Cet album écrit par Yûji Kanno et illustré par Matayoshi avait retenu l’attention de Za au printemps dernier. Publié chez Nobi Nobi !, cette histoire est proche du conte avec des airs de l’illustration japonaise. Za, Bouma et moi-même puis Alice qui nous a rejoint, nous avons eu grand plaisir à mettre en avant l’originalité de ce livre.
Bonne découverte à tous…
Za – Lika aux cheveux longs est un album remarquable au sens propre du terme : on ne peut que le remarquer ! Avant de l’ouvrir, parlez-moi de vos premières impressions devant l’objet-livre.
Sophie – C’est un très bel objet. La couverture est reliée avec un tissu qui donne une sensation granuleuse sous la main, le titre est écrit en lettres dorées, le trait fin qui fait cadre à la première de couverture ajoute à la beauté de celle-ci. Enfin, la petite fille sur l’illustration m’a tout de suite fait penser à l’univers du conte. On voit tout de suite que c’est un livre travaillé déjà sur la forme donc on suppose aussi sur le contenu, ça donne envie d’en savoir plus.
Bouma – L’objet est agréable en main avec cette texture particulière dont a parlé Sophie. La couleur dominante, le orange, marque par sa présence et donne un léger côté rétro je trouve (un peu comme les papiers peints des années 80). Enfin, j’ai surtout eu la sensation d’être à la rencontre de plusieurs univers : celui du manga (avec ce personnage très nippon dans le visage), celui de la fantasy (avec les oreilles pointues et les souliers de lutin) et celui du conte plus traditionnel (avec les liserés d’encadrement). En tout cas, j’avais hâte de découvrir son contenu.
Za – Cette couverture est en effet exceptionnelle, la toile, les lettres en creux… J’aime aussi le contraste entre ce qui pourrait être une présentation de livre ancien et la modernité du dessin. Êtes-vous des lectrices de mangas ? Est-ce que cela a pu influencer votre approche de cet album ? Je vous pose cette question parce que, jusqu’à très récemment, cette esthétique si caractéristique me rebutait. (Mais j’ai découvert à quel point j’étais dans l’erreur et je me repens, évidemment.)
Sophie – J’ai beaucoup de mal avec les mangas. En fait c’est plus le noir et blanc que le style du dessin qui me dérange. Par contre, j’ai bien aimé le petit côté fantasy du personnage.
Bouma – Grande fan de la culture nippone je suis, et donc grande lectrice (consommatrice serait plus juste à mon niveau) de mangas. J’en chronique pas mal sur mon blog de tous les styles. Alors forcément l’esthétique de cet album m’a tout de suite parlé même si l’on est loin des traits d’un mangaka…
Sophie – Alice, tu nous rejoins dans notre lecture après le départ de Za (l’été et les remaniements de l’équipe sont passés par là). Quelle a été ta première impression ?
Alice – Ce livre attire l’œil c’est sûr. Mais il n’a pas attiré le mien de la même manière que vous.
Si je me souviens bien, ma première réflexion à voix haute s’approchait de : « C’est une réédition ce livre ? Un indispensable dont je serais passée à côté ? »
Oui, voilà l’effet que m’a fait cette couverture orange/marron, ce dessin pâle et les fioritures utilisées.
Comme un livre datant de mon enfance [à l’époque où la littérature jeunesse n’avait pas encore amorcée sa révolution] qui se serait fait oublié, que l’on aurait retrouvé et que l’on aurait brossé de la main pour le dépoussiérer.
Sophie – Sur la forme, on est donc assez proche du conte avec ce livre au style vieilli et cette jeune fille aux longs cheveux qui n’est pas sans rappeler des personnages célèbres. Mais sur le contenu, elle raconte quoi cette histoire ?
Bouma – Cette histoire est celle de Lika (on s’en serait douté) et de ses longs et merveilleux cheveux (annoncés aussi dans le titre). Plus sérieusement, Lika est une jeune fille qui vend des bouquets de senteurs aux passants de son village afin de survivre avec sa grand-mère. Le coiffeur du village lui offrirait bien plus d’argent que ses maigres ventes si elle consentait à les lui donner…
Alice – Régulièrement, Lika et sa grand-mère reçoivent un petit Dieu gourmand qui s’invite chez elles pour partager des biscuits. Mais bien plus que des gâteaux partagés, il possède un peigne… et pas n’importe quel peigne.
Sophie – Le texte commence par « Il était une fois », y a-t-il d’autres éléments qui comme la couverture vous ont rappelé les contes classiques ?
Alice – Oh bien sûr . On retrouve la situation initiale qui décrit les personnages et leur cadre de vie (le village pauvre seulement habité par des enfants et des personnes âgées et cette petite fille orpheline), l’élément merveilleux (quelle chevelure !), le «méchant» qui vient perturber la situation initiale, puis l’arrivée d’un nouveau personnage qui va aider à résoudre la situation et un final en « tout est bien qui finit bien ». Une véritable histoire qui s’inscrit dans la lignée des contes classiques.
Bouma – Un conte classique « moderne » et c’est pour moi ce qui est le plus intéressant dans ce titre (outre les illustrations). En reprenant tous les codes classiques dont parle Alice, l’auteur a apporté un brin de fantasy notamment avec le petit génie gourmand auquel on ne s’attend pas du tout. En fait je trouve qu’on peut lui retrouver plein de références à d’autres contes : Raiponce (pour les cheveux longs), Hansel et Gretel (pour le côté gourmandise), Cendrillon (pour la relation à la marraine/grand-mère)… Malgré tout ce conte est unique en son genre en s’appropriant tout cela et en les dépassant.
Alice – Alors que le livre trainait sur le canapé, ma fille l’a lu. La dernière page tournée, elle dit : « Mais en fait, elle a rêvé. Elle a jamais perdu ses cheveux et le petit bonhomme ne peut pas exister ! » Est ce quelque chose qui vous a effleuré l’esprit ?
Sophie – Non pas vraiment même si c’est en effet très probable puisque tous font comme si rien ne s’était passé à la fin de l’histoire.
Bouma – L’idée de ta fille ne m’a absolument pas effleurer l’esprit. Il est intéressant de voir combien les enfants peuvent avoir une interprétation différente de la nôtre.
Pour compléter notre discussion, n’hésitez pas à lire nos articles : Za, Dorot’, Hérisson, Bouma, Sophie.