La boite à images

la_boite_a_image1.jpgIl est rare qu’on soit indifférent à l’œuvre d’Emmanuelle Houdart. On aime ou on déteste, on est conquis ou mal à l’aise mais on dit rarement « mouaif, bof ». Ce qui est probablement une bonne chose car j’ai tendance à penser qu’il n’y a pas grand chose de pire que « mouaif, bof ».

Il faut dire que les images de cette artiste sont très fortes : elles ne peuvent que provoquer des réactions chez ceux qui les regardent. La sortie de sa Boite à images a été l’occasion d’explorer ces réactions chez les membres du collectif : l’occasion pour nous d’une lecture commune pour des livres hors du commun.

La Bibliothèque de Chlop : Alors d’abord, avant même d’avoir la boite en main, l’idée d’imagiers pour tout petits illustrés par Emmanuelle Houdart, vous en pensiez quoi ? C’est une illustratrice dont vous connaissiez déjà le travail ? Vous imaginiez ça comment ?

Bouma (Un Petit Bout de Bib) : Je connais le travail d’Emmanuelle Houdart depuis un moment déjà. Il est suffisamment singulier pour rester facilement en tête. Son travail d’illustration est souvent très onirique et j’avoue avoir été surprise de la voir s’adresser à un public de tout-petits.

Sophie (La littérature jeunesse de Judith et Sophie ) : Oui je connaissais le travail d’Emmanuelle Houdart pour avoir lu quelques albums et j’ai toujours été un peu dérangée par son univers très sombre. Qu’elle illustre un imagier pour les tout-petits m’a surprise, mais en même temps, je ne pense pas qu’il faille formater les petits avec notre propre ressenti sur des images, ils sont beaucoup plus ouverts. Donc j’attendais de voir ce que ça pouvait donner…

Pépita (Méli-mélo de livres) : Lorsque j’ai vu ça, je me suis dit que l’approche devait certainement être très intéressante. Emmanuelle Houdart a en effet un univers bien à elle, très singulier, voire fantastique. Et puis le titre de « Boîte à images » associé à son nom, ça pique vraiment la curiosité : on se dit qu’on va avoir entre les mains un objet – une boîte – qui va stimuler l’imagination – images – comme un petit film que chacun pourrait se passer. Et puis, tout ce qui touche aux tout-petits, ça m’interpelle vraiment. Toujours à la recherche de perles rares et qui bousculent.

Colette (La collectionneuse de papillons) : Je suis depuis très longtemps le travail d’Emmanuelle Houdart que j’adore car elle a un univers étrange, complexe, paradoxal, coloré, énergique et complètement monstrueux et comme les petits j’adore les monstres ! Donc je m’attendais à trouver des monstres mis en boîte dans son imagier ! Et je ne suis pas déçue !

Chlop : Est ce que vous connaissiez déjà son album « Tout va bien Merlin » ? Et, si oui, est ce qu’à vos yeux, c’est un album petite enfance ?

Pépita : Oui, je connais et oui, complètement petite enfance : rien de mieux que de confronter le tout-petit à ses peurs pour le rassurer… Croyez-moi, ils aiment, même le loup ! Malika Doray aussi le fait, dans un autre style, mais c’est une approche sensiblement identique. Chez Emmanuelle Houdart, ce sont les illustrations qui surprennent. Pour les plus grands, Béatrice Alémagna n’est pas mal non plus dans le genre.

Sophie : Je ne le connais pas bien, il faudrait que je le lise. Tout ce que je peux dire c’est que dans ma médiathèque, on l’a en petite enfance et qu’il est tout le temps sorti comme les autres livres.

Colette : A la maison, on adooooooore Tout va bien Merlin ! Disons que c’est le seul album de cette artiste que j’ai pu vraiment partager avec mes enfants parce que justement il colle vraiment au quotidien et à l’imaginaire du tout petit alors que les autres albums d’Emmanuelle Houdart que j’ai pu lire – L’apprentissage amoureux, Saltimbanques, L’argent, Une amie pour la vie ou Les Heureux parents – semblent s’adresser à un lecteur adulte qui aime mettre des images sur ses interrogations et ses obsessions.

Bouma : Je ne le connais pas du tout. Je vais me le procurer de ce pas.

Chlop : Puisque vous êtes quatre à participer à cette lecture commune et qu’il y a justement quatre livres, pourriez-vous en décrire chacune un ?

Pépita : La boîte bleue, ma couleur préférée : Areuh ! Toute douce pour montrer en images le quotidien du tout-petit : on part de la rencontre amoureuse d’un couple, puis la grossesse, la naissance du petit ange, sa vie organisée autour de repères : l’alimentation, le bain, le sommeil, les sorties, les bobos, les câlins, Noël, les jouets, sa croissance, le temps qui passe et ses premiers anniversaires. Puis…3 bougies, 3 ans, comme la fin de la petite enfance ? Ce cartonné-là m’a particulièrement parlée : des images d’Epinal, la magie des premiers apprentissages, j’y ai vraiment retrouvé ce que j’ai vécu avec chacun des miens et c’est le seul des quatre petits livres avec une véritable narration dans la succession des images il semblerait. Et il n’y a pas de monstres ! A moins que peut-être un(e) seul(e) de temps en temps…

Sophie : J’ai bien envie de vous parler du petit livre vert Argh ! car c’est celui qui colle le mieux avec l’univers de l’auteure puisque qu’on joue à se faire peur. On commence avec des peurs autour du surnaturel : les fantômes, les sorcières, les vampires. Viennent ensuite des peurs plus rationnelles comme celle du feu, des orages, de certains animaux. Et enfin des choses plus quotidiennes comme les bobos, voire les disputes des parents avec la dernière image.
Ce n’est pas si organisé que ça, ça se mélange un peu plus et c’est parsemé d’illustrations plus énigmatiques.

Colette : Je vais rendre hommage à mon Petit-Pilote-de-Berceau qui est absolument captivé par les animaux et je vais tenter de vous parler de Grrr !
Suivons le petit lapin de la couverture dans son costume très coloré pour aller observer les petites bêtes du jardin. Voici ensuite quelques animaux à coquilles et carapaces qui nous guident vers les fonds marins. Nous nous envolons ensuite avant de faire un bond avec Mister Kangourou dans une ménagerie un peu étrange où se côtoient animaux merveilleux et bêtes réelles, de celles qui questionnent les imaginaires depuis toujours, tels le loup, l’orque ou l’ours blanc. Voilà le curieux bestiaire que nous offre à voir Emmanuelle Houdart dans ce petit imagier ! Pas de monstres ici mais un jardin des plantes vraiment fascinant !

Bouma : Et bien il me reste à vous parler de Miam ! qui comme son nom l’indique aborde le sujet de la nourriture. On y découvre une flopée d’aliments mais pas ceux auxquels on pourrait s’attendre. Ici pas de biberon, pas de petits lus ou tartine. Emmanuelle Houdart parle des aliments du quotidien en général. Salade, oignon, œuf, frites et fromage de chèvres se côtoient. Il semble y avoir un lien entre les images qui se font face – le poulet frittes par exemple – mais je n’ai pas toujours été capable de mettre le doigt sur l’explication. D’ailleurs, le style de l’auteure donne aux aliments un côté assez fantasmagorique qui m’a laissé perplexe. L’image centrale du squelette de poisson avec une vache sur la tête (qui perd du lait de ses mamelles) m’interroge en particulier car je n’arrive pas vraiment à savoir ce qu’elle peut bien signifier. Enfin, je cherche peut-être trop à analyser, comme tous les adultes.

