Nos classiques préféré.e.s : Un regard sur l’enfance avec Helen Oxenbury

Helen Oxenbury est une autrice et une illustratrice incontournable de la littérature jeunesse. Créatrice de la série emblématique Léo et Popi, elle s’illustre dans les albums pour les bébés et les jeunes enfants qui sont les héros aux joues rebondies des histoires qu’elle invente ou illustre pour d’autres auteur.e.s. Nous avons aussi grandi avec ses albums, c’est pourquoi il nous semblait impossible de ne pas l’inviter parmi nos classiques.

Voici une sélection de nos albums préférés.

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Pour Linda, partir à La chasse à l’ours est une histoire de famille à partager sans limite. Un album qui mérite bien sa place ici pour au moins ces dix raisons…

La chasse à l’ours de Michael Rosen, illustré par Helen Oxenbury, Kaléidoscope, 2001.
  1. Pour la nostalgie que sa lecture procure, nous rappelant l’enfant que l’on a été ou celui/ceux que l’on a/a eu,
  2. Pour l’esprit de famille qui règne au fil des pages, et le partage de ce jeu de chasse à l’ours qui réunit toute la famille,
  3. Pour l’intemporalité de son récit, confirmé par le succès de cet album depuis sa première publication,
  4. Pour la musicalité de son texte qui se répète comme le ferait une comptine ou une ritournelle,
  5. Pour les onomatopées qui viennent plonger le lecteur dans la promenade en pleine nature,
  6. Pour le plaisir que procure l’écoute de la version anglaise interprétée et chantée par son auteur, Michael Rosen,
  7. Pour la tension qui monte crescendo face aux obstacles de plus en plus difficiles à franchir, plus effrayants aussi,
  8. Pour les émotions qui viennent animer la bouille des petits lecteurs, pas si éloigné de celles des personnages,
  9. Pour les illustrations tout en douceur qui alternent la couleur et le noir et blanc,
  10. Pour la chute surprenante qui laisse les plus petits stupéfaits.

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Pour Isabelle, Helen Oxenbury, c’est notamment les illustrations de 2 petites mains et 2 petits pieds. Il y aurait au moins 10 raisons de penser à cet album qu’elle aime régulièrement offrir aux bébés de son entourage !

  1. Pour les bouilles réjouissantes des bébés célébrés, leurs adorables petites mains, leurs petits pieds. Leur venue au monde n’est-elle pas l’un des plus grands bonheurs qui soit ?
  2. Parce que les bébés aiment voir d’autres bébés dans les livres, les reconnaître au fil des lectures, s’amuser de leurs jeux et de leurs frasques.
  3. Pour la douceur des illustrations, si caractéristiques du style de Helen Oxenbury.
  4. Pour la joie de voyager autour du monde, dans des pays divers et variés, urbains, ruraux, nordiques ou orientaux…
  5. … et de découvrir à quel point les bébés du monde grandissent dans des conditions différentes
  6. Pour la manière dont cet album célèbre ce que tous ces bébés ont malgré tout en commun : « tous ces bébés, tout le monde le sait, ont deux petites mains et deux petits pieds » !
  7. Parce que malgré ce dépaysement, tous nos repères sont là. Grâce à la récurrence des adorables petites mains et petits pieds et de la petite phrase répétitive de l’album qui résonne comme une entraînante petite comptine que toute la famille entonne bientôt avec enthousiasme.
  8. Parce qu’au rythme de cette petite comptine, c’est joli de voir ces bébés grandir et être aimés.
  9. Pour la chute pleine de tendresse.
  10. Pour l’hymne réjouissant à la diversité, à la fraternité et aux câlins !

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Pour Colette, Helen Oxenbury, c’est l’album créé en partenariat avec Phyllis Root, judicieusement intitulé Quand Big Mama a créé le monde. Un album qui résonne au moins pour 10 raisons !

Quand Big Mama a créé le monde…, Phyllis Root, Helen Oxenbury, Père Castor, 2002.
  1. Tout d’abord, voilà un album dont le titre résonne à la fois comme un pied de nez et un hommage aux forces démiurgiques, car oui, ce livre là n’est rien moins qu’une réécriture d’un des textes fondateurs de notre culture judéo-chrétienne puisque qu’il s’agit pour les deux artistes de revisiter le premier texte de la Bible : le livre de la Genèse.
  2. Mais voilà que dès les premières pages, on découvre un vibrant hommage au pouvoir incommensurable des mères qui sont des divinités à part entière car elles parviennent à créer des mondes tout en s’occupant de leur progéniture.
  3. Et cet hommage prend les traits d’une femme aux formes généreuses, comme sait si bien les dessiner Helen Oxenbury, aussi bien quand elle croque les bouilles des bébés que les belles hanches et la poitrine gourmande de notre Big Mama.
  4. Cet album est aussi un ravissement d’oralité, on y retrouve le rythme du texte d’origine, mais comme enrichi de l’expressivité de notre généreuse divinité : onomatopées, points d’exclamations et ce refrain qui sans cesse vient ponctuer la parole de Big Mama : « Beau travail, Beau travail, ma foi ! » Un album tout en optimisme, quoi !
  5. Et comme un écrin précieux à ce texte qui raconte tout de même comment notre monde fut créé, les illustrations d’Helen Oxenbury font la part belle aux couleurs : du bleu, puis du blanc, puis du noir, du jaune, du vert et peu à peu les couleurs se complexifient au fur et à mesure que de nouvelles créatures viennent habiter auprès de Big Mama.
  6. Cet album c’est aussi un hymne lumineux à la nature, aux animaux, et aux humains, un appel à regarder le monde avec tendresse et émerveillement.
  7. C’est aussi un bel hommage à ce qui fonde notre humanité – et qui nous est si cher à l’ombre du grand arbre : notre capacité à raconter des histoires pour nous tenir compagnie. Car oui quand Big Mama a été bien fatiguée au matin du sixième jour, elle a choisi de modeler des « gens ». « Et chacun avait une histoire à raconter à Big Mama. »
  8. Parce que vraiment quelle idée malicieuse de mêler les corvées de lessive et les ateliers pâtisseries à ce grand récit fondateur, une manière de redonner avec humour leur place aux femmes, aux mères en particulier, à toutes celles qui ont été effacées des récits de création.Une manière de répondre à cette question que je me suis souvent posée : pourquoi Dieu ne serait-il pas une figure féminine ?
  9. Parce qu’au final cet album invite à penser certaines questions philosophiques que les enfants ne manqueront pas de se poser : d’où venons-nous ? où allons-nous ? Quelle est l’origine du monde ?
  10. Un album tout en joie, qui invite à voir autrement les questions spirituelles, c’était un pari osé, ici parfaitement réussi !

