Hommage à Axl Cendres

Elle nous a souvent touchés par sa sensibilité et sa mélancolie.
Autant qu’elle nous a surpris par sa singularité et sa franchise.

Elle nous a fait rire, elle nous a émus.

Elle avait cette liberté de langage et cette extravagance qui cachaient une crevasse d’amertume.

Elle gardait autour d’elle une part de mystère mais c’est à travers ses livres qu’elle se dévoilait à chaque fois un petit peu.

C’est avec une immense tristesse que nous avons appris le décès d’Axl Cendres.

A l’Ombre du Grand Arbre, nous souhaitons lui rendre hommage et vous inviter à découvrir ou re-découvrir quelques uns de ses ouvrages qui sont de véritables expériences littéraires…..

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Confessions d’un apprenti Gangster. Sarbacane, 2013.

Un roman flash-back d’un ado qui suit les traces de son père en entrant dans le banditisme. Fragments de vie, ce livre se construit comme un puzzle alors que l’enquête policière avance.

Retrouvez l’avis d’Alice

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Aimez-Moi maintenant. Sarbacane, 2008

Rencontrée à Montreuil, sur sa dédicace Axl Cendres a écrit « Les beaux mensonges valent mieux que les sales vérités ». Voilà, tout est dit.

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Mes idées folles. Sarbacane, 2009

Abel Francis Sandro est un jeune psychiatre au pavillon 43 qui s’occupe des malades chroniques. Il cherche à comprendre comment les gens marchent. Mais il se rend compte que ce n’est pas les gens qu’il comprend mais leurs maladies. Pour les grands ados.

Les avis de #Céline et Sophie

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Echecs et but ! Sarbacane, 2010.

Quand les échecs et le foot se rencontrent. Et surtout les supporteurs respectifs.

L’avis de Sophie

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Le voyage d’Esteban Sarbacane, 2012

La beauté de l’écriture d’Axl Cendres aborde ici la tauromachie, à travers le destin du jeune Esteban qui va marcher sur les pas de son grand-père, matador de grand renom et disparu mystérieusement. Ce roman-là prend des airs de légende sur fond de transmission.  Epoustouflant.

 

L’avis de Pépita

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La drôle de vie de Bibow Bradley, Sarbacane, 2012.

Juin 1964, USA. Le jeune Bibow Bradley est envoyé au Vietnam où, en toute logique, il devrait perdre un œil comme papy (en Normandie) ou une jambe comme papa (en Corée).
Sauf que Bibow a un don : il ne connaît pas la peur.

 

L’avis de Sophie

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Dysfonctionnelle, Sarbacane, 2015.

Fidèle, jeune adolescente, grandit entourée de ses six frères et sœurs dans une famille dysfonctionnelle : son père enchaîne les allers-retours en prison, sa mère est à l’asile. Dotée d’une « intelligence précoce », elle s’intègre à un lycée des beaux quartiers où les élèves la regardent comme un alien. Mais c’est là que l’attend l’amour, le vrai, celui qui transforme, celui qui sauve…

L’avis d’Alice

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Cœur battant, Sarbacane, 2018

Après avoir essayé d’éteindre son cœur, il se retrouve dans une clinique pour y être « réhabilité à la vie ». Il y rencontre Alice, aussi belle que cynique ; Victor, aussi obèse que candide ; la vieille Colette, aussi espiègle qu’élégante ; et Jacopo, aussi riche que grincheux.

À eux cinq, ils décident de s’évader de la clinique, direction le manoir de Jacopo. Le but du voyage ? Se jeter d’une falaise, tous ensemble !

Mais la route va leur réserver plusieurs surprises. Assez pour qu’Alex se demande si finalement, la vie n’en vaut pas la douleur…

L’avis de #Céline

Un entretien datant de 2010 sur le blog de Sophie, un moment drôle et complice.

Et puis les mots touchants de ses compagnons d’écriture : Antoine Guilloppé, Antoine Dole, Benoit Minville et tant d’autres sur la toile. Ses lecteurs.trices. Son éditeur Tibo Bérard et les éditions Sarbacane. Et un article du Monde.

« Vole les lumières, toutes les lumières que tu peux… Les ténèbres ont un appétit féroce, alors vole les lumières… Peut-être que le ciel réalise les rêves que la terre assassine. » Coeur Battant, Axl Cendres. 

Interview : 16 nuances de première fois

Voilà quelque temps qu’on avait envie de vous proposer des interviews sous l’arbre. Quoi de mieux qu’une première qui parlerait des premières fois ? Nos parrain/marraine sont donc Manu Causse et Séverine Vidal qui ont coordonné le collectif et original recueil de nouvelles 16 nuances de première fois, paru chez Eyrolles, en septembre 2017.

La 1ère fois que vous avez eu cette idée, c’était qui ? quand ? comment ? pourquoi ? 

Séverine Vidal : Il y a quelques années, j’avais déjà imaginé un projet similaire, qu’on avait appelé le Projet X, avec 10 auteurs. Nous n’avions pas trouvé d’éditeur et le projet était mort comme ça (mais nous avait valu un échange de centaines de mails et beaucoup de fous rires !). L’année dernière, Manu (avec lequel on a co-écrit Nos Coeurs tordus) m’a parlé d’une idée qu’il avait eue, celle de nouvelles pour parler de sexe aux ados, loin des clichés véhiculés par les films porno. Il avait déjà évoqué  ce projet avec une éditrice d’Eyrolles, emballée. J’ai fait lire à Manu les nouvelles que nous avions écrites à l’époque. C’était parti !

Manu Causse : C’était à Paris, on marchait avec Séverine. J’étais tout impressionné parce que Paris c’est grand et Séverine aussi. J’étais perdu et pas elle. Et puis elle a dit « oh on avait un projet de nouvelles avec des copains, ça s’appelait X nouvelles, c’était des nouvelles érotiques pour ados mais ça n’a pas marché », alors j’ai répondu  « ah ouais mais si on parlait plutôt de premières fois » et là elle a dit « pas con », et c’était complimentaire.

 La 1ère fois que vous en avez parlé à d’autres ? tous/toutes ont consenti ? Y-a-t-il eu des refus ? 

Manu Causse : On en a d’abord parlé à une éditrice, qui s’est enthousiasmée. Ensuite, on a discuté des copines copains et collègues qu’on aimerait inviter avec nous. Certain.e.s ont décliné (plus de garçons que de filles, d’ailleurs) ou ne se sentaient pas inspiré.e.s. Mais pour finir, on s’est retrouvés à 16, alors hop.

