Lectures d’enfants #19

Ça a commencé comme ça:

-Dis moi mouflette, il y a un livre dont tu aimerais qu’on parle sur le blog?

-Le livre double !

-Le livre double ?

-Oui, tu sais, celui que tu lis, tu le retournes, tu as un autre livre mais il va avec mais c’est pas la même histoire mais un peu quand même.

-Ah, je vois, c’est « Chat par-ci, Chat par-là », de Stéphane Servant (Édité au Rouergue).

-Voilà.

 

-Ok, tu veux que je te pose des questions dessus comme la dernière fois?

-Non, cette fois, c’est moi qui t’en parle. Bon, si tu as des questions, t’as le droit aussi.

-Ok, on y va?

-Attends, je le relis d’abord !

Bon, on dirait que ma mouflette a décidé de mener la danse, je la suis bien volontiers, et le lendemain…

-C’est bon, t’as de quoi noter ?
Alors déjà, hier, quand j’ai relu le livre, j’ai relu aussi ensuite « Une histoire à 4 voix ».(Anthony Browne, école des loisirs), tu sais, que tu me lisais quand j’étais petite (oui, parce que maintenant, ma mouflette est grande, attention, elle a 9 ans et demi tout de même, faudrait voir à pas confondre) parce que je me suis dit que c’était un peu pareil. Mais en fait non. C’est pas pareil. Parce que là, c’est pas UNE histoire, mais bien deux histoires. On commence dans un sens, moi j’ai commencé par « chat par-ci », ensuite, on lit l’autre histoire, on se dit qu’à un moment, à la fin sans doute, les deux histoires vont se croiser et puis non, les histoires elles vont ensemble, elles se ressemblent, elles se passent au même endroit, les personnages sont les mêmes mais non, ce n’est pas la même histoire.

-Ah bon, mais dis-moi, tu peux m’en parler un peu de l’histoire justement ?

-DES histoireS !

-Oui, pardon, des histoires…

-Alors il y a d’abord une vieille dame, coincée chez elle parce qu’elle s’est cassé la jambe, et qui s’ennuie seule chez elle. Il y a un chat qui vient la voir, elle n’aime pas les chats mais celui là elle l’aime bien parce qu’il ronronne sur ses genoux. Un jour, elle trouve un petit mot dans son collier.

L’autre histoire, c’est celle d’un petit garçon, coincé chez lui parce qu’il s’est cassé la jambe en percutant une vieille dame en vélo. Il s’ennuie parce qu’il n’a pas de copain pour venir lui apporter les devoirs à la maison. Un chat vient le voir… Et là, tu penses que tu as compris, tu te dis, « le garçon, il met un mot sur le collier du chat pour la vieille dame qui s’ennuie autant que lui ». Sauf que non. Pas du tout. Le garçon, il pense à quelqu’un d’autre, une fille bien sûr ! (les garçons, dans la vie, ça pense surtout aux autres garçons, mais dans les livres, ça pense quand même souvent aux filles). Donc, il met un mot pour la voisine qui a son âge, et il a une réponse !

-De la vieille dame?

-Non mais ça, on peut pas le savoir encore, parce qu’on lit cette histoire sans avoir lu celle de la dame, donc quand il reçoit un mot, on est certain que c’est bien la petite fille qui lui a écrit, et on est drôlement content pour lui, du coup !

-Dis donc, ça à l’air drôlement compliqué cette histoire?

-C’est ça qui est bien, c’est que, quand on lit, c’est pas compliqué. On lit une histoire, et puis une autre, et c’est quand on a refermé le livre et qu’on essaye de relier les deux histoires entre elles qu’on trouve ça compliqué, alors on réfléchit et on relit, mais dans l’autre sens, pour bien comprendre. Et même, j’ai lu les deux histoires en même temps, en retournant le livre entre chaque jour (chaque histoire se déroule sur pendant la même semaine et chaque jour forme un chapitre) pour voir si ça marchait. Et ça marche!

-Alors c’est un livre à lire trois fois?

-Ben, les livres, c’est toujours comme ça, quand on les aime bien, on les relit plusieurs fois, mais là, oui, on a spécialement envie de le relire, et puis ce qu’il y a de bien c’est que, quand on le lit la première fois, on comprend tout, mais quand on le lit la troisième fois, on comprend encore plus de choses.

