Lecture en duo : Capitaine Rosalie

Hier le monde s’est souvenu de la fin de la Grande guerre. Il y a 100 ans l’armistice était signé. Il n’y a pas une famille qui ait été épargnée par ce conflit.

C’est un des thèmes de ce sublime album de Timothée de Fombelle au texte et Isabelle Arsenault aux illustrations, publié chez Gallimard jeunesse.

CAPITAINE ROSALIE  : Alors que son père est à la guerre, Rosalie se lance dans une mission secrète.

Nous sommes deux à l’avoir lu sous le Grand Arbre (pour l’instant !) et nous avons eu envie d’échanger sur notre ressenti, Céline et moi-même, avec une pensée émue pour nos aïeuls qui ont combattu ainsi que pour tous ceux qui ne sont pas revenus.

Des photos de l’album vont illustrer nos propos et à la fin, une lecture d’un passage à voix haute.

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Pépita : Qu’est-ce qui t’a donné envie de te plonger dans cet album ?

Céline : Déjà, je suis une grande fan de Timothée de Fombelle. J’aime ses histoires, sa façon d’écrire et sa sensibilité. J’ai eu l’occasion de l’entendre parler de cet album et il a su, comme à chaque fois, me toucher. Il m’a complètement conquise avant de l’avoir en main. Et toi ?

Pépita : Comme toi, je suis une grande fan de cet auteur que j’ai découvert grâce à la passion d’un des membres de ce blog ! Pour celui-ci, je l’ai acheté les yeux fermés et waouh ! Quelle émotion ! Je connaissais son illustratrice aussi pour d’autres albums et je me suis dit que ce devait être une pépite !
Qu’est-ce que ce titre a d’emblée évoqué pour toi ? Il est vrai que le sous-titre éclaire un peu non ?

Céline : Le titre m’a évoquée la notion de combat, nécessairement. Mais en même temps, il m’a rendue très curieuse de connaître l’histoire de cette petite fille. Comment pouvait-elle être impliquée aussi jeune dans ce conflit ? Et surtout, quelle pouvait bien être sa mission secrète ? Mais je me suis surtout dit que c’était un joli titre plein de promesses, connaissant TDF.
Les illustrations occupent une place importante, qu’en as-tu pensé ?

Pépita : Oui et tant mieux ! J’ai beaucoup aimé leur résonance avec le texte et leur symbolisme : grisaille, bleu des lettres et flamboyance de l’orange dans les cheveux de Rosalie. Les double pages arrivent à point comme une respiration nécessaire à ce texte lourd de sens.
Un texte dont on ne peut dévoiler le mystère qui plane : cette mission que s’assigne Rosalie n’est-ce pas ?

Céline : Impossible d’en dire trop effectivement car j’avoue que si j’avais eu le fin mot de l’histoire avant, je n’aurais pas eu la même émotion… T’es-tu doutée de quelque chose durant ta lecture? Car honnêtement, pas moi. Pas un instant. Je me suis juste laissée portée par le texte et par l’ambiance… Aveugle aux indices.

Pépita : Je me suis doutée de quelque chose mais je n’ai pas voulu m’y attarder. J’ai laissé le texte se dérouler et faire son oeuvre émotionnelle. Et puis quand j’ai réalisé réellement de quoi il s’agissait comme mission, j’ai trouvé cela terrible, presque même plus que la guerre et ses conséquences car concernant son papa, je n’étais guère positive quant à l’issue. TDF aborde là un sujet grave : la guerre vue par les enfants, même si elle est loin et donc moins présente. Elle est présente à travers les lettres du papa. Il aborde la vérité qu’on doit aux enfants. Mais en même temps, on ne peut s’empêcher de se dire : qu’aurais-je fait à la place de la maman ? Il arrive aussi à introduire du merveilleux à travers plein de petites choses à première vue anodine. Il est vraiment très fort pour ça.

Céline : Qu’as-tu pensé de Rosalie? L’as-tu prise au sérieux, elle mais également cette mission secrète ?

Pépita : oui totalement. C’est une petite fille de 5 ans et demi et on se doit de faire confiance à l’enfance dans ce qu’elle se donne comme but absolu. J’ai beaucoup aimé cet aspect-là : ce respect de l’enfant. Car si on ne respecte plus l’enfant, que reste-t-il ? TDF, c’est l’auteur de l’enfance. Car dans l’histoire, le maître semble l’oublier au fond de la classe, tous l’oublie sauf Edgar le cancre, tous ne savent même pas la nommer sauf quand elle est en danger. L’appeler par son prénom, c’est la prendre au sérieux, pour un être humain.

