Ce que diraient nos pères, l’un des derniers romans de Pascal Ruter (Didier Jeunesse, 2019) est une chronique sociale sombre et saisissante. Ce roman nous dresse un portrait émouvant d’un adolescent confronté à une trop dure réalité. Avec une question qui nous tient tout au long de cette lecture : notre héros va-t-il trouver la force de ne pas sombrer complètement ?
Pépita, Alice et HashtagCéline ont été très touchées par ce texte et forcément, cela leur a donné envie d’en discuter par ici.
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Pépita : Ce que diraient nos pères : avant même d’ouvrir le roman, que vous a inspiré ce titre ?
Alice : Ah ben tu vois, je crois que je ne me suis pas posée la question avant lecture. J’avais surtout envie de lire ce roman car je le voyais beaucoup circuler dans les revues professionnelles, sur des blogs littéraires…etc…
Maintenant que tu me poses la question, me viennent 3 mots : repère-transmission-intimiste.
Pépita : Je me suis demandée ce que pouvaient bien cacher ces mots et j’ai pensé de suite à la transmission. Et puis ce jaune vif sur le gris de la couverture, ça m’ a vraiment attirée. Comme une espèce de renaissance.
HashtagCéline : Bizarrement, j’ai un peu occulté cet aspect, pourtant très important. Je me suis plutôt interrogée sur la couverture assez sobre associé au nom de l’auteur. Après Dis au revoir à ton poisson rouge, je ne m’attendais pas forcément à autant d’austérité de sa part… Comme Alice, j’y ai réfléchi en refermant le livre… Avec le recul, je le trouve très fort et il correspond à l’esprit du roman. Il nous fait prendre conscience de la portée de nos actes.
Pépita : Tu parles à juste titre des conséquences de nos actes, et en effet c’est une thématique au cœur de ce roman : on s’essaye à un petit résumé sans trop en dévoiler ?
Alice : Ce roman, pour le lecteur, c’ est un mouvement, … comme les vagues sur la mer…. des moments lumineux, apaisants… et des moments de tensions , brutaux, on l’on a peur de la force de la vague qui va venir s’éclater sur un rocher. Antoine avance dans ce va et vient, essayant de trouver la paix intérieure tout en se laissant entraîner malgré lui dans un crescendo de délinquance par une bande d’ados.
Ce roman, c’est l’histoire d’un ado, hyper touchant, en perte de repère, enfoncé dans son mutisme qui va pourtant trouver la force et le courage de rebondir.
Pépita : Je te rejoins sur ton résumé : oui Antoine est hyper touchant, on s’attache à lui car on sent chez lui une fêlure, une révolte sourde, une envie même je dirais de ne pas se conformer aux autres mais il n’y arrive pas, il essaie, il lutte, et puis un jour le déclic.
HashtagCéline : Attendiez-vous Pascal Ruter sur un tel registre?
Alice : Pascal Rutter est surprenant. Son ton est habituellement plus léger, plus humoristique. En proposant ici un roman »social », je trouve qu’il a su faire évoluer son écriture. Elle est montée d’un cran. Intimiste, remplie d’émotions, douce, sensible, engagée, …. elle colle aux personnages et à l’histoire.
Pépita : Le registre de l’auteur ? je ne parlerais pas de registre en fait car déjà dans ses précédents romans, il a cette touche particulière qui touche à l’intime de ses personnages. Là je dirais qu’elle est concentrée sur un personnage. Ce qui a évolué je trouve, c’est cette écriture qui alterne description des paysages et émotions de ses personnages. Il l’avait déjà tenté dans son précédent roman Cut the line mais dans celui-ci , c’est encore plus incisif, plus visuel aussi. J’ai beaucoup aimé.
Pépita : Avez-vous eu peur pour Antoine ? Cette dérive dans la délinquance ? Finalement, elle lui a permis de « retrouver » son père non ? Et aussi d’avoir un déclic ?
Alice : Oui bien sur que j’ai eu peur, je me suis demandé jusqu’où irait ce désastre ! On lit bien la faiblesse d’Antoine et on tremble pour lui car on voit bien que cette délinquance ne lui ressemble pas et qu’il est utilisé.
Mais ce n’est pas toujours le plus fort qui triomphe. La volonté, le courage, la détermination, l’honnêteté sont bien plus honorables ! Et c’est ce que va nous démontrer Antoine dans toute sa maturité.
