Pascale Maret répond à nos questions…

Professeur agrégée de lettres modernes et Normalienne, Pascale Maret a beaucoup voyagé. Elle a enseigné la langue et la littérature française en Côte d’Ivoire, en Argentine, aux Émirats arabes unis, en Birmanie et au Venezuela.

Ce n’est que tardivement qu’elle s’est consacrée à l’écriture de livres pour la jeunesse.

Gentiment, Pascale Maret a bien voulu répondre à nos questions après notre lecture commune  de son dernier roman ado : Les Ailes de la Sylphide (Thierry Magnier, 2013).

– Comment vous est venue cette idée de parler du milieu de la danse ? Quel fut votre point de départ ?

J’adore la danse et m’étonnais de n’avoir pas encore eu l’idée d’un roman sur ce thème. Mais je n’avais pas envie d’écrire « une histoire de danse » un peu mièvre, s’attachant uniquement à raconter le parcours d’une jeune apprentie danseuse. C’est en voyant le film « Black swan » que j’ai réalisé combien il pouvait être intéressant d’exploiter l’aspect fantastique de tout ballet romantique pour construire une histoire. En même temps, le fantastique n’est pas un genre avec lequel je me sente beaucoup d’affinités, donc j’ai décidé d’écrire une histoire faussement fantastique, où le surnaturel ne serait qu’un travestissement de la réalité.

Aviez-vous à l’origine cette histoire telle quelle en tête ? Ou s’est-elle construite peu à peu ? Notamment la résonance qu’induit ce ballet dans la réalité de cette jeune fille ?

En général, quand je commence la rédaction d’un livre, j’ai déjà assez clairement l’histoire en tête. Pour « la Sylphide », ça ne s’est pas du tout pas passé comme ça. J’avais donc l’idée de départ : une jeune danseuse qui s’imagine devenir la créature surnaturelle qu’elle interprète, parce qu’en fait elle se sent très mal à l’aise dans son corps et dans sa vie. Je voulais vraiment faire le parallèle entre le ballet et la réalité (par exemple le fait que le garçon délaisse sa première copine, la cousine, pour Lucie, comme le James du ballet délaisse sa fiancée humaine pour la Sylphide). Mais cela restait très flou : était-elle anorexique ? Souffrait-elle au fond d’être adoptée et de ne pas connaître ses origines ? Croyait-elle vraiment à son histoire ? L’intrigue était très simple, trop simple : gagnée par la confusion entre réalité et imaginaire, elle finissait par se jeter dans le vide sans son harnais lors d’une répétition, se blessant gravement. Mais je sentais confusément que ce personnage me cachait autre chose, de plus essentiel et plus douloureux, et qui ne m’est apparu qu’en cours d’écriture.

– Pourquoi la Sylphide et pas un autre ballet ?

Bon, « Le lac des cygnes », c’était déjà fait ! Plus sérieusement, « la Sylphide » est le premier ballet que j’ai vu intégralement, à la télévision (il n’était plus dansé depuis longtemps à l’Opéra et le chorégraphe Pierre Lacotte l’a d’abord remonté pour la télévision), c’est pourquoi j’ai toujours gardé une tendresse très spéciale pour cette œuvre. Ensuite cet univers de forêt mystérieuse et de créatures plus ou moins « elfiques » me paraissait tout à fait correspondre au fantastique très convenu que je voulais utiliser.

– Finalement, est-ce le ballet qui sert votre intrigue et le personnage de Lucie, ou l’inverse ?

La question est intéressante. Au départ, je pense être partie vraiment du ballet choisi, et on peut dire que mon intrigue et le personnage de Lucie en ont découlé. Mais finalement, ils s’en sont peu à peu émancipés, à partir du moment où j’ai eu la « révélation » du secret que Lucie cachait. Contrairement au ballet, où le fait de se livrer à l’homme entraîne la mort de la Sylphide (la métaphore de la perte des ailes comme perte de la virginité et désacralisation de la femme idéale me paraît assez claire dans le ballet), dans le roman Lucie finit par se réconcilier avec son corps et avec la sexualité grâce à l’amour de Théo.

– Lucie existe-t-elle dans la vraie vie ?

J’ai eu l’occasion de rencontrer dans les différents cours de danse que j’ai suivis des filles très mal à l’aise avec leur corps, donc plusieurs anorexiques. Mais le personnage de Lucie est une invention. Ce qui n’empêche pas qu’une fille réelle puisse se reconnaître dans le personnage, cela m’est déjà arrivé pour d’autres héros ou héroïnes que j’avais créés.

– Avez-vous pensé que vos lecteurs pourraient être plus que surpris par l’épilogue et qu’il puisse susciter un choc ?

Ma crainte était que le lecteur ne se laisse pas piéger et ne soit donc pas surpris par l’épilogue. Mon but était de créer la surprise, voire le choc. Il est possible que certaines jeunes lectrices soient choquées par l’évocation de ce qu’a subi Lucie, cependant rien n’est dit ou décrit de façon crue, car cela ne correspond pas à ma façon d’écrire, et cet ouvrage ne s’adresse pas à des enfants, mais à des ados. Mon livre peut être « choquant » pour ces derniers, car ils sont souvent très friands de fantastique, et acceptent très bien dans ce cadre la violence et les métaphores de la sexualité (le vampire est une figure bien connue d’une sexualité à la fois fascinante et dangereuse), or dans cette histoire je lève brusquement le voile sur le sens caché de la métaphore fantastique.

– A la lecture de notre conversation, vous constaterez que nous nous sommes interrogées sur l’attitude du personnage de la cousine, est-elle vraiment insensible au problème de Lucie ? Est-ce un évitement conscient ou inconscient ? Comment expliquer sa non-implication, voire son indifférence au mal-être de Lucie ?

Le personnage de la cousine reste assez secondaire, c’est plutôt une sorte de repoussoir. Elle est extrêmement différente de Lucie, qui lui paraît être une fille peu intéressante et pour laquelle elle éprouve de la condescendance. Egocentrique, comme on l’est à cet âge, elle ne perçoit guère le mal-être de Lucie et partage avec elle très peu de choses. Leur cohabitation leur a été imposée par leurs parents respectifs, et n’a pas créé de véritable intimité entre elles. Lorsque Théo va délaisser Margot pour Lucie, l’indifférence cédera la place à la jalousie et même à l’inimitié.

-Avez-vous participé au choix de la couverture (magnifique) ?

Non, c’est le choix de l’éditeur, et je dois dire qu’au départ cette couverture ne me plaisait pas du tout. Je la trouvais très esthétique et j’appréciais sa délicatesse, mais j’étais très gênée par le fait que le personnage soit trop enfantin et surtout n’ait pas du tout le corps et l’attitude d’une danseuse. J’aurais préféré une photo de danseuse. Je m’aperçois à présent que cette couverture plaît beaucoup. Une autre option aurait été de choisir une illustration plus « fantasy », donc plus commerciale, mais je pense que cela n’aurait pas servi le texte.

A partir de quel âge conseilleriez-vous cette lecture ?