Céline : Bizarrement, je crois que je me suis vraiment positionnée du côté de Rosalie. Je me suis glissée, le temps de quelques pages dans sa peau. Et en réalité, un peu comme elle, je pressentais les drames, les non-dits et les mensonges qui arrangent tout le monde, sans trop vouloir m’y attarder, concentrée sur la mission secrète. Du coup, j’ai foncé droit dans le mur et je me suis pris la réalité en face, un peu durement. J’avais bien compris certaines choses mais pas l’essentiel. Et l’émotion a été très forte. Il m’a fallu lire, et relire cet album avec la connaissance du secret de Rosalie. Et j’ai vu toutes les choses que j’avais manquées. L’as-tu relu ? As-tu eu besoin, comme moi, de le relire? Comment l’as-tu perçu ?

Pépita : Oui je comprends ce que tu veux dire. En fait, j’ai eu une première lecture silencieuse seule et submergée par l’émotion , j’ai eu envie de le lire à haute voix de suite car j’entendais la voix de l’auteur le lire. Très troublant. Puis je l’ai fait lire à mes filles qui ont fondu en larmes, et à mon mari, idem. Plus tard, je leur ai lu à haute voix et ce texte est d’une telle fluidité ! Les illustrations sont parfaites aussi. Il m’a été difficile de mettre des mots dessus. Et puis TDF a le chic de mettre de la poésie là où ne s’y attend pas au détour de petites phrases courtes mais qui en disent tant ! Elles sont comme des marches sur lesquelles s’appuyer pour ne pas trop sombrer dans l’émotion. Comme celle-ci : « Elle a le visage que j’aime. Celui des jours fragiles. »

Céline : Les adultes sont assez distants vis-à-vis d’elle et cela m’a fait mal au cœur tout du long… En même temps, le contexte de l’époque explique aussi que l’esprit des hommes et des femmes de l’époque soit occupé par une seule chose :la guerre. En tout cas, moi aussi bien sûr je l’ai prise au sérieux. Et même si sa mission avait été moins importante, étant aussi cruciale pour Rosalie, elle était quoi qu’il arrive à prendre en compte. Il est clair que TDF sait nous parler des enfants, sait nous rappeler ce que c’est qu’avoir cinq ans et demi. Elle est très touchante. Elle donne envie d’être protégée et en même temps, elle est très déterminée. C’est une grande héroïne !
J’ai trouvé ce passage la concernant tout simplement magnifique : « Les taches de rousseur sous mes yeux, les animaux que je dessine sur la page, les grandes chaussettes jusqu’aux genoux, tout cela n’est que du camouflage. On m’a dit que les soldats se cachent avec des fougères cousues sur leur uniforme. Moi, mes fougères sont des croûtes aux genoux, des regards rêveurs, des petits airs que je fredonne pour avoir l’air d’une petite fille. » 

Pépita : Toi qui t’es identifiée de suite à elle, as-tu eu peur pour Rosalie ? De ce qu’elle allait découvrir ?

Céline : J’avais peur mais en même temps, j’avais quand même le sentiment qu’elle n’était pas dupe et qu’elle cherchait justement le moyen de découvrir ce qu’on lui cachait depuis un moment. Les enfants sont malins, sensibles et on les met parfois à l’écart pour les protéger. C’est sans doute une erreur de vouloir penser qu’ils ne verront rien… Je pense au passage où sa maman lui lit les lettres de son père parti au combat… C’est assez parlant, non ?

Pépita : Oui je suis d’accord avec toi.Rosalie veut la vérité, elle ne pense pas à ce qu’elle va lui révéler, elle veut juste la vérité qu’elle pressent bien différente de ce qu’on lui sert.

Céline : Quel regard portes-tu sur les autres personnages de ce récit ?

Pépita : J’ai été très touchée par Edgar le cancre qui lui semble percevoir le côté déterminé de cette petite personne. Par le maître aussi qui même s’il reste dans son rôle est tout aussi surpris par cette détermination. Par la maman bien sûr car c’est une maman et comme toutes les mamans, elle fait ce qu’elle peut. Le passage de la neige d’anniversaire (neige d’anniversaire ! si on n’est pas dans l’enfance là !) est magnifique dans ce qu’il révèle de leur relation, de ce que cette relation devrait être s’il n’y avait pas la guerre. Et toi ?

