Lecture commune : Akita et les grizzlys

Lorsque les mots de Caroline Solé rencontrent le pinceau de Gaya Wisniewski, cela donne un très joli roman initiatique. Et un palmarès impressionnant, avec notamment une pépite à Montreuil et une nomination pour le prix Sorcières. Akita nous entraîne dans un univers polaire à couper le souffle où il s’agit d’affronter les éléments, mais surtout de mystérieux grizzlys. Ce roman nous a enchantées au point d’avoir envie de prolonger cette lecture en revenant sur plusieurs points marquants…

Akita et les grizzlys, de Caroline Solé et Gaya Wisniewski. L’école des loisirs, 2019.

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Isabelle: Qu’est-ce qui vous a donné envie de braver le froid pour faire la connaissance d’Akita ?

Pépita : Je ne serais pas allée le lire s’il n’avait pas été pépite à Montreuil et nommé aux Sorcières, c’est clair ! Le froid, la banquise, c’est pas mon truc. Et puis il y a aussi l’illustratrice dont j’aime le travail. Alors, cela a suffi ! Et franchement, je ne regrette pas.

Isabelle : C’est drôle que dises ça, Pépita, nous on a immédiatement été attirés par ce livre parce qu’on ADORE les livres qui nous entraînent en région polaire. Et donc les illustrations de Gaya Wisniewski qui sait si bien sublimer l’hiver !

Bouma : Pour moi, la Pépite a joué, bien sûr. Et aussi le nom de Caroline Solé dont j’avais adoré le premier roman La Pyramide des besoins humains.

Isabelle : Le titre annonce des grizzlys, des animaux un peu effrayants, non ?

Pépita : Oui ! je me suis dit : voyons voir, ça ressemble à quoi cette bête-là ? À de gros ours !!! Et mon imagination a galopé…

Isabelle : Comme toi, j’ai imaginé d’énormes animaux pas très rassurants pour cette toute petite fille sur la couverture. Nous avons donc, d’un côté, Akita, et de l’autre, ces inquiétants grizzlys qui ne sont pas forcément ceux qu’on attendait.

Bouma : Grizzlys n’est pas forcément synonyme d’effrayant dans mon imaginaire, en tant que cousins des ours. Je me suis juste dit qu’il s’agissait de gros animaux de cette région froide du monde où sembler habiter Akita.

Isabelle : Justement, parlons un peu d’elle. Comment décririez-vous Akita ?

Pépita : Quelle petit bout de femme ! Elle sait ce qu’elle veut ! On ne dirait pas qu’elle va avoir 7 ans, on dirait déjà une ado en puissance ! Mais en même temps, elle aime profondément sa famille et elle est respectueuse des coutumes.

Bouma : Je rejoins l’avis de Pépita. Akita est une petite fille pleine de vie et de détermination. Mais derrière cette carapace, on sent aussi une certaine fragilité, une envie de se faire accepter malgré les différences profondes qu’elle semble manifester.

Isabelle : Oui, Akita est un tourbillon d’énergie et d’émotions et, en même temps, elle a quelque chose de fragile qui m’a touchée. À la fois dans sa solitude, liée à sa différence, qu’elle voudrait bien pouvoir surmonter. Elle a aussi la fragilité de ceux qui grandissent : cela demande une bonne dose de courage d’aller de l’avant quand on est à la charnière entre deux âges.

Isabelle : Pour dompter les fameux grizzlys qui se déchaînent parfois en Akita, ses parents l’emmènent voir une glooglooka – encore une dénomination intrigante, voire un peu inquiétante ! Comment avez-vous lu cette expérience initiatique ?