Chlop : Comme le relève Sophie, l’univers d’Emmanuelle Houdart est souvent à la frontière entre le merveilleux et le terrifiant, que pensez-vous de ce mélange dans ces petits albums cartonnés ?

Bouma : En toute sincérité j’en pense beaucoup, peut-être trop. Mon point de vue d’adulte analyse trop les images (surtout qu’il n’y a pas de texte d’accompagnement) et je mets tout plein de sens et de significations alors que les enfants sont plus dans le ressenti. En tout cas, mon ressenti à moi sur cette boîte à image est une inconstance entre la gêne, le sourire et le questionnement.

Sophie : Je rejoins Bouma dans ces propos. Et si je devais te répondre selon ma propre opinion, je dirais que le style d’Emmanuelle Houdart penche pas mal vers le terrifiant, l’effrayant du moins. Mais j’ai testé ces livres avec mon fils de 2 ans et lui n’a pas eu l’air effrayé du tout ! Peut-être qu’en effet, en tant qu’adultes, on cherche trop de significations et d’interprétations à ces images.

Colette : Quant à moi, les images d’Emmanuelle Houdart ne me terrifient pas, ni ne m’effrayent. Elles sont bizarres, vraiment bizarres, étranges et étrangères à nos habitudes de lecteurs mais elles sont si belles, si colorées, si vivantes que je dépasse assez vite cette étrangeté. Ce que j’aime dans son travail, c’est justement qu’elle représente à l’extérieur de ses personnages toute la complexité de notre intérieur et c’est vrai que cette complexité peut paraître effrayante. Mais l’esprit humain n’est-il pas intrinsèquement effrayant ?!

Pépita : Pour ma part, je rejoins Colette même si je conçois tout à fait que ces images questionnent. Je les prends comme elles sont, sans me poser de questions, sans chercher à y voir un sens, et du coup elles génèrent de l’émerveillement, titillent la fantaisie, suscitent la peur (mais une peur raisonnée) et je trouve cet univers absolument fascinant. Parce que justement il n’y a pas toujours de réponses et les petits vivent très bien avec ça. Ils sont en perpétuel questionnement. Et je me dis que ces images reflètent très certainement ce que eux ressentent face à la découverte du monde ! Nous adultes, ça nous fait peur parce qu’on a oublié… En plus, artistiquement parlant, ce sont de très belles images et les petits sont infiniment sensibles au Beau.

Chlop : L’absence de texte est aussi souvent un frein pour les adultes, on ne sait pas vraiment quoi faire de ces albums. Comment les présentez-vous ? En commentant les images ? En silence ?

Pépita : Je dirais les deux en fait. Mais tout dépend de l’enfant. En tant qu’adulte, je découvre une première fois pour m’imprégner de l’univers en quelque sorte, et s’agissant de cette auteure, je sais que je vais être dans l’étonnement. Après, je « relis » une seconde fois, voire plus. Et j’ai souvent besoin d’y revenir… Avec les enfants, on propose, et eux disposent et ils s’approprient cet univers selon le moment.

Colette : Alors j’avoue que je suis incapable de montrer un livre en silence à un enfant. Je n’ai testé La boîte à images qu’avec mes petits pilotes à moi et nous avons nommé ce que nous observions sur les pages, sans essayer de trouver de lien ou de narration, juste décrire ces images étranges. On a ri par exemple des santiags du père Noël avec mon plus grand (5 ans), quant au plus petit (11 mois) il a vraiment apprécié le petit format qu’il a pu manipuler à sa guise, comme un jeu.

Bouma : Je me permets de revenir sur la question précédente. Je précise que mon avis vaut pour cette boîte à images, pas sur l’ensemble du travail d’Emmanuelle Houdart car j’aime son approche de l’humanité (comme Colette le dit si bien). Par contre, et malheureusement, ce sont souvent les adultes prescripteurs qui choisissent ou font filtre (et dans ce cas je pense surtout à des non initiés à la littérature de jeunesse), et, pour l’avoir vu, ils sont souvent réfractaires face à ce qu’elle propose. Vive la médiation !.

Pépita : Tout à fait d’accord avec toi Bouma.

Colette : Pour reprendre ce qu’a dit Bouma, je pense qu’un parent qui ne connaîtrait pas l’univers d’Emmanuelle Houdart n’irait pas spontanément vers ces imagiers, véritables petits OVNIS au milieu des livres destinés aux tout-petits. Je pense que mon affection pour ce « cube » est fortement influencé par tous les autres albums de cette artiste que j’ai pu lire et que j’ai chaque fois adorés, y trouvant une véritable réinterprétation des relations humaines, réinterprétation à la fois poétique et psychologique

Chlop : Réflexion très intéressante de Bouma, les livres d’Emmanuelle Houdart déstabilisent souvent les adultes au point qu’ils n’atteignent pas toujours les enfants. Ici, le format carré, les angles arrondis, la petite boite ornée de cœurs, tous ces aspects très enfantins et ludiques concourent sans doute à conduire les adultes à l’ouvrir, alors qu’avec d’autres albums de cette illustratrice, ils passent leur chemin dès la couverture.
Les images de cette boite sont issues de son album « Dedans« , peut-être ce nouveau format est-il plus accessible. En tout cas, il semble être couronné de succès, il a d’ailleurs reçu la Pépite petite enfance cette année au salon de Montreuil.

Retrouvez les billets de Pépita, Bouma, Colette, Sophie et le mien.

De Rouge Tagada à Mots rumeurs, mots cutter ou l’adolescence en BD

Il y a presque 2 ans, Rouge Tagada inaugurait la collection Romans graphiques de Gulf Stream. Cette bande dessinée signée Charlotte Bousquet – et la tendresse de ses mots – et Stéphanie Rubini – et la douceur de son dessin – marquait quant à elle le début d’une série de romans graphiques prenant tous place dans la même classe de collège, se centrant chacun sur l’un de ses membres et sur une thématique particulière. Il y a eu l’homosexualité pour le premier et avec Mots rumeurs, mots cutter, les deux auteures revenaient à la rentrée 2014 pour nous parler du harcèlement scolaire.

Homosexualité, harcèlement scolaire ou quelque autre problème que peuvent rencontrer les adolescents, il est question, dans chacun de ces deux albums sensibles, d’amitié, d’exclusion, de solitude, de solidarité, d’espoir et des chemins qu’il faut, difficilement, emprunter pour grandir.

Collectif - Rouge TagadaCollectif - Mots rumeurs, mots cutter

Nathan : Qu’est-ce qui vous a poussé à découvrir ces deux romans graphiques ? Lequel avez-vous lu d’abord ? Racontez-nous votre petite histoire …

Sophie LJ : J’avais repéré cette belle couverture rouge et toutes les bonnes critiques sur ce livre. Mais ce qui a fini de me convaincre, c’est de trouver Rouge Tagada dans un colis swap offert par… Nathan.

Bouma : En ce qui me concerne, j’ai commencé avec Rouge Tagada qui initiait alors une nouvelle collection des éditions Gulf Stream intitulée « Les graphiques ». C’est curieuse de voir ce que proposait cette maison, que j’affectionne, dans le domaine de la BD que je l’ai ouverte.

