Un livre à partager en famille pour Noël !

Après vous avoir proposé successivement un article sur un conte de Noël écrit par nos soins, des lectures pour un Noël généreux puis un Noël décalé, nous avons décidé cette année de choisir chacune un livre cher à notre cœur susceptible de plaire à toutes les générations réunies autour du sapin. Voici donc notre sélection de livres à partager, à lire sans modération !

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Si les classiques sont des valeurs sûres, c’est un titre récent que Lucie a envie de partager. Car tous les membres de sa famille, de 64 à 5 ans ont craqué pour Coboye !

Parce que l’enfance touche tous les cœurs quelque soit leur âge officiel, la bande dessinée de Cécile, qui contient très peu de texte, saura ravir les petits et les grands. La bédéaste y relate sa jeunesse dans un far west imaginaire avec beaucoup de douceur et d’imagination. Petits et grands sont happés par les grandes illustrations et rient de bon cœur aux « carabistouilles » réalisées si naïvement. Avec aussi la pointe d’émotion qui sied à la période, cette BD est parfaite.

Coboye de Cécile, Éditions Delcourt, 2024.

Son avis complet ICI.

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Chez Séverine, seules deux personnes sur cinq sont accros à la lecture…Sa fille de 9 ans, et…elle ! Pourtant, malgré le goût peu prononcé des trois autres pour la chose littéraire, s’il est un livre qui fait l’unanimité, c’est bien celui-ci : Quelqu’un m’attend derrière la neige. A mi-chemin entre l’album illustré et le roman de premières lectures, son format est idéal pour un court moment hors du temps, porté.es par la plume délicate et passionnante de Timothée de Fombelle, et les illustrations chaleureuses de Thomas Campi. Ainsi, chaque année, à la période des fêtes de fin d’année, sa lecture à voix haute donne l’occasion à la famille de resserrer les liens autour de ses valeurs (liberté, fraternité, hospitalité, etc.), de partager une empathie commune et de se souvenir, ensemble, que cette période n’est pas, pour tou.stes, synonyme de joie et de lumières scintillantes. Grâce à une belle histoire, entre mélancolie, poésie, et triste réalité, l’auteur, conteur hors pair, nous rappelle qu’elle est aussi des jours parfois sombres pour les êtres privé.es de la chaleur d’un foyer, des rires, des festins, des cadeaux, bref, de la « magie de Noël ». Pourtant, pour ses trois personnages, il imagine une autre issue : être attendu.e, ou celui/celle qu’on attendait… C’est un récit très touchant, dont les thèmes -l’exil, la solitude, la précarité matérielle ou sociale et le monde qui va trop vite- sont de ceux qui interrogent notre humanité, et appellent à notre vigilance, plus encore à cette période de l’année, où tout est exacerbé. Ils nous invitent à la générosité, mais pas exclusivement consumériste. Sans la dévoiler, la fin, très émouvante, mouille, à chaque fois, les yeux de tous les membres de la famille, enfants ou adultes, même les plus coriaces…

Quelqu’un m’attend derrière la neige, de Timothée de Fombelle, illustré par Thomas Campi, Gallimard jeunesse, 2019

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Pour Liraloin les fêtes de fin d’années sont le moment propice pour se reposer et lire mais aussi partager des lectures à voix haute dès que possible. Il y a un titre chouchou et très certainement que ce dernier parle à toutes les générations de lectrices et lecteurs qui aiment les contes classiques avec un pointe d’humour ! Un titre qui a une place toute particulière car il a été lu pour la première fois à voix haute il y a plus de 10 ans devant un large public d’oreilles captives. Forte de cette expérience ce premier roman m’accompagne souvent. Mais quel est ce titre, me direz-vous ? Il s’agit de la Bergère qui mangeait ses moutons d’Alexis Lecaye et Nadja : un conte détourné où, et tout est dans le titre, la personne qui normalement doit prendre soin de ses animaux en réalité…. les déguste ! Cette histoire est un pur bonheur de lecture à voix haute : suspense, humour, retournement de situation pour s’amuser un maximum durant la digestion d’une bonne bûche au chocolat ! Bonne découverte et joyeuse lecture sous un grand sapin vert aux mille couleurs scintillantes.