Comme je l’ai dit plus haut, ce texte n’est pas destiné aux enfants. Mais à quel âge entre-t-on dans l’adolescence? Cela dépend tellement que je ne veux pas m’avancer : à douze ans, certains sont très matures, d’autres à quatorze ont encore du mal à quitter l’enfance.

Enfin, quels sont vos projets ?

Après « Les ailes de la Sylphide », j’ai écrit un petit roman plus léger qui cette fois s’adresse à des enfants. Il sortira l’été prochain et a pour titre (provisoire encore) « Bon Zigue et Clotaire ». En ce moment, j’essaie d’écrire un roman pour adultes qui est assez avancé mais ne me satisfait pas vraiment. J’irai néanmoins au bout de l’écriture, je n’abandonne jamais une histoire ! J’ai écrit également un conte, qui est actuellement en lecture chez un éditeur.Une chose est sûre : après une dizaine de romans pour les ados (et une dizaine d’années passées à me colleter à la maison avec les miens !), j’avais besoin de changer un peu d’ambiance !

Encore un grand merci à Pascale Maret pour avoir accepté ce jeu de questions/réponses.

Pour en savoir plus, faites un tour sur son site !

Carte postale en provenance de … l’Imaginaire de Victor Dixen

Parmi les plus beaux voyages qu’il est possible de vivre, la plupart sont imaginaires. Et si, comme beaucoup, je profite des vacances pour partir en vadrouille un peu partout en France, voire à l’étranger, l’été est chaque année pour moi synonyme de lecture. Ces trois semaines qui s’achèvent bientôt et que j’ai passées dans une maison de vacances appartenant à ma famille, pas très loin de chez moi, au bord de la mer, ont été très riches en lecture. J’ai dévoré bouquin sur bouquin, me suis attaché à des personnages, ai suivi leurs aventures avec passion, ai eu peur, ai tremblé, ri, ou presque pleuré pour eux. J’ai usé de cette magie des mots qui emmène le lecteur … ailleurs.

La carte postale qui vous parvient aujourd’hui a fait un long chemin, puisqu’elle revient sur une lecture du début de mois de Juillet, et est en provenance de l’univers, de l’imaginaire fascinant d’un auteur auquel je suis fidèle: Victor Dixen.

Victor Dixen

Peut-être ce nom ne vous dit pas grand chose. Et pourtant sa saga Le cas Jack Spark, dont le premier tome est paru en 2009 et le dernier tome l’année dernière chez Jean-Claude Gawsewitch, est aussi disponible partiellement chez Gallimard Jeunesse (coll. Pôle fiction) et Eté mutant est lauréat du Grand prix de l’Imaginaire du festival Etonnants Voyageurs de 2010. De plus, ayant eu un intense coup de cœur pour l’ensemble de cette saga, j’en ai beaucoup parlé au cours de l’année dernière, et notamment en septembre puisque, sur mon blog, le mois entier était consacré à cette série hors du commun. Le cas Jack Spark, c’est, en effet, les aventures ô combien passionnantes d’un adolescent insomniaque et allergique au sel qui va découvrir, à l’occasion d’un camp d’été pour adolescents « anormaux » qu’il n’est pas celui qu’il croit. Cette première œuvre mérite selon moi ce dernier qualificatif et surpasse toujours en style, en puissance et en inventivité Animale. Si je devais conseiller cet auteur, je m’ecrierai sans aucun hésitation: «Lisez Jack Spark !».Nul doute cependant qu’avant la parution d’un nouveau roman chez Gallimard Jeunesse, Victor Dixen saura se faire une place dans la cour des grands, et obtenir une certaine reconnaissance dans la littérature adolescente actuelle.Dixen Victor - Le Cas Jack Spark saison 1 Eté mutant (poche)

La trentaine, 5 romans écrits, un autre publié dans Je Bouquine et victime d’insomnies… en fouillant un peu on peut glaner quelques informations sur toi, mais tu sembles vouloir garder une aura de mystère autour de toi… Intimité ? Art du mystère ? Comment te définirais-tu en quelques mots ?

Je me considère avant tout comme un raconteur d’histoires. A ce titre, j’aime l’idée de m’effacer derrière mes romans et de leur laisser la vedette. Ou mieux encore : je souhaite faire office de passeur, me mettre au service des livres pour donner aux lecteurs l’envie de les découvrir.

La nuit est ton moteur, ton inspiration, le matériau sur lequel se forgent tes livres, et on le ressent fortement en les lisant. Ils sont assez sombres, souvent inquiétants et de nombreux passages sont nocturnes… as-tu toujours entretenu ce lien avec celle-ci, ou ne date-t-il que de cette fameuse expérience que tu as vécue plus jeune ?

En effet, j’étais sujet à dDixen Victor - Le Cas Jack Spark saison 2 Automne Traquées crises de somnambulisme étant jeune, peut-être à la suite d’un excès de loopings dans les montagnes russes du Tivoli de Copenhague. Le somnambulisme est passé avec l’âge, les insomnies sont restées. Du coup, je peux dire que la nuit fait vraiment partie de mon quotidien depuis toujours, ou presque. Non seulement elle me donne le temps nécessaire pour écrire, mais elle m’inspire aussi. C’est le temps du rêve, pour ceux qui dorment, c’est le temps de l’imaginaire pour ceux qui veillent – qu’ils lisent au creux de leur lit ou bien qu’ils écrivent au coin d’une table. Les ombres de la nuit ne sont pas vides : elles sont peuplées de présences que les livres peuvent éclairer.

Tu aurais paraît-il vécu une enfance de globe trotter, tes livres, on le remarque notamment dans Animale, sont imprégnés par cela et le lecteur voyage à ta suite entre Epinal, le Vatican, l’Europe nordique … sont-ils le moyen de te rattacher aux pays de ton enfance ou juste des décors faciles à planter puisque tu les connais ?

J’ai en effet beaucoup voyagé avec mes parents étant enfant et adolescent, et par la suite, devenu adulte, j’ai vécu dans plusieurs pays. Je crois que le voyage et la littérature sont très liés. Ouvrir un livre, c’est toujours commencer un voyage; voyager, c’est déchiffrer le grand livre du monde. Les lieux où j’ai habité m’ont certainement marqué, et ils me reviennent naturellement à l’esprit lorsque que je me mets à écrire: par exemple le Colorado et l’Irlande pour Le cas Jack Spark, le Danemark dans Animale. Ce sont pour moi bien davantage que des décors : des endroits que je continue à explorer à travers l’écriture, et qui continuent de me dévoiler leurs secrets.Dixen Victor - Jack Spark saison 3 Hiver Nucléaire

Les métamorphoses que subissent la plupart de tes personnages sont-elles la métaphore de l’adolescence dans laquelle ils se situent ?

Je crois que l’on se métamorphose tout sa vie durant – physiquement mais aussi et surtout psychologiquement. L’Homme est un être de changement. A certaines périodes de la vie, les changements sont plus évidents, comme bien sûr à l’adolescence. C’est pour cela que cet âge est si intéressant d’un point de vue littéraire : parce que c’est l’âge où tout change.