Séverine Vidal : La première fois, on a relu les nouvelles du projet X et choisi celles qui convenaient. Pour certains, on a demandé aux auteurs un retravail. On a fait ensuite une liste des auteurs auxquels on pensait spontanément (choix difficile évidemment, il y a tellement d’écrivains qu’on admire en littérature jeunesse …). Les auteurs contactés ont été d’emblée attirés par le projet.

La 1ère fois que vous avez choisi le titre ? Même nombre d’auteurs que d’autrices, une volonté ? 

Séverine Vidal : Manu a eu cette lumineuse idée ! C’est drôle, simple, on joue sur le succès de 50 nuances de grey. Pour la parité, oui c’était voulu. De même qu’on voulait une variété des styles d’écriture, des ambiances choisies (on a du trash, du conte, du poétique, du rigolo, du sensible, de l’anticipation, du zombie, du cru, du doux, … !)

Manu Causse : Allez, on vend la mèche ? Le premier titre, venu en même temps que le project, c’était « 15 nouvelles ». Et on voulait 8 autrices et 7 auteurs, parce que la parité, on peut toujours faire mieux. Et puis tout à la fin, on a eu envie d’un 16e texte, et Driss Lange nous en a proposé un juste au bon moment. Cela dit, comme iel ne souhaite pas être inclus.e dans un genre prédéfini, ça ne change pas vraiment les comptes.

La 1ère fois que vous avez lu les textes ? le premier tabou ? la première censure ? la première surprise ?

Manu Causse : On a reçu les textes plus ou moins un par un, en fonction de la rapidité et du planning des autrices et auteurs ; ça a été un plaisir perlé, du coup, pas un choc frontal face à un ensemble de textes. Je n’ai pas de souvenirs de tabous particuliers, on avait envie qu’elles et ils écrivent ce qui comptait vraiment pour elles.eux. Nous n’avons rien censuré, je crois ; simplement, nous avons discuté avec chaque auteur.autrice de sa proposition, de ce qu’on donnait à lire aux adolescents, de nos questions… bref, Séverine et moi, on a un peu joué à l’éditeur.éditrice. Le choix de chacun.chacune m’a toujours surpris au sens très positif du terme – j’ai trouvé que les textes étaient tous très originaux dans leur approche de la sexualité et de la première fois.

Séverine Vidal : On a reçu les textes sur une période d’environ trois mois. Il a eu des rires (la nouvelle de Clémentine Beauvais), de l’émotion (la nouvelle d’Antoine Dole ou de Gilles Abier), des surprises, aucune censure, aucun tabou. On a fait appel à des auteurs, chacun sait très bien trouver sa propre limite, chacun de ces auteurs et autrices sait où  placer la ligne quand on s’adresse à des ados et qu’on parle de sexe et de première fois.

La 1ère fois que vous avez envoyé le manuscrit ? le choix de l’éditeur ? l’organisation de l’ensemble (ordre, couverture, titre) ?

Séverine Vidal : L’éditeur était là depuis le début du projet, donc. C’est Eyrolles qui a choisi la couverture. Un des auteurs n’aimait pas l’image de la sucette. Les autres étaient plutôt séduits. Moi, j’adore cette couv. Je la trouve tout simplement belle. On a beaucoup discuté entre nous de la quatrième. On était contre les petits mots à l’arrière, comme des slogans, on a demandé de vrais adjectifs au lieu des « OMG » et autres « dar ». Nous avons été en partie entendus à ce sujet. L’ordre des textes a été un mini casse-tête : on voulait mettre « Nouvelle notification » en premier pour commencer dans la légèreté. Et finir « A l’ancienne », pour la dernière phrase qui établit une sorte de « boucle » et parce qu’elle se situe dans le futur. Après, c’est un peu un jeu de tétris : équilibrer dans la parité, ne pas placer trop près l’une de l’autre les nouvelles sensibles et intimistes, ou les plus crues. L’équilibre a été trouvé, je pense.

Manu Causse : On a décidé très vite de travailler avec Eyrolles, parce que c’est le premier éditeur à qui nous avons proposé le projet, et qu’il était emballé. Au début, d’ailleurs, c’était simplement une « maquette » – la description du thème, le titre, quelques textes issus du premier projet de Séverine, le nom des auteurs pressentis… Si le titre n’a pas changé, l’ordre des nouvelles a occasionné un certain nombre d’aller-retours par mail – comme une playlist dans une soirée entre copains. Quant à la couverture, on en est tombés amoureux au premier coup d’oeil…

La 1ère fois que chacun.e a découvert les 15 autres récits ?

Manu Causse : Je ne veux pas dire du mal des collègues, mais Séverine et moi, nous avons reçu quelques mails très impatients au moment des derniers réglages… Tout le monde avait envie de lire l’ensemble des textes, de voir l’équilibre du projet, comment chaque nouvelle entrait en résonance avec les autres. Mais on n’a pas flanché : on ne voulait rien montrer tant que tout n’était pas définitif. Bref, on les a fait patienter… et les retours ont été très enthousiastes. Je crois qu’on se sent tous fiers d’avoir participé à ce recueil.

Séverine Vidal : On a envoyé l’ensemble des textes quand on avait trouvé un ordre qui nous convenait. Et on a reçu des mails enthousiastes !

Le 1er mot qui vient à l’esprit pour évoquer ce projet ? Le meilleur souvenir ?

Séverine Vidal : Le premier mot : collectif ! Un(e) des auteur(e)s nous a écrit un beau mail pour nous dire qu’il (ou elle) était revenu(e) à l’écriture grâce à ce projet. C’était très émouvant. Et évidemment, les premiers articles reçus, qui disent l’émotion ressentie à la lecture et l’importance d’aborder ce sujet en littérature jeunesse.

Manu Causse : Collectif. C’est bête, mais c’est ce que j’aime le plus – qu’on ait réuni ces énergies, ces écritures que j’adore et admire, pour proposer une vision à la fois littéraire (ouah l’autre il a dit un gros mot), réaliste, fantastique, onirique, délicate… bref, ni pornographique ni commerciale de la « première fois ». Le meilleur souvenir ? Je repense à ce moment à Paris avec Séverine, quand on s’est dit « Et si… ? » Le reste en découle.

 

Vous savez ce qu’il vous reste à faire : lisez l’étonnant et nécessaire 16 nuances de première fois de Manu Causse, Séverine Vidal, Gilles Abier, Sandrine Beau, Clémentine Beauvais, Benoît Broyart, Axl Cendres, Cécile Chartre, Rachel Corenblit, Antoine Dole, Chrysostome Gourio, Driss Lange, Taï-Marc Le Thanh, Hélène Rice, Arnaud Tiercelin et Emmanuelle Urien.