Céline : Effectivement, ce sont les trois personnages qui se détachent du récit. La maman m’a beaucoup touchée. On la sent désemparée mais voulant bien faire. Elle est fatiguée, par son travail, par ce quotidien qu’elle vit seule et par la guerre… Lors de ma deuxième lecture, je me suis penchée sur le cas des autres personnages. Comment tous ces hommes et femmes ont trouvé le courage de faire face à la guerre ? Il le fallait, certes pour nous, c’est difficile à imaginer. Cela remet les idées en place et fait relativiser…

Pépita : La guerre c’est terrible, on ressent vraiment ce désarroi chez les personnages mais là elle est loin, presque irréelle, elle est ressentie par l’absence, par les stigmates dans les corps (le maître d’école), par les usines d’obus, par les privations (peu de nourriture),…Je trouve que c’est une façon de parler de la guerre qui est moins violente à première vue mais si insidieuse qu’elle en est tout autant violente dans ses symboles.

Mes filles m’ont dit : mais maman, on ne peut pas lire cette histoire à des enfants ! J’ai été surprise par leur remarque mais en même temps…J’ai une amie qui hésitait aussi à la lire à sa fille de 9 ans. Tu en penses quoi ?

Céline : Je me suis aussi posée la question de l’âge. Gallimard le propose à partir de 7 ans. Clairement, je trouve ça un peu tôt. Même si on adopte le point de vue d’un enfant et que certaines choses nous sont cachées, cela ne reste pas moins une histoire dans un contexte qui sera peut-être difficile à faire comprendre à des enfants trop jeunes. Après, c’est aussi un album qui s’accompagne d’explications sur un sujet qui se discute et un thème qu’il faut aborder. Alors je suis assez partagée. Et toi ?

Pépita : C’est toujours compliqué l’âge mais je pense que c’est un livre que les enfants peuvent comprendre car on est dans l’enfance. On projette souvent trop des impressions d’adultes dans cette question. Il faut faire confiance aux enfants…

Si tu devais définir cet album (j’ai vu roman graphique mais non, pour moi, c’est un album) en un SEUL mot, quel serait-il et qu’aimerais-tu dire à son auteur et à son illustratrice si tu les rencontrais ?

Céline : Un seul mot : émotion. Et je crois que j’aurais envie de les serrer dans mes bras et de leur dire merci pour cet album qui m’a profondément bouleversée. Capitaine Rosalie va me rester longtemps à l’esprit. Et toi ?

Pépita : Le même mot que toi et je leur dirais juste merci pour cet album d’une sensibilité si rare. Je n’ai pas réussi à me résoudre à le ranger dans ma bibliothèque…

La lecture du passage : le début du livre

  • Nos chroniques respectives :

Pépita Méli-Mélo de livres

Céline HashtagCéline

Sélection autour du centenaire de la Première guerre mondiale

En ce jour de commémoration du centenaire de l’armistice de la première guerre mondiale, nous avons souhaité une fois encore partager des livres sur cette thématique. Entretenir la mémoire pour éviter que cette horreur recommence…Avec ces quatre années de célébrations nationales, la production littéraire a permis d’étoffer les propositions.

  • L’ennemi de Davide Cali et Serge Bloch-Sarbacane

Quand les auteurs de Moi j’attends montrent l’absurdité de la guerre et la peur de l’autre…Cet album raconte la guerre de position, la propagande avec un décor minimaliste.

L’avis d’Aurélie

  • 14-18 de Dedieu-Seuil jeunesse

Un recueil où les mots sont trop durs à sortir et que l’horreur ne peut être reflétée que par les traits de la sanguine.

L’avis d’Aurélie 

  • Le jour où on a retrouvé le soldat Botillon d’Hervé Giraud- Thierry Magnier

L’avis de Pépita

  • Chaque chose en son temps de Lorris Murail – Gulf Stream

Aux côtés de Reine, l’héroïne courageuse de Chaque chose en son temps, nous voilà de retour en pleine première guerre mondiale et ce, de façon très surprenante.

L’avis de HashtagCéline

 

*Retour sur des articles du blog sur le centenaire du début de la Première guerre mondiale :

La guerre de la boue

Le 11 novembre et après

Kik, son arrière grand-père et la première guerre mondiale 

Notre liberté d’aujourd’hui, nous la devons à nos aïeux

Rappelons-nous

Quand la guerre se raconte…encore !