Dans Jack Spark comme dans Animale les personnages vivent cette métamorphose en devenant des créatures plus sombres que lumineuses… l’influence nocturne ou toujours une association à l’adolescence ?

Dans tout changement, il y a une part de deuil. On quitte un état pour en gagner un autre. Il y a toujours de l’incertitude, souvent de la peur. On peut avoir l’impression de ne plus savoir qui on est vraiment. Mais ces moments peuvent aussi être formidablement créatifs. Changer, ce n’est pas seulement risquer de se perdre: c’est surtout se donner une Dixen Victor - Jack Spark saison 4 Printemps Humainchance de se trouver.

Et dans les deux cas, l’amour apparaît comme une lumière à laquelle s’accrocher: est-ce ainsi que tu le vois ?

L’amour est l’un des plus puissants moteurs de changement qui soient, me semble-t-il. Que ne ferait-on, qui ne deviendrait-on pour plaire à l’être aimé ! C’est aussi une balise – une certitude qui demeure lorsque tout le reste semble sombre. Alors oui, comme tu le dis : une lumière, un phare dans la nuit.

Avec un an de recul, que représente désormais pour toi la série Jack Spark ? Les personnages te manquent-ils ? Pourrait-on bientôt les revoir ?

Le cas Jack Spark a constitué pour moi une formidable aventure, qui a occupé mes nuits pendant quatre ans. J’espère que les lecteurs auront perçu un peu de la passion qui m’a animé ces quatre années d’écriture. Les personnages du cas resteront toujours à mes côtés. J’ai voyagé avec eux aux quatre coins du monde, et à travers les époques. Quant à les revoir un jour … je ne dis jamais «jamais» !

Peux-tu nous parler du roman que tu as écrit pour Je Bouquine ? Que retiens-tu de cette expérience ? La réitèrerais-tu si tu en avais l’occasion ?Je Bouquine

J’ai beaucoup aimé l’expérience du format très court. Je Bouquine demande des textes de la longueur d’une nouvelle, mais qui contiennent les ingrédients d’un roman : un vrai début, une vraie fin, et surtout de vrais personnages qu’il faut parvenir à faire exister en quelques lignes. De surcroît, Versailles Académie a été pour moi l’occasion de plonger dans le passé de l’un des personnages les plus redoutables du cas Jack Spark.

Alors réitérer l’expérience : oui, bien sûr ! D’ailleurs c’est déjà fait, puisque mon prochain roman Je Bouquine paraîtra début 2014 dans les pages du magazine…

couvANIMALE.inddAnimale n’est qu’un one-shot : l’envie d’écrire quelque chose de court après 4 gros tomes de Jack Spark ?

J’avais en effet l’envie d’une histoire forte, qui se tienne en un volume, et que le lecteur dévore en une nuit sans pouvoir le lâcher – mes livres je crois sont plutôt à lire le soir, car c’est le soir qu’ils sont nés, qu’en penses-tu ?

Ceci dit, je crois aussi que Blonde n’a pas fini d’accomplir sa destinée, et qu’il reste de nombreux secrets qui demanderaient à être dévoilés…

Peux-tu présenter le roman aux lecteurs ?

Animale, pour moi, c’est comme un vitrail coloré dans une chapelle obscure. C’est une histoire lumineuse entourée de ténèbres, à la fois intime et épique. Un récit que l’on pourrait entendre à la veillée, et que l’on continuerait d’écouter jusqu’à l’aurore sans voir le temps passer. Je voudrais que ce récit reste longtemps avec le lecteur une fois le roman achevé.

Et puis Animale, c’est aussi une folle histoire d’amour, une histoire d’amour(s) fou(s). Le pluriel ici est volontaire !

Et Animale, c’est aussi la réécriture d’un conte de notre enfance: Boucle d’Or et les trois ours … que représentent les contes pour toi ? Lisais-tu beaucoup étant enfant ?

J’ai beaucoup lu les contes étant enfant, ceux du répertoire français, mais aussi de Scandinavie. Je continue d’en lire dès que j’en ai l’occasion, et ils continuent de me fasciner par leur mélange unique de simplicité apparente et de mystère inépuisable.

Et enfin comment se présente la suite ? Une série ? Un roman ? As-tu déjà des projets ?

Oui, plein de projets, plein d’envies d’écriture, et plein de nuits pour les réaliser ! Mais je n’en dis pas plus pour l’instant, le soleil n’est pas encore levé..

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dixen imaginales

Animale paraîtra dans tout juste une semaine, le 22 Août, chez Gallimard Jeunesse sous une très belle couverture dessinée par la talentueuse Mélanie Delon, artiste choisie par Victor lui-même ! Ce roman onirique, sombre et envoûtante réécriture de Boucle d’or et les trois ours, est LE roman fantastique de la rentrée littéraire jeunesse ! Je vous invite donc à découvrir ce jour-là ma chronique sur mon blog, qui sera suivie d’ici peu d’une semaine spéciale consacrée au roman : des questions et des réponses encore et encore, des cadeaux et d’autres surprises !

En attendant, vous pouvez redécouvrir sur mon blog le mois spécial Jack Spark qui avait eu lieu l’année dernière, mes chroniques consacrées à la saga et les interviews de l’auteur déjà réalisées…

Carte postale de Dordogne en compagnie de…

La Dordogne ©Méli-Mélo de livres

La Dordogne
©Méli-Mélo de livres

Aujourd’hui, continuons notre petit voyage estival avec :

une carte postale envoyée de Dordogne par…

CHRISTOPHE LEON

J’ai eu envie d’en savoir un peu plus sur son parcours, son actualité et ses projets (Pépita-Méli-Mélo de livres).

Pour avoir lu plusieurs de ses romans (liens en bas de cet article), je peux vous dire qu’ils ne laissent pas indifférents. Ils font réfléchir à des sujets de société et creusent les relations humaines. Son écriture, très ciselée, va pourtant toujours à l’essentiel et laisse au lecteur une large liberté d’interprétation.

« Je ne crois pas à « l’inspiration » au sens où on l’entend généralement, comme une illumination qui viendrait d’on ne sait où. Je remplace volontiers ce mot par celui de «curiosité». Être curieux, s’intéresser aux autres, me semble une bonne source à laquelle puiser. »

Chritophe_Leon_Christophe Léon est né en 1959. Il se consacre à l’écriture et vit actuellement en Dordogne. Il a pourtant exercé une multitude de métiers avant. Son premier roman, « Tu t’appelles Amandine Keddha », est publié aux Éditions du Rouergue en 2002.

Voici donc ses réponses à mes questions et je le remercie très sincèrement pour sa disponibilité.

-Quel est votre parcours ? Et comment êtes-vous venu à l’écriture ?

Mon premier livre est paru en 2002 et s’intitule « Tu t’appelles Amandine Keddha », dans la collection La brune des éditions du Rouergue, en littérature générale. J’avais 43 ans. Auparavant, je suis passé du tennis à l’appareillage orthopédique puis à la peinture, sans oublier une longue période de père au foyer. Bref un parcours plutôt éclectique dû surtout aux hasards de la vie. Je suis venu à l’écriture en lisant — très précisément par l’intermédiaire d’André Gide et de ses Journaux —, presque naturellement, comme si cela allait de soi et sans me poser trop de questions.