Pépita : J’ai été très intriguée mais rapidement, j’ai fait l’association avec une psychologue. C’est une bien jolie manière dans ce roman pour un jeune public d’apporter du merveilleux, j’ai trouvé. Et dire ce mot à haute voix, c’est jubilatoire. Mais comme Akita se prête assez de bonne grâce à cette visite, même si elle ronchonne un peu, on se dit qu’il ne peut pas en sortir du mauvais. Elle va avoir 7 ans aussi, Akita, elle attend avec impatience. C’est comme un rite, oui, un passage. Bien symbolisé par la grotte dans laquelle elle pénètre…

Bouma : Moi aussi j’y ai tout de suite vue la figure d’une psychologue, allant de soi avec la métaphore des grizzlys pour symboliser des colères incontrôlables. Mais l’écriture de Caroline Solé dessine un aspect magique à l’ensemble et en donne donc une toute autre vision à l’enfant lecteur. C’est une rencontre importante pour la jeune Akita que de se retrouver face à cette figure imposante. Pourtant, on sent tout de suite de la bienveillance et de l’écoute chez cette figure…

Isabelle : Je vous rejoins tout à fait. La visite chez la googlooka, c’est quelque chose qui semble impressionnant, voire inquiétant, a priori. Et finalement j’y ai vu comme vous une très jolie façon de parler de l’aide que peut apporter une personne extérieure dans les moments difficiles. J’ai été épatée par la densité métaphorique de ce petit roman qui parle de beaucoup de sujets importants, qu’il s’agisse de l’épreuve de grandir, de la souffrance de se sentir différent, du rôle des expériences initiatiques et du bien que cela peut faire d’accepter l’aide d’autrui… Des thèmes qui parleront sans doute à toutes et tous.

Proposer quelque chose d’aussi universel à partir d’un univers aussi lointain que celui d’Akita, c’est fort, non ?

Pépita : J’ai trouvé que les métaphores étaient remarquables ! Personnellement, je n’ai jamais rien lu d’aussi abouti sur les émotions. Et je me dis que cette façon d’aborder les colères parlera bien à l’imaginaire des enfants. La distance permet l’appropriation pour moi. J’ai été bluffée par la richesse de ce petit roman.

Bouma : Exactement. Et ce que j’apprécie également beaucoup, c’est qu’un lecteur qui n’aurait pas envie d’y lire ces métaphores peut aussi rester sur l’histoire au premier degré et l’apprécier tout autant. Il y a plusieurs niveaux de lecture, chacun y trouvera ce qui lui parle.

Isabelle : Ce roman est illustré de bout en bout par Gaya Wisniewski : qu’avez-vous pensé de sa proposition et quel impact a-t-elle eu sur votre lecture ?

Bouma : J’avoue que ce n’est pas le style d’illustration que je préfère. Mais le trait léger du pinceau de cette illustratrice apporte une belle complémentarité à l’histoire.

Pépita : Je trouve les illustrations superbes ! Les contours flous, les coloris lumineux, tout concourt à rendre l’atmosphère du grand Froid (on sentirait presque sa morsure) et le côté mystérieux et irréel de cette histoire.

Isabelle : J’ai trouvé que le texte et les illustrations se faisaient parfaitement écho pour composer un univers très incarné, fait de grandes immensités neigeuses, de chiens de traineau, d’aurores boréales et de cristaux scintillants… Gaya Wisniewski, que l’on connaissait déjà grâce à ses albums Mon bison et Chnourka est dans son élément avec cet univers polaire et cette histoire de petite fille et d’animaux. Je rejoins Pépita, elle n’a pas son pareil pour nous transporter dans le grand froid dont elle nous fait presque ressentir le frisson et le silence ! En quelques traits, elle parvient aussi à représenter de façon très expressive le désarroi d’Akita ou l’amusement de la glooglooka. Et la technique de l’aquarelle se prête pour réaliser des fondus qui donnent libre cours à l’imagination. Ce sont ces dessins-là que j’ai le plus aimés.

Qu’avez-vous retenu de cette lecture ?

Pépita : Ce que j’en ai retenu, c’est le parcours initiatique métaphorique. C’est surprenant, doux et beau à la fois.

