Nos coups de cœur de novembre

Novembre et la course aux cadeaux peut débuter ! Mieux vaut ne pas trop tarder pour dégotter de belles lectures à offrir aux personnes que l’on aime le plus et à soi-même également ! En toute modestie, voici de quoi piocher des belles idées…

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Après avoir lu Incroyable ! c’est tout naturellement que Mademoiselle Sophie ou la fable du lion et de l’hippopotame ait élu ses quartiers dans la zone coup de cœur. Pour Liraloin ce titre est LE cadeau idéal !
Romain va bientôt pouvoir traverser la rue et ainsi se rendre au collège. En effet son école élémentaire se trouve juste en face mais en attendant il a encore une toute petite année à passer avec son institutrice Mademoiselle Sophie. Sauf que cette dernière a changé physiquement durant les vacances, en prenant beaucoup de poids, et cela inquiète Romain qui supporte mal les moqueries de ses camarades sur son institutrice préférée. Le jeune garçon a envie de la défendre et en même temps il se sent incapable d’accomplir cette action : « Punaise ! Je voudrais comprendre ce qui arrive à Mademoiselle Sophie pour l’aider… et je ne suis pas capable de comprendre ce qu’il m’arrive à moi… ». L ’adolescence pointe le bout de son nez avec, dans son sillage, son lot de changements. Heureusement que Romain peut compter sur sa grande sœur pour y voir plus clair dans ce monde d’adulte et bien évidemment enquêter sur l’état de santé de Mademoiselle Sophie.
Cette BD joue subtilement sur différentes préoccupations qu’un enfant pré-adolescent peut ressentir, le fait de grandir et d’entrer dans le monde « adulte ». Parallèlement, elle nous montre aussi la fragilité des adultes, qui eux aussi, ont des démons à combattre. « Moins on la voit plus elle prend de la place », le mal-être peut s’avérer compliqué pour un jeune garçon de 11 ans et pourtant…
Après le fabuleux titre Incroyable ! le duo Zabus & Hippolyte reprend du service pour aborder le mal-être, une souffrance compréhensible grâce à un scénario d’une belle finesse que les illustrations illuminent.

Mademoiselle Sophie ou la fbale du lion et de l’hippopotame de Zabus & Hippolyte, Dargaud, 2023

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Le mois a été très faste sur L’île aux trésors mais il y a un album qui a fait particulièrement forte impression à Isabelle et ses moussaillons : La maison au bord du canal. Ce documentaire consacré à la maison d’Anne Frank se démarque par la puissance du message et la beauté de l’objet-livre. L’histoire par les lieux de vie se prête très bien à aborder une mémoire des plus douloureuses à hauteur d’enfant. Le temps long, restitué avec un sens aigu de l’atmosphère, permet de poser sur un regard plutôt optimiste sur l’Histoire. Il y a quelque chose d’émouvant à prendre conscience que tant de personnes ont existé, aimé et lutté dans ces murs au fil des siècles. Ces pages le montrent : aux temps durs ont succédé des jours meilleurs, les arbres ont continué de s’épanouir, les enfants de jouer, l’église de sonner tous les quarts d’heure. Si rien ne pouvait malheureusement rendre ses proches au père d’Anne, seul survivant, ce dernier a travaillé à ce que le monde n’oublie pas, faisant de la maison un musée visité chaque année par un million de personnes. Puisse ce livre contribuer à entretenir cette mémoire !

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Et en roman, c’est l’imaginaire sidérant de Pascal Quiviger qui a eu les faveurs de l’équipage de L’île aux trésors. Elle nous entraîne dans un univers de mille et une nuits d’une densité incroyable, déchiré entre un pouvoir spirituel, un tyran et un vizir savant. Et donc truffé d’espions ! De sa plume vive, l’autrice déploie son intrigue tambour battant, distillant au passage de subtiles réflexions sur les fondements du pouvoir, la prédation des ressources naturelles, les dilemmes éthiques, l’amour et l’émancipation féminine. Un roman généreux et envoûtant, à proposer aux lecteurs et lectrices déjà aguerris !

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Le mois a aussi été faste chez Lucie, notamment grâce aux suggestions des branches du Grand Arbre ! Deux ouvrages très différents parus ce mois-ci se distinguent pourtant.
Bien qu’abordant un thème « peu aimable », celui des enfants-soldats, pour Guerrière, Cécile Alix a su transcender la difficulté de son sujet.
Par sa délicatesse, le point de vue qu’elle adopte et son travail sur la langue, l’auteure parvient à insuffler des miettes de douceur, puis d’espoir au fil du parcours de ses personnages, grâce aux liens qui se tissent entre eux, au rapport à la nature (les chapitres chez le peuple des arbres sont merveilleux), les rencontres, et le bouleversant duo formé par les jumeaux Nekeli et Soulaï. Les expressions qu’elle a choisies pour les passages les plus terribles comme le « coucher-obligé » sont remarquables de justesse. Ils disent la violence avec des expressions enfantines, laissant le lecteur comprendre par lui-même l’horreur de l’acte. Car si l’auteure se met à hauteur d’enfant, elle ne cache rien des sévices subis.
Guerrière est un roman que l’on lit comme en apnée tant il est difficile de s’en échapper, et tout autant d’y revenir. Une expérience de lecture qui bouscule, interroge et pousse à remettre en question ses valeurs. Car si le meurtre ne peut être toléré, qu’en est-il de la responsabilité de ces enfants endocrinés ?