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Pour Liraloin, quel joie de relire cet album haut en couleur et en bonheur. Voici les dix raisons d’aimer cette histoire !

Très très fort ! de Trish Cooke & Helen Oxenbury, Père Castor, 1995
  1. Pour cette histoire en randonnée où le héros qui est au centre de toute l’attention est un tout-petit.
  2. Pour cet amour que les adultes et les jeunes enfants donnent à ce p’tit bonhomme !
  3. Pour le mouvement qui est donné par les illustrations d’Helen Oxenbury, les personnages ont une joie de vivre communicative, ils dansent presque…
  4. Pour ce défilé où tous les personnages ont un look particulier que la plupart de vos arbonautes ont connu : les couleurs vives des années 90’
  5. Pour la construction du texte : comme cette impression de lire une chanson, une ritournelle du bonheur qui donne envie de bouger et de s’émerveiller !
  6. Pour ces moments de respiration lorsque les personnages « ne font rien de spécial » à part attendre tranquillement. Chacun reprend son souffle.
  7. Pour ce véritable Vaudeville, cette porte qui ne cesse de s’ouvrir sur une tante, un cousin fou d’amour pour ce bébé.
  8. Pour cette couverture :  en 1994 (date de la première publication en Grande-Bretagne), c’est assez rare de voir un papa et son enfant.
  9. … comme il n’est pas banal de voir une famille à la peau noire héroïne d’un album jeunesse.
  10. Car lire cette histoire et faire défiler les superbes illustrations d’Helen Oxenbury nous donne une énergie folle !

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Et vous, quel est votre album préféré d’Helen Oxenbury ?

Coups de Cœur de l’Année 2023

Alors que l’année 2023 s’achève, il est venu le temps de faire le bilan de nos lectures dont nous vous proposons une sélection de nos coups de cœur de l’année, des titres qui nous ont touché et ont marqué cette année. Toute l’équipe d’A l’Ombre du Grand Arbre vous souhaite une très bonne année livresque 2024 !

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Pour Liraloin, Tu es là de Laëtitia Bourget et Joanna Concejo publié en 2022 par les éditions Les Grandes Personnes illustre parfaitement la lecture qu’un album remplit de poésie peut apporter : de l’émotion à l’état brut !
Cet album s’ouvre sur une forêt de sapins, des souliers flottent pour venir, au fil de l’égrainage des pages usant de transparence, se retrouver aux pieds d’une petite fille. Elle est seule et se souvient de cette « bulle de silence entre deux mots », de cette relation si précieuse entre deux êtres. Puis le paysage change et c’est au milieu des fleurs que les souvenirs explosent : « Je t’ai saisi, tu m’accompagnes toujours, je te transmets, je te multiplie, je te mange, je te digère. »
Un album où la poésie n’est pas seulement dans le texte mais également dans sa forme. La superposition des feuilles transparentes qui vont se poser les unes sur les autres au fur et à mesure du récit ne font qu’augmenter l’émotion transmise par l’écriture. Un effet de transparence où l’on devine la suite du souvenir où l’on voit la page se tourner sur un mot, une phrase terminée comme on essaye de clore une histoire. Un sentiment qui donne l’impression d’aller très loin en soi à la recherche de ce souvenir.

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Linda aurait pu choisir le même album que LiraLoin, mais il aurait été dommage de ne pas mettre en avant l’album d’Olga Tokarczuk illustré par Joanna Concejo tant le message lui a paru essentiel. Invitation à ralentir, Une âme égarée dresse le constat de vies humaines passées à courir pour remplir ses journées au point d’oublier de s’arrêter juste un moment pour penser à soi, faire quelque chose pour soi, voir ne rien faire du tout et juste profiter du moment qui s’offre à nous. Et l’objet-livre nous offre d’ailleurs l’opportunité de vivre l’un de ces moments où l’on prend plaisir à se poser avec un beau livre entre les mains.

Si quelqu’un pouvait nous regarder d’en haut, il verrait que le monde est rempli de gens pressés, qui courent dans tous les sens, fatigués, en sueur, mais il verrait aussi leurs âmes égarées, à la traîne…

Texte et illustrations s’entremêlent pour conter l’histoire de cet homme qui un jour décide de se poser, d’arrêté de courir. Là où l’auteure nous raconte la douleur de la perte puis la prise de conscience, l’illustratrice nous raconte le temps passé à courir, puis le temps passé à attendre le retour de cette âme égarée qui, une fois revenue, amène la couleur dans les pages en même temps que de la lumière dans la vie de cet homme.

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Mais il y a aussi le touchant roman d’Anne Cortey, Les désaccordés qui narre l’histoire de quatre adolescents, quatre tempos qui tendent à s’accorder sur un même rythme pour avancer côte à côte, car c’est bien connu, à plusieurs on est plus fort. On prend plaisir à suivre la balade de ces quatre jeunes qui se cherchent et se trouvent dans l’art. L’art qui prend différentes formes mais tient une place essentielle pour chacun d’eux, entraînant le lecteur sur son passage.
Outre la beauté du texte, Linda a aimé la justesse des émotions dépeintes dans ces figures de l’adolescence, de ces jeunes comme on aimerait en croiser plus dans la littérature jeunesse, des adolescents qui avancent malgré les coups durs, qui savent se prendre en main et s’entourer d’amis dont les notes résonnent en accords avec les leurs. L’univers artistique la touche tout particulièrement ainsi que la forme du texte qui se déroule aussi naturellement que l’attachement se fait entre les héros.
Par ailleurs, on peut aussi saluer le travail éditorial pour le choix de mettre des pages colorées, vertes en l’occurrence, pour marquer le changement de narration quand chacun des personnages se livre sur son histoire personnelle. Ca peut paraître simple mais ça fait un effet incroyable. Sans oublier les deux illustrations de Cyril Pedrosa, également artiste de la couverture, qui viennent apporter une forme de lumière artistique sur l’ensemble. L’effet est saisissant et fait de cet objet-livre une petite beauté.

Les désaccordés d’Anne Cortey, l’école des loisirs, 2023.