Isabelle : Pour ma part, je retiens une restitution très juste, par le texte comme par les illustrations, d’émotions qui peuvent être dévorantes. Et un message optimiste sur le réconfort que peut apporter la main tendue, notamment celle du/de la psychologue.

À qui auriez-vous envie de faire découvrir Akita et les grizzlys ?

Bouma : C’est un beau texte que je pourrais conseiller aux parents qui ont des enfants plus âgés que la maternelle sur la gestion des émotions, en conseillant aux parents de le lire aussi !

Pépita : Je le conseillerais aussi aux adultes.

Isabelle : J’ai été ravie de partager cette lecture avec mes enfants et je me suis empressée de la faire découvrir à mes petites nièces. Mais je vous rejoins, c’est un livre qui peut toucher à tout âge !

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Pour en savoir plus, vous pouvez consulter les avis de Pépita et Isabelle. N’hésitez pas non plus à nous donner votre ressenti sur ce roman : vous fait-il envie ? Peut-être l’avez-vous déjà lu et qu’en avez-vous pensé ?

Troubles

La vie est faite de bonheurs mais aussi d’épreuves. Enfant ou adulte, de près ou de loin, à un moment ou un autre, l’existence peut perdre son sens et devenir une véritable souffrance. Le mal-être peut se traduire de bien des façons : déprime, dépression, boulimie ou anorexie… Cette difficulté à vivre peut aussi découler d’un désordre psychiatrique.

Quand l’esprit s’égare, quand le malaise prend le pas sur le reste ou quand le corps devient un ennemi, il est toujours compliqué de faire face et de comprendre. Pourtant, il est essentiel d’en parler. Pour preuve de l’importance de ce sujet, il en fréquemment question en littérature jeunesse. Que cet état de souffrance soit au coeur du récit ou juste en toile de fond, voici une sélection sur ce thème difficile mais malheureusement universel.

  • Quand l’esprit s’égare et que la raison s’échappe (maladies mentales)

Le goût amer de l’abîme de Neal Shusterman chez Nathan

Un roman entre réalité et délires qui nous montre la schizophrénie de l’intérieur.

L’avis de HashtagCéline 

L’avis de Méli-Mélo de livres

J’ai suivi un nuage de Maëlle Fierpied illustré par Julie Guillem à l’école des loisirs

La bipolarité d’une maman vue à travers le regard innocent et aimant de son petit garçon.

L’avis de HashtagCéline

L’avis de MéliMélodelivres

Simple de Marie-Aude Murail chez Ecole des loisirs

L’histoire bouleversante de deux frères d’une vingtaine d’années, dont un des deux est déficient mental.

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– La Fosse au loup d’Alexandre Chardin chez Thierry Magnier

Comment empêcher son père de sombrer encore plus et le ramener dans le monde des vivants ? Un roman sur l’amour filial.

L’avis de MéliMélodelivres

  • Quand le mal-être empêche de vivre (dépression, TOC,…)

Tu es mon soleil de Marie Pavlenko chez Flammarion

Comment entrer en contact avec sa mère qui s’enfonce dans la dépression chaque jour de plus en plus ?  Sous le silence, il y a tant de peine ! Ce n’est qu’au prix de grandes souffrances, de découpages obsessionnels mystérieux que la mère de Déborah arrive à s’exprimer et se confier.

L’avis d’Alice

L’avis de Méli-Mélo de livres

L’avis de Un Petit Bout de bibliothèque

La folle rencontre de Flora et Max de Coline Pierré et Martin Page Ecole des loisirs Collection Médium

Quand l’écriture vient au secours de deux jeunes enfermés pour différentes raisons : l’une en prison, l’autre chez lui par phobie de l’extérieur. Cela donne un roman qui explique les gestes, les peurs dont la suite est parue le 7 novembre : Les nouvelles vies de Flora et Max.

