Lecture commune : L’Estrange Malaventure de Mirella

L’Estrange Malaventure de Mirella, paru à l’école des loisirs, est un roman qui ne peut pas laisser complètement indifférent. Flore Vesco y joue avec les mots et ses lecteurs, les entraînant dans le tourbillon d’une malaventure moyenâgeuse réjouissante.

Et forcément, nous avons eu envie d’en discuter.

HashtagCéline : Pour commencer, simple curiosité : je voudrais savoir ce qui vous a décidé à ouvrir ce roman… Sa couverture ? Son autrice ? Son sujet ? Personnellement, depuis son premier roman De cape et de mots, je suis de près Flore Vesco. Et vous, quel a été le déclic ?

Bouma : Flore Vesco, c’est pour moi un gage de qualité ET d’originalité. Je trouve qu’elle arrive toujours à trouver une idée qui sort de l’ordinaire. Et en plus j’adore quand les contes sont revisités (que ce soit sous forme d’album ou de roman). Je ne pouvais donc qu’avoir envie de découvrir ce nouveau texte.

Isabelle : Pour ma part, je connaissais Flore Vesco de nom, mais je ne l’avais jamais lue. Sans doute parce que mes garçons sont encore un peu jeunes pour ses livres. Je suis tombée sur la couverture que j’ai trouvée très intrigante, à la fois sombre et brillante, moyenâgeuse et moderne… Quand la quatrième m’a appris qu’il s’agissait de revisiter un célèbre conte allemand, en mettant en avant une jeune héroïne, j’ai su que nous le lirions dès sa sortie ! Et ça a été un vrai coup de cœur. Maintenant, il va falloir absolument découvrir les autres romans de Flore Vesco !

Pépita : Flore Vesco ! J’ai tout lu d’elle avec un plaisir toujours renouvelé. Je trouve qu’elle a réussi à se frayer un chemin original dans ses romans qu’on ne trouve nul part ailleurs. Surtout c’est une jongleuse de mots hors pair. Concernant ce roman en particulier, basé sur le conte revisité du joueur de flûte de Hamelin, j’avoue que comme ça, ça ne me disait pas plus que ça car ce conte était enfoui dans les limbes de ma mémoire. Mais en fait, il n’est qu’un prétexte pour faire passer d’autres messages. Et cette langue moyenâgeuse, quel régal ! On s’y fait très bien.

HashtagCéline : Parlons-en, du style de Flore Vesco… Si vous avez lu ses autres romans, vous savez qu’effectivement elle s’amuse (et nous avec) en jouant avec la langue française. Ici, dès les premières phrases, on se rend compte qu’un cap a été passé et que l’on s’apprête à lire quelque chose de complètement… quoi, d’ailleurs ? Quelle a été votre réaction ? Vous attendiez vous à ça ? Est-ce que cela vous a immédiatement séduit ou plutôt mises en difficulté ?

Bouma : J’ai été séduite dès les premiers mots par l’utilisation de cette langue pseudo-moyenâgeuse. Avec ce langage dont on n’a pas l’habitude, on est obligé de faire travailler notre esprit pour bien tout comprendre et j’adore ce type de stimulation. Mais surtout, cela permet une immersion immédiate et totale dans l’histoire !

Pépita : Je te rejoins Bouma ! Passée la première adaptation à cette langue, on s’habitue très vite et on rentre dans le jeu de ses sonorités et de plus, cela sied fort bien à l’histoire. Quelle cohérence ! Quelle gouaille ! Quel humour ! Et surtout quelle maîtrise : Trop forte Flore Vesco, parce que franchement essayez pour voir, ce n’est pas si facile (et j’ai adoré la perche tendue au lecteur à la fin mais je n’en dis pas plus !).

HashtagCéline : Le langage utilisé rend l’immersion totale, ça, personne ne peut le nier. Mais ce que j’ai trouvé plutôt fort aussi, c’est la façon dont Flore Vesco nous plonge au cœur du Moyen-Âge grâce à des descriptions très, très détaillées… Et vous, qu’en avez-vous pensé ? Sa vision de l’époque vous semble-t-elle juste ?

Pépita : Oui, tu as raison de le souligner : on s’immerge totalement dans l’époque et sa vision me semble juste. Ce qui est fort, c’est qu’elle le met à la portée du lecteur tout en remettant au goût du jour le conte. On ne peut s’empêcher de penser sur certains points à un parallèle évident avec notre époque.