Lecture commune : Songe à la douceur

Plus d’un an après sa sortie, après 3 réimpressions, sélectionné pour pas moins de 15 prix, et grand lauréat de notre Prix Roman Ado 2017 en mai dernier, j’ai nommé le sublime Songe à la douceur de la jeune et talentueuse Clémentine Beauvais, chez Sarbacane X’prim.

Il n’en fallait pas plus pour qu’on le dévore à l’ombre du grand arbre et qu’on en parle ensemble.

Carole Vu le battage médiatique autour de la sortie et du succès de ce roman, vous n’êtes pas tombées dessus par hasard. Mais alors, pourquoi avoir plongé dans ce songe ? 

Alice : Bah oui forcément le battage médiatique ça interpelle et l’on veut souvent se faire son propre avis.
Tu rajoutes à cela une collection EXPRIM’ chez Sarbacane qui nous offre depuis toujours des textes de haute qualité et surtout une auteur qui m’épate : Clémentine Beauvais, cette jeune et jolie franglaise à taches de rousseur que je trouve talentueuse.
Et puis il y a le titre, comme une superbe et exquise invitation.
Et enfin, la découverte de cette couverture, ces pleins, ces déliés et ce couple qui avance l’un vers l’autre comme pour se retrouver.

Sophie : Comme Alice, Clémentine Beauvais + Exprim + cette forme apparemment si originale = lecture obligée (et avec plaisir).

Pépita : Et bien pas vraiment ce chemin là pour moi. Je n’ai pas particulièrement été emballée par les précédents romans de Clémentine Beauvais, que je trouve par ailleurs absolument fascinante en tant que personne. Non, j’ai eu envie de l’ouvrir pour la poésie : du titre d’abord (référence à Baudelaire que j’admire) et la forme m’a attirée bien plus que le fond, ce qui s’est d’ailleurs vérifié.

Carole : Comme tu le soulignes Pépita, parlons du titre et de la poésie. Une invitation au voyage en vers libres, ça vous inspire quoi après la lecture ?

Pépita : J’ai été très séduite par cette forme et je me suis dit qu’il en fallait un sacré « culot » pour reprendre en vers ce roman Eugène Onéguine et le transposer à notre époque en gardant l’esprit d’origine ! Et quel tour de force dans l’écriture ! Avec une facilité apparente assez déconcertante ! Après, j’adore le titre forcément qui pour moi fait un lien entre les deux romans par l’invitation au voyage entre leurs deux époques qu’on peut mettre aussi en parallèle avec les deux époques de l’histoire, puisque Eugène et Tatiana se retrouvent 10 ans plus tard par hasard. Le « Songe à la douceur » fait appel pour moi à l’intime de nos choix : songe à ceci si tu avais fait cela. Il colle très bien à l’histoire je trouve. C’est vraiment cette forme qui « sauve » le roman pour moi mais peut-être va-t-on l’aborder plus avant.

Alice : Un titre d’un romantisme à souhait ! Ce n’est pas un « rêve », c’est « un songe » et ce n’est pas du tout la même chose ! Comme une envolée supplémentaire vers un coin caché de notre esprit.
Tout en « douceur »… Qui n’aurait pas envie de se laisser inviter dans ce cocon ?
Et puis ce titre annonce le travail sur la forme du roman : le langage est soutenu et non plus familier.
« Songe à la douceur », une invitation inévitable à prendre ce livre entre les mains.

Carole : Connaissiez-vous le roman de Pouchkine et l’opéra de Tchaïkovski ? Que pensez-vous de cette adaptation pour le moins moderne ?

Pépita : Je les connaissais de nom mais jamais lu et jamais vu. Donc je ne connais que la version moderne du coup. Ce que j’en comprends, c’est que le fond de l’histoire a été respectée ainsi que la forme en vers libres mais que l’auteur l’a adaptée en y mettant des éléments contemporains. En tous cas, ça donne envie d’aller voir l’original ce que malheureusement je n’ai pas encore pris le temps de faire.

Sophie : Je ne connaissais pas non plus, vaguement de nom seulement. Après avoir lu le roman, j’ai vite été rechercher la trame se l’histoire, j’étais curieuse de savoir ce qui avait été gardé ou pas. Peut-être qu’un jour, je me lancerais dans le roman de Pouchkine si nos routes prennent le temps de se croiser.

Alice : Idem. Opéra et texte inconnus chez moi aussi, mais comme une envie d’aller voir plus loin… ce que je n’ai pas encore pris le temps de faire…

Carole : Parlons de cette mise en page remarquable, de la couverture au fil des pages, un vrai travail d’orfèvre… y êtes-vous sensible ?

Alice : Oooh bien sur ! Cette couverture attire l’oeil et est encore plus significative qu’il n’y parait. Ce titre écrit quasiment d’un seul coup de stylo pour lier les mots les uns aux autres. Tu as l’impression que tu peux tirer un bout et que tu auras alors entre les doigts un long fil, …. celui de la vie, mais là il prend des tours et des détours, parce que la vie ce n’est jamais rectiligne. Et puis ce couple qui marche l’un vert l’autre et qui s’embrasse….Bref, une multitude de significations possibles et inimaginables…
Quant à la mise en page, presque, elle t’empêche de t’arrêter dans ta lecture. T’as pas envie de glisser le marque page, elle t’invite à lire le livre d’une seule traite. Vous ne trouvez pas ?

Pépita : oui très belle couverture ! Et j’ai mémoire d’avoir lu que le titre a été suggéré par l’éditeur….oui la forme parlons-en ! Très chouette travail de composition. Ce que j’ai aimé c’est que l’écriture suit les sentiments des personnages (les hauts et les bas, les sauts de mots en mots, les blancs,…). Et très rapidement, c’est très fluide cette lecture. Par contre, je persiste à dire que c’est la forme qui « sauve » ce roman. Car sans cette forme, le fond est assez banal. Je prends toujours l’habitude de me dire après avoir lu un roman : que m’en reste-t-il après des semaines ? Et bien là, c’est ce qu’il me reste : la splendeur de cette forme qui sert l’histoire, et non l’inverse.

Sophie : Oui la mise en page est vraiment sublime. La couverture avec tous ces mots liés entre eux offre déjà beaucoup de poésie tout comme ces silhouettes qui en disent déjà un peu. Quant à l’intérieur, c’est très réussi. J’aime les livres dont on sent la fluidité des mots avant même d’avoir commencé à les lire, là c’est ça. De belles phrases dans une belle mise en page aérée et poétique.

Carole : Comme le fait remarquer Pépita, que vous reste-il de cette lecture ? Si vous deviez ne choisir qu’un seul mot, ce serait…? Ou une seule page ?

Pépita : sans doute : musique et danse des mots.

Alice : Danse, j’aime bien. Mais pas seulement des mots, une danse des sentiments aussi et surtout une jolie danse entre les deux personnages.