-Comment écrivez-vous (dans le calme, le bruit, à quel moment de la journée, sur ordinateur,…) ?

Il fut un temps où j’avais besoin de silence pour écrire et où je m’étais inventé un rituel : travailler le matin, à l’ordinateur, à mon bureau et à heures fixes. Puis il y a eu les déplacements pour les rencontres et les salons, le temps de plus en plus long passé dans les transports (surtout le train), ce qui m’a obligé à travailler un peu partout, — dans le train donc, à l’hôtel, dans les salles d’attente, les médiathèques… J’écris maintenant davantage hors de chez moi, et me suis rendu compte que je n’avais besoin ni d’un environnement calme ni d’être « à l’aise » pour écrire.

-A la lecture de vos romans, j’ai toujours été frappée par une certaine forme d’engagement et de dénonciation de dérives de notre société. Les thématiques de vos romans sont en effet en prise direct avec la réalité. D’où vous vient votre inspiration ? De faits divers, de vos lectures du moment, de votre indignation personnelle ?

Je ne crois pas à « l’inspiration » au sens où on l’entend généralement, comme une illumination qui viendrait d’on ne sait où. Je remplace volontiers ce mot par celui de «curiosité». Être curieux, s’intéresser aux autres, me semble une bonne source à laquelle puiser. Les sujets que j’aborde dans mes livres sont ceux qui m’occupent au quotidien, comme par exemple l’écologie, le nucléaire, l’injustice sociale ou encore la désobéissance civile. Le thème de la résistance (aux médias, à la surconsommation, au système économique…) mérite aussi sa place dans la littérature jeunesse actuelle. Bref, vous ne trouverez pas dans mes livres de Voldemort ou de dragons péteurs, tout simplement parce que je suis incapable d’écrire ce genre de textes.

 – Votre roman « Délit de fuite » a été adapté au cinéma et vous avez fait la démarche inverse en adaptant en roman « Le petit criminel » de Doillon. Quel est votre lien à l’image ? Comment avez-vous vécu ces expériences ?

En fait, Délit de fuite vient d’être adapté et tourné pour France 2. Le téléfilm sera diffusé dans le courant du second semestre 2013 par la chaîne. Il a pour principaux acteurs Éric Cantona, Mathilda May, Jérémie Duvall, Tom Hudson et Isabelle Candelier. Une expérience plutôt schizophrène pour quelqu’un qui a écrit des livres « contre » la télévision et qui se méfie de l’usage que nous en faisons… Mais j’ai eu la chance que Julie Jézéquel — en qui j’avais toute confiance quant à la qualité de son travail et sa rigueur professionnelle — accepte d’adapter mon livre.

9782889080595FS

Pour Le petit criminel, c’est mon éditeur du Seuil qui m’a proposé de m’attaquer au film de Jacques Doillon pour en faire un roman à part entière, qui s’intéresse aux personnages (leur vie off, leur psychologie, etc.) tout en suivant le scénario original. Une aventure nouvelle pour moi, à la fois excitante et compliquée.

9782021093742FS

Mon rapport à l’image est complexe. Comme je vous le disais, je m’en méfie mais ne peux pas y échapper. Il faudrait revenir, je crois, à des notions aussi simples que celles de l’usage et du besoin. Godard a dit : « Quand on va au cinéma, on lève la tête. Quand on regarde la télévision, on la baisse.», ce qui me paraît être juste et de l’ordre du symbole. A-t-on besoin d’une télé allumée du matin au soir ? Sommes-nous capables de choisir les images que nous regardons, qu’on nous impose ? Quel impact ont les images sur nos enfants ? Je conseille à ce sujet la lecture du livre de Michel Desmurget : TV Lobotomie, qui a apporté de nombreuses réponses à beaucoup de mes interrogations.

-Quelles ont été vos lectures enfant et adolescent ? Et aujourd’hui ?

Mes lectures d’adolescent étaient surtout consacrées à des journaux tels que Hara-Kiri ou bien Pilote. En fait, je lisais peu. Je n’ai commencé réellement à lire que vers l’âge de 40 ans. Aujourd’hui je lis surtout des Sciences humaines, des documents et des essais, mais je fus un temps un grand lecteur de littérature japonaise, avec des auteurs comme Osamu Dazaï, Jun’ichirō Tanizaki, Yasushi Inoue ou encore Yasunari Kawabata.

 -Que pensez-vous de la littérature jeunesse actuelle ?

La littérature jeunesse actuelle, du moins la française que je connais le mieux, me semble très diverse et riche — un grand nombre d’excellents auteurs participe à cette diversité (Mikaël Ollivier, Fred Paronnuzzi, Pascale Maret, Agnès Aziza, Guillaume Guéraud, Cécile Chartre, Florence Hinckel, Gilles Abier… pour ne citer que les quelques-uns qui me viennent à l’esprit). En ce qui me concerne, ce sont les auteurs qui écrivent sur la jeunesse et non pas pour elle, qui attirent particulièrement mon attention.

Tant par les thèmes abordés que par les formes adoptées, la littérature jeunesse permet d’offrir aux lecteurs un large échantillon du monde. Lire est essentiel pour grandir et s’opposer. Un livre jeunesse devrait permettre à la fois d’allier le plaisir de la lecture et l’ouverture à la vie. D’ailleurs, lire est, j’en suis convaincu le dernier acte révolutionnaire, en cela qu’il fait peur à tous les pouvoirs. Les mots sont comme des graines, ils ne demandent qu’à pousser en nous ; et une certaine littérature jeunesse, celle qui m’intéresse du moins, est un terreau fertile à de belles plantes.

  -Est-ce difficile d’écrire pour les adolescents ? Qu’y trouvez-vous ?

Pas plus ni moins que d’écrire des textes de littérature générale. Ce que j’y trouve ? Impossible de répondre précisément à cette question. Je n’ai pas l’impression d’écrire en direction de la jeunesse. J’écris des textes et certains sont publiés en littérature jeunesse. Écrire pour la jeunesse serait, me semble-t-il, une contrainte qui limiterait le champ de mon travail. Ni le lexique ni les formes de narration que j’emploie dans mes textes ne sont définis par une quelconque destination.

-D’après votre agenda (mis en ligne sur votre site), vous êtes très souvent en déplacement. Aimez-vous ces rencontres avec votre public ?

Depuis deux ans, effectivement je réponds plus favorablement aux invitations qui me sont faites. Il est évident que j’aime rencontrer les lecteurs et discuter avec eux des livres, de la société et de diverses « petites choses » qui me tiennent à cœur. Ces échanges me sont même devenus en quelque sorte indispensables et font partie de ma pratique d’écrivain. Et puis, assez souvent, ces rencontres sont aussi l’objet d’autres rencontres avec des collègues auteurs à l’occasion desquelles nous refaisons le monde de l’édition et le monde tout court…

  -Quels sont vos projets en cours ?