Céline du flacon : J’ai d’abord été intéressée par Mots rumeurs, mots cutter. Quand j’ai lu la présentation de l’éditeur, je me suis immédiatement dit qu’il pouvait représenter un très bel outil pour aborder la thématique du harcèlement scolaire avec mes élèves. Après lecture, c’est le cas. Ensuite, en prévision de cette lecture commune, j’ai eu envie de découvrir Rouge Tagada

Solectrice : J’avais vu passer Rouge Tagada sur vos blogs mais je ne savais pas que c’était une BD à ce moment-là, et les fraises ne m’attiraient pas tellement. Mais quand j’ai entendu parler de Mots Rumeurs Mots cutter, le thème m’intéressait vivement (comme enseignante en collège, pour comprendre et faire partager cette histoire), la couverture (d’un violet vif) me donnait très envie aussi. Plus tard, j’ai eu l’occasion d’emprunter Rouge Tagada et je me réjouissais de retrouver l’univers des deux auteurs…

 

Nathan : Rouge Tagada et Mots rumeurs mots cutter, ce sont deux romans graphiques qui se passent dans une même classe de collège … et, comme vous l’avez dit, c’est l’occasion de se centrer sur deux thèmes assez difficiles. Quels sont-ils ? Lequel vous a le plus touché ? Et pensez-vous qu’ils soient au final un bon moyen de les aborder ?

Céline du flacon : En résumant, ces deux titres évoquent des sujets encore bien trop tabous : l’homosexualité pour Rouge Tagada et le harcèlement scolaire pour Mots rumeurs, mots cutter. Pour ma part, j’ai été davantage interpellée par le second. Il m’arrive assez souvent de détecter des signes de harcèlement au sein de mes classes. Par expérience, le discours moralisateur n’a que peu d’impact (pour ne pas dire aucun). Peut-être que la lecture de cet album peut délier les langues, ouvrir le débat et permettre de prévenir plutôt que de guérir ! Le fait que cette histoire se vit au sein d’une classe et que les protagonistes sont des jeunes comme eux peut certainement aider aussi !

Sophie LJ : Je pense en effet que c’est une bonne manière de les aborder et de montrer que, dans une classe, il se passe beaucoup de choses et qu’on ne sait pas tout. J’ai préféré Rouge Tagada parce que j’ai beaucoup aimé les deux personnages auxquels je me suis très vite attachée. Et puis ça évoque la grande recherche de son identité au moment de l’adolescence avec ses nombreux doutes.

Solectrice : Les thèmes sont abordés avec sensibilité. Moins sensible au malaise exprimé dans Rouge Tagada, cette histoire d’amour m’a semblé assez simple. En Mots rumeurs, mots cutter, j’ai trouvé l’écho de plusieurs histoires d’élèves rencontrés, de brimades entendues et de peines confiées ; ce thème m’a d’autant plus touchée que le scénario démontre comment on peut rapidement basculer dans cette situation, sans pourtant tomber dans la morale.

Bouma : Pour moi c’est Rouge Tagada qui m’a le plus marquée. Parce que je découvrais Charlotte Bousquet et Stéphanie Rubini, et parce que j’ai été plus confrontée aux questions sur la définition de l’amour, de l’amitié, de la frontière entre les deux et sur la recherche identitaire à l’adolescence.

Nathan : En fait, les deux auteures arrivent à toucher juste et en profondeur les cordes sensibles de nos sentiments… Et je dis les deux auteures parce que le dessin et le texte me semblent indissociables … qu’en pensez-vous ? L’un vous a-t-il plus touché que l’autre ?

Céline du flacon : Tu as entièrement raison et cette alchimie commence dès le graphisme des couvertures. Que ce soit la couleur, le choix du titre et du dessin, le toucher velouté, tout donne envie d’entamer la lecture. Pour ce qui est du contenu, j’ai été autant séduite par le texte que par les illustrations. Ces dernières apportent une foule d’informations complémentaires qui permettent par exemple de situer les personnages dans la classe ou de saisir les non-dits… Texte et image s’enrichissent donc mutuellement.

Sophie LJ : C’est vrai que dans ces livres, on sent que le texte et l’illustration sont mis sur un pied d’égalité. Personnellement je suis un peu plus sensible aux illustrations. De manière générale, en BD/romans graphiques, c’est l’image qui retient plus facilement mon attention.

Bouma : Quand je lis ce type d’ouvrage, je fais souvent deux lectures : une du texte d’abord puis je reviens sur les illustrations dans un second temps. Si le tout est bien fait, je ne peux comprendre l’histoire qu’après ces deux lectures et c’est le cas de Rouge Tagada et Mots rumeurs, mots cutter. Alors pour moi impossible de dissocier les deux.

Solectrice : Très attirée par les images aussi – univers ado-fanzine, et beaucoup de détails -, j’ai trouvé que les paroles s’y adaptaient bien par leur vivacité et leur légèreté.

Nathan : Et ces deux écritures si différentes, elles ont provoqué quoi ? La douce et vivace complexité des émotions que j’ai ressenties en lisant ces deux bandes-dessinées me semble réellement riche…

Vous pouvez me citer trois émotions que vous avez vous-mêmes ressenties à la lecture des deux ouvrages ?

Céline du flacon : Trois émotions… Pas simple comme question. Peut-être de l’attendrissement, de la colère impuissante et de l’espoir. De manière générale, ces jeunes qui se construisent et affrontent les aléas de la vie me touchent en plein cœur. Pas tous les jours simples d’être un ado ! On aimerait pouvoir encore les protéger mais on sait que ce n’est pas (plus) possible.

Mots rumeurs, mots cutter m’a renvoyé en pleine face cette cruelle mécanique du harcèlement qui part d’un rien, se met en marche tel un rouleau compresseur et qu’on peine à stopper… Pas plus tard qu’aujourd’hui, j’ai appris qu’on avait volé les lunettes d’une élève de la classe où je suis titulaire. Troisième mésaventure après le vol de ses chaussures puis de son sac de piscine. Ne pas pouvoir régler le problème me frustre au plus haut point. Heureusement, je veux toujours croire en des lendemains meilleurs. Et ces titres vont dans ce sens : il y a toujours quelque part une petite voix qui écoute, une main qui se tend, un geste d’apaisement et d’amitié…

Bouma : Pas facile effectivement de répondre à cette question. Pour moi, il y a eu la joie avec Rouge Tagada qui est un hymne à l’amour. Puis la tristesse avec Mots rumeurs face à ce qui est malheureusement une réalité. Et entre les deux l’émerveillement de découvrir un duo qui fonctionne bien et qui apporte jeunesse et vitalité à des sujets difficiles.

Solectrice : J’ai également éprouvé de l’angoisse aux côtés de la jeune narratrice (surtout dans Mots rumeurs, mots cutter). De la colère, face aux réactions des soi-disant amies qui s’éloignent ou qui blessent impunément. Du désarroi, comme enseignante (on ne voit pas tout, on découvre tard, on ne sait comment faire face). Du soulagement enfin.  Je partage l’espoir de Céline en un lendemain serein, où chaque adolescent puisse trouver sa place dans ce monde parfois cruel et connaître des amitiés sincères par-delà les différences. Puisse ce livre dire la douleur d’être exclu et donner envie d’aller vers l’autre !

Sophie LJ : Tout est dit là, empathie, inquiétude, et puis l’émerveillement, en effet, pour ce bel objet.

Collectif - Bulles et bluesNathan : Le prochain album sort début février et aura pour personnage central ce personnage qui, justement, à la fin de Mots rumeurs, mots cutter, apporte l’espoir et l’amitié. En quelques mots, qu’en attendez-vous ?