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Pour Colette, fidèle à celle qui l’a fait entrer en littérature jeunesse il y a maintenant un sacré bout de temps, le coup de coeur de l’année ira à l’album Une Chose formidable de Rebecca Dautremer. Dans cette nouvelle aventure de Jacominus Gainsborough, la poésie se fait petite bête, café Joliette, blagounette et vieille recette. A la manière d’un conte en randonnée, le récit de Jacominus se cogne aux petits défauts de la mémoire et aux mains tendues de l’amitié. On voyage dans le temps et son épaisseur feuilletée. Pour un juste retour à l’enfance où tant de choses se jouent. C’est un délice presque aussi gourmand que le fameux gâteau aux pommes de Beatrix, la grand-mère de Jacominus. Et pour accompagner ce voyage temporel, l’autrice nous propose une mise en voix rehaussée par la musique de Nils Le Thanh, Martin Saëz, Philipe Morino, Arnaud Guillou et Camille Tirard. Un délice, vous dis-je, un délice…

Une Chose formidable, Rebecca Dautremer, Sarbacane, 2023.

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Lucie ne s’est pas remise de sa lecture de Guerrière, déjà présenté en coup de cœur au mois de novembre. Ce roman poignant et extrêmement bien écrit sur les enfants-soldats marque ses lecteurs au fer rouge. Il avait toute sa place dans la sélection de l’année.

Son avis complet ICI.

Guerrière, de Cécile Alix, Slalom, 2023.

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Et l’album qui l’a le plus marquée est peut-être Le destin de Fausto. Fausto, c’est l’être humain. Il arrive, sur de lui, et s’approprie tout ce qui l’entoure par la seule force de son (mauvais) caractère. Il ne connaît ni ne respecte pas les éléments qu’il rencontre ? Qu’importe, ils sont à lui.
Jusqu’à ce que l’océan lui résiste et que Fausto retrouve sa place légitime. Pour savoir où elle se situe, il faudra lire cette fable maligne qui invite à la réflexion. Lucie a aimé les illustrations minimalistes qui prennent peu à peu en ampleur et le jeu de la mise en page.
Encore une incontestable réussite d’Olivier Jeffers !

Le Destin de Fausto, Olivier Jeffers, Editions Kaléidoscope, 2020.

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La désignation des lectures de l’année est revenue à un membre de l’équipage de L’île aux trésors, moussaillon de son état. En album, son choix s’est porté sur une BD dont deux tomes (sur trois) sont parus à ce jour : Magda, cuisinière intergalactique. Ça commence comme un concours top-chef retransmis en direct dans toute la galaxie mais qui révèle très vite des enjeux géostratégiques graves quand on s’intéresse à ce qui se trame en coulisse. Nicolas Wouters et Mathilde Van Gheluwe ont su reconnaître et exploiter tout le potentiel humoristique du monde de la cuisine. Mais pas que : leur album tourne en dérision la société du spectacle, dénonce les frénésies de conquête et d’exploitation des ressources qui détraquent le monde vivant et exacerbent les tensions. Une lecture stimulante mais néanmoins 100% plaisir, pour les voyages en tracteur spatial ou à dos de coléoptère, la merveilleuse faune et flore des différentes planètes et surtout les ingrédients et ustensiles qu’on rêverait d’avoir dans sa cuisine. Tout ça illustré avec une fantaisie qui rappelle à la fois le restaurant Tom-Tom et Nana et les curiosités des Sardines de l’espace !

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Et en roman, le moussaillon de 12 ans a désigné Pony, un roman singulier qui l’a entraîné dans l’Ohio des années 1860. Pourquoi des truands sont-ils venus enlever le père de Silas ? Que lui veulent-ils, est-il en danger ? Et que fait ce poney sur le seuil du logis ? Silas n’écoute que son courage et se lance sur les traces de son père, dans un vrai décor de western. Après le magnifique Wonder, R.J. Palacio signe un texte aussi beau que singulier. La quête de Silas met l’intrigue sous tension mais, pourtant, le roman semble flotter dans une sorte de quatrième dimension qui n’appartient qu’à lui. Son étrangeté, à commencer par la présence de l’énigmatique Mittenwool aux côtés du garçon, pique la curiosité, crée une tension qui n’a rien à voir avec les cliffhangers pourtant redoutables qui ponctuent le récit. L’autre question qui nous taraude, à la lecture de ces pages, concerne ce père disparu : qui est-il vraiment ? R.J. Palacio brosse un portrait tout en facettes et nuances, celui d’un homme curieux et inventif, aimant et déterminé. L’arrière-plan historique donne de la densité, de la profondeur. Le contexte est celui des États-Unis au bord de la guerre de Sécession et à l’aube de la révolution industrielle. Chemin faisant, le garçon grandit, le mystère se dissipe et l’émotion nous étreint. Il y a des peurs terrifiantes, du rêve (imaginez avoir quelqu’un comme Mittenwool ou un animal comme Pony à ses côtés !), des tonnes de tendresse et de mélancolie, de vrais coups au cœur. Puissant !

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S’il y a vraiment un livre jeunesse qui reste au cœur de Blandine, c’est celui-ci:

L’étrange voyage de Clover Elkin. Eli BROWN. Bayard Jeunesse, 2023

XIXe siècle – États Unifiés – 20 ans après la Guerre de Louisiane (cela vous rappelle vaguement quelque chose, c’est normal!)
Clover Elkin se retrouve brutalement sur les routes après l’assassinat de son père qui lui a révélé avoir gardé une seule curiosité « neobkhodimyy » et intimé d’aller à New Manchester, pour sa protection. Toutes ses certitudes volent soudainement en éclats.
Dans le monde de Clover, il existe des Curiosités, des objets ordinaires aux propriétés extraordinaires, des particularités qui peuvent être utiles, nécessaires ou discutables, selon qui les manipulent… Clover va croiser plusieurs d’entre Elles, et notamment le Colonel Hannibal Furlong, un coq parlant, à la tête de l’Armée du Sénateur Auburn, qui a combattu Napoléon et son « Accablante »
Cette première rencontre se révélera précieuse tout du long, même s’ils seront séparés.
Lors de cette quête, éminemment initiatique, Clover, bien que déjà mûre, va apprendre à s’affirmer, va connaître la trahison, devoir faire des choix, donner le pardon. Les personnages secondaires ont aussi une vraie densité et offrent un panel intéressant des émotions et comportements humains.
Ce voyage se fait aussi dystopie avec une réflexion sur le pouvoir et le politique.
Le contexte historique remanié est un régal à (re)découvrir.
Nous évoluons dans un monde aussi familier qu’inconnu, de par les insertions fantastiques apportés par l’auteur. Elles sont formidables, nous déstabilisent et sont fortement évocatrices.
Les descriptions sont minutieuses et fascinantes, tant celles des objets que des paysages traversés par Clover. C’est très immersif et visuel.

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Et pour nous, « adultes », grands enfants que nous sommes restés, ce roman, aux chapitres courts. Un coup de cœur comme un coup au cœur, qui fait écho à Dickens, Andersen et Lindgren!