Guerrière, de Cécile Alix, Slalom, 2023.

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Un nouvel album de François Place est forcément un évènement. Et quand en plus il aborde le thème de la peinture, autant se préparer à être ébloui !
Inspiré par Ricardo Cavallo, peintre qui compose des paysages gigantesques à partir d’une multitude de carrés, L’enfant, le peintre et la mer est – évidemment – somptueux.
Au départ, il y a la belle rencontre entre l’enfant et le peinture, qui va permettre d’aborder l’importance du regard de l’artiste et la transmission. Car Ricardo accueille petits et grands dans l’école d’art qu’il a créée, où il les encourage et les invite à se plonger dans l’histoire de l’art en leur prêtant ses livres. Un beau projet, qui existe réellement à Saint-Jean-du-Doigt.
Lucie a été particulièrement sensible au discours sur le rôle de l’art dans la vie. Ainsi, alors que le papa de Paul pense que le monde serait toujours le même sans art, sa maman pense que « [le monde] serait bien triste sans la poésie, la peinture, la photographie, la sculpture, la musique, la danse, le cinéma, le théâtre…« , vision que nous partageons totalement sous le Grand Arbre !

L’enfant, le peintre et la mer, de François Place, L’école des Loisirs, 2023.

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Linda a eu un mois de novembre plutôt léger en lecture, mais l’album d’Angélique Villeneuve, Je suis ton manteau, l’a particulièrement touchée. Le texte amène une réflexion très intéressante sur le rôle des parents dans l’accompagnement de l’enfant pour l’aider à affronter ses peurs et à grandir en volant de ses propres ailes. La métaphore du manteau est particulièrement pertinente car, en plus de faire le lien entre le père et son fils, elle offre à ce dernier la confiance nécessaire à l’acquisition de l’autonomie dont il a besoin pour oser aller vers l’inconnu.
Sublimé par les illustrations de Julien Martinière, un brin rétro et aux douces couleurs de l’automne, l’album figure également la liberté par une nature prépondérante, presque sauvage, dans laquelle les personnages vivent comme isolé du reste du monde.

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En France, il est rare de trouver des albums (et livres) sur La Befana, la Sorcière italienne « de Noël » qui endosse à la fois le rôle de Père Noël et de Père Fouettard, et qui passe dans la nuit du 5 au 6 janvier. Aussi quand Blandine a vu ce nouveau titre, n’a-t-elle pas hésité!
Dans une lettre adressée aux enfants, La Befana se présente par des mots tout en poésie et métaphores. Elle nous raconte d’où elle vient et quand elle vient, ce que cette Nuit apporte, d’abord aux enfants, ensuite à la Nature. Ses dires sont accompagnés et portés par des illustrations hybrides, combinant plusieurs styles et techniques, fortes de couleurs pimpantes qui mettent en avant l’élément végétal. L’album se clôt sur une présentation des sorcières, entre origines, particularités et liens avec la Nature, tout à fait dans l’air du temps, puisque cela vise à réhabiliter la place de la sorcière (et femme) dans la société. Cette présentation est donc très contemporaine tout en s’inscrivant dans une lignée et une histoire séculaires.

Befana la sorcière. Barbara CUOGHI et Elenia PERETTA. Cambourakis, octobre 2023

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Quel plaisir pour Colette de retrouver au hasard des étagères de sa médiathèque préférée, les illustrations si particulières de Gérard DuBois dont elle avait adoré l’album Un pommier dans le ventre ! Cette fois, l’illustrateur s’allie à André Marois pour nous raconter une après-midi de jeu comme on les rêve quand on a vécu son enfance à une époque où les smartphones et autres tablettes ne rythmaient pas le temps libre des enfants… Avec un album intitulé On ferait comme si, c’est la malle aux trésors qui s’ouvre grand, là dans la tête, sous les paupières à demi-closes ! « Tu veux jouer à faire semblant ? » demande à son amie un petit garçon. Et voilà les deux acolytes emportés dans une aventure des plus rocambolesques à travers le potager, en passant par le clapier et les toilettes au fond du jardin. Si tout est complètement rétro dans cet album, c’est pour mieux nous saisir, là, à l’endroit où nostalgie et innocence forment un immense pays des merveilles jamais complètement désolé.

On ferait comme si, André Marois et Gérad DuBois, Grasset Jeunesse, 2022.

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Et vous, quelles lectures ont enchanté votre mois de novembre ?

Une réflexion sur « Nos coups de cœur de novembre »

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