 

Voici quelques bibliographies :

Le site du centenaire

Le site de l’académie d’Orléans-Tours

Le site de cache.media.education.gouv.fr

Quand hier se raconte aujourd’hui

Pour cette semaine consacrée à la guerre 14-18, j’ai eu envie de vous livrer une part de mon histoire et de celle de ma famille. Mon père, né à Verdun bien longtemps après cette guerre, a toujours été passionné par les images de ce passé dévasté. Il récupère des cartes postales du village où il a grandit, là où la guerre est passée, destructrice. Vous en verrez quelques-unes.

Aujourd’hui, je vous propose de découvrir l’album Le casque d’Opapi de Géraldine Elschner et Fred Sochard publié chez L’élan vert dans la collection « Pont des arts ». Ce livre évoque l’histoire d’un jeune garçon dont les arrières-arrières-grands-pères étaient au beau milieu de cette guerre, chacun d’un côté de la frontière, chacun dans un camp.

L’histoire commence lorsque le narrateur de l’histoire, un jeune garçon, découvre un casque enterré dans le jardin de son grand-père.

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Le voilà chez moi, le vieux casque, tout rouillé par le temps, tout noirci par la terre dans laquelle il a dormi si longtemps.

De là, son grand-père, va lui raconter l’histoire de ses arrière-arrière-grands-pères qui ont combattu pendant la guerre. Il va lui dire le départ douloureux alors qu’un enfant venait de naître.

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C’est la mobilisation générale, tous les hommes se retrouvent sur la place du village. Certains partent en chantant défendre la patrie.

 

Il va lui dire les tranchées et les combats. Là où les hommes, terrorisés des deux côtés, perdaient leur âme et leur humanité en s’entre-tuant.DSC_0050

La vie dans ces boyaux creusés dans la terre, interminables et gorgés d’eau, où on se cache, où on mange, où on dort – où on meurt aussi.

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Il va lui dire que pendant 4 ans, ça ne s’arrêta pas. Et qu’à l’issue des combats, à la fin de la guerre, il ne restait plus qu’un paysage détruit que les années n’ont pas suffit à réparer totalement, laissant ainsi les cicatrices de la terre visibles aux yeux de tous pour ne pas oublier…

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S’ils avaient su qu’un jour, après une nouvelle guerre, après une nouvelle paix, leurs pays deviendraient amis et que les enfants des enfants de leurs enfants se marieraient entre eux ! S’ils avaient su qu’un jour, leurs sangs mêlés couleraient dans mes veines…

Notre liberté d’aujourd’hui, nous la devons à nos aïeux…

Mon arrière grand-père était à Verdun. Comme brancardier.
Le grand-père de mon mari, aussi. Comme brancardier aussi.
Se sont-ils rencontrés ?
Il m’arrive d’y penser…

Je me souviens de mon arrière grand-père quand j’avais 7-8 ans.
Il avait du mal à évoquer ces souvenirs-là. Beaucoup de pudeur. En chuchotant.
Mais je me souviens surtout de son regard quand il lui arrivait d’en « parler ».
Un regard de peur et de désolation.
Un regard grave et si loin. 
Il disait toujours aussi qu’il ne fallait plus revivre cela.
Mais je me souviens que c’était comme une prière muette.
Qu’au fond de lui, il n’en était pas si sûr…
Que cela ne se reproduise pas.

Quand on a 7-8 ans, et que c’est l’un des rares souvenirs qu’il reste de son arrière grand-père, on s’en souvient aussi…

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Quand ils sont partis au front, la fleur au fusil, ils se sont peut-être dit…

Un incroyable document d’une rare richesse : il s’agit du récit anonyme des premières semaines de mobilisation d’un poilu durant l’été 1914.

On les aura ! Barroux-Seuil jeunesse

Chez Les lectures de kik aussi

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Si ces deux brancardiers à Verdun se sont parlés, peut-être qu’ils se sont dit…

Tout commence par l’ennui d’un Roi. Il se fait conseiller par un charlatan…

Quelle drôle d’idée la guerre ! Eric Battut -Didier jeunesse

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Et s’ils entretenaient une correspondance avec leur famille, peut-être que ces mots-là sont les leurs aussi…

Un livre témoignage sur le destin de Pierre et de sa femme Elisabeth, jeunes mariés et instituteurs. Lui part au front et elle, elle reste. Ils vont correspondre durant ces quatre années. La guerre vécue de l’intérieur. Bouleversant.