D’autres étoiles. Un conte de Noël. Ingvild H. RISHOI. Mercure de France, 2022

Ronya, 10 ans
Mélissa, 16 ans
Deux sœurs fusionnelles
Pas de mère, un père alcoolique
Veille de Noël
Une offre d’emploi pour être vendeur de sapins
Un rêve qui prend bientôt beaucoup de place
Et qui ouvre les yeux candides sur une réalité déchirante faite de précarité, d’espoirs déçus, de prises de conscience douloureuses, d’honteuses culpabilités et pourtant d’une certitude du meilleur à venir, de petits moments de joies qui illuminent un quotidien trop souvent terne
Ce conte de Noël contemporain et norvégien n’est certes pas toujours joyeux, mais il est beau, il en devient même tragique, et pourtant il est simplement magnifique !

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Et vous, quels sont les livres qui ont marqué votre année 2023 ?

Le Prix Vendredi, édition 2023 !

Comme les années précédentes, nous avons lu les titres de la sélection du Prix Vendredi – 7ème édition. Alors que le Lauréat sera annoncé dans la journée, nous vous proposons de découvrir nos avis sur ces romans destinés aux adolescents.

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Au nom de Chris de Claudine Desmarteau, Gallimard Jeunesse (Scripto), 2023.

La vie n’est pas tendre avec Adrien. Alors quand le soir tombe, il se débat avec des idées noires, cherche en vain le sommeil et finit par sortir marcher seul dans l’obscurité. Une nuit surgit une voix des ténèbres. Cette voix qui fait irruption sans guillemets ni description pour nous donner un peu à voir à qui elle appartient glace d’emblée. Un peu comme dans ces films d’horreur qui ne nous laissent qu’imaginer ce qui se tapit derrière la porte. C’est intrigant et magnétique : impossible de reposer ce thriller. On parcourt ces pages le souffle coupé, redoutant le drame à chaque instant. Les chapitres donnent, à petites touches, une consistance au mal-être d’Adrien, évoquent les affres du harcèlement, l’installation d’une emprise dont sa mère, aimante mais maladroitement anxieuse, peine à le protéger. Il s’agit aussi de la quête de soi qui caractérise l’adolescence et qui ressemble parfois à un exercice de funambulisme.
Les saisons passent au rythme de la voix de Chris, tour à tour galvanisante et berçante, charmante et autoritaire. Les contours de l’homme, eux, ne se précisent guère : qui est-il ? Existe-t-il vraiment ? Quel âge a-t-il ? Est-il dangereux ? La narration à la première personne nous place au plus près des expériences d’Adrien, un peu comme si on lisait ses pensées ou des vers libres jetées dans son journal : des phrases sans ponctuation surgissent parfois à un rythme rapide dans la narration, rendant la détresse du garçon presque palpable. Un livre sombre, mais hypnotique et initiatique.

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Dix-huit ans, pas trop con de Quentin Leseigneur, Sarbacane (Beau&Court), 2023.

Le narrateur garde sa cagoule mais sa voix s’impose d’emblée, franche et directe : celle d’un jeune homme au seuil de l’âge adulte embarqué (provisoirement) dans un commerce lucratif mais risqué. Dès que le charbon et les clients qui défilent lui en laissent le temps, il nous explique sans façon la marchandise et les stratégies commerciales, le recrutement des petits pour fouiller les étages et organiser le ravitaillement et les grands qui embauchent « sans discrimination » mais avec lesquels on ne plaisante pas. Sans jugement, ce roman met en lumière la brutalité du monde des tours et de la drogue, les dilemmes des jeunes qui y vivent et les illusions dans lesquelles il est si risqué pour eux de se bercer. Les mots de ce court roman percutent et bousculent. Quentin Leseigneur compose une voix lucide et sincère, tour à tour gagnée par l’espoir, les doutes et la peur. Mais cette langue scandée qui rend hommage à l’argot, au verlan et aux langues des cités sonne juste comme les dialogues des séries The Wire et Validé. Sa puissance, combinée à la densité de l’intrigue, concentrée en un midi-minuit, laissent le lecteur estomaqué. Un roman coup de poing !

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Premier rôle de Mikaël Ollivier, Thierry Magnier, 2023.

Ce roman, truffé de citations, clins d’œil et autres références au cinéma, est un bonheur de cinéphile. Il donne envie de voir ou de revoir quantité de films. La culture transmise par Nino à sa petite fille est un véritable plaisir à lire. Tout comme sa vision d’un art dont la raison d’être et l’économie sont fortement remises en question en ce moment.
Mais Mickaël Ollivier propose aussi de beaux portraits de femmes. Portrait d’une adolescente qui s’essaye à l’écriture (puisque ce texte est présenté comme sa première tentative d’écriture), de sa grand-mère qui l’a élevée malgré son besoin d’indépendance, et de sa mère qui a préféré vivre loin de toute entrave familiale. Trois femmes aux visions de la vie très différentes, qui en viennent à cohabiter pendant le premier confinement. Car la covid tient une place prépondérante dans la dramaturgie de l’histoire dont la résolution pousse le lecteur dans ses retranchements et l’oblige à bousculer ses convictions.

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Le Souffle du Puma de Laurine Roux, l’école des loisirs (Médium +), 2023.

Laurine Roux s’inspire d’une histoire vraie pour construire le récit des Enfants du Llullaillaco, deux enfants découverts morts en 1999 au sommet d’un volcan argentin, momifiés et parfaitement conservés par le froid. L’histoire s’inscrit dans deux époques, la notre auprès de scientifiques qui tentent de faire parler les corps, et cinq cents ans plus tôt, dans les pas des enfants. Les deux époques tressent une histoire emprunte de magie et de spiritisme cherchant une interprétation dans l’étude scientifique et avançant vers le destin inéluctable et tragique de ces deux enfants morts pour des croyances fortes. Le souffle du Puma est un récit fort et hyper intéressant parce qu’il prend corps dans notre réalité et met en avant un rite spirituel dont les victimes étaient des enfants. Porté par une héroïne au caractère fort, il livre un magnifique message sur le besoin, le désir de liberté.

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De larmes et d’écume de Stéphane Michaka, Pocket Jeunesse, 2023.