Solectrice : La couverture et le titre semblent annoncer plus de noirceur… J’aime l’idée de tirer le fil de ces histoires croisées et de démêler, sans doute, des histoires de lecteurs par des dialogues justes et des dessins tendres. Comme j’ai apprécié le regard porté sur ce monde adolescent, j’ai hâte de découvrir l’histoire de cet autre personnage.

Sophie LJ : Je suis impatiente de découvrir cette nouvelle histoire avec un autre personnage de la classe et surtout un autre sujet que j’espère tout aussi émouvant et actuel.

Bouma : Je n’avais pas fait de rapprochement particulier entre les deux premières histoires. Ce sera donc l’occasion pour moi de découvrir ce nouveau titre (et de relire les anciens) sous un nouveau jour. Impatiente en tout cas !

Céline du flacon : J’adore l’idée de ces destins croisés. A chaque nouveau tome, les auteures apportent une petite pièce à un tableau qui dépasse l’individu. Ainsi, je trouve qu’elles nous rappellent que nous faisons partie d’un tout ! Ça casse notre vision plutôt nombriliste et ça, c’est très chouette ! Hâte donc de découvrir ce troisième titre !

Merci à Bouma, Céline, Solectrice et Sophie qui ont mené ce débat avec sensibilité et qui nous montrent bien que ces deux albums, quel que soit notre âge, quel que soit notre parcours de vie, arrivent par leurs mots et leurs traits, à nous toucher profondément, différemment et intensément.

Une interview des deux auteures par Nathan.

Nos avis sur Rouge Tagada:

  • « Elles posent sur cette marmite de sentiments en ébullition un regard à la fois tendre et sans concession.  Non, ce n’est pas simple d’être adolescent ! » Céline
  • « Le duo de Charlotte Bousquet au texte et Stéphanie Rubini aux illustrations fonctionnent à merveille. » Sophie
  • « Je me suis pris une vraie claque avec ce livre simple, juste et très fort. » Bouma
  • « Ce roman graphique propose une grande palette d’émotions, de beauté et de justesse. Une réussite. Un coup de cœur qui a su m’accompagner … » Nathan

Nos avis sur Mots rumeurs, mots cutter:

  • « Voilà donc une deuxième histoire tout aussi convaincante que la première. » Sophie
  • « Sans jamais tomber dans le sordide, les deux auteurs, Charlotte Bousquet pour le texte et Stéphanie Rubini pour le dessin, décortiquent toute la mécanique du harcèlement scolaire. » Céline
  • « Une lecture fluide et accrocheuse qui vous restera longtemps dans la tête. » Bouma
  • « On ne sait plus finalement où commence l’une, où commence l’autre, les deux auteures unissent leurs deux arts pour n’en faire qu’un et c’est brillant, poignant, sans jamais oublier de rappeler au lecteur que même dans les pires moments, il y a l’espoir.  » Nathan

« Mado m’a dit » de Christophe Léon

C’est un conte.IMG_3129[1]

Un conte doux-dingue.

Un conte entre ciel et terre.

Un conte improbable et déconcertant.

Un conte qui nous a interpellé.

Un conte que l’on a voulu partager.

*******

Alice : Mado m’a dit, un titre tout en sonorité. Est-ce cela qui vous a interpellé autant que moi ?

Kik : [Réflexion de quelques secondes] … Non. En fait, non. C’est la couverture qui m’a interpellée. Mais le titre, pas plus que ça.

Pépita : Moi non plus, pas le titre. Mais l’auteur ! Et puis ta chronique dont le sujet m’a interpellée aussi.

Alice : Ah bon ? Moi, j’ai vraiment été interpellée par ce jeu de langue autant que par le  message : mais que lui a dit Mado ? Me voilà curieuse … Bon après, j’avoue, pour ceux qui ne le savent pas encore, peu de livres de Christophe Léon ne me sont pas passés entre les mains. C’est un auteur que je suis avec assiduité.
La couverture ? Là, …si je ne la regarde pas, je ne m’en souviens pas… une photo en noir et blanc… mais rien de plus…
Alors, Kik, je te laisse page blanche pour nous en raconter un peu plus sur ce qui t’a précisément attiré… Bien sûr Pépita, tu n’hésites pas à donner ton avis …

Kik : Trois lectrices, trois accroches différentes qui nous ont poussé à lire ce livre !
C’est le vert, ce vert très très vert qui m’a attiré, car associé à la photo en noir et blanc, il tranche. De plus, elle m’a fait un peu peur cette poupée, un peu seule sur sa chaise.
Après réflexion, je me dis même que cette couverture ne va pas si bien que ça avec le roman, mais c’est elle qui a été le déclencheur.

Alice : Du coup, j’ai pris le temps de regarder une nouvelle fois la couverture et au contraire, j’ai trouvé qu’elle s’accordait bien au contenu du livre. J’y vois de la solitude (une chaise seule), une enfance brisée ( poupée), une personne âgée (pelote de laine +  papier peint désuet) et la présence d’une mouche (que l’on comprend quand on a lu le livre …). Suis-je trop terre à terre ?
Un avis Pépita, peut-être ?

Pépita : Je n’ai pas du tout cherché à analyser la couverture. Mais je ne trouve pas que tu sois terre à terre ! Une couverture est importante pour un livre et les éléments tels que tu les décris donnent des indications sur l’histoire à lire avec une part de mystère. Pour ma part, dès les premières lignes, j’ai trouvé ce livre très « extraterrestre » (à comprendre aussi si on le lit !). Alors, de quoi ça parle ? D’une rencontre très improbable entre un petit caïd qui se la pète un peu et Mado, une vieille femme obèse à la voix haut perchée. Sur le trottoir à l’arrêt de bus, Boby va la défendre contre des petits voyous. Contre toute attente. Même lui ne s’explique pas ce geste. Il va donc se retrouver chez la dame devant un chocolat chaud et là, il va découvrir une facette insoupçonnée de cette personne en même temps que des sentiments très ambivalents chez lui.

Kik : Une rencontre improbable, c’est ça ce roman. Deux personnes là, en même temps, avec des circonstances particulières qui ont fait que leurs vies se sont croisées.

Alice : Oui, bien sur que cette improbable rencontre est la situation initiale du roman. Pour autant, je pense qu’elle ne serait rien, qu’elle perdrait de sa substance si l’originalité, l’individualité et le caractère des personnages étaient tout autre ! Je trouve d’ailleurs que Christophe Léon s’est vraiment lâché pour nous offrir des Personnages carrément décalés ! ( Et j’écris volontairement Personnage avec un P majuscule).
On parle plus précisément de Boby ? Petit Caïd disais-tu Pépita ? Comment évolue-t-il au fil des pages ?

Pépita : Tout à fait d’accord avec toi. Nous sommes des grandes lectrices toutes deux de cet auteur et cette fois, les personnages sont plus dans le psychologique et à l’opposé. Et il ne sont que deux. Alors Boby ? P’tit caïd, oui, mais au cœur tendre. Il joue les gros durs mais au fond, c’est un marshmallow ! Déjà, il est incapable de comprendre pourquoi il a défendu Mado, encore moins pourquoi il la suit chez elle, et encore encore moins pourquoi il y retourne et accepte même d’y dormir. Là, il va avoir la trouille le gros dur. Il découvre une vieille dame encore plus avide d’amour que lui. Et ça, ça le perturbe, ça l’interroge, ça le met mal à l’aise. Parce que rappelons que Boby est né « souzixe » comme il dit et qu’il s’est inventé tout un monde…Et là, chez Mado, pareil, un monde bizarre aussi peuplé de mouches et de plantes carnivores…Chacun ses passions…Et une dame dévoreuse de chair fraîche ? Il y a pensé à un moment non ? D’un Boby sûr de lui en apparence se dévoile peu à peu un jeune garçon avec ses peurs, ses questionnements, sur la vie et le monde des adultes.