-Ah, dis donc, c’est chouette ça, on livre qui incite à la relecture. Et est-ce qu’il y a des choses qui t’ont particulièrement marquée, des mots, des passages qui te plaisent spécialement?

-J’ai bien aimé que le garçon soit plus fort en orthographe que la dame, et aussi qu’il connaisse des poèmes plus jolis. D’habitude c’est plutôt l’inverse.

-Oui, c’est un livre plein de surprises et qui sort des clichés, c’est aussi ce que j’ai aimé.

-Oui, parce qu’ils finissent par rencontrer chacun quelqu’un mais c’est pas celui qu’on croyait au départ. Je me demande ce qu’il se passe après ? Est-ce qu’ils finissent par se rencontrer tous les deux, quand le livre est fini ? Moi je me dis que oui, qu’ils vont faire un grand goûter tous les quatre, avec des gâteaux au chocolat et au gingembre, et qu’ils vont bien rigoler en repensant à toute l’histoire…

-Tu as quelque chose à ajouter sur ce livre?

-Non, et toi ?

-Juste que c’est un très joli livre que j’ai lu avec plaisir. Et qu’il m’a fait penser à une phrase à la fin d’une chanson d’amour qui dit « ce fut un beau malentendu » (Anne Sylvestre « Malentendu« )

 

 

Lecture d’enfants : Les chaussures sont parties pour le week-end

Ma mouflette aime donner son avis. Elle adore, même. La première fois que je lui ai proposé de l’interroger pour le blog, ça l’a mise en joie. C’est donc avec un grand plaisir qu’elle se prête au jeu à nouveau aujourd’hui, pour une interview à peine théâtralisée.

Elle a jeté son dévolu sur le livre de théâtre Les chaussures sont parties pour le week-end, de Catharina Valckx.

Les chaussures sont parties pour le week-end
Catharina Valckx
école des loisirs

LA MÈRE: Quand je t’ai proposé cette interview, tu as longuement hésité et, jusqu’au dernier moment, tu voulais parler de Caprices? C’est fini !, qu’est-ce qui t’as fait changer d’avis? 

LA MOUFLETTE: Au début, tu m’as proposé plein de livres (déjà, j’étais drôlement contente de voir tous ces nouveaux livres, je veux bien faire toutes les interviews que tu veux si à chaque fois j’ai le choix entre plusieurs livres comme ça). Et dedans, j’ai hésité entre Chien pourri et les Pozzis, parce que c’est des séries que je connaissais déjà, j’avais bien envie de lire la suite. Et puis il y a eu cette couverture d’un jaune pétard de Caprices? c’est fini ! qui m’a fait envie aussi, je l’ai dévoré. Le livre de théâtre, il était le dernier que j’avais envie de lire en fait.
Mais finalement je l’ai lu la semaine dernière et là j’ai tout de suite eu envie d’en parler.

LA MÈRE: Ah oui, au début il ne t’attirait pas? Alors, qu’est-ce qui a changé? Et pourquoi tu n’avais pas envie de le lire?

LA MOUFLETTE: Parce que, je sais pas, lire du théâtre, bof bof. J’en avais lu qu’une fois, pour l’atelier théâtre à l’école, c’était juste le texte avec aucune indication, sur des photocopies, ça allait parce qu’on faisait la mise en scène en même temps mais sinon, avoir juste les phrases que les gens disent et rien d’autre, ça fait bizarre à lire, on a du mal à imaginer.

Mais j’ai changé d’avis parce que tu m’as dit que, si j’avais envie, je pourrais peut-être faire le spectacle après, avec deux ou trois copines. Alors là, d’accord, il faut bien lire du théâtre, pour en jouer.
Et après, quand j’ai commencé à le lire, je me suis rendu compte qu’il y avait des indications pour imaginer les choses, et puis aussi les images, qui aident.

LA MÈRE: Ah, oui, les didascalies.

LA MOUFLETTE: ?

LA MÈRE:C’est le nom donné à ces indications, qui sont en italique….

Ah, d’accord. Ben les didascalies c’est important parce que, comme ça, on peut faire la pièce de théâtre dans sa tête et alors on oublie que c’est pas raconté. Et avec les illustrations, on voit ce que ça va donner. On lit un truc où les personnages, ils dansent comme deux tordus, on trouve ça marrant à imaginer, et sur l’image, ben oui, ils sont marrants. Alors on se met à le faire pour voir et ça confirme : c’est marrant. Alors, on a envie de faire la pièce de théâtre devant les gens, pour qu’ils rigolent.