1872, une goélette, baptisée la Mary Celeste a été retrouvée chavirant sans plus personne à son bord mais avec son chargement intact. Tout avait été laissé tel quel comme si ses navigants étaient partis sur l’instant, mais avec l’idée de revenir… La Mary Celeste a été retrouvée mais jamais aucun de ses naufragés. Un mystère.
Douze ans plus tard, ce célèbre et énigmatique naufrage refait parler de lui lorsqu’un vieux loup de mer arrive à Londres dans la compagnie d’assurances de la Mary Celeste avec une vieille bouteille contenant un manuscrit qui permettrait de connaître la vérité. « Spotty  » Finch, 17 ans, qui seconde Basil Huntley, un passionné des naufrages, va comprendre peu à peu pourquoi son supérieur est particulièrement intéressé par cette histoire à laquelle il semble lié, et pourquoi en dépit de sa sécurité, il va tout faire pour découvrri ce qu’il s’est passé.
C’est ainsi qu’en se lançant dans les bas-fonds de l’East End, dont est originaire Spotty, Basil va remonter le fil de ses souvenirs jusqu’à son adolescence à Liverpool et sa rencontre avec une jeune fille d’un autre rang social, dont la fortune du beau-père est issue du commerce du « bois d’ébène ».
Ce roman entremêle trois fils narratifs avec une grande fluidité nous faisant ressentir les beautés et dangers de chacune des situations, faits de decisions délicates et malheureux coups du sort. A bord de la Mary Céleste sur laquelle la jeune Elsie consigne ses journées et observations dans son journal, tant sur la navigation que sur les attitudes des membres de l’équipage, entre eux, vis-à-vis d’elle, ou encore du Capitaine.
Ces passages sont immersifs et nous donnent à ressentir la houle, les embruns, les manoeuvres, les différentes tensions.
Dans Londres avec la terrible condition des enfants des rues et ce qu’il leur faut faire pour survivre, et contre qui Basil et Spotty se retrouvent.
A Liverpool où le jeune Basil vit un amour réciproque mais clandestin avec une jeune fille indépendante et vive, mais sur qui le beau-père tente d exercer une emprise terrible, l’isolant de sa famille.
Bien que l’insertion d’un personnage ne soit pas utile et que Spotty soit d’une grande maturité et culture au vu de ses origines et âge, ce roman d’aventures inspiré d’une histoire vraie est happant. Par son écriture immersive et visuelle, Stéphane Michalak nous emporte par des thématiques fortes, (émancipation féminine, emprise psychologique, amour, amitié et respect) et des personnages bien campés, confrontés à des situations intenses et périlleuses

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This is (not) a love letter d’Anouk Filippini, Auzou, 2023.

Un été – peut-être plus – sur la côte basque. Loue, son frère, sa mère, sa grand-mère. Et dans le jardin de la maison familiale une tiny house occupée par une romancière, Graziella, et son fils, Inigo. Loue est passionnée de surf, et elle est vraiment douée. Mais cette année, elle surfe en solitaire, à l’heure où le soleil se lève. Cette année pas question de retrouver la bande de copains, Ben, Cannelle, Moussa, Bixente. Cette année, Loue traîne dans son sillon un parfum d’amertume, de nostalgie, de chagrin. Et tout le roman sera l’occasion de démêler ce qui a creusé ce profond sillon derrière elle, avec l’aide d’Inigo, lumineux personnage, qui au fil des cours de surf qu’il prendra auprès de Loue, lui permettra d’accepter sa vérité et de renouer avec la vie qui palpite malgré tout, là, sous la combi !

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Romance, tome 3. Octave d’Arnaud Cathrine, Robert Laffont, 2022.

Après Romance et les Nouvelles Vagues, c’est avec grande fébrilité que nous retrouvons les mêmes personnages reflet d’une époque, d’une société parisienne très actuelle. Octave et Vicente (Vince) ont été amants et ce dernier supporte mal la brutale séparation orchestrée par Octave qui a préféré sans doute fuir un amour trop fort. Alors Vince qui souhaite (réellement ?) tourner la page se réfugie dans un fantasme : celui d’aimer un de ses profs. Tandis que son amie Marylin se « répare » elle aussi de sa rupture avec Octave en continuant de dessiner et espérer un jour rencontrer son héroïne-peintre Elizabeth Peyton, Titus et Lilian survivent à leur manière, l’un en aimant secrètement… l’autre en avalant des pilules pour oublier sa condition.

Tous vont se croiser, s’évoquer, se confier l’un à l’autre portant d’une seule voix cette génération d’étudiants durant le confinement. Une vie qui continue même si la situation n’invite pas à rencontrer de nouvelles personnes. Est-ce que finalement cet enfermement n’est pas le moment de prêter encore plus attention à l’autre et à son état psychique ? Dans ce roman choral qui s’organise en différentes phases allant du confinement au déconfinement les lectrices et lecteurs vont être les témoins des sentiments les plus profonds se jouant dans un groupe de jeunes adultes. Sans exagérer sur la place proéminente des réseaux sociaux, Arnaud Cathrine utilise les codes d’une jeunesse afin d’illustrer le rythme de l’histoire d’une douceur magnétique.

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La Dernière Saison de Selim de Pascale Quiviger, Rouergue (épik), 2023.

Dans une oasis imaginaire, Pascale Quiviger dresse une société où les femmes sont investies d’un grand pouvoir religieux. Et pour cause : le panthérisme, leur religion monothéiste, a pour objet une déesse. Ce « matriarcat » (en réalité simple contre-pouvoir face au Sultan) ne rend pas la société plus égalitaire, loin s’en faut : il est dirigé par une Infinie qui parle en prenant exemple sur Maître Yoda, la sagesse en moins.
L’ambiance « Mille et une nuit », les coutumes et croyances millénaires créées par l’auteure sont très prenantes. Et, pour les lecteurs du Royaume de Pierre d’Angle, quel plaisir de retrouver Esmée et Mercenaire ! C’est d’ailleurs l’occasion d’en apprendre plus sur l’histoire de ce personnage mystérieux. Le lecteur s’attache vite et durablement aux personnages, qui ont tous une histoire singulière. C’est l’un des grands talents de cette auteure : créer des figures romanesques et nuancées dont on a plaisir à suivre les aventures.

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Tous nos rêves ordinaires d’Elodie Chan, Sarbacane, 2023.