Kik : La personnalité des personnages est bien marquée. Ils sont deux, mais tellement complexes et complets. Ils sont paradoxaux.
On peut lire pour Boby
« Petit
Teigneux
Le poil roux
Le genou cagneux
Des dents plantées de travers
Crache toutes les deux minutes entre ses pieds
Dit avoir quinze ans mais n’en a que treize. « 
Mais aussi : « Cependant, Boby est un gars à la coule. Au fond de lui se dissimule un coeur tendre qui ne demande qu’à ‘épanouir. »
C’est Mado, qui va révéler ce coeur tendre. Ce gros dur va porter secours à cette dame, embêtée par d’autres gros durs.
Ce roman est une rencontre entre deux êtres cabossés par la vie.

Alice : C’est tout a fait ça, les filles, deux personnages verrouillés dans leur solitude qui vont petit à petit faire sauter leurs appréhensions pour laisser parler leur cœur. L’histoire devient émouvante et l’on est touché par cette relation qu’ils construisent ensemble où chacun puise en l’autre le manque affectif de toute une vie. On découvre alors la grande force intérieure qui les anime et on se prend totalement d’affection pour eux.
Enfin, moi ça a été mon cas ? Pas vous ?

Pépita : Oui, c’est vrai, on se dit qu’ils se sont trouvés en quelque sorte mais quand même chez Boby, il y a  une appréhension, non ? Ou plutôt une interrogation face au mystère de cette femme.

Kik : Affection n’est pas forcément le mot que j’aurai utilisé. Les descriptions qui sont faites d’eux ne sont pas très valorisantes. J’ai été attirée par leur relation l’un avec l’autre. Je voulais savoir comment tout cela allait évoluer. Elle est quand même très improbable cette rencontre a priori. Et pourtant …

Alice : … et pourtant…leur bout de route ensemble n’est pas bien long. Alors que l’on commence à s’approprier l’atmosphère singulière du livre, la fin arrive comme une cassure, subitement ;  presque trop vite. Est-ce comme ça que vous l’avez vécue aussi ?

Kik : Complètement. Je voulais en savoir plus. Qu’ils se revoient, qu’elle l’aide peut-être, ou l’inverse.

Pépita : Oui, cette fin est déstabilisante. Très. Je ne sais d’ailleurs pas du tout comment l’interpréter. C’est souvent le cas avec cet auteur qui laisse ouvert pour toute interprétation. D’ailleurs, je ne suis pas sûre de l’avoir bien comprise cette fin ou alors j’y vois quelque chose que mon imagination a envie de voir ou pas. Cette fin arrive trop vite en plus. Le lecteur en est tout abasourdi. On commence à être bien dans cette histoire, à se dire que cette rencontre improbable va déboucher sur une histoire d’adoption réciproque et l’auteur joue avec nos nerfs…

Alice :  Des personnages singuliers, une rencontre improbable,  une fin subit(e)… est-ce tout cela qui nous dérange dans la lecture de ce roman? Qui nous fait le définir comme un OVNI littéraire ? Comme un extra-terrestre ? Ou bien voyez-vous d’autres choses encore ?

Pépita : Roman extraterrestre, c’est le premier mot qui m’est venu à l’esprit. Car quand même cette fin ? Elle m’a perturbée…Je n’en dirais pas plus. C’est à la fois un roman humaniste et psychologique.

Kik : Non. Oui. Non. Peut être … C’est difficile à dire. Je ne saurais pas dire exactement d’où le roman tire sa force. Il m’a émue, chamboulée, tout de suite j’ai voulu en discuter avec vous, ici, A l’ombre de notre grand arbre. Il n’est pas tant OVNI que ça, car il n’y a pas de particularité d’écriture, ou une forme très spécifique. Il sort du lot, tant par sa qualité d’écriture, que par le choix des personnalités de Mado et Boby, un mélange improbable, qui fonctionne très bien.

Alice : Un livre dérangeant, déroutant, détonant … et une fin dramatique en effet.
Et quand je relis l’ensemble de notre discussion je me dis plus largement :  » Nous vivons dans une drôle de société quand même ! ». Une société retranscrite par Christophe Léon, dont la plume incisive ne nous autorise pas à lâcher le livre.
Mais je ne reste pas sur une note pessimiste, ce livre offre aussi une lueur de fraternité et d’espoir  :  Boby n’est pas vraiment un dur et Mado pas vraiment un monstre …
Et vous, que souhaiteriez vous rajouter à cette lecture ? Un mot de la fin ?

Pépita : Je dirais juste que ce livre reste tout de même dans la même veine que les précédents de Christophe Léon, qui dénonce les dérives de notre société. Là, il parle du fait que l’on juge souvent selon les apparences et qu’on ne prend pas toujours le temps de connaitre les personnes de notre entourage, qui souvent cachent bien des petits secrets…Il parle aussi de la solitude que cela engendre. Autre spécialité de l’auteur et qui peut agacer d’ailleurs : ses fins ne sont jamais vraiment des fins, le lecteur doit se débrouiller et reste souvent dans l’expectative. Alors, toutes les interprétations sont possibles…et dans ce roman court, c’est le cas. Je ne sais toujours pas comment dire comment ce livre se termine vraiment.

Kik : Pépita a tout dit. Pour conclure, moi je conseillerai de lire Demain, Promis ! du même auteur, qui m’a également soufflé. Cet auteur, je le connais moins que Pépita et toi Alice, mais je n’hésiterais pas si je croise un de ses livres en librairie !

A VOS LECTURES !

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Retrouvez la chronique de  :

– Kik sur son blog Les lectures de Kik

-Pépita sur son blog Meli-Melo de livres

– Alice sur son blog A lire aux pays des merveilles

*******leon

Christophe Léon, un auteur que vous pouvez découvrir en suivant son blog :

http://www.christophe-leon.fr/

Tant que nous sommes vivants

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Anne-Laure Bondoux, Gallimard jeunesse

Une fin d’année qui s’achève…

Dans quelques jours, l’aube d’une nouvelle…

Nous savons ce que la première nous a réservé : son lot de joies, de peines, de petits et grands bonheurs, pas seulement à notre échelle, mais aussi toutes ces catastrophes dans le monde, les guerres, les maladies, le terrorisme, les éléments déchaînés,…

Une nouvelle année pointe le bout de son nez : que va-t-elle nous réserver ?

Mais « Tant que nous sommes vivants », il y a toujours de l’espoir, il y a toujours de l’amour…et la vie recommence…

Un roman époustouflant qui nous a tous séduits, autant que son auteure, Anne-Laure Bondoux, pour sa simplicité, sa gentillesse et son sourire si lumineux…malgré les zones d’ombre de sa vie (Nous vous invitons à lire « L’autre moitié de moi-même » chez Bayard).

En voici donc notre échange à cinq, vivant et palpitant, que nous avons mené à deux.

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Pépita : Il y a toujours un élément de départ qui fait qu’on a envie d’ouvrir un livre et de le lire…Concernant ce roman, quel a été le tout premier élément déclencheur, cette sorte d’élan irrépressible qui nous fait aller vers ces pages et pas d’autres à ce moment-là ?