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L’avis d’Alice

Nightwork de Vincent Mondiot Actes Sud

Quand on cherche l’amour de ceux qui nous entourent mais quand les adultes sont défaillants et que l’addiction fait place à la haine, le quotidien prend un ton macabre. Une chronique sociale presque effrayante.

L’avis d’Alice

L’avis de MéliMélodelivres

Mitsu un jour parfait de Mélanie Rutten chez MeMo

Un album qui aborde en douceur ce mal être qui vous frappe et qu’il est si difficile de nommer.

L’avis de Un Petit Bout de Bib(liothèque)

Les optimistes meurent en premier de Susin Nielsen chez Hélium

Susin Nielsen nous raconte l’histoire terrible et touchante de Pétula qui, suite à un drame familial dont elle se sent responsable, a développé des troubles compulsifs l’empêchant de vivre comme toutes les autres filles de son âge. Drôle et poignant.

L’avis de HashtagCéline

L’avis de Méli-Mélo de livres

L’avis de Un Petit Bout de Bib(liothèque)

  • Quand la vie devient insupportable (suicide)

Coeur battant d’Axl Cendres chez Sarbacane

Le suicide vu par Axl Cendres : décalé, amusant et émouvant, forcément.

L’avis de HashtagCéline

Tout plutôt qu’être moi de Ned Vizzini aux éditions La Belle Colère

Un roman d’une justesse incroyable par un auteur qui n’a pas réussi à vaincre ses démons. Incontournable !

L’avis de HashtagCéline

Les ailes de la sylphide de Pascale Maret Thierry Magnier

Quand Lucie, sur son lit d’hôpital, doit revenir sur cette chute du balcon…Une histoire menée de main de maître par l’auteure qui nous emmène dans le sordide.

L’avis de Méli-Mélo de livres

L’avis d’Alice

L’avis de Un Petit Bout de bibliothèque

Un jour il m’arrivera un truc extraordinaire de Gilles Abier La Joie de lire

Un roman en résonance avec le précédent sur le mal être d’un gamin de 13 ans qui se prend pour un oiseau jusqu’à mettre sa vie en péril.

L’avis de Méli-Mélo de livres

L’avis d’Alice

A ma folie, passionnément de Gladwys Constant. Rouergue

Dans les bras d’un manipulateur, l’amour devient nocif et la prise de contrôle psychologique mène tout droit à la destruction. D’une telle histoire, on ne sort jamais indemne.

L’avis d’Alice

L’avis de MéliMélodelivres

  • Quand le corps devient un ennemi (boulimie, anorexie…)

Ronde comme la lune de Mireille Disdero Seuil

Quand on est ronde et qu’on se fait harceler par les autres à cause de son apparence.

L’avis de Méli-Mélo de livres

L’avis d’Alice

Les petites reines de Clémentine Beauvais Sarbacane

Quand un roman aborde avec humour ce sujet délicat de la boulimie…

L’avis de Méli-Mélo de livres

L’avis d’Alice

L’avis de Yoko Lulu

Le complexe du papillon d’Anne Lise Heurtier. Casterman

Mathilde tombe … avant de se relever. Aveuglée par les apparences, portée par le mal être, il n’y a qu’Annelise Heurtier qui pouvait aborder l’anorexie mentale avec tant de légèreté et de délicatesse.

L’avis d’Alice

Sobibor de Jean Molla

Quand anorexie rime avec vieilles histoires et secrets bien gardés… Une photo et un nom -Sobibor- sont le début d’une angoisse à vous rendre malade, voir anorexique.

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Solaire de Fanny Chartres illustré par Camille Jourdy à l’école des loisirs

Ce roman aborde deux thématiques de cette sélection. Il y est question de dépression avec celle qui touche la maman d’Ernest et Sara, les deux frère et soeur fusionnels de cette belle histoire. Mais aussi l’anorexie de la grande soeur d’Ernest que l’on surnomme Ossette… Une double entrée pour un roman touchant mais malgré tout très positif.

L’avis de HashtagCéline 

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