Nous voici à l’aune de l’an 2000 dans une banlieue pavillonnaire ordinaire, à Val-de-Seine, en Normandie. C’est l’été, il fait chaud, et le temps s’écoule lentement. Romane, flamboyante rousse, est du genre réservée mais extravertie lorsque sa meilleure amie Lola, jolie blonde « parfaite » est à ses côtés. Ensemble, en rollers, petit short et rires, elles font tourner les têtes et les cœurs. Cyrus d’ailleurs, aimerait bien que Romane lui accorde davantage d’attentions, pour le plus grand dam de Chloé, son amie de toujours, dont il découvre un jour de fête, et donc trop tard, qu’elle est « une fille ». Lola, elle, rêve de paillettes et célébrité, enfin, elle veut surtout échapper à l’aura de sa mère, ancienne « Miss Normandie » qui lui serine sa perfection. Alors elle participe à un casting pour devenir chanteuse, mais derrière ses airs bravaches de fille qui se la joue femme (et qui fait comme si elle savait), innocence et naïveté sont toujours là. Gabriel lui ne veut surtout pas s’attacher pour ne pas reproduire le schéma parental, alors il passe de fille en fille, fume autant qu’il peut car ça évite de se souvenir, donc de souffrir. C’est tellement plus facile d’être le bourreau des cœurs, il n’avait juste pas prévu, pas voulu, pas imaginé, succomber. Et puis il y a Serge, un père de famille qui voit sa fille grandir, devenir femme, et ça il ne supporte pas, ça le renvoie à son âge, à sa condition, ça le met minable, alors il cogne. Violence ordinaire qui se devine derrière les fenêtres mais qu’on ne veut surtout pas entendre, savoir…
Cet été-là va changer beaucoup de choses pour eux tous, leur permettre de grandir, prendre conscience, s’émanciper, reproduire des schémas ou justement s’en échapper. Et si les époques changent avec notamment les modes de communication, certaines choses demeurent… entre adolescence, premières fois, apparences et émotions. Chaque génération voudrait s’inventer, s’affranchir de la précédente tout en poursuivant des modèles et une certaine forme de normalité. Les sentiments demeurent, seuls les moyens changent (et les références musicales aussi!!). Un roman dans la prolongement de Tom Sawyer/Huckleberry Finn et qui fait référence au « Normal People » de Sally Rooney.

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Griffes de Malika Ferdjoukh, l’école des loisirs (Medium +), 2023.

C’est une enquête fort alambiquée à laquelle Malika Ferdjoukh convie ses lecteurs ! Alors qu’un hiver glacial s’abat sur Morgan’s Moor, de violents tourments bouillonnent sous la chape de gel : un drame ancien, une vision funestement prémonitoire, une griffe qui se lève pour frapper…
Quel bonheur de s’immerger dans ce 19ème siècle plus vrai que nature où l’on voyage en diligence et porte le tweed ou la dentelle sous l’oeil d’animaux empaillés ! Cette enquête rend magnifiquement hommage à Conan Doyle, mais aussi à Charles Dickens, Jane Austen et Bram Stoker. On pense aussi évidemment au mystère de la chambre jaune face à ce meurtre commis dans une chambre hermétiquement close.
Évidemment, chacun semble avoir quelque chose à cacher et le duo dépêché par Scotland Yard va avoir fort à faire. Ils seront secondés un peu malgré eux par la fille de l’aubergiste – ouïe fine, langue bien pendue et un aplomb déconcertant – qui se rêve de seconder en Sherlock Holmes.
Les personnages sont hauts en couleur, entre ce détective fan de Dickens, de shortbreads et de whisky gallois qui ne jure que par les siestes (dont il dit qu’elles « déploient le meilleur de ses intuitions »), cet auxiliaire timide mais fougueux, et cette ribambelle de témoins déroutants. Leurs dialogues pleins de verve sont réjouissants (« J’ai longtemps dormi avec un grand frère qui gagnait des tournois de cricket pendant ses crises de somnambulisme. »).

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Avez-vous lu certains de ces titres ? Lequel a votre préférence ?

De la Page à l’écran : La troisième vengeance de Robert Poutifard

Adaptation du roman de Jean-Claude Mourlevat, Les vengeances de Maître Poutifard par Pierre-François Martin-Laval est un film familial que Colette et Linda ont vu avec leur enfant. Théodore et Juliette ont accepté de répondre à quelques questions autour de cette adaptation d’un roman qu’ils aiment beaucoup.

La troisième vengeance de Robert Poutifard, de Jean-Claude Mourlevat, folio junior, 2009 (pour la présente édition)
  1. Pourriez-vous nous présenter ce fameux Robert Poutifard inventé par Jean-Claude Mourlevat ? 

Juliette : Robert Poutifard est un enseignant retraité qui n’a jamais aimé les enfants. Il vit encore chez sa mère d’où il élabore son plan de vengeance.

Théodore : C’est un professeur des écoles à la retraite qui n’a pas vécu sa carrière dans les meilleures conditions notamment lorsqu’une année un groupe de 4 élèves lui a mené la vie dure et au moment de sa retraite il cherche à se venger de ceux-ci. 

  1. Qu’avez-vous pensé de l’interprétation qu’en a fait Christian Clavier dans le film de Pierre-François Martin-Laval ? Correspondait-elle à ce que vous aviez imaginé ? 

Théodore : j’ai trouvé que c’était une très bonne interprétation, un personnage peu dynamique, dont toute la vie tourne autour de l’enseignement alors qu’il n’aime pas les enfants. 

  1. Outre les enfants dont nous parlerons plus tard, un autre personnage est primordial dans cette fiction, c’est la mère de Robert Poutifard : comme pour son fils, pourriez-vous nous la présenter et nous dire si le personnage interprété par Isabelle Nanty correspondait à ce que vous vous étiez imaginé ? 

Juliette : Je pense que le personnage de la mère a été assez bien interprété, cela correspond assez à ce que j’imaginais.

Théodore : la mère de Robert Poutifard est une vielle femme qui est proche de son fils qui n’a jamais quitté la maison. Elle parle souvent de son mari dont Robert semble être le portrait craché – père qui par contre dans le film n’est pas évoqué.  Dans le roman, la mère est beaucoup plus gentille que dans le film où elle apparaît au début très sarcastique avec son enfant. La comédienne a été bien vieillie – vive le maquillage – et elle m’est apparue crédible pour incarner la mère de Robert. 

  1. Comment comprenez-vous les modifications apportées au titre du roman dans le titre du film ? 

Théodore : le titre du roman met l’accent sur la dernière vengeance de Poutifard lors de laquelle il comprend que personne n’a la vie facile et que ses élèves regrettent les farces dont leur maître a été victime. 

  1. Quoiqu’il arrive, il est ici question de vengeance : mais de quoi se venge ce pauvre Robert ? Qu’avez-vous ressenti en découvrant ses stratagèmes ? Les avez-vous approuvés ? 

Juliette : Il se venge de quatre de ses anciens élèves, les plus pénibles. Les stratagèmes sont plus fous les uns que les autres, toujours autant d’excitation. Je les approuve toutes même si la deuxième vengeance n’est pas exactement la même dans le film.

Théodore : On ne peut jamais approuver une vengeance mais il y a une forme de satisfaction à voir ces petits monstres punis. Et même si Valentin et les jumelles ne sauront jamais qui leur a fait vivre ces mauvais moments, Poutifard semble comme délivré. Pour Audrey, c’est une autre histoire. 

