’Eric Pessan, l’école des loisirs, 2021.

Isabelle n’a pas du tout regretté de s’être risquée à La-Gueule-du-Loup. Avec un nom pareil, il fallait avoir le goût du danger… La maison est à l’image de son nom, sombre et pleine d’ombres – drôle d’endroit pour venir se confiner. Quelle est la chose malsaine qui cerne les lieux ? Lorsqu’une peluche est retrouvée déchiquetée, il devient clair que ce n’est pas l’imagination de Joséphine et de ses proches qui leur joue des tours… Éric Pessan, de sa belle plume imagée, joue des codes du genre horrifique pour tirer sur toutes les cordes de notre paranoïa. Et pourtant, c’est sur un tout autre terrain qu’il nous entraîne finalement, suivant une partition inattendue mais d’autant plus glaçante, à la lisière entre le thriller, le conte, la poésie et le drame. Prise de court, Isabelle a lu ce livre en apnée, mais non sans noter au passage une foule de réflexions très juste sur l’époque contemporaine (on se gardera bien de vous en dire plus !). Ce roman hypnotique se dévore et laisse groggy, mais aussi étrangement apaisé.e.

L’avis complet d’Isabelle.

******

La Sourcière d’Elise Fontenaille, Rouergue, 2021.

Pour Linda, La Sourcière est un conte poétique, cruel et féministe qui nous entraîne dans les pas de Garance au pays des volcans assoupis. Alors qu’elle grandit dans la protection de Gallou la Brodeuse et parcourt la lande accompagnée de la Renarde, elle avance inéluctablement vers son destin et la confrontation au cruel et sanguinaire Saigneur Guillaume.

L’avis complet de Linda.

******

Olympe de Roquedor de Jean-Philippe Arrou-Vignod & François Place, Gallimard jeunesse, 2021.

Jean-Philippe Arrou-Vignod et François Place rendent hommage aux feuilletons populaires et aux romans de cape et d’épée du 19ème siècle, mais en bousculant allègrement les codes puisque le premier rôle revient à une jeune fille. Cette aventure s’inscrit dans un écrin historique, avec ce qu’il faut de châteaux, de cavalcades, de tavernes, de bandits et de chasses aux sorcières : on s’y croit ! C’est une époque où l’on dispose des jeunes filles comme du bétail, qu’il s’agisse de les jeter au couvent ou de les marier. Mais Olympe semble indomptable. On s’attache immédiatement à ce personnage flamboyant, partageant son désarroi et sa lutte désespérée pour défendre sa liberté. Ses péripéties sont portées par la plume généreuse des deux auteurs. Il y a de l’action et de la liberté, du souffle et du mystère, des combats et de la subversion – même si on aurait aimé que le roman aille plus loin encore : pourquoi cette jeune femme si pleine de ressources doit-elle être si souvent sauvée, voire éclipsée par ses alliés masculins ? Cela dit, les dialogues sont plus vrais que nature, dignes d’Alexandre Dumas ou même de Molière. Un brillant récit d’aventure dont Lucie et Isabelle n’ont fait qu’une bouchée.

Les avis complets d’Isabelle et de Lucie.

******

Parler comme tu respires d’Isabelle Pandazopoulos, Rageot, 2021.

Dans Parler comme tu respires Isabelle Pandazopoulos raconte l’histoire de Sibylle, 15 ans, qui décide presque sur un coup de tête de se former à la sculpture. Dans une école spécialisée, loin de sa famille, elle va se découvrir et percer le lourd secret de famille à l’origine de son bégaiement.
Ce roman a fait à Lucie l’effet d’un catalogue de difficultés à placer dans un roman jeunesse contemporain. Jugez plutôt : sont abordées les tensions que l’orientation professionnelle peut créer entre parents et enfant, le handicap, Alzheimer, un parent en prison, l’homosexualité tant chez une fille que chez un garçon, la misogynie et un secret de famille.
En 320 pages, cela fait beaucoup. Sans mettre en doute la sincérité de son auteure, le nombre de thèmes abordés donne l’impression qu’elle a voulu placer un maximum de mots-clés en un minimum de pages. La lisibilité, mais aussi l’intrigue et la crédibilité en pâtissent nécessairement. Pourtant, la passion de l’héroïne pour Rodin et sa vocation de sculptrice étaient prometteuses…

L’avis de Lucie.