 À la rentrée, fin août début septembre, deux livres vont paraître. L’un, aux éditions La joie de lire, s’intitule La vie est belle, dans la collection Encrage, et l’autre Mon père n’est pas un héros, dans la collection Court métrage des éditions Oskar. Pour 2014, plusieurs textes sont sur les rails et devraient paraître dans le courant cette année-là.

LA VIE EST BELLE_RVB

Parution le 23 août 2013-La Joie de lire-Encrage

Fukushima

Parution le 30 août 2013-Oskar jeunesse-Court-métrage

 

N’hésitez pas à lire les romans de cet auteur engagé…

Ses deux prochains romans « La vie est belle » et « Mon père n’est pas un héros » seront chroniqués dès leur parution sur mon blog.

 

Pour en savoir plus : 

Le site de l’auteur

Mes billets sur ses romans :

-Désobéis ! Délit de fuiteLa randonnéeDernier métro

Et de mes collègues d’A l’Ombre Du Grand Arbre :

Chez Bouma-Un petit bout de (Bib) Délit de fuiteLe goût de la tomate

Chez Alice-A lire aux pays des merveilles (Une grande fan !) : La randonnéeEngrenagesDésobéisJordan et LucieArgentina, ArgentinaQui va loin revient près

Bel été à vous et belles lectures !

Carte postale qui en eXprim’…

Pour les vacances, j’ai eu envie de vous faire découvrir une collection que j’affectionne tout particulièrement : eXprim’ publiée aux éditions Sarbacane.

Voilà trois ans que je suis régulièrement les parutions et j’ai eu quelques coups de cœur que je me devais de partager avec vous. Au fil de mes lectures, j’ai saisi plus précisément l’identité de cette collection qui ne cesse de me surprendre. Pour vous en parler, j’ai posé quelques questions à celui qui l’a créée et qui la dirige encore aujourd’hui Tibo Bérard. Vous pourrez donc retrouver ses réponses juste après trois titres que j’ai sélectionnés rien que pour vous…

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La ballade de Sean Hopper
, Martine Pouchain
Une histoire très humaine pour laquelle j’ai versé quelques larmes.

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Toute la vie, Jérôme Bourgine
Un combat contre la maladie plein d’émotions qui m’a beaucoup touchée.

les déchainés

 

 

Les déchaînés, Flo Jallier
Une famille marquée par son histoire dont les différentes vies m’ont passionnée.

 

 

Place à Tibo Bérard, directeur de la collection eXprim’ aux éditions Sarbacane.

Bonjour Tibo, peux-tu nous raconter comment est née la collection eXprim’ ?

J’étais journaliste avant d’être éditeur. Je travaillais pour un magazine littéraire qui s’appelait Topo et dont la ligne se voulait à la fois populaire et pointue. Ce magazine avait la particularité de traiter de tous les genres de livres sans les hiérarchiser. Quand il s’est arrêté, j’ai pris contact avec des éditeurs pour travailler autour des jeunes et de la lecture. Le directeur de Sarbacane avait déjà en tête de lancer une collection de romans pour ouvrir l’activité de la maison, alors concentrée sur l’album, à ce secteur. Après discussion, il m’a proposé de revenir avec un projet. Je voulais une collection assez punk, qui déborde, qui soit dans l’énergie, plutôt dans le « trop » que dans le « pas assez ». J’avais envie aussi de faire venir de nouveaux auteurs, des scènes urbaines notamment. J’ai appelé une boîte de prod’ de hip-hop qui m’a mis en contact avec un slameur, Insa Sané. Il avait écrit le manuscrit de Sarcelles-Dakar et ne savait pas vers qui s’orienter pour l’éditer. Ça a été la première rencontre de la collection.

D’où vient le nom de la collection : eXprim’ ?

Il y a plusieurs idées derrière ça. La première concerne l’aspect outrancier, jaillissant de nos livres. Plutôt que de se situer dans la littérature intimiste, retranchée ou cérébrale, on investit une littérature qui déborde et se veut viscérale, rapide, pleine de vie. La « prime » en fin de mot, c’était pour donner un petit côté urbain et moderne. Le X représente une zone libre, sans interdit. Cela rejoint aussi le fait qu’à la création d’eXprim’, nous ne pensions pas concevoir du « roman pour ados » mais porter des romans modernes, déjantés, reliés à la musique et au cinéma… qui par ricochet toucheraient les jeunes « en priorité ». Une autre approche de la jeunesse, donc.

Comment la collection a-t-elle évolué depuis sa création ?

J’identifie trois grands « moments » dans cette collection qui a 6 ans et environ 60 titres publiés – presque uniquement des auteurs de premiers romans que l’on a suivis et accompagnés ensuite.

Les deux premières années, on s’est beaucoup employés à « marteler » notre discours, avec des romans très percutants et urbains, ce qui nous a donné une identité très forte avec une ligne éditoriale très marquée.  En revanche, j’ai peut–être eu tendance à trop « conceptualiser » notre offre – ma formation journalistique me pousse souvent à penser les choses par catégories, voire étiquettes : Antoine Dole, notre plume punk ; Insa Sané, notre conteur hip hop… alors que les auteurs ont eu aussi envie de se diversifier, de voir leurs univers s’épanouir sur différentes facettes, avec le temps.

Ensuite, après les publications de quelques romans plutôt noirs, on a été un peu enfermés dans l’image de « la collection subversive » par une partie de la critique. On a dû défendre et argumenter notre désir de proposer un espace de création libre, via la collection, auprès de professionnels qui se posaient surtout la question de ce qu’on peut faire lire ou non aux adolescents… alors qu’on ne souhaitait pas censurer puisqu’on n’a pas de limite d’âge, pas de public cible. Et que par ailleurs, je reste persuadé qu’un jeune de 14, 15 ans peut tout lire.

Après cette période – la seconde donc, une phase de questionnements et de doute autour de la collection –, on a abouti à… une évolution assez formidable. C’est le fruit des retours intéressants de nombreux libraires et bibliothécaires, d’une réflexion menée sur le long terme et à bâtons rompus avec l’équipe, avec les auteurs… Peu à peu, on a souhaité ouvrir l’axe de la collection, en remettant plus encore le plaisir de lecture au cœur des romans, là où parfois, le désir de travailler de façon obsessionnelle autour du style et de l’innovation formelle avait pu nuire un peu aux histoires. J’ai voulu revenir au goût du conte « vaste », charnel, universel, celui qui emporte le lecteur et ne le lâche plus. On s’est ainsi ouverts à des genres différents – tel le fantastique, via la publication de la série La mort, j’adore ! d’Alexis  Brocas, ou encore le roman d’émotion, avec Gadji ! de Lucie Land ou La Ballade de Sean Hopper de Martine Pouchain. Tout cela a participé d’une volonté de tenter une approche un peu plus universelle du roman, plus ouverte, plus récréative aussi. Et ça a payé.  En conservant une impertinence qui n’appartient qu’à nous, on est parvenus à publier des romans à la fois forts et accessibles – dans le bon sens du terme –, comme La drôle de vie de Bibow Bradley d’Axl Cendres, Tu seras partout chez toi d’Insa Sané, Bras de fer de Jérôme Bourgine, Frangine de Marion Brunet… La rentrée 2012 a constitué une vraie étape pour nous, également d’un point de vue commercial, le début d’un essor qui ne se dément pas depuis bientôt un an.