  1. Quelle a été votre vengeance préférée ? 

Juliette : La première avec le chien dans le restaurant. Le chien ne tenait pas en place !

Théodore : comme Juliette, c’est la vengeance du chien dans le restaurant que j’ai préférée car c’est la plus drôle et la plus ridicule car un grand chef qui tenait un restaurant étoilé se retrouve à tenir un simple food truck à cause d’un animal joueur ! 

  1. Personnellement, la fin du film m’a laissé perplexe : qu’en avez-vous pensé ? 

Théodore : non, pour moi c’est comme dans le roman. 

Affiche du film de Pierre-François Martin-Laval
  1. Au final, avez-vous trouvé que le film de Pierre-François Martin-Laval était une “bonne” adaptation ? 

Juliette : Oui, c’est vraiment une bonne adaptation. Même si quelques détails changent, ce n’est pas grave, on y retrouve le plus important.

Théodore : Oui, c’est une très bonne adaptation même s’il y a des petits trucs un peu différents : la vengeance d’Anthony dure longtemps aux dépens des autres vengeances, c’est la vengeance la plus préparée et la mieux détaillées dans le film. Dans le film, la vengeance contre les jumelles est un peu expédiée. 

  1. Et qu’avez-vous pensé de la brève apparition de Jean-Claude Mourlevat dans le film ? 

Théodore : Comme nous avons la chance de rencontrer Jean-Claude Mourlevat à 4 occasions, nous l’avons tout de suite identifié et nous avons apprécié cet hommage à l’auteur jeunesse à l’origine de l’histoire qui a servi de scénario au film.

Juliette : Tu as de la chance de l’avoir rencontré ! Comme je ne savais pas à quoi il ressemblait, j’aurais été bien incapable de le reconnaître. Ha ! Ha ! Mais je trouve ça sympa de l’avoir mis dans le film.

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Avez-vous vu Les Vengeances de Maître Poutifard ? Qu’avez-vous pensé de cette adaptation ?

Sélection : Des enfants et des animaux, l’amitié au bout du chemin

C’est bien connu, les enfants adorent les animaux. S’ils marquent une nette préférence pour les mammifères, les oiseaux et reptiles ont eux aussi une belle cote de popularité – sans compter des bestioles plus inattendues comme les homards (si si, on vous jure ça existe) ! Le tout étant de se montrer attentif avec son compagnon. La littérature jeunesse fait donc la part belle aux duo-animal. Les textes qui parviennent à évoquer ces liens sans mièvrerie sont souvent très forts, tour à tour drôle et bouleversants. Voici donc notre sélection d’albums et de romans mettant en scène une relation privilégiée entre un enfant et un animal. Lus, approuvés et garantis sans risque d’allergie !

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Albums

Oh non, George ! de Chris Haughton, Thierry Magnier, 2011

Harris, petit personnage bleu, a confiance en George son adoooooooorable chien à la trombine tout à fait espiègle ! Il y a dans cette histoire en randonnée destiné au tout-petit un humour enfantin qui ravira le parent lecteur. La complicité entre le petit garçon mais on pourrait aussi y voir un homme et son chien est à l’image de la couverture de cet album : drôle et joyeux ! … et vive les bêtises !

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Je veux un chien et peu importe lequel, de Kitty Crowther, Pastel, 2021.

Millie rêve d’un chien, une bestiole qui serait (presque) aussi drôle qu’elle… « Oh non, surtout pas », répond sa Maman en buvant son café. Comment résister à un album avec un titre et une couverture pareils ? Son prénom aurait pu prédestiner Kitty Crowther à dessiner des chatons. Mais nom d’un chien, l’artiste jubile à crayonner ces cabots de tous poils, barbus, chevelus ou tout nus, en forme de grosse peluche, de saucisse ou de pudding (enfin l’interprétation des moussaillons d’Isabelle). Et en même temps, ces toutous au regard triste vous poignent le cœur. On croirait, le temps d’un livre, avoir l’âge de Millie, rêvant avec elle d’un ami canin unique qui allume une étincelle de magie dans notre vie. Et d’un monde où personne ne songerait à abandonner son animal. La conclusion s’impose : voilà un album qui a du chien !

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J’en rêvais depuis longtemps, Olivier Tallec, Actes Sud Junior, 2018.

Dans J’en rêvais depuis longtemps, Oliver Tallec met en scène avec l’humour qui le caractérise la relation pleine de tendresse entre un enfant et son chien. Ou serait-ce entre un chien et son enfant ? Difficile de résumer cet album qui joue sur la narration sans trop en dévoiler, mais ce grand format mérite sans conteste votre attention !

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Féroce, Jean-François Chabas et David Sala, Casterman, 2012.

Les jeunes filles d’ailleurs sont souvent à l’origine d’importantes révolutions dans les albums que nous aimons tout particulièrement : si vous avez déjà rencontré Fenris le Féroce, vous savez que derrière ses pupilles écarlates comme injectées de sang ne se cache pas le monstre que tout le monde voudrait y voir mais plutôt l’ami fidèle et serein de la jeune fille à la robe rouge. Une amitié tissée d’humour et de confiance qui se joue des apparences et des qu’en-dira-t-on.

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Le Renard Tokela, Pog, Marianne Alexandre, Des ronds dans l’O jeunesse, 2016.

Chaque année dans la tribu du peuple des sept Feux, un rituel célèbre le départ des caribous. « C’est pour les jeunes l’occasion d’honorer le Grand Manitou. Quand la poussière soulevée par le troupeau est retombée, il faut choisir un animal totem et le tuer ». Mais voilà pour Winona qui déteste la chasse, cette tradition est un vrai supplice. D’ailleurs quand elle part en forêt à la recherche de son animal totem et qu’elle se retrouve nez à nez avec le renard Tokela, elle se perd dans son regard et ne peut le tuer. L’animal et l’enfant élaborent alors ensemble un stratagème qui pourrait bien donner un grand coup de pied dans les traditions du peuple des sept Feux…

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Romans jeunesse

Belle et Sébastien, tome 1. Le refuge du grand Baou de Cécile Aubry, Hachette, 2013.

Grand classique de la littérature jeunesse française, Belle et Sébastien est né de l’imagination de Cécile Aubry pour une série télévisée. Le succès de celle-ci est immédiat, le premier volume du roman sera publié l’année suivante. L’histoire prend place dans les Alpes où Sébastien grandit auprès d’une famille d’adoption, sa mère tsigane étant morte en lui donnant la vie. Sa rencontre avec un chien des Pyrénées sauvage vient bouleverser sa vie. Baptisée Belle, le chienne ne quitte bientôt plus le petit garçon, liée à lui par un fort sentiment d’amitié, de tolérance et d’entraide.