******

Plein Gris de Marion Brunet, PKJ, 2020.

Dans Plein Gris de Marion Brunet, il n’y a pas de pause, pas de temps mort.
« Quand le corps apparaît à la surface, inerte, contre la coque du voilier, personne ne crie. Aucun d’entre nous. Comme si ça n’arrivait pas jusqu’à nos consciences. Comme si, en ne réagissant pas, on pouvait annuler la réalité du fait : c’est un cadavre qui remonte. Le cadavre de notre ami, pour être précise. »
Voilà, le décor est planté, une intrigue implacable est nouée et l’histoire peut commencer avec cette tourmente terrifiante qui se dessine à l’horizon. La double tourmente qui frappe le groupe, celle qui l’a précipité vers la mort de Clarence et celle qui submerge le voilier, place le récit sous haute tension. On le parcourt en apnée, happé.e par les spirales de pensée des navigateurs et la façon dont se révèlent, dans l’ouragan, les blessures cachées et le tumulte déchaîné sous la surface sciemment lissée tournée vers les autres. La narratrice dit très bien la férocité et la naïveté du regard adolescent sur la vie, l’ivresse de naviguer à la lisière du danger et les jeunes amitiés, intenses et troubles. Marion Brunet mène habilement sa barque entre huis clos et nature incommensurable, entre roman catastrophe et thriller psychologique. Addictif et réussi !

Les avis complet d’Isabelle et de Frédérique.

******

Quelques secondes encore de Thomas Scotto, Nathan, 2021.

Une passion dangereuse, les limites repoussées, le saut de trop, pas assez près ou prêt, et c’est la chute… fatale. Alban n’est plus. Son cœur bat, il respire, artificiellement, mais non, il n’est plus. Ce n’est plus lui. Et les médecins qui veulent savoir. Pour les organes. Car le temps est compté.

Au fil de chapitres qui entrecroisent passé et présent, Anouk, la sœur d’Alban, nous raconte son frère, ses goûts, son caractère, leur relation fusionnelle, les souvenirs en cascade, des plus fous aux plus anodins. Elle nous décrit l’hôpital, la chambre, la confusion de sa mère, ce que son frère voulait et aurait voulu, l’absence de leur père, retenu à des centaines de kilomètres pour son travail. Elle décrit l’imbroglio d’émotions, et ces trois lettres que sa mère doit se résoudre à prononcer… « Oui »… ou …. « non ».

Ce texte, plein de délicatesse, a pris Blandine au cœur. Intime, humain, poignant, il nous bouleverse, nous bouscule, et nous pousse à nous interroger sur nos croyances, nos possibles en pareille situation.

L’avis complet de Frédérique.


Ils ont reçu une Mention Spéciale

de Joëlle Ecormier, Zebulo, 2021.

Pour Linda, est un récit sensible et poétique qui aborde les difficultés du deuil chez l’adolescent avec sincérité et justesse. Le texte nous entraîne dans une quête de vérité et d’acceptation pour rendre sa vie à un jeune homme rempli de colère et de chagrin par la perte d’un père disparu en mer. Il ne faudra rien de moins que l’amour d’une mère et d’une sœur, et la gentillesse d’un inconnu pour le ramener parmi les vivants.

L’avis de Linda.

******

Je serai vivante de Nastasia Rugani, Gallimard Scripto, 2021.

Assise sur une chaise, une jeune fille dépose plainte. pour viol. En face d’elle, un officier aux questions froides et factuelles. Pas de place pour l’empathie. Sur sa chaise, dans sa tête, la jeune fille se souvient, par bribes, par émotions. Ses pensées s’échappent, remontent le temps et nous racontent.