Carole 3 étoiles : Une fois n’est pas coutume, je l’ai vu passer sur les réseaux sociaux et c’est précisément la couverture qui m’a attirée de suite. Je n’ai pas lu vos chroniques pour ne pas connaître le sujet, et je ne regrette pas : c’est le genre de roman qu’on laisse nous emporter les yeux fermés !

Nathan : Je venais de passer mon épreuve de bac de théâtre. Il ne me restait qu’un entretien oral le lendemain. Et quand je suis rentré chez moi, j’ai trouvé ce roman dans ma boîte aux lettres. La couverture non définitive pourtant déjà magnifique. Le résumé intriguant. La superbe et touchante lettre de l’auteure l’accompagnant. Alors j’ai révisé, mais le soir, j’ai craqué, j’ai lu quelques chapitres. Et une fois le bac définitivement terminé, j’ai dévoré le roman. Et mes espoirs n’ont pas été déçus …

Colette : Et bien c’est VOUS, jardiniers du grand arbre, qui m’en avez donné envie ! Vos petites phrases si laudatives sur ce roman glanées de ci de là m’ont vraiment intriguée et le hasard a voulu que ma collègue documentaliste, sous la pile de ses derniers achats, cachait ce trésor ! La magnifique couverture en papier découpé d’Hélène Druvert m’a complètement séduite !

Pépita : J’ai lu cette auteure pour la première fois en 2009 avec « Le temps des miracles » alors que je venais de me spécialiser comme bibliothécaire jeunesse. Et quelle rencontre ! J’ai lu ses autres romans depuis, j’ai été très attristée par sa panne d’écriture alors quelle joie de voir un nouveau roman sortir !

Pépita : Si vous deviez en un seul mot définir ce roman, quel serait-il ? Vous est-il possible de le développer ?

Nathan : Je dirais universel. Parce qu’il a cette profondeur des contes qui touche n’importe qui, parce qu’il a une dimension mythique, une dimension biblique, une dimension intemporelle qui le rapporte à tous les temps, tous les lieux, et il a cette sensibilité qui ne se destine pas seulement aux enfants ou aux adolescents mais à nous tous, lecteurs, parce que nous sommes humains.

Colette : C’est très beau ce que tu dis de ce roman, Nathan. Je dirai « étrange » quant à moi. Parce que tout y avait goût d’ailleurs : les peuples, la ville, la nature, les rêves et même l’amour… En plongeant dans ce récit, je suis tombé dans un pays des merveilles dont je n’arrivais pas à dessiner les contours, parce que tout m’y surprenait. J’ai adoré cette sensation !

Pépita : Je vous rejoins tous les deux. Je dirais « Métamorphose » : car le chemin de la vie nous transforme, nous construit, nous défait parfois comme pour mieux renaître. Tout comme les personnages de ce roman et comme la forge de Bo, lieu de toutes les transformations de la matière.

Céline du Tiroir : Envoûtant : pour cet ailleurs qui nous semblerait presque familier, pour cette révolution sourde qui gronde aussi au fond de nous, pour cet amour si pur, pour ces rencontres inoubliables, pour ce merveilleux, à la lisière du réel. Il y a dans Tant que nous sommes vivants un décor qui intrigue et une énergie qui nous happe, dés les premières lignes, et sans s’essouffler.

Carole 3 étoiles :  Complètement d’accord avec vous….et le mot qui me vient, c’est Alchimie… littéraire, celle qui consiste à transformer une histoire simple en fiction poétique. Car on ne peut faire l’impasse sur le style de l’auteure : une langue maîtrisée, un vocabulaire universel et symbolique, une syntaxe et une ponctuation cohérentes. En un mot un roman qui tire ses jeunes lecteurs vers le haut et leur ouvre, selon moi, les portes de la Grande Littérature.

Nathan : Même si on prendrait plaisir à discuter simplement du roman, à s’échanger nos impressions profondément surprenantes, comme l’a si bien remarqué Colette, j’ai aussi envie de situer un peu mieux les choses pour nos lecteurs. Vous parlez d’ailleurs, vous parlez de merveilles. Si on parlait un peu de ce décor et du temps de l’histoire ?

Céline du Tiroir : Le décor est changeant… comme le temps de l’histoire est un peu flou, d’ailleurs. Au début du roman, on pourrait être sous le Second Empire de Zola comme dans un futur bien sombre, mais on y retrouve un monde ouvrier intemporel, à la fois dans la dureté de ses conditions de vie, dans son côté « condamné », et dans l’intensité des relations humaines. Le début de la lecture m’a intriguée, je cherchais justement à situer, reconnaitre ce cadre spatio-temporel, avant de comprendre que le roman dépassait ces cadres, et qu’on était aussi quelque part dans l’étrange et le merveilleux.

Colette : Une ville ouvrière, une forêt, des souterrains, un village de pêcheurs, une sorte de XIXe siècle en dehors des frises chronologiques… Un décor d’ombres chinoises, mouvant, en perpétuelle métamorphose pour reprendre le terme de Pépita… L’auteure ne semble pas avoir voulu fixer de cadres précis, cadres qui l’auraient sans doute privée de liberté dans la progression de sa narration.

Pépita : Je n’ai pas du tout cherché à situer l’histoire, je me suis laissée porter par ce style si envoûtant, par cette belle rencontre amoureuse si incongrue dans cet univers métallique gris fait de bruits et de poussière. Puis par les antagonismes des mots posés pour chaque chapitre, qui à chaque fois donnent à entrer dans un univers différent et cohérent. A l’image de la couverture : le clair et l’obscur, les ombres et la lumière, le cheminement sur le chemin de la vie si bien incarné par Bo et Hama. Donner à cette histoire un cadre spatio-temporel trop fermé lui aurait enlevé toute son universalité. Car c’est de l’Homme dont il est question dans ces pages, avec ses antagonismes.

Carole 3 étoiles : C’est exactement ça ! Ne pas fixer l’intrigue dans un cadre temporel précis pour en extraire l’intemporalité, et donc l’universalité. Toutefois, si on analyse les unités de temps et de lieu, on constate une jolie boucle : Tsell et Vigg marchent sur les pas de Bo et Hama, et refaire le chemin en arrière pour mieux aller de l’avant. Cela est simplement le cycle de la vie, non ? D’ailleurs, un conseil précieux est prononcé par l’un des petits membres de la Communauté de la forêt « Si tu ne sais pas où tu dois aller, cherche d’où tu viens »… Que de jolis mots dans ces pages !

 Pépita : Ce roman est traversé par des personnages uniques et irréels. On les suit pour certains d’entre eux à ce qui s’apparente à un chemin initiatique. Lesquels vous ont-le plus touché ? Qu’auriez-vous à en dire ? Vos impressions ?