Je trouve ça intéressant ce que tu dis, ça veut dire que lire du théâtre, pour un enfant de 9 ans, ce n’est pas évident.
Je sais pas pour les autres, je parle pour moi… Mais oui, sûrement, parce que, mes copines, au début, elles voulaient pas non plus le lire, avant que je dise qu’on allait faire un grand spectacle, qu’on répéterait pendant les récrés et que, après, on le ferait au square devant les parents.

LA MÈRE (un peu inquiète) :Ah oui, ah, d’accord, il va falloir organiser une représentation alors…
Bon, et si tu nous en parlais un peu de ce livre ? Qu’est-ce que ça raconte, est-ce que ça t’as plu, tout ça.

LA MOUFLETTE: Alors il y a 3 histoires, et elles sont toutes les trois un peu toutes fofolles, c’est ça qui est marrant. La première, c’est une servante et son maître. Mes copines, elles voulaient toutes jouer le maître, mais elles avaient pas encore lu. Parce que, en vrai, c’est la servante qui est futée, le maître, il a plutôt l’air bébette. On dirait qu’elle se moque un peu de lui. J’aime bien. Il y a aussi une pendule qui parle.

Ce qui m’a plu aussi, c’est que dans deux des pièces, on peut danser. Et ça, c’est chouette, surtout qu’on peut danser un peu n’importe comment, elle dit « en bougeant les bras et les jambes par exemple », on se rend bien compte qu’il faut pas savoir danser mais qu’il faut plutôt faire l’andouille. C’est bien, ça de pouvoir faire l’andouille.

LA MÈRE: Ah oui ? Tu aimes bien ça ? Bon, je le note…
Qu’est-ce que tu as d’autre à dire sur ce livre?

LA MOUFLETTE: C’est un livre avec dedans une sorcière, un chat, un dinosaure, plein de choses, tout le monde peut trouver un personnage qui lui plaît, il y en a pour tous les goûts.

Ah, mais il n’y a pas de belle robe. Celles qui veulent faire du théâtre juste pour faire leur belle, avec des froufrous, elles repasseront, y’a pas, là, dans ce livre.

LA MÈRE: La sorcière, si ça se trouve, elle peut avoir une belle robe, non ? Ou la cliente du magasin d’animaux ?

LA MOUFLETTE (sceptique): Ah ? Oui, après tout, pourquoi pas ? Non, mais en fait, moi je pense que c’est pas fait pour mettre une belle robe.
LA MÈRE: Bon, d’accord, comme tu veux.
Alors, vous allez nous faire un joli spectacle ?

LA MOUFLETTE (boudeuse) Oui mais toi tu nous compliques aussi, tu veux pas nous donner un poulet mort. On leur a dit aux gens qui lisent l’interview qu’il faut un poulet plumé pour la première pièce ?
LA MÈRE: Pas encore, non.
LA MOUFLETTE (faussement fâchée) : Hé bien il en faut un et toi, tu as dit non !

LA MÈRE (air docte) Oui, mais il y a écrit qu’on peut en prendre un en plastique. Je vais quand même pas t’envoyer à l’école avec un poulet plumé dans le cartable ma chérie.
LA MOUFLETTE (face au public) Ah, les parents, ils veulent qu’on fasse du théâtre et après ils nous aident pas!

La mère salue sagement, pendant que sa mouflette lui fait un pied de nez.

 

La boite à images

la_boite_a_image1.jpgIl est rare qu’on soit indifférent à l’œuvre d’Emmanuelle Houdart. On aime ou on déteste, on est conquis ou mal à l’aise mais on dit rarement « mouaif, bof ». Ce qui est probablement une bonne chose car j’ai tendance à penser qu’il n’y a pas grand chose de pire que « mouaif, bof ».

Il faut dire que les images de cette artiste sont très fortes : elles ne peuvent que provoquer des réactions chez ceux qui les regardent. La sortie de sa Boite à images a été l’occasion d’explorer ces réactions chez les membres du collectif : l’occasion pour nous d’une lecture commune pour des livres hors du commun.

La Bibliothèque de Chlop : Alors d’abord, avant même d’avoir la boite en main, l’idée d’imagiers pour tout petits illustrés par Emmanuelle Houdart, vous en pensiez quoi ? C’est une illustratrice dont vous connaissiez déjà le travail ? Vous imaginiez ça comment ?