Blandine a été malmenée par ce récit. Par son écriture d’abord. Une écriture ciselée, poétique, métaphorique, qui use de figures de styles. Qui tourne, contourne, nous perd aussi un peu dans le méandres des sentiments et souvenirs de la jeune fille. Et pourtant rien n’est confus, tout est glaçant. Son histoire, qui aurait pu, qui aurait dû être belle, puis le viol et ses suites. La rupture interne, familiale, sociale. Et enfin, ces murs oppressants du commissariat pour un témoignage éprouvant. La victime est deux fois victime, devoir raconter encore et encore, devoir prouver, n’être toujours pas crédible, être culpabilisée, salie.. Douter, pas d’elle-même, mais d’eux, de leur aide possible, de leur envie de l’aider. C’est éprouvant, écœurant. Heureusement, le récit s’éclaire par moments, et ce titre nous laisse rassurés par sa capacité, future, de résilience. Oui, elle sera vivante!


Le lauréat du Prix Vendredi 2021

Amour Chrome de Sylvain Pattieu, L’école des loisirs, 2021.

Amour Chrome s’engouffre dans le quotidien d’ados qui se cherchent, des gamins qui réagissent, interagissent entre eux de façon naturelle sans surjouer. Ce sont surtout des histoires de rêves d’ados comme il en existent tout autour de nous. Frédérique a trouvé ce roman chaleureux, humain et attachant : « Il est heureux, il est avec ses copines et son pote, il trace sa route. » Le jury du prix a salué « la force, la puissance poétique et la justesse de la langue, mais aussi l’énergie des personnages ».

L’avis de Frédérique.

******

Et vous, lequel a votre préférence?

Le Prix Vendredi est de retour !

Le Prix Vendredi devait être décerné le 2 novembre, mais nous venons d’apprendre qu’en soutien aux métiers du livre durement touchés par le nouveau confinement décidé cette semaine, la décision du jury ne sera connue que lorsque les librairies pourront rouvrir ! En attendant, nous partageant avec vous comme l’année dernière nos avis sur les dix romans sélectionnés pour cette quatrième édition !

******

Âge tendre est un roman atypique. Il se donne à lire comme… le rapport de stage de service civique de Valentin. Une expérience inoubliable qui nous entraîne, à sa suite, dans un établissement de soin à des personnes atteintes d’Alzheimer au concept peu commun : il s’agit de reconstituer le décor de leur jeunesse. Autrement dit, les années 1960 ! Un roman touchant et drôle sur « l’âge tendre » de l’adolescence – ce moment de prendre son envol, de réaliser que certaines choses sont plus nuancées qu’on ne le pensait et de partir à la recherche de son identité.

Âge tendre de Clémentine Beauvais.

N’hésitez pas à lire les avis d’Isabelle, de Linda et de Lucie pour en savoir plus !

******

Alma a été un des coups de cœur de l’été d’un grand nombre d’entre nous. Ce premier tome de la grande fresque sur l’esclavage de Timothée de Fombelle, illustré par son complice François Place, nous a tout simplement emportées. Nous avons retrouvé le souffle d’aventure que nous avons tant aimé dans ses précédents romans, des personnages au caractère fort mais nuancé et un contexte historique fouillé et passionnant.

Retrouvez les avis de Pépita, Isabelle et Lucie ainsi que notre lecture commune.

******

Et le désert disparaîtra, est un roman d’aventure et d’apprentissage emportant le lecteur dans une dystopie passionnante. Un ouvrage poétique, porteur d’espoir et très pertinent sur l’avenir de notre planète et de notre survie. L’auteure aborde la question de l’écologie, du féminisme, des traditions, de la survie de l’espèce humaine, animale et végétale. 

Et le désert disparaîtra de Marie Pavlenko

Nous vous en avions proposé une lecture commune dès sa sortie tellement ce récit nous avait questionnées : vous retrouverez notre discussion ici .

N’hésitez pas à lire les avis de Claudia et de Pépita pour en savoir plus.

******

L’âge des possibles est un roman qui aborde le passage à l’âge adulte et les choix qu’il faut faire pour y entrer en toute conscience. L’écriture est douce, les héros issus d’une communauté amish sont une ouverture sur le monde bienveillante et bienvenue dans un monde où l’on peut se sentir agressé par le quotidien.

L’âge des possibles de Marie Chartres.

N’hésitez pas à découvrir les avis de Pépita, de Linda et de Lucie.