Qui écrit pour la collection eXprim’ ?

Les premières années ont été consacrées à la découverte d’auteurs, que j’ai ensuite accompagnés. Ce sont ceux que j’appelle avec affection « les anciens » ou « la dream-team », des plumes très fortes, des auteurs inventifs et puissants, et surtout désireux de se renouveler sans cesse : Axl Cendres, Insa Sané, Lucie Land, Rolland Auda, Karim Madani, Martine Pouchain (qui avait déjà une belle carrière d’auteure « consacrée), Jérôme Bourgine, Flo Jallier, Antoine Dole, David Tavityan… Dans un second temps, une foule de projets passionnants me sont parvenus spontanément, ce qui a ouvert une nouvelle vague d’auteurs avec Marion Brunet, Philippe Arnaud, Thomas Carreras, Vincent Mondiot ou, à paraître à la rentrée, Loïc Le Pallec et Benoît Minville…

Dans chaque livre, avant le début de l’histoire, il y a une play-list choisie par l’auteur. D’où vient cette idée originale ?

C’est une des premières idées de la collection. Je voulais placer EXPRIM’ sous le signe de la musique, pour signifier au lecteur qu’il entrait dans une écriture musicale, poétique, travaillée, rythmique, sonore. C’est l’idée de la modernité, avec le livre comme porte ouverte sur le monde. C’est enfin né d’une réflexion sur les modes de lecture contemporains, chez les gens de notre génération et des nouvelles générations, qui lisent en musique, voyagent d’un univers artistique à l’autre, croisent les références et les hybrident.

Pour nous donner envie d’arriver à la rentrée, peux-tu nous donner un aperçu des romans qui paraîtront ?

Je publie trois romans – et je les adore tous ! – pour la rentrée. Le premier est No man’s land de Loic Le Pallec, un premier roman. C’est un récit de SF où des robots se réveillent doués d’émotions sur une Terre post-apocalyptique. Ils découvrent leurs nouvelles facultés sans les comprendre tout de suite. C’est un roman qui questionne sur l’humanité, l’identité, la prise de conscience, la naissance et la signification des émotions, mais tout cela de façon ludique, fun et très vivante.

Il y aura également un nouvel opus de Martine Pouchain : Zelda la rouge. Martine a travaillé cette fois avec des personnages féminins, ce qui est plutôt nouveau pour elle, et surtout elle fait une incursion remarquable dans la comédie. C’est l’histoire de deux sœurs ; l’une est en fauteuil roulant depuis qu’un chauffard l’a renversée tandis que l’autre, son aînée, l’a élevée comme une mère et ne rêve que de retrouver le chauffard pour la venger. Ça démarre comme une tragédie  – un hommage à Lorenzaccio de Musset, via la réflexion sur le choix entre amour et vengeance – mais il y a de nombreux accents de comédie, des personnages burlesques…

Autre coup de cœur, Je suis sa fille de Benoît Minville. C’est un auteur que j’avais rencontré sur son blog (il est libraire), en lisant un article qu’il avait consacré à La drôle de vie de Bibow Bradley. J’avais trouvé l’article vif, pertinent… mais surtout très bien écrit. Je l’ai donc contacté, il m’a confirmé qu’il écrivait, fait lire son manuscrit… et je suis tombé en amour. Profondément ! C’est l’histoire de Joannie, une jeune fille tout à fait banale, plutôt studieuse, élevée par son père avec qui elle a une relation très forte. Ce dernier travaille dans une grande entreprise et, du jour au lendemain, se fait broyer par le système. Alors sa fille se révolte. Elle ne supporte plus ce système et décide de l’arrêter ; elle a 16 ans, ne voit qu’une solution : tuer le patron. Elle part alors avec son meilleur ami sur les routes de France, direction Nice, où le big Boss a une villa. Cela donne un road-movie engagé, souvent hilarant, souvent bouleversant, et pour tout dire extrêmement humain, qui explore des thématiques très fortes telles que la crise, le besoin de révolte des jeunes, la société de consommation, la perte de sens dans notre époque hyper–industrialisée… À vrai dire, on ne peut pas finir ce livre sans pousser un grand cri de rage et d’espoir mêlés. C’est une réussite.

Merci Tibo pour ton intervention, as-tu envie d’ajouter quelque chose ?

On n’a pas parlé de la promotion des livres que l’on organise, toi et nous ! J’aimerais bien parler un peu des blogueurs, parce qu’ils forment une nouvelle donne passionnante dans le jeu du livre – en particulier au secteur Jeunes Adultes, qui me semble être un espace précurseur. À Sarbacane, depuis disons trois ans, on a accentué beaucoup le travail avec les blogueurs, qui s’affirment de plus en plus en tant que prescripteurs de poids. On a même divisé de moitié nos envois à la presse « traditionnelle » pour se concentrer sur eux… et il faut dire que ce travail avec les blogueurs est assez génial. D’une part il y a un vrai impact de vente suite à un article sur un blog, les réseaux de blogueurs faisant revivre les traditionnels clubs de lecture dans l’espace virtuel. Et d’autre part, les auteurs adorent ça, parce que c’est un retour de lecture immédiat, direct, sans compromis. Dans le foisonnement des blogs, certains articles sont très réussis et puis, même quand ils le sont moins et que c’est simplement du coup de cœur ou du coup de gueule, cela reste intéressant car on voit une « vraie personne » exprimer un point de vue, un retour net. On a commencé cette expérience un peu par hasard avec quelques blogueurs et on voit que maintenant ça se professionnalise.

On parle de la collection eXprim’ et de ses romans sur nos blogs :

Nathan a interviewé Tibo Bérard ICI.

Les déchaînés, Flo Jallier : Alice, Sophie, Céline
Frangine, Marion Brunet : Pépita, Sophie
Le monde de Charlie, Stephen Chbosky : Bouma, Sophie, Nathan
L’enfant nucléaire, Daph Nobody : Nathan, Sophie
Traverser la nuit, Martine Pouchain : Nathan, Sophie
Tu seras partout chez toi, Insa Sané : Nathan
La drôle de vie de Bibow Bradley, Axl Cendres : Nathan
50 cents, Thomas Carreras : Nathan
Daddy est mort… retour à Sarcelles, Insa Sané : Sophie
Lorraine Super-Bolide, David Tavityan : Sophie
La ballade de Sean Hopper, Martine Pouchain : Sophie
Comment j’ai raté ma vie de super-héros, David Tavityan : Sophie
Mes idées folles, Axl Cendres : Sophie
Web dreamer, Anne Mulpas : Sophie
Echecs et but !, Axl Cendres : Sophie
2 jours pour faire des thunes, Hamid Jemaï : Sophie
La mort, j’adore !, Alexis Brocas : Sophie (tome 1, 2 et 3)
Adulte à présent, Edgar Sekloka : Sophie
Le dévastateur, Rolland Auda : Sophie
K-Cendres, Antoine Dole : Sophie
Toute la vie, Jérôme Bourgine : Sophie
Bras de fer, Jérôme Bourgine : Sophie, Nathan
La peau d’un autre, Philippe Arnaud, Sophie

Une carte postale de Belgique de Frank Andriat, Monsieur Bonheur !