Bouma (Un Petit Bout de Bib) : Je connais le travail d’Emmanuelle Houdart depuis un moment déjà. Il est suffisamment singulier pour rester facilement en tête. Son travail d’illustration est souvent très onirique et j’avoue avoir été surprise de la voir s’adresser à un public de tout-petits.

Sophie (La littérature jeunesse de Judith et Sophie ) : Oui je connaissais le travail d’Emmanuelle Houdart pour avoir lu quelques albums et j’ai toujours été un peu dérangée par son univers très sombre. Qu’elle illustre un imagier pour les tout-petits m’a surprise, mais en même temps, je ne pense pas qu’il faille formater les petits avec notre propre ressenti sur des images, ils sont beaucoup plus ouverts. Donc j’attendais de voir ce que ça pouvait donner…

Pépita (Méli-mélo de livres) : Lorsque j’ai vu ça, je me suis dit que l’approche devait certainement être très intéressante. Emmanuelle Houdart a en effet un univers bien à elle, très singulier, voire fantastique. Et puis le titre de « Boîte à images » associé à son nom, ça pique vraiment la curiosité : on se dit qu’on va avoir entre les mains un objet – une boîte – qui va stimuler l’imagination – images – comme un petit film que chacun pourrait se passer. Et puis, tout ce qui touche aux tout-petits, ça m’interpelle vraiment. Toujours à la recherche de perles rares et qui bousculent.

Colette (La collectionneuse de papillons) : Je suis depuis très longtemps le travail d’Emmanuelle Houdart que j’adore car elle a un univers étrange, complexe, paradoxal, coloré, énergique et complètement monstrueux et comme les petits j’adore les monstres ! Donc je m’attendais à trouver des monstres mis en boîte dans son imagier ! Et je ne suis pas déçue !

Chlop : Est ce que vous connaissiez déjà son album « Tout va bien Merlin » ? Et, si oui, est ce qu’à vos yeux, c’est un album petite enfance ?

Pépita : Oui, je connais et oui, complètement petite enfance : rien de mieux que de confronter le tout-petit à ses peurs pour le rassurer… Croyez-moi, ils aiment, même le loup ! Malika Doray aussi le fait, dans un autre style, mais c’est une approche sensiblement identique. Chez Emmanuelle Houdart, ce sont les illustrations qui surprennent. Pour les plus grands, Béatrice Alémagna n’est pas mal non plus dans le genre.

Sophie : Je ne le connais pas bien, il faudrait que je le lise. Tout ce que je peux dire c’est que dans ma médiathèque, on l’a en petite enfance et qu’il est tout le temps sorti comme les autres livres.

Colette : A la maison, on adooooooore Tout va bien Merlin ! Disons que c’est le seul album de cette artiste que j’ai pu vraiment partager avec mes enfants parce que justement il colle vraiment au quotidien et à l’imaginaire du tout petit alors que les autres albums d’Emmanuelle Houdart que j’ai pu lire – L’apprentissage amoureux, Saltimbanques, L’argent, Une amie pour la vie ou Les Heureux parents – semblent s’adresser à un lecteur adulte qui aime mettre des images sur ses interrogations et ses obsessions.

Bouma : Je ne le connais pas du tout. Je vais me le procurer de ce pas.

Chlop : Puisque vous êtes quatre à participer à cette lecture commune et qu’il y a justement quatre livres, pourriez-vous en décrire chacune un ?

Pépita : La boîte bleue, ma couleur préférée : Areuh ! Toute douce pour montrer en images le quotidien du tout-petit : on part de la rencontre amoureuse d’un couple, puis la grossesse, la naissance du petit ange, sa vie organisée autour de repères : l’alimentation, le bain, le sommeil, les sorties, les bobos, les câlins, Noël, les jouets, sa croissance, le temps qui passe et ses premiers anniversaires. Puis…3 bougies, 3 ans, comme la fin de la petite enfance ? Ce cartonné-là m’a particulièrement parlée : des images d’Epinal, la magie des premiers apprentissages, j’y ai vraiment retrouvé ce que j’ai vécu avec chacun des miens et c’est le seul des quatre petits livres avec une véritable narration dans la succession des images il semblerait. Et il n’y a pas de monstres ! A moins que peut-être un(e) seul(e) de temps en temps…

Sophie : J’ai bien envie de vous parler du petit livre vert Argh ! car c’est celui qui colle le mieux avec l’univers de l’auteure puisque qu’on joue à se faire peur. On commence avec des peurs autour du surnaturel : les fantômes, les sorcières, les vampires. Viennent ensuite des peurs plus rationnelles comme celle du feu, des orages, de certains animaux. Et enfin des choses plus quotidiennes comme les bobos, voire les disputes des parents avec la dernière image.
Ce n’est pas si organisé que ça, ça se mélange un peu plus et c’est parsemé d’illustrations plus énigmatiques.

