Parmi les plus beaux voyages qu’il est possible de vivre, la plupart sont imaginaires. Et si, comme beaucoup, je profite des vacances pour partir en vadrouille un peu partout en France, voire à l’étranger, l’été est chaque année pour moi synonyme de lecture. Ces trois semaines qui s’achèvent bientôt et que j’ai passées dans une maison de vacances appartenant à ma famille, pas très loin de chez moi, au bord de la mer, ont été très riches en lecture. J’ai dévoré bouquin sur bouquin, me suis attaché à des personnages, ai suivi leurs aventures avec passion, ai eu peur, ai tremblé, ri, ou presque pleuré pour eux. J’ai usé de cette magie des mots qui emmène le lecteur … ailleurs.
La carte postale qui vous parvient aujourd’hui a fait un long chemin, puisqu’elle revient sur une lecture du début de mois de Juillet, et est en provenance de l’univers, de l’imaginaire fascinant d’un auteur auquel je suis fidèle: Victor Dixen.
Peut-être ce nom ne vous dit pas grand chose. Et pourtant sa saga Le cas Jack Spark, dont le premier tome est paru en 2009 et le dernier tome l’année dernière chez Jean-Claude Gawsewitch, est aussi disponible partiellement chez Gallimard Jeunesse (coll. Pôle fiction) et Eté mutant est lauréat du Grand prix de l’Imaginaire du festival Etonnants Voyageurs de 2010. De plus, ayant eu un intense coup de cœur pour l’ensemble de cette saga, j’en ai beaucoup parlé au cours de l’année dernière, et notamment en septembre puisque, sur mon blog, le mois entier était consacré à cette série hors du commun. Le cas Jack Spark, c’est, en effet, les aventures ô combien passionnantes d’un adolescent insomniaque et allergique au sel qui va découvrir, à l’occasion d’un camp d’été pour adolescents « anormaux » qu’il n’est pas celui qu’il croit. Cette première œuvre mérite selon moi ce dernier qualificatif et surpasse toujours en style, en puissance et en inventivité Animale. Si je devais conseiller cet auteur, je m’ecrierai sans aucun hésitation: «Lisez Jack Spark !».Nul doute cependant qu’avant la parution d’un nouveau roman chez Gallimard Jeunesse, Victor Dixen saura se faire une place dans la cour des grands, et obtenir une certaine reconnaissance dans la littérature adolescente actuelle.
La trentaine, 5 romans écrits, un autre publié dans Je Bouquine et victime d’insomnies… en fouillant un peu on peut glaner quelques informations sur toi, mais tu sembles vouloir garder une aura de mystère autour de toi… Intimité ? Art du mystère ? Comment te définirais-tu en quelques mots ?
Je me considère avant tout comme un raconteur d’histoires. A ce titre, j’aime l’idée de m’effacer derrière mes romans et de leur laisser la vedette. Ou mieux encore : je souhaite faire office de passeur, me mettre au service des livres pour donner aux lecteurs l’envie de les découvrir.
La nuit est ton moteur, ton inspiration, le matériau sur lequel se forgent tes livres, et on le ressent fortement en les lisant. Ils sont assez sombres, souvent inquiétants et de nombreux passages sont nocturnes… as-tu toujours entretenu ce lien avec celle-ci, ou ne date-t-il que de cette fameuse expérience que tu as vécue plus jeune ?
En effet, j’étais sujet à des crises de somnambulisme étant jeune, peut-être à la suite d’un excès de loopings dans les montagnes russes du Tivoli de Copenhague. Le somnambulisme est passé avec l’âge, les insomnies sont restées. Du coup, je peux dire que la nuit fait vraiment partie de mon quotidien depuis toujours, ou presque. Non seulement elle me donne le temps nécessaire pour écrire, mais elle m’inspire aussi. C’est le temps du rêve, pour ceux qui dorment, c’est le temps de l’imaginaire pour ceux qui veillent – qu’ils lisent au creux de leur lit ou bien qu’ils écrivent au coin d’une table. Les ombres de la nuit ne sont pas vides : elles sont peuplées de présences que les livres peuvent éclairer.
Tu aurais paraît-il vécu une enfance de globe trotter, tes livres, on le remarque notamment dans Animale, sont imprégnés par cela et le lecteur voyage à ta suite entre Epinal, le Vatican, l’Europe nordique … sont-ils le moyen de te rattacher aux pays de ton enfance ou juste des décors faciles à planter puisque tu les connais ?
J’ai en effet beaucoup voyagé avec mes parents étant enfant et adolescent, et par la suite, devenu adulte, j’ai vécu dans plusieurs pays. Je crois que le voyage et la littérature sont très liés. Ouvrir un livre, c’est toujours commencer un voyage; voyager, c’est déchiffrer le grand livre du monde. Les lieux où j’ai habité m’ont certainement marqué, et ils me reviennent naturellement à l’esprit lorsque que je me mets à écrire: par exemple le Colorado et l’Irlande pour Le cas Jack Spark, le Danemark dans Animale. Ce sont pour moi bien davantage que des décors : des endroits que je continue à explorer à travers l’écriture, et qui continuent de me dévoiler leurs secrets.
Les métamorphoses que subissent la plupart de tes personnages sont-elles la métaphore de l’adolescence dans laquelle ils se situent ?