Sophie : Danse,  j’aime bien aussi pour tout ce qui a été dit. Sinon « amour » quand même, j’aime ce genre d’histoires, pas à l’eau de rose, pas forcément en happy end.

Et vous, l’avez-vous lu ? aimé ? Quel mot pour le définir ?

Retrouvez nos avis complets : Sophie, Pépita, Alice et Carole.

Message personnel : Merci à mes chères copinautes de m’avoir sollicitée pour cette lecture, d’avoir été très patientes, merci pour ce songe-là, cette douceur-là, cet amour-là.

Le top 5 de Carole

Bien, bien, bien… C’est donc à mon tour de vous proposer mon top 5. Quelle idée nous avons eue ! Il y a quelques semaines, j’ai vu ça et ça m’a volé un éclat de rire monumental !

Non parce que choisir 5 livres jeunesse, c’est quand même ce qui se rapproche le plus de l’ENFER ! Parce que choisir, c’est nécessairement renoncer. J’ai suivi avec attention les tops 5 de mes copinautes tout l’été, en faisant des « Wahou « , des « Bien sûr « , des « Olala comment vais-je faire ? ». Grosse pression.
Et puis, je me suis demandé ce qui fait que je vais choisir celui-ci et pas un autre, quels sont mes critères, pourquoi. Parce que des coups de coeur, j’en ai beaucoup, des livres que je conseille et/ou que j’offre aussi, des titres qui me viennent spontanément, des histoires dont je me souviens longtemps, des auteurs chouchous, des collections. Alors après un été de réflexion, j’ai trouvé : je vous parle de ces livres dont la lecture marque un avant et un après. De ceux que je relis à l’infini et qui me procurent les mêmes émotions, de ceux qui ont changé un peu ma vie, de ceux qui m’ont enrichie profondément.

Vous êtes prêts ? C’est parti !

L’Histoire de Julie qui avait une ombre de garçon de Christian Bruel, illustré par Anne Bozellec, rééedition Thierry Magnier, 2014.

J’ai la chance d’avoir la version de 1976 des Editions Le sourire qui mord. Précieux cadeau de ma grand-mère. L’Histoire de Julie est une démonstration magnifique et poétique des ravages de l’assignation de genre imposée aux enfants dès la naissance, une illustration de la souffrance provoquée par l’obligation de rentrer dans l’une des deux seules cases que nous propose la société patriarcale régie par des normes hétérosexuelles. Mais c’est aussi une lumineuse fenêtre ouverte sur la possibilité de se libérer de ces carcans, et tout commence par l’éducation ! Plus que jamais d’actualité. Un de mes premiers livres rien qu’à moi.

Métal Mélodie de Maryvonne Rippert, Editions Milan Macadam, 2010.

C’est bien simple, sans ce roman, vous ne seriez pas en train de me lire. Sans ce roman, je n’aurai pas créé mon blog. Je suis tombée dessus par hasard, dans une médiathèque, un vendredi, attirée par la couverture et le titre. Je l’ai lu deux fois dans le weekend en me disant  » c’est ça un roman ado ? Mais qu’est-ce que je peux faire pour qu’un maximum de gens le lise ? » Et voilà comment 3 étoiles est né quelques temps après. Il m’a emmenée jusqu’à Grenade, en compagnie de Luce et Esteban, et je me souviens encore de l’émotion de ma rencontre avec Maryvonne à Montreuil en 2012.

Ma Tempête de Neige de Thomas Scotto, Editions Actes Sud Junior, 2014.

C’est avec ce titre que j’ai découvert la poésie de Thomas Scotto et la collection D’une Seule Voix. Double chance ! Je l’ai lu, relu, à voix haute, dans ma tête. Bouleversant, beau, pudique, sincère. Assister à la naissance d’un amour si puissant, ça émeut, ça fait déborder le coeur et les yeux. Depuis, je suis fan de cette collection, et j’attends toujours avec impatience les nouveautés de Thomas, poète des mots et des dédicaces !

Abris d’Emmanuelle Houdart, Editions les Fourmis rouges, 2014.

Grand format, chaque double page invite le lecteur, en quelques mots poétiques qui disent l’essentiel et une illustration magnifique, foisonnante et soignée, à se réfugier, se construire, grandir et se retrouver. Des abris intimes où tous les âges de la vie sont suspendus : sérénité et douceur, voilà ce que l’univers d’Emmanuelle me procure. C’est mon illustratrice chouchou. La seule dont je possède désormais deux repros, cadeaux de gens que j’aime très fort. Cet album, c’est un refuge, une bulle, un cocon dont j’ai besoin.

La Langue des Bêtes de Stéphane Servant, Editions du Rouergue, 2015.

Depuis le Coeur des Louves en 2013, lire un roman de Stéphane est devenu un rituel particulier pour moi. D’abord l’attente fébrile et délicieuse, puis la joie et l’excitation de la parution, et la lenteur exquise et la régalade de la lecture. Au moment où j’écris ce top 5, je suis plongée dans Sirius, son nouveau roman Epik paru il y a quelques jours, et je prends tout mon temps. Je l’assume : cet auteur contredit nécessairement mon libre-arbitre, comme les olives et Radiohead. La Langue des bêtes pour moi, c’est un de mes plus beaux moments de lectrice : une évidence, un rendez-vous, une émotion rare. Certaine qu’on en parlera encore longtemps. De la Grande Littérature.

Des livres et des titres

Cet été, à l’ombre de l’arbre, nous poursuivons la thématique : c’est quoi un bon livre ? Après les beaux billets de Chlop, Pépita, Sophie, Colette, et Bouma, voici mon tour.

Qu’il soit court ou long, implicite ou explicite, énigmatique ou direct, dans le mille ou à côté de la plaque, le titre d’un livre est souvent la première entrée dans le récit. Comment l’auteur/e le choisit-il ? Quel est le rôle de l’éditeur/éditrice ? C’est quoi un bon titre ?

Pour répondre à ces questions, j’ai proposé à des auteurs et éditeurs de nous expliquer les coulisses et le travail éditorial en équipe, avec en bonus quelques anecdotes bien sympathiques ! Un immense merci à Gilles Bachelet, Cécile Roumiguière, Alice Brière-Haquet, Maryvonne Rippert, côté écrivain, et à Tibo Bérard et Brune Bottero, côté édition, pour leur pause estivale et leur disponibilité !

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Entretien avec Gilles Bachelet, auteur et illustrateur, bibliographie ici.

extrait de Mon Chat le plus bête du monde, Seuil Jeunesse, 2004.

extrait de Mon Chat le plus bête du monde, Seuil Jeunesse, 2004.