La bergère qui mangeait ses moutons d’Alexis Lecaye et Nadja, Ecole des loisirs, collection : Mouche, 1991

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Linda est une enfant « Ernest et Célestine« , elle a découvert les albums de Gabrielle Vincent à l’école maternelle et en a fait profité tous ses enfants. C’est l’incontournable de Noël, celui qui réunit toute la famille, très certainement séduite par la simplicité de la fête et la mise en avant des valeurs du partage et de la générosité. Il se dégage de l’histoire et de ses personnages la magie de Noël délicatement emballée dans la chaleur de l’amitié.

Noël chez Ernest et Célestine de Gabrielle Vincent, Casterman, 2011 (pour la présente édition).

Son avis complet est ICI.

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Chez Héloïse – Helolità, c’est un album récent qui fait l’unanimité et qui a charmé toute a famille : Trölls, d’E. S. Green. Un ouvrage superbement illustré par Lisa Ghisquier, qui revient sur les origines des lutins du Père Noël.

En plein folklore scandinave, entre froid et mythologie, nous suivons les trölls du roi Rotinmir dans une aventure envoûtante et passionnante. C’est un album qui invite à faire le bien autour de soi, aux belles valeurs d’entraide et à la féerie certaine. Un titre à lire, et à relire !

Trölls, d’Ellie S. Green, Gulfstream éditeur, Octobre 2022.

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Et vous, autour de quelle lecture aimez-vous vous retrouver en famille ?

Loupé ! une Lecture Commune à ne pas louper

Je ne sais pas vous, mais en ce qui me concerne j’aime beaucoup le travail de Christian Voltz. Les décors et personnages qu’il crée avec du matériel de récupération (notamment en ferraille) servent toujours un propos instructif.

Aussi, dans la continuité de la sélection thématique de la semaine dernière sur les écrans, avais-je envie de discuter avec les arbronautes autour de son album Loupé édité au Rouergue.

Voici le résultat de nos échanges.

Bouma : A quoi vous attendiez-vous face à cette couverture (titre, illustration, auteur…) ?

Alice : Clairement au vu de l’illustration de couverture : un petit bonhomme assis sur un banc attendant le bus (comme nous pouvons l’imaginer par le panneau signalétique), et avec un titre pareil, je me suis dis que c’était une histoire autour du fait d’avoir « loupé ! » le bus. Et puis, il est un peu âgé ce bonhomme, (sa cane en témoigne !) on peut douter de son pas leste et imaginer avec évidence son manque de réactivité à l’arrivée du transport en commun !

SophieJe n’avais pas vraiment d’attente sinon celle d’une bonne lecture avec le nom de Christian Voltz et la garantie de belles illustrations.

Pépita : Le souci, quand on est acquéreur de livres en bibliothèque, est qu’on sait ce qu’on achète et je savais de quoi cet album parlait. Mais c’est encore mieux en vrai. Effectivement, Christian Voltz, on ne peut pas le louper ! Et puis une couverture, elle se lit aussi derrière (la fameuse 4ème) et là on comprend que deux protagonistes vont faire le jeu de cette histoire. Et de jeu, il en est question sur toute la ligne.

Bouma  : Des visions différentes de ces premières informations, donc. Et après lecture, ne peut-on pas dire qu’il s’agit presque d’un album sans texte mais avec un fort contexte ?

Sophie : Oui on peut parler de sans texte car tout se joue dans le décor et dans les petits détails qu’il faut savoir observer.

Pépita : Pas besoin de mots en effet pour comprendre ce qui se joue là sur un même espace-temps très réduit (23 minutes) : deux attentes bien différentes. Une qui zappe et une qui contemple.

Alice : Tout est hyper compréhensible sans que rien ne soit écrit ! On est comme observateur d’un huis clos ; toutes les scènes se passent dans le même contexte, l’espace temps est très limité, il y a peu de personnages, c’est juste la situation qui évolue.
Christian Voltz s’amuse beaucoup aussi avec l’objet essentiel de ce livre : un téléphone portable. Tel une bulle de bande dessinée, il prend une taille disproportionnée pour montrer tout la place qui lui est donnée.

Bouma : Avez-vous tout lu, tout vu, du premier coup ? Ou comme moi (et un des héros), avez-vous eu besoin de plusieurs lectures pour tout comprendre ?