Colette : Je ne sais pas pourquoi mais c’est le personnage de Bo qui m’a le plus envoûtée. A cause du théâtre d’ombres, peut-être, de ce magnifique cadeau d’amour terriblement gâché par la bêtise et l’obscurantisme. J’ai vibré avec lui quand il attendait Hama, qu’il transcendait son absence en tissant sa toile de métal, j’ai vibré avec lui quand il a découvert son message après la catastrophe, j’ai vibré avec lui quand il l’a enfin retrouvée et qu’il lui a raconté son histoire, enfin, une histoire qui allait se transmettre même contre son gré. Et puis après leur voyage jusqu’à la mer, je ne l’ai plus reconnu, comme cela arrive parfois même avec des amis très chers…

Pépita : Tout comme toi Colette, Bo m’a beaucoup bouleversée : cet amour inconditionnel pour Hama, sa volonté de fer pour vivre, pour être à la hauteur d’Hama. Et puis la déchéance, l’amertume, oui, dans tout cela aussi je ne l’ai pas reconnu. Hama est tellement intransigeante ! Tsell, je l’ai moins bien perçue. J’ai été absolument sous le charme des passages avec les petits hommes troglodytes : quelle bienveillance ! Quelle philosophie ! Quelle solidarité ! Et quel défaitisme par rapport à leur condition, acceptée comme telle. Ce que ne supporte pas Hama finalement. On peut comprendre aussi son traumatisme qui la rend dure avec les autres et elle-même. C’est ce qui est intéressant dans ce roman : c’est la métamorphose des êtres et la continuité de la vie malgré tout.

Nathan : Il est difficile de n’en citer qu’un. Bien sûr Bo m’a touché dans l’énergie et la force qu’il met à sauver Hama. Bien sûr cette dernière est bouleversante dans sa quête d’équilibre, malgré ce qu’elle a perdu, malgré la vie. Bien sûr Tsell et Vigg sont-ils attachants dans leur fougue et leur amour. Bien sûr les petits hommes troglodytes sont amusants et adorables et d’une sagesse remarquable. Mais il y a aussi tous ces personnages secondaires dont, des mois plus tard, j’ai oublié les noms, et Melchior me revient, qui apportent chacun leur touche, leur voix, leur conseil, leur pierre, leur expérience, leur vie. Il y a avant toute chose la danse de ces vies qui sont perdues dans un rythme effréné où toute chorégraphie est illusoire. C’est pour cela qu’elle est magnifique et authentique.

Carole 3 étoiles : En ce qui concerne les personnages, le roman est si dense qu’il est difficile d’en choisir un en particulier ! Hama et Bo m’ont touchées autant dans leur faiblesse que dans leur force, et leur amour aussi. Tsell est la somme de ces deux derniers et on le ressent. Les personnages plus secondaires ont tous aussi un rôle : toutes les rencontres éclairent les personnages, et les mettent en perspective. Ils sont tous nécessaires me semble-t-il. Enfin, il y a un autre personnage, plus discret mais qui sert de fil rouge au récit : le désir. Le désir d’aimer, le désir de survivre, le désir de réparer, le désir de savoir. Pour moi, c’est le moteur du roman. Sans lui, plus de lumière, plus d’audace, plus de vie.

Céline du Tiroir : J’ai été touchée par les mêmes personnages que vous et pour les mêmes raisons. Alors du coup pour ne pas tout répéter, je voudrais parler aussi de Titine-Grosses-pattes, la tenancière estropiée du cabaret, avec son passé douloureux et sa gouaille. Elle pourrait sortir tout droit d’un roman de Zola comme d’un film de Jeunet. Haute en couleur, un peu cabossée, c’est une figure maternelle et guerrière à la fois. Un personnage secondaire très réussi aussi.

Pépita : Ce roman est aussi rempli d’éléments naturels : métal, végétal, eau…et surtout le feu. Une belle alchimie. Quelle(s) symbolique(s) représentent-ils pour vous ? A votre avis, comment ces éléments servent-ils l’histoire ?

Céline du Tiroir : J’ai aimé aussi tous ces éléments, même si je ne saurais dire s’ils ont vraiment toujours une fonction dans le récit. Mais c’est sûr, le métal, la pierre, le feu participent à construire un décor puissant et marquant. Par contre, j’ai été très touchée par la symbolique de la forge et ce regard sur l’oeuvre de l’homme : dans des conditions extrêmes, réussir à changer les matières premières pour en faire des objets uniques : un théâtre d’ombres (magnifique, cette idée !!!), des mains articulées, une armure pour Tsell…

Nathan : C’est vrai que les éléments ont une place très importante, mais nul doute que c’est le feu qui m’a véritablement marqué. Le théâtre d’ombres oui, parce que l’ombre et la lumière. La forge, parce que nous nous créons. Et cette image continue du feu, cette flamme qui anime les personnages, l’espoir qui les fait vivre, l’amour qui les brûle, la colère qui les enflamme, la passion qui les traverse, la vie qui jaillit, tout simplement.

« Mais cela suffit à nous rappeler une chose essentielle: le feu qui brûlait dans le ventre de nos fourneaux brûlait encore dans nos veines. »

Pépita : Tout comme vous, j’ai été profondément marquée à la lecture de ce roman par les éléments. Ils rejoignent mon propos du début : la métamorphose. Ils ont une fonction symbolique extrêmement forte. Chaque personnage endosse un élément à sa mesure correspondant à son propre chemin initiatique, à ce qu’il a à résoudre sur lui-même. J’ai aussi aimé cet aspect selon lequel la nature nous domine et combien il est ardu de la domestiquer. Et j’ai trouvé aussi que faire quelque chose de ses mains est tellement créateur et salvateur ! Regardez Bo : il se réalise et cherche la perfection au point de se perdre…Et puis la forge est pour moi indissociable de mon grand-père qui était forgeron. J’ai eu la chance de le voir travailler, de le voir s’occuper des chevaux de trait. Quelle science ! Quelle patience ! Quelle bienveillance ! J’entends encore le bruit du soufflet, les coups de marteau précis sur la matière rougeoyante, l’odeur si caractéristique. C’est un roman splendide sur la création, et comme le dit Nathan sur l’ombre et la lumière qu’elle comporte inévitablement. J’ai aimé ce souffle de vie. Infiniment. Car il rejoint le désir dont parle Carole.

Carole 3 étoiles : Tout à fait d’accord avec vous concernant les éléments, et principalement le feu qui pour moi symbolise le désir…

 Nathan : On l’a dit, Tant que nous sommes vivants c’est la beauté des mots dits dans l’encre et le papier, c’est le conte qu’on se raconte au coin du feu, c’est un style envoûtant. Et je ne doute pas une seule seconde que nous retenons tous cette phrase, essentielle, centrale, qui a sans doute su nous toucher chacun à un endroit de nous: « Tu crois qu’il faut toujours perdre une part de soi pour que la vie continue ? » Et si vous deviez retenir une autre citation que celle-ci, une seule, dites-moi ce serait laquelle …

Pépita : Je ne retiens que cette citation en fait. Elle a tellement trouvé un écho en moi qu’elle m’habite toujours depuis.

Colette : Idem… C’est comme un refrain lancinant, une sorte de mélopée qui habite le texte du début à la fin, une prière désespérée qui finit par envahir le lecteur autant que les personnages.

Carole 3 étoiles : Les mots qui m’ont bouleversée sont ceux-là :   » Elle resta immobile devant lui, toute petite et tremblante, comprenant qu’il n’avait pas l’intention de disparaître de sa vie. C’était une étrange sensation pour elle qui avait été abandonnée par sa mère du jour au lendemain. Cela supposait qu’elle lui fasse entièrement confiance. C’était un risque qu’elle n’avait jamais pris avec personne. »

Nathan : Et moi je retiens l’espoir : «Ils virent quarante fois le soleil se coucher. Et les quarante levers de soleil furent autant de raisons d’espérer.»

Un roman au souffle unique qui nous permet de finir cette année en beauté…

Si vous ne l’avez pas encore lu, 2015 vous tend les bras…

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En attendant, vous pouvez aller écouter le podcast de la rencontre avec Anne-Laure Bondoux qui a eu lieu à Mollat le 22 Novembre dernier. C’était un beau moment, tout en intimité, avec quelques lecteurs et une libraire passionnée.