******

L’Attrape-Malheur est le premier volet d’une trilogie qui s’annonce déjà très originale et captivante. Portée par une plume très vivante et les illustrations crayonnées de Tom Tirabosco, l’intrigue de ce conte moderne est riche de péripéties, de dialogues savoureux et de personnages tous plus romanesques les uns que les autres. Et en toile de fond, des questionnements saisissants sur l’ambivalence du bien et du mal, de l’amour et du « progrès ».

L’Attrape-Malheur, de Fabrice Hadjadj, La Joie de Lire

Pour en savoir plus, n’hésitez pas à lire l’avis complet d’Isabelle.

******

Les derniers des branleurs est un roman mordant, interpellant, brut, qui ne laisse pas indifférent. Beaucoup de thèmes sont évoqués de manière réaliste, ce qui en fait un ouvrage prenant et percutant. Au final, quatre gosses ordinaires, très attachants et cherchant un avenir ou une place, dans notre société actuelle. Les années lycée sont maintenant derrière eux, c’est une page qui se tourne… La fin de l’insouciance. Ce passage à l’âge adulte qui les effraie tant et vers lequel, ils ne se projettent pas du tout. A découvrir, à partir de 15 ans. 

Les derniers des branleurs de Vincent Mondiot

L’avis de Claudia est disponible ici.


******

Sans armure de Cathy Ytak est un roman d’amour touchant sur « une différence invisible » de l’une d’elles. Comment atteindre l’autre dans sa souffrance ? Comment faire grandir l’amour qu’on se porte malgré tout ? Un très beau roman porté par une plume sensible.

Sans armure, de Cathy Ytak, Talents hauts

L’avis de Pépita.

******

Soleil glacé : un roman magnifique sur la rencontre d’un frère et d’une sœur qui apprennent à se connaitre. Pierrot souffre du syndrome de l’X fragile. Luce va savoir le « bousculer » un peu avec sa franchise, son sens de l’observation, sa gentillesse bourrue, son ironie mordante. Ils sauvent tous les deux ce qu’on leur a volé.

Soleil glacé, de Séverine Vidal
R-Jeunes Adultes

L’avis de Pépita ici.

******

Tenir debout dans la nuit est un livre à mettre dans toutes les mains. Un roman abordant un thème essentiel et d’actualité  : Le consentement. Mais aussi, sur les violences faites aux femmes, les relations humaines, la question du respect, sur l’adolescence… C’est un texte intelligent, subtil et parfaitement destiné aux adolescents.

Tenir debout dans la nuit d’Eric Pessan

Pour en savoir plus, n’hésitez pas à lire les avis de Claudia et de Pépita !

******

Touche-moi est le dernier roman de la prolifique Susie Morgenstern. Publié dans la nouvelle collection L’Ardeur de Thierry Magnier, il propose une vision de la sexualité adolescente à travers l’histoire de Rose, jeune lycéenne albinos.

L’avis de Lucie est disponible ici.

******

Et vous, lequel aurait votre préférence ?

Lecture commune : Les amours d’un fantôme en temps de guerre de Nicolas de Crécy

Le 16 octobre dernier, Les amours d’un fantôme en temps de guerre de Nicolas de Crécy recevait le Prix Vendredi, devenant ainsi le deuxième lauréat (Anne-Laure Bondoux avait été la première avec son roman L’aube sera grandiose).

Présenté comme le « Goncourt de la littérature jeunesse, et nommé ainsi en référence à Michel Tournier, ce prix récompense « un ouvrage francophone, destiné aux plus de 13 ans ».

Un livre qui reçoit un prix littéraire suscite toujours la curiosité et fait souvent débat.

A l’ombre du grand arbre, nous sommes curieuses et nous aimons débattre. De fait, nous avons décidé de faire une lecture commune autour de ce roman atypique…

Les amours d’un fantôme en temps de guerre

de Nicolas de Crécy (Albin Michel 2018)

***********

Hashtagcéline : J’avoue que j’étais passée un peu à côté de ce roman lors de sa sortie. Le fait qu’il reçoive le Prix Vendredi m’a incitée à me pencher sur le cas de ce fantôme. Et pour vous, c’était quoi le déclic? Le prix? Le bouche à oreille? L’auteur? Les illustrations?