– Comment choisissez-vous vos titres ? Est-ce le point de départ ou l’évidence de la fin du processus d’écriture ? A quel moment l’éditeur intervient-il ?

Pas de méthode particulière. Le titre peut aussi bien s’imposer comme une évidence dès le départ que donner lieu à de longues recherches, hésitations, remises en cause, sondage de l’entourage etc…Une règle de base quand même : quand on a trouvé le super titre, (drôle, intelligent et qui sonne bien), vérifier que d’autres ne l’ont pas utilisé avant vous… c’est souvent le cas. L’éditeur va, bien sûr, donner son avis ou même son veto…

Deux anecdotes : Je téléphone à mon éditeur, Patrick Couratin, pour lui faire part de ma nouvelle idée d’album. Je lui explique en gros l’idée et je conclus « ça s’appellera Napoléon Champignon ». Il me répond du tac-au-tac : « non, Champignon Bonaparte ». Il avait raison bien sûr, ça sonne beaucoup mieux…

Pour le troisième album du Chat qui devait clore la trilogie, j’avais initialement prévu comme titre « Pour en finir avec mon Chat ». Ce choix n’a pas emballé mon éditeur qui a jugé cela un peu radical et expéditif. Après avoir établi toute une liste de titres possibles j’ai fini par m’arrêter sur Des nouvelles de mon Chat , plus neutre et passe-partout, mais c’est ce refus qui m’a donné l’idée d’ajouter à la fin du livre une page des « albums qui ne paraîtront pas » pour bien marquer l’idée que l’ouvrage serait le dernier de la série.

– Vous êtes à la fois l’auteur et l’illustrateur de vos albums, qui des deux choisit le titre ?

Ah, ah ! Le grand bonheur d’être à la fois l’auteur et l’illustrateur, c’est précisément de ne pas être confronté à ce genre de problèmes… Le titre et l’image de couverture sont indissociables. C’est la cohérence, le décalage ou même la contradiction entre les deux qui va donner envie (ou pas) d’en savoir plus et d’aller plus loin dans la découverte de l’album. On va dire que c’est donc un choix collégial entre le moi-auteur et le moi-illustrateur…

– L’humour est omniprésent chez vous : l’ironie, l’absurde, le burlesque, le décalé. Pouvez-vous nous raconter le choix du Chat le plus bête du monde ? et le décalage entre le texte et l’image ?

L’idée de ce livre est partie d’un vrai chat, très gros et très bête, que j’avais adopté à l’époque. Le fait qu’il faisait ses besoins à côté de sa litière, en toute innocence, parce qu’il ne s’apercevait pas que son derrière dépassait de la caisse, le fait qu’il pouvait rester une heure en contemplation devant une boite de croquettes ouverte sans avoir l’idée de donner un coup de patte pour se servir, sont authentiques. Ma première intention était de l’illustrer avec un vrai gros chat. C’est la juxtaposition fortuite, dans un carnet de croquis, de phrases parlant de ce chat et de dessins d’éléphants que je faisais pour m’amuser, sans intention particulière, qui m’a donné l’idée de le traiter de cette façon.

– Vous êtes traduit à l’étranger, que pensez-vous des traductions des titres ?

Je peux difficilement en juger, ne parlant pas moi-même ces langues. Quelquefois les traductions littérales des titres sont assez éloignées du titre original mais j’imagine que les traducteurs et les éditeurs ont leurs raisons et je suis bien obligé de faire confiance. (On ne me demande pas mon avis de toute façon, en général… )

 – Et enfin, peut-on connaître votre prochain titre ?

Dès que je le connaîtrai moi-même, je ne manquerai pas de vous en faire part… 😉

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Entretien avec Cécile Roumiguière, auteure d’albums et de romans, bibliographie ici. 

Une Princesse au Palais illustré par Carole Chaix, Thierry Magnier, 2012

– Comment choisissez-vous vos titres ? Est-ce le point de départ ou l’évidence de la fin du processus d’écriture ?

Ça dépend. Parfois le titre est une évidence, dès les premières lignes d’écriture ou même dès l’idée du projet. Plus souvent, c’est tout un processus, le titre évolue au long de l’écriture, puis change.

 – A quel moment l’éditeur intervient-il ?

Il intervient si le titre ne lui plaît pas, ou s’il y a déjà un titre identique dans la collection, comme pour L’école du désert (mon premier livre), qui devait s’appeler “Le tablier de Noura”, mais un roman chez Magnard avait déjà le mot “tablier” dans son titre.
Si je patauge à la recherche d’un titre, je demande à mon éditeur s’il n’a pas une idée, et on fait avancer le titre ensemble.
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 – Concernant vos albums, choisissez-vous avec l’illustrateur ? 
 .
Parfois.
Pour Une Princesse au Palais, pour le titre comme pour tout le reste, on en a discuté ensemble avec Carole Chaix, avoir le mot “princesse” dans le titre nous faisait sourire, et “Le Palais” est le nom du café où “la princesse” passe ses mercredis à attendre.
Pour Entre deux rives, Noël 43, l’album avec Natali Fortier qui ressort en octobre, lors de sa première publication (chez Gautier-Languereau), il devait s’appeler “Noël 43”, mais ça ne plaisait pas à l’éditrice. On a cherché longtemps pour finir par un compromis qui n’était bon pour personne et qui n’était pas un bon titre… Quand Laurence Nobécourt, l’éditrice de À pas de loups, a eu envie de republier cet album, changer le titre était évident, mais il fallait garder une trace de l’ancien titre pour ne pas occulter le fait que c’est une deuxième publication d’un même album, même si la mise en page change. On a discuté avec Natali et Laurence, et on a fini par trouver D’une rive à l’autre, qui garde l’idée de la rive, et éclaire l’idée de lien, pour l’amitié entre les deux personnages principaux (amitié qui est le thème du livre).
En fait, cela dépend du moment où l’illustrateur arrive dans l’aventure du livre. S’il arrive après que le titre se soit imposé, je lui présente le projet avec le titre, et il ne m’est jamais arrivé que le titre gêne l’illustrateur ou lui déplaise. Si ça arrivait, on en discuterait, bien sûr. Rien n’est jamais figé, et un album est une œuvre à deux, voire trois et plus avec l’éditeur et son équipe.
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Le fil de Soie, illustré par Delphine Jacquot, Thierry Magnier, 2013.

Le fil de Soie, illustré par Delphine Jacquot, Thierry Magnier, 2013.

– Vous écrivez des albums et des romans. Le choix du titre est-il différent selon le genre ?

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Non, je ne pense pas.