Alice : Une mouche, une chenille, des fourmis, une plante… Non bien sûr que non, je ne les ai pas vu de suite. A la première lecture on focalise sur les deux personnages qui on déjà des « mimiques » et des postures très parlantes. Et puis on cherche à imaginer la chute, sans que ces petits détails y soient pour quelque chose ! Et rien n’est fini, la dernière page tournée, il ne faut pas « louper » la 4ème de couverture » !

Sophie : J’ai vu le fameux spectacle à la première lecture mais pas dès les premières pages. En fait au bout d’un moment, j’ai cherché parce que je sentais qu’il manquait quelque chose, et c’est là que j’ai découvert ce qui se jouait innocemment sous mes yeux !

Pépita : Presque. Très rapidement, j’ai vu le croisement des deux vécus. Dans l’histoire, chaque personnage occupe chacun un côté de la page (sauf celle où le petit vieux parle au plus jeune et ça, c’est drôlement bien vu) et du coup, le cerveau a tendance à les dissocier. De plus, le portable a une place prépondérante dans l’image. Il n’ y a que lui qui compte alors que les petits détails à première vue insignifiants du côté du vieux monsieur ne sautent pas forcément aux yeux de suite, alors que eux racontent une histoire. Et ce que j’adore, c’est le côté bienheureux du bonhomme qui s’épanouit d’un côté alors que de l’autre côté c’est l’exaspération qui prime. Je ne sais pas pour vous, mais du coup le rire se déplace : on se moque intérieurement du jeune alors que le vieux, il nous attendrit.

Bouma : Finalement, n’est-ce pas l’illustration de deux générations qui se confrontent ? Sans aller jusqu’au « c’était mieux avant » n’est-ce pas une vision où les extrêmes se confrontent ?

Alice : Oh oui ! « Le confit de génération » : la jeunesse numérique, assoiffée d’informations, qui a du mal à lever les yeux de son écran et la personne âgée sage, patiente et observatrice. Une mise en scène un peu moqueuse, des personnages accentués dans leur caricature, pas de jugement entre les deux, juste un constat et une cohabitation amusante.

Sophie : Je pense que c’est plus complexe que la confrontation de deux générations. D’ailleurs le numérique prend de la place dans beaucoup de générations. Ici, je vois plus une invitation à REprendre le temps. Le temps de se poser, de regarder autour de soi…

Pépita : Oui et non, je ne pense pas qu’on est dans la confrontation là, ça ne sert à rien. C’est une description d’une réalité actuelle (car même dans le bus un autre personnage est rivé à son portable). Oui, une invitation à vivre le moment présent dans un album où la dérision est à son maximum. Et puis aussi une invitation à se scruter soi-même dans ses comportements. La chute (double chute) est absolument irrésistible ! Virtuel versus réel : 0-1.

Bouma : Avez-vous des retours d’enfants sur ce livre ? L’avez-vous déjà conseiller et pourquoi ?

Sophie : Morgan (6 ans) n’a pas vu tout de suite les petits détails, enfin sauf la partie de Candy Cruch qui lui a sauté aux yeux au point qu’il dise quel était le prochain mouvement… En revanche, il en est vite venu au petit spectacle qui se joue. Il n’a pas tout vu à la première lecture mais il a repris le livre seul après pour le revoir et j’ai eu le droit à des « Tu as vu là… et ça ! ».

Alice : Non, pas tester auprès des enfants mais je pourrais très bien le conseiller à des adultes. D’abord pour faire connaitre le travail de Christian Voltz et aussi car tout le monde peut s’amuser de cette farce et s’y retrouver quand même un peu !!!

Pépita : Non pas pour l’instant. C’est le retour des ados qui m’intéresserait beaucoup ! Car il est un formidable support pour démonter tous nos travers numériques ! Avec un beau message intergénérationnel.

Bouma : Si je devais résumer nos propos à toutes, je dirais donc que Loupé est un album à lire ensemble, à partager et à faire passer de main en main quelque soit l’âge, histoire de s’interroger sur nos pratiques face aux écrans. 

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Un grand merci à Pépita, Sophie et Alice pour cette discussion fort enrichissante et aussi ma chronique et celle de Chlop.

N’hésitez pas à nous donner vos impressions sur cette lecture.