Sophie : Comme toi, je ne l’avais pas vu passer à sa sortie. C’est au moment de sa sélection au Prix Vendredi que je l’ai découvert et que je l’ai lu un peu après. J’avais surtout envie de le découvrir pour voir comment était fait ce roman très illustré et la place qui était vraiment laissée à l’image

Pépita : Tout pareil, c’est le Prix Vendredi qui me l’a mis en lumière. J’étais intriguée par la forme, envie d’aller voir cette articulation texte/images dans un roman qui plus est pas vraiment estampillé jeunesse. Aucune idée non plus de l’auteur que je ne connaissais pas. Bref, de quoi susciter ma curiosité de lectrice !

Isabelle : De mon côté, je dois admettre que je n’avais pas repéré du tout ce livre. Comme de plus en plus souvent, c’est vous qui avez attiré mon attention – notamment quand j’ai lu la critique de Sophie ! Après avoir vu qu’il s’agissait d’histoire et de politique, ma curiosité a été piquée. J’ai évidemment saisi la première occasion de le feuilleter en librairie et j’ai eu immédiatement un coup de cœur pour les illustrations !

Hashtagcéline : Justement, parlons-en de ces illustrations… Nombreuses, presque à chaque double page, elles occupent une place très importante dans le roman. Pour ma part, c’est ce qui fait l’attrait principal de ce livre mais aussi son originalité. Qu’en est-il pour vous? Qu’avez-vous ressenti ? Selon vous qu’apportent-elles au roman?

Pépita :Je suis tout à fait de ton avis. Elles apportent un réel plus et sont très bien intégrées dans la narration, sans percuter les propres images du lecteur. Il y en a de très touchantes, d’autres terribles. Elles ont une belle unité de tons et d’atmosphère.
De ce point de vue, une réussite !

Isabelle : D’accord avec vous ! L’atmosphère est très particulière, empreinte de mélancolie et pleine de contrastes entre ombre et lumière, entre la douceur de l’entourage du petit fantôme, la beauté des paysages et l’horreur de la guerre. Ce sont de vrais tableaux et c’est assez incroyable d’avoir pu atteindre une telle qualité dans le cadre d’un ouvrage aussi long… Et elles sont bien pensées, prolongent le récit, voire prennent carrément le relais sur le texte. C’est probablement le principal point fort de ce livre.

Bouma : Les illustrations sont vraiment magnifiques. Elles attirent tout de suite le regard avec ce trait crayonné incisif mélangé à des couleurs très surannées. Je vous rejoins donc sur cette atmosphère particulière qui s’en dégage. Après j’avoue m’être demandée tout au long de ma lecture si elles avaient précédé l’écriture du texte, si c’était l’inverse ou si l’auteur avait construit les deux en parallèle. Ça ne change rien à leur qualité mais ça me trotte encore dans la tête.

Hashtagcéline :Ce roman nous plonge dans un univers où les fantômes existent et vivent parmi nous. Malgré le caractère en soi surnaturel de la chose, j’avoue que parfois, j’y ai trouvé quelques incohérences et j’ai eu quelques difficultés à complètement adhérer. Et vous? Comment l’avez-vous ressenti ? Avez-vous aimé évoluer dans ce monde spectral?

Sophie : Au contraire, j’ai totalement adhéré à l’univers. Il est vrai que je me souviens d’un moment où j’ai trouvé que le lien entre l’univers des humains et celui des fantômes manquait de logique mais ça ne m’a pas empêché d’apprécier l’histoire. Ce que j’ai préféré, c’est ce passage au musée où un personnage raconte au héros que l’on peut clairement voir la présence de fantômes dans l’œuvre artistique de certains humains. J’aime bien cette idée que des mondes parallèles puisse croiser notre univers à nos dépends, qu’il y a quelque chose qui existe qui va plus loin que ce que voient nos yeux.

Bouma : Dans ce roman, le surnaturel apparaît pour moi comme un écho des problèmes du monde ; c’est d’ailleurs ainsi que l’explique le héros fantomatique. J’avoue donc ne pas m’être réellement attachée à cette caractéristique du récit mais plutôt aux aspects historiques. La figure du fantôme « résistant » allait de soi puisqu’il devait rester caché et ne pas apparaître aux yeux des humains comme des fantômes acides.