Qui dit Belgique dit moules, frites, chocolat, et cie.

Mais dans notre petit pays, on compte également de nombreux auteurs jeunesse de talent.  Comme j’ai carte blanche, l’occasion est trop belle et je ne résiste pas à la tentation de vous présenter l’un d’eux, que j’affectionne tout particulièrement.  C’est parti…

« Les petits bonheurs simples du quotidien n’intéressent personne et ce sont pourtant eux qui construisent nos vies. »

Bonjour Frank Andriat ! Cet été, sur notre blog collectif « A l’ombre du grand arbre », tous les lundis et les jeudis, nous postons des cartes postales… littéraires à destination de nos lecteurs. La mienne vous est réservée. Je vous laisse le choix de l’illustration du dos. Quelle vue de Belgique aimeriez-vous partager avec nous ? Pour quelle raison ?

photo : site de la Maison du Tourisme de Gaume : http://www.soleildegaume.be/

Bonjour, Céline. Je vous remercie pour votre attention. Une vue de Belgique qui me fait songer aux vacances ? Une vue de Gaume, évidemment. Quand je ne suis pas à Schaerbeek (1), je file vers les collines douces de la pointe sud de notre petit pays. Les paysages m’apaisent et j’y trouve bien des idées pour mes livres. Je viens d’ailleurs de participer, avec Jean-Luc Geoffroy et Claude Raucy, à un calendrier perpétuel qui chante les beautés de la région…

A propos de moyens de communication, votre titre Je voudr@is que tu… qui traite des dangers d’Internet laisse à penser que vous restez un adepte des bons vieux moyens de communication version papier et que vous privilégiez les rencontres réelles plutôt que virtuelles… Est-ce exact ?

JE VOUDR@IS QUE TU…, Grasset, Paris, 2011.

J’utilise Internet quand il le faut pour faire des recherches et pour mon courrier électronique, mais je conserve une tendresse pour la communication papier qui est tellement plus personnelle. Je ne suis pas sur facebook ou sur un autre réseau social et, c’est vrai, rien ne me plaît autant que de voir mes amis, de discuter avec eux autour d’un verre et d’un sourire.

Je voudr@is que tu… est un parfait exemple de titre dans le vent. Avec Tabou, un titre sorti en 2003 qui traite de l’homosexualité et du suicide, vous faisiez figure de pionnier. Dans La remplaçante, vous évoquez les difficultés relationnelles entre l’enseignant et ses élèves, dans le Journal de Jamila, celles d’une jeune fille issue de l’immigration qui tente de concilier deux mondes inconciliables, etc. Récemment, vous avez obtenu un prix des lycéens pour votre recueil de nouvelles, Rose afghane. Est-ce le fait de côtoyer des jeunes dans le cadre de votre profession d’enseignant qui vous amène à parler de sujets qui intéressent au plus près les adolescents ?

J’adore mon boulot de prof et je trouve tellement triste et choquant qu’il soit de plus en plus phagocyté par les pédagogues qui le rendent incompréhensible et qui le transforment en une pseudoscience plutôt qu’en un art où l’humain a l’avantage sur les techniques… Mes élèves et moi avons de merveilleux contacts et c’est vrai, ce qui les passionne, m’intéresse. Lorsque j’écris pour les ados, grâce à mon métier d’enseignant, je trouve des idées que je n’aurais pas autrement. Chaque livre est complètement imaginaire, mais chaque histoire part d’une question posée, d’une émotion vécue.

MONSIEUR BONHEUR, Memor, Bruxelles, 2003.
Réédition chez Mijade, Namur, 2007.

Sur votre site, vous évoquez le fait que vos deux casquettes, celle d’écrivain et celle d’enseignant, vous sont toutes deux indispensables. Les connexions entre ces deux facettes de votre vie semblent d’ailleurs très nombreuses. A ce propos, il y a une question qui me taraude depuis longtemps ! Un peu à la manière d’Hitchcock qui apparait dans ces films, Monsieur Bonheur, ce professeur de français récurrent dans vos livres, pourrait-il être vous ?

Si je pouvais tous les jours être aussi sympa que mon personnage, Monsieur Bonheur, je serais heureux ! Il est en quelque sorte le prof idéal, celui que j’aimerais être en chaque circonstance, mais ce n’est évidemment pas le cas ! Cependant, pour tout vous avouer, l’idée du livre vient de mes élèves (une fois de plus) qui, entre eux, me surnommaient ainsi. Il paraît que j’ai souvent le sourire et que je râle peu.

JOLIE LIBRAIRE DANS LA LUMIÈRE, Desclée De Brouwer, Paris, 2012.
Editions de La Loupe, Guérande, 2012. (Edition en grands caractères)
Sélection au Prix des Lycéens de la Ville de Gujan-Mestras 2013.

Le romancier de Jolie libraire dans la lumière évoque la peur de parler du bonheur dans les livres. Ce n’est visiblement pas votre cas puisque, dans vos titres, vous n’avez de cesse de faire évoluer vos personnages et de les amener à être heureux dans leur vie. Pourquoi ce choix ?

J’aime parler de la lumière, de la tendresse, de l’amour et du bonheur parce que je crois qu’on n’en parle pas assez. Voyez les infos à la télé, lisez les journaux. Lorsqu’un malheur arrive, la presse est aux abois, mais les petits bonheurs simples du quotidien n’intéressent personne et ce sont pourtant eux qui construisent nos vies. Un de mes auteurs préférés est Christian Bobin ; au fil de ses livres, il m’a appris à regarder le monde en beau et j’ai envie de partager cela avec mes lecteurs.

Dans l’un de vos derniers titres, le premier tome de la série policière Les Aventures de Bob Tarlouze, vous nous rappelez qu’il ne faut pas juger sur les apparences… Cette thématique d’ouverture à l’autre, peu importe ses différences, vous tient-elle particulièrement à cœur ? Pourquoi ?

Cette thématique est un  des fils conducteurs de mes livres. Oui, elle me tient à cœur et je dois sans doute cela à Schaerbeek, ma commune multiculturelle, qui m’apprend, chaque jour, à côtoyer les différences. Schaerbeek a vécu des années noires quand un bourgmestre flirtait avec l’extrême-droite. Je ne peux pas admettre cela et, à l’époque, j’ai écrit le Journal de Jamila.

JOURNAL DE JAMILA, Le Cri, Bruxelles, 1986.
Réédition en 1992.
Nouvelle édition chez Labor, Bruxelles, Collection Espace Nord Zone J, 2000.
Mijade, Namur, 2008.

Celles et ceux qui sont différents sont souvent fragilisés dans une société où tout doit être de plus en plus lisse : mon cœur me porte sans cesse vers les plus faibles.

Comme votre jolie libraire, éprouvez-vous une tendresse particulière pour les gens qui lisent ?