Il y a été question du temps qui passe, des choses qui changent, de ces parts de soi-même qu’on égare d’année en année. Il y a été question d’inspiration, d’écriture, de recherches et du don de soi. Il y a été question du désir, de ce feu qui nous brûle, de la vie qui nous pousse en avant vers ce feu d’espérances. Il y a été question de lecture aussi, d’un peu de cinéma, du passé, du futur, de la famille, des secrets, des histoires, des souvenirs, des racines.

C’était un beau moment, une belle rencontre, touchante et fébrile et profonde, comme son roman.

Le blog d’Anne-Laure Bondoux par ici.

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Pour aller plus loin, nos liens :

Carole-3 étoiles

Nathan-Le cahier de lecture de Nathan

Pépita-Méli-Mélo de livres

Céline-Le tiroir à histoires

Petite lecture commune dégoûtante !

Non non, ne partez pas tout de suite, elle n’est pas si dégoûtante que ça cette lecture ! Tout ce que je vous dis, c’est qu’on va parler de la collection Les petits dégoûtants d’Élise Gravel, publiée aux éditions Le Pommier. Avant de dire beurk, lisez plutôt ce qu’on en a pensé…

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Sophie : La collection Les petits dégoûtants, c’est peu ragoutant dit comme ça, mais c’est quoi exactement ?

Elise Gravel - Le rat.Pépita : Une collection de p’tits docs pour se réconcilier avec les p’tites bêtes et les plus grosses qui nous font un peu frissonner… mais en plus, on apprend plein de choses sur elles avec humour.

Kik : Une collection de livres pour parler de ces bestioles incontournables quand on est gosse, mais pour lesquelles on leur dit souvent : « Ahhhhh !!! Mais c’est sale ! »

Céline du Tiroir : Des petits bouquins sympas pour ce réconcilier avec les rampants, les gluants, bref, ceux qu’on trouve souvent dégoûtants ! C’est court, c’est drôle et instructif. Des petits documentaires qui ne se prennent pas du tout au sérieux !

Sophie : Plein de petits dégoûtants donc. Mais qu’est-ce qui a bien pu vous donner envie de lire ces livres ?

Pépita : Les couvertures super rigolotes !

Céline du Tiroir : Justement, cette originalité ! : si les lapins, les adorables souris ou même les loups ou les cochons sont des stars de la littérature jeunesse, qui se soucie des limaces ou des poux ? C’est ce côté un peu décalé qui m’a tout de suite attirée !Elise Gravel - Le ver.

Sophie : Pour rendre sympathique ces petites bêtes, le gage de qualité, c’est l’humour incontournable d’Élise Gravel. Est-ce que vous connaissiez déjà cette auteure et est-ce qu’elle a changé votre vision de ces petits dégoûtants ?

Kik : À la découverte de cette collection et plus particulièrement avec le pou, je n’ai pas cherché à savoir ce que l’auteur avait publié auparavant et je ne la connaissais pas particulièrement. Le point que j’ai le plus apprécié est l’anthropomorphisation des animaux. La limace d’habitude gluante et plutôt repoussante, devient rigolote.

Pépita : Oui, je connaissais cette auteure avant et j’apprécie son trait et son humour toujours très décalés. Si mon regard a changé sur ces bestioles ? J’aimerais bien mais pas vraiment ! Par contre, j’ai appris une foule de choses sur leurs mœurs et finalement, même si je ne suis toujours pas copine avec elles, je les regarde un peu différemment quand même. Et je trouve que oui, ça peut changer le regard des enfants sur elles : elles sont présentées d’une façon tellement rigolote !

Elise Gravel - Le pou.Céline du Tiroir : Oui, c’est une auteure dont j’apprécie l’humour et l’énergie ! Heeuu… J’ai quand même toujours pas adopté de limace ! Je dis en riant que Le Pou a été une sorte de psychothérapie pour moi, mais c’est pas tout à fait faux dans la mesure où j’ai vraiment appris des trucs, et qu’on a toujours un peu moins peur de ce qu’on connaît mieux ! (Je garde quand même l’huile de lavande et les peignes à lentes prêts à être dégainés à la moindre alerte !)

Sophie : Cette collection, c’est aussi l’occasion d’aborder une question plus large autour des documentaires pour enfants. Il y a quelques années les documentaires étaient des livres un peu austères et pédagogiques. Aujourd’hui, on voit une belle évolution avec l’apparition de beaux livres pour les enfants et des livres comme ceux dont nous parlons. Ce sont des documentaires pour les plus petits, tournés beaucoup sur l’humour. Que pensez-vous de ce type de livres et surtout ont-ils encore un but documentaire ?

Pépita : Très bonne question ! C’est vrai cette évolution, ce type de livres se situeraient davantage entre l’album et le documentaire. Il y a de plus en plus de formes hybrides de nos jours. Je pense que c’est une offre qui s’adapte en quelque sorte à l’air du temps. Séduire les petits lecteurs (et leurs parents !) pour les amener à la lecture plaisir et ludique, sans contraintes et avec peu d’effort. On succombe plus de nos jours à l’aspect esthétique aussi (le culte de l’apparence). Les éditeurs l’ont bien compris. On peut en dire autant pour les premières lectures et les romans d’ailleurs. Mais franchement, ce sont des livres très plaisants et de qualité alors c’est le principal.

Kik : Différents livres pour différentes attentes. Dans le cas de cette collection, le « dégoûtant » devient un être à considérer avec beaucoup d’importance, car très intéressant même si dégoûtant. Il y a des mises en scène autour de ce pou ou de cette limace. Par contre, on ne trouve pas de données chiffrées, d’informations précises.
Le livre joue sur l’humour. Avant les documentaires étaient destinés aux scientifiques en herbe, maintenant ils peuvent s’adresser à de plus jeunes enfants, et ouvrent une porte. Si jamais un sujet en particulier les intéresse plus, il y a toujours les documentaires plus riches.

Elise Gravel - La limace.Sophie : Un petit mot sur les illustrations de ces livres. Elles ont une place très importantes au point que texte et images se confondent parfois. Vous les avez aimées ?

Pépita : Ah oui, elles sont trop top ! Ces bestioles peu ragoutantes dans la réalité sont ici montrées sous un jour bien plus sympathique si bien qu’on les adopterait ! Ce sont des dessins frais et humoristiques qui permettent de ne plus visualiser la sale bestiole. Elles ont un trait simplifié, des yeux rigolos, nous parlent, bref, des copines !

Céline du Tiroir : Ha oui, elles sont drôles comme toutes les illustration d’Elise Gravel, en rondeur, pleines d’énergie et de fraîcheur ! Et l’influence BD avec les petits bulles, ça en fait aussi un album très ludique je trouve !

Kik : Peu de couleurs, l’animal qui prend toute la place, les illustrations m’ont beaucoup plu. D’autant plus qu’elles sont associés à du texte avec des polices de caractères de différents styles et de différentes tailles.
Une mise en page réussie, pour happer le lecteur, et lui faire découvrir un « dégoûtant » tout en rigolant.

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Ouf, vous êtes rassuré ? Ce n’était pas si dégoûtant que ça ! Bah non, au contraire, c’est parfait pour mieux connaître ces petites bêtes !

Et si vous n’êtes pas encore tout à fait convaincus, jetez un œil sur les articles de nos blogs :

– Céline du Tiroir : Le pou
– Sophie : La limace, Le rat