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L’enfant qui parlait aux animaux, Roald Dahl, illustrations de Quentin Blake, Folio Junior, 2008 pour la présente édition.

On connaît l’amour de Roald Dahl pour les animaux ! Les chasseurs en font d’ailleurs souvent les frais dans ses romans. L’enfant qui parlait aux animaux est une nouvelle se déroule en Jamaïque alors qu’un pêcheur rapporte une torture géante sur la plage. Un enfant, touché par la détresse de l’animal, va tenter de le sauver. Une fable écologique assez éloignée du ton humoristique de ses romans les plus connus.

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Sajo et ses castors de Grey Owl, Editions Souffles, 2013.

Sajo et ses castors est un magnifique hymne à la vie qui véhicule un message écologique de bienveillance et de respect de la nature. Fort de son expérience avec les castors, Grey Owl signe un roman jeunesse riche en information sur ce « petit peuple » dont la vie faite de labeur est si unique et pourtant pas si éloignée de la notre. On découvre ainsi que la castor est un animal nocturne et monogame, qu’il a une mémoire infaillible et ne supporte pas la solitude. Véritable bouffée d’oxygène, le roman donne une vision extrêmement optimiste de la nature humaine, dans laquelle le pouvoir de l’argent perd toute valeur face à la liberté.

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L’incroyable histoire du homard qui sauva sa carapace, de Thomas Gerbeaux et Pauline Kerleroux, La Joie de Lire, 2020.

Une petite fille fait la rencontre d’un homard en cavale. Figurez-vous que le fugitif vient de s’échapper d’un restaurant où il était promis à la casserole ! Et que l’épatant crustacé s’est promis de ne pas se faire la malle avant d’avoir libéré jusqu’à la dernière étrille ses compères restés dans le vivier… Ce petit livre se lit comme un roman d’aventure, une perche tendue à nos consciences, un hymne à la liberté, à la joie de la rencontre et à la solidarité. Une pépite haute en couleurs qui divertit et donne de l’espoir ! Car « qui sauve un homard, sauve l’océan ». Et si vous aimez les bestioles de tous poils (et plumes), n’hésitez pas à lire également les incroyables histoires signées par le même duo consacrées à un protagoniste mouton et un héros coq. Un régal !

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Pax et le petit soldat, de Sara Pennypacker. Gallimard Jeunesse, 2015.

Un garçon, un renard apprivoisé – inséparables, mais pourtant brutalement arrachés l’un à l’autre par une guerre… Parviendront-ils à se retrouver sains et saufs ? La route est parsemée de dangers, mais aussi de rencontres inattendues ! Tels sont les ingrédients principaux de ce très joli roman, raconté à deux voix par les deux protagonistes et tendrement illustré par Jon Klassen. Ces deux personnages sont incroyablement attachants, impossible de leur résister ! L’intrigue est passionnante, l’écriture sublime et bouleversante. Pax et Peter traversent de multiples épreuves – perte d’un proche, culpabilité, doute, solitude, recherche de sa voie, retour à la vie sauvage. À leur hauteur, ils vivent la guerre de plein fouet. Pourtant, leur amitié à toute épreuve, la façon dont ils apprivoisent la nouvelle situation, leur détermination et la bienveillance qu’ils suscitent, font souffler sur ces pages un vent d’optimisme et tendresse.

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Cœur de loup, de Katherine Rundell, Gallimard Jeunesse (Folio), 2015.

Féodora se sent plus à l’aise avec les loups qu’avec les humains. Elle grandit dans une contrée sauvage de la Russie, avec sa mère qui l’initie au métier de « maître-loup ». Leur bonheur est menacé par l’armée du tsar qui sème la terreur et leur attribue la responsabilité de méfaits causés par les loups. Mais Féo n’est pas du genre à se laisser dompter. Pour défendre sa liberté et celle de sa mère, elle n’hésite pas à braver la folie furieuse du général Rakov et le froid sibérien – n’imaginant pas une seule seconde les répercussions que cette incroyable aventure pourrait avoir ! Katherine Rundell signe un très joli roman d’aventure aux allures de conte russe. La capacité de son héroïne à vivre avec les loups, à décoder leurs comportements et à respecter leur nature sauvage a de quoi faire rêver les enfants.

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Rascal de Sterling North, L’école des loisirs, 2020.

Récit autobiographique, Rascal nous raconte l’amitié improbable qui se tisse entre Sterling, et un petit raton laveur. Plein de tendresse, ce roman est aussi une plongée dans les états du nord des Etats-Unis dont l’auteur nous dépeint les paysages, la faune, la flore et la culture, le tout raconté sur fond de Première Guerre Mondiale. Mais le cœur de l’histoire tient uniquement dans l’amitié qui unit l’enfant et l’animal, l’auteur se remémore avec affection et nostalgie la puissance de ce lien si particulier qui les unissait.

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Romans pour plus grands

Le poney rouge, John Steinbeck, Folio Junior, 2007 pour la présente édition.

Californie dans les années 30, le rêve de Jody est d’avoir son propre cheval. Un jour, enfin, son père lui rapporte un poney rouge. Jody va prendre soin de lui, tisser un lien fort et le dresser pour pouvoir le monter. Mais un jour le poney tombe malade. Recueil de trois nouvelles dont les personnages sont récurrents, Le poney rouge est la porte d’entrée idéale dans l’œuvre de l’immense John Steinbeck.

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La vérité vraie, Dan Gemeinhart, Robert Laffont, 2016.

Premier roman de Dan Gemeinhart, La vérité vraie témoigne de l’amour inconditionnel qui lie un enfant et son chien. Gravement malade, Mark 11 ans, décide de partir faire l’ascension du Mont Rainier seul avec Beau. Les obstacles sont nombreux et l’issue incertaine, mais il peut compter sur la présence réconfortante de son petit compagnon. Un récit particulièrement émouvant.

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BD

Calvin et Hobbes, Bill Watterson, Hors Collection, 1991.

Cette série de BD (24 tomes), Calvin et Hobbes est un must-have chez Lucie où elle est relue au moins une fois par an. Le meilleur ami de Calvin, petit garçon de six ans à l’imagination débordante, est un animal. Et pas n’importe lequel : un tigre, s’il vous plaît ! Seul problème : dès qu’un tiers entre dans la case, Hobbes devient une peluche. Nous vous laissons décider s’il est vivant ou non, mais leur relation est si drôle et attachante qu’elle devait absolument figurer dans cette sélection !

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Et vous, quelle histoire mettant en scène un enfant et un animal vous a le plus ému(e) ?