L’horizon bleu, Dorothée Piatek, Seuil jeunesse

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Il en existe un spectacle mis en scène par la Compagnie La boite à sel

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Et leurs enfants dans tout ça ? Ils devaient beaucoup y penser…

 Quand un jeune garçon londonien découvre l’horreur de la guerre.

Un roman très touchant.

Mon père est parti à la guerre, John Boyne -Gallimard jeunesse

Chez Les lectures de kik aussi

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Les mots n’ont jamais réussi à franchir les lèvres de mon arrière grand-père sur cette période douloureuse de sa vie…

Il a aussi connu la seconde guerre mondiale…Là, il m’a un peu raconté…ce qui s’était passé, dans son village…Ma grand-mère, sa fille, aussi…mais c’est une autre histoire…

Ça fait beaucoup dans une seule vie, non ?

Mon autre arrière grand-père n’en est pas revenu…En 1915, il a laissé une veuve et une petite fille de trois ans, mon autre grand-mère. Elle a aujourd’hui 102 ans…

Un Hors-série (Octobre-Novembre 2014) de la revue Géo sur le conflit : photos, dates-clés, batailles, enjeux,…

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Kik, son arrière-arrière-arrière-grand-père et la Première Guerre Mondiale

« 9e jour – Samedi 17 octobre 1914

La nuit a été calme, on n’a pas revu de Français. Ce matin on a essayé de cuire du pain sans levain au grand four. C’est du véritable tourteau. Il faudra bien s’en contenter et s’il y en a encore au boulanger, j’en doute, il n’y a plus moyen d’en aller chercher.

Vers huit heures on commence à entendre des coups de fusil dans la direction de Fromelles mais plus près; Il arrive maintenant des Français que l’on voit passer chez Fournier, il y en a en vélos, à pieds. Une mitrailleuse est portée au Boer, beaucoup se plaçant dans les fossés. Une fusillade continue depuis 9 heures. Passera-t-on la nuit prochaine au milieu des Allemands ou des Français ? Anxiété ! À 2h1/2, tout est noir. Troupes françaises sur le gravier jusqu’à chez Julien Leplus. La pâture de chez Fournier s’emplit, on les voit qu’ils portent des sacs pleins sur leur dos, qu’ils prennent chez Fournier.

Vers 3h les Anglais placent des canons vers l’estaminet du trou et bombardent le village de Fromelles pour y déloger les Allemands qui s’y sont fortifiés. Une mitrailleuse était montée au clocher. Ils ont aussi envoyé des bombes sur le vert touquet où des maisons ont eu à souffrir mais la plupart ont éclaté un peu en deçà. »

par Désiré Delporte – écrit d’octobre 1914 à mars 1917 –

Fromelle_panoramique1914

Deutsches Bundesarchiv – depuis Wikipédia

J’essaye de me repérer dans cette vue panoramique des alentours, lorsque Désiré Delporte note la direction quand laquelle il entend les combats. Il écrit chaque jour, sauf quand il est malade et doit garder le lit. Il note ce qu’ils mangent, le déplacement des troupes et se désole de cette guerre qui dure, des semis qui ne seront pas faits à temps.
Cet aïeul, je ne l’ai pas connu, par contre son petit fils, l’Oncle Joseph, je suis souvent allée prendre le goûter chez lui. Il y était là-bas à Fromelles, dans le nord de la France, en 1914.  Il était enfant, au milieu de la Guerre. En lisant les carnets de cette arrière-arrière-grand-père, je l’imagine sous les bombes à Fromelles, puis déporté à Lille. J’ai eu connaissance trop tard de ces carnets. J’étais trop petite pour faire le lien entre la Guerre des livres d’Histoire et cet oncle, là bien vivant. Lorsque j’ai lu ces carnets, il n’était plus là, pour répondre à toutes mes questions.

C’était un enfant pendant la Guerre. Comme ceux dont il est question dans cette émission de radio, il a peut être jouer aux tranchées, peut être …

La Grande Guerre à hauteur d’enfant
à écouter ICI
La Marche de l’Histoire du mardi 11 novembre 2014 sur France Inter –
avec Jean Lebrun et Manon Pignot

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Une adolescente qui s’engage et part au front, pour échapper à sa famille.
Un regard sur la société de 1914, sur la place d’une jeune fille au milieu de la Guerre.
Un roman que je vous conseille, car il y est aussi question de la vie à l’arrière du front.
Là où l’Oncle Joseph était, et attendait la fin de la Guerre.

Le choix d’Amélie de Catherine Cuenca, Oskar, 2014.