Pépita : J’ai été séduite au départ par la forme du récit mais j’avoue que j’ai trouvé que la narration manquait de pep’s assez rapidement. Et puis si j’ai bien saisi les allusions au monde des humains, j’ai comme toi été gênée par les incohérences. Comme les fantômes qui survolent, j’ai trouvé certains aspects pas assez profonds dans le développement et je me suis parfois perdue, voire j’ai été un peu agacée par les redites dans les ressorts de l’intrigue. On finit par tourner un peu en rond.

Bouma : Ça je suis d’accord avec toi Pépita, même si j’ai moins été gênée que toi par ces incohérences, j’ai trouvé certaines longueurs au récit… puisque le fantôme semble toujours revenir à son point de départ (au sens figuré).

Isabelle : Je vous rejoins complètement là-dessus. C’est curieux d’ailleurs, car les thématiques du roman (qu’il s’agisse de la période historique, des idéologies haineuses, des liens familiaux ou de l’adolescence) me tiennent toutes vraiment à cœur et j’ai trouvé l’écriture très belle. Et pourtant, j’ai eu énormément de mal à entrer dans cette histoire. Est-ce lié à la mise à distance du fait de l’inscription dans le monde des fantômes qui m’aurait empêchée de m’identifier pleinement ? Je pense plutôt que cela vient de la trame narrative qui m’a semblé un peu flottante, sans mauvais jeu de mot ! On voit bien qu’il s’agit de la montée du fascisme et il y a des enjeux autour de la capacité des fantômes à résister, mais au niveau individuel de notre petit fantôme, on a souvent l’impression qu’il erre dans ce monde dévasté sans savoir ce qu’il cherche et ce qu’il est censé trouver, puisque l’on comprend dès le départ qu’il ne retrouvera pas sa famille.

Hashtagcéline :Dans ce roman, le titre l’annonce : « Les amours d’un fantôme en temps de guerre » Qu’en pensez-vous ? Vous semble-t-il pertinent à la lumière de votre lecture ? Qu’est-ce qui pour vous fait l’essence de ce roman : l’amour ou la guerre (ou les deux) ? Et lequel de ces deux aspects vous a le plus touché/intéressé?

Bouma : C’est un peu la conclusion de mon billet sur ce roman, ta question. Je n’ai pas compris le titre et ai attendu longtemps les amours de ce fantôme… Je trouve que la guerre, et donc l’aspect historique dont je parlais précédemment, sont vraiment au centre du roman. La question sentimentale est vraiment subsidiaire, à tel point que je ne m’en rappelle plus grand chose.

Isabelle : Là encore, je suis complètement d’accord avec vous. Je n’y ai pas réfléchi sur le moment, mais en lisant le billet de Bouma, je me suis dit que ce titre était effectivement curieux. Il est, certes, question de la disparition des parents du fantôme qu’il aime sincèrement, puis d’une jeune fantôme qui l’accompagne un moment et dont il s’éprend, puis d’une jeune humaine dont le lecteur aura sans doute entendu parler. Mais cette dimension sentimentale n’est pas creusée et n’est pas vraiment articulée à l’intrigue. Il me semble que le roman n’aurait pas été vraiment différent sans ces émois du protagoniste…

Sophie : Je vous rejoins également puisque j’ai aussi été surprise de la présence très secondaire de l’amour dans l’histoire. Comme le dit Isabelle, il y a un amour familial, une ébauche de premier amour mais rien qui ne justifie ne le titre. J’aurais plus vu « Les aventures d’un fantôme en tant de guerre ».

Hashtagcéline :Ce roman est paru chez Albin Michel tout court, sans la mention « jeunesse ». Sur le site de l’éditeur, il le conseille « Pour les jeunes lecteurs comme pour les adultes (à partir de 13 ans) ». Qu’en pensez-vous?