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 – Pouvez-vous nous raconter le choix du titre de l’album Le fil de Soie ? et celui du roman Les Fragiles
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Le fil de soie est un “titre évidence”, dès que j’ai eu la trame de l’album, le passage d’un secret lié aux racines familiales entre une grand-mère et sa petite-fille par la broderie, la couture, les mots “fil » et “soi/soie” se sont imposés. Je n’ai jamais eu l’idée d’un autre titre pour cet album, et c’est avec une certaine anxiété que j’ai vérifié sur internet s’il n’y avait pas déjà un album qui s’appellerait comme ça, j’aurais vraiment eu du mal à nommer cet album autrement…
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Les Fragiles, X'prim Sarbacane, 2016.

Les Fragiles, X’prim Sarbacane, 2016.

Pour Les Fragiles, c’est une toute autre histoire. Pendant l’écriture, le roman s’appelait “Le bruit que font les ailes”, mais je savais que l’éditeur, Tibo Bérard, aurait un hoquet en lisant ce titre… C’était une sorte de clin d’œil : il y a deux ou trois ans, j’ai assisté à une rencontre où Tibo et Axel Cendres parlaient de leur façon de travailler, Axel avait raconté comment Tibo refusait tous ses titres pour en trouver un autre, arguant que le titre est du domaine de l’éditeur, c’est un argument commercial, ce qui est vrai ! Même si l’auteur doit forcément avoir son mot à dire et au final aimer le titre. Avec “Le bruit que font les ailes”, je savais que j’étais loin du “commercial”, et je faisais confiance à Tibo. Au final, on a eu du mal, jusqu’à ce qu’il m’appelle un jour, survolté : le titre était là, depuis le départ, et on ne le voyait pas… ma dédicace : “Aux fragiles”, a donné le titre.

Et enfin, peut-on connaitre votre prochain titre ? 
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Dans le ventre de la Terre, le titre de mon prochain album à paraître en octobre au Seuil, un album avec Fanny Ducassé…
Et le titre d’un album collectif aux éditions À pas de loups (en octobre aussi)… S’aimer. Sur ce titre, juste sur ce titre, un format et l’idée d’un fil, d’une ligne qui traverse l’image, une quarantaine d’illustrateurs m’ont envoyé des images. Je suis en train de finaliser l’histoire qui va courir sous ces images, un projet un peu fou, comme je les aime ! Et là, tout est parti du titre.
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 Entretien avec Alice Brière-Haquet, auteure d’albums et de romans, bibliographie ici. 

Le violon de Nicolas, illustré par Clotilde Perrin, à paraître chez Feuilles de menthe cet automne.

Le violon de Nicolas, illustré par Clotilde Perrin, à paraître chez Feuilles de menthe cet automne.

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– Comment choisissez-vous le titre ? Est-ce le point de départ ou l’évidence de la fin dans le processus d’écriture ? A quel moment l’éditeur intervient-il ?
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Désolée, je vais te faire une réponse de Normande, mais vraiment, il y a deux cas.        Cas n°1, c’est celui où le titre nait en même temps que l’histoire, il en est le point de départ, le germe. Là c’est évident et c’est génial, parce que toute l’histoire tient dedans, elle n’a plus qu’à se déployer… C’est le cas par exemple du Petit Prinche. Et puis il y a le cas n°2, on arrive à la fin, les commerciaux pressent : il FAUT un titre. Là c’est terrible, parce que je n’y arrive jamais. Dans ce cas tout le monde s’y met, éditeur, illustrateur, famille, copains, voisins, friends de FB, tout le monde. On passe par tous les stades, et on finit par choisir avec l’éditeur et l’illustrateur celui qui nous semble le mieux. C’est toujours un peu douloureux sur le coup, même si en général je m’y fais et je finis par l’aimer. Par exemple, Pierre la Lune était à l’origine le nom de mon fichier, à aucun moment le petit garçon est nommé dans le texte ! Mais finalement ce titre choisi par défaut a donné à l’histoire une touche d’humanité et de mystère… On me demande souvent pourquoi  Pierre la Lune  et non pas « de la Lune » ou « dans la Lune ». Je n’ose pas répondre 😀

Collection Mode d'emploi, illustré par Mélanie Allag, P'tit Glénat, 2015.

Collection Mode d’emploi, illustrée par Mélanie Allag, P’tit Glénat, 2015.

– Concernant vos albums, vous arrive-t-il de choisir avec l’illustrateur ?

Oui, et avec l’éditeur aussi. Je crois vraiment qu’un album a trois parents…

– Pour les collections Mode d’emploi chez Glénat et Au secours chez Castor Poche, les titres vous ont-ils été imposés ? Quelle est votre marge de liberté lors d’une commande ?

Collection Au Secours, illustré par Eglantine Ceulemans, Castor poche flammarion, 2016.

Collection Au Secours, illustrée par Eglantine Ceulemans, Castor poche flammarion, 2016.

La série (en tout cas dans ces deux cas) est un cas un peu à part, parce qu’elle se construit sur un concept, et que ce concept doit être contenu le titre. Pour ces deux séries, il s’agit du cas n°1, c’est-à-dire que les titres ont été les germes de leur série… Après il me suffit de proposer des thèmes qui peuvent se décliner sur le-dit concept, et nous les choisissons avec mon éditeur. Mais avec mon autre série, « Collège Art », chez Castor Poche, on a nettement plus galéré, et je ne suis toujours pas convaincue de notre choix. Heureusement, il y a les sous-titres, que je trouve plus intéressants, mais quand même : le titre doit donner une personnalité à la série, c’est son logo, son identité. C’est super important.

– Et enfin, peut-on connaître votre prochain titre ?

Bien sûr, et c’est un joli cas n°2… Je me suis cassée la tête pendant des semaines. Je voulais que ça parle du monde, des sensations, de la lutherie, de la musique… de beaucoup trop de choses ! Les trucs que je trouvais étaient soient lyrico-cuculs soient pédanto-pénibles. L’horreur. À la fin, on a brainstormé, Clotilde a proposé Nicolas, Anne le violon, et hop ça a donné Le Violon de Nicolas  ! J’en suis ravie ! En fait, je crois que c’est la seule recette infaillible en matière de titre : la simplicité !

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Entretien avec Maryvonne Rippert, auteure d’albums et de romans, bibliographie ici.  

L’amour en cage Seuil jeunesse, 2008

 – Comment choisissez-vous vos titres ? Est-ce le point de départ ou l’évidence de la fin du processus d’écriture ? A quel moment l’éditeur intervient-il ?

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Le titre de mes livres me vient la plupart du temps à la fin du premier jet de mon texte. Soit comme une évidence (l’amour en cage) soit après une longue réflexion (Différents). Mais parfois, dès le début de l’ébauche de la première idée, j’ai en tête un titre provisoire qui ne sera sûrement pas celui que l’éditeur privilégiera.
L’éditeur intervient au moment de la signature du contrat, et il valide…. ou pas.
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Série Blue Cerises de Jean-Michel Payet, Sigrid Baffert, Cécile Roumiguière, Maryvonne Rippert, Milan, 2009-2012.