Oui, j’aime beaucoup les gens qui lisent, car ils s’offrent des pauses dans leur vie. Lire, c’est s’ouvrir au monde et prendre le temps de le faire. Lire un livre, c’est aussi pouvoir le déposer et rêver. C’est un luxe que beaucoup de nos contemporains ne s’offrent plus. Lire, c’est voyager, prendre de la distance et réfléchir. Vraiment autre chose que de s’abrutir devant une série insipide ou devant un jeu vidéo.

Vous avez édité de nombreux titres avec vos élèves. Vous-même avez été encouragé à écrire par l’un de vos professeurs, lui-même écrivain. En tant que professeur de français, quels sont vos trucs et astuces pour amener les jeunes à la lecture et à l’écriture ?

Ce qui est merveilleux dans le métier d’enseignant, c’est que nous devons sans arrêt nous remettre en question. Chaque classe est différente et j’essaie de « sentir » les élèves avec qui je vais faire un bout de chemin avant de leur proposer un projet d’écriture. Ce sont souvent les hasards de la vie qui nous font des cadeaux. Quant à des trucs, il n’y en a pas vraiment. Je connais quelques titres qui fonctionnent bien et, en partant de ceux-ci et en fonction du groupe avec lequel je travaille, j’essaie d’aller plus loin. Il faut demeurer humble, savoir qu’il y aura des ratés et quelques succès. L’amour et le plaisir de la lecture et de l’écriture ne sont pas une affaire de techniques pendues à un arbre de compétences. C’est avant tout une affaire de cœur, de justesse. Je parle à mes élèves de mon bonheur de lire, de ce que je découvre comme liberté dans la lecture et je leur dis aussi ma passion d’inventer des histoires.

Quels auteurs leur proposez-vous, dans les classiques comme dans la littérature jeunesse contemporaine ?

J’ai en général des 4è. Ils lisent Maupassant, Hugo, Camus pour citer quelques classiques et des extraits d’œuvres de Balzac, de Zola, de Stendhal, de Rousseau, de Ionesco, de Proust… En littérature jeunesse, Jean Molla, Nicolas Keszei fonctionnent très bien, mais j’essaie chaque année de partager mes coups de cœur avec eux : l’an dernier, nous avons découvert une jeune auteure afghane, Chabname Zariâb. Cette année, j’ai envie de leur faire découvrir un roman terrible, mais génial : Max de Sarah Cohen-Scali.

Et vous, quelles étaient vos lectures d’enfant, d’ado ?

Il n’y avait pas grand-chose en littérature jeunesse à l’époque. Je lisais les aventures de Bob Morane avec gourmandise, des contes fantastiques (Jean Ray, Thomas Owen, Jean Muno) et des classiques, bien entendu : Malraux, Balzac, Hugo. Et, ensuite, je me suis nourri pendant des années de littérature belge : j’animais une revue à l’athénée Fernand Blum et cela m’a permis de rencontrer de nombreux écrivains.

Nos lecteurs sont peut-être en train de préparer leurs bagages. Parmi vos titres, lesquels leur proposeriez-vous d’emporter ?

Je choisis la facilité en vous proposant trois de mes derniers livres : Bart chez les Flamands (Renaissance du Livre) pour son côté belge et déjanté qui fera sourire les adultes, Les aventures de Bob Tarlouze (Ker éditions) pour son humour décalé (il devrait amuser ados et adultes)

ARRÊTE TON BARATIN, LES AVENTURES DE BOB TARLOUZE, TOME 1, Ker éditions, Rosières, 2013.

et Rose afghane (Mijade) parce qu’écrire sur l’Afghanistan et particulièrement sur les jeunes filles de ce pays a été une expérience très émouvante. Ce livre est une aventure humaine faite d’amitié et de rencontres, avec Hadja Lahbib et Chekeba Hachemi notamment.

ROSE AFGHANE, Mijade, Namur, 2012.
Prix des Lycéens de Villeneuve-sur-Lot 2013.
Les droits d’auteur de ce livre sont versés à l’association AFGHANISTAN LIBRE de Chékéba Hachemi : www.afghanistan-libre.org

Et vous, Frank Andriat, quel(s) livre(s) emporterez-vous cet été ? A moins que vous ne profitiez de ces congés pour écrire votre prochain roman ! Si c’est le cas, peut-on avoir la primeur du thème ?

Je vous ai déjà parlé de Max que je vais relire pour préparer un cours à son sujet. Lors d’un salon du livre en France, j’ai rencontré un auteur argentin, Eduardo Berti. Une écriture tout en délicatesse. Ses romans sont édités en français chez Actes Sud. Les deux derniers romans d’Eva Kavian publiés chez Mijade aussi. J’ai beaucoup de retard dans mes lectures… parce que j’écris trop ! Je m’occupe pour le moment de la correction des épreuves d’un livre où je dis tout le mal que je pense des multiples réformes et des pédagogues qui détruisent notre beau métier de prof. Le livre s’intitule Les profs au feu et l’école au milieu et il sort fin août à la Renaissance du Livre. En octobre, Mijade publie une nouvelle version de La forêt plénitude. Et je travaille à un roman sur le thème des jeunes qui sont partis combattre en Syrie. Un sujet délicat qui me touche beaucoup, car deux de mes élèves se sont retrouvés parmi eux.

Déjà une idée de titre ?

Les titres vont et viennent au fil de l’écriture, mais, oui, j’ai une idée et la voici : «Je t’enverrai des fleurs de Damas».  Je ne vous en dis pas plus, car je ne sais pas encore comment se termine le roman !

Il ne nous reste plus qu’à patienter…  Dans vos bagages d’été, les deux derniers titres d’Eva Kavian, une auteure que nous aimons beaucoup également  A l’ombre du grand arbre…   Peut-on dire que cette auteure est votre pendant féminin en matière de littérature jeunesse made in Belgique ?  Y a-t-il d’autres auteurs belges que vous conseilleriez à nos jeunes lecteurs ?

Eva écrit très bien et ses livres sont émouvants, humains et vraiment bien construits.  Je ne sais pas si l’on peut affirmer qu’elle est mon pendant féminin, car nos univers sont très différents, même si c’est l’humain qui guide nos plumes.  Je lis tous les romans jeunesse publiés chez Mijade et j’aime les auteurs (souvent belges) que cette maison merveilleuse me permet de découvrir. Nicolas Keszei est un ami et j’aime ce qu’il écrit.  Claude Raucy a aussi écrit de beaux romans destinés aux ados. Comme Patrick Delperdange et tant d’autres !

Encore merci pour votre disponibilité, votre confiance et toutes ces idées de lecture !  Je vous souhaite un bel été…  peut-être à l’ombre d’un grand arbre de Gaume…

Pour en savoir plus sur cet auteur plein de sensibilité, consultez son site officiel.
Des avis sur quelques-uns de ses titres, à lire sur Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait LIVREsse :

Quelques auteurs/titres cités par Frank Andriat que nous avons lus :

Pour en savoir plus sur les auteurs et les illustrateurs en Wallonie et à Bruxelles : http://www.litteraturedejeunesse.be/

(1) commune de Bruxelles-capitale