HashtagCéline : Je me suis beaucoup inquiétée durant cette lecture, projetant des peurs que j’ai au plus profond de moi. Comme celle d’être là au mauvais moment, avec les mauvaises personnes dans un état de faiblesse ou d’égarement et de faire une erreur irréparable, comme Antoine. Car, nous lecteurs, on sait qu’Antoine est ébranlé dans sa confiance en soi, en la vie. Et on sent qu’il est toujours entre deux : entre l’envie de tout stopper mais en même temps celle de braver les interdits. Alors, oui, j’ai tremblé pour Antoine, voyant que la situation prenait une tournure incontrôlable et voulant à tout prix qu’il s’en sorte.
Tu parles de déclic… C’est vrai qu’il faut parfois tomber pour pouvoir se relever et voir la vie différemment. C’est effectivement ce qui va se produire pour Antoine qui, finalement, l’a échappé belle.
HashtagCéline : Antoine se laisse entraîner par trois garçons : Arnaud, Stéphane et Gaëtan. S’ils poussent Antoine dans ses retranchements, pour eux aussi, la vie est loin d’être rose, non?
Pépita : Oui c’est vrai que la vie n’est pas rose pour eux mais pour Antoine non plus à vrai dire. Je refusais qu’il les suive au départ, sans doute pour s’intégrer, pour se sentir vivant. Mine de rien, cela l’a rapproché de son père et de son engagement. Stéphane m’a beaucoup intriguée : une carapace et un rêve. Il m’a beaucoup touchée à sa façon et il a su emmener Antoine dans son absolu. Toujours cette adolescence à la limite pour tester ses limites. C’est fort dans ce roman à des degrés divers. Et puis il y a ce besoin de vengeance de ce garçon par amour pour sa mère, bouleversant.
HashtagCéline : Antoine a aussi un autre sujet de préoccupation, plus de son âge, plus saine… Lucia. Qu’avez-vous pensé de la relation entre Antoine et elle?
Pépita : J’ai beaucoup aimé leur relation faite de silences, de timidité mais aussi d’engagement. Lucia illumine Antoine, le responsabilise, le fait devenir ce qu’il est vraiment. Ce qui lui manquait. Et si c’était ça aimer ?
Alice : Oui, je crois que c’est Lucia qui va guider Antoine vers plus d’apaisement. C’est une ado à la fois posée, réfléchie mais aussi décidée et engagée. Il y a quelque chose de doux et rassurant quand Antoine est à ses côtés. Une chouet’ fille !
HashtagCéline : Ce roman, au-delà de l’histoire d’Antoine, aborde un thème d’actualité. On en parle un peu, sans tout dévoiler…?
Pépita : Sans trop en dévoiler ? pas facile. Disons qu’Antoine va faire une rencontre décisive (en plus d’une autre mais là c’est encore un autre point !) dans un bunker. Lui qui se sent paumé va rencontrer un être humain arrivé par la mer. Son image va le hanter. Jusqu’à lui faire prendre conscience qu’il doit agir. En bien.Pour le sauver lui. Et lui-même aussi. Pour se sentir enfin à sa place. Vivant. Et renouer avec son père.
Alice : Oui difficile de ne pas trop en dire et en même temps, le point de vue abordé est intéressant. Sûrement parce qu’il n’y a rien des moralisateur et que notre ado est dans l’action, qu’il fait confiance à son bon sens et qu’il est très honorable.
HashtagCéline : Au final, que retiendrez-vous de Ce que diraient nos pères?
Pépita : Ce que j’en retiens, c’est que nos vies ne sont jamais linéaires, qu’elles sont façonnées par les épreuves et les personnes qu’on rencontre, c’est un peu bateau dis comme ça mais en fait, c’est ce que découvre Antoine de plein fouet. Ce que je retiens aussi c’est malgré tout l’espoir et la lumière qui restent dans cette histoire, à l’image de ce jaune de la couverture dans tout ce gris. Et enfin, ce si beau titre.
Alice : J’en retiens aussi que l’adolescence est une période pleine de rebondissements, d’incertitudes, de dérapages faciles, de réflexions… un moment de quête qui peut aussi être rempli d’engagement et d’humanité.
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