Série Blue Cerises de Jean-Michel Payet, Sigrid Baffert, Cécile Roumiguière, Maryvonne Rippert, Milan, 2009-2012.

Pour la série Blue Cerises co-écrite avec Jean-Michel Payet, Sigrid Baffert, et Cécile Roumiguière, comment avez-vous choisi le titre de la série et chacun des 4 romans ? 

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Pour le titre de la série, c’est typiquement un nom de code, car il en fallait bien un pour pouvoir parler de notre projet entre nous. Par ailleurs, nous savons que les ados donnent souvent un nom à leurs bandes de potes.
Pour les BC, je crois que c’était le nom du forum sur lequel nous, les auteurs, nous échangions. Puis le titre s’est imposé. Quant aux titres de chaque épisode, nous étions libres de choisir et il n’y a eu aucun doute à chaque fois, tant nous étions en phase, mes co-auteurs et moi. Mais bien sûr l’éditeur aurait pu intervenir, ce qu’il n’a pas fait.
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Metal Mélodie, Milan Macadam, 2010.

Metal Mélodie, Milan Macadam, 2010.

Votre roman Metal Mélodie est pour moi l’incarnation du titre parfait. Comment l’avez-vous trouvé ? 

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Eh bien pas de chance, ce n’est pas moi qui l’ai choisi ! J’admets que c’est une belle proposition, mais j’ai eu longtemps beaucoup de mal à accepter ce titre qui m’a été imposé par l’éditeur. J’aurais préféré LUZ, un titre tout simple. Mais oui, c’est un bon choix, même si ce titre a emmené pas mal de lecteurs sur une fausse piste, parce qu’ils supposaient à tort que le roman parlait de musique métal !
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 – Et enfin, peut-on connaître votre prochain titre ?
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Dans la série Les cercles de Goldie, sous le pseudo Billie Cairn, j’ai choisi La tour des Nuages et pour un roman ado ayant pour thème sous-jacent le harcèlement que je suis en train d’écrire, J’rigole , mais c’est sûrement un titre provisoire !
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Entretien avec Tibo Bérard, éditeur chez Sarbacane pour les collections X’prim et Pépix. 

A paraître le 7 septembre.

A paraître le 7 septembre.

 – A quel moment l’éditeur intervient-il concernant le titre ? Est-ce toujours lui qui a le dernier mot ?
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En fait, on est confronté à de nombreux cas de figure. Quand un auteur que je ne connais pas encore m’envoie un manuscrit, généralement, il y a un titre – que l’on pourra garder ou pas. À l’inverse, du côté des auteurs avec qui on a l’habitude de travailler, il arrive que les projets ne portent pas de titre, car l’auteur sait qu’il sera lu, il n’a pas « besoin » d’en trouver absolument un pour convaincre l’éditeur d’ouvrir son manuscrit… car oui, le titre peut être une sorte de clef dès l’étape de l’envoi à l’éditeur (même si, au final, c’est la qualité du texte qui tranchera). Le titre, c’est une invitation, un outil de séduction. Tous les auteurs n’ont pas le même talent pour cela : certains sont très à l’aise pour le trouver, d’autres moins ; certains conçoivent leur roman « autour » d’un titre qu’ils ont trouvé dès l’origine, et qui va même orienter leur projet dans une certaine direction (vers l’émotion, ou vers la comédie, ou vers la critique sociale, etc), d’autres vont jusqu’au bout du texte et, là seulement, se mettent en quête du titre. Je crois que l’expérience peut aussi aider : les auteurs qui ont pris l’habitude de rencontrer leurs lecteurs, de parler de leur travail, parviennent souvent mieux à proposer de bons titres, car ils ont une vision plus « en hauteur » de leurs livres. Le but étant de parvenir à ces titres qui nous paraissent évidents, qui sauront appeler le lecteur, qui seront une première entrée dans le récit.

Dans le désordre de Marion Brunet Sarbacane, 2016

Contractuellement, c’est l’éditeur qui est en droit de choisir le titre définitif. Mais je ne crois pas qu’il faille l’imposer, de la même façon qu’on n’impose pas une couverture non plus. C’est un dialogue, un échange de propositions entre l’auteur et l’éditeur. Parfois, c’est un miracle, une évidence, et parfois ça prend plus de temps. Quoi qu’il en soit, le titre reste une étape capitale… Je pense même que les titres « disent » déjà quelque chose de ce qu’est le roman, mais aussi de la collection dans laquelle ils paraissent, parfois ; ainsi les titres des romans de la collection EXPRIM’, assez percutants, sonores, sont déjà la marque d’un certain projet romanesque, un indicateur sur la nature même des textes (Les Géants, Dans le désordre ou Les petites reines, ce sont des titres qui évoquent presque des affiches de films, on sent qu’on entre dans du roman de personnages et de narration plutôt que dans un roman psychologique, par exemple).

– Vous dirigez 2 collections importantes, Pépix et X’prim, pouvez-vous nous expliquer la ligne éditoriale de chacune concernant le choix des titres ?
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X’prim, c’est l’énergie, la vigueur, la narration, l’impact, la force des personnages.
Pépix, c’est l’aventure et l’humour, la malice, la fantaisie. Avec un ricochet « image-son » très clair entre la couverture colorée, agitée, vive, et le titre qui pétille, qui sonne de façon joyeuse et vivante.
Ce sont 2 collections différentes, avec un public différent, néanmoins très marquées.
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– En termes de communication, pensez-vous que le titre est primordial ? 
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Oui, c’est certain… mais cela va même plus loin, en un sens. Dès lors qu’on a le titre, le livre commence à exister. Cela fait toujours un drôle d’effet quand, après avoir travaillé sur un manuscrit sans titre avec l’auteur, on « voit » enfin un titre émerger parce qu’on se rend compte qu’on prend plaisir à appeler le texte par son titre (au lieu de dire « ton prochain roman », etc.). Il faut parfois du temps pour l’apprivoiser. Et il arrive aussi qu’on s’aperçoive au final que ça ne fonctionne pas, justement parce qu’il ne nous vient pas spontanément à la bouche, même au bout de plusieurs jours… alors on continue d’y réfléchir. Jusqu’à l’évidence.
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A paraître le 24 août.

A paraître le 24 août.

– Une anecdote à nous raconter ?