Colette : Je vais rendre hommage à mon Petit-Pilote-de-Berceau qui est absolument captivé par les animaux et je vais tenter de vous parler de Grrr !
Suivons le petit lapin de la couverture dans son costume très coloré pour aller observer les petites bêtes du jardin. Voici ensuite quelques animaux à coquilles et carapaces qui nous guident vers les fonds marins. Nous nous envolons ensuite avant de faire un bond avec Mister Kangourou dans une ménagerie un peu étrange où se côtoient animaux merveilleux et bêtes réelles, de celles qui questionnent les imaginaires depuis toujours, tels le loup, l’orque ou l’ours blanc. Voilà le curieux bestiaire que nous offre à voir Emmanuelle Houdart dans ce petit imagier ! Pas de monstres ici mais un jardin des plantes vraiment fascinant !

Bouma : Et bien il me reste à vous parler de Miam ! qui comme son nom l’indique aborde le sujet de la nourriture. On y découvre une flopée d’aliments mais pas ceux auxquels on pourrait s’attendre. Ici pas de biberon, pas de petits lus ou tartine. Emmanuelle Houdart parle des aliments du quotidien en général. Salade, oignon, œuf, frites et fromage de chèvres se côtoient. Il semble y avoir un lien entre les images qui se font face – le poulet frittes par exemple – mais je n’ai pas toujours été capable de mettre le doigt sur l’explication. D’ailleurs, le style de l’auteure donne aux aliments un côté assez fantasmagorique qui m’a laissé perplexe. L’image centrale du squelette de poisson avec une vache sur la tête (qui perd du lait de ses mamelles) m’interroge en particulier car je n’arrive pas vraiment à savoir ce qu’elle peut bien signifier. Enfin, je cherche peut-être trop à analyser, comme tous les adultes.

Chlop : Comme le relève Sophie, l’univers d’Emmanuelle Houdart est souvent à la frontière entre le merveilleux et le terrifiant, que pensez-vous de ce mélange dans ces petits albums cartonnés ?

Bouma : En toute sincérité j’en pense beaucoup, peut-être trop. Mon point de vue d’adulte analyse trop les images (surtout qu’il n’y a pas de texte d’accompagnement) et je mets tout plein de sens et de significations alors que les enfants sont plus dans le ressenti. En tout cas, mon ressenti à moi sur cette boîte à image est une inconstance entre la gêne, le sourire et le questionnement.

Sophie : Je rejoins Bouma dans ces propos. Et si je devais te répondre selon ma propre opinion, je dirais que le style d’Emmanuelle Houdart penche pas mal vers le terrifiant, l’effrayant du moins. Mais j’ai testé ces livres avec mon fils de 2 ans et lui n’a pas eu l’air effrayé du tout ! Peut-être qu’en effet, en tant qu’adultes, on cherche trop de significations et d’interprétations à ces images.

Colette : Quant à moi, les images d’Emmanuelle Houdart ne me terrifient pas, ni ne m’effrayent. Elles sont bizarres, vraiment bizarres, étranges et étrangères à nos habitudes de lecteurs mais elles sont si belles, si colorées, si vivantes que je dépasse assez vite cette étrangeté. Ce que j’aime dans son travail, c’est justement qu’elle représente à l’extérieur de ses personnages toute la complexité de notre intérieur et c’est vrai que cette complexité peut paraître effrayante. Mais l’esprit humain n’est-il pas intrinsèquement effrayant ?!