Je crois que l’on se métamorphose tout sa vie durant – physiquement mais aussi et surtout psychologiquement. L’Homme est un être de changement. A certaines périodes de la vie, les changements sont plus évidents, comme bien sûr à l’adolescence. C’est pour cela que cet âge est si intéressant d’un point de vue littéraire : parce que c’est l’âge où tout change.
Dans Jack Spark comme dans Animale les personnages vivent cette métamorphose en devenant des créatures plus sombres que lumineuses… l’influence nocturne ou toujours une association à l’adolescence ?
Dans tout changement, il y a une part de deuil. On quitte un état pour en gagner un autre. Il y a toujours de l’incertitude, souvent de la peur. On peut avoir l’impression de ne plus savoir qui on est vraiment. Mais ces moments peuvent aussi être formidablement créatifs. Changer, ce n’est pas seulement risquer de se perdre: c’est surtout se donner une chance de se trouver.
Et dans les deux cas, l’amour apparaît comme une lumière à laquelle s’accrocher: est-ce ainsi que tu le vois ?
L’amour est l’un des plus puissants moteurs de changement qui soient, me semble-t-il. Que ne ferait-on, qui ne deviendrait-on pour plaire à l’être aimé ! C’est aussi une balise – une certitude qui demeure lorsque tout le reste semble sombre. Alors oui, comme tu le dis : une lumière, un phare dans la nuit.
Avec un an de recul, que représente désormais pour toi la série Jack Spark ? Les personnages te manquent-ils ? Pourrait-on bientôt les revoir ?
Le cas Jack Spark a constitué pour moi une formidable aventure, qui a occupé mes nuits pendant quatre ans. J’espère que les lecteurs auront perçu un peu de la passion qui m’a animé ces quatre années d’écriture. Les personnages du cas resteront toujours à mes côtés. J’ai voyagé avec eux aux quatre coins du monde, et à travers les époques. Quant à les revoir un jour … je ne dis jamais «jamais» !
Peux-tu nous parler du roman que tu as écrit pour Je Bouquine ? Que retiens-tu de cette expérience ? La réitèrerais-tu si tu en avais l’occasion ?
J’ai beaucoup aimé l’expérience du format très court. Je Bouquine demande des textes de la longueur d’une nouvelle, mais qui contiennent les ingrédients d’un roman : un vrai début, une vraie fin, et surtout de vrais personnages qu’il faut parvenir à faire exister en quelques lignes. De surcroît, Versailles Académie a été pour moi l’occasion de plonger dans le passé de l’un des personnages les plus redoutables du cas Jack Spark.
Alors réitérer l’expérience : oui, bien sûr ! D’ailleurs c’est déjà fait, puisque mon prochain roman Je Bouquine paraîtra début 2014 dans les pages du magazine…
Animale n’est qu’un one-shot : l’envie d’écrire quelque chose de court après 4 gros tomes de Jack Spark ?
J’avais en effet l’envie d’une histoire forte, qui se tienne en un volume, et que le lecteur dévore en une nuit sans pouvoir le lâcher – mes livres je crois sont plutôt à lire le soir, car c’est le soir qu’ils sont nés, qu’en penses-tu ?
Ceci dit, je crois aussi que Blonde n’a pas fini d’accomplir sa destinée, et qu’il reste de nombreux secrets qui demanderaient à être dévoilés…
Peux-tu présenter le roman aux lecteurs ?
Animale, pour moi, c’est comme un vitrail coloré dans une chapelle obscure. C’est une histoire lumineuse entourée de ténèbres, à la fois intime et épique. Un récit que l’on pourrait entendre à la veillée, et que l’on continuerait d’écouter jusqu’à l’aurore sans voir le temps passer. Je voudrais que ce récit reste longtemps avec le lecteur une fois le roman achevé.
Et puis Animale, c’est aussi une folle histoire d’amour, une histoire d’amour(s) fou(s). Le pluriel ici est volontaire !
Et Animale, c’est aussi la réécriture d’un conte de notre enfance: Boucle d’Or et les trois ours … que représentent les contes pour toi ? Lisais-tu beaucoup étant enfant ?
J’ai beaucoup lu les contes étant enfant, ceux du répertoire français, mais aussi de Scandinavie. Je continue d’en lire dès que j’en ai l’occasion, et ils continuent de me fasciner par leur mélange unique de simplicité apparente et de mystère inépuisable.
Et enfin comment se présente la suite ? Une série ? Un roman ? As-tu déjà des projets ?
Oui, plein de projets, plein d’envies d’écriture, et plein de nuits pour les réaliser ! Mais je n’en dis pas plus pour l’instant, le soleil n’est pas encore levé..
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Animale paraîtra dans tout juste une semaine, le 22 Août, chez Gallimard Jeunesse sous une très belle couverture dessinée par la talentueuse Mélanie Delon, artiste choisie par Victor lui-même ! Ce roman onirique, sombre et envoûtante réécriture de Boucle d’or et les trois ours, est LE roman fantastique de la rentrée littéraire jeunesse ! Je vous invite donc à découvrir ce jour-là ma chronique sur mon blog, qui sera suivie d’ici peu d’une semaine spéciale consacrée au roman : des questions et des réponses encore et encore, des cadeaux et d’autres surprises !
En attendant, vous pouvez redécouvrir sur mon blog le mois spécial Jack Spark qui avait eu lieu l’année dernière, mes chroniques consacrées à la saga et les interviews de l’auteur déjà réalisées…
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