Bouma : J’ai beaucoup souri avec sa vision franchement très juste de l’hygiène et des mœurs du Moyen-Âge (ou tout du moins l’idée que je m’en fais). Il y a quelque chose d’assez dégoûtant pour nous, lecteurs du XXIème siècle, à lire ces descriptions ; on peut froncer le nez devant certains passages. Et je rejoins Pépita, l’autrice arrive malgré tout à insuffler une certaine intemporalité à l’histoire, par le biais des préoccupations de son héroïne notamment.

Isabelle : Je suis entièrement d’accord avec vous ! Ce Moyen-Âge prend vie grâce aux mots de Flore Vesco, dans ce qu’il a de plus sombre et rétrograde. L’autrice étoffe son décor avec beaucoup de pertinence (lorsqu’elle parle de l’hygiène, de la chasse aux sorcières ou de la structure de la société), mais aussi et surtout avec un humour décapant. Certaines scènes sont si repoussantes que quand j’ai lu le livre à mes enfants, nous en avons ri !
Je vous rejoins complètement aussi sur la modernité du roman : beaucoup de situations renvoient avec force à des problématiques actuelles, même si elles ne se posent pas exactement de la même manière de nos jours. Cela m’a particulièrement frappée concernant ce que subissent les jeunes femmes, mais aussi la recherche de boucs émissaires à qui attribuer la responsabilité des problèmes.

HashtagCéline : Et Mirella, l’héroïne de cette estrange malaventure, on en parle ? Pour ma part, je l’ai trouvée fascinante : très humaine, très étonnante, très courageuse mais d’un autre côté, un peu inquiétante. Et vous ?

Isabelle : Mirella est une belle héroïne, qui a appris « à la dure » à survivre et à mener sa barque dans le monde hostile qu’est le Moyen-Âge pour une jeune femme située tout en bas de l’échelle sociale. Elle est un vrai rayon de soleil flamboyant dans la noirceur de Hamelin, sa personnalité, sa liberté et sa générosité suscitent immédiatement la sympathie ! En même temps, comme tu le suggères Céline, elle est mystérieuse et déroutante : d’où tient-elle sa détermination féroce et sa capacité étonnante à s’affirmer ? Son courage ne serait-il pas de la témérité ? Et qui est-elle vraiment ? On en vient presque à se demander s’il faut croire les villageois qui la pensent un peu sorcière !

Pépita : Je l’ai effectivement trouvée fascinante ! Mais pas du tout déroutante. Elle est incroyable de détermination et d’altruisme aussi. Avec un destin hors norme. Une héroïne quoi !

Bouma : Mirella est une héroïne comme je les aime. Elle a de la gouaille, du tempérament et ne se laisse dicter sa conduite ni par les hommes ni par le destin. A côté de ça, elle est aussi très généreuse et ouverte aux autres (la preuve étant le nouveau porteur d’eau qu’elle a pris sous son aile et qu’elle a soigné, tout comme les lépreux qu’elle considère comme des hommes « normaux »). Le côté magique de son personnage apparaît au fil du temps et on se dit que finalement cela lui permet d’être celle qu’elle veut être dans ce monde où on veut lui imposer son image.

HashtagCéline : Nous l’avons déjà évoqué plus haut, L’Estrange Malaventure de Mirella est adapté d’un conte, Le joueur de flûte de Hamelin. Pour ma part, cette revisite est une réussite. Et pour vous?

Isabelle : Je suis tout à fait d’accord, cette idée de revisiter ce conte célèbre des frères Grimm est géniale ! Le format du roman permet de donner de la chair à l’histoire et au décor, nous donnant ainsi un plaisir de lecture complètement différent. J’ai adoré le côté irrévérencieux. Flore Vesco prend des libertés avec le conte d’origine, en donnant le rôle principal à une jeune fille. Mais surtout, puisque les contes ont toujours une morale, il y en a bien une, mais concoctée à la sauce spéciale de l’autrice !

Bouma : Une réussite, bien évidemment ! Le conte n’est pas si connu en France par les ados (en tout cas de ceux que j’ai autour de moi). Peut-être est-ce l’occasion de leur faire découvrir, de titiller leur curiosité ? En tout cas, moi j’ai bien retrouvé les grandes lignes de l’histoire originale dont l’autrice s’empare pour mieux les détourner. Et c’est un vrai régal !

Pépita : Oui, une réussite ! Je ne peux m’empêcher de penser : mais comment Flore Vesco a-t-elle eu cette idée ?