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Hé bien, parfois, c’est le monde extérieur qui s’immisce dans nos réflexions autour du titre et joue un certain rôle. C’est ce qu’il s’est produit pour le titre du prochain X’prim de Clémentine Beauvais. Elle m’avait proposé très tôt ce titre : Songe à la douceur. Or, en l’entendant pour la première fois, je n’étais pas entièrement convaincu – non que le titre m’ait déplu, mais je n’étais pas certain qu’il « dise » suffisamment le roman. Il faut préciser que ce roman-là est un projet tellement ambitieux, tellement puissant (adaptation en vers libres d’Eugène Onéguine de Pouchkine) qu’on avait un peu l’impression qu’aucun titre ne serait à la hauteur, qu’aucun ne saurait « l’englober ». On a donc laissé la question en suspens, Clémentine a avancé dans le travail du texte… et puis il y a eu les terribles attentats à Paris, en novembre. Et là, l’impératif de la douceur est apparu. On en a parlé dans l’équipe, chez Sarbacane, et d’un coup tout le monde était d’accord : ce titre était beau, et surtout il devenait nécessaire, essentiel. On s’était vraiment mis à l’entendre au double sens baudelairien : à la fois verbe et nom, dans l’Invitation au Voyage. Le roman de Clémentine, à la lumière de ce titre, nous apparaissait donc à la fois comme un songe – un autre monde –, et dans un autre sens, comme une injonction à la douceur, une invitation puissante et même « gonflée » à oser la douceur… oui, c’était bien le roman de Clémentine. Aujourd’hui, je n’imagine aucun autre titre pour ce livre.
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– Peut-on connaître les prochains titres à paraître chez Sarbacane ?
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Chez X’prim :
  • Songe à la douceur, Clémentine Beauvais, le 24 août.
  • Les évadés du bocal, Bruno Lonchamps, le 7 septembre.
  • Les Belles Vies, Benoît Minville, le 5 octobre.
  • Samedi 14 novembre, Vincent Villeminot, le 2 novembre.
Chez Pépix :
  • Super-Vanessa et la crique aux fantômes, Florence Hinckel (ill. Caroline Ayrault), le 24 août.
  • L’ogre à poil(s), Marion Brunet (ill. Joëlle Dreidemy), le 7 septembre.
  • Victor Tombe-Dedans sur L’île au Trésor, Benoît Minville (ill. Terkel Risbjerg), le 5 octobre.
  • Le Journal de Gurty – parée pour l’hiver !, Bertrand Santini, le 2 novembre.
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Entretien avec Brune Bottero, éditrice chez Les Fourmis Rouges. 

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toujours en exclu et à paraître aussi le 20 octobre !

pour nous en exclu et à paraître le 20 octobre, le prochain album de Delphine Jacquot !

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  – A quel moment l’éditeur/l’éditrice intervient-il concernant le titre ? Est-ce lui/elle qui a toujours le dernier mot ?
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En général, l’auteur arrive avec son projet et le titre qu’il lui a choisi. Nous n’y touchons pas au début du travail éditorial, et gardons le titre comme « titre de travail ». Il arrive que le titre de travail convienne et dans ce cas, nous le gardons, tout simplement. C’est au moment de la finalisation du livre que nous nous penchons davantage sur le titre. Lorsqu’on nous entamons la maquette de la couverture, il faut que nous soyons sûrs du titre. Si le titre de travail ne nous convient pas, nous semble trop faible, ou pas à l’image du livre, nous en proposons d’autres. Juridiquement, c’est l’éditeur qui a le dernier mot, mais on fait quand même en sorte d’être toujours en accord avec l’auteur et de ne pas lui imposer un titre qui ne lui plaise pas. On reconnait souvent qu’un titre est bon parce qu’il fait l’unanimité.
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– Vous est-il déjà arrivé de devoir batailler/imposer un titre ? 
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Nous ne sommes jamais allées jusqu’à la vraie bataille… Mais il arrive que nous ne soyons pas d’accord, soit avec l’auteur, soit même entre nous (Valérie, à l’édito, et moi à la com). Certains auteurs sont également très attachés à leur titre de travail, et il est parfois difficile pour eux d’en faire le deuil. Cela dit, nous n’avons jamais eu de conflit avec un auteur au sujet d’un titre. Les petits différents qu’il a pu y avoir ont été très rapidement résolus avec la trouvaille du titre « évident ».
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Premier Matin de Fleur Oury, 2015

– En termes de communication, pensez-vous que le choix du titre est primordial ?

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OUI ! Le titre, tout comme l’image de couverture, sont les premiers outils de communication. Un titre doit être à la fois « commercial » (ou en tout cas pas anti-commercial) et coller au livre. Mais il faut également qu’il s’inscrive bien dans le catalogue d’une maison d’édition. L’album Premier matin, de Fleur Oury, aurait très bien pu s’appeler « La rentrée de petit ours » : un titre commercial et qui colle au sujet du livre. Mais « La rentrée de petit ours », ça ne ressemble pas aux Fourmis Rouges, ni au travail de Fleur Oury… Il fallait quelque chose de poétique et sensible, qui puisse évoquer le premier jour d’école, mais de manière subtile, sans être niais… C’est donc devenu Premier Matin.
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– Une anecdote à nous raconter ?
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Dans une maison d’édition, on se mélange parfois les pinceaux sur nos propres titres… Les prénoms, notamment, nous donnent parfois un peu de fil à retordre, et nous mélangeons allègrement le « Pedro » de Pedro Crocodile et George Alligator au « Pablo » de Pablo et la chaise, deux albums de Delphine Perret. Il y a aussi ceux qu’on a du mal à prononcer comme Didgeridoo, ou ceux qui sont à rallonge et qu’on raccourcit : Les aventures de Peter et Herman (Delphine Jacquot) est devenu chez nous « Les aventures » et La maman de la maman de mon papa (Gaëtan Dorémus), « La maman »…
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en exclusivité pour nous, à paraître le 20 octobre !

Le prochain bijou d’Emmanuelle Houdart en exclusivité pour nous, à paraître le 20 octobre !

– Peut-on connaître les prochains titres à paraître chez Les Fourmis Rouges ?

Alors nous aurons
  • des titres simples : Ma Planète (Emmanuelle Houdart), Bjorn, 6 histoires d’ours (Delphine Perret),
  • des titres jeux de mots : Le petit pou sait et Le petit pou rit (Mathis et Aurore Petit), Réclamez des contes (Delphine Jacquot),
  • des titres de série : Till et les tricheurs et Till joueur de flûte (Philippe Lechermeier et Gaëtan Dorémus),
  • et des titres mystérieusement imprononçables : Hernig & Zébraël (Victor Boissel et Beax).

 

Encore un très grand MERCI à vous toutes et tous ! Qu’elle est belle cette littérature jeunesse ! Vive la rentrée littéraire 2016 et tous ces nouveaux titres, non ?