Isabelle : Je suis contente que tu poses cette question, Céline, car c’est effectivement loin d’être évident… Il me semble que l’univers fantomatique est assez enfantin, cela m’intéresserait de savoir si cela parle à des ados ou des jeunes adultes. En même temps, il y a des passages vraiment ardus pour des lecteurs trop jeunes, non ? Je pense par exemple aux réflexions métaphysiques du fantôme du musée, que j’ai dû moi-même relire plusieurs fois avant de les comprendre… Et les références historiques ne pourront être pleinement saisies que par celles et ceux qui auront déjà étudié l’histoire du 20ème siècle. Je ne saurais donc pas bien à qui destiner ce roman. Et vous?

Pépita : J’ai le même ressenti. Il joue sur plusieurs cibles de public et ce positionnement est loin d’être pertinent dans la mesure où effectivement il faut des clés de compréhension. Il semblerait-et cela rejoint nos réponses aux questions précédentes-que la narration qui s’effiloche au fur et à mesure donne une apparente simplicité alors qu’il n’en est rien. Le titre aussi. Est-ce la forme qui a conduit l’éditeur à faire ce choix ? Je ne peux me résoudre que ce soit sur le fond tout de même…Il serait intéressant d’avoir son retour je trouve. Car bibliothécaire jeunesse je suis et j’aurais bien du mal à le conseiller à de jeunes lecteurs. A partir de 13 ans, pourquoi pas mais encore faut-il être bon lecteur car moi aussi, comme toi Isabelle, je me suis parfois perdue.

Bouma : Effectivement, je suis d’accord avec vous. Il faut vraiment avoir étudié ce contexte historique pour comprendre certaines références de l’histoire. D’un autre côté, je trouve que la forme, avec les illustrations, peut « refroidir » certains adultes qui y verraient un côté enfantin (alors que pas du tout). Pour moi c’est un peu un OLNI qui doit vraiment être conseillé pour trouver son lectorat.

Sophie : Je l’ai vraiment lu avec l’idée qu’il se destinait plus aux ados, à partir de 13 ans me semble bien. Pour moi ce n’est pas complètement gênant s’ils n’ont pas toutes les références nécessaires. Peut-être seront-ils amenés à repenser à ce livre le jour où ces références se présenteront à eux.

Hashtagcéline :Face à La tête sous l’eau d’Olivier Adam (Robert Laffont), Brexit romance de Clémentine Beauvais (Sarbacane), Pâquerette, une histoire de pirates de Gaston Boyer (Gallimard Jeunesse), Rester debout de Fabrice Colin (Albin Michel), Un mois à l’ouest de Claudine Desmarteau (Thierry Magnier), Trois filles en colère d’Isabelle Pandazopoulos (Gallimard Jeunesse), et Pëppo de Séverine Vidal (Bayard), ce roman a reçu cette année le Prix Vendredi 2018. Vous en pensez quoi?

Sophie : En fait, j’étais un peu partagé à l’annonce du résultat. D’un côté, je trouve intéressant de mettre en avant un livre qui sort du lot principalement par sa forme illustrée. Mais en même temps, je trouve dommage que ce ne soit pas un livre plus représentatif de la littérature ado du moment.

Pépita : Tout comme Sophie, je suis partagée sur la cible de ce roman. Je pense que ce qui a séduit, c’est la forme originale. Mais c’est vrai que cela brouille sur le positionnement littérature ado.

Isabelle : De mon côté, j’ai réagi à l’annonce du prix avec beaucoup de curiosité puisque je ne connaissais pas encore ce roman. Je n’ai pas lu l’ensemble de la sélection, mais les livres que j’ai eu l’occasion de lire sont tous des coups de cœur, chacun à leur manière. On peut toujours penser que d’autres romans auraient mérité d’être distingués mais in fine, ce type de prix répond aussi à une sensibilité particulière : selon quels critères comparer des romans si différents les uns des autres ? J’aurais été intéressée de lire un argumentaire du jury, de connaître les raisons qui l’ont fait pencher pour ce roman-là. En tout cas, je partage un sentiment d »urgence d’entretenir la mémoire du 20ème siècle et beaucoup d’admiration pour les illustrations et le côté original !

 

***********

Retrouvez nos avis à propos de ce roman sur nos blogs :