HashtagCéline : En en discutant un peu autour de moi, j’ai eu des avis très enthousiastes. Cependant, certaines personnes ont émis une petite réserve sur la facilité à proposer ce roman à un lectorat adolescent. Qu’en pensez-vous ?

Bouma : Je pense que c’est le genre d’ouvrage qui mérite une véritable médiation car le sujet n’est pas forcément de ceux qui attirent l’attention des ados. Mais le bouche à oreille fonctionnant à merveille à cet âge, il devrait rapidement conquérir son public. Tout du moins je l’espère.

Isabelle : Pourquoi ces réserves ? Peut-être que le clin d’œil au conte pourrait donner à penser à certains ados que ce roman s’adresse à des lecteurs plus jeunes, mais je suis certaine que celles et ceux qui franchiront le pas seront emportés par le talent de conteuse et l’écriture réjouissante de Flore Vesco, mais aussi par le côté moderne dont nous avons déjà parlé. Il est finalement question de beaucoup de choses qui préoccupent encore les ados d’aujourd’hui, comme les transformations du corps à l’adolescence, l’obscurantisme, l’envie d’envoyer bouler le mythe du prince charmant et les formes de domination sociale et genrée. Je n’aurais donc aucune réserve à la recommander à un public adolescent, je l’ai même conseillé à plusieurs adultes !

Pépita : L’éternelle question ! Laissons donc les livres aller là où ils doivent aller… Ils trouvent leur public. Et pourquoi toujours se poser la question de l’adolescent ? Il est universel ce roman.

HashtagCéline : Quoi de mieux pour terminer cette lecture commune que laisser parler Flore Vesco ? Citez moi un passage qui vous a interpellées dans ce roman. Même si on est bien d’accord que ce n’est pas facile de choisir…

Isabelle : « Partout ailleurs dans le Saint Empire germanique, les incendies dévoraient des quartiers entiers une fois par mois, car les bâtisses en bois, entassées les unes contre les autres, s’enflammaient promptement.
Alors qu’à Hamelin, les incendies étaient tout aussi fréquents. Mais les habitants les éteignaient bien vitement, le bourgmestre ayant fait installer l’eau courant.
Cette eau courante était sans conteste l’invention dont le bourgmestre était le plus fier. Il avait eu l’idée voilà sept années. Pour cela, il avait nommé dix porteurs d’eau, choisis par les enfants trouvés d’Hamelin. »
mais aussi
 » Et le prêtre de raconter les vies et les exploits de saint Hilarion et sainte Rictrude, qui fatiguaient leurs bourreaux, pouvant passer des heures à endurer les coups de pique en gardant le sourire, soupirant d’aise lorsqu’on les rôtissait sur le grill, changeant eux-mêmes de côté afin que leur chair soit partout dorée et craquante. »

Bouma : « Au Moyen Âge, la nudité était fort commune. On prenait son bain en compagnie, on se dévêtait en famille ou devant moult domestiques. Pourtant, en dépit de la cohérence historique, Mirella se sentit rougissante et gênée.
– Mirella ! gria Gastun avec un grand sourire. Comment vous en va ?
Le jeune homme était fort aise, et bien riant de l’embarras de la jouvencelle. Sans la moindre clémence, il poursuivit ses ablutions. Puis il se tourna vers elle, les poings sur les hanches, dos au soleil pour se bien sécher, et entreprit de faire causette. »

HashtagCéline : « Pan venait d’entrer chez le chirurgien-barbier-arracheur de dents. Au Moyen-Age, n’importe quel quidam doté d’une solide membrature et de quelques notions d’anatomie pouvait se faire chirurgien. Le chirurgien d’Hamelin était fort réputé : il arrachait d’un coup les dents pourrissantes, savait extirper le poulain des entrailles d’une jument qui peinait à mettre bas et avait même, en une occasion, effectué une trépanation, creusant le crâne d’une femme folle à l’aide d’un énorme tourne-bouchon de son invention. Parfois, il rasait les hommes et leur coupait les cheveux. »

Pépita : « Mirella ferma les yeux et s’emplit les oreilles. Elle se sentit emportée par la musique, laquelle l’emmenait loin du bourg, de ses rues bruyantes et encombrées, de ses habitants hargneux, de la poigne de Guerric, des menaces de Lottchen. A l’abri des regards, elle se reprit à tournoyer, toute joyante de se laisser enfin aller, volant presque, tant ses pieds étaient légers. Son talon tambourinait sur le pavé, la vibration saisissait ses cuisses, entraînait ses hanches, faisait s’élever ses bras. Elle voltigeait au-dessus de Hamelin. »

 

Pour conclure, nous ne pouvons que vous recommander d’aller lire ce formidable roman de Flore Vesco dont nous n’avons pas fini d’entendre parler.