Pépita : Pour ma part, je rejoins Colette même si je conçois tout à fait que ces images questionnent. Je les prends comme elles sont, sans me poser de questions, sans chercher à y voir un sens, et du coup elles génèrent de l’émerveillement, titillent la fantaisie, suscitent la peur (mais une peur raisonnée) et je trouve cet univers absolument fascinant. Parce que justement il n’y a pas toujours de réponses et les petits vivent très bien avec ça. Ils sont en perpétuel questionnement. Et je me dis que ces images reflètent très certainement ce que eux ressentent face à la découverte du monde ! Nous adultes, ça nous fait peur parce qu’on a oublié… En plus, artistiquement parlant, ce sont de très belles images et les petits sont infiniment sensibles au Beau.

Chlop : L’absence de texte est aussi souvent un frein pour les adultes, on ne sait pas vraiment quoi faire de ces albums. Comment les présentez-vous ? En commentant les images ? En silence ?

Pépita : Je dirais les deux en fait. Mais tout dépend de l’enfant. En tant qu’adulte, je découvre une première fois pour m’imprégner de l’univers en quelque sorte, et s’agissant de cette auteure, je sais que je vais être dans l’étonnement. Après, je « relis » une seconde fois, voire plus. Et j’ai souvent besoin d’y revenir… Avec les enfants, on propose, et eux disposent et ils s’approprient cet univers selon le moment.

Colette : Alors j’avoue que je suis incapable de montrer un livre en silence à un enfant. Je n’ai testé La boîte à images qu’avec mes petits pilotes à moi et nous avons nommé ce que nous observions sur les pages, sans essayer de trouver de lien ou de narration, juste décrire ces images étranges. On a ri par exemple des santiags du père Noël avec mon plus grand (5 ans), quant au plus petit (11 mois) il a vraiment apprécié le petit format qu’il a pu manipuler à sa guise, comme un jeu.

Bouma : Je me permets de revenir sur la question précédente. Je précise que mon avis vaut pour cette boîte à images, pas sur l’ensemble du travail d’Emmanuelle Houdart car j’aime son approche de l’humanité (comme Colette le dit si bien). Par contre, et malheureusement, ce sont souvent les adultes prescripteurs qui choisissent ou font filtre (et dans ce cas je pense surtout à des non initiés à la littérature de jeunesse), et, pour l’avoir vu, ils sont souvent réfractaires face à ce qu’elle propose. Vive la médiation !.

Pépita : Tout à fait d’accord avec toi Bouma.

Colette : Pour reprendre ce qu’a dit Bouma, je pense qu’un parent qui ne connaîtrait pas l’univers d’Emmanuelle Houdart n’irait pas spontanément vers ces imagiers, véritables petits OVNIS au milieu des livres destinés aux tout-petits. Je pense que mon affection pour ce « cube » est fortement influencé par tous les autres albums de cette artiste que j’ai pu lire et que j’ai chaque fois adorés, y trouvant une véritable réinterprétation des relations humaines, réinterprétation à la fois poétique et psychologique

Chlop : Réflexion très intéressante de Bouma, les livres d’Emmanuelle Houdart déstabilisent souvent les adultes au point qu’ils n’atteignent pas toujours les enfants. Ici, le format carré, les angles arrondis, la petite boite ornée de cœurs, tous ces aspects très enfantins et ludiques concourent sans doute à conduire les adultes à l’ouvrir, alors qu’avec d’autres albums de cette illustratrice, ils passent leur chemin dès la couverture.
Les images de cette boite sont issues de son album « Dedans« , peut-être ce nouveau format est-il plus accessible. En tout cas, il semble être couronné de succès, il a d’ailleurs reçu la Pépite petite enfance cette année au salon de Montreuil.

Retrouvez les billets de Pépita, Bouma, Colette, Sophie et le mien.

Nous sommes Charlie

Toute l’équipe du Blog A l’Ombre du Grand Arbre s’associe aux nombreux auteurs et illustrateurs jeunesse qui ont montré depuis hier leur attachement à la liberté d’expression.

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Joëlle Jolivet

Fred Sochard

Philippe Geluck

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Aziza Elkasri

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Benoit Perroud‎

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Roland Garrigue‎

Séverin Millet

Séverin Millet

Anne Crahay

Jerome Peyrat

Barbara F.

Lucie Scampi

Soufie

 

Si vous avez d’autres dessins d’illustrateurs jeunesse à faire partager, n’hésitez pas à nous le signaler en commentaire, nous les ajouterons.

Et maintenant, nous allons sécher nos larmes et continuer à faire vivre, à notre petite échelle, la littérature jeunesse, qui contribue si brillamment à former les esprits des adultes de demain.