L’Estrange Malaventure de Mirella est d’ailleurs sélectionné pour le Prix Vendredi 2019 qui sera décerné le 14 octobre prochain.

Et pour finir de vous en convaincre, vous pouvez lire nos chroniques par ici :  Pépita, Bouma, Isabelle et HashtagCéline.

Lecture Commune : Jolene de Shaïne Cassim

Bouma : Jolene de Shaïne Cassim est mon COUP DE COEUR de ce deuxième trimestre 2012. Alors forcément j’ai eu envie de le partager, et forcément j’ai eu envie de connaître l’avis de mes comparses d’A l’ombre du grand arbre sur cette lecture. CélineNathan et Sophie-Hérisson ont décidé de relever le défi.

Jolene de Shaïne Cassim

L’École des Loisirs, collection Médium, 2012


Bouma : Aurélien, lycéen de son état, arbore fièrement le costume du cow-boy sans attache. Santiags aux pieds et harmonica dans la poche, il prend avec distance sa vie de tous les jours, même les difficultés.

Vous en pensez-quoi, vous, de ce héros ? D’ailleurs, peut-on le qualifier comme tel ?

Nathan : Aurélien … c’est le héros du livre, mais pour moi le terme héros n’est à prendre qu’au sens de personnage principal. Car il dégaine sa séduction comme un cow-boy avant de laisser tomber les filles comme des mouchoirs… Mais on sent pourtant qu’il y a quelque chose en lui qui se fragilise, surtout à partir de son histoire avec Oriane … Je m’y suis énormément attaché ! Il est très original et on n’en voit pas souvent des comme lui dans les livres. Santiags auxquelles il tient en effet et harmonica avec ses références musicales qui ne me disent rien mais qui rendent vivant le personnage. Il a laissé dans mon esprit une belle image d’un adolescent sorti d’un autre univers. On le verra évoluer et changer, pour, peut-être, devenir adulte …

Céline : Comme le présente Nathan et, malgré ce que pourrait laisser penser le titre, Aurélien, c’est le personnage principal de ce récit. Un jeune homme en décalage par rapport aux ados qui l’entourent, avec qui il ne partage pas les mêmes goûts en matière de musique ou de littérature. C’est aussi un héros de tous les jours car, mine de rien, tout ado qu’il est, il prend soin de son entourage : son petit frère, sa mère, sa sœur de cœur. Mais ce qui fait tout son intérêt, ce sont ses fêlures. Aurélien n’en finit pas de guérir de son enfance et rêve d’Absolu, un peu comme l’Aurélien d’Aragon, illustré sur la première de couverture. Il entretient une relation plutôt tendue avec un père qui part et qui revient et, avec les filles, c’est compliqué : il les séduit puis les jette ! Pourquoi tomber amoureux si c’est pour, de toute façon, finir malheureux comme ses parents ? Sa vie est loin d’être un long fleuve tranquille ! Bien au contraire, ce sont plutôt des montagnes russes et, à sa suite, on est entrainé dans des émotions extrêmes !

Sophie-Hérisson : Pour moi Aurélien est un vrai héros, de ceux qu’on ne voit que dans ces livres qui font écho au quotidien. Un jeune homme à part mais qu’on voit exister dans le livre, qu’on a envie de connaître et de rencontrer, avec ses défauts et ses faiblesses. Il est à lui seul le lien de toute l’histoire et une force incroyable.

 

Bouma : Sans en dévoiler trop sur l’histoire, je pense que l’on peut facilement dire que le roman se découpe en trois partie. Avant. Pendant. Et après Jolene. Car cette histoire est aussi celle d’une rencontre entre Aurélien, notre héros, et Jolene, une jeune femme d’origine américaine.

Qu’avez-vous pensez de cette histoire d’amour ? Vous a-t-elle paru crédible ? adaptée à notre époque ?

Céline : Oui, cette histoire est crédible et bien dans notre époque (même si – ne frappez pas trop fort – le fait qu’ils aient des relations sexuelles si jeunes (Aurélien a quoi ? 17 ans ! et n’en est pas à son coup d’essai, si j’ose dire !) m’interpelle un peu en tant que maman de deux grandes ados). Mais, en grande romantique que je suis aussi, le grand amour, c’est vrai, n’a pas d’âge ni d’époque ! Bref !
Cette histoire est aussi bien compliquée ! Tous deux, chacun de leur côté, ont un fameux passif et il leur faudra résoudre leurs conflits internes s’ils désirent donner un avenir à leur amour… En auront-ils l’occasion ?

Sophie-Hérisson : Une très belle histoire d’amour en effet mais bouleversée par la vie et l’histoire de chacun des deux personnages. Une histoire crédible même si elle est clairement décalée et atypique, c’est aussi en cela qu’elle fait rêver ! Contrairement à Céline par contre le fait que les personnages aient des relations sexuelles a leur âge m’a paru complètement naturel et normal…

Céline : En réalité Sophie, la relation Aurélien/Jolene m’a paru également couler de source, surtout que leurs sentiments sont réciproques et sincères. Par contre, ce qui m’a interpellé c’est le comportement d’Aurélien avant Jolene. J’aurais effectivement peur que mes filles tombent sur ce genre de gars qui séduit, consomme et puis jette sans ménagement, avec les conséquences parfois dramatiques que cela peut engendrer à cet âge (a fortiori quand il s’agit d’une première fois). D’ailleurs, Oriane, la dernière « victime » d’Aurélien aura bien du mal à s’en remettre… Mais, tu as raison, chacun doit vivre ses expériences, bonnes ou mauvaises, n’en déplaise à la maman poule que je suis ! Que l’auteure aborde ces questions (et d’autres dont on aura sans doute l’occasion de parler) sans tabou dans un livre jeunesse est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles j’ai particulièrement apprécié ce titre !

Bouma  : J’ai vraiment aimé le personnage d’Aurélien avant Jolene. Son côté je me fous de tout, de la famille, des filles, des cours… Il est imbuvable mais j’y ai trouvé un certain réalisme. La pensée adolescente (pour certains, ne faisons de généralité) peut aussi amener à ce genre de comportement.

Sophie-Hérisson : Moi aussi le personnage d’Aurélien avant Jolene m’a totalement séduite, c’est ce comportement et ses sentiments vis à vis de ce qu’il faisait qui m’a fait dévorer ce roman. Jolene par contre n’est clairement pas un personnage que j’ai aimé.

Nathan : La relation entre nos deux protagonistes est réaliste. Pareil pour les relations sexuelles, ça ne m’a pas du tout choqué … et puis mon âme de romantique a été séduite, un tel amour m’a fait rêver ! Un amour naturel, simple et beau.
Pour les personnages, j’ai en effet beaucoup aimé Aurélien qui est un peu libre comme la musique. Il donnait une belle image. Jolene c’est pareil, l’auteur a su bien construire ses personnages. Elle, c’est plutôt un chat, sauvage, féline, libre aussi, tempétueuse, qui ne se laisse pas marcher sur les pieds mais tout ça avec une aura fragile et touchante.

Bouma  : La musique joue selon moi un rôle à part entière dans ce roman. Le titre Jolene est évidemment une chanson de Ray Lamontagne, chanteur blues américain que je connaissais déjà avant cette lecture et dont il est plusieurs fois questions dans le roman.

Selon vous, quelle importance revêt la musique dans ce livre ? Connaissiez vous les références musicales citées par Shaïne Cassim ? Cela vous a-t-il gêné dans votre lecture ?

Céline : Oui, tu as raison Bouma, le blues est le troisième personnage de ce récit. C’est grâce à la musique qu’Aurélien et Jolene survivent à leurs bleus à l’âme. C’est également le trait d’union qui va les réunir. Pour les références musicales, j’en connaissais certaines, d’autres non… Mais, pas de problème, cela m’a donné envie de les découvrir ! Et la balade valait franchement la peine. J’espère sincèrement que les jeunes lecteurs, peu familiers de ce genre musical, auront la curiosité d’écouter ces morceaux qui font partie du patrimoine mondial…

Sophie-Hérisson : Cette relation avec la musique est très importante et j’avoue ne connaître que peu des références du roman, mais cela ne m’a pas du tout gênée, c’est plus une incitation à aller écouter ces morceaux, à prolonger un peu cette parenthèse !

Nathan : Personnellement je ne connaissais aucune référence musicale… Mais c’est vrai que j’aimerais beaucoup les découvrir ! Et cela n’a pas du tout gêné ma lecture. Les références rendent le roman crédible et plus vivant ! La musique a en effet une place très importante et donne au livre une âme musicale qui prend part dans la virtuosité sentimentale qui allie nos deux protagonistes principaux …

Bouma  : Si maintenant je vous demandais de décrire ce livre en 3 mots (et seulement trois) ? Cela peut être vos impressions mais aussi une thématique…

Céline : Passion. Fêlures. Blues…

Sophie-Hérisson : Amour. Famille. Parenthèse.

Nathan : Bouleversant. Chagrin. Vie

Bouma  : et moi je rajouterais Musique. Créativité. Absence.

Venons-en aux dernières questions : Quel(s) souvenir(s) garderez-vous de cette lecture ? Il s’agit d’un coup de cœur pour moi et pour vous ?

Céline : Le souvenir d’une lecture forte (bien loin des historiettes à l’eau de rose qui fleurissent pour le moment). On rit, on pleure, on s’émeut, on se révolte, on se souvient aussi – de sa propre adolescence et de sa propre quête d’Absolu… Un récit lu d’une traite, sans temps mort qui, rythmé par la musique, vous conte la vie et ses hauts et bas… Un coup de cœur ? Certainement !

Nathan : Un coup de cœur aussi ! Une lecture bouleversante, qui m’a totalement chamboulé d’émotion et renversé de surprise. Une magnifique, vivante, dynamique et, bien sûr, musicale histoire d’amour !

Sophie-Hérisson : Un roman poignant dont les personnages continueront de me hanter ! Un roman que je vais conseiller aussi, mais étrangement peut être plus à des collègues et amis qu’à des élèves… Un presque coup de cœur pour moi cependant, car la dernière partie m’a déçue !

Bouma  :  Je rajoute donc une dernière question suite à la réponse de Sophie. La dernière partie de ce roman t’a déçue. En quoi ? Céline, Nathan, est-ce le cas pour vous aussi ?

Nathan : Personnellement elle m’a un peu moins plu aussi. Le début est émouvant, la suite sympa mais ce qui ne m’a pas trop plu c’est la fin. Je ne peux pas en parler sans dire de spoilers mais je ne l’ai pas trouvé bien amenée et le nouveau personnage qui apparaît (personnage féminin) ne m’a pas trop charmé ! En fait pour résumer, cette dernière partie m’a plu mais la fin pas autant que je l’espérais

Céline : C’est vrai qu’après le tournant fatidique du roman, le héros, comme le lecteur, doit péniblement se relever… C’est loin d’être évident, la chute a été dure. Pourtant, pour ma part, j’ai trouvé que la fin s’inscrivait dans la suite logique du long processus de guérison par lequel il doit impérativement passer. La vie reprend peu à peu ses droits, le personnage doit aller de l’avant même si rien ne sera jamais pareil… Comme le conclut Aurélien : « Ce n’est pas de l’amour, c’est entre la tendresse et le désir. C’est déjà ça, je me dis. » J’ai apprécié que l’auteure nous laisse avec cette petite note d’espoir…

Sophie-Hérisson : En effet cette fin était logique, mais pas à la hauteur de mon plaisir lors du reste du roman.

Bouma  : Même cette dernière partie m’a conquise. Comme Céline, j’y ai retrouvé la difficile reconstruction de soi suite à l’absence.

En tout cas, je vous remercie tous les trois d’avoir bien voulu me suivre dans cette lecture. Et je suis hypra méga top contente qu’elle vous ait autant plu qu’à moi.

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Pour aller un peu plus loin et si vous voulez en découvrir un peu plus sur cette lecture, l’auteur et son univers, nous vous proposons :

– les  avis de Céline de Qu’importe le flacon pourvu qu’on est l’ivresse, de Nathan du Cahier de lecture de Nathan et de moi-même sur Un Petit Bout de Bib sur ce titre

– Le génial billet de Céline contenant la playlist d’Aurélien (à découvrir et écouter absolument)

– Sophie-Hérisson de Délivrer des livres nous propose un autre titre de l’auteur Ne pas tout dire.

– le site internet officiel de Ray Lamontagne

et je ne résiste pas à la tentation de vous mettre une autre petite vidéo de Ray Lamontagne qui a signé un magnifique duo avec Damien Rice sur le plateau de Taratata